THEATRE ET ARTS DE LA SCENE Le Syndrome d`Orphée 12/11/12 1

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THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
Le Syndrome d’Orphée
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THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
Le Syndrome d’Orphée
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―SOMMAIRE―
Première partie : avant la représentation
Présentation
Entrée par le titre
Entrée par l'affiche et la plaquette de présentation
Entrée par une captation vidéo
Entrée par l'histoire de la pièce et la lecture des textes
Entrée par le parcours des artistes
Entrée par la mise en voix, en scène, en espace d'extraits du texte
Description d'un parcours en classe de 3ème
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Pièces à vivre : une série de dossiers pédagogiques conçus en partenariat par la Délégation Académique à
l’Action Culturelle de l’Académie de Caen et les structures théâtrales de l’académie à l’occasion de spectacles accueillis
ou créés en Région Basse-Normandie.
La fréquentation des spectacles par les classes n’étant ni un exercice tout à fait ordinaire ni une simple sortie, la
Délégation Académique à l’Action Culturelle de l’Académie de Caen vous propose la souplesse d’un « parcours »,
ensemble de trois spectacles programmés dans des structures artistiques proches en région Basse-Normandie et
accompagnés par des dossiers pédagogiques en amont et en aval ; les enseignants et les classes peuvent selon leurs
besoins et leurs projets assister à un, deux ou aux trois spectacles concernés, et utiliser tout ou partie du parcours
pédagogique proposé. Pour chaque spectacle, le dossier se divisent en deux parties, destinées l’une à préparer le
spectacle en amont, l’autre à analyser la représentation.
Le théâtre est vivant, il est crée, produit, accueilli souvent bien près des établissements scolaires ; les dossiers
des « Pièces à vivre », construits par des enseignants en collaboration étroite avec l’équipe de création, visent à fournir
aux professeurs des ressources pour exploiter au mieux en classe un spectacle vu. Retrouvez ce dossier, ainsi que
d’autres de la même collection et des ressources pour l’enseignement du théâtre sur le site de la Délégation
Académique à l’action Culturelle de l’Académie de Caen :
http://www.discip.ac-caen.fr/aca/
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Le Syndrome d’Orphée
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Présentation
Cette partie du dossier présente dans un premier temps des activités concernant la préparation au spectacle Le
Syndrome d'Orphée en reprenant la nomenclature des rubriques proposées dans Tous au théâtre - guide du professeur
(Scéren, CRDP de Caen, septembre 2012), qui permettent de classer des activités possibles et variées pour amener
une classe au spectacle. Dans un deuxième temps est proposé l'exemple concret des travaux menés avec une classe
de troisième avant d'aller voir ce spectacle ; il s'agit donc de la description d'un parcours fait à partir des propositions
faites dans la première partie de ce dossier, parcours adapté à la classe et au projet mené avec celle-ci dans le cadre
d'un jumelage avec le Trident-Scène Nationale de Cherbourg et la Brèche, Pôle National des Arts du Cirque.
Les différentes entrées proposées ne sont ni exhaustives ni limitatives et peuvent être combinées à volonté, en
fonction du parcours pédagogique choisi.
Entrée par le titre
Consigne : le syndrome d'Orphée. Comment comprenez-vous ce titre ?
En fonction du niveau de la classe et des réponses données, on pourra donner les définitions de syndrome ("ensemble
de symptômes, signes ou anomalies constituant une entité clinique reconnaissable", le petit Robert) et d'Orphée.
Ce titre est intéressant parce qu'il associe la notion de maladie (syndrome) à celle de la poésie (Orphée). On pourra
réfléchir au sens antique du mot poésie (du verbe poîein, fabriquer, faire, créer) et à celui d'enthousiasme (du verbe
enthousiazô, être inspiré par la divinité, être saisi d'un transport divin, hors de soi). Ce titre amène aussi à réfléchir à la
mort qu'implique ce syndrome, mais aussi la référence à Orphée (mis en pièces par des bacchantes). Enfin, on pourra
noter la proximité phonétique du mot syndrome et du nom de la compagnie Soundrama (drama vient aussi du grec et
signifie action puis devoir, obligation dont on s'acquitte, enfin pièce de théâtre, drame ; soun- peut se lire comme une
déformation du sun, avec ; le nom de la compagnie devient donc un « syndrame »..)
Entrée par l'affiche et la plaquette du Trident
NB : la page de présentation du spectacle sur le site internet du Trident (www.trident-scenenationale.com) reprend
globalement les mêmes éléments.
Consigne : observez l'affiche et la page de présentation de la plaquette ; quels éléments les composent ? que laissentelles voir du spectacle ?
Sur ces deux documents apparaissent des informations pratiques (théâtre à l'italienne, deux représentations,
surtitré en français). C'est l'occasion d'annoncer à la classe ces particularités liées au lieu et aux conditions du
spectacle (un très beau théâtre où on est vu de partout mais où, parfois, on voit mal la scène ; la nécessité de lire des
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Le Syndrome d’Orphée
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sur-titres pour les passages en russe).
(photographie © Mario Del Curto)
Sur l'affiche et sur la plaquette on trouve une photo du spectacle présentant des danseurs, des chanteurs, un
violoniste ; les costumes évoquent une soirée élégante du milieu du 20ème siècle. Les postures et les positions sur
scène semblent très chorégraphiées.
On notera aussi que le titre est suivi de cette mention « d'après Vladimir Maïakovski et Jean Cocteau », deux
auteurs associés ici par le metteur en scène et dont les œuvres ont été réinterprétées (« d'après ») ; il ne s'agit donc
pas, stricto sensu, d'une mise en scène d'un texte, mais d'une relecture et réécriture.
