Inspection Académique de l’Oise – IEN Maternelle 1 Séminaire Langage oral et écrit Caractéristiques et enjeux du parler professionnel L’usage du parler est si intrinsèquement lié au métier d’enseignant, tant associé aux autres aspects de la tâche, qu’on l’évoque rarement pour lui-même. Le parler professionnel des enseignants les positionne, affirme leur statut et sert les objectifs de leur mission. 1. Un parler au service du positionnement 1.1. Définition L’expression « parler professionnel » désigne la langue propre à un corps de métier. Elle est fondée sur des connaissances scientifiques et techniques. Elle ne s’improvise donc pas et fait autorité, distinguant son utilisateur de l’amateur. Elle comprend un ensemble de termes techniques souvent obscurs pour les noninitiés, communément appelé « jargon » (Exemples : remédiation, constructivisme, métacognition). Il peut s’agir de mots et expressions usuels employés dans un sens particulier (Exemples : rituel, séance, séquence, atelier). 1.2. Vocation Le parler « professionnel » participe du positionnement de son utilisateur et contribue à la reconnaissance de son statut. De plus, en inscrivant de fait son utilisateur dans un corps, le parler professionnel protège l’individu en dépersonnalisant sa fonction. Il l’aide également à mettre son métier à distance, à s’en désengager sur le plan affectif. Les caractéristiques de leur mission rendent ces aspects du parler professionnel particulièrement importants pour les enseignants. 1.3. Caractéristiques Le parler professionnel des enseignants témoigne de connaissances à jour sur les avancées de la recherche et les instructions officielles (Exemples : les recommandations relatives au temps de repos, à la collation). Dans la communication avec ses pairs et avec sa hiérarchie, un enseignant utilise donc la terminologie en vigueur (Exemples : devenir élève, compétences et paliers du socle). Le respect de la déontologie oblige les enseignants à défendre et à promouvoir les orientations de leur institution. Par ailleurs, conformément à l’éthique et aux usages, ils bannissent le langage familier et, a fortiori, le langage grossier. Ils se défendent aussi d’exprimer leurs opinions religieuses ou politiques. Quand il communique par écrit, un enseignant veille au respect des usages (Exemples : couleur de l’encre, formule de politesse). Les paroles du maître doivent aussi témoigner de son respect et de sa prise en compte de l’opinion d’autrui. La retenue et le positionnement d’un enseignant se manifestent par son timbre de voix, le ton et le rythme de ses paroles. Ceux-ci doivent inspirer confiance et respect. Le parler professionnel des maîtres se caractérise également par son exactitude. Son souci légitime d’adapter son discours à son public ne doit pas amener un enseignant à simplifier un enseignement ou une information au point de les travestir. Enfin, conscient que son parler constitue pour beaucoup une langue de référence, le maître veille à faire un bon usage de la syntaxe, des temps et des modes. Il évite aussi d’employer des contractions et des expressions régionales. N Burgaud, CPC Inspection Académique de l’Oise – IEN Maternelle 2 Séminaire Langage oral et écrit 2. Un parler de professionnel 2.1. Dans les échanges avec les partenaires Toutefois, le parler d’un enseignant est « professionnel », surtout, parce qu’il sert les objectifs de sa mission. Celle-ci réclame, notamment, un partenariat avec les familles et les autres partenaires. Les échanges quotidiens entre un enseignant et ses pairs sont caractérisés par un implicite fort. Quand il s’adresse aux parents et aux autres partenaires, le maître doit donc faire un effort conscient d’adaptation à son auditoire pour être compris. Par exemple, des mots simples, en apparence, comme accueil, regroupement, atelier doivent être explicités. Il ne s’agit pas de simplification mais de vulgarisation. Pour y parvenir, un enseignant doit interroger ses habitudes de fonctionnement, l’objectif étant de les décrire à un public non-initié et de lui en expliquer les finalités. 2.2. En classe 2.2.1. Du parler ancré dans l’instant au parler scriptural Mais la mission d’un enseignant est avant tout centrée sur les apprentissages des élèves. Le parler du maître est « professionnel » s’il est adapté à leurs capacités. Plus les enfants sont jeunes et plus il leur est difficile de mettre le vécu à distance. C’est pourquoi, en petite section notamment, le parler de l’enseignant est ancré dans l’instant. Le maître « parle » ses actions et celle des élèves : « Je verse la farine. » ; « Lucie est en train de dessiner les œufs. » Il décrit en les « jouant » les actions attendues ; il les commente : « Il faut chercher les perles rouges et les mettre dans cette boîte. Regardez comment je fais. » En moyenne section, l’enseignant peut évoquer une situation décalée dans le temps et / ou l’espace. Il ne « parle » plus seulement « les choses » mais « sur les choses ». Cette mise à distance doit cependant être fortement étayée. L’enseignant devra donc s’assurer l’adhésion des élèves en recourant à des supports visibles et / ou tangibles (objet, photographies, illustrations, mimes, etc.) En même temps qu’ils parviennent à mettre le vécu à distance, les jeunes élèves deviennent peu à peu capables de percevoir des réalités