travail bulles

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Rôle de la spéculation, des « bulles » et du
« short selling »
ECON M831
Financement de l’entreprise, Risque et Rôle des Banques
Professeur : Alain de Crombrugghe
Rédacteurs : Justine Devos et Johann Antoine
Master 120 en Sciences Economiques
Orientation Générale - Finalité Spécialisée
ANNEE ACADEMIQUE 2010-2011
Economics School of Louvain/UCL • Place Montesquieu 3 • 1348 Louvain-la-Neuve
Economics School of Louvain/FUNDP • Rempart de la Vierge 8 • 5000 Namur Table des matières : 1. Introduction ……………………………………………………………………………………….p.3 2. Section 1 : Fondements théoriques …………………………………………………...p.5 a. La spéculation……………………………………………………………………………p.5 i. Définition…………………………………………………………………………p.5 ii. Deux types de spéculation……………………………………………….p.5 b. Les bulles…………………………………………………………………………………..p.6 i. Définition…………………………………………………………………………p.6 ii. Hausse de marché ou bulle……………………………………………..p.6 iii. Types de bulles…………………………………………………………….....p.7 iv. Historique………………………………………………………………………..p.8 c. Les ventes à découvert…………………………………………………….………p.10 i. Avantages et inconvénients……………………………………………p.11 3. Section 2 : Partie technique………………………………………………………………p.12 a. La spéculation…………………………………………………………………………p.12 b. Les bulles………………………………………………………………………………..p.15 c. Les ventes à découvert……………………………………………………………p.18 4. Section 3 : Contrôle et régulation……………………………………………………..p.20 5. Conclusion………………………………………………………………………………………..p.23 6. Bibliographie…………………………………………………………………………………….p.24 2
Introduction Pour ceux qui ont un peu suivi l’actualité de ces dernières années, quand les médias parlent de « LA CRISE » nous aurons remarqué que ceux-­‐ci n’ont plus en tête le fameux jeudi noir de 1929. En effet, depuis peux ce dernier a malheureusement été remplacé par le lundi noir de 2008. Date à laquelle le monde entier semblait être surpris de l’annonce d’une grave crise financière dont les conséquences sont celles que nous avons encore trop bien en mémoire. Pour dire vrai, le processus couvait depuis un certain temps et l’éclatement de la bulle n’a été que l’effet de trop plain de cette bulle. Au regard des crises que l’on a connu durant ces quelques décennies, on pouvait dès lors s’attendre à une crise mondiale beaucoup plus grave que les précédentes. Malgré tous ces signaux assez alarmant, surtout quand on en fait la rétrospective, les politiques économiques ont continué à se fonder sur les théories que l’on peut qualifier de néolibérales. Ces théories monétaristes qui sont chères au très célèbre économiste Milton Friedman, outre le fait qu’elles privilégient la monnaie comme dynamique économique, recommandent la non intervention de l’État dans la régulation de la masse monétaire. C’est dans ce contexte scientifique qu’a évolué le système financier international et de façon générale, l’économie mondiale depuis les années 80. Tout ceci a donc été un environnement propice au développement de la finance qui est devenue de plus en plus envahissante. Nous en somme arrivés à un point, tel que une chute d’une ampleur assez important des bourses peut de nos jours avoir des effets en cascade considérables sur toute notre économie. En partant de la consommation des ménages en raison de l’importance qu’ont acquise les valeurs mobilières dans leur épargne, jusqu’à l’investissement et la gestion des entreprises qui sont désormais soumise à la valeur actionnariale. Les transformations internationales induites par la finance sont également décisives. Afin de mieux penser ces transformations, il est préférable de ne plus voir la finance comme un acteur neutre qui aurait pour seule fonction de calculer et de rendre publiques des valeurs qui lui préexistent. Cette approche est selon nous inappropriée. 3
Pour parvenir à une meilleure compréhension, de tous ces mécanismes ainsi que leurs conséquences, nous avons découpé ce travail en plusieurs parties dans lesquelles nous nous concentrerons principalement sur la spéculation, les bulles et les ventes à découvert. La première partie va tenter de retracer l’historique des événements important tels que les bulles et la spéculation. La deuxième sera plus technique car on va essayer de comprendre les effets et les rôles que ces termes ont quand on parle de crise financière. La troisième abordera la question du contrôle et la régulation des facteurs qui selon nous ont joués un rôle majeur dans la crise que nous avons connue. Finalement, comme cela se doit, nous tâcherons de faire une conclusion. 4
