Modernisation de la cession de créance par la réforme
du droit des contrats
01/03/2016
En réformant la cession de créance, l'ordonnance du 10 février 2016 tend à ce que le code civil
redevienne le droit commun en la matière.
La circulation des créances constitue une partie non négligeable de l'économie moderne. Elle relève de
l'activité quotidienne des professionnels de l'argent et du crédit. Les professionnels ont un besoin impératif
d'efficacité, de sécurité et de rapidité.
Le constat est que les textes du code civil ne répondent pas assez à ces impératifs. Pour y remédier, des
régimes particuliers ont été mis en place, dans des lois spéciales puis dans d'autres codes (ex : cession
Dailly de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 codifiée dans le code monétaire et financier aux articles L. 313-23
et s.). L'idée est donc de rénover le code civil afin qu'il constitue la base légale du commerce juridique en
matière de créance.
L'ordonnance du 10 février 2016 modernise ainsi le régime de la cession de créance. Elle tente de
répondre aux vœux des acteurs économiques en facilitant la transmissibilité des obligations.
Ainsi, l'ordonnance ne conçoit plus la cession de créance (C. civ., art. 1321 à 1326) comme une variété de
la vente mais la déplace dans le champ du régime de l'obligation. La cession peut porter sur tout type
d'obligations.
► Les nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2016.
Définition, champ d'application et forme de la cession de créance
La cession de créance est un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit,
tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire (C. civ., art. 1321).
Confirmant la jurisprudence (Cass. civ.1er, 20 mars, 2001 n° 99-14982 P), l'ordonnance du 10 février 2016
précise que la cession de créance peut porter sur une ou plusieurs créances présentes ou futures,
déterminées ou déterminables. Cela permettra de transmettre en toute sécurité « les flux de créances »
(H. Synvet in Rapp. Catala).
La cession s'étend aux accessoires de la créance. Il s'agit là aussi d'une consécration de la jurisprudence
(Cass. 1er civ., 10 janv. 2006 n° 03-17839 P).
Le consentement du débiteur n'est pas requis, à moins que la créance ait été stipulée incessible.
Désormais, pour constater la cession, il faut un écrit. A défaut la cession de créance est nulle (C. civ., art.
1322). La cession de créance devient donc un contrat solennel (A. Posez, Analyse de l'avant- projet
d'ordonnance, févr. 2015).
Opposabilité de la cession de créance et des exceptions
Le transfert de la créance s'opère entre les parties à la date de l'acte. Il est opposable aux tiers dès ce
moment (C. civ., art. 1323). L'ordonnance aligne le régime de la cession de créance de droit commun sur
celui du nantissement de créance, de la cession de créance réalisée dans le cadre d'une fiducie et de la
cession de créance professionnelle dite Dailly. La date de l'acte constitue une règle de preuve empêchant
le risque d'antidate.
Le texte prévoit également une disposition spécifique pour la cession de créance future, qui n'opère quant
à elle qu'au jour de la naissance de la créance, tant entre les parties que vis-à-vis des tiers (C. civ., art.
1323).
► La signification par huissier ou l'acceptation par acte authentique prévues à l'ancien article 1690 du
code civil pour être opposable ont été supprimées. Ces formalités étaient considérées par les praticiens
comme étant trop lourde. A défaut de signification, la cession de créance doit avoir été notifiée au
débiteur ou il doit en avoir pris acte (C. civ., art. 1324). Il a été opposé que ce nouveau formalisme
constituait un contrepoint à la disparition de la signification comme condition d'opposabilité.
L'ordonnance distingue les exceptions inhérentes à la dette et celles nées des rapports du débiteur avec le
cédant avant que la cession lui soit opposable (C. civ., art. 1324 alinéa 2). Le débiteur peut opposer au
cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l'exception d'inexécution (Cass.
com., 12 janv. 2012 n° 08-22000 P), la résolution ou la compensation des dettes connexes. Il peut
également opposer les exceptions nées de ses rapports avec le cédant avant que la cession lui soit
devenue opposable, telles que l'octroi d'un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non
connexes.
Conflit de cessionnaires
Dans le but de sécuriser les échanges, l'ordonnance du 10 février 2016 consacre la théorie de l'apparence.
Le concours entre cessionnaires successifs d'une créance se résout en faveur du premier en date. Ce
dernier dispose d'un recours contre celui auquel le débiteur aurait fait un paiement (C. civ., art. 1325). La
possibilité que le deuxième cessionnaire soit de bonne foi est écartée.
Olfa René-Bazin
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