Catholique 86 e année - Hebdomadaire n° 3221 - 16 juillet 2010 3€ ISSN 0015-9506 france-catholique.fr FRANCE La Légende Dorée source d’inspiration inépuisable Le peintre Augustin Frison-Roche à St-Émilion BRÈVES FRancE PolitiquE : Un rapport de l’Inspection générale des Finances, présenté le 12 juillet, affirme qu’Éric Woerth n’est jamais intervenu en quelque manière dans le dossier fiscal de la milliardaire Liliane Bettencourt. Ce rapport, s’il a réjoui l’UMP, a été accueilli avec scepticisme par la gauche. Nicolas Sarkozy devait s’exprimer devant les Français ce même 12 juillet. Le président de la République, interviewé par David Pujadas sur France 2, devait traiter des « affaires » et de la réforme des retraites. élEctionS : Le 11 juillet, avec 51,72% des suffrages, la candidate écologiste Anny Poursinoff a battu JeanFrédéric Poisson (48,28%) dans la circonscription des Yvelines où il avait succédé à Christine Boutin comme député. La participation est restée très faible : 29,42%. JuSticE : Sylvie Andrieux, députée PS des Bouches–duRhône, a été mise en examen le 8 juillet dans le cadre d’une affaire de détournement de fonds publics dans laquelle 22 personnes ont déjà été mises en cause. 700 000 euros de subventions auraient été distribués à des associations participant à un système de clientélisme alors qu'elle était vice-présidente du Conseil régional de Pro vence-AlpesCôte d'Azur qui est présidé par Michel Vauzelle, l'ancien ministre PS de la Justice. Le ministre Éric Woerth a annoncé le 7 juillet qu’il déposait plainte auprès du tribunal de Nanterre pour dénonciation calomnieuse après les accusations de finan cement illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. L’ancien dictateur du Panama, Manuel Noriega, a été condamné le 7 juillet à Paris à sept ans de prison pour blanchiment d’argent du trafic de la drogue. BuRqa : Jean-François Copé a créé la surprise le 7 juillet en annonçant la saisine, à son initiative, du Conseil constitutionnel sur l’interdiction du port du voile intégral pour s’assurer de la légitimité de a présenté le 8 juillet au gouvernement 21 propositions pour améliorer la qualité des soins et l’efficacité des dépenses, en vue de réaliser 2,2 milliards d’économies en 2011. On a appris le 8 juillet que la première greffe totale du visage (bouche et paupières comprises) avait été réalisée fin juin avec succès à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil par le professeur Lantiéri, sur un homme de 35 ans atteint d’une maladie génétique. monde en 2015. L’OCDE a estimé pour sa part dans une note du 7 juillet que le pic du chômage a été atteint en France et que le taux de chômage devrait commencer à baisser lentement. FootBall : Le nouveau sélectionneur de l’équipe de France, Laurent Blanc, a tenu le 6 juillet sa première conférence de presse ; son objectif est de faire revenir l’équipe en deux ans dans le « gotha » du football mondial. mondE cette interdiction. collEctiVitéS localES : Le Sénat a rejeté le 6 juillet deux mesures essentielles de la réforme territoriale, le mode d’élection des conseillers et la répartition des compétences entre communes, départements et régions ; les centristes ont à cette occasion voté avec la gauche. taBac : Deux marques de cigarettes et une marque de tabac ont procédé à une baisse surprise de leurs prix le 5 juillet, provoquant la colère de la ministre de la Santé, R. Bachelot ; celle-ci envisage une augmentation compensatoire des taxes. Santé : L’assurance–maladie 2 FRANCECatholique n°3221 16 juillet 2010 EmPloi : Lors d’un comité central d’entreprise, le 5 juillet, la direction d’Air France a évoqué la possibilité d’un sureffectif de 4 100 personnes en 2013 ; ce sureffectif devrait être absorbé par les départs naturels et le gel des embauches ; il concerne essentiellement les pilotes et le personnel au sol. Au total, les réductions d’emplois auront atteint 10 000 postes sur cinq ans. Au cours d’une conférence de presse, le directeur général de France Telecom a annoncé le 5 juillet le recrutement de 10 000 personnes entre 2010 et 2012 ; l’entreprise vise 300 millions de clients dans le ESPacE : Le satellite européen Planck, lancé en 2009, a permis d’obtenir une première image complète du ciel dans laquelle le rayonnement résiduel du Big Bang est désormais perceptible ; mais il faudra attendre 2012 pour qu’une image précise de ce qu’on appelle « le visage de Dieu » soit rendue publique ; elle apportera de précieux renseignements sur la naissance de l’univers et le rythme de son expansion. PRéhiStoiRE : Selon une étude archéologique britannique publiée le 7 juillet dans la revue Nature, les premiers hommes se sont adaptés au climat de l’Europe du Nord il y a 800 000 ans, 100 000 ans plus tôt que ce que l’on croyait possible. diPlomatiE : Le Parlement européen a approuvé le 8 juillet la création d’un service diplomatique qui doit regrouper progressivement 6 000 fonctionnaires, diplomates et experts, et permettre à l’Union de parler d’une seule voix. intERPol : L’organisation policière internationale ba - SUITe eN page 7 ÉDITORIAL SOMMAIRE ACTUALITÉ 4 AFFAIRE BETTENCOURT 5 MONNAIES La Russie et l'euro 6 SOCIÉTÉ Embryon de fronde Feuilleton de l'été Alice Tulle Yves La Marck Tugdual Derville DOSSIER 8 ÉGLISES D'ORIENT En attendant le synode Catherine Baumont ESPRIT 16 7 24 16e dimanche ordinaire LECTURES Père Michel Gitton Georges Colomb M.E.P. R.A. COMMUNAUTÉ SAINT-JEAN Ordinations à Ars Frère Arnaud-Charbel MAGAZINE 18 PHILOSOPHIE 19 A.E.D. Soutenons nos prêtres ! A.E.D. Le paradoxe égyptien A.E.D. Les prêtres boursiers A.E.D. Église de Cuba 20 21 22 Tonne de plomb Bertrand Souchard Marc Fromager 23 LIVRES Sélection spiritualité 26 DÉBATS Nouvelle évangélisation 28 EXPOSITIONS 31 CINÉMA 32 FESTIVALS 33 TÉLÉVISION 34 SCULPTURE BENE et saint Jacques 35 TÉLÉVISION Messe à St-Jean-Pied-de-Port 36 TÉLÉVISION Sélection début de soirée 38 BLOC-NOTES Vie associative et d’Église Sophie Baron Alex et Maud Lauriot-Prévost Actualité de la Légende Dorée Émeric de Rozières / Augustin Frison-Roche "L'Italien","Toy Story 3", "Predators","Tamara Drewe" Marie-Christine Renaud d'André, Georges Collar Période estivale Pierre François "La nuit du grand déluge", "Le bonheur dans le crime", "J'attends quelqu'un", "Françoise Hardy" M.-C. Renaud d'André Louis Mollaret Louis Mollaret M.-C. R. d'A. Brigitte Pondaven Photo de couverture © AUGUSTIN FRISON-ROCHE "Saint Christophe" est un géant qui désire se mettre au service du roi le plus puissant. D'abord au service d'un grand roi, il quitte sa cour pour suivre le diable que craint ce dernier. Apprenant que le diable craint lui-même le Christ, il se met à sa recherche. Mais le Christ ne se manifeste pas immédiatement. Sur les conseils d'un ermite, Saint Christophe utilise sa grande taille pour aider les voyageurs à traverser un cours d'eau périlleux. Lorsque le Christ se présente sous les traits d'un enfant désirant atteindre l'autre rive, Saint Christophe ne le reconnaît pas. Pendant la traversée, le poids de l'enfant ne cesse de croître ni les eaux de monter et de se déchaîner. "Ne t'étonne pas, Christophe, car tu as eu non seulement le monde entier sur tes épaules, mais tu as aussi porté celui qui a porté le monde. Je suis le Christ, ton roi, que tu sers dans ta présente tâche." Un Pape de décision B est considéré, à juste titre, comme un théologien, et donc comme un intellectuel profond. Mais il est avéré aujourd'hui qu'il est aussi un homme de décision, qui sait trancher quand il le faut et procéder aux nominations nécessaires pour changer le cours des choses. L'organisation centrale du Saint-Siège a été récemment renouvelée par l'arrivée du cardinal quebécois Marc Ouellet, désormais préfet d'un dicastère essentiel, la Congrégation des évêques. Mais l'annonce de la nomination de Mgr De Paolis, collaborateur direct du Pape en tant que questeur du SaintSiège, à la tête des Légionnaires du Christ, constitue une information d'une singulière importance, si l'on sait le caractère crucial du dossier que Benoît XVI a pris en charge depuis plusieurs années. L'affaire est infiniment douloureuse, par Gérard LECLERC puisqu'il est