Section 1 : Fondements théoriques. 1. La spéculation Définition : La spéculation est une activité commerciale ou financière qui consiste à acheter des produits, des actifs immobiliers, des collections ou un contrat dérivé et d’en tirer des bénéfices via les fluctuations du marché. Si les prix évoluent dans la direction que l’on avait prédite, on en retire un bénéfice. lnversément, si les prix évoluent dans la direction inverse, on occasionne une perte, cette perte constitue le risque de la spéculation. Une catégorie d’instruments financiers plus spécifiques comme les contrats à terme et les produits dérivés permettent la spéculation de grands montants monétaires alors que l’on ne dispose que d’une petite somme d’argent au départ. Ces mêmes instruments mettent en vente des biens dont on ne dispose pas encore et qu’il faudra dés lors racheter afin des les fournir. La spéculation permet la « couverture de risque » qui est l’opération via laquelle les agents transfèrent leurs risques au spéculateur afin de se couvrir. Elle est d’ailleurs tout particulièrement nécessaire pour les entreprises car cela leur permet de s’assurer contre les conséquences des variations de prix, de devises ou de taux d’intérêt. En plus de cela, la spéculation permet de réduire les distorsions qui peuvent surgir sur le marché. Il existe une multitude de spéculateurs dont les principaux sont les organismes financiers et les banques. Deux types de spéculation : Il y a deux types de spéculation, la spéculation positive et la spéculation négative. La spéculation positive permet de contribuer à l’investissement des entreprises et cela permet 5
aussi l’augmentation de la liquidité des marchés sur lesquels ils sont actifs. De plus, l’activité des spéculateurs permet à certains biens de retomber à leur juste valeur ou à leur juste prix. La spéculation que l’on qualifie comme étant négative est la spéculation qui ne tient pas compte des analyses fondamentales. C’est le cas de la « bandwagon speculation », c’est le terme employé pour des agents qui sont soit optimistes, soit pessimiste. Leurs actions vont entrainer un mouvement de masse ainsi que de la volatilité sur le marché. La réduction de cette volatilité demande beaucoup de moyens au market maker et n’est pas toujours facile à corriger. 2. Les bulles Définition : Alors que les actifs financiers doivent représenter la valeur de l’entreprise, il se peut qu’il existe un écart important et soutenu entre le prix d’un actif et sa valeur fondamentale, il s’agit donc d’une surestimation de l’actif financier. C’est ce qui constitue le phénomène des « bulles ». Les bulles sont souvent causées par la combinaison de différents facteurs. Parmi ces facteurs, il y a le mimétisme collectif, l’apparition de conditions macroéconomiques qui forment le lancement du mouvement et parfois il y a aussi des mythes comme par exemple le mythe du « golden boy ». On considère qu’une bulle existe lorsque « le raisonnement d’arbitrage entre les différents actifs ne s’applique plus et où la logique de formation des prix devient essentiellement autoréférentielle »1 Hausse de marché ou bulle ? La différence entre une hausse des marchés et une bulle spéculative, appelée aussi bulle financière ou boursière, est que la bulle ne permet plus la valorisation économique des actifs selon les logiques habituelles. 1
Bulles Spéculatives : Prophylaxie et thérapeutique, A. MOKHEFI et M.AMRANI 6
Lorsqu’une bulle spéculative s’effondre, on assiste à l’effondrement des cours boursiers sur un secteur particulier. Cependant, une bulle spéculative ne mène pas forcément à une crise financière telle que celle que nous avons récemment connue. Le passage de la bulle à la crise financière peut survenir suite à la concordance des marchés mais aussi suite à l’importance du secteur visé par la bulle. Types de bulles : On peut distinguer deux types de bulles, les bulles rationnelles et les bulles irrationnelles : -­‐
Les bulles rationnelles : Pour ce type de bulles, on formule l’hypothèse que les agents adoptent un comportement rationnel. Ces bulles sont alors formées par l’indétermination des prix sur le marché c'est-­‐à-­‐dire que les opérateurs achètent l’actif à un prix supérieur à la valeur fondamentale de l’actif s’ils s’attendent à le revendre à un prix plus élevé par après. Cette demande des opérateurs implique une augmentation des cours. En général, les opérateurs ne connaissent pas l’existence de la bulle jusqu’à ce qu’elle éclate puisqu’elle dépend du prix fondamental de l’actif qui inclut lui-­‐même des anticipations2 -­‐