Enfin, la liste des intervenants est longue et intéressante : il est question d'un livret (non d'un scénario ou d'une
pièce) et d'une composition musicale. On peut lire les noms d'un metteur en scène, d'un directeur musical et d'un
chorégraphe. Il y a deux traductrices. Enfin 11 noms, à consonance russe ou française, suivent le « avec » annonçant la
distribution. On perçoit déjà que ce spectacle est un spectacle total, mêlant chant, danse, théâtre, musique, avec de
nombreux acteurs et de nombreux concepteurs sous la direction de Vladimir Pankov.
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Entrée par une captation vidéo
On la trouve sur le site du Trident (www.trident-scenenationale.com) ; il s'agit d'un court choix d'extraits durant une
minute qui montre surtout un passage chanté et dansé du poème de Maïakovski. On repère un ange, un cercueil, des
masques (mortuaires ?), beaucoup de bruit et de gaieté, mais les paroles en sous-titre disent « je ne veux pas de toi ; je
sais que je vais bientôt crever ». Une association de contraires très facilement repérable et porteuse de sens pour ce
spectacle : l'amour ― la mort ; le deuil ― la fête...
Il sera intéressant après le spectacle de revoir cet extrait pour voir s'il correspond à ce que les élèves auront perçu du
spectacle.
Entrée par l'histoire et les textes :
Il semble important de doter les élèves de références sur le personnage central de la pièce : Orphée. Ils pourront
ensuite observer les métamorphoses et avatars de cette figure mythologique et littéraire, dans le spectacle et plus
largement dans une étude d'histoire des arts, cela pourra faire l'objet d'un travail développé après le spectacle.
Consigne : la classe est divisée en plusieurs groupes chargés de recherches différentes sur des textes de Virgile,
Maiakovski et Cocteau ; chaque groupe rend compte à la classe de ses travaux, sous forme d'un diaporama reprenant
le texte lu et des éléments d'information sur les auteurs et leur œuvre (choix d'images).
1) Extrait d'un dictionnaire de mythologie : Orphée
Consignes : à partir de l'article du dictionnaire, construire un diaporama reprenant les principales étapes de la légende
d'Orphée (remarque : les tableaux choisis doivent être précisément référencés)
Orphée : Il est le fils d'une muse, Calliope, et d'Oeagre, roi de Thrace. Poète et musicien, il charme de ses chants tous
ceux qui l'approchent ; les animaux sauvages le suivent subjugués, les arbres s'inclinent vers lui, les rochers euxmêmes s'émeuvent aux accents suaves de sa lyre. Il passe pour l'inventeur de cet instrument, ou encore pour avoir
perfectionné la lyre à sept cordes qu'Apollon avait reçue du jeune Hermès, y ajoutant deux cordes nouvelles en
hommage aux muses.
Il prit part à l'expédition des Argonautes, donnant le rythme aux rameurs apaisant les flots impétueux de sa voix. (...)
Le thème de la descente aux Enfers apparaît dès l'origine dans le mythe d'Orphée, remontant sans doute à des
structures religieuses et sociales très archaïques ; il fut postérieurement associé à un thème sentimental (l'amour audelà de la mort), qui devint une source d'inspiration littéraire (...) Orphée avait épousé la nymphe Eurydice et l'aimait
passionnément. Un jour, courant dans l'herbe pour échapper aux poursuites d'Aristée, fils d'Apollon, elle est piquée par
un serpent et en meurt. Inconsolable, Orphée décide d'aller la rechercher jusque dans les Enfers. La magie de ses
chants s'exerce sur tous au royaume des morts ; le terrible Cerbère s'apaise, les supplices s'arrêtent. Hadès et
Perséphone, touchés eux aussi, consentent à laisser Eurydice repartir avec son époux, à la condition qu'elle
cheminera derrière lui et qu'il ne regardera pas en arrière avant d'avoir rejoint le monde des vivants. Mais, peu avant
d'atteindre la lumière, Orphée, ne pouvant résister, se retourne et Eurydice disparaît, perdue cette fois pour toujours.
Orphée la pleura désespérément et connut une fin tragique sur laquelle les traditions sont diverses.
A propos de ce mythe et de sa postérité
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Le mythe d'Orphée est peut-être un de ceux qui ont inspiré les représentations artistiques les plus riches,
probablement parce que son protagoniste est lui-même un créateur, symbole par excellence du musicien et du poète,
à qui son œuvre confère des pouvoirs exceptionnels. Certes, avant tout, l'histoire d'Orphée et d'Eurydice est celle d'un
amour absolu, qui ignore la mort. Orphée n'est pas seulement celui qui, refusant d'accepter la disparition de celle qu'il
aime, brave les puissances infernales ; il est aussi celui qui meurt de son amour, puisque c'est sa fidélité au souvenir
d'Eurydice qui provoque la fureur des femmes. Cependant c'est un amour qui porte en lui sa propre faiblesse : Orphée
n'a pu résister à la dernière épreuve, c'est l'excès même de sa passion impatiente qui cause la perte d'Eurydice.
Surtout ce n'est pas son amour qui lui permet d'entrer aux Enfers, c'est la puissance de son chant. Orphée apparaît
alors comme la figure du poète qui ne craint pas d'affronter la mort pour y trouver sa plus belle inspiration. Aussi, dans
certaines œuvres, verra-t-on la figure d'Eurydice s'effacer jusqu'à devenir un prétexte à l'exploration d'un domaine
interdit à l'homme. (...)
A partir du XIXème siècle, la figure d'Orphée semble l'emporter sur celle du mari inconsolable (voir Nerval, Segalen,
Rilke ou Proust). Cette dévalorisation de l'amour au profit de l'écriture est aussi celle qui apparaît dans le film écrit par
Jean Cocteau, Orphée (1950).
