La montée de l’instabilité financière est l’un des faits marquants de la période
récente. Les crises bancaires sont la forme la plus spectaculaire de cette instabi-
lité. Les données disponibles sont éloquentes : les deux tiers des pays membres du
FMI ont été frappés par des crises bancaires graves qui ont entraîné des pertes
cumulées supérieures à 250 milliards de dollars (Honohan, 1997) ; par ailleurs,
plus de 130 pays, ce qui représente les trois quarts des pays membres du FMI, ont
connu des dysfonctionnements bancaires significatifs (Lindgren, Garcia & Saal,
1996). Les pays émergents d’Amérique latine et d’Asie ont été particulièrement
touchés par ces crises bancaires dont le coût a souvent été considérable. Ainsi, la
charge à long terme, pour le contribuable, du sauvetage des banques mexicaines, à
la suite la crise du peso de 1994-1995, a été estimée à 21 % du PIB. Au
Venezuela, le coût de la crise bancaire a été également estimé à 15 % du PIB. Par
comparaison, le coût de la crise des caisses d’épargne américaines à la fin des
années quatre-vingt a représenté 3,5 % du PIB, et de 5 à 7 % du PIB dans les pays
scandinaves lors des crises bancaires de 1991-1992.
Ces dernières années, d’importantes avancées dans la compréhension de ces
crises ont été réalisées grâce à des travaux empiriques très documentés, dont cer-
tains ont été effectués par des économistes du FMI. Ces travaux montrent en par-
ticulier l’existence d’une relation entre les crises bancaires et financières et les
politiques de libéralisation financière, souvent radicales, menées dans les pays
émergents. Ils montrent également que les défaillances bancaires sont au centre
des crises économiques et financières récentes des pays émergents.
La plupart de ces analyses, de nature principalement macroéconomique, met-
tent en avant deux séries d’explications aux crises bancaires : d’une part, la libé-
ralisation financière rend les banques plus vulnérables aux chocs
macroéconomiques et, d’autre part, la fragilité financière de ces dernières serait
aggravée par l’inadaptation des politiques publiques et par l’insuffisance des dis-
positifs de supervision, particulièrement patentes dans les pays émergents. Il
apparaît toutefois que ces explications, si elles ne sont pas contestables, ne per-
mettent néanmoins pas d’élucider totalement les raisons qui amènent les banques
à prendre des risques excessifs et à constituer un facteur majeur d’instabilité.
L’objectif de cet article est, en prolongeant ces travaux récents, de combler
cette lacune
2
. Notre hypothèse centrale est que les défaillances bancaires à l’ori-
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Économie internationale, la revue du CEPII n° 85, 1ER TRIMESTRE 2001
crises bancaires en Argentine et en Corée.
Les résultats obtenus ne permettent pas de
rejeter l’hypothèse selon laquelle le com-
portement spéculatif des banques serait à
l’origine des défaillances et des crises ban-
caires. On montre en particulier que, dans
ces deux pays, les banques défaillantes sont
également celles qui, dans les années précé-
dentes, exhibaient les niveaux de rentabilité
les plus élevés allant de pair avec des prises
de risques élevées de nature spéculative.
On conclut à la nécessité de renforcer le
dispositif de gestion des risques et de
contrôle prudentiel des banques dans les
pays émergents afin de limiter les compor-
tements spéculatifs.
Classification JEL : F32 ; G15 ; G28.
2. Les auteurs remercient Virginie Coudert et les rapporteurs anonymes pour leurs remarques. Ce texte a fait l’objet d’une
présentation au colloque « Reconstruire l’architecture du système financier international » qui s’est tenu à Sienne, les
23-24 mai 2000.