Présentation du TDA/H
Le TDA/H est présenté comme un trouble d’origine multifactoriel et hétérogène quant à
ses manifestations cliniques. Le modèle théorique sur lequel s’organisent les pratiques observées
postule l’implication de facteurs neurobiologiques, génétiques, environnementaux,
psychosociaux et tempéramentaux dans l’étiologie du TDA/H. L'agitation et l’impulsivité
seraient sous-tendues par un dysfonctionnement de certaines structures cérébrales (les systèmes
dopaminergiques et noradrénergiques) notamment impliquées dans la vigilance et les processus
d'attention sélective5. C’est sur ces hypothèses (encore controversées)6 que se fonde l’usage du
méthylphénidate (Ritaline). Trois dimensions principales s'articulent au niveau symptomatique :
impulsivité, agitation motrice et difficultés attentionnelles. À un niveau clinique, les enfants
concernés manifestent des difficultés de contrôle cognitif, émotionnel et comportemental ayant
un retentissement variable sur leur insertion scolaire et sociale ainsi que sur leurs proches.
Pour aborder la question de la prescription d’un psychostimulant à ces enfants, nous
proposons de partir des controverses qu’elle suscite. Ces controverses opposent schématiquement
le choix entre « une approche médicalisée qui n’aurait que faire d’un sujet et une autre qui
n’aurait affaire qu’au sujet »7, choix correspondant à une polarisation des positions entre
approches de type cognitives ou neurobiologiques et approches relationnelles (psychanalyse). Il
semblerait que les premières connaissent depuis quelques années un certain intérêt tant chez les
professionnels du soin que chez les usagers. Une conjonction de nombreux éléments permettent
de rendre compte de ce phénomène parmi lesquelles on peut (trop) brièvement mentionner : le
déclin de la référence au conflit pour régler les problèmes relevant de la psyché, l’importance
qu’a pris la lutte contre toute forme de stigmatisation (on accuse la psychanalyse de culpabiliser
les parents et de stigmatiser les enfants), les transformations des pratiques et des modes de
connaissances de la psychiatrie depuis l’émergence des neurosciences et la valeur social prise
dans ce contexte par le cerveau dont la conséquence principale est la tendance à appréhender de
plus en plus les troubles mentaux comme des neuropathies et des dysfonctionnements cérébraux.
Enfin, les neurosciences trouvent leur essor dans le contexte de l’influence grandissante des
usagers qui favorisent leur diffusion et réclament ce type d’intervention8-9.
5Purper-Ouakil D., Lepagnol-Bestel A.-M., Grosbellet E., Gorwoog P, Simonneau M., « Neurobiologie du trouble
déficit de l'attention/hyperactivité », Médecine/Sciences, 2010 ; 26 : 487-96.
6Gonon F., The dopaminergic hypothesis of attention-deficit/hyperactivity disorder needs reexamining, Trends in
Neurosciences, 2009 Jan ; 32(1) : 2-8.
7Ehrenberg A., (1998, éd. 2000), La fatigue d’être soi, Paris, Odile Jacob, p. 257.
8Pour un panorama plus complet des transformations de la psychiatrie voir les travaux de Alain Ehrenberg:
Ehrenberg, A. (2004a) « Les changements de la relation normal-pathologique. À propos de la souffrance psychique
et de la santé mentale », Esprit, Mai, 133-156. Ehrenberg, A. (2004b) « Le sujet cérébral », Esprit, Novembre, 133-
155. Ehrenberg A., (2004c), « Introduction du dossier ‘‘Les guerres du sujet’’ », Esprit, novembre, 74-85. Ehrenberg
A., (2006) "Santé mentale : malaise dans l’évaluation", Médecine/Science, 22 (5), 548-563. Ehrenberg A., (2008) «
Le cerveau ‘‘social’’. Chimère épistémologique et vérités sociologiques », Esprit, Janvier, 79-103.
9 Un large pan de la littérature est consacré à l’émergence de collectif d’usagers dans le système de soin. Voir par
exemple: P., Zavestoski, S., McCormick, S. et al. “Embodied health movements: new approaches to social
movements in health”, Sociol Health Illn 2004 ; 26 : 50-80; les travaux de Brigitte Chamak sur l’autisme : Chamak,
B. « Les associations de parents d’enfants autistes : de nouvelles orientations ». Medecine/Sciences, (Paris) 2008 ; 24
: 768-70 ; ceux de Michel Callon et Volona Rabeharisoa : Rabeharisoa V., Callon M. « L’engagement des
associations de malades dans la recherche » Revue Internationale des Sciences Sociales, 2002 ; 171 : 65-73.