Extraits du Dictionnaire culturel de la mythologie gréco-romaine, sous la direction de René Martin, Nathan
2) Extrait des Géorgiques de Virgile : Orphée aux Enfers et disparition d'Eurydice
Consignes : choisir des extraits de ce texte et les associer à des images dans un diaporama (remarque : les tableaux
choisis doivent être précisément référencés ; bien préparer la lecture des extraits choisis).
Orphée, consolant son douloureux amour sur la creuse écaille de sa lyre, c’est toi qu’il chantait, douce épouse, seul
avec lui-même sur le rivage solitaire, toi qu’il chantait à la venue du jour, toi qu’il chantait quand le jour s’éloignait. Il
entra même aux gorges du Ténare, portes profondes de Dis, et dans le bois obscur à la noire épouvante, et il aborda
les Mânes et leur roi redoutable, et ces cœurs qui ne savent pas s’attendrir aux prières humaines. Alors, émues par
ses chants, du fond des séjours de l’Erèbe, on put voir s’avancer les ombres minces et les fantômes des êtres qui ne
voient plus la lumière, aussi nombreux que les milliers d’oiseaux qui se cachent dans les feuilles, quand le soir ou une
pluie d’orage les chasse des montagnes des mères, des maris, des corps de héros magnanimes qui se sont acquittés
de la vie, des enfants, des jeunes filles qui ne connurent point les noces, des jeunes gens mis sur des bûchers devant
les yeux de leurs parents, autour de qui s’étendent le limon noir et le hideux roseau du Cocyte et le marais détesté
avec son onde paresseuse qui les enserre, et le Styx qui neuf fois les enferme dans ses plis. Bien plus, la stupeur
saisit les demeures elles-mêmes et les profondeurs Tartaréennes de la Mort, et les Euménides aux cheveux entrelacés
de serpents d’azur ; Cerbère retint, béant, ses trois gueules, et la roue d’Ixion s’arrêta avec le vent qui la faisait tourner.
Déjà, revenant sur ses pas, il avait échappé à tous les périls, et Eurydice lui étant rendue s’en venait aux souffles d’en
haut en marchant derrière son mari (car telle était la loi fixée par Proserpine), quand un accès de démence subite
s’empara de l’imprudent amant ― démence bien pardonnable, si les Mânes savaient pardonner ! Il s’arrêta, et juste au
moment où son Eurydice arrivait à la lumière, oubliant tout, hélas ! et vaincu dans son âme, il se tourna pour la
regarder. Sur-le-champ tout son effort s’écroula, et son pacte avec le cruel tyran fut rompu, et trois fois un bruit
éclatant se fit entendre aux étangs de l’Averne. Elle alors « Quel est donc, dit-elle, cet accès de folie, qui m’a perdue,
malheureuse, et qui t’a perdu, toi, Orphée? Quel est cette grande folie ? Voici que pour la seconde fois les destins
cruels me rappellent en arrière et que le sommeil ferme mes yeux flottants. Adieu ; je suis emportée dans la nuit
immense qui m’entoure et je te tends des paumes sans force, moi, qui ne suis plus tienne, hélas. » Elle dit, et loin de
ses yeux tout à coup, comme une fumée mêlée aux brises ténues, elle s’enfuit dans la direction opposée ; et elle eut
beau tenter de saisir les ombres, beau vouloir lui parler encore, il ne la vit plus, et le nocher de l’Orcus ne le laissa plus
franchir le marais qui la séparait d’elle.
Virgile, Les Géorgiques, IV vers 464 à 503
3) Extraits de L'Enéide de Virgile VI (accompagné d'un extrait du dictionnaire de mythologie)
Consignes : choisir des extraits de ce texte et les associer à des images dans un diaporama, en insistant sur le
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personnage de la Sybille (remarque : les tableaux choisis doivent être précisément référencés ; bien préparer la lecture
des extraits choisis)
Enfers : C'est dans l'antiquité le séjour des morts, de tous les morts et non, comme dans l'enfer des Chrétiens, un lieu
de châtiment pour les méchants. Les Grecs pour le désigner disent l'Hadès (l'invisible) ou l'Erèbe (les ténèbres) (...)
Le séjour des morts est peuplé d'âmes ou ombres, sortes de doubles immatériels des êtres vivants, qui se détachent
d'eux à l'heure de la mort. Elles mènent aux Enfers une vie larvaire, dans un monde brumeux, en proie au souvenir
lancinant de leur vie terrestre (...) Le même sort est réservé à tous, bons ou méchants ; seuls sont châtiés les criminels
mythiques qui ont défié les Dieux.
Ce lieu de désolation est cerné de fleuves effrayants : le Styx aux nombreux méandres, dont le seul nom est le gar ant
solennel des serments prêtés aux Dieux, le Phlégethon (fleuve de feu) et le Cocyte (fleuve des gémissements) dont les
cours se rejoignent pour former l'Achéron aux eaux fangeuses. Pour pénétrer dans le royaume des morts, l'âme doit
franchir ce fleuve dans la barque du sinistre passeur Charon (...) Ensuite, le terrible Cerbère garde la porte des Enfers
(...) L'âme se rend vers l'une ou l'autre des zones des Enfers après avoir comparu devant les trois juges suprêmes :
Eaque, Minos et Rhadamanthe, fils de Zeus. (...)
Divers mythes antiques montrent des mortels qui se rendent aux Enfers et en reviennent vivants : Héraclès, Thésée,
Orphée, Enée... Leur victoire sur la mort après les épreuves qui les ont menés vers le secret des choses confirme leur
statut héroïque.
Extraits du Dictionnaire culturel de la mythologie gréco-romaine, sous la direction de René Martin, Nathan
Enée, rencontre la Sibylle à Cumes (près de Naples) et lui demande son aide pour descendre aux Enfers et parler
avec son père, Anchise.
