Nociception C-H Cottart Mai 2006 1 Définitions La nociception : Sherrington , 1906. Effets induits par les stimulus de forte intensité susceptibles de compromettre l’intégrité de l’organisme. La douleur : La douleur (IASP) se définit comme : " une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle ou décrite en terme d’une telle lésion ". "La douleur est avant tout une expérience psychologique" Elle fait intervenir des composantes sensorielles (nature, localisation, intensité), affectives (sensation aversive de malaise),et cognitive (éveil, attention, imagerie mentale) 2 Rôle de la douleur Analgésie congénitale => nombreuses cicatrices, dégénérescence progressive des articulations des membres et au niveau des vertèbres => mort jeune (traumatisme, infection…) Douleur => Signal d’alarme => évitement => survie 3 Hyperalgésie Sensation douloureuse accrue en réponse à une stimulation normalement douloureuse. La voie nociceptive devient très excitable => hypersensibilité à la douleur Hyperalgésie primaire : sensibilité extrême des récepteurs nociceptifs eux même (exp : peau brûlée par le soleil). Hyperalgésie secondaire : facilitation de la transmission sensorielle. L’allodynie Douleur provoquée par une stimulation (mécanique, thermique…) habituellement non douloureuse. 4 Physiologie de la douleur Transmission schématique du message douloureux Lieu de lésion périphérique Contrôle de la douleur Relais dans la ME Thalamus "Cerveau " 5 Physiologie de la douleur Au niveau périphérique : Nocicepteurs : Terminaisons nerveuses libres, non capsulaires, amyéliniques => tissus cutanés, musculaires, articulaires, et dans la paroi des viscères. Seuil d'excitation élevé. Plusieurs modalités de stimulation : thermique, chimique et mécanique ou substances algogènes. 6 Mécanismes périphériques de la douleur 7 Les médiateurs périphériques de la douleur (i) Issus de la lésion tissulaire elle-même (H+; K+) Liés au processus inflammatoire (leucotriènes, prostaglandines dont la PGE2) - sensibilisation aux agents précédents-. Libérés par les nocicepteurs et pouvant activer directement ou indirectement ces derniers (substance P). 8 Les médiateurs périphériques de la douleur (ii) La bradykinine est l’un des plus puissants algogènes connus. L’histamine (issue de la dégranulation des mastocytes) est prurigineuse et douloureuse. La sérotonine (indoleamine) provient essentiellement des thrombocytes Également d'autres substances impliquées : ATP….. => sensation douloureuse, vasodilatation et augmentation de la perméabilité vasculaire.... La substance P est un peptide de 11AA. Elle peut être libérée par les terminaisons libres amyéliniques après stimulation => induit des potentiels d'actions durables dans les neurones nociceptifs + vasodilatation et augmentation de la perméabilité vasculaire. Notion de “soupe inflammatoire“. 9 Mécanismes centraux de la douleur Transmission du stimulus périphérique de la douleur au SNC. Premier relais dans la corne dorsale de la moelle épinière. Mouvements “réflexes“ d’échappement 10 Transmission du message douloureux de la périphérie à la moelle épinière : Les messages nociceptifs périphériques sont véhiculés par deux grands types de fibres Fibres Aδ => « rapides » => plutôt douleur aiguë Fibres C => « lentes » => plutôt douleur chronique http://www.inrp.fr/Acces/biotic/neuro/douleur/html/taille.htm 11 Les corps cellulaires se trouvent dans les ganglions spinaux. Projection dans la corne postérieure de la moelle épinière => système complexe => transmission aux neurones nociceptifs. 12 Mécanismes centraux de la douleur Projection dans différentes zones du cerveau. Deux voies principales : Le faisceau néospinothalamique : plutôt pour les douleurs rapides, aiguës. Le faisceau paléospinothalamique : plutôt pour les douleurs lentes, chroniques. Il existe d’autres voies dont le faisceau spino-réticulaire, impliqué dans l'hyperéveil dû à la nociception. Cf : lettre n° 14 de l'Institut UPSA de la douleur : http://www.institut/pharmaciens/lettre_institut lettre_institut/lettre_institut_2.htm /lettre_institut_2.htm http://www.institut-upsaupsa-douleur.org/professionnels/documentation/periodiques douleur.org/professionnels/documentation/periodiques/pharmaciens/ 13 Voies ascendantes de la douleur 14 Voies ascendantes de la douleur Le thalamus transmet l’information douloureuse Dans sa partie centrale au système limbique => influence le caractère affectif du vécu algique. à l’hypothalamus à l’hypophyse => relation avec le système endocrinien. Dans sa partie latérale Au cortex somatosensitif => contrôle des fonctions cognitives (perception consciente de la douleur). Donc pas de centre de la douleur parfaitement délimité. 