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Journées Parisiennes
de Pédiatrie 2010
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Journées Parisiennes de Pédiatrie – Livre des JPP 2010
c/o Nex & Com Medical Events
159 rue de Silly
92100 Boulogne Billancourt
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Journées Parisiennes
de Pédiatrie 2010
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JOURNÉES PARISIENNES DE PÉDIATRIE
Comité d’organisation :
Y. Aujard, A. Bensman, P. Bougnères, A. Bourrillon,
B. Chabrol, G. Chéron, D. Devictor, A. Fischer, J. Gaudelus,
D. Gendrel, P. Labrune, F. Leclerc, G. Leverger, M. Tardieu
Journées Parisiennes
de Pédiatrie 2010
(Vendredi 1er et samedi 2 octobre 2010)
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SOMMAIRE
TABLE RONDE I
Actualités en néonatologie
(Organisateur : Yannick Aujard)
Ventilation non-invasive en néonatologie
P.-H. JARREAU, E. LOPEZ, S. LESCURE, E. ZANA-TAIEB, J. PATKAI
page 11
Neuroprotection cérébrale
V. BIRAN, S. SOUDEE, S. HOVHANNISYAN, Y. AUJARD, O. BAUD
page 19
Neuroprotection par hypothermie de l’encéphalopathie hypoxique-ischémique
du nouveau-né à terme
E. SALIBA
Quelle place pour l’érythropoïétine en néonatalogie ?
J. MESSER, P. KUHN, J. MATIS, B. ESCANDE, D. ASTRUC
page 27
page 39
TABLE RONDE II
Fièvres récurrentes héréditaires (FRH)
(Organisateurs : Alain Fischer, Pierre Quartier)
Introduction
P. QUARTIER
page 49
Les fièvres récurrentes héréditaires : aspects nosologiques
V. HENTGEN
page 55
Diagnostic génétique des fièvres récurrentes héréditaires
I. JERU
page 65
Aspects biochimiques et génétiques du syndrome hyper IgD : une fièvre
récurrente héréditaire due à un déficit en mévalonate kinase,
une enzyme clé de la biosynthèse du cholestérol
L. CUISSET, B. BADER-MEUNIER
page 71
Prises en charge thérapeutiques des fièvres récurrentes héréditaires
B. NEVEN
page 79
Fièvres récurrentes héréditaires à l’âge adulte
K. STANKOVIC STOJANOVIC, G. GRATEAU
page 89
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SOMMAIRE
TABLE RONDE III
Imagerie aux Urgences
(Organisateurs : Gérard Chéron, Catherine Adamsbaum)
Infections ostéo-articulaires et imagerie
C. ADAMSBAUM, M. LAGADEC, L. MEZZETTA, P. WICART
page 99
Imagerie cérébrale : scanner ou IRM ?
N. BODDAERT, D. GREVENT, F. BRUNELLE
page 107
Douleurs abdominales et pelviennes de l’enfant : les pièges de l’imagerie
V. MERZOUG, C. FOURNET, A.-E. MILLISCHER-BELLAICHE, C.
ADAMSBAUM
page 115
Échographie aux urgences pédiatriques
S. ESCODA, R. GUEDJ, P. BLAKIME, G. CHÉRON
page 123
MISES AU POINT
Suivi des enfants nés après Assistance Médicale à la Procréation (AMP)
page 133
L. FOIX-L’HÉLIAS, N. FRYDMAN, B. DUCOT, R. FRYDMAN, P. LABRUNE
Malformations artério-veineuses cérébrales du nouveau-né et de l’enfant
G. SALIOU, A. OZANNE, M. SACHET, D. DUCREUX
page 139
Imagerie de la souffrance cérébrale périnatale
F. CHALARD, C. GAREL, H. DUCOU LE POINTE
page 151
Les bénéfices santé de l’allaitement
D. TURCK, G. GREMMO-FÉGER
page 161
MISES AU POINT
Épilepsie et déficit en transporteur du glucose
B. CHABROL, A. CANO, M. MILH
Mutations dans le gène lpin1 : une cause majeure de Rhabdomyolyse
sévère du jeune enfant
C. MICHOT, L. HUBERT, M. BRIVET, V. VALAYANNOPOULOS,
A. MUNNICH, A. DELAHODDE, Y. DE KEYZER, P. DE LONLAY
Mort inattendue du nourrisson : des questions non résolues
L. DE PONTUAL, A.-M. TEYCHENE, J. GAUDELUS
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page 171
page 177
page 183
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SOMMAIRE
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MISES AU POINT
La place de l’implant cochléaire dans les suites des méningites
page 193
N. TEISSIER, I. DOEHRING, M. FRANÇOIS, T. VAN DEN ABBEELE,
M. LORROT
Hypertension intracrânienne dans les méningites bactériennes de l’enfant
E. JAVOUHEY, F. COUR-ANDLAUER, D. FLORET
page 203
Des recommandations vaccinales à l’efficacité sur le terrain
R. COHEN
page 213
PFAPA (un syndrome de fièvre périodique)
A. BOURRILLON, G. BENOIST, A. FAYE
page 219
MISES AU POINT
Maladie de Basedow chez l’enfant : prise en charge actuelle
F. KAGUELIDOU, J.-C. CAREL, J. LÉGER
page 231
Risques rencontrés dans le traitement de l’acidocétose diabétique
C. PETIT-BIBAL, B. AZEMAR, A. ROTHENBUHLER,
G. DE FILIPO, P. BOUGNÈRES
page 241
Infarctus cérébral artériel néonatal : que nous apprend la cohorte AVCNN ?
S. CHABRIER, B. HUSSON, P. LANDRIEU
page 249
Encéphalites herpétiques de l’enfant
M. TARDIEU, J.-L. CASANOVA, L. ABEL
page 261
Le décès des patients polyhandicapés : l’expérience du service
de pédiatrie spécialisée pour polyhandicapés de La Roche Guyon
M. MOTAWAJ, S. MATHIEU, C. BRISSE, G. PONSOT,
T. BILLETTE DE VILLEMEUR
page 267
MISES AU POINT
Maladies du pancréas de l’enfant à l’exclusion de la mucoviscidose et des tumeurs page 275
J. SARLES
La réanimation pédiatrique : un autre regard
D. DEVICTOR
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page 283
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SOMMAIRE
De la cytogénétique à l’identification de nouvelles cibles
thérapeutiques dans les leucémies aiguës de l’enfant
A. PETIT, J. LANDMAN-PARKER, G. LEVERGER
Délais diagnostiques des médulloblastomes de l’enfant
J.-F. BRASME, J. GRILL, F. DOZ, S. PUGET, M. CHALUMEAU ;
pour le groupe DIAMED
page 289
page 295
MISES AU POINT
Devenir à long terme après transplantation hépatique dans l’enfance
D. DEBRAY, J.-P. DOMMERGUES, O. MOURIER, S. ROUGET,
F. GAUTHIER, O. BERNARD
page 305
Comment optimiser le devenir des enfants dyslexiques
C. BILLARD
page 311
Néphropathie lupique
G. DESCHÈNES, V. BAUDOUIN
page 323
Spondylolyse et spondylolisthésis de l’enfant et de l’adolescent
R. VIALLE
page 333
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TABLE RONDE I
ACTUALITES EN NÉONATOLOGIE
Organisateur : Yannick Aujard
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VENTILATION NON-INVASIVE EN NÉONATOLOGIE
par
P.-H. JARREAU, E. LOPEZ, S. LESCURE, E. ZANA-TAIEB, J. PATKAI
INTRODUCTION
La ventilation dite « non-invasive » est une technique en pleine expansion en néonatologie et fait l’objet de nombreuses études et revues. On distingue l’administration d’une
pression positive continue par voie nasale (PPCN, nCPAP des anglo-saxons) et la ventilation en pression positive intermittente par voie nasale (VNPPI, NIPPV des anglo-saxons)
[1].
PRESSION POSITIVE CONTINUE PAR VOIE NASALE
L’application d’une pression positive continue en ventilation spontanée sans intubation
endotrachéale est une technique ancienne qui a fait l’objet de progrès techniques importants au cours de ces 15 dernières années. Ce support respiratoire, utilisé en particulier chez
le nouveau-né prématuré, apparaît comme d’autant plus important qu’il est peu agressif et
minimise le barotraumatisme. A ce titre, il pourrait être un facteur permettant de diminuer
l’incidence de la dysplasie broncho-pulmonaire. En outre, plusieurs études ont montré
l’intérêt d’une application précoce de la PPC en cas de maladie des membranes hyalines
(MMH) et comme facteur de prévention des apnées.
Quelques rappels physiologiques
Le maintien d’une capacité résiduelle fonctionnelle suffisante (CRF) est nécessaire pour
les échanges gazeux. Physiologiquement, le nouveau-né, en particulier prématuré, présente
plusieurs facteurs qui compromettent la stabilité de cette CRF [1] et notamment la compliance de la cage thoracique, qui est très élevée (donc la cage est peu rigide), ce qui empêche
le maintien d’un volume pulmonaire en fin d’expiration, et le collapsus alvéolaire induit par
le déficit partiel ou total, qualitatif ou quantitatif, en surfactant.
Pour maintenir sa CRF, le prématuré fait appel à trois mécanismes dynamiques : le
maintien d’une activité dynamique des muscles inspiratoires pendant l’expiration, une
réduction du temps expiratoire par une inspiration qui débute avant la fin de l’expiration,
et la fermeture partielle des cordes vocales afin d’opposer une résistance à l’expiration (freinage expiratoire), aboutissant cliniquement au geignement expiratoire. La défaillance de ces
mécanismes aboutit à une détresse respiratoire. L’administration d’une PPC a pour but de
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prévenir cette défaillance en permettant le maintien de la CRF.
Aspects techniques
Les différents systèmes présentent avantages et inconvénients qu’il convient d’envisager
sous plusieurs angles : effets secondaires, facilité d’application, fiabilité et stabilité de la PPC,
sécurité, coût. Il est nécessaire de bien comprendre ces différents systèmes afin d’orienter
son choix, soit pour l’équipement d’un service, soit pour la prise en charge d’un malade
donné. C’est pourquoi nous détaillerons ici les aspects techniques.
Moyens d’application ou de transmission de la pression
Plusieurs moyens d’application d’une PPC, indépendamment du tube endotrachéal,
ont été utilisés depuis les années 70 : enceinte céphalique par caisson ou sac, chambre ou
masque facial, sondes naso-pharyngées et canules nasales.
Canules nasales
Deux types de canules nasales peuvent être distingués : les canules simples, inertes,
qui véhiculent une pression générée à distance, et les canules qui sont elles-mêmes des
générateurs de pression, généralement par « effet de jet », d’où leur nom anglo-saxon de
jet-CPAP.
Canules simples
L’apparition de canules nasales, bien tolérées localement, a permis l’utilisation très large
de celles-ci, par voie uni- ou bi-narinaire. Ces canules sont enfoncées de 0,5 à 1 cm dans la
narine et peuvent aussi être utilisées pour une ventilation nasale. La longueur totale des
canules peut être variable de 0,5 cm (systèmes type Argyle®, INCA®, Babyflow®) à 10 cm
(Vygon® ou tube trachéal coupé, peu conseillé car présentant plus de risques de lésions nasales). La fixation des canules uni-narinaires longues est identique à celle d’un tube trachéal,
plus délicate pour une canule longue bi-narinaire. Les canules courtes sont généralement
associées à leur propre système de fixation. Le débit nécessaire pour maintenir la PPC, les
besoins d’oxygène et la pression pharyngée sont identiques avec des canules uni- ou bi-narinaires longues [2]. Les canules courtes présentent l’avantage de réduire la résistance au flux
gazeux [3].
Ces canules « simples » sont habituellement reliées à un ventilateur néonatal, de type
« découpeur de flux », réglé en mode VS-PEP ou à un montage artisanal ou industriel
consistant à plonger la ligne expiratoire dans un bocal d’eau d’une longueur donnée égale à
la PPC désirée (voir ci-dessous).
La PPC peut également être appliquée par une sonde d’intubation placée en position
pharyngée.
Canules génératrices de pression
Certaines canules génèrent localement une PPC très stable par effet de jet (conversion
de l’énergie cinétique du mélange gazeux en pression). La première d’entre elles a été la valve
de Benveniste, constituée par 2 tubes coaxiaux reliés par un anneau et connectée à une canule uni- ou bi-narinaire [4]. La Medijet® actuellement commercialisée en est très proche.
D’autres canules à effet de jet ont été créées, en particulier le dispositif Infant Flow
System® (IFS®) créé à la fin des années 80 [5], dont la pièce bi-narinaire moulée crée une PPC
très stable, et qui a été adopté rapidement par de nombreuses équipes. Ce système associe
un effet « Coanda » qui favorise l’inversion du flux à l’expiration, d’où la dénomination
anglo-saxonne de variable-flow CPAP. Parmi les autres dispositifs disponibles, citons l’Arabella®, très proche de l’IFS®.
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Canules d’oxygénothérapie
De simples « lunettes nasales » d’oxygénothérapie sont susceptibles de générer une
PPC sous certaines conditions de diamètre des canules nasales et de débit. Ce phénomène
a été décrit initialement comme un effet secondaire inattendu et incitait à la prudence dans
l’utilisation de ces canules [6]. Cette propriété est à présent utilisée par certains pour créer
une PPC. La pression ainsi générée peut atteindre jusqu’à près de 10 cm H2O (canule de
diamètre 0,3 cm avec un débit de 2 L/min) [6].
Masques faciaux ou nasaux, enceintes
Les masques faciaux, qui couvraient alors bouche et nez ont eu leur heure de gloire
dans les premières années d’utilisation de la PEP en traitement de la MMH. Ce mode
d’administration était associé à un moindre travail respiratoire mais aussi à des complications
parfois redoutables : obstruction nasale, distensions gastriques sévères pouvant aller jusqu’à
la rupture gastrique, traumatismes cutanés et oculaires, hémorragies intra-cérebelleuses. En
outre, l’espace mort créé par le masque entraînait une hypercapnie [4].
Les masques nasaux actuellement disponibles, notamment celui de l’IFS® ou du système
Medijet®, n’ont pas fait l’objet de publications rapportant de telles complications. Ils n’ont
pas à ce jour été évalués. Ils sont plus exposés au risque de fuite lorsque l’application autour
du nez n’est pas parfaite.
Des enceintes incluant toute la tête ou seulement la face ont été utilisées elles aussi
dans le début des années 70. Elles ont été rapidement abandonnées soit en raison de
complications graves, soit en raison de difficultés techniques (fuites) ou d’un accès trop
limité à la tête de l’enfant. Récemment, une nouvelle enceinte de tête, baptisée neonatal
helmet CPAP (Starmed®, Italie) a été proposée et évaluée [7] et comparée à l’IFS®. L’enceinte
permettait de diminuer significativement un score de douleur et d’inconfort par rapport à
l’IFS®, sans autre modification des paramètres respiratoires et hémodynamiques. Il y avait
un peu moins de désaturations avec l’enceinte mais ce résultat n’était pas statistiquement
significatif. Une 2ème évaluation a été réalisée portant cette fois sur le débit sanguin cérébral
mesuré par spectroscopie dans le proche infra-rouge (NIRS). Le débit sanguin cérébral était
diminué sous enceinte, remettant à jour une inquiétude ancienne puisque des complications
cérébrales avaient été décrites lors des premières utilisations des enceintes [4].
Générateurs de pression
On peut en distinguer trois grands types. Deux d’entre eux génèrent la pression à
distance du moyen d’application alors que dans l’autre, c’est la canule qui est le générateur
de pression.
La CPAP «à bulles» (underwater bubble CPAP)
Ce générateur de pression est très ancien et a été utilisé dès les années 70. Initialement il
était constitué d’un montage artisanal nécessitant une source d’air et d’oxygène, un réchauffeur-humidificateur, des tuyaux et un bocal d’eau. La PPC est fixée en plongeant un tuyau
dans l’eau en fin de ligne expiratoire de la hauteur désirée (cm H2O). L’ajustement précis
de la PPC est souvent difficile, le mélange gazeux imprécis et les systèmes de sécurité quasi
inexistants. Le coût en était très faible. Fisher&Paykel® a repris ce concept et développé un
système complet incluant le flacon, un tuyau gradué plongeant dans le flacon, une valve de
sécurité se déclenchant à 10 cm H2O, les tuyaux de transmission à une canule bi-narinaire et
de raccordement à la source de gaz et un système de fixation adapté. La bubble CPAP a fait
l’objet récemment d’une abondante littérature [8, 9, 10, 11, 12]. Ceci est lié à l’idée qu’elle
puisse améliorer la ventilation indépendamment de la PPC par un effet propre du bullage
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P.-H. JARREAU, E. LOPEZ, S. LESCURE, E. ZANA-TAIEB, J. PATKAI
[8, 10]. L’article le plus récent, conduit sur des agneaux prématurés [10] est assez convaincant tant en termes de mécanique respiratoire que d’échanges gazeux. Mais cette idée est
controversée [9, 13]. Enfin, la pression délivrée peut être beaucoup plus élevée suivant le
débit que la PPC réglée par la hauteur de tuyau plongée dans l’eau. Il a été démontré sur un
banc expérimental que la pression délivrée était hautement dépendante du débit, des fuites
(sans aucune adaptation) et toujours supérieure à celle que l’on pouvait attendre en ayant
plongé le tube de la hauteur désirée [9]. Ce résultat était prévisible car, grossièrement, la
pression délivrée est dépendante du débit et de la résistance, et donc, à résistance constante,
l’augmentation de débit augmente mathématiquement la pression. Seuls des systèmes dans
laquelle la résistance est asservie à la pression désirée (ce qui est le cas sur un ventilateur)
permettent de garder une pression constante.
Les ventilateurs néonataux utilisés en mode VS-PEP
C’est un générateur de pression simple et fiable. La PPC est fixée par le réglage du
ventilateur et donc précise et mesurée, au moins théoriquement. En effet, la mesure peut
être faussée avec certaines pièces nasales sur les respirateurs n’incluant pas une mesure de
pression à la pièce en T. Le mélange gazeux délivré est précis et l’on bénéficie du système de
sécurité (haute et basse pression) du ventilateur (si la mesure est juste). Le second avantage
de cette technique est de pouvoir passer l’enfant en VNPPI de manière rapide et facile.
Les canules à effet de jet
C’est un générateur de débit qui, adapté à la pièce nasale, va permettre de fixer la PPC en
faisant varier le débit de mélange gazeux. La pression positive générée au niveau de la pièce
est de ce fait beaucoup plus stable à l’inspiration et à l’expiration, ce qui a été testé au moins
pour l’IFS® [5]. La pièce nasale, pour des raisons de sécurité, doit généralement être utilisée
avec le générateur de débit adapté lorsqu’il en existe un, mais cela n’est pas systématique (la
Medijet® ou la valve de Benveniste sont utilisables sur d’autres sources de débit). La PPC
peut être mesurée, le mélange gazeux est précis et il existe un système de sécurité (haute et
basse pression).
Comparaison des différents systèmes
Les différents systèmes ont été partiellement évalués, soit sur banc expérimental [3],
soit sur des données cliniques avec quelques essais randomisés utilisant divers paramètres
(échanges gazeux, travail respiratoire, recrutement pulmonaire, lésions narinaires, succès
de l’extubation etc.) [13-17] dont certains ont été intégrés dans une méta-analyse de la
Cochrane database [18]. Malheureusement, cette méta-analyse vise à regrouper des données
variées sur ce problème et ne reprend parfois qu’une seule étude pour chacun des paramètres
étudiés, limitant la portée de son message.
Dispositifs d’application
Sur banc expérimental, l’étude de De Paoli [3] a comparé les résistances à travers plusieurs canules nasales. Il conclut à une moindre résistance des canules bi-narinaires sur les
canules uni-narinaires et à des résistances très faibles des canules de l’IFS®. En soi ce résultat
n’a rien de surprenant puisque il montre essentiellement que les résistances sont fonction
de la longueur de la canule et de son diamètre interne. Il serait donc plus juste de conclure
que les canules courtes sont préférables aux canules longues. Enfin, comme le soulignent fort
justement les auteurs, l’intérêt d’une canule ne peut être limité à ses résistances et c’est la
clinique, en particulier l’efficacité de la PPC délivrée, la facilité d’utilisation et l’existence
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éventuelle d’effets secondaires à type de lésions nasales qui doivent orienter le choix.
En clinique, la méta-analyse déjà citée [18] conclut que les canules bi-narinaires courtes
sont plus efficaces pour prévenir un échec d’extubation que les canules mono-narinaires
longues et qu’elles sont également plus efficaces en termes d’oxygénation et de fréquence
respiratoire qu’une canule naso-pharyngée. L’IFS® semble plus efficace que d’autres canules nasales sur certains paramètres mais ceci n’est pas retrouvé dans toutes les études. La
comparaison est en fait difficile puisque ce n’est pas la canule qui est testée mais un système
complet d’administration de la PPC incluant en fait le générateur de pression.