certain que le fondateur des Légionnaires, le père Maciel, était un pervers, auteur de multiples crimes, notamment sexuels, et que néanmoins un tel personnage, qui avait toujours réussi à dissimuler la réalité aux yeux de l'autorité romaine, avait présidé à la formation d'une institution de grande envergure, avec de multiples collaborateurs exemplaires, aux antipodes du fondateur. Le premier souci du cardinal Ratzinger avait toujours été de faire la vérité totale sur le cas du Père Maciel. Lorsque la vérité apparut, indiscutable, la volonté de Benoît XVI de réformer radicalement les Légionnaires s'affirma de la façon la plus nette. Il s'agissait de purifier profondément ce qui devait l'être, et de prendre les mesures de sauvegarde à l'égard des personnes de bonne volonté qui avaient été indignement trompées. La nomination de Mgr De Paolis signifie que la structure entière de l'institution malade va se trouver en quelque sorte refondée, avec une direction qui se substitue aux anciens responsables. Cette direction aura la lourde charge de rendre courage à ceux que cette histoire effroyable a désorientés, mais dont la bonne volonté exige qu'ils soient fermement guidés vers un renouveau évangélique. ■ ENOÎT XVI FRANCECatholique N°3221 16 JUILLET 2010 3 ACTUALITÉ AFFAIRE BETTENCOURT par Alice TULLE Feuilleton de l'été Dans l’affaire Woerth-Bettencourt, deux questions ne sont pas posées : elles concernent la hiérarchie de l’information et le rôle que joue la presse dans les scandales. A lors qu'on suit l’affaire WoerthBettencourt jour par jour et parfois heure par heure, il n’est pas inutile de prendre quelque distance par rapport à la succession d’événements qui passionnent les journalistes et qui intéressent (mais dans quelle mesure ?) l’opinion publique. Le premier constat, déplaisant, est facile à vérifier : comme d’habitude, la télévision ne sait traiter que d’un seul sujet à la fois, au mépris de l’ensemble de l’actualité. Parfois, c’est un fait divers sordide qui mobilise l’antenne pendant la moitié du journal télévisé. Il y a peu, le comportement et les défaites de l’équipe de France de football mobilisaient les commentateurs et les hommes politiques étaient obligés de dire leur sentiment sur les mésaventures des Bleus. Puis l’affaire WoerthBettencourt a pris le relais, qui contraint le président de la République à s’adresser aux Français. Tout le reste est prestement expédié : la situation des banques européennes, toujours préoccupante, la crise de l’euro, qui pourrait entraîner l’éclatement de cette zone monétaire, la situation ( économique aux États-Unis, qui n’ont réglé aucun des problèmes majeurs qui ont déclenché la grande crise de 2008-2009. Tous ces faits ne sont évoqués que dans les rubriques boursières et dans la presse écrite spécialisée… Pourtant, ces événements sous-jacents sont de première importance pour l’avenir de mais pour s’informer sur ce qui intéresse les journalistes. Or ce qui intéresse les journalistes, c’est la stratégie des puissants et les intrigues nouées dans les milieux dirigeants. C’est aussi le romanesque des situations : la chute du Don Juan politique Roland Dumas, bottines hors de prix, statuettes grecques, ou les réapparitions-surprise de l'affairiste Bernard Tapie, entreprises centenaires rachetées 1 franc sym bolique et vite dépecées, procès la France et des Français. Un point quotidien étant fait sur le scandale du moment, nous aimerions être tenus au courant des autres faits marquants de l’actualité. Voilà qui justifie une fois de plus la remarque narquoise de Pierre Bourdieu : on regarde la télévision non pour s’informer, perdus et gagnés… Cette année, c’est Éric Woerth qui risque la chute et la famille Bettencourt est victime de ce qu’on appelait, à l’époque Mitterrand, l’effet de meute. Dans ce scandale, comme dans les précédents, les principaux journalistes se congratulent. Ils ont réaffirmé leur La télévision ne sait traiter que d'un seul sujet à la fois 4 FRANCECatholique n° 3221 16 juillet 2010 indépendance, et leur goût pour l’investigation. Double illusion : passagère ou non, c’est la faiblesse de Nicolas Sarkozy qui les rend courageux (sauf Marianne et le site Médiapart qui ont toujours été dans l’opposition) et le « journalisme d’investigation » n’a pas changé depuis qu’Edwy Plenel, de nouveau célèbre comme grand accusateur, officiait au Monde : les investigateurs attendent dans leur bureau ou dans un café discret qu’on leur apporte les enregistrements clandestins du majordome, la photocopie des carnets de l’ex-comptable et la feuille d’impôt de Liliane Bettencourt. Personne ne rappelle que des enregistrements (faciles à arranger) n’ont pas valeur de preuve, qu’il existe un secret de l’enquête policière et un secret de l’instruction. Mais on utilise toute la matière disponible (même si c’est de la boue) et nul ne songe à rechercher et à punir ceux qui ont livré à la presse les dépositions faites la veille devant un policier ou devant un juge. Des hommes de gauche ont été abattus par ces méthodes et leurs adversaires de droite n’ont rien trouvé à y redire. Des hommes de droite sont menacés par les mêmes méthodes et les dirigeants de la gauche trouvent utile de faire flèche de tout bois – comme s’ils n’étaient pas sous la menace de révélations, sur la fameuse affaire des frégates de Taiwan, par exemple. n ACTUALITÉ MONNAIES par Yves LA MARCK La Russie et l'euro Le gouvernement russe tente actuellement de prévoir et de conjurer les conséquences possibles de la crise de l'euro sur l’économie du pays et sur le rouble. L a crise de la zone euro n’est plus au centre de l’actualité depuis l’annonce du plan d’aide à la Grèce. Pourtant la Grèce continue de vivre sous la menace des spéculateurs, de même que l’Espagne, le Portugal, voire l’Italie. Sans trop se soucier de ses statuts, la Banque centrale européenne tente de sauver les banques – surtout françaises et espagnoles – qui ont engrangé trop d’obligations émises par des États en mauvaise posture. La tendance à la baisse de l’euro inquiète les États-Unis, qui savent que la monnaie européenne est le dernier rempart d'un dollar fragilisé par les dettes (publiques et privées) qui écrasent le pouvoir fédéral, les États américains et la population durement frappée par le chômage. À Moscou, on dit couramment que l’Union européenne est à l’agonie et qu’il importe de développer les relations économiques bilatérales – avec la France et l’Allemagne tout particulièrement. À Francfort et Bruxelles, à Berlin et à Paris, les voix officielles nous assurent au contraire qu’il n’y a pas péril en la demeure. Mais le point de vue des autorités russes est à prendre en compte car elles sont neutres : elles n’ont ni à défendre la zone euro ni à l’attaquer. Même si Vladimir Poutine appelle officiellement au maintien de la monnaie européenne, il n’ignore rien des analyses des spécialistes russes. Comme beaucoup de leurs collègues français, ceux-ci observent que le plan de soutien de 750 milliards d’euros est en grande partie (440 milliards) garanti par des États fortement endettés : insuffisant en cas d’une attaque contre plusieurs pays, le plan est une annonce à effets psychologiques qui aurait beaucoup de mal à se concrétiser. D’où, à Moscou, l’étude attentive de plusieurs scénarios de crise : zone euro réduite à l’Allemagne et aux nations du Nord après sortie de tous les pays du Sud ; passage à une monnaie commune mais non plus monnaie unique... ; retour chaotique à des monnaies nationales. Sans même envisager la disparition de la monnaie européenne ou son chan- gement de statut, une forte baisse de l’euro aurait des conséquences négatives pour la Russie car ses réserves de change (450 milliards de dollars) sont libellées à 40% en euros. Sur le plan commercial, les exportations de gaz russe, qui sont payées en euros, perdraient de leur valeur. Cependant, les entreprises russes, fortement endettées en euros, auraient tout avantage à une chute de la monnaie européenne et elles pourraient acheter à meilleur compte des firmes européennes et des équipements qui sont nécessaires à la modernisation de l’industrie russe. Ces perspectives positives et