Les bulles irrationnelles : Ce type de bulle est induit par des opérateurs qui sont supposés irrationnels et par l’asymétrie de l’information. Ces opérateurs que l’on appelle également des « noise traders » réagissent à des pseudo-­‐signaux et ne s’appuient donc pas sur des données fondamentales pour établir leurs choix d’investissement. La différence entre le cours de l’action et la valeur fondamentale s’explique ici par le fait que les noise traders forment des anticipations sur les prix qui sont biaisées à la hausse. Ce biais est aléatoire et il introduit dés lors le concept du risque. Ces opérateurs ont souvent tendance à sur réagir aux nouvelles informations, ce qui cause d’importants mouvements sur le prix des actifs concernés. De plus, le comportement de mimétisme de ces opérateurs conduit aux bulles spéculatives puisqu’ils augmentent de façon impressionnante et durable le prix de l’actif. 2
Prix de l’action= Prix anticipé pour N+1 + Dividende anticipé pour N+1
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Historique : Nous allons juste survoler quelques une des bulles spéculatives les plus connues : -­‐
1637, la tulipomanie, Hollande : les bulbes de tulipe ont commencé à faire l’objet de spéculation par des amateurs sans expérience du jardinage. Les bulbes de tulipe n’étaient pas des biens échangés sur un marché national hautement régulé. Chaque ville avait son propre marché et les échangent se faisaient sans règles concrètes et sans garanties de dépôt. Plus les bulbes sont populaires et plus les horticulteurs sont prêts à payer cher. Avec l’augmentation du prix, plus personne ne put s’acheter de bulbes et la spéculation commença. Suite à des rumeurs, le cours du bulbe s’effondra. Evolution de l’indice des prix des tulipes entre novembre 1636 et mai 1637 3: -­‐
1929, krach boursier de Wall Street: le krach résulte d’une bulle spéculative qui a commencé en 1927. La bulle a été amplifiée par l’apparition du système d’achat d’actions à crédit. Le taux d’emprunt est fonction du taux d’intérêt à court terme. Lorsque les titres comment à perdre de leur valeur, les courtiers font un appel à la marge et exigent donc de leur client une couverture plus importante. Etant 3
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Tulipomanie 8
donné que le client s’est engagé au maximum de ses possibilité, il doit vendre massivement ses titres sur le marché ce qui accentue la chute de valeur4. -­‐
1990, la bulle internet : les spéculateurs sont convaincus qu’internet constitue l’une des avancées les plus importantes et sont persuadés que les entreprises devront investir en technologies de plus en plus complexes et avoir un système de vente adapté pour internet. A cette époque, on considérait que tout allait être possible avec internet. Dés lors, des start-­‐up fondée par de jeunes entrepreneurs émergent notamment grâce aux stock options qui permettent de verser des salaires beaucoup plus faibles en laissant espérer une prochaine introduction en bourse5. Les actions se portaient bien jusqu’au jour où l’on a commencé à pronostiquer des faillites d’entreprises. La prudence est apparue et les investisseurs ont commencé à vendre leurs actions. La bulle n’a éclaté qu’en 2000, ce qui a donc laissé environ dix années à la bulle pour se développer, la chute n’en fut dés lors que plus rude. -­‐
2008, crise des subprimes : suite au 11 septembre 2001 la réserve fédérale à diminuer son taux d’intérêt à 1% de sorte à garder l’économie forte suite aux attaques subies par le pays. Ce taux d’intérêt entraîne deux effets. D’une part, ce taux permet aux banques d’emprunter à la réserve fédérale à faible coût. Dés lors, les banques voient une hausse de la demande de crédit. D’autre part, les investisseurs génèrent moins de profit étant donné que le rendement sur 4
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La bourse, temple de la spéculation ou marché financier ? B. Bellante Le krach parfait, Ignacio Ramonet
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investissement est plus faible. Les banques octroient des crédits aux ménages et vendent ces hypothèques à des organismes financiers qui eux même les vendent aux investisseurs. Vu que les investisseurs étaient demandeurs de ce type de produits, les banques ont fournit de plus en plus de crédit à des personnes n’apportaient pas toujours les garanties nécessaires. Si l’emprunteur faisait défaut, la banque saisissait la maison et réalisait ainsi une plus-­‐value. A cette époque, le marché de l’immobilier était fleurissant et les valeurs immobilières ne cessaient de grimper. Lorsque les emprunteurs n’ont plus été en mesure de payer leur hypothèque, notamment