Peu d’études ont été consacrées aux lésions nasales, parfois redoutables [19] générées par
ces dispositifs. Une étude conclut que les canules Argyle® seraient un peu plus traumatiques
et moins faciles à garder en place que les Hudson, avec la même efficacité thérapeutique.
Une étude plus récente a comparé masque et canule nasale de l’IFS® et conclut au caractère
moins traumatique du masque [17]. Enfin une étude très récente a évalué systématiquement
les lésions nasales internes (par endoscopie) et externes chez 91 enfants ayant eu une CPAP
nasale pendant au moins 7 jours et trouve une incidence de lésions de 13 % [20].
Générateurs de pression
Il est là aussi parfois un peu vain de vouloir séparer le générateur de pression du dispositif d’application car ils peuvent être étroitement liés (IFS®, Arabella®). Le meilleur moyen
de comparaison est certainement la stabilité de la PPC. C’est en effet le point crucial pour
l’efficacité d’un système de CPAP. Plus la pression sera stable, plus le travail respiratoire à
fournir par l’enfant pour mobiliser son volume courant sera faible. Sur banc expérimental,
ceci peut être analysé par les variations de la pression au cours de cycles inspiratoires ou expiratoires ou face à une inspiration ou une expiration brusques. La première technique a été
adoptée par Moa pour évaluer la stabilité de la pression délivrée par l’IFS® avec un poumon
artificiel simulant le cycle respiratoire [5]. Nous avons étudié divers systèmes sur un banc
expérimental permettant d’appliquer brutalement une pression inspiratoire ou expiratoire
sur une PPC stable. Nous avons ainsi observé que l’IFS® était plus stable que la Medijet® et,
qui plus est, que l’ajout d’une pièce limitant le bruit de la Medijet® perturbait ses propriétés
mécaniques et rendait la PPC encore moins stable. Enfin, il importe de vérifier que la pression délivrée et mesurée correspond bien à la pression qui a été prescrite (voir ci-dessus).
Des études cliniques randomisées ont été réalisées sur les différents systèmes. Comme
cela a été précisé, il est parfois difficile de séparer dans l’analyse ce qui revient au dispositif
d’application, au générateur de pression ou à l’ensemble du système. Les résultats sont parfois contradictoires, tenant aux imprécisions sur les systèmes utilisés, aux populations étudiées, qui ne présentent pas toutes les mêmes pathologies, et aux paramètres étudiés (court
terme ou long terme, échanges gazeux, fréquence respiratoire, durée sous CPAP etc.) ou au
protocole (comparaison de 2 populations sous des systèmes différents ou de 2 systèmes sur
une même population). Il est donc difficile de tirer des conclusions claires. Ainsi, Ahluwalia
[21] ne trouve pas de différence, en terme de besoins d’oxygène, entre les effets d’une CPAP
administrée par une canule mono-narinaire comparée à l’IFS® sur une population de 20
nouveau-nés soumis aux 2 systèmes durant des périodes de 2 heures. A l’inverse, Mazzella
[22] en comparant 2 systèmes analogues trouve un bénéfice net à l’utilisation de l’IFS® en
termes de besoin d’oxygène, de fréquence respiratoire, de durée de traitement et de succès
du sevrage sur 2 populations étudiées en parallèle. L’équipe de Courtney, dans plusieurs
articles, retrouve un bénéfice à l’utilisation de l’IFS® comparé à différents systèmes (incluant
une CPAP à bulles) en termes de travail respiratoire et de recrutement pulmonaire [14] mais
ne trouve pas de différence clinique entre l’IFS® et l’Arabella® [15]. En revanche, Stefanescu
ne trouve pas de bénéfice à l’IFS® sur une CPAP conventionnelle en terme de succès de
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P.-H. JARREAU, E. LOPEZ, S. LESCURE, E. ZANA-TAIEB, J. PATKAI
l’extubation. Enfin, les débats sur les avantages respectifs de la CPAP à bulles par rapport à
l’IFS® sont très controversés [9, 10, 11, 12].
Conclusion sur la PPC nasale
Il est difficile de tirer des conclusions définitives quant au meilleur dispositif à utiliser.
Quelques données semblent néanmoins fiables :
- moyens d’application : les canules bi-narinaires courtes sont supérieures aux autres car
générant moins de résistances. En termes d’utilisation pratique, en particulier de fixation et éventuellement de lésions narinaires, des canules mono-narinaires longues peuvent présenter des avantages. Chaque dispositif peut avoir de ce fait une indication à un
moment ou dans des circonstances donnés. Les masques nasaux, sont encore peu évalués
mais ont certainement un intérêt en prévention ou traitement des lésions nasales.
- générateurs de pression : les générateurs intégrés à la pièce nasale sont les plus efficaces.
Les PPC à variation de flux (variable-flow CPAP) sont certainement les meilleures en
termes de travail respiratoire et de stabilité de la pression (IFS®, Arabella®). Il est nécessaire de contrôler la pression au niveau de la pièce nasale, en particulier lors de l’utilisation de CPAP à bulles.
VENTILATION EN PRESSION POSITIVE INTERMITTENTE
PAR VOIE NASALE (VNPPI)
C’est un développement de la PPC nasale. Ce mode combine en effet une PPC sur
laquelle viennent s’intercaler des inspirations mécaniques. Il s’agit donc d’une ventilation
en pression positive conventionnelle mais administrée par voie nasale. Elle peut ou pas être
synchronisée (trigger). S’en approche ce que certains auteurs ont dénommé « Bi-level nasal
CPAP » pour désigner plus spécifiquement la ventilation nasale délivrée par le système
Infant-Flow (machine SiPAP). Nous ne détaillerons pas ici les différents systèmes utilisables.
Sur le plan des résultats, les méta-analyses déjà anciennes de la Cochrane Library
concluent à une efficacité de cette technique en post-extubation et pour la prévention des
apnées supérieure à celle d’une PPCN [23, 24]. Mais les comparaisons sont souvent faites
avec des dispositifs de PPCN différents qui rendent difficiles des conclusions fiables. Dans
les études récentes, signalons 3 essais randomisés et une étude rétrospective indiquant un
effet supérieur de la VNPPI sur la PPCN mais dépendant du système utilisé [25-27] et une
grande étude rétrospective du NICHD observant une diminution de l’incidence de la DBP
en VNPPI.
Ce mode ventilatoire est donc certainement prometteur mais nécessite d’autres essais
contrôlés pour en préciser techniques et indications.
CONCLUSION
Indépendamment des choix techniques, l’utilisation de plus en plus large de la PPCN
et de la VNPPI nécessite une évaluation clinique et physiologique qui reste largement à
réaliser. Leur utilisation dans le cadre de pathologies aiguës ou sévères, toujours susceptibles
de nécessiter rapidement une intubation et une ventilation conventionnelle, justifie une
surveillance très étroite qui ne peut être réalisée au mieux que dans les services disposant
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VENTILATION NON-INVASIVE EN NÉONATOLOGIE
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d’une unité de réanimation.
Pierre-Henri Jarreau, Emmanuel Lopez, Sandra Lescure, Elodie Zana-Taieb, Juliana Patkai
Service de Médecine néonatale de Port-Royal, Centre Hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, Assistance
Publique – Hôpitaux de Paris, Paris, France.
Université Paris Descartes, Faculté de Médecine.
PremUP, Paris, France.
Auteur correspondant : Pierre-Henri JARREAU - Service de Médecine néonatale de Port-Royal - Hôpital Cochin
- 123, Bd de Port-Royal, 75014 PARIS - [email protected]
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NEUROPROTECTION CÉRÉBRALE
par
V. BIRAN, S. SOUDEE, S. HOVHANNISYAN, Y. AUJARD, O. BAUD
L’amélioration de la prise en charge périnatale de la menace d’accouchement prématuré
et des accouchements à terme compliqués a permis de réduire significativement la mortalité
néonatale ; cependant, la morbidité neurologique néonatale reste élevée aboutissant à un
risque élevé de polyhandicap [1]. Les atteintes du cerveau néonatal sont dépendantes du
stade de développement à la naissance.
Les atteintes inflammatoires et hypoxiques sont responsables de leucomalacie périventriculaire chez les nouveau-nés prématurés, alors que les nouveau-nés à terme dont la
naissance se complique d’une anoxie périnatale vont développer des lésions cortico-sous
corticales. Des études récentes suggèrent que ces deux types de lésions peuvent coexister.
L’asphyxie périnatale chez le nouveau-né à terme survient chez 3 à 5 nouveau-nés pour 1000
naissances [2] alors que l’incidence des accidents vasculaires cérébraux est de 1 pour 4000
naissances vivantes.
L’étude du devenir de ces enfants montre des résultats également très inquiétants avec
des taux élevés de paralysie cérébrale, retard psychomoteur, retard mental ou épilepsie. En
dehors de l’hypothermie contrôlée – abordée dans une autre présentation de cette table
ronde- qui a montré une efficacité neuroprotectrice dans les encéphalopathies modérées du
nouveau-né à terme, il n’existe aucune thérapie validée en 2010 pour réduire le risque de
handicap neurodéveloppemental, à la fois chez les nouveau-nés prématurés et à terme.
Le traitement optimal des lésions cérébrales précoces nécessite de prendre en compte les
différents mécanismes de lésions cérébrales. L’objectif des traitements neuroprotecteurs est
de limiter la mort cellulaire et de favoriser la réparation des lésions et la plasticité cérébrale.
Des études récentes suggèrent qu’il serait utile d’associer certains des traitements neuroprotecteurs « candidats » qui devraient être administrés le plus précocement possible et sur
une durée prolongée.
Pour optimiser l’efficacité des traitements après une naissance à haut risque de lésion
cérébrale, il est nécessaire d’identifier les nouveau-nés qui pourraient bénéficier de ces
traitements par des facteurs cliniques ou biologiques prédictifs. L’utilisation de l’EEG
intégré d’amplitude (aEEG) est un moyen efficace pour identifier précocement des crises
convulsives et des anomalies du tracé de fond. Les nouvelles techniques d’imagerie cérébrale
(spectroscopie, imagerie par diffusion, tractographie, analyses volumétriques) permettent
également d’apprécier l’étendue réelle et le pronostic de ces lésions cérébrales. Cependant,
cibler la population de nouveau-nés la plus susceptible de bénéficier d’un traitement neuroprotecteur demeure un challenge.
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L’objectif de cette mise au point est de faire le point sur les possibilités thérapeutiques
de neuroprotection chez le nouveau-né sur le plan expérimental et les données cliniques
actuellement disponibles.
HYPOTHERMIE
L’hypothermie contrôlée (33-34 °C pendant 72 h) est actuellement le traitement utilisé
chez le nouveau-né à terme en cas d’encéphalopathie anoxo-ischémique. Elle a montré des
résultats encourageants avec une neuroprotection efficace, en particulier une réduction de
la mortalité et des séquelles neurodéveloppementales à long terme avec un recul de 12 à 24
mois dans le cas d’encéphalopathie modérée [3].
ERYTHROPOÏÉTINE (EPO)
Le récepteur à l’EPO (EPO-R) a été identifié sur un grand nombre de cellules : endothéliales, musculaires, cardiaques, intestinales et sur la plupart des cellules du système nerveux.
L’EPO et l’EPO-R jouent un rôle neurotrophique particulièrement important au cours
du développement cérébral. L’EPO a également une activité neuroprotectrice démontrée
chez l’animal adulte et nouveau-né. Les mécanismes d’action sont assez bien connus et
sont probablement variés : effet anti-apoptose, effet anti-inflammatoire, réduction du stress
oxydatif, stimulations de l’angiogénèse et de la maturation des oligodendrocytes à l’origine
de la synthèse de la myéline. Ainsi la molécule d’EPO pourrait s’avérer intéressante dans la
prévention et/ou le traitement de l’hypoxie-ischémie du nouveau-né à terme et la leucomalacie périventriculaire du prématuré. Récemment, il a été démontré que l’EPO améliorait
le pronostic de l’encéphalopathie anoxo-ischémique de l’enfant à terme [4]. Chez le prématuré, des études préliminaires ont montré que des doses élevées permettaient d’obtenir
des concentrations sériques neuroprotectrices et étaient bien tolérées. Par ailleurs un effet
favorable sur le développement neurologique est observé lorsque les enfants ont eu des doses
cumulatives d’EPO élevées. Ainsi, un effet bénéfique est noté si les concentrations sériques
d’EPO dépassent 500 mU/ml.
Plusieurs essais multicentriques sont en cours et il faudra attendre leurs résultats avant
de passer éventuellement à un traitement clinique de routine. En effet, l’innocuité de ce
traitement et les modalités d’administration (dose, durée) restent à préciser.
CELLULES SOUCHES
Les cellules souches sont une stratégie prometteuse dans la prévention de nombreuses
atteintes cérébrales. Le cordon ombilical humain est une source riche de cellules souches et de
progéniteurs. Les cellules souches mononucléées du sang de cordon ombilical (hUCBMCs)
ont de nombreuses caractéristiques très intéressantes pouvant faciliter leur utilisation chez le
nouveau-né : faciles d’accès, sans les soucis éthiques associés aux cellules embryonnaires, elles
ont le potentiel d’initier et de maintenir une réparation tissulaire sur organe solide.
Elles ont montré leur efficacité dans l’amélioration des capacités comportementales
dans des modèles animaux d’atteintes de type ischémique et traumatique du système nerveux central adulte [7]. Les cellules souches de sang de cordon ont aussi ralenti la progression
de maladies neurologiques dégénératives telles la sclérose latérale amyotrophique [5].
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Très peu d’études ont été réalisées chez l’animal atteint d’une lésion cérébrale néonatale. Cependant, deux études ont évalué les effets de la transplantation des hUCBMCs dans
des ratons de 7 jours ayant subi une ischémie-hypoxie sévère [6]. Ces travaux, même s’ils
restent préliminaires avec des résultats contradictoires, mettent en évidence le grand intérêt
à continuer les études sur la transplantation des hUCBMCs.
Une autre question fondamentale concernant l’utilisation de cellules souches en thérapie cellulaire est de comprendre les mécanismes par lesquels ces cellules apportent un bénéfice clinique. La migration, la prolifération, la transdifférentiation de ces cellules sont-elles
nécessaires pour mener à des effets neuroprotecteurs ? Des chercheurs émettent l’idée selon
laquelle la transdifférentiation des cellules souches n’est pas forcément indispensable pour
obtenir des effets suite à leur transplantation [7]. Beaucoup d’autres mécanismes peuvent
expliquer l’efficacité thérapeutique d’une transplantation de cellules souches, comme, par
exemple, des effets systémiques dus à la sécrétion par les cellules transplantées ou les cellules
endogènes de facteurs de croissance ou de protéines anti-inflammatoires et sont en cours
d’étude.
ANTIOXYDANTS
Le cerveau en développement est caractérisé par une consommation en oxygène élevée
et une faible capacité du métabolisme des radicaux libres. C’est ainsi que le stress oxydatif
est un des facteurs de risque important de lésion de la substance blanche immature. Les
oligodendrocytes sont particulièrement vulnérables en raison de l’inadéquation entre la
production et l’accumulation des radicaux libres et les défenses antioxydantes enzymatiques
qu’ils sont capables de conduire. Le monoxyde d’azote (NO) synthétisé par différentes NO
synthases joue un rôle important dans la régulation vasculaire de la pression artérielle, le
développement pulmonaire et cérébral. Récemment, il a été démontré que le NO avait un
rôle crucial dans la myélinisation de la substance blanche en développement [8]. L’impact
délétère ou bénéfique du monoxyde d’azote sur le cerveau en développement est actuellement largement débattu. L’effet ambigu dépend à la fois de la concentration locorégionale
de monoxyde d’azote et du type de cellules productrices. Ainsi, autant de faibles concentrations peuvent avoir un effet trop maturatif sur les oligodendrocytes alors que de fortes
concentrations augmentent leur mort cellulaire. Dans certaines situations d’agression cérébrale majeure, des inhibiteurs sélectifs des NO synthases montrent un effet neuroprotecteur
chez l’animal, des taux de NO dans le liquide céphalorachidien et augmentent avec la sévérité de l’encéphalopathie anoxo-ischémique chez l’enfant à terme. Chez le grand prématuré
à risque de dysplasie bronchopulmonaire, de faibles quantités de NO inhalé sont associées
à une amélioration du développement neurologique à 2 ans. Cependant, les études doivent
être confirmées par un suivi à plus long terme et des études à plus grande échelle. D’autres
stratégies antioxydantes bloquant la production de radicaux libres ou de l’oxygène ou augmentant les défenses antioxydantes sont actuellement en cours d’étude. La mélatonine (cf.
infra) l’allopurinol, la déféroxamine et la N-acétylcystéine sont des molécules candidates
étudiées sur le plan expérimental, mais qui n’ont pour l’instant pas encore été transposées
à l’échelle clinique. La N-acétylcystéine (NAC) est notamment un traitement déjà utilisé
chez l’enfant. Il a un effet anti-oxydant et diminue l’inflammation et la production de NO
dans les modèles animaux d’ischémie cérébrale.
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LA MÉLATONINE : UN NOUVEAU TRAITEMENT NEUROPROTECTEUR
POTENTIEL POUR LES PRÉMATURÉS
La mélatonine, principale hormone secrétée par l’épiphyse, présente des propriétés neuroprotectrices au niveau expérimental in vitro liées en partie à un effet anti-oxydant propre,
et en partie à son action par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques. D’autre part, son
innocuité chez l’homme et sa capacité à traverser aisément la barrière hémato-encéphalique
en font un candidat potentiel pour la protection du cerveau du prématuré. Afin de démontrer la plausibilité de cette hypothèse, différents travaux expérimentaux ont testé les effets
neuroprotecteurs de la mélatonine dans différents modèles animaux de lésions cérébrales
mimant les lésions observées chez le prématuré humain.
La mélatonine protège de façon majeure - plus de 80 % - la substance blanche périventriculaire du souriceau nouveau-né contre une agression excitotoxique (induite par des
analogues du glutamate) en induisant un mécanisme de réparation accompagné d’une récupération des fonctions cognitives persistant jusqu’à l’âge adulte [9,10]. Elle n’évite pas l’apparition des lésions de la substance blanche mais favorise secondairement les mécanismes de
réparation, en particulier axonale. De façon similaire, la mélatonine protège le cerveau du
raton nouveau-né soumis à une hypoxie-ischémie [11]. Confirmant ces données obtenues
chez le rongeur et les étendant à un modèle « gros animal », la mélatonine administrée à
des fœtus d’agneau soumis à une ischémie protège la substance blanche de ces agneaux de
façon significative.
La mélatonine a des effets pleiotrophiques : anti-oxydant, blocage des récepteurs
NMDA, anti-inflammatoire. Elle stimule la maturation des oligodendrocytes, la myélinisation avec une diminution de l’astrogliose et de l’activation microgliale in vivo et in vitro, en
agissant sur des récepteurs spécifiques [9].
Ces données expérimentales obtenues dans plusieurs modèles animaux de lésions cérébrales néonatales incitent fortement à étudier l’effet neuroprotecteur de la mélatonine chez
le nouveau-né humain. Deux études cliniques préliminaires seront réalisées avant la mise sur
pied d’un essai clinique contrôlé visant à tester chez le prématuré les effets neuroprotecteurs
de l’administration exogène de mélatonine : l’exploration de la sécrétion physiologique de
mélatonine chez les nouveau-nés prématurés et à terme et l’étude pharmacocinétique.
EXCITOTOXICITÉ
Le glutamate joue en rôle important dans la prolifération des progéniteurs cellulaires,
la différentiation, la migration et la survie cellulaire dans le cerveau en développement.
L’excitotoxicité correspond à une activation excessive des récepteurs glutamatergiques qui
sont responsables de lésions cellulaires et joue un rôle important dans la progression des
lésions d’hypoxie-ischémie cérébrale chez le nouveau-né prématuré.
Plusieurs molécules neuroprotectrices diminuant l’excitotoxicité ont été testées. La
dizocilipine (MK 801) est un antagoniste non compétitif des récepteurs NMDA qui a été
étudié chez l’homme mais il est mal toléré et a également montré une augmentation de
l’apoptose et une diminution de la migration neuronale chez l’animal [12]. Un autre moyen
de diminuer l’excitotoxicité est l’utilisation du topiramate, un antagoniste du récepteur
AMPA-kaïnate utilisé comme anti-épileptique chez les patients de plus de 2 ans. Chez
l’animal [13], son administration précoce (dans les 2 heures) réduit les lésions cérébrales et
améliore le pronostic cognitif. La forme intraveineuse n’est pas disponible chez l’homme,
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mais ce traitement pourrait être prometteur en cas de lésions épileptiques précoces chez le
nouveau-né.