Creusé dans ses profondeurs, le flanc de la roche eubéenne recèle un antre énorme où mènent cent larges galeries,
avec cent portes d'où s'élancent autant de voix, réponses de la Sibylle. On était arrivé sur le seuil quand la jeune
prêtresse dit : « c'est le moment de demander les destins : le dieu, voici le dieu ! » Comme elle prononçait ces mots
devant l'entrée, soudain son visage se défit, ses cheveux se dénouèrent, mais sa poitrine haletante, mais son cœur
sauvage se gonflent de fureur, elle apparaît plus grande, sa voix n'est plus d'une mortelle quand elle a été touchée du
souffle et de l'esprit, maintenant plus proche du dieu. « Tu tardes à présenter tes vœux, tes prières, Troyen Enée, mais
elles ne s'ouvriront pas avant, les grandes bouches de la demeure épouvantée ».
(suivent la prière d'Enée et les réponses du dieu par la bouche de la Sibylle)
« Héros né du sang des dieux, Troyen fils d'Anchise, il est facile de descendre en l’Averne : elle est ouverte nuit et jour,
la porte du sombre Dis, mais revenir sur ses pas, se retrouver libre sous les souffles d’en haut, voilà ce qui est l’affaire
et qui demande effort. Bien rares l’ont pu, hommes qu’aima le juste Jupiter ou que leur ardente vertu éleva jusqu’à
l’empyrée, vrais fils des dieux : d’ici là les forêts tiennent tout, et alentour le Cocyte glisse ses noirs replis. Mais si tu as
dans l’âme une telle passion, un tel désir de traverser deux fois les eaux mortes du Styx, de voir deux fois le sombre
Tartare, s’il te plaît d’épuiser un labeur insensé, apprends ce qu’il faut d’abord accomplir. Sur un arbre, entre des
branches impénétrables, un rameau se cache dont la baguette souple, dont les feuilles sont d’or, il est voué en propre
à Junon infernale ; tout le bois le protège ; les ombres, au creux des vallées obscures, le serrent. Mais à personne il
n’est donné d’accéder aux souterrains mystères avant qu’il n’ait de l’arbre détaché la pousse aux cheveux d’or : la
belle Proserpine a décidé qu’elle lui serait portée en présent personnel. Le rameau arraché, un autre ensuite, d’or lui
aussi, ne manque pas de renaître et cette branche se couvre de feuilles du même métal. Donc mets-toi en quête, lève
les yeux et, une fois trouvé, cueille-le de ta main selon le rite. Il cédera de lui-même, aisément, de bon cœur, si les
destins t’appellent ; sinon, tu n’en pourras triompher par aucun effort ni l’ébranler par le fer le plus dur. »
Virgile, Enéide, VI vers 43 à 53 et 126 à 148
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Le Syndrome d’Orphée
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4) Extrait du film de Cocteau : le passage du miroir
Consignes : intégrer l'extrait du film et sa transcription à un diaporama qui présentera en quelques images l'histoire du
film et expliquera rapidement cet extrait.
La chambre au miroir. — Les deux motocyclistes attendent debout de chaque côté du miroir. Le corps du jeune homme
est par terre. L’appareil cadre l’entrée rapide de la princesse. Elle marche vers le corps et regarde.
LA PRINCESSE (aux motocyclistes). — Tout est prêt ?
LES MOTOCYCLISTES. — Oui, madame. — Cette scène sera tournée à l’envers et à vol d’oiseau. En fait, Cégeste
sera debout devant la princesse et se laissera tomber, suivi par ses mains qui ne le touchent pas. On verra donc le
jeune homme se lever lentement et mettre debout devant la femme redressée qui l'interroge.
LA PRINCESSE. — Cégeste, levez-vous. — L’appareil prend la princesse de dos et Cégeste, qui termine son
mouvement, de face, les yeux grands ouverts.
LA PRINCESSE. — Salut.
LE JEUNE HOMME (voix de somnambule). — Salut.
LA PRINCESSE. — Vous savez qui je suis?
LE JEUNE HOMME. — Je le sais.
LA PRINCESSE. — Dites-le.
LE JEUNE HOMME. — Ma mort.
LA PRINCESSE. — Bon. Vous êtes désormais à mon service.
LE JEUNE HOMME. — Je suis à votre service.
LA PRINCESSE. — Vous obéirez à mes ordres.
LE JEUNE HOMME. — J’obéirai à vos ordres.
LA PRINCESSE : C'est parfait. Alors, en route... – Elle se retourne vers les motocyclistes. Ensemble de la princesse,
du jeune homme, du miroir et des deux motocyclistes. – Empoignez ma robe. Ne craignez rien. Ne me lâchez pas. –
La princesse recule, le jeune homme toujours à petite distance derrière elle. Elle avance très vite vers le miroir et y
pénètre avec le jeune homme. Plan vu de l'intérieur du miroir qui ondule comme de l'eau. Plan d'Orphée, son verre de
champagne à la main, il apparaît sur le seuil de la porte. Le verre tombe et se brise. Les deux motocyclistes ferment la
marche et s'engouffrent à leur tout dans le miroir qui redevient miroir. Orphée se jette contre sa surface et s'y cogne.
On le voit et on l'entend frapper. Orphée de près, face au miroir. Sa tête chavire. Ses mains glissent. Il se trouve mal et
s'affaisse au pied du cadre.
Orphée, Jean Cocteau, éditions Edouard Dermit, 1950
5) Extrait du film de Cocteau : le départ vers les Enfers
Consignes : intégrer l'extrait du film et sa transcription à un diaporama qui présentera en quelques images l'histoire du
film et expliquera rapidement cet extrait.
ORPHÉE — mais ma femme est là... morte... sur son lit de mort !... On le voit dans la glace qui se retourne et s'élance
vers la tête du lit.