abstraites comme la succession des jours, par exemple. Pour étayer son propos et le rendre accessible, l’enseignant utilise, le plus souvent, une frise des jours ou un calendrier. En grande section, le maître emploie prudemment un parler d’évocation, privé de tout support concret ou visible. Ce type de parler est dit « scriptural » car il s’apparente à l’écrit tant par sa fonction que par sa forme. Comme l’écrit, le parler scriptural se rapporte à des faits intangibles ou distants dans le temps ou l’espace. Par exemple, le maître demandera : « À votre avis, pourquoi cette histoire nous a-t-elle rappelé celle du Petit Chaperon Rouge? » Ce parler se caractérise aussi, comme l’écrit, par l’usage de connecteurs et de flexions verbales spécifiques. L’enseignant doit vérifier régulièrement que ses élèves le suivent en observant leurs réactions et donner vie à son propos en l’accompagnant de regards et de gestes. Pour « contenir » le groupe et retenir l’attention des élèves, le maître utilise aussi un phrasé caractéristique marqué par des variations de timbre, de ton et de débit. Les niveaux de classe mentionnés ci-dessus sont relatifs. Des décalages existent entre élèves d’une même section. Ces différences doivent être prises en compte pour que chacun progresse dans son développement personnel (Programmes 2008 p.29) N Burgaud, CPC Inspection Académique de l’Oise – IEN Maternelle 3 Séminaire Langage oral et écrit 2.2.2. Les variables à prendre en compte 2.2.2.1. Les objectifs poursuivis Les compétences langagières des enfants sont meilleures en réception qu’en production. Par conséquent, le parler du maître peut être relativement soutenu à condition, comme on l’a vu plus haut, d’être étayé ou accompagné. C’est l’observation attentive des réactions des élèves qui permet à l’enseignant d’ajuster son propos à leurs capacités en réception. En revanche, quand l’enseignant vise précisément l’appropriation par un élève d’une structure langagière type, il veille à lui proposer un modèle accessible dont l’enfant puisse se saisir. Si l’enfant ne parle pas, l’enseignant attentif joue le rôle d’amplificateur et met en mots son langage non-verbal. À un élève qui lui dit « poupée », le maître renvoie une phrase correcte mais simple comme « Tu veux jouer à la poupée.» 2.2.2.2. Les circonstances Lors de la passation de consignes, cependant, le parler du maître sera simple, précis et sans équivoque. De plus, la consigne doit être identifiable par sa « mise en scène » ainsi que par sa structure syntaxique et son lexique relativement standardisés. L’objectif n’est pas, dans ce cas, l’appropriation par les enfants des tournures employées mais de les amener à une représentation exacte de ce qui est attendu, de les « entraîner » dans la tâche. Le parler de l’enseignant s’inscrit aussi dans la progressivité des démarches d’apprentissage. Par exemple, en phase de découverte, l’enseignant accepte l’emploi de mots justes mais proches du quotidien des enfants (Exemples : beaucoup, trop, pas assez). Plus tard, la conceptualisation de la notion entraîne l’introduction du vocabulaire technique correspondant (Exemples : plus que, moins que, autant que), Le parler professionnel des enseignants prend également en compte les situations de communication. Ainsi, les élèves doivent constater que leur enseignant adapte son parler aux circonstances et ils découvrent alors l’existence des niveaux de langue et leur usage. L’enseignant doit aussi considérer que plus un enfant est jeune et plus le « brouillage » occasionné par la présence du groupe risque d’être important. La durée du discours, son organisation et la charge affective du sujet abordé influent aussi sur la manière dont les élèves se saisissent de ce qui est dit. Enfin, leurs capacités langagières, leur connaissance du sujet et l’étayage disponible ont une influence sur la quantité d’implicite employé. 2.2.3. Un parler ambitieux La nécessité d’être compris ne doit pas amener l’enseignant à simplifier à l’extrême le vocabulaire et les tournures syntaxiques qu’il emploie. L‘école est un lieu de savoirs où l’enfant acquiert des compétences « extraordinaires ». Un contexte très évocateur, un étayage bien pensé peuvent permettre aux élèves de comprendre et de se saisir, quel que soit leur âge, de mots (relativement) « savants » ou de tournures élaborées. Par exemple, accompagnée d’un geste et d’un regard « parlants » ainsi que d’une illustrationsupport, la phrase « Quel gâteau préférez-vous ? » peut être comprise par des enfants de petite section, même peu coutumiers d’un langage soutenu. Par ailleurs, la langue est un instrument de la pensée. En proposant en modèle à ses élèves une langue suffisamment riche et précise, un enseignant leur offre un outil permettant de développer leur intelligence. Le maître ne devrait donc pas se priver de donner à entendre à ses élèves, dans la mesure de leurs capacités et en leur fournissant l’étayage adéquat, une langue riche, colorée, belle. Un élève se souviendra et s’emparera d’autant plus volontiers d’un mot, d’une expression, d’une tournure qu’ils suscitent en lui une émotion positive. Le parler est au cœur du métier d’enseignant. Le parler professionnel des enseignants témoigne donc d’une réflexion et d’une préparation à la mesure des ambitions de leur mission. N Burgaud, CPC