Autre stratégie de modulation de l’excitotoxicité dans le cerveau en développement,
l’administration de cannabinoïdes a été montrée efficace sur l’atténuation des lésions excitotoxiques [14]. Chez l’adulte, ils ont également un effet neuroprotecteur pour les pathologies neurodégénératives, ischémiques et les traumatismes crâniens chez l’animal adulte.
Le sulfate de magnésium a montré certains effets bénéfiques dans la prévention des
lésions de la substance blanche dans les modèles animaux [15,16] par le blocage des récepteurs NMDA au glutamate. Chez le nouveau-né prématuré, le sulfate de magnésium est
associé à une amélioration du pronostic neurologique. Cependant cet effet est modeste : 63
mères à risque de naissance prématurée doivent être traitées pour éviter un cas de paralysie
cérébrale chez le nouveau-né. Chez le nouveau-né à terme avec encéphalopathie anoxoischémique, le sulfate de magnésium n’entraîne pas d’amélioration de l’EEG ; administré à
de fortes doses, il entraîne une hypotension artérielle sévère.
Enfin, le Xénon, gaz rare anesthésique a démontré son efficacité, notamment en association avec l’hypothermie pour limiter les risques neurologiques liés à une anoxo-ischémie
perinatale. Le Xénon est un antagoniste des récepteurs NMDA qui diminue la progression
des lésions excitotoxiques. Son efficacité paraît supérieure à celle des autres antagonistes
des récepteurs NMDA. L’association du Xénon et de l’hypothermie initiée 4 heures après
une hypoxie-ischémie cérébrale néonatale a une efficacité synergique avec une réduction
des lésions histologiques évaluées 30 jours après la lésion. Des études supplémentaires sur le
Xénon sont nécessaires avant son utilisation chez le nouveau-né.
TRAITEMENTS MODULATEURS DE L’INFLAMMATION
L’infection materno-fœtale est un facteur de risque majeur des lésions de la substance
blanche chez le prématuré. La réponse inflammatoire et la production de cytokines qui
accompagnent une infection peuvent jouer un rôle majeur dans la perte cellulaire. Les microglies-macrophages sont également activées de façon précoce avec une production de cytokines pro-inflammatoires (TNF- , Interleukine 1 β, Interleukine 6, NO). L’administration
systémique de ces cytokines augmente les lésions d’excitotoxicité alors que les traitements
qui bloquent l’activation de la microglie et la libération de cytokines protègent le cerveau
des lésions cérébrales d’excitotoxicité.
La minocycline est un dérivé de tétracycline qui franchit la barrière cérébrale avec des
effets anti-inflammatoires intéressants [17,18]. Dans plusieurs modèles animaux de lésions
neurodégénératives ischémiques, la minocycline a montré des effets neuroprotecteurs. Dans
le cerveau en développement, la minocycline semble diminuer les lésions cérébrales et l’activation de la caspase 3 quand elle est administrée immédiatement avant ou après la lésion
cérébrale, mais les résultats sont variables d’une étude à une autre.
Des recherches récentes se focalisent sur l’effet anti-inflammatoire d’autres antibiotiques utilisables en clinique afin de combiner l’effet bénéfique bactéricide à un effet neuroprotecteur (Loron et al., in press). Cette stratégie pourrait permettre de déterminer de nouveaux déterminants moléculaires anti-inflammatoires à visée purement neuroprotectrice, en
particulier dans les atteintes infectieuses.
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LES INHIBITEURS DE LA MORT CELLULAIRE
L’apoptose est également un mécanisme important qui survient dans les 24-48 premières heures suivant une hypoxie/ischémie cérébrale chez le nouveau-né. Certaines molécules
sont actuellement en cours d’étude au niveau expérimental. Des inhibiteurs de caspases
administrés après une hypoxie-ischémie cérébrale ont été testés avec un certain succès. Un
pré-traitement hormonal par la 17 β œstradiol est neuroprotecteur chez les rats immatures
avec un effet anti-apoptotique [19]. Enfin, l’utilisation d’un inhibiteur de la PARP-1, enzyme activée pendant le stress oxydatif réduit également la lésion cérébrale dans un modèle
d’ischémie cérébrale focale chez le rat P7 avec une meilleure efficacité chez les mâles [20].
COMBINAISON DE TRAITEMENTS
L’utilisation d’un traitement neuroprotecteur agit le plus souvent sur un seul des mécanismes de lésion cérébrale et entraîne une efficacité modérée. Par exemple les traitements
agissant sur l’apoptose peuvent prévenir la mort cellulaire retardée mais n’affecteront pas
les lésions nécrotiques et excitotoxiques précoces. L’hypothermie est devenue un traitement
« standard » efficace des asphyxies périnatales modérées du nouveau-nés à terme avec une
amélioration des fonctions neuromotrices à moyen terme. Ainsi, la recherche de thérapeutiques neuroprotectrices plus efficaces se poursuit en combinant plusieurs traitements tels
que le Xénon ou la NAC qui paraît avoir une efficacité neuroprotectrice supplémentaire
chez l’animal.
En conclusion, la plupart des études sur la neuro-protection cérébrale du nouveau-né
sont focalisées sur un seul mécanisme de lésions cérébrales telles que le stress oxydatif, l’inflammation et l’excitotoxicité. Les études récentes suggèrent que les lésions cérébrales chez
le nouveau-né, prématuré comme à terme, s’étendent dans le temps, ce qui est un argument
pour que les traitements soient administrés sur de longues périodes. Bien que l’hypothermie et d’autres traitements tels que l’érythropoïétine soient prometteurs, l’association de
plusieurs traitements semble nécessaire pour augmenter significativement la fenêtre thérapeutique d’efficacité et de réparation cellulaire.
Valérie BIRAN, Sophie SOUDEE, Shushanik HOVHANNISYAN, Yannick AUJARD, Olivier BAUD
1. Service de Réanimation et Pédiatrie Néonatales, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Robert Debré
48, bd Sérurier 75019 Paris. Université Paris 7, Denis Diderot
2. Equipe AVENIR R05230HS, Inserm U676
3. PremUP Fondation, Paris
Auteur correspondant : [email protected]
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NEUROPROTECTION PAR HYPOTHERMIE DE
L’ENCÉPHALOPATHIE HYPOXIQUE-ISCHÉMIQUE
DU NOUVEAU-NÉ À TERME
par
E. SALIBA
INTRODUCTION
L’encéphalopathie hypoxique-ischémique (EHI) continue d’être une cause importante
de lésions cérébrales à la naissance. Avec une incidence de 2 à 3 cas pour 1000 naissances
vivantes à terme et une plus grande incidence dans les pays en développement, l’EHI est
responsable de 15 à 25 % de décès et de 25 à 30 % de séquelles majeures chez les survivants à
type de paralysie cérébrale, retard mental, troubles cognitifs et épilepsie [1-3]. Plusieurs stratégies de neuroprotection ont été utilisées dans des modèles animaux et en expérimentation
humaine. Parmi celles-ci citons l’utilisation prophylactique du phénobarbital, des chélateurs des radicaux libres (allopurinol), des bloqueurs des canaux calciques ou des récepteurs
NMDA et tout récemment, l’hypothermie.
Les objectifs de cette mise au point sont de décrire les évidences expérimentales et cliniques de l’innocuité et de l’efficacité de la neuroprotection par hypothermie contrôlée de
l’EHI et de présenter les recommandations de la Société Française de Néonatologie.
LES PRINCIPALES PHASES DE L’EHI
Les observations expérimentales et cliniques ont démontré que l’EHI n’était pas un
événement unique mais un processus en évolution. Sur le plan physiopathologique, les
lésions cérébrales peuvent survenir en 2 phases : durant la phase aiguë de l’accident hypoxique-ischémique (HI) et durant la phase de récupération ou phase de reperfusion. Au niveau
cellulaire, la baisse du débit sanguin cérébral (DSC) concomitante de l’accident HI initial
entraîne une défaillance énergétique primaire et une activation des processus de mort cellulaire. Durant la phase de défaillance énergétique primaire, il existe une déplétion rapide
des métabolites énergétiques cellulaires (ATP), responsable d’une dépolarisation cellulaire,
avec comme conséquences un œdème cellulaire cytotoxique, une accumulation de calcium
intracellulaire et une accumulation extracellulaire d’acides aminés excitateurs (AAE). Le
glutamate en excès stimule les récepteurs NMDA résultant en un influx massif de calcium
à l’intérieur des cellules. L’excès de calcium intracellulaire induit une mort neuronale
dont le type nécrotique ou apoptotique est fonction de la concentration intracellulaire de
Ca++. La restauration du DSC définit la phase de reperfusion avec 2 périodes : une période
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latente et une période de défaillance énergétique secondaire. La phase latente se caractérise
cliniquement par une normalisation de la pression artérielle, une absence de convulsions
et, sur le plan cellulaire, par une normalisation du pH intracellulaire, une diminution de
l’œdème cellulaire cytotoxique et du taux d’AAE ainsi qu’une restauration de la réserve
énergétique sur une période de 30 à 60 minutes. L’EEG reste cependant assez globalement
déprimé durant cette phase. Une phase de défaillance énergétique secondaire fait suite à la
phase latente et peut survenir 6 à 15 heures après la reperfusion. Elle est marquée par une
défaillance du métabolisme oxydatif mitochondrial semblable à la phase de défaillance énergétique primaire, un œdème cellulaire cytotoxique secondaire, une accumulation d’AAE
et, sur le plan clinique, par la survenue de convulsions. Cette phase peut durer plusieurs
jours et aboutir à une mort cellulaire retardée. La sévérité de la phase de défaillance énergétique secondaire est fortement corrélée au devenir neurologique à 1 et 4 ans. La phase de
défaillance énergétique secondaire est retrouvée dans la plupart des modèles expérimentaux
et observations cliniques. Elle joue un rôle important dans la survenue de la mort cellulaire et
suggère que l’efficacité d’une thérapie neuroprotectrice dépend essentiellement du moment
de son initiation et de sa durée.
NEUROPROTECTION PAR HYPOTHERMIE MODÉRÉE
Données expérimentales
Différents modèles animaux d’asphyxie ont permis de mettre en évidence un effet
neuroprotecteur de l’hypothermie en réduisant la température cérébrale de 2-3 °C après un
épisode asphyxique. Les résultats de ces expérimentations ont encouragé la mise en place de
plusieurs études randomisées contrôlées chez le nouveau-né humain.
Les principales études randomisées contrôlées
chez le nouveau-né à terme souffrant d’une EHI
Les principales études contrôlées randomisées sont présentées (tableau 1) avec leurs
principaux critères d’inclusion. Pour les trois principales études publiées et qui sont l’étude
CoolCap, l’étude NICHD et l’étude TOBY [4-6], l’hypothermie diminue significativement le nombre combiné de décès et de handicaps majeurs ainsi que la survie sans handicap
à l’âge de 18 mois (tableau 2). Les nombres nécessaires d’enfants à traiter pour les trois variables décès et handicap, survie sans handicap et survie à 18 mois sont de 9 (95 % IC : 5-25), 8
(95 % IC : 5-17) et 14 (95 % IC : 8-47) respectivement. Par ailleurs, il existe une diminution
significative à 18 mois des anomalies neurologiques suivantes : handicap sévère (RR 0,71 ;
95 % IC 0,56-0,91), paralysie cérébrale (RR 0,69 ; 95 % IC : 0,54-0,89), retard neuromoteur
sévère avec au score de Bayley, un PDI < 70 (RR 0,71 ; 95 % IC :0,56-0,95), un MDI < 70
(RR 0,71 ; 95 % IC : 0,54-0,92) et cécité (RR 0,56 ; 95 % IC : 0,33-0,96) [7].
Pharmacologie de la neuroprotection par hypothermie
Un des modes d’action principal de l’hypothermie est la réduction du métabolisme
énergétique cérébral (5 % - 8 % par degré Centigrade) [8]. Plusieurs autres effets neuroprotecteurs sont aussi connus : diminution de l’accumulation et de la production d’acides
aminés excitateurs et de radicaux libres, inhibition des mécanismes menant à l’apoptose, très
probablement par suppression de l’activité de la caspase-3. L’hypothermie agirait aussi sur la
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réaction inflammatoire du système nerveux en réponse à une HI en diminuant l’activation
des cellules microgliales et la production de cytokines proinflammatoires.
Plusieurs facteurs peuvent déterminer l’efficacité de l’hypothermie : le temps de son
initiation par rapport à l’accident HI, sa durée, le degré de refroidissement et la méthode
du réchauffement.
Les indications de traitement par hypothermie
Les critères de traitement par hypothermie sont présentés dans les annexes de cet article.
Il est important dans tous les cas de disposer de données anamnestiques, cliniques et biologiques. Les données concernant la grossesse et l’accouchement doivent être notées en insistant
sur les antécédents maternels de fièvre ou de syndrome infectieux, les anomalies du rythme
cardiaque fœtal significativement associées à une EHI, l’existence d’un événement sentinelle
(rupture utérine, procidence du cordon, hématome rétroplacentaire, accouchement dystocique entre autres) et le pH au cordon attestant d’une asphyxie périnatale [9, 10]. Un examen
anatomo-pathologique du placenta sera demandé à la recherche d’anomalies ou de signes
infectieux ou inflammatoires. Le second critère requis pour le traitement par hypothermie
contrôlée est la présence de signes cliniques d’EHI. L’évaluation clinique peut être faite par
le score de Sarnat qui définit 3 grades de sévérité : grade I mineur avec un bon pronostic, un
grade II modéré avec 25 % de mauvais pronostic et un grade III sévère avec près de 100 % de
mauvais pronostic. Il est à rappeler que ce score a été à l’origine validé pour une évaluation
clinique et EEG à 24 heures de vie [11]. A ces deux critères, il est recommandé d’en ajouter
un troisième électroencéphalographique (EEG ou aEEG), qui permet de préciser la gravité
de l’EHI et d’éliminer certaines encéphalopathies néonatales d’autres origines (accident
vasculaire cérébral, anomalies génétiques ou métaboliques).
Quand débuter l’hypothermie et pour quelle durée ?
Un début très précoce de l’hypothermie durant la phase de latence avant le début de la
phase de défaillance énergétique secondaire semble être la méthode la plus efficace [12]. Une
hypothermie sélective modérée débutée dans les 90 minutes et appliquée pendant 72 h après
un épisode ischémique expérimental chez le fœtus d’agneau a démontré son efficacité en
prévenant la survenue d’un œdème cytotoxique secondaire, en réduisant la taille des lésions
cérébrales et en diminuant la perte neuronale. L’hypothermie dans ce modèle reste significativement neuroprotectrice jusqu’à un délai de 5,5 heures après l’ischémie. Elle perd de
son efficacité si elle est débutée tardivement au moment de l’encéphalopathie convulsivante
secondaire [13]. Dans l’étude TOBY, l’hypothermie était plus efficace chez les enfants
traités durant les 4 premières heures après la naissance [6]. Ces données cliniques et expérimentales suggèrent que pour être efficace, l’hypothermie doit être débutée très précocement
dans les heures qui suivent la naissance sans dépasser 6 heures.
Durée de l’hypothermie
Pour être efficace, la durée de l’hypothermie doit couvrir la phase de défaillance énergétique secondaire. Une durée prolongée de 72 heures est plus efficace qu’une durée de quelques heures et ceci d’autant que le début de l’hypothermie est souvent différé de quelques
heures après la naissance [13].
Température cible de l’hypothermie contrôlée
Il existe un seuil critique pour que l’hypothermie soit neuroprotectrice. Dans les modè-
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les animaux, une hypothermie modérée de 32 °C à 34 °C débutée immédiatement ou à peu
d’heures après la période de reperfusion cérébrale et prolongée de 24 à 72 heures améliore
le pronostic neurologique [14].
En clinique humaine, une température inférieure à 32 °C est associée à des effets secondaires non négligeables : hypoglycémie, réduction de la contractilité myocardique et du
débit cardiaque, hypotension artérielle, troubles de la coagulation, troubles électrolytiques et
risque infectieux. En cas d’utilisation d’une hypothermie sélective de la tête, la température
cible centrale (rectale ou œsophagienne si l’enfant est intubé) à atteindre est de 34,5 °C
± 0,5 °C. La température cible centrale est de 33,5 °C ± 0,5 °C en cas d’utilisation d’une
hypothermie corporelle globale [4-6].
Les modes de refroidissement
Deux principales méthodes existent : le refroidissement sélectif de la tête et le refroidissement corporel global. L’efficacité de l’une des deux méthodes sur l’autre n’est pas prouvée.
Cependant, le refroidissement sélectif est associé à un gradient important de températures
intracérébrales. En pratique clinique, il est recommandé d’utiliser un système avec un rétrocontrôle basé sur la température centrale (température rectale) pour éviter des ajustements
manuels fréquents et des fluctuations dans les niveaux de température [15].
Les effets physiologiques et indésirables de l’hypothermie
L’innocuité de l’hypothermie modérée contrôlée est actuellement bien établie. Aucun
effet indésirable grave n’a été rapporté à ce jour par les études contrôlées randomisées [16].
Des variabilités physiologiques et réversibles, notamment cardiovasculaires, avec des bradycardies sinusales (diminution de la fréquence cardiaque de 14 battements par minute par
degré au-dessous de 37 °C), des hypotensions artérielles par hypovolémie et des anomalies
hématologiques (essentiellement des thrombopénies mais sans syndrome hémorragique
sévère) ont été notées [15]. Dans une étude récente, Shankaran et al du groupe NICHD
n’ont pas montré de différence significative en termes d’expansions volémiques, de transfusions plaquettaires ou d’hypertension artérielle pulmonaire entre le groupe hypothermie
et le groupe contrôle [17].
Le réchauffement
Contrairement au refroidissement qui doit être fait assez rapidement, le réchauffement
doit être très progressif de 0,2 °C – 0,4 °C/h. Pendant la période de réchauffement, des effets
secondaires peuvent être observés : hypotension artérielle par vasodilatation périphérique,
apparition de convulsions et une tendance à un déséquilibre entre le transport et la consommation d’oxygène pouvant entraîner une élévation du taux des lactates [18-20].
La réanimation en salle de naissance et transport vers un centre d’hypothermie
En cas d’asphyxie périnatale, la réanimation en salle de naissance doit se faire en ventilant l’enfant avec une FiO2 à 21 % et en évitant dans la mesure du possible d’utiliser de
l’oxygène à haute concentration. Une fois l’indication de l’hypothermie envisagée, une
hypothermie passive doit être entreprise en attendant le début de l’hypothermie contrôlée.
Pour cela, il faut éteindre assez rapidement le chauffage de la table radiante, retirer bonnet
et couverture et éviter toute hyperthermie. Les analyses en sous-groupes, dans les études
CoolCap et NICHD, ont montré une augmentation significative des risques de décès ou
de handicap modéré ou sévère en cas d’hyperthermie associée à l’asphyxie périnatale [21,
22]. En cas d’EHI, les diminutions du métabolisme et de la production de chaleur réduisent
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spontanément la température centrale. Chez des nouveau-nés modérément asphyxiés, la
température rectale baisse spontanément à 35,5 °C en 30 minutes [23]. Ainsi, un refroidissement passif est souvent suffisant avant et pendant le transport en se donnant comme
cible une température rectale entre 33 °C et 35 °C [24]. Pour éviter un refroidissement
excessif, un monitorage de la température rectale, ou à défaut une prise régulière toutes les
15 minutes de la température rectale sont nécessaires. En cas d’hypothermie, la température
cutanée n’est pas corrélée à la température rectale, et il existe 1 à 2 °C de différence entre
la température axillaire et rectale [24]. L’hypocapnie est un autre effet secondaire à éviter
pendant le transport. En effet, la réduction du métabolisme par l’hypothermie entraîne une
diminution de la production de CO2 et donc une hypocapnie (la PaCO2 diminue de 2 mm
Hg par degré Centigrade au-dessous de 37 °C). Le seuil de convulsion est abaissé en cas
d’alcalose secondaire à l’hypocapnie [25].
CONTROVERSES ET QUESTIONS NON ENCORE RÉSOLUES
Délais pour initier une hypothermie contrôlée
La fenêtre thérapeutique durant laquelle l’hypothermie doit être initiée n’est pas bien
délimitée. Le délai de moins de 6 heures obtenu à partir des modèles expérimentaux est celui
qui semble être le plus efficace tout en gardant à l’esprit que dans ces modèles, le moment
précis de l’accident hypoxique-ischémique est bien connu, ce qui n’est pas le cas en clinique
humaine où presque 10 % des enfants ayant une EHI semblent déjà avoir soufferts avant
le travail [26]. Ainsi, un délai parfois beaucoup plus court pourrait être nécessaire. Dans
les trois larges études publiées, le délai a été compris le plus souvent entre 4 et 5 heures.
Cependant il n’existe pas d’études supportant un délai plus tardif au-delà de 6 heures
après la naissance. Des études contrôlées sont actuellement en cours (ClinicalTrial.gov,
CT00614744).