HEURTEBISE — c'est une des formes d'elle, comme la princesse est une des formes de la mort. Tout cela est faux.
Votre femme habite un autre monde où je vous invite à me suivre.
ORPHÉE — Je la suivrais aux Enfers...
HEURTEBISE — On ne vous en demande pas tant.
ORPHÉE — Heurtebise... je veux rejoindre Eurydice.
HEURTEBISE — Vous n'avez pas à me supplier. Je vous l'offre. (Posant ses mains sur les épaules d'Orphée) Orphée,
regardez-moi dans les yeux. Désirez-vous rejoindre Eurydice ou la mort ?
ORPHÉE — mais...
HEURTEBISE — Je vous pose une question précise, ne l'oubliez pas. Est-ce la mort que vous désirez rejoindre ou
Eurydice ?
ORPHÉE (détournant le regard). — Les deux...
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Le Syndrome d’Orphée
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HEURTEBISE. — ... Et, si possible, tromper l'une avec l'autre...
ORPHÉE (s’élançant vers le miroir). — ... Dépêchons-nous.
HEURTEBISE. — Je me félicite de n’être plus dans la vie. — L’appareil montre le lit d’Orphée avec les gants oubliés
par la mort. La main de Heurtebise entre dans le champ et les enlève de l’image. — On a oublié des gants chez vous.
ORPHÉE. — Des gants ?
HEURTEBISE. — Mettez-les... Allez, allez... Mettez-les. (Il les lui jette.) — Orphée reçoit les gants au vol. Il hésite un
instant, puis se gante. (Image prise à l’envers.)
HEURTEBISE (près du miroir). — Avec ces gants, vous traverserez les miroirs comme de l’eau !
ORPHÉE. — Prouvez-le-moi.
HEURTEBISE. Essayez. Je vous accompagne. Regardez l’heure. — Gros plan de la pendule qui marque six heures
moins une seconde. Orphée s’apprête à s’engager dans le miroir, les mains basses. — D’abord les mains ! - Gros plan
des mains gantées vers le miroir. On y voit Orphée qui avance. Les quatre mains se rejoignent. Vu d’en l’air. — Auriezvous peur ?
ORPHÉE. — Non, mais cette glace est une glace et j’y vois un homme malheureux.
HEURTEBISE. — Il ne s’agit pas de comprendre. Il s’agit de croire — Orphée, les mains en avant, entre dans le miroir.
Gros plan des mains qui pénètrent dans le miroir. (Fait dans une cuve de mercure.) On voit, dans le miroir, une
ébauche de la zone où s'enfoncent Orphée et son guide. Puis l'image de la chambre s'y reforme.
Orphée, Jean Cocteau
6) Extrait du poème de Maïakovski,
Consignes : associer dans un diaporama des images à ce poème et préparer une mise en voix expressive pour
accompagner le montage.
A toutes celles
qui séduisent ou ont séduit,
icônes préservées dans la grotte de l'âme,
comme une coupe de vin pour le toast, à table,
je lève mon crâne plein de poèmes.
de plus en plus souvent, je me demande
si je ne ferais pas mieux de poser
d'une balle un point final à a vie.
Aujourd'hui je donne,
à tout hasard,
mon concert d'adieu.
Mémoire!
Rassemble dans la salle du cerveau,
le groupe innombrable des bien-aimées.
D'un œil à l'autre verse le rire.
Que les noces d'antan rehaussent la nuit.
Que la joie verse d'un corps à l'autre
et que nul ne puisse oublier cette nuit.
Je vais maintenant jouer de la flûte
sur mes propres vertèbres.
Vladimir Maïakovski, La flûte des vertèbres (prologue), traduction Henri Deluy
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THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
Le Syndrome d’Orphée
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Entrée par le parcours des artistes
Il peut être intéressant de présenter aux élèves le travail de Vladimir Pankov et de la compagnie Soundrama, d'autant
plus que les spectacles Doktor et La Noce ont été présentés au Trident au cours des quatre dernières saisons ; il s'agit
ici d'insister sur le projet collectif, mêlant plusieurs genres pour créer un spectacle total. Les textes proposés sont
extraits du dossier pédagogique réalisé par Fanny Guichard, du Théâtre de Vidy-Lausanne où a été créé le Syndrome
d'Orphée en mars 2012
Extrait 1 : l'importance de la musique. On rattachera cet extrait au nom de la compagnie (Sound, le son) et on pourra
montrer aux élèves des extraits d'autres spectacles (on peut trouver la bande annonce de Morphine, sur youtube, par
exemple : PARAGRAM PICTURES SounDrama MORPHY МОРФИЙ ПРОМО)
« On oublie que le son existait avant le verbe. Je ne cherche pas un nouveau langage universel, il est déjà inventé par
celui qui se trouve au-dessus de nous et c’est la musique. Un phénomène fantastique. Les bruits dans la rue sont une
sorte de musique aussi, mais, vous l’avez déjà sûrement remarqué, si vous mettez des écouteurs, votre perception de la
rue change en fonction de votre musique. En travaillant pour le cinéma, j’ai remarqué que le visuel dépend beaucoup du
sonore, les sons imprègnent la perception, mettent des accents sur l’image, permettent de changer l’atmosphère ou
déplacer des sens » (V Pankov)
Il y a un lien très fort entre le thème de la musique et les différentes œuvres que Vladimir Pankov a décidé de traiter
dans cette création : « Il nous semble que le mythe d’Orphée pose la question, à travers la musique, du pouvoir de l’art
― de l’art en général, de la danse, du théâtre, des arts plastiques… ― face à l’animalité, à la férocité des pulsions, à la
violence de la nature, à l’oubli, et à la mort. »
La création Le syndrome d’Orphée a priori se présentera comme un rêve. Le rêve d’un jeune danseur qui nous plonge
dans un univers loufoque et décalé, librement inspiré du mythe d’Orphée. La bande-son joue de façon décomplexée
avec la richesse foisonnante des versions musicales du mythe à travers les siècles.