suite à la hausse du taux d’intérêt qui a entraîné une révision de celle-­‐ci, les banques ont saisi les maisons. Etant donné que l’offre était supérieure à la demande, le prix des valeurs immobilières à commencé à chuter, c’est l’éclatement de la bulle de crédit. Le short-­‐selling Le short-­‐selling ou la vente à découvert est l’action qui consiste à vendre au comptant des titres que l’on ne possède pas. Pour ce faire, la personne qui désire vendre à découvert va emprunter des titres auprès d’un investisseur pour une période définie. L’emprunteur vend les titres et espère ensuite que le prix de ceux-­‐ci diminue puisqu’il doit les racheter pour les rendre à l’investisseur qui lui a emprunté. Lors d’une vente à découvert, le schéma est donc inversé et le gain de l’emprunteur dépend de la diminution du prix des titres qu’il doit acheter afin de pouvoir les rendre à l’investisseur. Le short-­‐selling ou la vente à découvert est l’action qui consiste à vendre au comptant des titres que l’on ne possède pas. Pour ce faire, la personne qui désire vendre à découvert va emprunter des titres auprès d’un investisseur pour une période définie. L’emprunteur vend les titres et espère ensuite que le prix de ceux-­‐ci diminue puisqu’il doit les racheter pour les rendre à l’investisseur qui lui a emprunté. 10
Lors d’une vente à découvert, le schéma est donc inversé et le gain de l’emprunteur dépend de la diminution du prix des titres qu’il doit acheter afin de pouvoir les rendre à l’investisseur. Avantages et inconvénients : Cet outil permet à l’investisseur d’intervenir sur des valeurs qu’il n’a pas en portefeuille. De plus, elle permet aux agents de prendre des positions sur des titres sans avoir l’obligation de les posséder, ce qui a pour effet d’augmenter la liquidité du marché6. De plus, la vente à découvert constitue un système d’alerte sur un titre en cas de défiance. L’inconvénient majeur de ce type de mécanisme est le risque qu’il comporte. En effet, il n’y a pas, théoriquement, de limite à la hausse des prix. La vente à découvert comporte également un inconvénient quant au fait qu’elle permet de spéculer à la baisse, ce qui a pour effet l’effondrement du cours du titre. De plus, la vente à découvert donne des incitants à émettre de fausses rumeurs sur le marché afin de faire chuter le prix des actions. Ce type d’inconvénient peut tout de même être encadré par l’obligation pour les investisseurs de publier leur position. 6
http://www.lafinancepourtous.com/Vente-a-decouvert.html#
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Section 2 : Partie Technique Dans cette partie, nous allons tenter d’entrer plus en profondeur dans les principes de fonctionnement des différents points de notre sujet que sont la spéculation, les bulles et les short-­‐selling ou ventes à découvert en français. La spéculation Comme la définition le dit si bien, le spéculateur est une personne qui prend une position sur un marché afin de profiter d’une anticipation de mouvement de prix. Vu de la sorte, on comprend vite pourquoi depuis toujours, la presse et en particulier les hommes politiques véhiculent l’idée selon laquelle, la spéculation est à l’origine des crises financières. Si l’on adopte cette définition, la spéculation devient une activité extrêmement répandue, à un point tel que même les actifs réputés sûrs comme par exemple les obligations d’État comportent un risque de prix. En effet, on ne peut prévoir à l’avance le taux d’inflation entre le moment de l’achat et le moment de la vente des dites obligations. Sous cet angle, tout épargnant peut être considéré comme spéculateur. Pour certaines personnes toutefois le spéculateur joue un rôle d’équilibre7 voir même de régulation du marché. La question que l’on est alors en droit de se poser est de savoir s’il faut vraiment condamner la spéculation. La réponse fournie par les économistes à cette question est comme à leur habitude, divergente. D’une part la spéculation serait déstabilisante et susceptible de conduire l’économie réelle sur des sentiers non optimaux, ce qui signifie qu’elle l’empêcherait d’atteindre le plus haut niveau de croissance et d’emploi possible. D’autre part, les spéculateurs ne font qu’acheter des risques dont d’autres acteurs économiques cherchent à se débarrasser. Comme toute transaction économique comporte un certain niveau de risque, les spéculateurs sont alors nécessaires à partir du moment où 7
Milton Friedman quand à lui prétend que la spéculation est stabilisatrice car seuls les acheteur qui achètent bas
et vendent haut gagnent de l’argent à long terme.