négatives sont à inscrire dans le problème général de la réforme du système monétaire international. Cette réforme n’est pas engagée, un nouveau système n’a pas encore été couché sur le papier. Les Russes, comme les Chinois, ont pris les devants en réduisant leurs réserves en dollars, mais le débat demeure, au sein du pouvoir politique russe, entre ceux qui pensent qu’il n’y a pas d’alternative au dollar et ceux qui souhaiteraient – à l’instar du président Medvedev – que le rouble devienne une monnaie de réserve pour un certain nombre de pays situés dans la zone d’influence de la Russie. Nul ne sait comment ces débats complexes seront tranchés. Mais le fait est que les gouvernements russes et chinois étudient des scénarios d’avenir alors que les États-Unis, l’Union européenne et la zone euro sont sur la défensive. n Une forte baisse de l'euro aurait des conséquences négatives pour la Russie ) FRANCECatholique n°3221 16 juillet 2010 5 ACTUALITÉ bIoÉThIqUe par Tugdual DERVILLE embryon de fronde Alors que s’annonce à l’automne la seconde révision des lois de bioéthique, deux parlementaires pressent le gouvernement de libéraliser la recherche sur les embryons humains. ( du caractère hypocrite, se cache le malaise d’une société qui peine à reconnaître la pleine humanité de l’embryon. Selon Alfred de Musset, « il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. » Pourquoi ne pas autoriser clairement la ©HENRIk JONSSON I de l’UMP et du parti socialiste, les députés JeanSébastien Vialatte et Alain Claeys font cause commune au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (ou Opecst) dont ils sont les rapporteurs. Ils viennent de publier dix-huit propositions qui bousculent le statu quo envisagé par leur collègue Leonetti. Ils le menacent même de prendre eux-mêmes l’initiative d’une proposition de loi. Il faut dire que la situation actuelle est typique des compromis intenables. Depuis la loi de 2004, la recherche sur l’embryon est théoriquement interdite, mais pratiquement autorisée. Situation d’autant plus instable qu’un moratoire prend fin en février 2011 : jusqu’à cette date, l’Agence de biomédecine peut autoriser certains laboratoires à utiliser les embryons dits « surnuméraires », si les parents y consentent. Et à deux autres conditions : que la visée de ces recherches soit « thérapeutique » et qu’il n’y ait pas de solution « alternative ». Derrière le principe de l’interdiction assorti de dérogations dont chacun peut juger ssus respectivement recherche sur les embryons humains, demandent en substance Alain Claeys et JeanSébastien Vialatte, décernant au passage leur satisfecit à l’Agence de biomédecine, créée en 2004 qui assurerait à les en croire un « parfait encadrement » du système d’autorisation ? Pourtant les mêmes avouent que le critère thérapeutique est inopérant. Pour Alain Claeys, « Nous sommes trop loin des applications thérapeutiques pour [le] retenir aujourd’hui ». Quant au critère d’absence de solution alternative, il ne tiendrait pas plus. À l’instar du Conseil d’État, les deux députés prônent d’ailleurs la poursuite simultanée de plusieurs modalités de recherche, avec ou sans l’embryon. Motif invoqué : « Elles se fertilisent (sic) mutuellement. ». Ceux qui ont d’emblée suspecté le système dérogatoire d’ouvrir la boîte de Pandore en ont la confirmation. On peut déjà douter du respect par l’Agence de biomédecine du « haut niveau d’encadrement » des recherches sur l’embryon qu’avaient promis les promoteurs de la loi de 2004. Les rapporteurs de l’Opecst estiment désormais que « ce n’est pas aux politiques de hiérarchiser les recherches ». Devrait-on donner aux chercheurs pleine liberté pour s’autoréguler, à l’abri du débat citoyen ? C’est la revendication d’un Marc Peschansky qui souhaite affranchir la recherche scientifique des considérations éthiques. Comment Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte peuvent-ils prétendre qu’il y a un « consensus en faveur de la levée du moratoire sur la recherche sur les Le malaise d'une société qui peine à reconnaître la pleine humanité de l'embryon 6 FRANCECatholique n° 3221 16 juillet 2010 cellules souches embryonnaires » ? Occulter jusqu’à l’existence d’opposants à toute recherche qui détruit l’embryon est révélateur. En 2004, le cardinal Philippe Barbarin avait tout de même parlé d’une « transgression sans précédent ». L’Église n’a aucunement changé d’avis et sa voix est davantage reconnue depuis les états généraux de la bioéthique. Non contents de pousser les portes entrouvertes, les deux députés veulent qu’on autorise la conception d’embryons humains pour la recherche, le temps de mettre au point les techniques d’assistance médicale à la procréation issues de la vitrification des ovocytes. Ils invoquent comme mobile la limitation du stock des embryons surnuméraires dont ils font, ailleurs, peu de cas. Ils autoriseraient même la transposition nucléaire inter-espèce, autrement dit le clonage d’hybrides hommeanimal, à condition « d’interdire l’utilisation d’ovocytes humains » (mais pas d’autres cellules humaines), de ne pas implanter les embryons hybrides et de ne pas poursuivre leur développement au-delà du quatorzième jour. Pareille transgression alignerait la France sur la GrandeBretagne où l’on conçoit des humanoïdes avec des ovocytes de bovins, en toute légalité. Reste à savoir quel impact aura sur le débat cette surenchère scientiste. n suite de la page 2 Missions étrangères de Paris V endredi 9 juillet, le P. Georges Colomb, 57 ans, a été élu supérieur général de la Société des Missions Étrangères de Paris (MEP). L’assemblée générale des MEP l’a élu pour prendre la succession du P. Jean-Baptiste Etcharren, qui a effectué deux mandats successifs à la tête de la société missionnaire (1998-2004 puis 2004-2010). Né le 15 juin 1953 à Saint-Anthème (Puy-deDôme), Georges Colomb a suivi des études de droit et d’administration économique et sociale avant d’exercer comme inspecteur des Postes pendant cinq ans à Lyon puis Nanterre. À l’âge de 29 ans, il change de voie et entre au séminaire des Carmes, à Paris. Licencié en théologie à l’Institut catholique de Paris, il est ordonné prêtre au titre des Missions Étrangères de Paris en 1987, où il reçoit le monde chinois comme destination. Conformément à l’usage en vigueur au sein de cette société missionnaire fondée en 1658, il part pour un temps de formation linguistique. Le P. Colomb passe ainsi deux années à Taiwan pour apprendre le mandarin. Il est ensuite envoyé en Chine continentale. Toute présence missionnaire en République populaire de Chine étant interdite, il s’y rend en tant qu’« expert étranger ». Professeur d’université, il enseigne le français et la civilisation française auprès des étudiants, poste pour lequel il recevra les palmes académiques. En 1998, le P. Colomb est rappelé à Paris pour siéger au conseil qui assiste le supérieur général. Il y est plus spécialement chargé des vocations, des séminaristes et du volontariat (envoi en Asie de jeunes laïcs pour des missions de quelques mois à deux ans). Lors de l’assemblée générale de 2004, il est élu vicaire général des MEP, office équivalent à celui de n°2. À propos des vocations sacerdotales et religieuses en France, le P. Colomb, qui est entré au séminaire à une époque où celles-ci étaient très peu nombreuses, se veut optimiste : « Il y a des vocations dans la France d’aujourd’hui. Elles existent et il est important de montrer aux jeunes que l’Église leur fait confiance. » À cet égard, l’expérience du volontariat est positive. « Les jeunes qui partent en Asie et dans l’océan Indien avec les MEP découvrent les défis de la mission aujourd’hui : le dialogue – ou l’absence de dialogue – avec les grandes traditions religieuses ; dans certains pays, l’annonce de l’Évangile dans des régimes politiques totalitaires ou autoritaires ; le défi de la pauvreté, qui n’est pas propre à l’Asie mais qui résulte du désordre économique mondial », poursuit le missionnaire dont le service ‘Volontariat’ envoie chaque année 150 jeunes en mission. Parmi les volontaires, un certain nombre d’entre eux découvrent leur vocation missionnaire, religieuse et/ou sacerdotale