Extrait 2 : le projet SounDrama, avec l'idée centrale du mélange des genres et de l'importance du collectif.
C’est exactement ce que Pankov veut éviter : être étiqueté, classé et réduit à déployer son talent dans un genre qui ne
serait pas assez complet. Ce qu’il veut, c’est briser les idées reçues et allier folklore ancien, musique contemporaine,
danse, vidéo et théâtre. Pour lui, SounDrama est le lieu idéal pour combiner différents styles de danses, de musiques,
de costumes etd’époques. Ce collectif est ouvert à tous les artistes, quels que soient leur nationalité ou leur âge, dans
un objectif d’improvisation et de partage. Pour illustrer ce propos, Le syndrome d’Orphée met en scène la troupe
moscovite du SounDrama, des musiciens russes, des danseurs de l’Ecole Rudra-Béjart et un interprète suisse. Tous
prennent part à l’élaboration de ce que le metteur en scène aime appeler «une œuvre collective.»
Le SounDrama est un mélange de genres qui permet de créer une forme d’art intégrale et vivante dans laquelle les
interprètes sont les éléments principaux et donnent une perception plus dynamique à la pièce en expérimentant, en
effectuant des ratures. Pour Vladimir Pankov, le théâtre doit être un acte risqué, hasardeux. Il doit être une tentative.
(...) « Nous avons le désir de créer un théâtre audiovisuel dansé, une écriture métisse qui s’enrichissent de la diversité
des pratiques corporelles à la manière d’un art du collage. » Vladimir Pankov. Pour l’équipe du SounDrama, c’est en
procédant à la manière d’un collage, en réunissant plusieurs genres qu’il est alors possible de créer une nouvelle
énergie, vivante, profonde et inespérée.
Extrait 3 : De Maiakovski à Cocteau, en passant par Glück. On insiste ici sur les thèmes de la pièce, la construction
du livret. Il peut être très utile aussi de faire entendre aux élèves des extraits de l'opéra de Glück.
« Lorsque nous avons commencé à évoquer ce projet, un texte m’est immédiatement venu à l’esprit : La flûte de
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vertèbres de Maïakovski. Il y a longtemps que le grand poète russe me passionne et je sens aujourd’hui que le moment
est venu de créer un spectacle inspiré de cette matière. A mon sens cette œuvre parle d’un amour fou, d’un suicide,
bref : de l’amour et de la mort, qui vont toujours ensemble. La face cachée d’un amour vrai est toujours la mort
Au gré de mes lectures, j’ai un jour découvert la pièce Orphée de Cocteau. Immédiatement des affinités entre les deux
œuvres me sont apparues. Elles ont en commun une passion dévorante, qui se retrouve d’ailleurs aussi bien chez le
personnage mythique que chez Jean Cocteau ou le jeune Maïakovski. Très différents les uns des autres, très éloignés
dans le temps et l’espace, ils sont animés par une même révolte contre les normes et les régimes. Cette idée me
réchauffe le cœur et irrigue ma vie ! Nourri par toute cette matière, je vais écrire un livret. Je ne sais évidemment pas
encore quel sera le résultat, mais je suis convaincu que cela peut être passionnant !
Pour ce spectacle, j’aimerais marier des formes qui ne se marient pas : le free jazz et le classique. La construction
musicale sera basée sur l’opéra de Gluck Orphée et Eurydice. La poésie de Maïakovski, quant à elle, symbolisera les
bases d’une expérimentation avec la parole et le son. Le texte rythmé dictera l’expression corporelle des interprètes.
Tout cela formera un terrain fertile, qui pourrait aboutir à un vrai «soundrama», où le son est le protagoniste. »
V Pankov
Extrait 4 : interview de V Pankov avant la création du Syndrome d'Orphée
Le syndrome d’Orphée… A quoi ressemblera ce nouveau spectacle au titre surprenant ?
Je commencerai plutôt par décrire l’équipe qui participera à cette création, puisque les interprètes sont l’élément le plus
important. Il y aura le chorégraphe permanent de notre troupe moscovite, Serguey Zemlianski, notre compositeur
Serguey Rodiukov, des musiciens russes et un interprète d’ici. Puis des chanteurs de l’opéra de Moscou et de Lausanne
et les trois jeunes danseurs de l’Ecole Rudra-Béjart Lausanne, une école phénoménale. Je parle des musiciens et des
interprètes qui sont en même temps compositeurs et auteurs du spectacle, d’une œuvre collective. Cette liste peut déjà
en elle-même donner une idée de la future création qui se présente comme une mosaïque colorée de formes d’art
différentes.
Il est difficile de rendre compte du sujet. Le spectacle parlera de l’amour absolu, conciliant, dans lequel tout est soumis à
un seul condensé d’énergie, entraîné vers une substance dominante ultime, la mort. Passion dévorante, amour et
suicide.
Le fil conducteur dans cet espace a été pour moi le mythe d’Orphée qui relie Cocteau et Maïakovski. D’ailleurs, il existe
d’autres affinités entre les deux.
Dans quel espace scénique et philosophique se croisent vos personnages ?
Cocteau et Maïakovski se réunissent par la poésie d’un amour absolu, l’amour qui inclut aussi des relations
homosexuelles, souvent blâmées. Mais un amour universel ne connaît pas de condamnation, puisqu’il n’a pas de limites.