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différentes parties qui prennent part à l’échange, ont des niveaux d’aversion aux risques différents. Un marché qui illustre assez bien ce débat est celui des produits dérivés. Comme nous le savons, le principe même du produit dérivé est de fixer aujourd’hui le prix futur d’un sous-­‐jacent. Celui-­‐ci peut être une matière première mais aussi un taux d’intérêt, une devise, une action, etc. Les principaux instruments dérivés sont toutefois les contrats à terme, les options et les swaps. On constate alors que l’objectif de ces marchés est de permettre de se couvrir contre un risque de prix. Mais il est claire aussi que l’on donne la accès à de la spéculation qui peut être extrêmement profitable tout comme elle peut amener de très lourdes pertes. Autre chose est de savoir si, en spéculant, les spéculateurs déstabilisent les marchés sur lesquels ils opèrent. Les défenseurs de marchés dérivés affirment que la spéculation est nécessaire pour que ces derniers remplissent correctement leur fonction de couverture. Leur argumentation est la suivante. Penser qu’à tout instant les offres de couverture contre la baisse soient équivalentes aux demandes de couverture contre la hausse est tout simplement inimaginable. Pour illustrer, prenons le cas d’industriels opérant sur un marché à terme de matières premières qui anticipent collectivement une baisse de prix. Si la proportion d’industriels anticipant la même chose est assez importante, le prix des contrats de couverture permettant de s’assurer contre la baisse chutera extrêmement bas. L’intervention des spéculateurs, qui vont acheter ces contrats à partir du moment où ils ont chuté en dessous de leur propre anticipation, joue un rôle stabilisateur. En achetant le risque auquel les vendeurs ne veulent pas faire face, la spéculation fait que les prix ne reflètent plus uniquement les anticipations des acteurs concernés mais celles d’un ensemble beaucoup plus large. À l’opposé, si des spéculateurs parient massivement à la hausse du prix, les prix à terme vont monter. Par conséquent, les prix au comptant vont aussi monter sans aucune justification au niveau du marché de la marchandise. Dans ce cas, la spéculation introduit une certaine volatilité des prix qui est parfaitement artificielle. 13
Cependant, au moins sur les marchés de matières premières, les experts affirment que l’économie réelle finit toujours par imposer sa loi en exerçant des forces de rappel. Sur le marché des changes par contre c’est une tout autre histoire car la notion du “réel” n’existe pas. Les années 90 regorgent d’exemples concernant les monnaies, où la spéculation a joué un rôle incontestable. Citons-­‐en quelques uns tels que la sortie de la livre du Système Monétaire Européen en 1992, la tentative de faire décrocher le franc du Mark en 1993, la crise des monnaies asiatiques en 1997 et plus récemment de la monnaie argentine. Tout ceci a fait évoluer la théorie des crises de change et du rôle qu’y joue la spéculation. L’élément déclencheur principal a été la crise asiatique. C’est là que les experts on du admettre que la spéculation pouvait jouer un rôle beaucoup plus important en déclenchant des “anticipations auto-­‐réalisatrices” et que les équilibres de marché pouvaient être multiples. Prétendre que les spéculateurs ne sont que les détecteurs avancés de déséquilibres devient alors plutôt difficile. En revanche, en spéculant à la hausse ou à la baisse ils peuvent provoquer un basculement des anticipations d’un grand nombre d’acteurs. Si cette anticipation moyenne bascule, elle devient auto-­‐réalisatrice et toute une économie peut passer d’un état à un autre. La question posée à l’origine, à savoir s’il faut ou non condamner la spéculation ne pouvant pas être répondue par oui ou par non, il nous faut nuancer. Dès lors que l’on reconnait que le fonctionnement des marchés peut conduire à moultes équilibres, la spéculation ne peut plus être vue comme une activité générant un peu de volatilité. Celle-­‐
ci est en effet capable de mettre une économie en récession ou en croissance. Prétendre alors la supprimer, c’est faire preuve d’un manque de compréhension de son origine. À savoir que dans une économie de marché elle est inévitable puisque l’avenir est incertain. La solution serait alors à concevoir du côté de régulations spécifiques qui permettent d’en limiter les dégâts. 14