Le degré de l’hypothermie
Il existe très probablement un degré minimal d’hypothermie pour que celle-ci soit
neuroprotectrice. Bien qu’il ait été démontré qu’une hypothermie modérée entre 32 °C et
34 °C initiée immédiatement après l’accident ischémique ou juste avant la période de reperfusion et maintenue pour 72 heures est neuroprotectrice dans les modèles expérimentaux
et en clinique humaine, il n’existe pas de température cible scientifiquement validée. Par
ailleurs, les effets neuroprotecteurs de différents seuils d’hypothermie pourraient être variables en fonction de différentes régions du cerveau. Seules des études contrôlées sur des seuils
d’hypothermie plus bas pourraient nous apporter des éléments de réponses.
Le devenir à long terme
L’effet neuroprotecteur à l’âge scolaire et plus tard de l’hypothermie n’est pas encore
connu. Un meilleur refroidissement cortical obtenu par l’hypothermie sélective serait-il
plus efficace sur le devenir cognitif qu’un refroidissement corporel entier qui serait associé à un meilleur pronostic neuromotor en diminuant plus profondément la température
diencéphalique ? Dans tous les cas, un suivi neurodéveloppemental de ces enfants est nécessaire ainsi que leur inclusion dans un registre national.
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E. SALIBA
Orientations futures
L’encéphalopathie hypoxique-ischémique est un problème de santé publique.
L’hypothermie contrôlée est pour le moment le seul traitement ayant prouvé son efficacité
en améliorant le pronostic neurologique. Un enfant sur 8 serait amélioré par cette thérapeutique, notamment ceux souffrant d’EHI modérée. Néanmoins, un pourcentage non
négligeable d’enfants ne répond pas favorablement à cette thérapeutique. D’où la nécessité
de développer de nouvelles thérapeutiques neuroprotectrices à utiliser en synergie ave l’hypothermie.
CONCLUSION
L’ensemble des résultats expérimentaux et plus récemment cliniques suggère un net
bénéfice de l’hypothermie surtout pour les formes modérées d’EHI. L’efficacité limitée de
l’hypothermie pourrait s’expliquer par différents facteurs : limites de la méthode, une instauration trop tardive du traitement par rapport au début de l’anoxie qui peut être anténatale et non pernatale. Malgré ces réserves, nous recommandons, comme beaucoup d’autres
auteurs et sociétés de néonatologie, l’utilisation de l’hypothermie contrôlée dans le traitement de l’EHI du nouveau-né à terme. Il ne nous paraît pas éthique de ne pas faire profiter
ces enfants d’une telle thérapie. Mais pour cela il est important que cette thérapeutique soit
réalisée dans des centres de type III ayant les ressources, l’expertise et les compétences nécessaires pour faire face aux complications et défaillances multiorganes que ces enfants peuvent
présenter, non tellement du fait de l’hypothermie mais de leur maladie initiale. Dans tous
les cas, une organisation au sein des réseaux de périnatalité doit être discutée et mise en place
avec des protocoles appliqués dès la salle de naissance. Un système de transport au sein de
chaque réseau doit être aussi organisé pour limiter l’intervalle de temps ente la naissance et
la mise en place de l’hypothermie contrôlée. Les recommandations proposées par la Société
Française de Néonatologie se trouvent en annexe de ce chapitre.
Elie Saliba
Commission Recommandations de la Société Française de Néonatologie
INSERM U 930 - Réanimation Pédiatrique et Néonatologie - CHRU Tours - 49 Boulevard Béranger 37000 Tours - [email protected]
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E. SALIBA
Figure 1 : les principales phases de l’encéphalopathie hypoxique-ischémique
TABLEAU 1: LES PRINCIPALES ÉTUDES RANDOMISÉES ET CONTRÔLÉES SUR L’HYPOTHERMIE
CONTRÔLÉE DANS L’ENCÉPHALOPATHIE HYPOXIQUE-ISCHÉMIQUE
AINSI QUE LEURS CRITÈRES D’INCLUSION
*Études non encore publiées. CoolCap [4] ; TOBT [5] ; NICHD [6]. Eicher Trial : Eicher DJ, Wagner CL, Katikaneni LP, et al.
Moderate hypothermia in neonatal encephalopathy: efficacy outcomes. Pediatric Neurol 2005;32:11-7
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TABLEAU 2 : RÉSULTATS COMBINÉS SUR LA VARIABLE COMPOSITE DÉCÈS ET HANDICAP ET SUR LA
SURVIE SANS HANDICAP À 18 MOIS. A PARTIR DES TROIS ÉTUDES COOLCAP, NICHD ET TOBY [7]
Résultat combiné
Hypothermie – total
(évènements)
Normothermie –total
(évènements)
Normothermie
–total (évènements)
95 % IC
Décès et handicap
381 (178)
386 (223)
Normothermie
–total (évènements)
0,71-0,93 ;
P = 0,002
Survie sans handicap
381 (132)
386 (87)
Normothermie
–total (évènements)
1,22-2,12 ;
P < 0,001
ANNEXE 1
Critères d’inclusion des nouveau-nés dans les protocoles de soins d’hypothermie
contrôlée en cas d’encéphalopathie hypoxique-ischémique
Evaluation par les 3 critères successifs A, B et C listés ci-dessous (A+B+C = hypothermie
pour 72 heures)
A - Nouveau-nés ≥ 36,0 SA et un poids de naissance ≥ 1800 g nés dans un contexte d’asphyxie périnatale : évènement aigu périnatal (exemple : décollement placentaire, prolapsus
du cordon et/ou anomalies sévères du rythme cardiaque fœtal : décélérations tardives ou
variables répétées, baisse de la variabilité, absence d’accélérations) avec au moins UN des
critères suivants :
1- Apgar ≤ 5 à 10 minutes après la naissance,
2- Réanimation (intubation endotrachéale ou ventilation au masque) à 10 minutes,
3- Acidose définie par pH < 7 au cordon ou tout autre gaz artériel, veineux ou capillaire
réalisé dans les 60 minutes après la naissance,
4- BD ≥ 16 mmol/l ou taux de lactates ≥ 11 mmol/l au cordon ou tout autre gaz artériel, veineux ou capillaire réalisé dans les 60 minutes après la naissance.
En l’absence de gaz du sang OU en cas de pH compris entre 7,01 et 7,15 OU BD compris
entre 10 à 15,9 mmol/l, l’enfant doit avoir un contexte d’asphyxie périnatale ET le critère
1 ou 2.
Si l’enfant remplit les critères A : faire l’évaluation neurologique en utilisant les critères B.
B - Encéphalopathie modérée à sévère (score de Sarnat H. Arch Neurol 1976 ;33 :696705)
Atteinte des fonctions corticales : léthargie (réponses aux stimulations : réduites) ou coma
(réponses aux stimulations : absentes) ET au moins UN ou plus des signes suivants :
5- Hypotonie globale ou limitée à la partie supérieure du corps,
6- Réflexes anormaux : moro (faible ou absent) ou anomalies oculomotrices ou pupillaires (pupilles serrées ou dilatées non réactives),
7- Succion absente ou faible,
8- Convulsions cliniques.
Si l’enfant remplit les critères A et B, faire une évaluation électro-physiologique avec un
EEG et/ou un aEEG.
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E. SALIBA
C - Trente minutes d’enregistrement d’EEG (8 électrodes) et/ou un aEEG réalisés après
1 heure de naissance et 30 minutes après une injection de phénobarbital si nécessaire sont
indispensables pour poursuivre l’hypothermie contrôlée.
EEG ou aEEG qui montrent des anomalies du tracé de fond avec UN des critères péjoratifs
suivants à l’EEG standard ou à l’amplitude EEG (aEEG) :
Critères d’anomalies à l’EEG standard 8 électrodes :
- Tracé paroxystique sans figures physiologiques (« burst » suppression)
- Tracé très pauvre enrichi de quelques ondes thêta
- Tracé inactif (amplitude < 5μV)
- Activité critique continue
Critères d’anomalies aEEG :
- Tracé discontinu – modérément anormal- limite inférieure < 5μV et limite supérieure
> 10μV
- Tracé discontinu- sévèrement anormal- limite inférieure < 5μV et limite supérieure
< 10μV
- Tracé paroxystique- « burst » suppression
- Activité critique continue
Si les critères A+B+C sont présents l’enfant est traité par hypothermie contrôlée (température rectale ou œsophagienne maintenue à 33,5 °C ± 0,5 °C) prolongée pour une durée de
72 heures au moins après son début. L’hypothermie peut être arrêtée si dans les 6 premières
heures de vie l’EEG ou l’aEEG sont normaux. Dans ce cas un réchauffement lent sur 6
heures est recommandé.
Les critères d’exclusion sont :
- Un RCIU sévère PN < 1800 g,
- Des anomalies chromosomiques ou congénitales sévères,
- Traumatismes neurologiques (hémorragies intracérébrales, lésions médullaires),
- Un nouveau-né avec une EHI sévère et pour lequel une prise en charge palliative est
envisagée,
- La chirurgie n’est pas une contre-indication si les constantes vitales et biologiques sont
stabilisées.
ANNEXE 2
Particularités de la prise en charge du nouveau-né en hypothermie contrôlée
L’enfant sera traité dans des services de référence ayant l’expertise de la prise en charge des
défaillances multiorganes néonatales.
Valeurs cibles durant l’hypothermie :
- T° rectale : 33,5°C ± 0,5 °C
- PAM : 45-65 mmHg
- SpO2 : > 93-98 %
- pCO2 : 45-50 mmHg (la PCO2 est modifiée par l’hypothermie. La plupart des analyseurs des gaz du sang mesurent les échantillons sanguins à une température de 37 °C. In
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NEUROPROTECTION PAR HYPOTHERMIE DE L’ENCÉPHALOPATHIE
HYPOXIQUE- ISCHÉMIQUE DU NOUVEAU-NÉ À TERME
-
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vivo, les valeurs de la PCO2 à 33,5 °C sont approximativement 0,83 fois celles données à
37,5 °C par l’analyseur. Si les valeurs de la pCO2 ne sont pas corrigées pour l’hypothermie le risque d’hypocapnie et de vasoconstriction cérébrale est important).
PaO2 : 8-14 kPa
Surveillance neurologique :
- Clinique : en cas d’hypothermie s’attendre à ce que le réveil soit plus lent probablement
par accumulation des anticonvulsivants et des sédatifs-analgésiques. L’évaluation sera
faite par le score de Sarnat ou de Thompson ou d’Amiel-Tison. Une évaluation par le
score E.N.T.A.T de J Gosselin et Amiel-Tison peut être proposée par la suite. (Gosselin
J et al MRDD 2005)
- Electrophysiologique : une surveillance EEG ou aEEG sera continue pendant la phase de
refroidissement et 24 heures après la phase de réchauffement.
- Imagerie : une ETF sera proposée quotidiennement pendant les 3 premiers jours pour
éliminer une hémorragie intracrânienne. Une IRM avec séquences de diffusion sera faite
après la phase de réchauffement entre J4 et J7 (plus précocement en cas d’aggravation
neurologique)
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QUELLE PLACE POUR L’ÉRYTHROPOÏÉTINE
EN NÉONATOLOGIE ?
par
J. MESSER, P. KUHN, B. ESCANDE, J. MATIS, D. ASTRUC
L’érythropoïetine (Epo), le facteur de croissance principal des globules rouges, est synthétisée de façon recombinante depuis 1985. Elle a d’abord été utilisée pour corriger l’anémie de l’insuffisance rénale chez l’adulte puis chez l’enfant, parvenant de manière spectaculaire à supprimer leurs besoins transfusionnels. A cette époque, fin des années 80, le recours
à la transfusion de globules rouges (GR) était fréquent en néonatologie, en particulier chez
les prématurés où la pratique répétée de transfusions de très petites quantités de sang censées
remplacer le sang prélevé, était très répandue, exposant les enfants à des dons provenant
de donneurs multiples. Or la communauté médicale était à ce moment traumatisée par
les effets du « sang contaminé » et redoutait, à juste titre, la transmission d’une infection
virale. De ce fait, les néonatologistes portèrent beaucoup d’espoir dans l’utilisation de l’Epo,
principalement pour prévenir ou traiter l’anémie du prématuré.
L’ERYTHROPOIÉOTINE S’IMPLANTE EN NÉONATOLOGIE
POUR TRAITER L’ANÉMIE DU PRÉMATURÉ
L’anémie du prématuré est d’origine multifactorielle mais l’un des facteurs en cause
est une sécrétion faible d’Epo par rapport à la concentration d’hémoglobine dans le sang,
rendant donc pertinent l’essai de cette molécule dans cette indication : elle ne pouvait
cependant pas prétendre représenter son traitement étiologique, alors que c’est le cas pour
l’anémie de l’insuffisance rénale.
Après l’étude pilote de Halperin en 1990 [1], plusieurs publications parurent relatant
les résultats de diverses études : manière d’administrer l’Epo (dose, voie sous-cutanée ou
IV, nombre d’injections par semaine, supplément en fer et vitamines), effets sur les besoins
transfusionnels, effets secondaires, à quels enfants proposer le traitement, à quel âge et pendant combien de temps [2-4].
Le travail de Maïer et coll. [3] paru en 1994 dans le New England Journal of Medicine a
convaincu de nombreux néonatologistes. En comparant 2 groupes de 120 prématurés d’AG
< 35 semaines, l’un traité par Epo et l’autre non, ils trouvent un effet bénéfique du traitement qui permet de réduire les besoins transfusionnels grâce à une moindre diminution,
chez les enfants traités, de l’hématocrite de l’ordre de 5 % et de l’Hb de l’ordre de 2 g/100
dL pour une durée de traitement de 6 semaines. Il est important de souligner que dans cette
étude ont été exclus, après randomisation, les enfants en ventilation artificielle ou ayant une
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oxygéno-dépendance > à 40 % à J6, c’est-à-dire les enfants les plus malades et au plus grand
risque de devoir être transfusés.
L’AMM a été accordée à l’Epo en France en 1996 avec une indication de prévention
très libérale qui concernait les enfants de poids de naissance entre 750 et 1500 g et un AG
< à 34 semaines.
À LA RECHERCHE DES MEILLEURES MODALITÉS DE PRESCRIPTION
DE L’EPO DANS L’ANÉMIE DU PRÉMATURÉ
Un certain nombre de questions restaient posées, fin des années 90, concernant l’utilisation optimale de l’Epo :
- à quel âge, en jours, commencer le traitement ?
- combien de temps le donner ?
- quelle est la dose optimale ?
- quelle voie utiliser, IV ou SC ?
- en dessous de quel âge gestationnel le proposer ?
- quel apport en fer, à partir de quel âge et par quelle voie ?
Les études engagées ont peu à peu apporté des éléments de réponse [5-7].
Le traitement commencé tôt, au cours de la première semaine est plus efficace car bien
qu’obtenant une ascension rapide de la réticulocytose au bout de quelques jours, l’Epo met
une à 2 semaines pour avoir un effet sur la concentration d’Hb. La dose optimale est de
250 UI/kg, 3 fois/semaine ; augmenter les doses n’apporte pas d’avantage. La voie souscutanée est préférable car la voie intraveineuse crée des pics sériques élevés entraînant une
fuite urinaire ; en pratique, pour des raisons de confort pour l’enfant, la voie IV est acceptée
tant qu’un abord veineux persiste. Enfin il paraît inutile de le prescrire aux enfants moins
immatures à faible risque transfusionnel (> 30 semaines AG). L’apport en fer est proposé
à partir du 10e jour, par voie orale, à la dose débutante de 2 mg/kg/j et adapté selon la tolérance digestive et le bilan martial.
QUELLE EST L’EFFICACITÉ DE L’EPO
SUR LES BESOINS TRANSFUSIONNELS ?
L’activité hématopoïétique de l’Epo permet sans conteste une réduction des besoins
transfusionnels chez le prématuré, en terme de nombre de transfusions et volume de sang
transfusé.
D’après la méta-analyse de Maïer et Obladen réalisée en 1997 [8], le nombre des enfants
transfusés est diminué de 20 %. Il faut tempérer cet effet bénéfique pour plusieurs raisons :
- dans certaines études, les enfants les plus malades, dépendant par exemple de la ventilation artificielle, ont été exclus ; or ce sont eux qui courent le plus de risque d’être
transfusés ;
- des enfants d’AG supérieur à 32 semaines ou de PN supérieur à 1300 g sont inclus : ils
répondent bien à l’Epo mais en fait nécessitent rarement une transfusion ;
- l’analyse ne tient pas compte de l’existence ou non d’une transfusion avant le début du
traitement ;
- des critères de transfusion très libéraux sont utilisés : ces 2 derniers facteurs augmentent
le nombre de transfusions et ont donc un effet inhibiteur sur l’erythropoièse favorisant
indirectement l’effet de l’Epo.
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Tous ces facteurs ont tendance à majorer artificiellement l’efficacité de l’Epo.
La méta-analyse de Vamvakas et Strauss [9] analysant les études publiées entre 1900 et
1999 conclut à une diminution modeste des besoins en transfusions et dont la signification
clinique est discutable.
La méta-analyse de la Cochrane Base [10-12] évalue l’efficacité de l’Epo dans ses différentes modalités de prescription. Elle conclut à une efficacité certaine de l’Epo, administrée
après J8, sur la réduction du nombre de transfusions et sur le volume de sang transfusé
mais l’exposition aux donneurs n’est pas diminuée. Elle tire la même conclusion pour les
traitements débutés avant J8 : le nombre de donneurs est réduit dans l’analyse mais pas en
pratique car les transfusions avant le début du traitement ne sont pas prises en compte.
La procédure du donneur unique (ou du don dédié) va relativiser l’effet bénéfique de
l’Epo. Elle consiste à attribuer une poche de sang qui pourra servir pendant 4 à 6 semaines
au même enfant : elle permet de ne l’exposer qu’à un seul donneur (limitant ainsi les risques
immunologiques et infectieux), que celui-ci reçoive une ou plusieurs transfusions, la nécessité de transfuser après 6 semaines s’avérant rare. Pour que l’Epo ait un avantage, il faudrait
donc qu’elle supprime totalement les besoins transfusionnels ; or, dans la grande majorité
des études, elle ne le permet pas, surtout dans les 2 à 3 premières semaines où l’Epo n’a pas
encore eu le temps d’agir. De ce fait, et avec l’usage de poches de sang dédiées, tout prématuré, traité ou non par Epo, sera soumis au même risque éventuel de la transfusion.
LE TRAITEMENT PAR EPO FAIT-IL COURIR UN RISQUE ?
La grande majorité des études n’a pas trouvé de différences entre enfants traités ou non
pour : la dysplasie broncho-pulmonaire, l’entérocolite ulcéro-nécrosante, les lésions cérébrales vues à l’échographie (hémorragies intra-ventriculaires, leucomalacie périventriculaire),
la mortalité, l’infection, la durée d’hospitalisation, l’avenir neuro-developpemental à long
terme.
Récemment, un plus grand risque de rétinopathie du prématuré (RDP) a été rapporté.
Dans la « Cochrane Database Systematic Review » de 2006, Ohlsson et Asher analysent les études de Donato (2000) et Maïer (2002) et mettent en évidence une augmentation
significative du risque de RDP tous stades confondus lorsque le traitement est débuté précocement avant J8 par rapport au traitement débuté plus tard.
En analysant 16 études où le traitement est commencé avant J8, ils trouvent une augmentation significative du risque de RDP stades > 3 ( RR = 1, 71 [1, 15-2, 54]) par rapport
aux enfants non traités.
Il est difficile de savoir si l’Epo est en cause par son action sur l’angiogénèse ou la supplémentation en fer par le biais du stress oxydatif. Notons que d’autres études n’ont pas
retrouvé cet effet secondaire et qu’il s’agit pour l’instant d’une suspicion.
GRANDEUR ET DÉCADENCE DE L’EPO
À VISÉE ERYTHROPOIÉTIQUE EN NÉONATOLOGIE
L’utilisation de l’Epo s’est largement répandue en Europe, beaucoup moins aux USA,
où elle n’est pas considérée en traitement de routine. Dans notre pays, elle était prescrite
dans 55 % des unités en 1998 [13], dix ans plus tard plus de 90 % des services l’utilisent
[14].
Cependant, un certain nombre de facteurs ont progressivement rendu moins intéres-
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sante l’utilisation de l’Epo.
Devant le risque de transmettre une infection, en particulier virale lors d’une transfusion, les néonatologistes se sont efforcés de réduire les besoins transfusionnels dès la fin des
années 80 en mettant en place des mesures diverses en dehors de l’Epo :
- limitation des prélèvements sanguins à visée diagnostique
- clampage retardé du cordon (30 à 45 secondes après la naissance avec nouveau-né au
même niveau que le placenta)
- utilisation de microméthodes d’analyse sanguine
- surveillance transcutanée des gaz du sang et de la saturation
- critères transfusionnels plus restrictifs
- quantification des prélèvements de sang.