Je me demande souvent quand apprendrons-nous à ne pas décomposer les sentiments, à ne pas condamner tout ce
qui sort du système tout fait. Mon spectacle parle de l’amour qui pardonne tout, pour lequel il n’existe pas de division
entre aimer et ne plus aimer, ce dernier signifie que l’amour n’existait pas… C’est le pardon qui est fondamental en
amour. Pourquoi y a-t-il toujours une victime dans les histoires d’amour ? Maïakovski en est une. Quand viendra-t-on au
pardon universel ? Je ne connais pas de réponse, mais je pose cette question dans ma création. Je mets en scène un
monde imaginaire, irréel, conventionnel. Pour moi, trois symboles sont évidents : rêve, amour, mort. Où se retrouvent
mes personnages ? Peut-être dans un purgatoire.
Le processus de la création ressemble-t-il à une improvisation du jazz que vous aimez tant ?
La création du spectacle est une bonne jam-session (note : une improvisation). Tout dépend de comment les interprètes
se sentent l’un envers l’autre. Cependant, il faut avoir un libretto, comme dans un ballet, pour ne pas se perdre dans la
profusion d’idées et d’associations. En tant que metteur en scène, chef d’orchestre, je suis pour cette carcasse rigide,
mais, par-dessus tout, il doit y avoir des acteurs vivants. Tout en respectant le libretto, les interprètes doivent respirer,
voire improviser, mais c’est de la haute voltige… Au fur et à mesure, le spectacle se construit, il peut y avoir six ou sept
niveaux sémantiques différents. Le plus important dans Le syndrome d’Orphée est de revenir aux origines du théâtre, au
théâtre rituel. Je suis très attiré par le théâtre grec, le rituel mis en musique.
Propos recueillis et traduits par Olga Yurkina
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Entrée par le jeu
Choix de courts extraits du poème de Maïakovski et du texte de Cocteau. On peut aussi intégrer quelques extraits de
l'opéra de Glück en demandant aux élèves de l'intégrer à leur recherche de mise en scène.
Consignes : associer les deux textes et proposer une mise en scène.
Consigne : par groupe, choisir quelques courts passages (5 maximum) du texte de Cocteau et du poème de
Maiakovski, les associer, puis proposer une mise en scène. Les textes peuvent être dits à plusieurs, en boucle, avec
des effets de répétition ou de décalage ; ils peuvent être chantés, hurlés, slamés, déclamés.
Il s'agit moins ici de travailler le jeu que la réflexion sur la mise en scène et la dramaturgie qui pourraient être proposées
à partir de ce matériau théâtral composite. En effet, l'important avant ce spectacle est sans doute de s'interroger sur ce
qui fait "théâtre", c'est-à-dire pour SounDrama un spectacle total, où le texte remanié, mis en boucle, coupé, devient un
élément de la création collective. Il n'en est pas moins central et ce sera un point d'accroche pour les élèves de
reconnaître des passages, des bribes du texte étudié en classe. C'est aussi ce qui permettra l'analyse ensuite. Leur
demander d'imaginer une petite mise en scène les amène à travailler en groupe, à choisir des extraits (donc à créer des
liens entre Cocteau et Maïakovski), à jouer. Dans le cadre du cours, on leur donnera un temps de réflexion et
d'élaboration, en fixant une contrainte temporelle (par exemple 20 à 30 minutes de préparation pour 2 à 3 minutes de
présentation) ; cadrer le temps de passage et exiger la sélection de courts passages obligent à mettre l'accent sur la
mise en scène, et non sur une lecture longue qui ne ferait pas sens. Après chaque passage de groupe, il faut, avec la
classe, prendre le temps de commenter ce qui vient d'être proposé : ce que les spectateurs y ont vu, ce qu'ils trouvent
intéressant et pertinent, puis les remarques complémentaires des acteurs. Ce temps de discussion est celui de la
confrontation aux textes et aux choix qui ont été faits pour les sélectionner et les transformer scéniquement.
A toutes celles
qui séduisent ou ont séduit,
icônes préservées dans la grotte de l'âme,
comme une coupe de vin pour le toast, à table,
je lève mon crâne plein de poèmes.
de plus en plus souvent, je me demande
si je ne ferais pas mieux de poser
d'une balle un point final à ma vie.
Aujourd'hui je donne,
à tout hasard,
mon concert d'adieu.
Mémoire!
Rassemble dans la salle du cerveau,
le groupe innombrable des bien-aimées.
D'un œil à l'autre verse le rire.
Que les noces d'antan rehaussent la nuit.
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Que la joie verse d'un corps à l'autre
et que nul ne puisse oublier cette nuit.
Je vais maintenant jouer de la flûte
sur mes propres vertèbres.
A grands pas, j'avale des kilomètres de rue.
Où aller, avec cet enfer en moi ?
Quel Hoffman, là-haut,
t'a imaginée, maudite femme ?
Rues trop étroites pour les tourbillons de joie,
la fête emporte, elle emporte les élégants.
Je réfléchis,
et mes pensées, caillots de sang,
souffrantes et gercées, glissent de mon crâne.
Moi,
prodige de toute fête et personne pour la fêter avec moi.
Je vais d'un coup m'effondrer à terre,
fracasser ma tête sur une pierre de la Nevski!
Je blasphème,
je hurle que dieu n'existe pas,
et dieu, des profondeurs de sa fournaise, tire
celle qui trouble et bouleverse même les montagnes,
Il me la donne et ordonne :
aime-la !
Dieu est satisfait.
Sous le ciel, sur l'abîme,
l'homme accablé redevient sauvage et s'éteint.
Dieu se frotte les mains.
Et il pense, dieu :
attends un peu, Vladimir !
C'est lui, lui, encore,
qui, pour qu'on ne soupçonne pas qui tu es,
imagine de te donner un mari légitime
et d'ouvrir sur le piano une partition humaine.
Si je me glisse soudain par la porte de la chambre
et fais un signe de croix sur votre édredon,
je le sais -ça sentira le roussi
et le souffre en fumée de chair du diable.