Les bulles Selon l’approche théorique, une bulle provient d’une dissociation qui peut être momentanée ou non, entre la valeur d’un titre et son sous-­‐jacent. On parle alors de bulle car tels des bulles de savon, les cours boursiers gonflent rapidement et celui-­‐ci est rarement attribué à des changements profonds dans la structure de l’actif. Ce qui nous intéresse, c’est la raison d’un tel gonflement. Il existe à ce propos différentes théories telles que l’emballement des marchés par rapport à des informations plus ou moins pertinentes, ou bien simplement la possibilité de manipulations des cours par certaines personnes ou institutions. Selon ce dernier argument, l’explosion des bulles n’est alors que simple réajustement des cours boursier à leur vraie valeur. Cette vision peut dès lors paraître légèrement simpliste car premièrement l’écart entre le cours de bourse et la valeur de l’actif ne va pas systématiquement causer un emballement des cours. Finalement, toute tendance à la hausse aussi forte soit-­‐elle ne finit pas obligatoirement par un effondrement du cours qui causerait la faillite de l’entreprise. Nous en voulons pour preuve que lors de l’éclatement de la bulle internet, toutes les entreprises actives dans le secteur n’ont pas fait faillite. Ce faisant, il nous faut dès lors faire la distinction entre d’une part les bulles intuitives qui décrivent les mouvements d’éclatements brusques et d’autre part les bulles modélisées par les théoriciens8. Afin de montrer que les bulles ne sont pas nécessairement le résultat d’inefficience dans le marché, nous allons présenter un modèle de bulles spéculatives rationnelles9. Tout d’abord définissons un prix pt et un dividende dt à la date t. À la notion d’efficience on associe souvent le terme équilibre qui va s’établir lorsque l’on impose l’égalité entre le return attendu et le return exigé par le marché. On défini le return attendu comme: r’t+1/t = (p’t+1/t + d’t+1/t -­‐pt)/pt Le return exigé étant: r Le prix de l’action quand à lui, vérifie l’égalité entre return attendu et return exigé: 8
ChapII in Efficience des marchée, Concepts, bulles spéculatives et images comptables, Bruno
Colmant, Roland Gillet et Ariane Szafarz
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Modèle présenté dans le chapitre 2 du livre intitulé: “Efficience des marchés”, Cahiers financiers
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r = (p’t+1/t + d’t+1/t -­‐pt)/pt (1.1) Faisant l’hypothèse d’utilisation optimale de l’information lors de l’établissement des anticipations de prix et dividendes futurs, on peut écrire: p’t+1/t = E[pt+1/t|It] et d’t+1/t = E[dt+1/t|It] (I représente l’ensemble d’information) En tenant compte de cette dernière information, on peut réécrire l’équation 1.1 de la manière suivante, pt = (E[pt+1/t + dt+1/t|It])/(1+r) (1.2) Cette équation égalise le prix présent avec l’actualisation des anticipations du prix et du dividende future. Cela étant, il n’y a aucun intérêt pour un investisseur d’acheter le titre en t et de le revendre simplement en t+1 car le gain en serait nul. Toute transaction sur ce titre est alors juste dans le sens où aucune partie à la transaction ne bénéficie d’un bénéfice anormal anticipé. Nous tenons tout de même à signaler que ceci est valable pour chaque titre pris de manière individuel. Il ne faut alors pas exclure le fait que sur un marché certains titres puissent être efficient et d’autres non. La notion de bulle spéculative rationnelle résulte dans ce modèle de la résolution de l’équation (1.2). La méthode que nous allons utiliser ici est celle de substitutions successives car c’est à celle-­‐ci que la littérature économique semble accorder un statut privilégié. pt = E[pt+1|It] / (1+r) + E[dt+1|It] / (1+r) ó pt = {E[((E[pt+2|It+1] / (1+r))+(E[dt+2|It+1] / (1+r))]/ (1+r)) |It}+ E[dt+1|It] / (1+r) ó pt = (E[pt+2|It] / (1+r)2) + (E[dt+2|It] / (1+r)2) + (E[dt+1|It] / (1+r)) La solution dite “fondamentale” s’écrit alors: pft = ∑∞i=1 (1/(1+r)i)E[dt+i|It] (1.3) 16
Cette solution nous montre alors que le prix se laisse définir comme étant fonction de l’anticipation des dividendes futurs actualisés. Il nous faut toutefois imposer la condition selon laquelle l’espérance des prix actualisés, a une limite égale à zéro lorsque le temps tend vers l’infini. Ce qui revient à dire que les prix ne peuvent pas croître plus vite que le rendement exigé. Partant de cela, la littérature concernant les bulles rationnelles s’est bâtie à partir de la constatation que les déviations des prix par rapport à la solution “fondamentale” ne peuvent êtres interprétés comme étant irrationnels. Il existe une cohérence entre la rationalité des agents économiques et l’existence de bulles à partir du moment où ces dernières sont définies comme étant des écarts Bt entre une solution quelconque pt de l’équation (1.2) et la solution fondamentale ptF de la formule (1.3): Bt = pt -­‐ ptF (1.4) C’est en 1982 que Gouriéroux, Laffont et Monfort ont fourni la résolution générale de l’équation (1.2), ce qui a permis d’établir que toute bulle a la structure mathématique suivante: Bt = (1+r)t Mt (1.5) Dans cette équation, Mt représente une martingale10 par rapport à l’ensemble d’information It. Si l’on remplace (1.4) dans (1.5), on obtient l’équation suivant: pt = ptF + (1+r)tMt À partir de ce moment là, la solution fondamentale décrite en (1.3) n’est plus une condition nécessaire d’efficience des marchés mais constitue une modalité possible. Des 10
Intuitivement, une martingale est une marche aléatoire n’ayant ni tendance haussière ni tendance baissière, sa
valeur à chaque instant étant égale à l’espérance de ses valeurs futures.