15 Les médiateurs centraux de la douleur Il existe de très nombreuses molécules impliquées dans la transmission du message douloureux. Une même fibre nerveuse peut contenir différents peptides et AA excitateurs. Parmi ces molécules, on trouve: Les peptides : (une vingtaine dont) La substance P La somatostatine Le peptide intestinal vaso-actif (VIP) L’ACTH ….. Les AA excitateurs : L-glutamate NMDA …. 16 Modulation de la transmission de la douleur . Contrôle d’origine supraspinale La substance grise périaqueducale. Le noyau raphé magnus. 17 Le système opioïde du cerveau (i) . Différents types de récepteurs opioïdes (µ,κ,δ) De nombreuses substances endogènes analogues de la morphine. Parmi les plus importantes : Bêta-endorphine (dérivé de la pro-opiomélanocortine) Met-enképhaline et Leu-enképhaline (dérivés de la proenképhaline) Dynorphine (200*> à la morphine)(dérivés de la prodynorphine) 18 Le système opioïde du cerveau (ii). Système Noc/OFQ (Ito et al. Neuroscience research 2001, 41, p299) Neuropeptide récemment découvert : nociceptine/orphanine FQ ==>17 AA avec une structure proche de la dynorphine A. Récepteur (ORL1 chez l’homme) qui n’a pas une forte affinité pour les autres opioïdes endogènes. Précurseur : prépro Noc/OFQ Participe à la transmission de la douleur ? Rôle dans hyperalgésie et allodynie? Nocistatine : également dérivée du prépro Noc/OFQ mais effet inhibiteur sur la douleur impliquant le système Noc/OFQ. Distribution large dans tout le SNC 19 Contrôles segmentaires. Complexe inhibiteur dans la corne dorsale de la moelle épinière. Blocage de la douleur avant qu’elle ne soit relayée vers le cerveau Notion de “gate control“ = théorie de la porte ou du portillon 20 Convergence Les afférences Aδ et C se projettent sur des neurones spinaux nociceptifs spécifiques et non spécifiques. Les neurones non spécifiques portent le nom de « convergents » car : Reçoivent des messages nociceptifs cutanés et viscéraux (notion de “douleurs projetées“) Reçoivent à la fois des projections nociceptives et non nociceptives d’autres régions. Voient converger sur eux à la fois des informations venues de la périphérie et des centres supérieurs (contrôle descendant). 21 Adapté de http://www.sigmaaldrich.com 22 Notion de "douleur projetée". 23 La classification des douleurs (i) Les douleurs dites par excès de nociception Excès de stimulation des nocicepteurs. Brûlures, pincements, rages de dents, traumatismes …. Les douleurs neuropathiques Dysfonctionnement ou lésions des voies nerveuses modulatrices de la douleur au niveau du SNC ou périphérique (nerf sciatique). Origines peuvent être variées : traumatiques, toxiques, infectieuses (Zona…), métaboliques, ischémiques,… Les douleurs psychogènes D’origine psychique ou que l’on ne sait pas classer dans une des 2 catégories précédentes.. 24 La classification des douleurs (ii) Douleur aiguë : < trois mois (« signal d’alarme ») Evolution brève, début et fin précis. Manifestations physiques du domaine du stress. Alarme utile. Douleur chronique : au delà de trois à six mois, la douleur persistante et rebelle aux traitements usuels est dite chronique (« douleur maladie »). D'intensité variable, elle s’accompagne de modifications émotionnelles du registre de l’anxiodépression et de modifications du comportement social, familial et professionnel. 25 La classification des douleurs (iii) Douleur I : Rapidement, localisée précisément. Habituellement transitoire et aiguë => Aδ myélinisées =>réflexe de retrait. Douleur II : Brûlure plus intense, + difficile à supporter/ douleur I, diffuse , difficile à localiser =>réponse autonome, atteint le SNC par les fibres C : « douleur lente ». Douleur profonde : structures profondes comme les muscles et les viscères => ressentie comme une souffrance difficile à localiser. 26 Notion de "membre fantôme" Amputation => section de nerfs qui fréquemment vont former des pelotes de fibres nerveuses plus ou moins grosses par régénérescence. Ces “neuromes“ sont souvent sources de douleurs “fantômes“ qui peuvent devenir très violentes, le patient les ressentant comme si le membre manquant était dans une position crispée et raidie. 