La non-application de ces mesures d’épargne transfusionnelle a sans conteste majoré,
de manière fallacieuse, l’effet bénéfique de l’Epo, surtout dans les études initiales. Pour
mémoire, l’étude de Maier et coll. [3] prévoyait une transfusion si l’Hb était inférieure à
14 g/dL les 2 premières semaines, chiffre à comparer aux 11-12 g/dL actuellement retenus.
En même temps, la médecine des nouveau-nés s’est enrichie en thérapeutique par les
apports majeurs du Surfactant exogène, du monoxyde d’azote, de modes de ventilation
artificielle moins agressifs et plus adaptés et de moyens de diagnostics non invasifs comme
l’échographie.
Par ailleurs, l’organisation plus rationnelle des soins périnatals en 3 niveaux et la généralisation de la corticothérapie anténatale s’est développée à cette période. La médecine
néonatale a accru considérablement son efficacité, écourtant la période d’instabilité initiale,
tout en étant moins agressive et moins prédatrice en sang alors même que des enfants plus
immatures étaient pris en charge.
La conjonction de l’ensemble de ces facteurs a entraîné une réduction drastique des
besoins transfusionnels en même temps que la médecine transfusionnelle moderne diminuait les risques de transmission virale, rendant du même coup moins intéressant le recours
à l’Epo.
Lorsqu’on utilise la procédure du donneur unique qui permet de transfuser tout le
premier mois avec du sang provenant d’un seul donneur, il faudrait, pour que l’Epo soit
utile sur le plan du risque transfusionnel, qu’elle permette de réduire l’exposition aux
donneurs : passage de 2 à 1 donneur ou de 1 à 0, c’est-à-dire supprimer complètement les
besoins transfusionnels. La méta-analyse de la Cochrane, comme vu plus haut, conclut que
cette performance a été en fait rarement réalisée, d’autant plus que la plupart des études ne
comptabilisent les transfusions qu’après le début du traitement.
A l’effet clinique modeste de l’Epo s’ajoute à présent la suspicion d’un risque augmenté
de RDP. La recommandation des auteurs de la méta-analyse est de ne pas utiliser l’Epo.
Par ailleurs les études de Avent [15] et de Franz [16] montrent qu’en utilisant des critères de transfusion restrictifs, l’Epo n’apporte plus de bénéfice.
Enfin l’utilisation de l’Epo comporte des inconvénients : inconfort et douleur de la voie
sous-cutanée, manipulations diverses de la voie intraveineuse, sources de complications.
Lorsqu’on s’intéresse au rapport coût/bénéfice, la balance penchait en faveur de l’Epo dans
les années 90 ; à présent que les indications de transfusion ont beaucoup diminué, il faudrait
traiter un grand nombre d’enfants pour économiser une transfusion et ainsi la balance penche en faveur de l’abstention.
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Il faut dire que l’utilisation de l’Epo est contestée par certains depuis plus d’une dizaine
d’années. Aux USA elle n’est en pratique prescrite que de façon ponctuelle, par exemple
pour des enfants de parents témoins de Jehovah.
On sait qu’en France, les moyens d’épargne transfusionnelle sont encore peu utilisés,
qu’il s’agisse du clampage retardé du cordon ou de la suppression des bilans infectieux,
hématologiques ou nutritionnels systématiques. De même, la procédure des dons dédiés
n’est pas entrée dans la pratique [15]. Afin d’optimiser l’érythropoïèse endogène, il
convient également de prêter un grand soin à la nutrition et à assurer les apports recommandés en acide folique, vitamine B12 et fer.
Subsisterait-il une place pour l’Epo pour les enfants les plus immatures (ex : AG < 28
semaines) et/ou de poids de naissance < 800-1000 g), qui restent les enfants à plus haut risque transfusionnel ? La réponse à cette question pertinente n’est pas claire car dans certaines
études, ces enfants répondent moins bien à l’Epo que les plus matures alors que dans d’autres
c’est l’inverse : la suppression de toute transfusion n’étant cependant pas obtenue.
Au total, l’utilisation de l’Epo à visée érythropoiétique ne peut plus être considérée
comme un traitement de routine en néonatologie et ne pourrait s’appliquer éventuellement
qu’à des cas particuliers.
Utilisation de l’Epo dans l’anémie du prématuré. Les arguments :
POUR
CONTRE
Réduit les transfusions en nombre et volume
(intérêt clinique ?)
Ne diminue pas l’exposition aux donneurs
(si dons dédiés)
Inconfort/douleur de l’injection sous-cutanée
Manipulations de la perfusion intra-veineuse
Coût
Toxicité : rétinopathie du prématuré ?
UTILISATION DE L’EPO DANS D’AUTRES ANÉMIES NÉONATALES
QUE CELLE DU PRÉMATURÉ
L’utilisation de l’Epo a été envisagée dans d’autres anémies du nouveau-né mais de
manière anecdotique et sans donner lieu à d’études sur un grand nombre.
Dans l’anémie tardive de l’incompatibilité rhésus
Son mécanisme n’est pas univoque : poursuite de l’hémolyse par les anticorps, surtout
s’il n’y a pas eu d’exsanguino-transfusion épuratrice à la naissance, voire même hémolyse
intra-médullaire, anémie peu régénérative avec réticulocytose très faible car l’apport d’Hb
A (qui libère plus facilement l’O2 aux tissus que l’Hb F) par les transfusions intra-utérines
a mis au repos la synthèse d’Epo. Des concentrations d’Epo sérique très variées ont été
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mesurées chez ces enfants.
De fait, la plupart des enfants nécessitent une ou plusieurs transfusions au cours des
premières semaines, correspondant à la période où les anticorps anti-Rhésus sont encore
présents.
Peu d’études ont abordé le sujet et ne comportent que quelques cas. Dans l’ensemble,
les résultats sont décevants. Notre propre expérience l’est également : même en débutant le
traitement tôt après la naissance, on ne parvient pas le plus souvent à juguler la diminution
de l’Hb qui se produit à la vitesse de 2 g/dL par semaine pendant les 2 à 3 premiers mois et
donc la transfusion est difficilement évitable.
Autres essais
L’Epo a été utilisée de façon ponctuelle afin de réduire les besoins transfusionnels chez
des nouveau-nés atteints d’anémies hémolytiques néonatales diverses : incompatibilités
fœto-maternelles dans les systèmes ABO et Kell avec des doses et durées de traitement
variables.
Dans la sphérocytose héréditaire, une anémie nécessitant une transfusion peut se manifester dès la période néonatale en raison d’une érythropoïèse insuffisante pour compenser
l’hémolyse. Dans cette situation, l’Epo a pu permettre d’éviter les transfusions dans les
premiers mois et pourrait constituer une alternative à la transfusion pendant cette période.
LA NEUROPROTECTION, AVENIR DE L’EPO EN NÉONATOLOGIE ?
On pensait initialement que l’Epo n’agissait que sur les cellules hématopoïétiques.
En réalité, le récepteur à l’Epo (Epo-R) a été identifié sur un grand nombre de cellules :
endothéliales, musculaires, cardiaques, intestinales et sur la plupart des cellules du système
nerveux. Cette dernière constatation a suscité un grand intérêt à l’origine de nombreux
travaux. Ainsi depuis la fin des années 90, le nombre d’études consacrées à l’action de l’Epo
sur le système nerveux s’est multiplié, dépassant de loin celles s’intéressant à l’Epo facteur
de croissance du globule rouge.
L’Epo et l’Epo-R jouent un rôle au cours du développement cérébral, en particulier
neurotrophique. L’Epo a également une activité neuroprotectrice, démontrée chez l’animal
adulte et nouveau-né. Les mécanismes d’action sont insuffisamment connus et sont probablement variés : effet anti-apoptose, effet anti-inflammatoire, réduction du stress oxydatif,
stimulations de l’angiogénèse et de la maturation des oligodendrocytes à l’origine de la
synthèse de la myéline. Ainsi la molécule pourrait s’avérer intéressante dans la prévention
et/ou le traitement de l’hypoxie-ischémie du nouveau-né à terme et la leucomalacie périventriculaire du prématuré.
Le problème, si on envisage l’utilisation thérapeutique, est qu’il faut des doses beaucoup
plus importantes pour passer la barrière hémo-cérébrale que les doses à effet érythropoiétique, pouvant faire craindre des effets secondaires et en particulier la rétinopathie du prématuré. Le moment et la durée d’intervention restent à définir.
Les données accumulées en clinique sont d’ores et déjà substantielles.
Des études sont en cours dans l’ictus apoplectique de l’adulte, avec des résultats variables.
Quelques études concernant les nouveau-nés sont déjà publiées.
Un résultat favorable dans l’encephalopathie anoxo-ischémique de l’enfant à terme est
rapporté par Zhu et coll. [17] en 2009.
Chez le prématuré, des études préliminaires ont montré que des doses élevées permet-
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taient d’obtenir des concentrations sériques neuroprotectrices et étaient bien tolérées [18].
Par ailleurs un effet favorable sur le développement neurologique est observé lorsque les
enfants ont eu des doses cumulatives d’Epo plus élevées [19]. De même, un effet bénéfique
est noté si les concentrations sériques d’Epo dépassent 500 mU/ml [20].
Plusieurs essais multicentriques sont en cours et il faudra attendre leurs résultats avant
de passer éventuellement à un traitement clinique de routine.
CONCLUSIONS
L’Epo a sans doute rendu service pendant une certaine période en réduisant les besoins
transfusionnels chez les prématurés. Ce bénéfice s’est estompé au fil du temps sous l’influence de nombreux facteurs, qui, finalement ont réduit voire supprimé son intérêt dans ce
domaine. Les unités de néonatologie ont intérêt à développer les moyens d’épargne sanguine
et pourraient de ce fait supprimer l’Epo de leurs prescriptions, ce qui permettrait des économies en termes de manipulations mais aussi budgétaires.
L’Epo ne sera peut-être pas bannie pour autant des unités de soins car tous les espoirs se
portent à présent sur les promesses de ce facteur dans le domaine de la neuro-protection : un
nombre considérable de travaux fondamentaux et quelques essais cliniques sont en cours.
J. Messer, P. Kuhn, B. Escande, J. Matis, D. Astruc
Médecine et réanimation néonatales, Pôle médico-chirurgical pédiatrique, Hôpital de Hautepierre, Hôpitaux
Universitaires de Strasbourg, 67098 Strasbourg Cedex
Auteur correspondant :
Jean Messer - Pédiatrie II - Hôpital de Hautepierre - 67098 Strasbourg Cedex
[email protected]
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[15] Avent M, Cory BJ, Galpin J et al. A comparison of high versus low dose recombinant human erythropoietin
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[16] Franz AR, Pohlandt F Red blood cell transfusions in very and extremely low birth weight infants under
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2001, 84: F96-F100.
[17] Zhu C, Kang W, Xu F et al Erythropoietin improved neurologic outcomes in newborns with hypoxic-ischemic encephalopathy. Pediatrics 2009 ;124:e218-26
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[19] Brown MS, Eichorst D, Lala-Black B et al Higher cumulative doses of erythropoietin and developmental
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[20] Bierer R, Peceny CP, Hartenberger CH et al Erythropoietin concentrations and neurodevelopmental outcome in preterm infants. Pediatrics 2006 ;118 :e635-40
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TABLE RONDE II
FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES
Organisateurs : Alain Fischer, Pierre Quartier
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INTRODUCTION
DE LA TABLE RONDE
« FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES »
par
P. QUARTIER
La survenue chez l’enfant d’épisodes fébriles récurrents nécessite de la part du pédiatre une démarche diagnostique visant à éliminer de nombreuses autres causes de fièvre à
répétition. Il peut s’agir de banales infections urinaires à répétition sur reflux urinaire, de
déficits immunitaires avec infections récurrentes ou défaut de contrôle de l’activation lymphocytaire, des vascularites ou connectivites, de maladies associées à un risque d’activation
macrophagique, etc. (voir Tableau 1)
Au concept de fièvres récurrentes héréditaires s’est substitué ces dernières années celui
de syndromes et maladies auto-inflammatoires. Ce concept permet de prendre en compte,
comme cela est détaillé dans les exposés qui suivent, l’implication d’une dérégulation de
l’immunité innée. Il est moins réducteur que le concept de fièvre récurrente car la fièvre peut
être continue dans certains syndromes auto-inflammatoires, en particulier les plus graves
touchant l’enfant dès les premiers jours de vie comme le syndrome Chronique Infantile
Neurologique Cutané et Articulaire (CINCA) ou le syndrome lié à des mutations du gène
codant pour l’antagoniste du récepteur de l’interleukine (IL)-1 (syndrome DIRA). Les
exposés de Laurence Cuisset, Véronique Hentgen et Bénédicte Neven abordent les différentes maladies auto-inflammatoires pouvant s’exprimer sous la forme d’une fièvre récurrente
en pédiatrie, en faisant le point de nos connaissances génétiques et physiopathologiques.
Un élément essentiel pour le clinicien est de recueillir prudemment tous les éléments
d’anamnèse familiale et personnelle, l’âge de début et les caractéristiques sémiologiques
des crises fébriles permettant d’orienter le diagnostic étiologique au sein du vaste groupe
des syndromes et maladies auto-inflammatoires et de solliciter le laboratoire à bon escient.
Comme développé dans l’exposé de Laurence Cuisset, l’apport de la biologie moléculaire
est important pour confirmer un diagnostic de Fièvre Méditerranéenne Familiale (FMF), de
déficit en Mévalonate Kinase avec syndrome hyper-IgD, de syndromes périodiques associés
à des mutations du récepteur du tumor nécrosis factor (TNF) alpha (les TRAPS) et d’entités encore plus rares (déficits en NALP-12, PAPA, DIRA) mais ces examens ont un coût,
représentent un réel travail pour le laboratoire et doivent donc être prescrits à bon escient,
dans toute la mesure du possible après contact avec un centre de référence ou de compétence
maladies rares pédiatrique (Tableau 2). De plus, la base moléculaire de certains syndromes
n’est pas connue, comme pour le syndrome auto-inflammatoire le plus fréquent chez le
jeune enfant, le PFAPA ou syndrome de Marshall, caractérisé par des épisodes fébriles survenant de manière très régulière toutes les 2 à 6 semaines, typiquement associés à des angines
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P. QUARTIER
et aphtes buccaux, avec une évolution favorable soit spontanément après 6 - 8 ans, soit au
décours d’une amygdalectomie et adénoïdectomie. Par ailleurs, certaines mutations sur des
gènes impliqués dans l’auto-inflammation peuvent être présentes chez des sujets sains et ne
représenter que de simples polymorphismes.
La définition d’une maladie auto-inflammatoire par Charles Dinarello dans un éditorial
récent d’une grande revue américaine était, à peu de choses près, une maladie qui répond à
un traitement par antagoniste de l’IL-1 [1]. Cette proposition de l’un des acteurs clés de la
découverte de cette cytokine et de son importance en pathologie humaine est intéressante
mais demande probablement à être nuancée, tout particulièrement à une époque ou l’appellation « syndrome ou maladie auto-inflammatoire » s’applique à un nombre croissant
de pathologies.
Comme exposé par Bénédicte Neven, certaines maladies emblématiques comme les
cryopyrinopathies (syndrome CINCA/NOMID, syndrome de Muckle-Wells, urticaire
familial au froid) ou le DIRA (déficit en antagoniste du récepteur de l’IL-1) sont des maladies effectivement sensibles uniquement et de manière très nette aux antagonistes de l’IL-1,
en premier lieu l’antagoniste du récepteur de l’IL-1 anakinra, plus récemment pour les
cryopyrinopathies le rilonacept, antagoniste modifié pour une demi-vie plus longue, et
le canakinumab, anticorps monoclonal administré toutes les 4 à 8 semaines. Les résultats
d’études de phase III chez l’adulte et l’enfant ont été si convaincants [2-7] que certains de
ces traitements ont déjà obtenu une AMM dans les cryopyrinopathies.
Des patients avec des fièvres méditerranéennes en poussée ou certaines péricardites/
myocardites récidivantes vont également répondre de manière très préférentielle et quasi-exclusive aux anti-IL-1. La situation est plus complexe pour les TRAPS qui répondent
souvent bien aux anti-IL-1 dans les formes sévères mais peuvent aussi répondre au récepteur
soluble du TNFalpha etanercept. Le même profil est observé pour les déficits partiels en
mévalonate kinase/syndromes hyper-IgD avec cependant souvent des réponses partielles
dans les formes d’un certain degré de sévérité.
Dans la plupart de ces maladies auto-inflammatoires et tout particulièrement dans certaines FMF et cryopyrinopathies, un point essentiel est la prévention et au besoin la prise
en charge de l’amylose secondaire mais également d’autres complications, la gestion de la
grossesse et de l’allaitement, comme abordé ici par le Dr Katia Stankovich.
D’autres maladies, que les experts tendent de plus en plus à rapprocher des syndromes
auto-inflammatoires, peuvent répondre préférentiellement aux anti-IL-1 dans certains cas,
ou à d’autres antagonistes de cytokine dans d’autres. Ainsi, la forme systémique d’arthrite
juvénile idiopathique peut être traitée par anti-IL-1, par l’antagoniste de l’IL-6 tocilizumab
ou encore dans certains cas par les anti-TNF alpha.
Bien que cette table ronde ne permette pas de l’aborder en détail, une composante autoinflammatoire est présente dans de nombreuses maladies à expression plus tardive dans la
vie, comme la crise de goutte, certaines menaces d’accouchement prématuré, la maladie
d’Alzheimer ou le diabète de type 2, avec un abord thérapeutique possible par les inhibiteurs
de l’IL-1.
Le choix du traitement de ces maladies et syndromes rares justifie donc d’une expertise
particulière et d’une adaptation au cas par cas des traitements, y compris quant au choix
de la dose et du rythme d’administration, avec l’espoir de développer des outils prédictifs
de réponse aux traitements et de surveillance de la qualité de la rémission obtenue dans un
avenir proche.
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INTRODUCTION DE LA TABLE RONDE « FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES »
51
Pierre QUARTIER
Université Paris-Descartes - Centre de référence national maladies rares « Arthrites Juvéniles » (www.rhumped.
org)
Hôpital Necker-Enfants Malades - Unité d’Immuno-Hématologie et Rhumatologie pédiatriques - 149 rue de
Sèvres - 75015 Paris - [email protected]
RÉFÉRENCES
[1] Dinarello CA. Interleukin-1beta and the autoinflammatory diseases. N Engl J Med. 2009;360:2467-70.
[2] Lovell DJ, Bowyer SL, Solinger AM. Interleukin-1 blockade by anakinra improves clinical symptoms in
patients with neonatal-on Shroff SD, Wilson M, Snyder C, Plehn S, Barham B, et al. A pilot study to evaluate
the safety and efficacy of the long-acting interleukin-1 inhibitor rilonacept (interleukin-1 Trap) in patients
with familial cold autoinflammatory syndrome. Arthritis Rheum. 2008;58:2432-42.
[3] Goldbach-Mansky R, Dailey NJ, Canna SW, Gelabert A, Jones J, Rubin BI, et al. Neonatal-onset multisystem
inflammatory disease responsive to interleukin-1beta inhibition. N Engl J Med. 2006;355:581-92.
[4] Hoffman HM, Throne ML, Amar NJ, Sebai M, Kivitz AJ, Kavanaugh A, et al. Efficacy and safety of rilonacept
(interleukin-1 Trap) in patients with cryopyrin-associated periodic syndromes: results from two sequential
placebo-controlled studies. Arthritis Rheum. 2008;58:2443-52.
[5] Lachmann HJ, Kone-Paut I, Kuemmerle-Deschner JB, Leslie KS, Hachulla E, Quartier P, et al. Use of canakinumab in the cryopyrin-associated periodic syndrome. N Engl J Med. 2009;360:2416-25.
[6] Neven B, Marvillet I, Terrada C, Ferster A, Boddaert N, Couloignier V, et al. Long-term efficacy of the interleukin-1 receptor antagonist anakinra in ten patients with neonatal-onset multisystem inflammatory disease/
chronic infantile neurologic, cutaneous, articular syndrome. Arthritis Rheum. 2010;62:258-67.