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bulles rationnelles peuvent dès lors exister sur n’importe quel marché financier pour lequel la structure formelle du modèle (1.2) est d’application. Les ventes à découvert Cette pratique qui consiste tout simplement à parier sur la baisse d’un titre et à en tirer profit, a toujours soulevé plusieurs polémiques. Certaines personnes considèrent que vendre quelque chose que l’on ne possède pas est tout à fait immoral surtout si l’on essaie d’en retirer un gain. Mais comment cela fonctionne-­‐t-­‐il? Dans le jargon, on utilise le terme “shorteux” afin de désigner ces personnes qui pratiquent la vente à découvert. Ceux-­‐ci empruntent du courtier des titres d’autres clients qui sont généralement des investisseurs à long terme, afin de les vendre et encaisser éventuellement un profit. Tout cela à leur insu bien évidemment. Afin de rendre ceci plus claire, nous allons présenter un exemple. Faisons l’hypothèse que l’entreprise que nous observons a son cours de bourse à 100. Si le spéculateur effectue une vente à découvert sur le titre, il va vendre des actions dans un premier temps, puis avant le dernier vendredi du mois, soit l’investisseur garde sa position de short, soit il rachète sa position. Il peut alors se trouver face à deux situations: • Si le cours de l’action a monté pendant la période de la vente à découvert, il réalisera une perte. • Si le cours de l’action a baissé pendant la période de la vente à découvert, il réalisera une plus-­‐values. En réponse à ses détracteurs, certain répondent que non seulement la vente à découvert n’est pas immorale mais qu’elle est bien au contraire, bonne pour le marché. D’après eux, elle rendrait ceux-­‐ci plus liquides et plus efficients en accroissant les volumes de transactions et le nombre d’opérations. Pour d’autres, la vente à découvert constitue même un frein aux bulles spéculatives ainsi qu’aux valeurs surévaluées. En effet, quand on a l’impression qu’un titre est surévalué il existe un certain incitant à spéculer à la baisse et ceci peut alors dans certains cas éviter la création d’une bulle. Le problème c’est 18
qu’il faut aussi que le marché s’en rende compte car en période d’euphorie haussière, rares sont ceux qui désirent aller à contre courant. Lors de la crise qui a commencée en 2007, beaucoup d’acteurs politiques critiquaient cette pratique ce qui a amené la Commission européenne à consulter des économistes du Fonds monétaire international (FMI). Ces dernier on du émettre un avis sur la réglementation des ventes à découvert. Leur conclusion est qu’ “Il y a peu de preuves de l’efficacité de l’interdiction des ventes à découvert.” Ils vont même jusqu’à dire que suite à l’interdiction qui a eut lieu en Allemagne, l’efficacité et la qualité des marchés se sont en fait détériorées de manière significative. De plus, toujours d’après eux, même si l’interdiction était coordonnée dans toute l’Union européenne, la rapidité à laquelle les marchés financiers parviennent à innover, permettrait rapidement de contourner cette interdiction et par la même occasion d’en annuler ses effets. 19
Section 3 : Contrôle et régulation Avant d’aborder l’idée de contrôle des bulles et de la spéculation, parlons tout d’abord un peu des conséquences que peut avoir l’éclatement d’une bulle financière. L’effondrement des cours boursiers dans un secteur donné amène généralement les entreprises concernées à trouver un mode de financement adapté à cette conjoncture. Dans une étude réalisée par Minsky, celui-­‐ci distingue dans le cas de bulles de crédit, trois structures de financement que les firmes peuvent employer en fonction de leur aversion au risque. La première est la dette couverte par des revenus, dans la deuxième des revenus couvrent les intérêts mais pas le capital à rembourser. La troisième et dernière structure est celle de couverture des engagements par la dette. Le passage de la première méthode à la deuxième s’explique par les opportunités de profits qui se créent en période d’euphorie. On comprendra que à la suite d’une récession, les firmes perdent leur financement et choisissent de couvrir la dette par des revenus de manière la plus faible possible. Quand vient ensuite la période de forte croissance ainsi que dans la perspective d’une forte rentabilité, les firmes pensent qu’elles peuvent se permettre un peu de financement spéculatif. Tout ceci étant basé sur des perspectives de revenus futurs, toutes ne sont pas correctes et certaines entreprises sont alors contraintes de passer à la troisième méthode c’est à dire qu’elles sont obligées de céder des actifs pour solder leur dette. Ceci va alors provoquer une baisse de ces actifs et l’inversion des anticipations. Ladite bulle explose. Jusqu’à présent, et ça a été le cas pour la crise de 2007, lorsqu’une bulle spéculative s’effondre on observe un déplacement de la spéculation d’un objet vers un autre. Pour rappel, lors de l’éclatement de la crise des subprimes, les prix des matières premières telles que le blé ou le pétrole on augmentés de manière plus que spectaculaire. Dans de telles situations, les pouvoirs publics interviennent dans le but de diminuer l’impact de cet effondrement d’une part et de rassurer les marchés d’autre part. Toutes ces mesures relèvent néanmoins de l’urgence et une fois la crise passée se pose la question inévitable de comment arriver à ce que de tels événements ne se reproduisent plus. 20