27 Mesure de la douleur (i) Aspect psychologique de la douleur « nous sentons plus un coup de rasoir du chirurgien que dix coups d’épée dans la chaleur du combat » (Montaigne). Influences ethniques, sociales et culturelles. => difficile à évaluer (Edwards et al., race ethnicity and pain. Pain 2001, 94, p133.) 28 Mesure de la douleur (ii) Auto évaluation => nombreuses méthodes dont : L'échelle visuelle analogique (EVA) aucune douleur ------------------------douleur extrême. 0 1 2 3 L'échelle verbale simple (score de 0 à 3). pas de douleur douleur modérée douleur importante douleur très intense NON UN PEU BEAUCOUP ENORMEMENT L’échelle numérique simple (1 à 10). 29 Chez les enfants de plus de 6 ans, possibilité d'utiliser : L’échelle des visages….. Localiser sur un dessin les endroit où il y a douleur…. 30 Hétéro évaluations => (enfants pré-verbaux, adultes dans l’impossibilité de s’exprimer, animaux….) Les altération comportementales dues à la douleur représentent des équivalents précoces d’expression verbales… La perception de la douleur est une qualité inhérente à la vie, présente chez tous les organismes vivants viables… Une seule possibilité : l'observation. Plusieurs grilles peuvent être utilisées pour les enfants préverbaux en fonction des circonstances (DEGR pour la douleur qui dure, l'EDIN, l'OPS….). Le choix de la méthode se fera en fonction de la tranche d'âge, du type de douleur… 31 Traitement de la douleur Les traitements médicamenteux => réduire la transmission des messages nociceptifs ou de renforcer/diminuer les contrôles physiologiques inhibiteurs/excitateurs des messages nociceptifs. Thérapeutiques non médicamenteuses. 32 Les antalgiques L’O.M.S. a proposé de classer l'ensemble des antalgiques en trois paliers ou niveaux correspondant à la puissance et au rapport avantage/inconvénient des analgésiques. Niveau I : non-opioïdes Niveau II : opioïdes faibles Niveau III : opioïdes majeurs Traitement adjuvant de la douleur. 33 Niveau 1 Analgésiques non morphiniques = le paracétamol, l’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (A.I.N.S.). Indiqués dans les douleurs légères à modérées. Mécanisme d'action : réduction de la synthèse des prostaglandines par inhibition des cyclooxygénases (COX). 34 Niveau 2 Agonistes morphiniques faibles. Associations entre analgésiques de niveau 1 et analgésiques morphiniques faibles : dextropropoxyphéne et codéine. Indiqués en cas de douleurs modérées à intenses ou dés lors que les douleurs résistent à 2 ou 3 grammes de paracétamol ou d'aspirine. Mécanisme d'action : activation des récepteurs opiacés endogènes "µ" situés principalement dans la corne postérieure de la moelle. 35 Niveau 3 Regroupement des agonistes morphiniques forts (morphine…) et des agonistes antagonistes (nalbuphine…). voie orale, parentérale ou centrale. Utilisés dans les douleurs sévères et dans les douleurs d'origine cancéreuse. Mécanisme d'action : la morphine est un antalgique à effet central possédant une action supraspinale et spinale. 36 Traitement co-antalgiques Antidépresseurs tricycliques (dans les dépressions, troubles du sommeil et les douleurs neuropathiques). corticostéroïdes (dans les cas de compressions de nerf…) Anticonvulsivants (dans les douleurs neuropathiques…) 37 Les traitements non médicamenteux Les traitements anesthésiques et neurochirurgicaux Neurostimulation transcutanée externe (effet de type gate control, indiquée en particulier dans les douleurs neuropathiques) Massages et les techniques d'électrothérapie (effet de type gate control et antiinflammatoire) Acupuncture …. 38 L’Effet placebo Placebo = “je plairai“ = substance inerte Administré comme un médicament => effet sur certaines personnes. Placebo + naloxone => diminution de l’effet placebo => intervention d’un système opioïde endogène . Vraisemblablement implication également d’un système non opioïde. 39 Mémoire de la douleur Les douleurs récentes font reverdir les vieilles douleurs. CHATEAUBRIAND Mémoires d'outretombe; tII, p 171 Douleur intense => modifications structurelles et fonctionnelles => laisse une trace “mnésique“ de la douleur => hyperalgie voire activité spontanée? Risque de “chronicisation“ de la douleur aiguë mal soignée. Avenir : prophylaxie de la douleur? 40 Précis de physiologie médicale. Guyton et Hall. Piccin. Neurosciences à la découverte du cerveau. Bear, Connors, Paradiso. Pradel. Psychobiologie. Rozenzweig, Leiman, Breedlove. De Boeck Université. Principes d'anatomie et de physiologie. Tortora, Grabowski. De Boeck Université. Atlas de poche de Physiopathologie. Sinbernagl, Lang. Flammarion. 41