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52
P. QUARTIER
TABLEAU 1. DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS D’UNE FIÈVRE RÉCURRENTE (NON EXHAUSTIF)
(EN DEHORS DES MALADIES ET SYNDROMES AUTO-INFLAMMATOIRES)
Chez les enfants de moins de 5 ans
a- Infections virales
b- Infections bactériennes
- bandelette urinaire et ECBU pour diagnostiquer une « fièvre récurrente » liée à
des infections urinaires répétées sur éventuelle malformation ou reflux urinaire
- recherche de déficit immunitaire secondaire (dont infection VIH) ou primitif
devant des infections récurrentes à germes banals pouvant être liées à un déficit lymphocytaire B (dosages des immunoglobulines, des anticorps post-vaccinaux ou post-infectieux, …)
ou opportunistes sur déficit lymphocytaire combiné T et B (recherche d’une lymphopénie
globale ou T CD3, CD4 et/ou CD8, anomalies des tests de proliférations lymphocytaires in
vitro …), sur déficit quantitatif ou de fonctionnement des cellules phagocytaire (a fortiori en
présence de granulomes, exploration de l’explosion oxydative du polynucléaire, exploration
du chimiotactisme, …)
- penser devant un tableau rythmé par des infections bactériennes toutes les 3 semaines
à la neutropénie cyclique
c- Infections parasitaires :
- essentiellement le paludisme après retour d’un pays endémique
d- Leucémie, neuroblastome (surtout si splénomégalie, douleurs intenses, la numération
formule sanguine n’est pas forcément atypique)
e- Granulomatoses pédiatriques dont le syndrome de Blau, associant au début fièvre, signes
cutanés et arthrite, classées par certains parmi les syndromes auto-inflammatoires.
f- Forme systémique d’arthrite juvénile idiopathique (maladie de Still pédiatrique, classée
par certains parmi les syndromes auto-inflammatoires)
g- Exceptionnelles connectivites lupiques à début précoce (déficits en complément sérique)
h- Défauts de régulation de l’activation lymphocytaire T et macrophagique (avec syndrome d’activation macrophagique) sur maladie génétique du système immunitaire
(lymphohistiocytose familiale, syndrome de Griscelli, syndrome de Chediack-Higashi,
syndrome de Purtillo, …), certaines maladies métaboliques (déficit en protéines dibasiques, Gaucher, …)
i- Défauts de régulation de l’apoptose (mort programmée) lymphocytaire (déficits en Fas,
…)
Chez les enfants de plus de 5 ans
Tous les syndromes décrits ci-dessus peuvent être observés, dont des tableaux d’épisodes
fébriles répétés sur connectivite lupique, mais aussi :
a- Rhumatisme articulaire aigu, essentiellement enfant arrivé d’Afrique
b- Maladie de Behçet, rattachée par certains aux maladies auto-inflammatoires
c- Périartérite noueuse de l’enfant, volontiers à rechute, à expression essentiellement
fébrile, myalgies marquées et avec le plus souvent des nouures sous-cutanées (histologie
de vascularite granulomateuse autour d’une artériole dans l’hypoderme profond)
d- Syndrome de Castleman surtout dans sa forme monocentrique
- guérison après exérèse de la masse ganglionnaire dans les formes monocentriques
e- Colopathies inflammatoires (Crohn, rectocolite hémorragique, formes indifférenciées)
f- Maladie de Hodgkin et lymphomes anaplasiques à grandes cellules
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INTRODUCTION DE LA TABLE RONDE « FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES »
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TABLEAU 2 : CENTRES DE RÉFÉRENCE ET DE COMPÉTENCE PÉDIATRIQUES GROUPE 1,
« MALADIES SYSTÉMIQUES ET AUTO-IMMUNES RARES »
Centres de référence :
- Paris (Necker-St Vincent de Paul, Cochin, Robert Debré), coordonnateur : Dr Pierre
Quartier-dit-Maire, Unité d’Immuno-Hématologie et Rhumatologie Pédiatriques,
Necker-Enfants Malades, 75 015 Paris
- Kremlin-Bicêtre, Versaille et Montpellier (CEREMAI), coordonnatrice : Isabelle KonéPaut, Service de Pédiatrie Générale, CHU Bicêtre, 94 Le Kremlin-Bicêtre
Centres de compétence :
1. Centre pédiatrique Rhones-Alpes-Auvergne (4 sites : Lyon, Grenoble, St Etienne,
Clermont Ferrand) : coordinatrice : Dr Agnès Duquesne, Hôpital Edouard Herriot,
Lyon
2. Centre pédiatrique Lorraine : coordinatrice Dr Irène Lemelle, Hôpital Brabois Enfants,
Nancy
3. Centre pédiatrique Aquitaine : coordinateur Dr Pascal Pillet, Hôpital Pellegrin,
Bordeaux
4. Centre pédiatrique Alsace : Coordinateur Pr Michel Fischbach, CHU de Strasbourg
5. Centre pédiatrique Bretagne (2 sites : Rennes et Brest) : Coordinateur Pr Edouard Legall,
CHU Rennes
6. Centre pédiatrique Nord-Picardie (3 sites : Lille-Roubaix-Amiens) : coordinatrice Dr
Françoise Mazingue, Hôpital Jeannes de Flandres, Lille
7. Centre pédiatrique Basse-Normandie : Coordinatrice Dr Sylvie Gandon-Laloum, CHU,
Caen
8. Centre pédiatrique Haute-Normandie : Coordinatrice Dr Martine Grall-Lerosey, CHU
Rouen
9. Centre pédiatrique Pays de la Loire : Coordinateur Dr Georges Picherot, CHU Nantes (2
sites : Nantes et Angers)
10. Centre pédiatrique Région toulousaine : Coordinateur : Dr Eric Grouteau, CHU,
Toulouse
11. Centre pédiatrique Tours, Orléans, Poitier : Coordinateur : Dr Cyril Hoareau, CHU,
Tours
12. Centre pédiatrique Limousin : Coordinateur Pr De Lumley, CHU Limoges
13. Centre pédiatrique Moselle (2 sites : Besançon, Belfort) : Coordinateur Dr Plouvier,
Hôpital de Besançon
14. Centre pédiatrique Montpellier : Coordinateur Dr Michel Rodiere, CHU Arnauld de
Villeneuve, Montpellier
15. Centre pédiatrique Antilles françaises (2 sites : Fort de France, Point à Pitre) : Coordinateur
Dr Yves Hatchuel, CHU La Redoute, Fort de France, Martinique
16. Centre pédiatrique de Champagne (Reims et Troyes): Coordinatrice Dr Christine
Pietrement, CHU de Reims
17. Centre pédiatrique Bourgogne : Dr Gerard Couillaud, Hopital de Dijon, Dijon
18. Centre pédiatrique de Marseille (éventuellement 2 sites avec Nice) : Pr Jean-Marc Garnier,
Hopital Nord, Marseille
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LES FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES :
ASPECTS NOSOLOGIQUES
par
V. HENTGEN
Les fièvres héréditaires récurrentes constituent un groupe de maladies inflammatoires
dont la plus fréquente est la fièvre méditerranéenne familiale (FMF), anciennement dénommée maladie périodique. Plusieurs autres entités proches de la FMF de par leur symptomatologie clinique ou leur physiopathologie sont connues : la fièvre récurrente liée au récepteur
de type 1A du Tumor necrosis factor (TNFRSF1A pour TNF receptor superfamilly 1A),
dénommée TRAPS pour TNFRSF1A associated periodic syndrome, le syndrome de fièvre
récurrente lié au déficit en mévalonate kinase (MAPS pour mévalonate kinase associated
periodic syndrome) anciennement dénommé syndrome d’hyper IgD (HIDS), les syndromes liés aux anomalies de la cryopyrine dénommé CAPS pour cryopyrin associated periodic
syndrome regroupant les pathologies décrites initialement sous le terme de syndrome de
Muckle-Wells, l’urticaire familiale au froid ou Familial cold autoinflammatory syndrome
(FCAS) et le syndrome CINCA (Chronic Infantile Neurological Cutaneous and Articular)
et le syndrome de fièvre récurrente lié au déficit en NALP12. Le démembrement génétique
des fièvres récurrentes héréditaires a commencé en 1997 quand le gène en cause dans la FMF
a été découvert par clonage positionnel [1, 3]. Les défauts génétiques des autres entités ont
été depuis caractérisés [7, 12, 13, 17]. Ces 5 maladies héréditaires s’intègrent maintenant
dans le cadre plus vaste des syndromes auto-inflammatoires. Les maladies auto-inflammatoires constituent un groupe de maladies qui se caractérisent par un dérèglement du système
immunitaire inné, c’est-à-dire de la première phase de la réponse immunitaire non spécifique. Cette anomalie s’exprime principalement au niveau des monocytes et polynucléaires
neutrophiles et se traduit par la sécrétion anormale de certaines cytokines telles que l’IL-1β,
IL-6 et TNFα. Par définition, un malade atteint d’une maladie auto-inflammatoire n’active
pas le système immunitaire adaptatif et ne produit donc ni des auto-anticorps, ni des lymphocytes auto-réactifs. En pratique il n’existe pas de test spécifique pour retenir le diagnostic
de maladie auto-inflammatoire, même si certains auteurs ont proposé la sensibilité au traitement par inhibiteurs de l’IL-1 comme critère diagnostique [6, 5].
Les fièvres récurrentes héréditaires se caractérisent ainsi par des critères cliniques et
biologiques communs et par des signes plus spécifiques.
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V. HENTGEN
SIGNES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES COMMUNS
À TOUTES LES FIÈVRES RÉCURRENTES AUTO-INFLAMMATOIRES
Signes cliniques en rapport avec l’activation du système immunitaire inné
La principale caractéristique clinique d’une fièvre récurrente auto-inflammatoire est
son évolution par poussées. Les signes cliniques sont donc plutôt intermittents séparés par
des périodes où le patient est peu ou pas symptomatique. Les symptômes cliniques suivants,
doivent faire rechercher plus spécifiquement une pathologie auto-inflammatoire :
- Répétition d’épisodes de fièvre inexpliquée (au moins 3, voire 6 épisodes chez l’enfant)
d’une durée de 1 à plus de 7 jours,
- Atteintes des séreuses : arthrites ou arthralgies, douleurs abdominales de type pseudopéritonite, atteintes de la plèvre ou du péricarde (douleurs thoraciques),
- Atteintes musculaires : douleurs de type inflammatoire généralisées ou localisées,
- Atteinte cutanée : l’atteinte cutanée d’une fièvre récurrente auto-inflammatoire est très
variable en siège et en type. Elle peut aller de l’éruption urticarienne diffuse au cours du
CINCA, en passant par les éruptions maculo-papuleuses voire purpuriques du déficit en
mévalonate kinase (MAPS), au pseudo-érysipèle de la fièvre méditerranéenne familiale
(FMF) ou la pseudo-cellulite de la fièvre liée au récepteur du TNF (TRAPS). La caractéristique commune de ces atteintes cutanées est leur caractère spontanément régressif
et possiblement récidivant lors d’une poussée ultérieure de la maladie. Néanmoins, l’atteinte cutanée est loin d’être systématique au cours des poussées de maladie auto-inflammatoire, mais leur présence peut être d’une grande aide pour poser un diagnostic.
Des signes biologiques en rapport avec l’activation de la réponse immunitaire innée
Comme nous l’avons expliqué ci-dessus la maladie auto-inflammatoire se caractérise
par une sécrétion anormale de certaines cytokines de la phase précoce de la réponse immunitaire (IL-6, IL-1 et TNF essentiellement). Il en résulte une polynucléose sanguine ainsi
qu’une élévation des protéines de la phase aiguë de l’inflammation (CRP, fibrinogène, orosomucoïde, vitesse de sédimentation, …). Ce syndrome inflammatoire est obligatoirement
présent au cours des poussées de la maladie et tout comme la symptomatologie clinique, il
est spontanément régressif en dehors des poussées. Par ailleurs l’absence d’auto-anticorps
et de lymphocytes T auto-réactifs signe l’absence de stimulation de l’immunité adaptative
et permet de fournir un argument supplémentaire en faveur d’une fièvre récurrente autoinflammatoire.
DESCRIPTION SPÉCIFIQUE DES DIFFÉRENTES FIÈVRES RÉCURRENTES
AUTO-INFLAMMATOIRES
Le tableau 1 résume les principales caractéristiques cliniques des fièvres récurrentes de
l’enfant.
La fièvre méditerranéenne familiale (FMF)
La fièvre méditerranéenne familiale est la plus connue et certainement la plus fréquente
des maladies inflammatoires récurrentes héréditaires. Elle atteint les populations turques,
arabes de l’Est et de l’Ouest, arméniennes, juives sépharades, mais aussi juives ashkénazes,
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LES FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES : ASPECTS NOSOLOGIQUES
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kurdes, druzes, libanaises, italiennes et grecques. La FMF dans sa forme typique commence
tôt dans la vie, dans 2/3 des cas avant l’âge de 5 ans [4, 15, 19]. Les accès aigus sont caractéristiques de la maladie, et si la fièvre y est quasi constante, elle est rarement isolée. Le plus
souvent il existe des signes d’inflammation aiguë d’une séreuse, dans l’ordre de fréquence
décroissante le péritoine (90 %), la plèvre (50 %), la synoviale articulaire (30 %), la vaginale
testiculaire (10 %) et le péricarde (1 %). L’accès aigu abdominal est souvent impressionnant
et en présence d’un premier accès, la suspicion de péritonite peut conduire à l’intervention
chirurgicale en urgence. De nombreux signes cutanés ont été décrits au cours de la FMF, le
plus fréquent est une plaque érythémateuse évoquant un érysipèle des membres inférieurs,
particulièrement à la cheville, et décrit sous le nom de pseudo-érysipèle. L’atteinte articulaire aiguë intéresse les grosses articulations, genou, hanche, cheville. L’accès aigu dure de
quelques heures à 72 heures et se résout spontanément. Il n’y a habituellement qu’un seul
organe touché lors d’un accès. Il n’y a pas de périodicité stricto sensu des accès qui reviennent
sans aucune régularité et avec une fréquence très variable d’un sujet à l’autre et d’une tranche de vie à l’autre pour un sujet donné. La topographie des manifestations inflammatoires
change aussi d’une période à une autre, par exemple atteinte articulaire dans l’enfance, pour
laquelle on a souvent porté à tort le diagnostic de rhumatisme articulaire aigu, puis douleurs
thoraciques dans l’adolescence, et douleurs abdominales à l’âge adulte. Il n’y a habituellement pas de signe clinique en dehors des accès aigus. Cependant certaines manifestations de
la maladie peuvent se prolonger au-delà des 72 heures habituelles, c’est le cas des arthrites,
et de myalgies très intenses qui peuvent durer plusieurs semaines. Chez un malade sur cent
environ, l’atteinte articulaire évolue sur un mode chronique et destructeur, particulièrement à la hanche. Beaucoup plus rare est la péritonite chronique avec ascite.
D’autres signes ont été plus rarement décrits au cours de la FMF : purpura vasculaire,
vascularite d’artères de moyen ou gros calibre, notamment responsable d’hématomes périrénaux, méningite récurrente, anomalies oculaires.
Il n’existe pas de réel traitement curatif de l’accès inflammatoire aigu, au cours duquel
de nombreux traitements sont utilisés : paracétamol, anti-inflammatoires non-stéroïdiens,
morphinique, corticostéroïdes. Mais il n’y a pas de stratégie antalgique bien définie dans
cette indication. Par contre, l’efficacité de la colchicine comme traitement préventif des
accès est maintenant bien établie. La posologie de la colchicine dans cette indication est
variable [14]. La dose de 1 mg/jour est souvent suffisante pour prévenir les accès, mais des
doses supérieures sont parfois nécessaires, jusqu’à 2,5 mg/jour. La colchicine permet aussi
dans la plupart des cas de prévenir l’amylose mais la détermination individuelle de la dose
nécessaire à la prévention de l’amylose est impossible. La mesure régulière de l’inflammation
infraclinique avec dosage de la protéine SAA (protéine sérum amyloïde A) qui existe dans la
FMF pourrait aider à déterminer la dose de colchicine nécessaire à la maîtrise plus continue
de l’inflammation, en particulier chez l’enfant [9, 21].
Le syndrome de fièvre récurrente lié au déficit en mévalonate kinase
Le syndrome de fièvre récurrente lié au déficit en mévalonate kinase anciennement
dénommé le syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D (HIDS) a été isolé au sein des fièvres héréditaires par Van der Meer et al en 1984 chez des malades hollandais, atteints d’une
fièvre récurrente et ayant une élévation des immunoglobulines D sériques. Ce syndrome
a depuis été surtout décrit en Europe de l’Ouest mais semble exister aussi dans d’autres
populations et il pourrait être ubiquitaire. La maladie commence presque toujours dans la
petite enfance, souvent au cours de la première année de vie [8, 20]. Les accès inflammatoires durent typiquement 7 jours et reviennent toutes les 4 à 8 semaines, la fièvre est majeure
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V. HENTGEN
atteignant au moins 39 °C, accompagnée de signes focaux dans 2/3 à 3/4 des cas : douleurs
abdominales, diarrhée, vomissement, aphtes arthralgies ou arthrites. Probablement plus
spécifiques par rapport aux autres variétés de fièvres récurrentes, sont l’hépatosplénomégalie, la pharyngite et surtout la présence d’adénopathies cervicales douloureuses (94 %
des cas). Le déclenchement des accès par les infections virales et les vaccinations est assez
caractéristique du syndrome. Lorsque les arguments cliniques sont suffisamment évocateurs
d’un déficit partiel en mévalonate kinase (MK), le diagnostic peut être porté sur la présence
d’une hypermévalonaturie (excès d’excrétion urinaire d’acide mévalonique) au cours d’un
épisode fébrile ; c’est en effet pendant les poussées fébriles que le déficit en MK se creuse,
faisant apparaître l’acide mévalonique dans les urines.
Les médicaments anti-inflammatoires usuels, corticostéroïdes, anti-inflammatoires non
stéroïdiens, ne sont généralement que partiellement actifs sur cette variété d’inflammation.
Des descriptions cliniques isolées rapportent un effet favorable des inhibiteurs de l’IL1, mais
des études cliniques à plus grande échelle manquent toujours.
La fièvre héréditaire périodique liée au récepteur de type 1a du TNF (TRAPS)
Le TRAPS a été initialement reconnu dans une famille d’origine irlandaise. Des mutations du gène TNFRSF1A responsables du TRAPS ont été décrites plus récemment dans
d’autres populations y compris méditerranéenne, noire américaine et japonaise. Bien que
peu de données épidémiologiques soient disponibles, le TRAPS semble être une maladie
ubiquitaire bien qu’exceptionnelle.
Les accès du TRAPS se manifestent pour la première fois durant l’enfance ou l’adolescence [2, 16]. Les poussées inflammatoires du TRAPS associent habituellement fièvre,
altération de l’état général, atteinte cutanée et musculo-articulaire. L’accès se caractérise
classiquement par sa durée prolongée d’une à plusieurs semaines. La majorité des malades souffrent de manifestations cutanées variées lors des poussées de la maladie : macules
migrantes, plaques érythémateuses confluentes, œdème péri-orbitaire légèrement érythémateux. Les plus spécifiques sont des lésions de pseudo-cellulite, touchant les membres
(inférieurs comme supérieurs) ou le tronc. Aux membres, ces lésions débutent à la racine
et migrent en quelques heures ou jours vers l’extrémité du membre atteint, avant de disparaître. Les manifestations musculo-articulaires sont souvent le signe clinique prédominant
de l’accès inflammatoire. L’atteinte musculaire se caractérise par une douleur localisée à un
groupe musculaire. Cette douleur accompagne habituellement les lésions dermatologiques
de type pseudocellulite. L’atteinte articulaire est moins spécifique : arthralgies diffuses, plus
rarement arthrites aiguës. D’autres signes cliniques moins fréquents peuvent s’observer :
adénopathies satellites des lésions cutanées, une conjonctivite aseptique accompagnant ou
non l’œdème péri-orbitaire, des douleurs thoraciques. Les accès de TRAPS peuvent être
moins spectaculaires, et dans de rares cas la fièvre peut manquer.
Chez la majorité des patients, les corticoïdes permettent d’atténuer les symptômes sans
pour autant prévenir les poussées. Néanmoins, l’effet du traitement semble s’amoindrir avec
le temps avec apparition d’une corticodépendance. L’emploi d’agents inhibiteurs du TNF
semble a priori parfaitement logique dans le TRAPS, en revanche les essais cliniques avec
l’étanercept (molécule de fusion du récepteur soluble 2 du TNF avec une immunoglobuline) sont peu concluants avec des échecs thérapeutiques chez près d’un malade sur deux.
Tout comme dans les autres pathologies auto-inflammatoires les inhibiteurs de l’interleukine 1 semblent en revanche très prometteurs.