pendant leur séjour en Asie et dans l’océan Indien. Au cours des dernières années, 28 volontaires de retour en France sont entrés au séminaire pour les MEP et 35 autres dans des séminaires diocésains ou des communautés religieuses. Plusieurs jeunes filles ont fait le choix d’entrer dans des communautés apostoliques ou contemplatives. Interrogé sur l’avenir des MEP et de leur présence en Asie, le P. Colomb souligne que la pyramide des âges des prêtres de la société missionnaire ressemble à celle des diocèses de France. Il note toutefois des signes d’espérance : la présence de 21 séminaristes en formation (20 Français, 1 Slovaque), l’ordination probable en 2011 de huit jeunes prêtres MEP. Il conclut qu’il faut donc continuer à appeler à la mission en Asie car « c’est important non seulement pour les MEP mais aussi pour la vitalité de l’Église en France ». R.A. © M.E.P. sée à Lyon propose aux internautes de l’aider à localiser de façon anonyme des fugitifs à travers le monde dans le cadre d’une opération lancée le 3 mai dernier et concernant 450 criminels recherchés dans 29 pays. Terrorisme : L’Union européenne a approuvé le 8 juillet un accord autorisant le transfert aux États-Unis des données bancaires des citoyens européens dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme. Bonus : Le Parlement européen a entériné le 7 juillet un texte qui limite à partir de l’an prochain les bonus des traders, considérés comme responsables des excès de la spéculation pendant la crise. Divorce : Dans une étude en sciences sociales, des chercheurs américains ont montré que le divorce avait tendance à se propager dans l’entourage des personnes ayant déjà rompu leur union. sanTé : Selon une étude américaine publiée le 8 juillet, la recherche sur le vaccin contre le sida aurait franchi un pas important avec la découverte de deux anticorps capables de bloquer le développement du virus. Proche-orienT : Les tensions entre la Turquie et Israël se sont aggravées depuis l’assaut israélien du 31 mai contre une flottille à destination de Gaza au cours duquel 9 Turcs ont été tués ; la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays était évoquée le 5 juillet. afghanisTan : Un 45e militaire français, un sous-officier du 13e régiment de génie, est décédé le 6 juillet après avoir été victime de l’explosion d’une bombe artisanale près de Kaboul. le père georges Colomb. Selon des sources politiques, les forces britanniques vont transférer aux Américains la responsabilité d’une des zones les plus violentes du sud du pays. suisse : L’avion expérimental propulsé à l’énergie solaire et créé par l’explorateur Bertrand Picard a effectué les 7-8 juillet un vol de 25 heures, donc en partie de nuit ; un deuxième exemplaire de cet appareil devrait faire le tour du monde en cinq étapes d’ici à 2013. Le cinéaste Roman Polanski est libre de ses mouvements depuis le 12 juillet à midi, la justice suisse ayant renoncé à l'extrader vers les États-Unis. JaPon : Le parti du nouveau premier ministre Naoto Kan n'a obtenu que 44 sièges sur les 121 qui étaient en jeu aux élections sénatoriales du 11 juillet. Même s'il garde une majorité au Sénat et à la chambre des représentants, son plan de réduction de la dette publique s'en trouve compromis. fooTBall : L’Espagne a remporté la finale de la Coupe du Monde de football en battant la Hollande par 1 à 0 lors des prolongations, le 11 juillet. L’Allemagne est devenue troisième en battant l’Uruguay par 3 à 2. L'Afrique du Sud a pleinement fait ses preuves en tant qu'organisatrice. J.L. FRANCECatholique n°3221 16 juillet 2010 7 DOSSIER ÉGLISES cathOLIquES D'ORIENt En attendant le Nous avons travaillé en deux groupes de 6 à 8 personnes et, parfois, avec des cardinaux, tels que le cardinal Tauran pour les relations interreligieuses, le cardinal Kasper pour l’œcuménisme, le cardinal Sandri pour les Églises orientales, et le cardinal Dias, pour l’évangélisation des peuples. À la suite de cette rencontre, les notes des deux groupes ont été synthétisées puis adressées au patriarche Michel Sabbah qui a retouché et finalisé l’ensemble. Sur ses conseils, le document comportait beaucoup de questions pour faire réagir les fidèles. Traduit en quatre langues (arabe, français, anglais et italien), il a ensuite été adressé aux patriarches et aux évêques concernés pour qu’ils le distribuent dans leurs paroisses. Le 6 juin dernier, le Pape Benoît XVI a remis aux patriarches et aux évêques orientaux présents à Chypre, l’Instrumentum laboris du synode qui se tiendra du 10 au 24 octobre prochain à Rome. À cette occasion, l’Œuvre d’Orient a soumis un questionnaire à quelques-uns d’entre eux. Qu’ils vivent au Liban, en Syrie, en Égypte, en Turquie, en Irak, en Terre Sainte, à Chypre ou encore en Iran, ils nous font partager leurs témoignages, leurs réflexions, leurs attentes par rapport au synode mais aussi et surtout en tant que chrétiens d’Orient. n Vousvivezaucontactdesmusulmansettravaillez avec les représentants des Églises pour préparer ce synode. Pour vous, quels sont les grands défis pourleschrétiensd’Orient? Père Samir Khalil Samir, jésuite, professeur à l’Institut Pontifical Oriental à Rome. L’un des organisateurs du synode et rédacteur des lineamenta. En septembre 2008, il y a eu une pr emièr e r enc ontr e de s s ept patriarches catholiques d’Orient. Étaient également conviés deux évêques - Mgr Ramsi Garmou, représentant l’Iran et Mgr Padovese, évêque latin - et moi-même, puisque Père Samir Khalil Samir j’avais été nommé expert. À l’issue des deux jours de réunion, l’un des patriarches a demandé à Mgr Nikola Eterovic, Secrétaire général du Synode : « Quelle va être la suite maintenant ? » Il lui a répondu : « Le Père Samir écrira les lineamenta… 20 à 25 pages, pas plus ! » 8 FRANCECatholique n°322116juillet 2010 © œUVRE D'ORIENT n Comments’estpréparélesynode? La partie des lineamenta consacrée au dialogue interreligieux est celle qui nous a le plus préoccupés. Elle touchait les rapports particuliers avec le judaïsme, surtout à Jérusalem, avec Israël et la Palestine ; les rapports avec les musulmans ; la contribution des chrétiens à la société civile, en insistant sur deux défis qui sont posés dans nos pays : celui de la paix et celui de la modernité. Il n’y a que la paix qui puisse apporter une solution à notre situation politique. Nous refusons toute forme de violence dans nos pays, qu’elle vienne d’Israël ou des Palestiniens ou des Arabes. Concernant la modernité, nous faisons l’analyse que l’un des problèmes de l’islamisme, c’est le rejet de la modernité considérée comme une forme d’athéisme. Quelle est l’idéologie islamique ? C’est de dire qu’il y a toutes sortes d’idéologies : le communisme, qui a échoué, le synode capitalisme, le christianisme qui lui-même a échoué, il n’y a qu’à regarder l’Europe ! Qui peut sauver notre monde actuel ? Il n’y a que l’islam. Or, la modernité est venue combattre la religion ; c’est le retour aux sources et à la tradition qui permettra d’offrir au monde entier un projet valable. En Occident, il s’agit de commencer à ré-islamiser le monde musulman qui s’est laissé séculariser et influencer par l’Occident depuis le XIXe siècle. La première étape est de transformer la société musulmane en réintroduisant la charia comme fondement total ou partiel de la Constitution. Et cela réussit à peu près partout, lentement. Il nous faut proposer une modernité « croyante » et non pas choisir dans la modernité ce qui est acceptable, ce qui est positif et ce qui ne l’est pas. Il faut travailler sur un système de valeurs commun avec les musulmans. Les chrétiens contribuent à la société au plan de la culture, de l’industrialisation mais surtout des droits de l’homme. Il ne s’agit pas de « faire ghetto ». Tout ce qu’on peut faire ensemble - avec les musulmans, les gouvernements, etc. - est à préférer à tout ce que l’on ferait séparément. Propos recueillis par Catherine BAUMONT © œUVRE D'ORIENT n Commentavez-voustravailléles lineamenta? Il ne faut pas oublier que les chrétiens font partie intégrante de la région Dans mon éparchie (évêché), j’ai souhaité les aborder avec toute la communauté catholique : prêtres, religieuses, consacrés mais aussi laïcs. J’ai fait diffuser le document à partir du site Internet du diocèse en introduisant la méthode de travail que je souhaitais mettre en place, fondée sur la réflexion personnelle, familiale ou issue des groupes paroissiaux. Une conférence et des séances de travail en groupes ont permis l’élaboration de notre document répondant aux questions posées par les lineamenta. n Commentrelancerez-vousletravailaprèslapublicationdel’Instrumentum laboris ? Nous choisirons des points importants de celui-ci en lien direct avec la réalité de Chypre, que nous développerons en profondeur pour arriver au synode munis de réflexions longuement mûries. CHYPRE La présentation de l’Instrumentum laboris à Chypre a pour notre Église chypriote une signification symbolique, sans oublier que notre pays est un pont entre le Moyen-Orient et l’Europe, l’Occident, tant sur le plan spirituel, ecclésial que social et humain. Je dois d’autant plus mobiliser les miens que le Saint-Père m’a personnellement nommé Secrétaire spécial de ce synode. Mgr Soueif (évêque maronite de Chypre) ©L'OSSERVATORE ROMANO Mgr Joseph Soueif, Archevêque de Chypre des maronites et Secrétaire spécial du synode. FRANCECatholique n°322116 juillet 20109 et sociales, politiques et concernant les droits de l’homme, et surtout face à la vraie question de l’émigration des chrétiens, une telle expérience synodale doit aider à l’union avec les autres Églises. Elle doit permettre une prise de conscience du fait que l’union est un signe d’amour qui pousse à une ouverture aux autres religions. Il ne faut pas avoir peur de l’autre. n Comment préparez-vous votre éparchie à recevoir lesconclusionsdusynode? Il ne faut pas oublier que les chrétiens font partie intégrante de la région, historiquement, ethniquement, démographiquement et religieusement, et qu’ils sont aussi une nécessité pour les non-chrétiens. Ici, s’ouvre le dynamisme du dialogue de vie, d’amour, le dialogue qui construira la culture de la paix et des réconciliations. Dans cette perspective, les chrétiens ont beaucoup à donner, à partager avec leurs frères et sœurs d’autres religions. Je prépare le diocèse à vivre en état synodal, à recevoir au niveau personnel et communautaire les directives du synode. C’est un travail d’Église que l’on accomplit dans un esprit de communauté, de solidarité et avec un sentiment de grande responsabilité. n Pensez-vous qu’une telle initiative pontificale puisse servir l’union entre les Églises orientales catholiquesetlamissiondel’ÉgliseenOrient? Comment appeler à la communion si elle ne commence pas par soi-même Le synode est par excellence une expérience œcuménique dans le sens du cheminement avec les Églises sœurs vers la communion et le témoignage. Mais le progrès œcuménique exige d’abord une expérience profonde et consciente de communion au niveau pastoral tout d’abord parmi les Églises orientales catholiques et parmi les catholiques en général. Comment appeler à la communion si elle ne commence pas par soimême ? Il faut apprendre à travailler ensemble, à être solidaires, à avoir l’esprit d’équipe, de communauté. Si cette méthode est nécessaire dans la vie quotidienne, que dire au niveau spirituel et ecclésial qui est sa nature même ? Tout ceci exige un changement de mentalité, de l’humilité, une profondeur. La découverte du vrai sens de la vie en Jésus-Christ donne tout son sens à notre vie, à notre existence et à notre mission. Quand on est dans cette logique, on découvre la beauté de notre mission en Orient. L’Orient, dans sa situation actuelle, veut seulement des témoins de la résurrection ; des témoins de la joie en Jésus-Christ ; des disciples qui s’aiment les uns et les autres. Devant les défis et les attentes de tous les chrétiens, surtout dans la région du MoyenOrient, devant les problématiques économiques 10 FRANCECatholique n°322116juillet 2010 Cette expérience synodale contribuera aussi, sans doute, à consolider de bons liens avec les musulmans, sur le plan humain, social et religieux, dans les domaines qui créent un espace commun de rencontre et de dialogue partant du respect et fondé sur l’amour. Dans ce sens, il y aurait des espaces pour bâtir la réconciliation et la confiance entre les gens que les guerres ont séparés. Seul l’amour construit la personne humaine, la communauté et les pays. Le fondement dans le dialogue de vie avec les musulmans, c’est le respect mutuel en tant que fils de Dieu, appelés à témoigner Son amour partout dans le monde. ÉGYPTE Mgr Kyrillos William, évêque d'Assiout des coptes et membre du Conseil spécial pour l’Afrique du Secrétariat général du synode. nCommentavez-voustravaillé? © œUVRE D'ORIENT n Pensez-vous que ce synode puisse faire avancer l’union avec les autres Églises orientales (orthodoxes)? n Vousvivezaucontactdesmusulmansquisontvos compatriotes. Pensez-vous que le synode pourra servirlesrelationsdesÉglisesavecl'islam?Sioui, comment? Mgr Kyrillos William J’ai saisi l’opportunité de la session de formation permanente en février dernier qui rassemblait les prêtres de l’Église copte catholique ainsi que cinq autres évêques qui participaient aux carrefours et aux discussions. Puis, au sein de l’éparchie, soixante religieuses de treize congrégations réparties en dix-sept missions ont travaillé les lineamenta ainsi que deux groupes constitués pour l’un de laïcs en général et l’autre de médecins. Les réponses ont été envoyées au patriarcat pour être unifiées avec celles des autres éparchies. IRAK Mgr Louis Sako, archevêque chaldéen de Kirkuk et l’un des initiateurs de ce Synode. ©L'OSSERVATORE ROMANO n Commentavez-voustravailléles lineamenta ? n Commentrelancez-vousletravail? Je profite des sessions de formation destinées à quatre cents jeunes - en majorité des catéchistes et des animateurs - pour les étudier avec eux en juillet. Nous les avons travaillés avec les prêtres, les diacres, les religieuses, le conseil diocésain et les responsables d’activités religieuses. Nous avions souhaité le préparer aussi avec l’assemblée des évêques catholiques ou le synode chaldéen. Mais je crois qu’il y a un manque de conscience de l’importance de ce synode, plusieurs évêques pensant que c’est Rome qui l’organise ! Pour ce synode, nous insistons sur deux points essentiels : communion et témoignage. Nous nous sommes divisés et avons perdu la dimension missionnaire de notre Église alors que la nature de celle-ci est l’union – la communion – et la mission. Je pense que c’est pour cela que nos Églises orientales ont perdu leur dynamisme. Nous allons travailler ces deux points : sans l’unité, voire la communion, de nos petites Églises, et sans un véritable témoignage, il n’y a pas d’avenir. Nos voisins musulmans ne comprennent pas nos divisions et ils attendent de notre part un témoignage différent du leur ! Les Églises affrontent un n Comment préparez-vous votre éparchie à recevoir grand danger lesconclusionsdusynode? en passant à Nous évoquons assez souvent le synode. «l'ethnicitén Comment vous préparez-vous à recevoir les Ce fut encore le cas dernièrement, lors de la conclusionsdusynode? nationalisme » célébration de la Journée éparchiale qui regroupait tous les prêtres, plusieurs religieuses et des représentants de toutes les paroisses. Les curés en parlent également. n Pensez-vous que ce synode puisse faire avancer l’unionaveclesautresÉglises? L’idée de ce synode ayant été lancée par moi, je suis donc tout à fait engagé pour traduire dans le concret ses directives. Le dernier dimanche de Pentecôte, nous avons eu l’ordination d’un diacre, de six jeunes sous-diacres et le baptême de trois adultes… Je l’espère bien, même si je suis réaliste. Ce ne sera pas facile en Égypte, la position de l’Église copte orthodoxe étant très rigide vis-àvis de notre Église copte catholique. n Pensez-vous qu’une telle initiative pontificale puisse servir l’union entre les Églises orientales catholiquesetlamissiondel’ÉgliseenOrient? nEtaveclesmusulmans? L’Instrumentum laboris suggère des propositions pratiques concernant le respect mutuel et la collaboration entre citoyens d’un même pays appartenant à différentes religions. Je suis sûr que les