Geneviève Fraisse
Muse de la raison (1989, Folio-Gallimard, 1995)
Préface et postface (tapuscrits)
Préface
Une
histoire
française?
L'histoire des femmes se pcise en cette fin de siècle. L'histoire,
qui est aussi la politique, laisse voir enfin une de ses couleurs
vives, celle des hommes et des femmes, semblables et différents. A
nouveau encore lgali des sexes montre qu'elle n'existe que par
son contraire, l'inégali, qui s'appelle discrimination. Comment se
fait-il donc que les femmes participent si peu aux affaires de la
ci? Faut-il, en réponse, changer la loi pour changer les moeurs,
imposer la pari des hommes et des femmes dans les instances de
pouvoir, obliger à des quotas aussi mirables que le retard qu'il
serait censé combler?
Notre histoire commence avec la Révolution française, on en revient
toujours . De quelque que cette volution se regarde, avec
les yeux éblouis par ses roïnes lors du bicentenaire, le regard
terni par la mise en place de l'exclusion politique des femmes, la
vue élargie sur la moderni qui sous-tend et entoure ce moment
d'histoire, il s'agit bien d'un événement fondamental. La premre
singularité de l'histoire française est sa volution. Républicains,
liraux et monarchistes en passent tous par , quoi qu'ils en
disent par ailleurs.
Un événement est une richesse. Un événement ne s'enferme pas dans
une seule lecture; un événement se produit encore aps qu'il ait eu
lieu. Ce livre s'attache au lendemain de la volution française,
lorsque tout le monde a compris qu'une société nouvelle est e,
avant, pendant, aps 1789. La nouveau est complexe: les femmes se
distinguent dans les salons d'Ancien Régime comme dans les tribunes
et les clubs; les femmes sontroïques partout en France, insistent
les chroniqueurs, et à Paris aussi, telle Olympe de Gouges ou Madame
Roland. Les femmes sont politiquement chassées des clubs et de
l'are en 1793, gagnent en droit civil un statut d'individu
qu'elles perdent aussitôt avec le Code civil de 1804. Les femmes se
battent alors dans l'espace symbolique qui leur reste, lcriture.
Il ne faut donc pas dire bêtement que la Révolution a exclu les
femmes de l'espace politique. Elle a permis et emché leur entrée
dans l'espace politique comme dans la société civile. En revanche,
le lendemain de la volution est sans ambiguï sur leur exclusion
politique, doublée d'une sujétion civile. A partir de ce degré zéro,
les femmes du XI et du XXè siècles construiront leur autonomie
citoyenne par toutes sortes d'initiatives, principalement la lutte
ministe, elle-même multiforme.
A l'événement "révolution" se joignent deux autres déterminants pour
expliquer qu'en France la démocratie fut exclusive et la république
masculine. Quelques toriciens modernes, dont le dernier fut
Rousseau, pensèrent la chose publique et l'espace privé, le
gouvernement politique et le gouvernement domestique. Sur
l'événement volution se greffe par conséquent une source de
discours théoriques utilisés diversement. L'événement est traver
par la théorie politique d'un partage inégal entre les sexes, d'un
pouvoir différenc entre les hommes et les femmes. A cela s'ajoute
la tradition, l'histoire longue. Il a été suffisamment expliqué
qu'une rupture historique radicale, cela n'existe pas. Et c'est
vrai: la persistance de l'effet monarchique se fait sentir jusque
dans la vie politique actuelle. Monarque, vassaux et fiefs sont
encore aujourd'hui des mots en vigueur. Mais ne simplifions pas en
additionnant patriarcat et monarchie dans une vision aussi globale
que vague: le cas monarchique français se distingue par deux traits
originaux, imaginaire avec la transmission masculine du tne et la
loi salique, symbolique avec le caractère sacré d'une fonction de
droit divin. Ces deux traits, loi salique et monarchie de droit
divin, ne sont pas propres à toute monarchie. aussi la
"singularité française" est manifeste.