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LES FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES : ASPECTS NOSOLOGIQUES
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Les syndromes périodiques liés aux anomalies de la cryopyrine (CAPS)
Les syndromes périodiques associés à des mutations du gène de la cryopyrine regroupent
trois entités cliniques initialement décrites comme distinctes mais qui sont proches tant
sur le plan phénotypique que génétique : il s’agit de l’urticaire familiale au froid (encore
appelé FCU : Familial Cold Urticaria ou encore FCAS : Familial Cold Autoinflammatory
syndrome), du syndrome de Muckle –Wells (MWS : Muckle-Wells Syndrome) et du syndrome Chronique Infantile neurologique Cutané et Articulaire (CINCA). Ces trois entités représentent des spectres de sévérité croissante. La symptomatologie s’enrichit depuis le
FCU, forme la plus bénigne jusqu’aux formes sévères de CINCA [11, 18]. Le dénominateur
commun est la présence d’un rash cutané, d’allure urticarienne, concomitant aux épisodes
inflammatoires. L’histologie cutanée montre invariablement un infiltrat inflammatoire
périvasculaire à polynucléaires neutrophiles. Dans le FCU, les poussées inflammatoires
déclenchées par l’exposition au froid associent une éruption cutanée, une fièvre, une
conjonctivite et des arthralgies. Le MWS est la forme intermédiaire : il n’y a pas de facteurs
déclenchant précis aux épisodes de fièvre, les manifestations articulaires peuvent être plus
marquées avec développement d’arthrites inflammatoires transitoires, des complications
telles qu’une surdité et une amylose secondaire peuvent survenir. Le syndrome CINCA
représente le phénotype le plus sévère. Le tableau clinique se complète par l’atteinte du
système nerveux central secondaire à une méningite chronique à polynucléaires, responsable
d’un retard psychomoteur progressif. Dans un tiers des cas, la pathologie articulaire adopte
une forme particulière, non inflammatoire, caractérisée par une hypertrophie métaphysaire
des os longs, entraînant des arthropathies hypertrophiques invalidantes. L’atteinte ophtalmique comprend des conjonctivites, des uvéites, un pseudo-œdème papillaire et une atrophie optique, pouvant entraîner une cécité. L’atteinte auditive se présente sous forme d’une
surdité neurosensorielle bilatérale progressive. Une dysmorphie faciale est quasi constante
mais d’importance variable.
Le pronostic de ce syndrome a été révolutionné par l’apparition des inhibiteurs de
l’interleukine 1. Effectivement les anti-inflammatoires classiques (AINS et corticoïdes)
n’avaient pas ou peu d’efficacité sur les symptômes observés. En revanche un traitement
continu par inhibiteurs de l’interleukine 1 permet à la majorité des patients de retrouver une
vie quasi asymptomatique et de faire disparaître le syndrome inflammatoire.
Le syndrome de fièvre récurrente lié au déficit en NALP 12
Le syndrome de fièvre récurrente lié au déficit en NALP 12 est une des entités décrites
le plus récemment. Le nombre de patients atteints de cette pathologie de par le monde est
encore insuffisant pour en dégager une description clinique type [13]. Le tableau clinique
pourrait être proche de celui du CAPS dans sa forme modérée. Même s’il s’agit d’une
pathologie autosomique dominante la pénétrance du syndrome est variable et les signes cliniques pourraient spontanément s’améliorer à l’âge adulte. Au jour d’aujourd’hui aucune
conduite thérapeutique n’est définie pour ce syndrome exceptionnel.
Le syndrome de Marshall ou PFAPA
Le syndrome de Marshall ou PFAPA (Periodic Fever Aphtous stomatitis Pharyngitis
Adenitis) est une fièvre récurrente non héréditaire débutant en général dans la petite
enfance [10]. La connaissance de ce syndrome est indispensable en raison :
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V. HENTGEN
-
de sa fréquence,
de ses caractéristiques cliniques et biologiques en tout point identique aux fièvres récurrentes auto-inflammatoires,
- et de sa guérison spontanée au bout de plusieurs années d’évolution (au plus tard à
l’adolescence).
Une revue complète de ce syndrome est décrite ailleurs dans ce fascicule.
Le diagnostic de syndrome de Marshall est exclusivement clinique. Sa présentation plus
ou moins typique par rapport aux critères diagnostiques (voir tableau 2) est caractérisée
par le bon état général des enfants atteints et par la régularité des épisodes fébriles pour un
enfant donné. Les épisodes de fièvre durent de 3 à 5 jours et surviennent toutes les 2 à 12
semaines. Les épisodes de fièvre sont associés à des signes majeurs comme une stomatite avec
aphtes, une pharyngite ou des adénopathies cervicales. L’évolution est favorable en quelques années sans récidive et sans séquelle. La prise en charge thérapeutique repose sur des
traitements symptomatiques qui sont toutefois peu efficaces. Une corticothérapie courte
peut parfois être utilisée mais n’empêche pas les récidives. La place de l’amygdalectomie est
discutée. Bien que le retentissement familial de cette affection soit significatif, le PFAPA
reste une maladie d’évolution bénigne qui ne nécessite que très peu d’explorations et pour
laquelle les parents doivent être rassurés.
CONCLUSION
Les différentes formes de fièvres héréditaires sont maintenant mieux identifiées et diagnostiquées. Un diagnostic précis n’est pas seulement nosologique, il est nécessaire pour
une prise en charge appropriée de ces affections, car leurs traitements sont différents. Un
diagnostic précis et précoce est nécessaire particulièrement chez l’enfant.
Véronique Hentgen - CH de Versailles - Centre de référence des maladies auto-inflammatoires (CeRéMAI) Service de pédiatrie - 177 rue de Versailles - 78150 Le Chesnay Cedex - [email protected]
RÉFÉRENCES
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LES FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES : ASPECTS NOSOLOGIQUES
61
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Apr 2007.
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V. HENTGEN
TABLEAU 1 : CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES DES PRINCIPALES FIÈVRES
RÉCURRENTES AUTO-INFLAMMATOIRES DE L’ENFANT
Syndrome
FMF
MAPS =
HIDS
Hérédité
Autosomique
récessif
Autosomique Autosomique Autosomique
dominant ou Autosomique
Aucune
récessif
dominant
dominant
sporadique
Gène
impliqué
MEFV codant Gène de la
pour la pyrine/ mévalonate
marenostrine kinase
Populations
prédisposées
Pourtour
méditerranéen
et MoyenOrient
Âge de début
Habituellement 1ère année de
avant 10 ans
vie
année
Avant 20 ans 1ère
de vie
1 an
Avant 20 ans Après
avant 5 ans
Durée
des accès
12 à 72 heures
5 à 7 jours
Variable,
> 7 jours
Variable,
> 5 jours
Variable,
> 5 jours
4 à 5 jours
Signes
abdominaux
Tableau de
péritonite
aseptique
Douleurs
abdominales
Douleurs
abdominales
Non
Non
Parfois douleurs
abdominales
Signes
articulaires
Arthrites
Arthralgies
Myalgies
Arthrites
Arthralgies
Arthrite
Arthralgies
Myalgies
localisées
Arthrites +++ Arthralgies
Arthralgies
Non
Douleurs
thoraciques
Oui
Non
Oui
Non
Non
Non
Pseudocellulite
Œdème des
paupières
Exanthème
polymorphe
Urticaire
diffus
Eruption
:
cutanée non Stomatite
spécifique et aphtose
inconstante buccale
Non
Non
Gène du
1er récepteur
du TNF
Europe
Probablement Ubiquitaire
ubiquitaire
Aphtose
buccale
Signes cutanés Pseudo-érysipèle
Bursite
Exanthème
tronc
Adénopathies Non ou rares
TRAPS
Cervicales +++ Non
CAPS
Déficit en PFAPA
NALP12
CIAS1 codant Gène de
pour
la cryopyrine NALP12
?
Ubiquitaire
Ubiquitaire
Ubiquitaire
Atteinte
neurologique
(méningite
Possible
Pharyngite
chronique)
atteinte neu- ou amygdalite
et neurosenso- rosensorielle aseptique
rielle (surdité,
cécité)
Autres signes
Mévolonaturie
Signes
biologiques
spécifiques
pendant les
poussées
Complications
et évolution
spontanée
de la maladie
Amylose
secondaire
Stérilité en
l’absence de
traitement
Amylose
secondaire
Amylose
(rare)
secondaire
Colite
inflammatoire
Traitement
Colchicine
Corticoïdes
Corticoïdes
Inhibiteur
Corticoïdes Inconnu
Inhibiteur IL1 TNF ?
Inhibiteur IL1
Inhibiteur IL1
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Cervicales +++
Amylose
secondaire
Inconnu
Guérison avant
l’adolescence
sans séquelles
Corticoïdes
Amygdalectomie
+ ablation des
végétations
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LES FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES : ASPECTS NOSOLOGIQUES
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TABLEAU 2 : CRITÈRES CLINIQUES DU SYNDROME DE MARSHALL
OU PFAPA (PRÉSENCE OBLIGATOIRE DES 6 CRITÈRES)
I
Fièvre récurrente périodique avec un âge de début précoce
(entre 12 mois et 5 ans)
II
Présence d’au moins un des trois signes suivants, en l’absence de toute atteinte
des voies respiratoires supérieures :
a) Stomatite aphteuse
b) Adénopathies cervicales
c) Pharyngite
III
Présence de marqueurs d’inflammation pendant les accès
IV
Exclusion d’une neutropénie cyclique
V
Enfant totalement asymptomatique en dehors des accès
VI
Développement psychomoteur et croissance normale
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DIAGNOSTIC GÉNÉTIQUE
DES FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES
par
I. JÉRU
GÈNES ASSOCIÉS AUX FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES (FRHS)
Cinq gènes ont été impliqués dans la physiopathologie des FRHs. Le gène MEFV, qui
code la protéine pyrine, a été impliqué dans la fièvre méditerranéenne familiale (FMF)
[1, 2]. Le gène TNFRSF1A a été associé au syndrome TRAPS (TNF Receptor Associated
Periodic Syndrome) [3]. Le gène MVK, qui code la mévalonate kinase, a été impliqué
dans le syndrome MKD (Mevalonate Kinase Deficiency), auparavant dénommé HIDS
(HyperImmunoglobulinaemia D and periodic fever Syndrome) [4, 5]. Des mutations du
gène NLRP3 (aussi connu sous le nom de CIAS1) ont été retrouvées dans trois FRHs
[6, 7], considérées jusqu’alors comme trois entités cliniques différentes, puis regroupées
sous l’appellation cryopyrinopathies : l’urticaire familiale au froid (UFF), le syndrome de
Muckle-Wells (MWS) et le syndrome CINCA (Chronic Infantile Neurologic Cutaneous and
Articular syndrome) - aussi appelé NOMID (Neonatal Onset Multisystemic Inflammatory
Disease). Récemment, des mutations du gène NLRP12 ont été retrouvées chez plusieurs
patients présentant des signes évocateurs de cryopyrinopathies [8].
Si un grand nombre d’études ont été menées sur le rôle des protéines impliquées dans les
FRHs, la fonction de plusieurs d’entre elles reste très discutée. Dix ans après le clonage de
MEFV, le rôle de la protéine pyrine codée par ce gène n’est toujours pas clairement établi.
Elle jouerait un rôle sur la voie NF-κB de l’inflammation, sur la sécrétion d’IL-1β (cytokine
pro-inflammatoire) et sur l’apoptose mais son effet activateur ou inhibiteur sur ces différentes voies reste discuté. Le TNFRSF1A est un récepteur transmembranaire au TNFα qui
contrôle l’activation de voies de signalisation inflammatoires et apoptotiques. La mévalonate
kinase est une enzyme de la voie de synthèse des isoprénoïdes et des stérols qui catalyse la
transformation d’acide mévalonique en acide 5-phosphomévalonique. Cette voie de signalisation semble très différente de celles mises en jeu dans les autres FRHs et la relation entre
le défaut de cette voie métabolique et le phénotype inflammatoire n’est pas parfaitement
établie. NLRP3 (aussi appelé cryopyrine) et NLRP12 (aussi appelé Monarch-1) font partie
de la famille nouvellement identifiée des NLRs (NOD-like receptors). Ces protéines joueraient, à l’image des récepteurs Toll-like (dont la majorité sont transmembranaires), le rôle de
récepteurs intra-cellulaires à différentes molécules d’origine microbienne et signaux de stress
déclenchant une réponse inflammatoire et immunitaire [9]. Il a en particulier été montré que
NLRP3 et NLRP12 régulent la voie NF-κB et activent la sécrétion d’IL-1β suite à la formation d’un macro-complexe protéique pro-inflammatoire appelé inflammasome [10].
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I. JÉRU
MODES DE TRANSMISSION
Quand un diagnostic de FRH est évoqué, il est important d’identifier le mode de transmission de la maladie au sein de la famille car cette information oriente significativement le
diagnostic. En effet, la FMF et le syndrome MKD sont de transmission autosomique récessive, alors que le TRAPS et les cryopyrinopathies sont de transmission autosomique dominante. A ce propos, il faut noter que la fréquence très élevée des porteurs sains de mutations
du gène MEFV dans les populations originaires du pourtour méditerranéen (1/6 à 1/20 [11,
12]) conduit à l’observation de formes familiales de FMF mimant un mode de transmission
dominant [13, 14] ; on parle alors de pseudodominance. Ceci souligne l’importance de
réaliser des arbres généalogiques larges et détaillés.
DISTINCTION MUTATIONS / POLYMORPHISMES
La très grande majorité des variations de séquences identifiées dans les gènes de FRH
correspondent à des mutations faux-sens (remplacement d’un acide aminé par un acide
aminé différent). Il est donc souvent difficile de conclure quant à leur caractère délétère et ce
n’est qu’un faisceau d’arguments qui pourra emporter la conviction du généticien. Dans le
cadre du diagnostic de routine, on recherchera dans la littérature et les banques de données si
les variations de séquence identifiées ont déjà été décrites comme étant associées à la maladie
ou si, au contraire, elles ont été retrouvées chez des sujets sains. On cherchera également à
déterminer si la ou les mutations identifiées ségrègent avec le phénotype pathologique au
sein de la famille. A ce propos, il faut noter que la très grande majorité des patients adressés
aujourd’hui pour un diagnostic de FRH correspondent à des cas sporadiques. De plus, on
peut supposer, de manière déterministe, que les acides aminés cruciaux pour le bon fonctionnement de la protéine sont très conservés au cours de l’évolution. L’alignement des
séquences de la protéine d’intérêt dans différentes espèces permettra alors de déterminer si
la mutation identifiée chez le patient affecte un tel résidu.
Dans un cadre de recherche, il est possible d’entreprendre des investigations plus poussées. En particulier, les mutations pourront être recherchées dans des cohortes de sujets sains
de même origine que le patient étudié. Par ailleurs, des tests fonctionnels, ex vivo ou in vitro,
pourront être entrepris pour comparer les propriétés de la protéine normale à celles de la
protéine portant la mutation identifiée. Ces tests sont cependant longs et difficiles à mettre
en œuvre et ne sont pas toujours concluants, même pour des mutations dont la pathogénicité à été démontrée sur des formes familiales.
VALEUR DIAGNOSTIQUE ET PRONOSTIQUE
DE L’ANALYSE DES GÈNES DE FRH
L’analyse de ces différents gènes constitue une avancée majeure permettant un diagnostic direct des FRHs. Cependant, des mutations de ces 5 gènes ne sont retrouvées que chez
un nombre limité de patients, de l’ordre de 20 % en France toutes FRHs confondues. Il faut
noter que le pourcentage de mutations identifiées dans certains gènes de FRH est extrêmement faible ; c’est le cas du gène TNFRSF1A pour lequel une mutation non ambiguë est
identifiée dans moins de 1 % des cas. Par ailleurs, comme mentionné précédemment, la très
grande majorité des mutations identifiées sont des mutations faux-sens dont le caractère
délétère reste souvent à démontrer.
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DIAGNOSTIC GÉNÉTIQUE DES FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES
67
En ce qui concerne le syndrome MKD, des tests biochimiques sont disponibles (dosage
du mévalonate urinaire en crises et éventuellement mesure de l’activité de la mévalonate
kinase), permettant de confirmer le diagnostic clinique avant d’envisager une analyse moléculaire (voir communication « Syndrome HyperIgD », Dr. Laurence Cuisset).
Concernant la valeur pronostique des analyses moléculaires, certains génotypes ont été
associés à un risque plus élevé de développer une amylose rénale, complication majeure des
FRHs ; c’est le cas du génotype p.Met694Val (M694V) homozygote au locus MEFV [15]
et des mutations affectant les résidus cystéines des boucles extracellulaires du TNFRSF1A
[16].
ORGANISATION DU DIAGNOSTIC DANS LE CADRE DES CRMR
Trois laboratoires académiques effectuent le diagnostic moléculaire des FRHs dans le
cadre, ou en étroite collaboration, avec les Centres de Références Maladies Rares (CRMR)
labellisés par le Ministère : les laboratoires de génétique de l’hôpital Trousseau à Paris
(Pr. Serge Amselem), de l’hôpital Cochin à Paris (Pr. Marc Delpech) et du CHRU de
Montpellier (Pr. Isabelle Touitou). Une fiche de recueil des données cliniques et biologiques des patients présentant une FRH a été réalisée par les cliniciens et les biologistes de ce
réseau. Son objectif est d’une part d’orienter au mieux les analyses moléculaires, et d’autre
part, de colliger les informations dans des bases de données de manière à pouvoir reprendre
a posteriori le diagnostic moléculaire en fonction des avancées des connaissances dans le
domaine. Conformément à la réglementation, les demandes d’analyses moléculaires doivent
également être accompagnées d’une attestation de recueil de consentement éclairé signé par
le médecin prescripteur (ou d’une copie du consentement signé par le patient et le médecin
prescripteur).
IDENTIFICATION DE NOUVEAUX GÈNES DE FRH
Le fait que des mutations des 5 gènes connus de FRH ne soient retrouvées que chez
un nombre limité de patients, et l’exclusion de l’implication de ces gènes dans certaines
formes familiales de FRH posent la question du rôle d’un ou plusieurs autres gènes dans
ces affections.
Les premiers gènes de FRHs ont été mis en évidence par des études de liaison génétique
basée sur l’étude de grandes familles ; cependant, ce type d’approche est aujourd’hui rendu
très difficile par le faible nombre de formes familiales encore inexpliquées et par la grande
hétérogénéité clinique des FRHs. Récemment, une approche « gènes candidats » a permis
d’impliquer NLRP12 dans deux familles dans lesquelles les cas index avaient initialement
été considérés comme des cas sporadiques [8].
D’autres méthodes peuvent être utilisées pour impliquer de nouveaux gènes en pathologie : la cartographie par homozygotie qui consiste à comparer les ADN d’une fratrie (malades et apparentés sains) issus de parents consanguins et la recherche de syndromes de gènes
contigus chez des patients présentant une forme syndromique de la maladie.
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I. JÉRU
CONTINUUM MALADIES AUTO-INFLAMMATOIRES / AUTO-IMMUNES,
MALADIES MENDÉLIENNES / MULTIFACTORIELLES
Les FRHs font partie des maladies auto-inflammatoires (MAI), celles-ci pouvant être
de transmission mendélienne ou d’origine multifactorielle. Hormis les FRHs, les MAI
mendéliennes comprennent le syndrome PAPA (Pyogenic sterile Arthritis, Pyoderma gangrenosum, and Acne), le syndrome de Majeed, le syndrome de Ghosal, le syndrome de Blau
et le syndrome DIRA (Deficiency of the Interleukin-1-receptor antagonist). Parmi les MAI
multifactorielles à composante génétique, la maladie de Crohn est l’une des plus fréquentes.
A ce propos, il faut noter que des mutations d’un même gène (NOD2) ont été impliquées à
la fois dans la susceptibilité à certaines formes de la maladie de Crohn et dans le syndrome
de Blau [17], ce qui montre que des affections mendéliennes rares et des maladies multifactorielles peuvent partager une base moléculaire commune.
D’autre part, des données récentes soutiennent l’existence d’un continuum clinique et
biologique entre les maladies auto-immunes et auto-inflammatoires [18]. A ce propos, la
famille des NLRs dont plusieurs gènes (NLRP3, NLRP7, NLRP12, NOD2) ont été associés
à des maladies auto-inflammatoires comprend également des gènes associés à des maladies
auto-immunes : ainsi, le gène CIITA a été impliqué dans le syndrome de lymphocytes nus et
NLRP1 dans la susceptibilité à plusieurs maladies auto-immunes associées au vitiligo.
CONCLUSION
L’analyse moléculaire des gènes connus de FRHs permet de faire un diagnostic direct
chez un certain nombre de patients présentant des signes évocateurs de cette sous-classe de
MAI. Les tests génétiques complètent donc utilement le diagnostic clinique, qui reste un
diagnostic d’exclusion, ce d’autant qu’il existe un traitement pour chacune de ces FRHs.
Par ailleurs, l’implication de ces gènes en pathologie a remis en cause la nosologie des FRHs,
les mutations d’un même gène (tel que NLRP3) étant associées à des entités cliniques différentes.