Pères synodaux présenteront des propositions concrètes dans ce domaine même si la situation varie d’un pays à l’autre. S.B. Antonios Naguib (Patriarche d’Alexandrie des coptes catholiques) ©L'OSSERVATORE ROMANO Catholiques ou pas, les Églises affrontent un grand danger en passant à l’« ethnicité-nationalisme » au lieu de rester ouvertes à tous. L’unité est une urgence pour survivre en Orient. Les différences sont liturgiques ou linguistiques. Avoir cinq évêques catholiques dans la même ville pour des petites communautés est un handicap. Nous traduisons généralement nos rites en arabe pour la compréhension de nos fidèles. Il est donc important de repenser la structure de nos diocèses ! FRANCECatholique n°322116 juillet 2010 11 laissent guider et inspirer par l’Esprit Saint durant les travaux du synode, qu’ils écoutent avec beaucoup de docilité et d’humilité ce que l’Esprit dit à chacune de leurs Églises. L’Église est née le jour de la Pentecôte par la grâce et la puissance de l’Esprit Saint ; elle a reçu de lui sa vie et sa mission. Depuis deux mille ans, elle ne cesse de faire l’expérience de sa présence efficace en elle. J’espère que le prochain synode nous donnera encore l’occasion de faire cette joyeuse expérience. n Et l’union avec les autres Églises orientales?Etledialogueaveclesmusulmans? © œUVRE D'ORIENT Avec les Églises apostoliques non catholiques, le problème est l’ecclésiologie : il faut avoir le courage de faire tomber les formalités et viser le concret. J’ai parfois le sentiment que les relations entre les Églises relèvent plutôt de la diplomatie. L’union des Églises sœurs renforcera le christianisme oriental qui est menacé dans son existence. C’est la même chose avec l’islam : pour construire la confiance, il faut dire sincèrement nos différences et aussi nos peurs mutuelles. Il faut apprendre à travailler dans un monde pluraliste. Il faut aider les musul- Mgr Louis Sako mans à oublier le désir d’imposer la charia. Le monde a changé, la religion est un choix personnel et non une obligation politique. Je pense profondément que le prochain synode pourra rendre plus profonde et plus féconde la communion entre catholiques orientaux à condition de vivre cet événement important dans un esprit de conversion et de retour aux racines de notre vocation et de notre mission ecclésiales qui sont définies par l’Évangile et l’enseignement de l’Église. IRAN Mgr Ramzi Garmou, archevêque de Téhéran des chaldéens. n EtaveclesautresÉglisesorientales(orthodoxes)? 12 FRANCECatholique n°322116juillet 2010 ©L'OSSERVATORE ROMANO J’ai réfléchi avec mes prêtres et j’ai envoyé nos conclusions au Secrétariat du synode, en vue de préparer l’Instrumentum laboris. Le plus important est d’inviter les fidèles à prier pour les Pères synodaux afin qu’ils se S.B. Cardinal Sfeir (Patriarche maronite Antioche) ©L'OSSERVATORE ROMANO De même, je crois que le synode peut favoriser et accélérer l’union entre tous ceux qui portent le beau nom de chrétiens à condition que notre désir d’unité tire sa force et son énergie du désir même de notre Seigneur JésusChrist, qui, en priant pour l’unité de ses disciples, a dit : « Que tous soient un comme toi, n Commentavez-voustravailléles lineamenta ? S.B. Fouad Twal (Patriarche latin de Jérusalem) n L’union entre les Églises orientales catholiquesva-t-elleprogresser? S.B. Nerses Bedros Tarmouni (Patriarche de Cilicie des Arméniens catholiques) LIBAN Cet islam dans lequel nous sommes submergés comme une goutte d'eau dans l'océan Mgr Joseph Kallas, Métropolite grec melkite catholique de Beyrouth et Byblos. n Commentavez-voustravaillé? Les 30 prêtres de deux districts sur six se sont concertés avec leurs fidèles pour étudier les différents sujets et répondre d’une manière dense et concise. Un groupe laïc de 8 personnes engagées, regroupant des représentants de toutes les Églises catholiques a aussi rédigé ses réponses. Leurs trois contributions ont été envoyées au Secrétariat central du synode à Rome. Malheureusement, les lineamenta ont été rédigés par des personnes savantes à Rome même, loin du contexte des peuples du Moyen- S.B. Emmanuel 3 Delly (Patriarche de Babylone des Chaldéens) ©L'OSSERVATORE ROMANO Quant à nos relations avec cet islam dans lequel nous sommes submergés comme une goutte d’eau dans un océan, je pense que le prochain synode peut être très utile, à condition de regarder la réalité dans laquelle nous vivons avec les yeux de la foi et non de la peur ou de la méfiance. Surtout, essayons de découvrir la signification théologique et spirituelle du « Petit Reste » auquel Jésus s’adresse en disant : « N’ayez pas peur. » Selon l’Évangile et la Tradition vivante de l’Église, ce qui fait que l’Église est missionnaire et que son message est crédible, ce n’est pas sa grandeur visible, c'està-dire le nombre de ses fidèles, ni ses institutions ou ses richesses matérielles, mais c’est la qualité du témoignage qu’elle donne du mystère caché en elle et la vie de foi de ses fidèles qui la rendent vivante et attirante. Aussi, il faut donner une importance particulière au dialogue de vie avec l’islam, qui, à mon avis, est plus fructueux que celui des idées et des dogmes qui est souvent sans issue. S.B. Ignace Youssif III Younan Patriarche d’Antioche des Syriens, ©L'OSSERVATORE ROMANO n Etlesrelationsavecl'islam? ©L'OSSERVATORE ROMANO Père, tu es en moi et je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » C’est un désir authentique de rendre témoignage à Jésus mort et ressuscité qui doit animer le dialogue œcuménique et non le désir de rester accrochés jalousement à nos sièges épiscopaux et patriarcaux dans le but de conserver quelques privilèges mondains qui nuisent terriblement à la cause de l’unité chrétienne. FRANCECatholique n°322116 juillet 201013 Orient. L’Église latine de Jérusalem a fait le vœu de tenir un synode général ; mais ce n’est pas la masse du peuple chrétien du Liban, de la Syrie, de l’Irak, de la Jordanie, de la Palestine, de l’Égypte ou du Golfe, qui a manifesté ses craintes par l’intermédiaire d’un sondage préparé, ciblé et interprété socialement. De plus, dans de pareils synodes, on remonte au déluge et on traite de tous les sujets de la foi. N’y a-t-il pas des sujets actuels et brûlants qui mériteraient une étude appropriée ? Seul un sondage savamment élaboré pourrait le dire. Toujours est-il qu'à la publication de l’Instrumentum laboris, tout le groupe diocésain invité au synode devra s’atteler à l’étude d’une façon plus précise. Alors, nous pourrons évoquer quelques problèmes non encore posés, ou occultés. Y réussirons-nous ? Aurons-nous le temps et la possibilité de le faire alors que nous sommes pris par des soucis pastoraux nullement indiqués dans les lineamenta, comme par exemple : le déplacement des chrétiens dans des régions chrétiennes par souci de sécurité. La réaction au synode dépendra de ses orientations, si elles sont appropriées. Dans la mesure où il répond à nos besoins actuels, circonstanciés, adaptés à notre pays et à nos cultures orientales et arabes, sa réception se fera avec enthousiasme. J’ai l’impression que le synode pour le Liban était plus attendu que l’actuel : il a orienté bien des énergies et bien des courants de pensée. Bien sûr, tous ses souhaits n’ont pas été réalisés. Mais il continue, cependant, à passer pour une date et une référence dans notre vie ecclésiastique. On ne s’attend pas à grand-chose du synode pour les chrétiens d’Orient, à moins qu’on ne concentre les études sur les relations entre les chrétiens eux-mêmes, qu’ils soient catholiques ou non, et sur les relations entre chrétiens et musulmans. Même si on le fait, il restera que les situations changent suivant les pays : les problèmes sont très différents, qu’il s’agisse de la Palestine proprement dite, de l’Égypte, de la Jordanie, de l’Irak, de la Syrie, du Liban, de l’Arabie Saoudite ou des pays du Golfe. Chaque pays a ses problèmes. nautés, dans l’une ou l’autre région, ont fait barrière à une véritable coopération pastorale. Ce n’est pas l’initiative pontificale qui portera des fruits. C’est la détermination des Églises catholiques à s’épauler qui fera plus d’effet. Plus l’initiative vient de l’intérieur, sans être imposée par une décision étrangère, meilleurs seront les résultats. Cela suppose une profonde formation spirituelle des laïcs, administrateurs des paroisses. Cela suppose aussi une unité organique entre les facteurs de la pastorale : à savoir les moines et les prêtres diocésains. Cela pose aussi en profondeur l’étude du grave problème des « exemptions pontificales » (cas des religieux relevant directement de Rome), dans des communautés restreintes, atteignant à peine un million de fidèles. Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême... n Etaveclesorthodoxes? ...sans trop de Ce synode n’avancera pas l’union avec les complications Églises orthodoxes, tant que le fondement d’unité ne sera pas établi. Le fondement ne théologiques théologique peut pas être tout le développement théologique du dogme survenu en Occident (et à quel prix !). On a traité de schismatiques ou d’hérétiques des fidèles qui ont toujours vécu sous le régime des persécutions depuis deux mille ans et ont été fermement attachés à leur foi en Jésus-Christ, au prix de leur sang. Seraient-ils accusés d’être sortis de l’Église parce qu’ils ont suivi leurs pasteurs ? Faut-il continuer à les considérer comme des chrétiens de seconde zone ? Nos chrétiens d’Orient sont tous attachés à la foi, telle qu’exprimée par saint Paul, spécialement en Éphésiens 4 .4-6 (« Il y a un seul Corps et un seul Esprit, de même que votre vocation vous a appelés à une seule espérance ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous, qui règne sur tous, agit Mgr Joseph Kallas par tous, et demeure en tous ») sans trop de complications théologiques. Tous croient fermement à l’ensemble du Credo de Nicée-Constantinople. Ce n’est pas pour une interprétation de ceci ou de cela, qu’il faut en venir à les diviser en Églises rivales. Il faut plutôt prier le Saint Esprit pour les aider à garder leur unité, malgré certaines divergences d’opinions (Phil 3.15). Les Églises catholiques particulières ont amélioré leur coopération depuis le synode pour le Liban. Mais les résultats sont minimes. Le triomphalisme des uns, la volonté d’amalgame des autres, au risque d’éliminer les petites commu- 14 FRANCECatholique n°322116juillet 2010 © œUVRE D'ORIENT n Oùenestl'unitéentrelesÉglisesorientalescatholiques? nPensez-vousquelesynodepourraservir lesrelationsdesÉglisesavecl'islam? Dans nos relations avec l’islam, nous attendons un soutien de l’Oc- cident pour que les droits de Le travail que nous entreprenl’homme, concernant la liberté de drons après la publication de l’Insconscience et l’égalité des droits, trumentum laboris, au niveau du soient respectés dans le monde diocèse, préparera bien l’éparchie à musulman. Là aussi, les situations recevoir les conclusions du synode. di vergent beaucoup, que l’on soit au Liban, en Égypte ou en n Cela servira-t-il l’union entre les Palestine. Églisesorientalescatholiques? Sur un autre plan, nos prières Les Églises orientales prendront et notre enseignement théolosûrement en considération la situagique devraient être spécialement tion des chrétiens dans les pays du adaptés à nos milieux musulmans. Moyen-Orient ainsi que les défis qui Malgré un effort spécial déjà réainfluent beaucoup sur leur présence lisé au Moyen Âge par nos Églises, et leur rôle ; elles consolideront entre nous devons davantage nous elles les liens de communion et de plonger dans la culture arabe, un collaboration ; elles s’engageront peu étrangère à nos différentes à remplir la mission de l’Église en langues liturgiques. Orient, en offrant leur témoignage Faut-il signaler les injustices en actions. Cette initiative pontififlagrantes commises depuis un cale qui implique la participation de siècle à l’égard de nos frères S.B. Grégoire III Laham représentants des Églises orthodoxes palestiniens, autant musulmans (Patriarche grec-melkite d’Antioche) et protestantes et de ceux des comque chrétiens ? ©L'OSSERVATORE ROMANO munautés musulmanes et juives, incitera les Églises Tant qu’elles existeront, tant que l’insécurité orientales à prendre de leur côté des initiatives prévaudra dans la région, la discrimination domiœcuméniques et à relancer le dialogue interreligieux. nera. Qu’on donne la paix aux pays musulmans et les idées pacifistes et fraternelles pourront alors trouver un terrain favorable parmi eux. On ne n Etaveclesorthodoxes? changera pas le monde musulman en le matant L’union entre les Églises ne dépend pas de ce mais en le développant socialement et culturellesynode. Elle est travaillée au niveau des comment. Bref, développer la fraternité avant d’exiger missions internationales mixtes. Cependant, le l’unité de la foi ou celle de l’administration. synode offrira l’occasion d’une plus large collaboration sur le plan tant pastoral que social et Mgr Bechara Raï, évêque de Jbeil, Byblos des culturel. Il aidera les Églises à donner un meilleur maronites. témoignage de vie dans la Charité et la Vérité. n Commentavez-voustravaillé? Les trois chapitres des lineamenta ont été distribués à trois comités formés de prêtres, religieux et laïcs. Une lecture finale unitive des réponses au questionnaire après chaque chapitre a été faite par moi-même. Une commission d’évêques, de prêtres, de religieux et de laïcs a été formée dans l’Église maronite pour relancer le travail après la publication de l’Instrumentum laboris. Personnellement, je relancerai le travail selon un plan que j’établirai avec le Conseil presbytéral du diocèse et avec les responsables des mouvements apostoliques. En outre, je relancerai aussi le travail dans mon programme hebdomadaire d’une heure, « Formation chrétienne », diffusé par la chaîne de télévision Télélumière/Nour Sat et par la radio Voix de la Charité. Développer la fraternité avant d'exiger l'unité n Etlesrelationsaveclesmusulmans? Je suis sûr que le synode servira les relations des Églises avec l’islam. La participation des délégués musulmans établira des points religieux, sociaux et culturels qui sont communs au christianisme et à l’islam ; les musulmans auront une meilleure compréhension des problèmes des chrétiens, ainsi que de leur rôle dans les sociétés musulmanes tant sur le plan religieux que sur le plan économique, social et de développement ; les musulmans et les chrétiens feront ensemble la lecture des défis énoncés dans les lineamenta et qui seront sûrement développés dans l’Instrumentum laboris et élaboreront ensemble une stratégie apte à relever ces défis ; le dialogue interreligieux sera relancé avec de nouvelles visions et de nouveaux horizons. n FRANCECatholique n°322116 juillet 2010 15 lectures 16e DIMANCHE ORDINAIRE (année C) Adimpleo © LA BIBLE DES PEUPLES / ÉD. DU JUBILÉ par le Père Michel Gitton Marthe et Marie 10. 38 En cours de route, Jésus entra dans un village et une femme nommée Marthe le reçut chez elle. 39 Elle avait une sœur, du nom de Marie, qui s’était assise aux pieds du Seigneur et restait à écouter sa parole. 40 Marthe, pendant ce temps, était absorbée par tout le service. À la fin elle se tourne vers Jésus et lui dit : « Seigneur, ne vois-tu pas que ma sœur me laisse seule avec le service ? Dislui donc de m’aider ! » 41 Mais le Seigneur lui répond : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour tant de choses ! 