Mais que signifie l'idée d'une singulari française? A la norme
anglo-saxonne d'une ingration rapide des femmes doublée d'une
violente guerre des sexes s'opposerait l'exception française, faite
d'un retard politique contrebalan par une relation d'agrément
entre les sexes? Certes, la France cumule un vrai handicap,
politique et symbolique dans les espaces de pouvoir, avec une forte
présence économique des femmes, une liberté des moeurs favorable à
la relation entre les sexes. S'il y a singulari française, elle
est, de toute fon, complexe, savant équilibre entre les
différentes spres, économique et politique, sexuelle et politique,
etc.. L'équilibre serait différent suivant chaque pays, chaque
peuple? Sans doute. Par la singulari ne vaudrait pas plus
qu'une norme imaginaire. En revanche, la singulari, n'étant pas
l'exception, renvoie bien, lorsqu'elle n'est pas le contraire de la
banali, à un modèle supposé. Le mole serait celui de l'exclusion
des femmes de la res publica, doube d'un affrontement, entre les
sexes, radical. La France se singulariserait par une qualité de la
relation entre les sexes telle que l'exclusion y aurait été moins
combattue que dans d'autres pays, que le féminisme n'y aurait pas
été très puissant. Oui, mais à condition de ne pas prendre l'arbre
pour la fot. Il n'y a pas un modèle, la domination masculine et sa
contestation ministe à l'ère démocratique, et son contre-exemple.
Il existe une situation paradigmatique coextensive à la naissance de
la démocratie et de la république, par rapport à quoi des nations et
des cultures se singularisent. Au lieu de voir la France échappant à
la norme, il se pourrait que la France ait structu la relation
entre les femmes et la modernité, argumenté rigoureusement la
naissance commune et contradictoire de la publique démocratique et
de l'égali des sexes. Tout se joue bien pendant, et surtout
aps, la volution française. L'événement "révolution" fait de la
France le lieu d'une situation paradigmatique, celle se pense le
renouvellement de la domination masculine avec les formes modernes
de la vie politique.
Postface
mocratie
exclusive,
publique
masculine
il est question d'une crise de la représentation politique; le
cas français, avec un très faible pourcentage de femmes députés,
rite réflexion; cinquante ans de droit de vote ne font guère de
différence; il ne faut pas négliger ce fait de la sous
représentation, particulrement remarquable dans les berceaux de la
mocratie, France, Etats-Unis, Grèce. il faut distinguer entre
mocratie et république les causes du retard et de l'exclusion;
il ne faut pas dissocier, en matière de pouvoir, le politique de
l'économique, le symbolique du domestique.
Il y eut le temps de l'exclusion des femmes de la res publica,
amor par la volution française; puis il y eut le temps de
l'inclusion progressive qui prit la forme de la discrimination, du
droit igal, de la naissance de la Troisième publique à
aujourd'hui. sormais l'inclusion des femmes dans la vie politique
n'est plus à faire; elles sont, comme le disait le journal du
Ministère des droits des femmes d'Yvette Roudy, des "Citoyennes à
part entière". Cette vue progressive et progressiste ne s'accompagne
pas pourtant d'un chant de victoire: les femmes sont citoyennes et
nous découvrons, après cinquante ans de droit de vote des femmes,
que la politique reste un monopole masculin. Il est vrai que les
hommes votent depuis cent cinquante ans. Alors, juste un retard, ce
fameux retard qui serait le lot des femmes, Michelet le disait ,
depuis l'avènement de la démocratie?
Non, il n'y a plus de retard; l'inclusion a été accomplie, la
citoyenneté est entière. Et si l'inégalité perdure, si les hommes
gardent le plus jalousement possible le pouvoir politique, aucune
cause justificative ne peut sormais être invoquée. En effet,
jusqu'à présent le retard des femmes était constaté, disons affirmé,
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