La solution qui semble être la plus évidente est celle de la réglementation car tout le monde se dit que si il y a crise financière, c’est que d’une manière ou d’une autre, la réglementation publique est insuffisante et que les comportements sur les marchés financiers doivent être plus strictement encadrés. Est-­‐ce vraiment la bonne solution, surtout quand on sait que le marché financier est l’un des plus régulé au monde et que l’on n’arrive toujours pas à éviter les crises. Une approche qui nous semble dès lors intéressante est celle proposée par le professeur David T Llewellyn11. Selon lui, le point de départ est de définir le principal objectif des réformes, qui est premièrement de réduire la probabilité que les banques ne fassent faillite et deuxièmement de réduire le coût de ces faillites qui pour certaines sont inévitables. De plus il ajoute que les réformes de régulation devraient plutôt être de type ‘strategic’ plutôt que ‘incremental’. D’après sa théorie, quand on cherche à construire un régime de régulation optimal, les problèmes que les autorités cherchent à résoudre sont soit exogènes soit endogène à la régulation. Le problème endogénéité est celui que l’innovation financière va tout le temps chercher des moyens de contourner ces régulations. À partir du moment ou le régulateur ne cherche qu’à répondre à ce problème d’endogénéité par un ajustement successif de la régulation, le coût de la régulation ne vont que s’accroître. Dans son étude, il mentionne le fait que la régulation en elle même peut avoir des effets pervers comme par exemple les incitants qu’il y a dans les normes de Bâle II pour une banque de constituer des véhicules hors bilan afin de satisfaire aux ratio de capital. Ceci lui permet donc d’augmenter sa rentabilité mais en augmentant aussi considérablement les risques. Le seul moyen de réduire le coût des faillites, est encore selon lui d’internaliser les risques plutôt que de les transmettre aux contribuables. Parmi les multiples propositions faites, nous n’en retiendrons que quelques unes comme: 11
Llewellyn (2010), Regulatory strategy and the structure of the banking industry
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• L’augmentation significative des fonds propres des banques. L’auteur propose un taux de 10-­‐15% qui selon lui ne devrait pas réduire les marges de manoeuvre des banques. • Les besoins de fonds propres devraient aussi varier en fonction du cycle économique. Baisser en période de crise et augmenter en période de croissance. • Imposer des taxes plus conséquentes ainsi que des prises d’assurance par les banques. • En cas de faillite d’une banque seules les actionnaires, les détenteurs d’obligations ainsi que tout créditeur non sécurisé devraient subir une perte. 22
Conclusion Les mécanismes financiers utilisés aujourd’hui dans le monde de la finance sont de plus en plus complexe et leur utilisation nous pousse souvent à porter un jugement trop hâtif les concernant. Nous avons certainement tendance à considérer ces mécanismes dangereux ou malsain. On ne peut nier leur risque, cependant, il faut aussi prendre en considération qu’ils ne sont pas responsables de tous les maux. Bien que l’histoire tende à nous prouver que la spéculation et la formation mais surtout l’éclatement des bulles ont des répercussions désastreuses sur l’économie et sur le monde, la spéculation, la vente à découvert et bien d’autres mécanismes de la finance ne peuvent être catégorisé bon ou mauvais. Leur apport à l’économie n’est pas négligeable et ils sont porteurs de solutions dans de nombreux cas. L’introduction de réglementations ainsi que l’établissement de contrôles concernant ces mécanismes aideraient à les maintenir dans des proportions correctes et à éviter les dérives qu’ils peuvent entrainer. 23
Bibliographie : •
Livres : -­‐
La bourse : temple de la spéculation ou marché financier ? B. Bellante -­‐
Efficience des marchés : Concepts, bulles spéculatives et image comptables ; Bruno Colmant, Roland Gillet et Ariane Szafarz -­‐
Lectures on Macroeconomics, Olivier Jean Blanchard et Stanley Fischer •
Sites internet : www.lexinter.net www.wikipedia.org www.bourse.fornewbs.net http://www.lepost.fr/article/2008/10/20/1293185_crise-­‐financiere-­‐quand-­‐la-­‐bulle-­‐du-­‐
bulbe-­‐explose.html http://www.minefe.gouv.fr/directions_services/dgtpe/TRESOR_ECO/francais/pdf/2008-­‐014-­‐
40.pdf •
Articles scientifiques: -­‐ L.Bachelier, Théorie de la speculation, Annales scientifiques des l’É.N.S. -­‐ A. Mokhefi et M. Amrani, Bulles Spéculatives: Prophylaxie et thérapeutique -­‐ Jacques Ninet, Les determinants récurrents de la formation des bulles financières -­‐ Pierre-­‐Noel Giraud, Faut-­‐il condamner la spéculation ?, Centre d’économie industrielle Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris -­‐ André Orléan, Le pouvoir de la finance 24
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