Plutôt que ça, et jusqu'à l'aube,
dans l'horreur qu'on t'ait emmenée là pour être aimée,
je taille
mes cris pour y gagner des vers,
joaillier déjà presque fou !
Plutôt jouer aux cartes !
Plutôt rincer dans le vin
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la gorge d'un cœur qui se dessèche de gémir.
Je n'ai pas besoin de toi !
je ne veux pas !
C'est égal,
je le sais,
bientôt je vais crever.
Si c'est vrai que tu existes,
dieu,
mon dieu,
si c'est toi qui tisses le tapis des étoiles,
si cette douleur
chaque jour plus profonde,
cette torture, est ton produit, seigneur,
porte alors la chaîne du juge.
Attends ma visite :
Je serai à l'heure,
je ne sauterai pas un jour.
Ecoute,
suprême inquisiteur !
Bouche cousue.
Pas un cri
ne sortira de mes lèvres mordues jusqu'au sang.
Attache-moi aux comètes, comme à la queue d'un cheval,
laisse courir.
Que me déchirent les dents des étoiles.
Ou encore :
Quand mon âme en fuite
se présentera devant ton tribunal,
hébétée, sourcils froncés,
toi,
la voie lactée changée en potence,
tu pourras me pendre, je suis un criminel.
Fais ce que tu veux.
Ecartèle-moi si tu veux.
Je te laverai les mains, à toi, le juste.
Seulement―
entends-tu ! ―
emmène cette maudite femme
dont tu as fait mon amour !
A grands pas j'avale des kilomètres de rue,
Où aller, avec cet enfer en moi ?
Quel Hoffman, là-haut,
t'a imaginée, maudite femme ?
Vladimir Maïakovski, La flûte des vertèbres, traduction Henri Deluy
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L'exemple d'un parcours en classe de 3ème
La classe de 3ème A du collège La Bucaille bénéficie pour l'année 2012-2013 d'un jumelage financé par le
rectorat et la DRAC, associant le collège, le Trident-Scène nationale de Cherbourg-Octeville et la Brèche, pôle national
des arts du cirque. Le projet est intitulé « les écritures du corps » et a pour objectif de faire travailler les élèves sur la
thématique du corps en scène, à travers différents genres (théâtre, danse, cirque) et leurs interactions dans la création
contemporaine. Le travail est mené en cours de français, d'EPS et d'arts plastiques, avec l'association ponctuelle
d'autres disciplines (anglais, musique...). La classe assistera à 4 spectacles, participera à des ateliers de pratique
(cirque à la Brèche, danse au Trident, théâtre au collège) et élaborera au long de l'année une création collective
associant l'écriture et sa mise en scène, en voix, en espace. Les trois spectacles inscrits dans le parcours de spectateur
au Trident pour cette classe ont été choisis en fonction de cette thématique, mais aussi en fonction du calendrier (trois
spectacles répartis dans l'année scolaire pour nourrir le projet de création) et des présentations et ateliers proposés par
la Brèche.
Le travail sur ce parcours a commencé en septembre à La Brèche, autour de la présentation publique du
Centre National des Arts du Cirque (spectacle en création), Pulsions, sur les sept péchés capitaux. Les élèves ont
participé à des ateliers de cirque, ont rencontré plusieurs circassiens du CNAC, ont assisté à une répétition et ont vu la
présentation publique. Le travail d'accompagnement mené en cours de français s'est intégré à une séquence sur
l'écriture de soi : émotions, sensations, ressentis ; il s'est centré sur des exercices d'écriture (par exemple : ce moment
où j'ai marché sur le fil...). Tous ces textes ont été mis en voix ou mis en scène dans le cadre de la classe. Une
cohésion de classe s'est construite dès ces premières activités, qui ont permis très vite de travailler sur la question du
corps, du rapport à son propre corps, à celui de l'autre et ont amené la classe à réfléchir à ce que les corps expriment
sur scène.
Le Syndrome d'Orphée, mis en scène par Vladimir Pankov est le premier spectacle vu au Trident, mais le
deuxième temps de ce parcours. Le travail mené en classe avant et après le spectacle s'explique par cette intégration
dans le projet. La description de ces propositions pédagogiques dans ce cadre particulier vise à montrer un exemple
concret de préparation, modulé en fonction d'un projet ; ce n'est pas exemplaire, mais cela peut donner des idées !
Le travail proposé dans cette classe pour préparer la venue au spectacle sera basé sur l'utilisation d'un carnet
du spectateur (Tous au théâtre, Scéren-CRDP de Caen).
Dans un premier temps, deux heures seront consacrées à la figure d'Orphée (entrée par l'histoire et par les
textes) pour que les élèves s'approprient les références mythologiques et perçoivent déjà les variations sur les thèmes.
Ensuite, la classe participera à une heure d'atelier théâtre centrée sur la mise en scène d'extraits du poème de
Maïakovski, avec la consigne de réutiliser des techniques vues pendant les ateliers de cirque et de théâtre. Le travail
mené en parallèle pendant le cours d'EPS sur la danse sera aussi utilisé. A la fin de cette séance de recherche, les
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élèves regarderont la vidéo de présentation du spectacle, le Syndrome d'Orphée, ce qui leur permettra d'avoir une
première impression sur le spectacle et de voir que danse, théâtre et musique sont convoqués pour dire ce poème. Ce
sera l'occasion de faire des comparaisons avec leurs propositions et de poser des hypothèses sur le spectacle à venir.
Enfin, au cours de la dernière heure, les élèves étudieront l'affiche et la plaquette du Trident pour formuler des
attentes sur le spectacle. Après qu'ils auront rempli leur carnet du spectateur (pages avant le spectacle), on demandera
aux élèves de réfléchir sur le titre le syndrome d'Orphée.
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