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La Revue de Gériatrie, Tome 27, N°9
NOVEMBRE 2002
761
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illard ?
rétrécissement aortique : souffles athéromateux banaux
du SA (bien sûr, sans I.A., sans disparition de B2).
Mais l’interniste dira
que s’ils ne sont pas hémody
-
namiquement significatifs, ils n’en traduisent pas moins
des valves anormales, susceptibles d’être le siège d’une
endocardite infectieuse.
Tous les deux se rejoignant
pour dire que si fièvre
et souffle systolique sont fréquents chez les SA, l’endo
-
cardite l’est moins mais que le médecin est là pour se
méfier et appliquer les règles !
I
ls se rejoignent aussi p our re cherche r un can cer
colique devant une endocardite ou une se pticémie à
Streptococcus Bovis, pour palper soigneusement les
artères temporales.
L’interniste sait aussi
que le diagnostic tient parfois
à peu de choses :
• L’auscultation cardiaque, surface de sthétoscope par
surface de sthétoscope, à tous les foyers, en décubitus
latéral, penché en avant, à la recherche de la petite
I.A., du petit frottement.
• L’exa
m
en de la peau, centimètre carré par centimètre
carré, sans oublier les recoins, les ongles, les phanères.
• L’examen de toutes les aires ganglionnaires, y com
-
pris épitrochléennes (le «ganglion de l’interniste»).
L’interniste n’oubliera pas que confusion
+
fièvre =
ponction lombaire. Le gériatre non plus, même s’il sait
qu’il risque plus souvent de se trouver en présence
d’une fièvre d’origine X + une confusion liée à la
décompensation d’une maladie d’Alzheimer sinon tout
simple
m
ent à un globe urinaire chez une vieille per-
sonne fébrile alitée !
Et pour terminer ce chapitre de l’examen clinique, c’est
le moment de ra
p
p
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:
l’examen clinique devant une FPI
(comme l’inter
-
rogatoire et comme certains des examens complémen
-
taires initiaux, on le verra ci-dessous
)
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être
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ét
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régu
l
ière m
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nt.
P
endant que l’on attend de
nouveaux exa
m
ens complé
m
enta ires (rendez-vous
et/ou résultats), la clinique peut s’être modifiée !
• Le souffle diastolique est apparu.
• La rate devient palpable.
•
Le minuscul
e
ganglion perdu dans la graisse est
devenu évident.
• Un pouls périphérique a disparu.
• Une pleurésie est apparue.
• Etc...
LES EXAMENS COMPLÉMENT
AIRES
__________
Le gériatre sait que :
• Chez le SA, il faut aboutir rapidement à un diagnostic
car le vieillard malade, fatigué, anorexique, alité, fébrile
(
catabolisant ses
m
uscles
)
va vite être exposé à des
complications qui vont, en modifiant le tableau cli-
nique, en surimposant leurs signes à ceux de la maladie
initiale, rendre le diagnostic encore plus difficile.
• A l’extrême, il faut presque considérer la fièvre pro
-
longée... comme une urgence. Il ne faut pas attendre
que le vieillard ne soit plus en état de subir un examen
complémentaire pour le demander ou ne soit plus en
état de subir une intervention chirurgicale qui aurait été
réalisable trois semaines plus tôt.
• Mais on ne peut pas tout faire en quelques jours à un
vieillard fatigué, fragile, et l’hospitalisation est en elle-
même un facteur aggravant de pathologies préalables,
cérébrales dégénératives notamment.
• Préparer un grand vieillard à une coloscopie, adresser
un vieillard à un exa
m
en scanner avec injection alors
qu’il a une clairance de créatinine faible, tout cela peut
être mal supporté, voire dangereux (rappelons au pas
-
sage l’inocuité de l’interrogatoire et de l’exam
e
n cli-
nique : bien faits, ils n’ont jamais tué qui que ce soit...).
Le gériatre sait aussi que :
•
Si la chondrocalcinose
peut donner de la fièvre sans
arthrite, la fréquence de la chondrocalcinose radiologique
est telle à cet âge qu’elle perd de la valeur d’orientation.
•
I
l en est de
m
ême d
e
la trop fréquente présence à
l’E
C
BU de la vieille fe
m
me de colibacilles pour les
incriminer systématiquement dans la fièvre observée.
•
A la nu
m
ération for
m
ule sanguine d’un vieillard
fébrile, 2 000 polynucléaires neutrophyles avec dispari
-
tion des éosinophiles ont autant de valeur pour un dia
-
gnostic d’infection bactérienne que 30 000.
• La plupart des tuberculoses des SA ont pour origine
un BK resté quie scent dans un
e
ndroit quelconque
depuis la primo-infection remontant parfois à plusieurs
dizaines d’années. Il sait penser systématiquement à la
tube rculo se à chaque fois qu’il ne comprend pas
quelque chose en gériatrie (j’exagère un peu !) et il sait
se poser la question : pourquoi ce BK se
m
et-il, cin-
quante ans après, à faire des petits ? Immuno-dépres
-
Ecrire tout cela à propos d’une FPI n’est pas
enfoncer des portes ouvertes. C’est rappeler
qu’à l’époque de l’Evidence Based Medicine,
pour tr
o
uv
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pre
u
v
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,
faut-il
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avoir correctement recherchées. Il y a moins
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s
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explica
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le
s
qu
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n
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pliquées.