42 Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas retirée. » J ean-Paul II écrivait en 1983 au moment du Jubilé de la Rédemption décidé cette annéelà : « La Rédemption ouvre devant nous le livre magnifique de notre solidarité avec le Christ souffrant et, en lui, nous introduit dans le mystère de notre solidarité avec nos frères souffrants. Ce Jubilé de la Rédemption nous fera vivre plus intensément la communion des saints. Les souffrances humaines sont le lot commun à tous : chacun a sa propre part à donner à la Rédemption qui, bien qu’ayant été accomplie une fois pour toutes, a besoin de ce mystérieux complément, de l’offrande du si lourd fardeau constitué par les maux et les souffrances de l’humanité » et il citait à l’appui la phrase de saint Paul que nous trouvons dans la lecture de ce dimanche : « Adimpleo : j’accomplis dans ma propre chair ce qu’il reste à souffrir des épreuves du Christ, pour son corps qui est l’église » (Colossiens 1, 24). Pas facile d’expliquer ce « mystérieux complément ». Le Christ n’auraitil pas tout donné ? Son offrande aurait-elle encore besoin de nos petits sacrifices et de nos faibles mortifications ? Pouvons-nous faire mieux que lui ? Pourtant, saint Paul 16 FRANCECatholique n°3221 16 juillet 2010 est formel, il y a bien quelque chose à ajouter, il parle même du Corps qui « complète la plénitude du Christ » (éphésiens 1,23), un joli paradoxe ! C’est qu’en fait la plénitude du Christ, ce n’est pas un résultat tout près qui nous tomberait dessus par hasard, une délivrance qui, ne nous ayant rien coûté, nous resterait extérieure, c’est une promotion qui met en branle notre liberté, un nouveau statut dans lequel Jésus nous prend comme collaborateurs, et daigne prendre au sérieux nos efforts encore infirmes pour les associer à sa force à lui ! C’est tout le fondement de la communion des saints, nous explique le Pape : nous sommes bel et bien connectés les uns avec les autres. Là où le péché nous tenait isolés et de Dieu et de nos frères, renfermés en nous-mêmes, nous réapprenons à ne pas être seuls, nous nous découvrons membres du Christ qui, ayant mérité pour nous le salut, nous fait bénéficier de sa justice surabondante et nous permet en conséquence d’œuvrer avec lui, mais de plus nous voyons que cela s’étend à nos frères, membres du même corps : nous devenons à même de bénéficier des dons des autres et nous pouvons à notre tour contribuer à leur avancée. 16e semaine du Semaine de la garde des commandements par le Père Michel Gitton XVIe Dimanche 1. Jésus qui s’offre à notre prière et à notre adoration, avec le Père et le Saint-Esprit (lecture de la Genèse). ➤ Adorons le Fils dans l’éblouissement de la vie divine. Point spi : Soyons généreux si nous voulons que Dieu s’arrête chez nous. 2. Jésus dont le mystère a été longtemps tenu caché (lecture de la lettre aux Colossiens). ➤ Adorons le Verbe incarné révélé à la plénitude des temps. Si nos prières et nos actes de renoncement peuvent servir à nousmêmes et à autrui, ce n’est pas que nous aurions à payer quelque chose en plus de la rédemption par la croix, c’est parce que, bénéficiant du don surabondant du Seigneur, nous sommes élevés à une certaine ressemblance avec lui, capables de donner (un peu) notre vie avec lui, pour lui. Et c’est une bonne nouvelle et un programme exaltant. On a découvert après sa mort que Jean-Paul II ne se payait vraiment pas de mots en ce domaine. On savait déjà ses nuits de veille, ses longues prières prosterné par terre, mais on découvrait en plus ses gestes de mortification, qui nous font un peu peur, mais nous prouvent le sérieux de son amour. N’aurait-il pas, sans cela, changé la face de notre monde ? à chacun de nous d’entendre cet appel selon ses forces et sa grâce, mais aucun de nous n’est dispensé d’achever en sa chair le travail commencé par Jésus, pour son Corps qui est l’église. n Dimanche 18 juillet. Première Lecture : Genèse 18.1-10 Psaume 15.2-5 Deuxième Lecture : Colossiens 1.24-28 Évangile : Luc 10.38-42. lectures temps ordinaire Point spi : Entrons dans une communion vitale avec Jésus par la prière et la pénitence. 3. Jésus qui donne double part à celle qui se tient là et qui écoute (lecture de l’évangile de Saint Luc). ➤ Adorons l’Hôte de nos cœurs. Point spi : Ne nous laissons pas détourner de l’essentiel. Lundi : le signe de Jonas (Matthieu 12, 38-42) 1. Jésus qu’on provoque à donner un signe, qu’on met au défi de répondre à l’attente des hommes. ➤ Adorons le Dieu Sage qui sait ce qui est bon pour nous et que nous n’avons pas à « tenter ». Point spi : N’exigeons pas de Dieu la réponse qui nous arrange. 2. Jésus qui est le vrai signe donné au monde, dont toute la vie est un signe parlant à qui sait voir. ➤ Adorons Celui qui est bien plus que Salomon, celui vers qui ont marché tous les chercheurs de Dieu. Point spi : Ne soyons pas aveugles aux signes que Dieu a déjà mis sur notre chemin. 3. Jésus dont la résurrection cachée est le vrai signe donné aux hommes, lui qui a connu la plus prodigieuse intervention de Dieu qui soit. ➤ Adorons le Ressuscité qui déjoue tous les calculs des hommes. Point spi : Redisons sans nous lasser la bonne nouvelle : Il est vivant ! Mardi : la vraie parenté de Jésus (Matthieu 12, 46-50) 1. Jésus que revendiquent les siens, Jésus sur qui les proches estiment avoir des droits. ➤ Adorons le Verbe incarné qui s’est lié à une famille humaine. Point spi : Soyons solidaires des nôtres mais gardons notre liberté spirituelle. 2. Jésus qui ne se laisse pas arrêter dans sa mission, qui va de l’avant, oubliant le chemin parcouru. ➤ Adorons l’Envoyé du Père, qu’aucun canton du monde ne peut enfermer. Point spi : élargissons nos horizons audelà de nos premières expériences. 3. Jésus fondateur d’une nouvelle famille, où on entre par la foi et le baptême. ➤ Adorons le grand frère, qui veut vraiment partager notre vie. Point spi : Sentons-nous proches de tous les vrais chrétiens. Mercredi : la parabole du semeur (Matthieu 13, 1-9) 1. Jésus qui nous enseigne beaucoup de choses en paraboles. ➤ Adorons la Sagesse qui se dit en images, que nous pouvons atteindre à travers mille figures. Point spi : Prenons le temps de nous laisser conduire, ne demandons pas des explications faciles et immédiates. 2. Jésus qui nous parle du risque fou pris par Dieu, de la prodigalité infinie de son œuvre, où sa grâce est répandue sans mesure. ➤ Adorons le Fils témoin de l’immensité du Don de Dieu. Point spi : Nous aussi ne travaillons pas à l’économie, dépensons sans compter nos efforts pour le salut de nos frères. 3. Jésus qui nous dit l’échec premier d’une bonne partie des semailles. ➤ Adorons le divin Semeur qui accepte de voir une partie de son œuvre devenue inutile. Point spi : Ne nous arrêtons pas aux échecs et aux rebuffades. Jeudi : Fête de Sainte Marie Madeleine 1. Jésus qui en toute pureté de cœur a accepté les marques d’affection de la pécheresse. ➤ Adorons Celui qui accepte notre amour et y trouve sa joie. Point spi : Sachons quelquefois recevoir ce que les autres ont à nous donner. 2. Jésus qui a éduqué Marie en lui permettant un don toujours plus grand et plus vrai. ➤ Adorons le Maître qui nous apprend à aimer. Point spi : Apprenons à l’école de Jésus le détachement nécessaire. 3. Jésus qui a fait de Marie l’ « apôtre des apôtres ». ➤ Adorons Celui qui donne à chacun une vocation. Point spi : Ne nous dérobons pas à la mission que Dieu veut pour nous. Vendredi : explication de la parabole du semeur (Matthieu 13, 18-23) et Sainte Brigitte (Fête en Europe) 1. Jésus qui se fait lui-même l’exégète de ses propres paroles devant ses disciples incompréhensifs. ➤ Adorons le divin Rabbi qui nous explique la Parole. Point spi : N’ayons pas peur de redire et d’expliquer. 2. Jésus qui nous révèle l’aventure mystique que constitue cet accueil de la Parole (la « parole semée dans vos cœurs »). ➤ Adorons Celui qui est plus grain que semeur, qui se glisse dans nos cœurs. Point spi : Gardons une intériorité au milieu de ce monde qui veut nous la ravir. 3. Jésus qui sait nos tentations, notre inconstance, mais qui nous amène à cette écoute fidèle et confiante de sa Parole. ➤ Adorons le Conseiller intime qui nous connaît si bien. Point spi : N’en restons pas à une écoute routinière et blasée. Samedi : la parabole de l’ivraie (Matthieu 13, 24-30) 1. Jésus pour qui le Royaume est affaire de croissance, de germination ; qui ne connaît aucun arrêt, aucune sclérose. ➤ Adorons le Prince de la Vie. Point spi : Ne nous posons pas de questions insolubles, attendons l’heure de Dieu. 2. Jésus qui n’a pas peur de nous dire que quelque chose a pu perturber l’œuvre du Père, que tout n’est pas écrit d’avance. ➤ Adorons l’Innocent désarmé devant le mal. Point spi : N’attribuons pas à Dieu la responsabilité du mal. 3. Jésus qui est sûr de la victoire finale, de la grande clarification des derniers temps ➤ Adorons le Juge des derniers temps, témoins de la victoire de Dieu. Point spi : Aidons les plus faibles à tenir, en attendant la délivrance. n FRANCECatholique n°3221 16 juillet 2010 17