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L’ARABOPHONIE
des kharidjites et en triomphant des luttes au sein de la dynastie elle-même. Les nouvelles
conquêtes sont rares.
En revanche, les territoires périphériques connaissent des tendances centrifuges :
Espagne, où s’est constitué le califat omeyyade de Cordoue, partie occidentale du
Maghreb, où un descendant d’Ali, Idris, fonde une principauté indépendante (789-926),
enfin Ifriqiya (Tunisie et partie orientale de l’Algérie), où Ibrahim ibn al-Aghlab,
lieutenant d’Harun al-Rachid, fonde une dynastie autonome qui réussit à contrôler la
Sardaigne, la Sicile (totalement conquise en 909) et provisoirement une partie de l’Italie du
Sud. Au cours de son deuxième siècle d’existence, le califat abbasside entre
progressivement en décadence. Le pouvoir central, sans cesse menacé par les milices
étrangères, ne peut résister à l’évolution des régions périphériques vers l’autonomie.
Ainsi, l’histoire politique des pays dont les souverains et une fraction croissante de
la population étaient musulmans se scinda en une série d’évolutions régionales, marquées
par l’ascension et la chute de dynasties dont le pouvoir rayonnait à partir de leur capitale
jusqu’à des frontières qui, dans l’ensemble, n’étaient pas clairement définies. A. Hourani
estime que cette décadence progressive n’est pas surprenante.
Il en tire la conclusion que : « Avoir si longtemps conservé dans le cadre d’un seul
empire de si nombreux pays aux traditions et aux intérêts différents avait été un
remarquable exploit. On y serait difficilement parvenu sans la force de la conviction
religieuse, qui avait créé un groupe dirigeant efficace en Arabie occidentale, puis établi
une alliance d’intérêts entre lui et un secteur toujours plus ample des sociétés sur
lesquelles il régnait. Ni militairement, ni administrativement, les ressources du califat
abbasside n’étaient telles qu’il pût se permettre de maintenir éternellement l’unité
politique d’un empire qui s’étendait de l’Asie centrale à l’Atlantique ».
Ainsi, à partir du IXe siècle, le monde arabo-musulman ne s’incarnait plus dans une
entité politique unique. Il est à signaler, à cet égard, que l’autorité de cette entité politique
n’a pas été absolue aux yeux de certains historiens.
A. Hourani considère que « même à l’apogée de leur puissance, les califes
abbassides n’eurent qu’une autorité concrète limitée. Elle s’exerçait essentiellement sur
les villes et les campagnes fertiles qui les entouraient ; les lointaines régions de montagne
et de steppe restaient pratiquement insoumises… Pour administrer ses provinces
éloignées, le Calife dut octroyer à ses gouverneurs le pouvoir de collecter l’impôt et d’en
consacrer une partie à l’entretien de forces armées locales ».
C’est de cette manière que se développèrent des dynasties locales chacune dotée de
ses propres centres de pouvoir. Ces dynasties sont réparties, d’après A. Hourani, sur trois
zones :
La première zone comprenait l’Iran et l’Irak du Sud; après le Xe siècle, sa principale
capitale continua assez longtemps à être Bagdad : cette ville était située au coeur d’une
riche région agricole et d’un vaste réseau de liaisons commerciales،et jouissait de
l’influence et du prestige accumulés pendant des siècles sous le règne des califes
abbassides.
La seconde zone réunissait l’Égypte, la Syrie et l’Arabie occidentale son centre
politique se trouvait au Caire, la ville qu’avaient construite les Fatimides au sein d’une
vaste campagne fertile et au cœur d’un système commercial reliant le monde de l’océan
Indien à celui de la Méditerranée.
La troisième zone recouvrait le Maghreb et les régions musulmanes de l’Espagne,
qu’on appelait al-Andalus; on n’y trouvait pas une métropole unique mais plusieurs,