Les analyses moléculaires ne rendent compte de la maladie que chez un nombre limité de
patients, ce qui pose la question de l’implication d’autres gènes dans ces affections. A l’avenir, une meilleure connaissance des voies de signalisation impliquant les protéines de FRHs
pourrait permettre de déterminer les conséquences fonctionnelles des mutations, le plus
souvent faux-sens, identifiées chez les patients. Enfin, l’implication récente de deux gènes
de la famille des NLRs dans la physiopathologie des FRHs a également permis de mettre en
lumière de nouveaux liens entre l’immunité innée et la réponse inflammatoire.
Isabelle Jéru - Service de Génétique et d’Embryologie Médicales - UF de Génétique Clinique
et Moléculaire - Hôpital Armand-Trousseau, Paris - [email protected]
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DIAGNOSTIC GÉNÉTIQUE DES FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES
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RÉFÉRENCES
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ASPECTS BIOCHIMIQUES ET GÉNÉTIQUES DU SYNDROME
HYPER IGD : UNE FIÈVRE RÉCURRENTE HÉRÉDITAIRE DUE
À UN DÉFICIT EN MÉVALONATE KINASE, UNE ENZYME CLÉ
DE LA BIOSYNTHÈSE DU CHOLESTÉROL
par
L. CUISSET, B. BADER-MEUNIER
Le déficit en mévalonate kinase (MKD) comporte un large spectre de manifestations
cliniques et biologiques. La forme la moins sévère se manifeste par des épisodes de fièvres
récurrentes parfois associées à une hyperimmunoglobulinémie D ou HIDS (OMIM
260920), et la plus sévère à une acidurie mévalonique ou AM (OMIM 610377). Le rapprochement entre ces deux maladies de gravité très différente a été fait en 1999 lorsque l’on a
découvert qu’elles étaient toutes deux secondaires à des mutations du même gène MVK. Ce
gène code la mévalonate kinase, enzyme impliquée dans l’une des toutes premières étapes de
la biosynthèse du cholestérol (Figure 1a).
Le HIDS se caractérise par une fièvre élevée, > 39 °C pendant 3 à 7 jours accompagnée le
plus souvent d’adénopathies, douleurs abdominales, diarrhée, arthralgies, rash cutané. Des
vomissements, aphtes buccaux (et plus rarement génitaux), céphalées et pharyngites, splénomégalie peuvent également être présents (Figure 2). Un syndrome inflammatoire avec une
élévation de la CRP et de la vitesse de sédimentation est présent durant les crises et régresse à
distance de celles-ci dans la plupart des cas. La maladie débute dans l’enfance, généralement
avant l’âge de 5 ans et les crises peuvent être notamment déclenchées par la vaccination [1].
L’acidurie mévalonique désigne la forme grave du spectre clinique. La maladie débute dès les
premiers jours/mois de vie et aux signes précédents s’ajoutent un retard psychomoteur, un
retard de croissance, une dysmorphie, un déficit visuel évolutif (cataracte), une ataxie cérébelleuse progressive. Moins de 40 cas ont été rapportés dans la littérature, dont une grande
majorité est décédée avant l’âge de deux ans [2].
ASPECTS BIOCHIMIQUES
IgD sériques
Une élévation de la concentration d’IgD sériques (> 100 UI/L) a été rapportée de
manière systématique dans la description initiale du HIDS en 1983 [3], ce qui lui a
d’ailleurs valu son nom [4]. Cependant, on sait aujourd’hui que de nombreux patients
présentent un taux normal, même pendant les crises et c’est pourquoi le meilleur critère
diagnostique actuel n’est pas le dosage des IgD [5] ; l’acronyme HIDS devrait donc être
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L. CUISSET, B. BADER-MEUNIER
amené à disparaître au profit de MKD. Une élévation importante concomitante des IgA est
aussi observée chez la plupart des patients.
Mévalonaturie
Le dosage du substrat de l’enzyme (acide mévalonique ou mévalonate) est retrouvé
anormalement élevé dans l’urine de patients HIDS pendant les crises, mais est strictement
normal en dehors (Figure 1a). Il doit donc être exclusivement réalisé lors d’un pic fébrile.
Cette élévation étant cependant modérée, il est recommandé de la doser au décours d’un
épisode fébrile nocturne ; le prélèvement pouvant être conservé congelé jusqu’au dosage.
Une valeur supérieure à 5 fois la normale est à ce jour très en faveur du diagnostic et pourra
être complétée par une étude génétique. Pour les valeurs comprises entre 1,3 et 5 un second
dosage doit être réalisé. Il s’agit d’un excellent test de screening.
La mévalonaturie des patients atteints de la forme sévère AM est constitutivement élevée avec des taux supérieurs à 1 000 fois la normale.
Activité de la mévalonate kinase
Le dosage de l’activité enzymatique n’a pas besoin d’être mesuré au décours d’une crise,
l’activité enzymatique étant effondrée pendant et en dehors des crises. L’activité résiduelle
dans les formes HIDS est classiquement de 5-10 %, tandis qu’elle est quasi nulle chez les
patients atteints d’acidurie mévalonique (Figure 1a). Cependant, certains patients HIDS
peuvent présenter un dosage proche de 2 % a priori sans que cela ne présage de la gravité de
la maladie, le pourcentage étant en effet calculé par rapport à la valeur du témoin du jour
pour lequel des variations ont été observées (population, conservation, mortalité cellulaire
pendant le transport…).
ASPECTS GÉNÉTIQUES
Sur le plan génétique, la maladie se transmet sur le mode autosomique récessif. En
France, les patients HIDS sont essentiellement présents dans les populations caucasiennes
et maghrébines et moins de 70 cas ont été diagnostiqués en France entre 2001 et 2010.
Environ 200 cas de HIDS dus à un déficit en mévalonate kinase ont été rapportés dans la
littérature essentiellement en Hollande mais aussi en Grande-Bretagne, en Allemagne, en
Italie, en République Tchèque, en Turquie, au Japon et aux Etats-Unis [6].
Le gène responsable du HIDS a été identifié simultanément en 1999 par deux approches
différentes. La première, issue d’une collaboration franco-hollandaise, a consisté en une
étude de liaison génétique portant sur 17 familles qui a permis de localiser la région chromosomique impliquée en 12q24, puis de trouver des mutations dans le gène de la mévalonate
kinase qui se trouvait dans l’intervalle défini [7]. La seconde approche, par une équipe hollandaise, a reposé sur l’étude des acides organiques urinaires et plasmatiques de patients en
crise qui a permis de visualiser l’augmentation de mévalonate [8].
Un peu plus de 90 mutations ont été rapportées à ce jour. Elles se répartissent sur
l’ensemble de la protéine et sont essentiellement de type faux-sens, ce qui conduit au remplacement d’un acide aminé par un autre. Quelques rares délétions ont été rapportées, ainsi
que 5 mutations non-sens qui donnent naissance à une protéine tronquée en raison du
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ASPECTS BIOCHIMIQUES ET GÉNÉTIQUES DU SYNDROME HYPER IGD
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remplacement d’un acide aminé par un codon stop. Un recueil des mutations est disponible
sur le site INFEVERS (http://fmf.igh.cnrs.fr/ISSAID/infevers/) [9]. La transmission étant
récessive, les patients sont le plus souvent porteurs de deux mutations à l’état hétérozygote
(hétérozygote composite) et plus rarement porteurs d’une mutation à l’état homozygote. La
mutation V377I est de loin la plus fréquente des mutations retrouvées dans la forme HIDS,
puisqu’elle constitue l’une des deux mutations portée par 70 % des patients, suggérant un
effet fondateur.
ELÉMENTS DE PHYSIOPATHOLOGIE
La mévalonate kinase succède à la HMG-CoA réductase dans la voie de biosynthèse
du cholestérol, et convertit le mévalonate en mévalonate-phosphate (Figure 1b). Lorsque
l’enzyme est fortement déficitaire, le mévalonate s’accumule et est retrouvé constitutivement dans les urines comme observé dans les formes sévères d’acidurie mévalonique. Dans
les formes HIDS, le mévalonate ne s’accumule à un seuil détectable qu’au moment d’une
crise. Cette observation a trouvé un début d’explication suite à la découverte de la sensibilité
de la mévalonate kinase aux élévations de température. En effet, il a été montré sur des cellules en culture de témoins que l’activité de l’enzyme décroît fortement lorsque les cellules
sont cultivées à 40 °C. Cette découverte a permis d’établir un modèle de physiopathologie
suggérant que le déclenchement d’une crise chez le patient HIDS pourrait faire suite à un
événement provoquant une élévation de température, qui aurait comme effet d’effondrer
momentanément l’activité enzymatique déjà fortement diminuée de la protéine mutée.
Des expériences de complémentation cellulaires par des dérivés isoprènes, suite au blocage
de la voie métabolique par des statines en amont de la mévalonate kinase, ont démontré un
effet pro-inflammatoire (augmentation de la sécrétion d’Il-1 beta) du déficit en isoprènes.
L’ajout de dérivés isoprènes comme le farnésyl ou le géranyl-géranyl à des protéines intracellulaires constitue une modification importante dont l’un des rôles démontré est de permettre
l’ancrage au sein de la membrane plasmique. Les protéines de la famille des petites protéines
G sont connues pour subir cette modification post-traductionnelle.
STRATÉGIE DIAGNOSTIQUE
La stratégie diagnostique courante consiste à rechercher une anomalie biochimique
avant de procéder à l’étude génétique, et ce tout particulièrement chez l’adulte. En première
intention, il s’agira donc de faire doser l’acide mévalonique urinaire en période fébrile. Si
cette valeur est élevée une recherche de mutation du gène MVK sera effectuée. En cas de
difficultés diagnostiques persistantes, un dosage d’activité enzymatique sera effectué.
Mévalonaturie
La pratique la plus simple consiste à proposer au patient de collecter puis congeler ses
urines du matin après un pic fébrile nocturne, puis de les apporter (toujours congelées) au
médecin prescripteur qui organisera l’analyse par un laboratoire spécialisé. Dans la journée,
la miction doit impérativement être collectée au cours d’un pic fébrile, si possible lorsque
l’élévation de température est la plus importante. Dix laboratoires académiques de diagnostic référencés sur la page « acidurie mevalonique » du site orphanet (http://www.orpha.
net/) proposent ce dosage en France.
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Activité de la mévalonate kinase
Dans le cas d’un dosage enzymatique, le prélèvement de 5-10 ml de sang total sur EDTA
doit être accompagné d’un témoin du jour et parvenir au laboratoire sous 24 h à température ambiante. Il peut avoir lieu pendant ou en dehors d’une crise et est préférentiellement
réservé aux enfants car un seul laboratoire réalise ce test pour toute la France (Service des
Maladies Héréditaires du Métabolisme, GHU centre de biologie EST à BRON 04 72 12 96
32 Dr Cécile ACQUAVIVA)
Recherche de mutations
Le test génétique doit être réalisé, si la valeur d’acide mévalonique urinaire est élevée.
Cette attitude peut cependant être discutée au cas par cas en fonctions des difficultés rencontrées.
Le test est réalisé à partir d’un prélèvement de 5-10 ml sur EDTA qui doit être acheminé sous 48 h à température ambiante accompagné d’un recueil de consentement pour
diagnostic génétique.
Les mutations étant réparties sur l’ensemble de la protéine, il est nécessaire de séquencer
la totalité des 10 exons du gène codant la mévalonate kinase pour identifier les deux mutations causales. Trois laboratoires de génétique référencés sur le site orphanet proposent
l’analyse par biologie moléculaire (Montpellier CHRU Arnaud de Villeneuve ; Paris GHU
Cochin ; Paris CHU Trousseau).
Laurence CUISSET, Brigitte BADER-MEUNIER
Laboratoire de Biochimie et Génétique Moléculaire - Hôpital Cochin - 75014 Paris
Service d’Immunologie-Hématologie - Hôpital Necker - 75015 Paris
Auteur correspondant : Laurence CUISSET - [email protected]
RÉFÉRENCES
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ASPECTS BIOCHIMIQUES ET GÉNÉTIQUES DU SYNDROME HYPER IGD
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Figure 1
(a) voie métabolique impliquant la mévalonate kinase.
acétyl CoA + acétoacétyl CoA
HMG CoA
HMG CoA reductase
mévalonate
dosage urinaire
mévalonate kinase
dosage sur lympho
ACCUMULATION
mévalonate-P
mévalonate-P-P
mévalonaturie
Activité MK
Témoin
HIDS
MA
100%
10%
<1%
géranyl-P-P
Témoin : nulle
HIDS : augmentée
EN CRISE
MA
: augmentée en
permanence
farnésyl-P-P
CHOLESTEROL
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L. CUISSET, B. BADER-MEUNIER
(b) En raison de la thermosensibilité de la mévalonate kinase, la crise du patient HIDS serait déclenchée par
une élévation de température suite à une vaccination, un stress, un effort physique, une infection (…) qui aurait
pour effet d’effondrer une activité enzymatique déjà affectée par la présence des mutations. Une accumulation
temporaire de mévalonate est alors détectable dans l’urine du patient. Le modèle physiopathologique
actuel propose que la crise entraîne alors un déficit provisoire en métabolites d’aval (grisés), impliquant
notamment une diminution en dérivés isoprènes, constituants habituels de certaines protéines modifiées posttraductionnellement (farnésylation, géranyl-géranylation).
HIDS et excrétion de mévalonate
HMG CoA
HMG CoA reductase
mévalonate
Excrétion +
mévalonate kinase
mévalonate-P
mévalonate-P-P
géranyl-P-P
crise
farnésyl-P-P
Dérivés isoprènes :
. Protéines Farnesylees
. Protéines GeranylGeranylées
CHOLESTEROL
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ASPECTS BIOCHIMIQUES ET GÉNÉTIQUES DU SYNDROME HYPER IGD
77
Figure 2. Atteintes cliniques et biologiques initiales et cumulatives
au cours des poussées fébriles chez 49 patients français porteurs de déficit en mévalonate kinase
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PRISES EN CHARGE THÉRAPEUTIQUES DES FIÈVRES
RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES
par
B. NEVEN
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Les efforts menés ces dernières années pour comprendre les bases génétiques et immunologiques de ces maladies auto-inflammatoires et en particulier des fièvres héréditaires ont
abouti à l’application de nouvelles thérapeutiques ciblées transformant radicalement la vie
et le pronostic de ces malades, offrant par ailleurs un très bel exemple de recherche translationnelle. De ces travaux, il apparaît que l’IL-1β joue un rôle crucial dans nombre de ces
pathologies, sa production étant directement ou indirectement dérégulée. Les bénéfices thérapeutiques apportés par les anti-IL-1 ont permis de confirmer le rôle essentiel joué par cette
cytokine pro-inflammatoire dans ce contexte. En effet, ces molécules sont remarquablement
efficaces dans nombreuses de ces pathologies en particulier dans les CAPS (Cryopyrine associated periodic syndrome) et le DIRA (deficiency of Interleukin 1 Receptor Antagonist),
deux maladies auto-inflammatoires directement IL-1 médiées. Ces molécules sont également potentiellement intéressantes dans les fièvres héréditaires partiellement IL-1 médiées
telles que la fièvre méditerranéenne familiale (FMF), le syndrome hyper IgD ou le PAPA
syndrome (Pyoderma Gangrenosum Acne and Pyogenic Arthritis)(table 1).
La découverte des gènes impliqués dans les fièvres récurrentes héréditaires et la fonction
des protéines mutées dans ces maladies ont fait évoluer notre compréhension des phénomènes inflammatoires locaux et généraux. En particulier, la compréhension du rôle joué par
l’activation et la sécrétion inappropriée de l’IL-1 dans ce contexte a fait évoluer la compréhension physiopathologique d’un nombre croissant de pathologies fréquentes comme par
exemple la maladie de Still ou la goutte, ou d’autres pathologies initialement considérées
comme non immunologiques comme le diabète de type II ou l’athérosclérose.
Dans ce chapitre, nous aborderons les aspects thérapeutiques des fièvres récurrentes sous
un angle physiopathologique, en traitant des pathologies directement ou indirectement IL-1
médiées ainsi que du TRAPS (TNF receptor associated periodic syndrome).
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B. NEVEN
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PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE DES PATHOLOGIES
AUTO-INFLAMMATOIRES IL-1 MÉDIÉES
Les CAPS (cryopyrine associated periodic syndrome)
Jusqu’à récemment, la prise en charge thérapeutique des CAPS était difficile. Dans
l’urticaire familial au froid, le pronostic vital est bon mais la répétition des épisodes inflammatoires peut avoir des répercussions sur la qualité de vie de ces patients. La prise d’antiinflammatoires non stéroïdiens ou de corticoïdes au début des crises permet d’atténuer
l’intensité et la durée des symptômes.
Dans le syndrome de Muckle-Wells, les épisodes inflammatoires peuvent être traités
de façon symptomatique par anti-inflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens mais ces
traitements ne modifient pas la survenue des complications à long terme telles que la surdité
ou l’amyloïdose.
Dans le CINCA (syndrome chronique infantile neurologique cutané articulaire) en
particulier ses formes sévères, l’évolution paraît peu influencée par les thérapeutiques. Les
corticoïdes agissent partiellement sur la fièvre et les douleurs mais des traitements prolongés
sont nécessaires entraînant une corticodépendance et de nombreux effets secondaires.
Les données récentes génétiques et physiopathologiques des CAPS soulignent le rôle
central de l’IL-1-β dans les manifestations inflammatoires de ces pathologies, faisant de
cette cytokine, la cible thérapeutique idéale.
En effet, la protéine NALP3 (NLRP3, cryopyrine) mutée dans les CAPS intervient
au sein d’un macrocomplexe protéique intracytoplasmique appelé inflammasome (fig 1).
L’activation de ce macrocomplexe aboutit à l’activation de la caspase 1 qui clive ensuite le
pro-IL-1β en IL-1β, la forme active, pro-inflammatoire. L’inflammasome peut être triggé
par un large éventail de signaux de danger tels que les PAMPs (pathogen associated molecular patterns) (composants microbiens conservés entre espèces) ou DAMPs (danger associated molecular patterns) tel que des cristaux inorganiques (cristaux de silice, d’acide urique
ou d’asbeste) ou des messages de danger endogènes tels que l’ATP, des fragments d’ADN
ou d’ARN libérés par la cellule stressée ou en train de mourir [1-3]. La protéine NALP3
(NLRP3/cryopyrine) joue en quelque sorte, le rôle de senser intra-cellulaire de danger. Le
parallélisme peut être fait avec les Toll-like recepteurs (TLR) qui jouent ce rôle, pour la plupart, en extra-cellulaire. NALP3 et plus généralement la famille des NALP à laquelle cette
protéine appartient partage d’ailleurs un domaine protéique avec les TLR, le domaine riche
en leucine. Les NALP et les TLR jouent un rôle essentiel dans l’immunité innée.
Ces mutations du gène CIAS1 retrouvées dans les CAPS confèrent un gain de fonction
à la protéine, ce qui se traduit par une dérégulation de l’activation de l’inflammasome et une
hyperproduction d’IL-1β, comme l’ont montré des études ex vivo sur cellules mononuclées
de ces malades.
La démonstration du rôle central de l’IL-1 dans les manifestations inflammatoires des
CAPS a ouvert des perspectives thérapeutiques nouvelles visant à cibler spécifiquement cette
cytokine. L’anakinra (kineret), forme recombinante du récepteur-antagoniste de l’IL-1, a
été la première drogue anti-IL-1 proposée aux patients atteints de CAPS. Ce médicament
a initialement été développé pour freiner la réaction inflammatoire délétère dans les chocs
septiques. Il a ensuite été utilisé dans le traitement de l’arthrite rhumatoïde chez l’adulte. Sa
demi-vie est courte, ce qui nécessite des injections sous-cutanées quotidiennes. Depuis, des
anti-IL-1 de nouvelles générations avec une haute affinité et une plus longue demi-vie ont
vu le jour. Le Rilonacept (Arcalyst) correspond à une forme recombinante du récepteur à
l’IL-1. Sa demi-vie de 8 j permet une injection hebdomadaire. Le canakinumab (Ilaris) est
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PRISES EN CHARGE THÉRAPEUTIQUES DES FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES
81
un anticorps monoclonal anti-IL-1. Sa demi-vie est de 3 semaines, permettant une injection
toutes les 4 à 8 semaines (fig 2).
Anakinra dans les CAPS
La remarquable efficacité de l’anakinra (Kineret), une forme recombinante du récepteur
antagoniste de l’IL-1-β, a tout d’abord été montrée chez 2 patients atteints de syndrome
de Muckle Wells [4]. Ces résultats ont ensuite été confirmés chez un groupe plus large de
malades atteints de formes modérées de CAPS (Urticaire familial au froid et syndrome de
Muckle Wells) [5, 6]. Chez ces patients, l’administration sous-cutanée quotidienne d’anakinra a permis de faire disparaître la fièvre, les signes généraux et le syndrome inflammatoire
biologique dès les premiers jours après instauration du traitement et ce, de façon durable.
Le taux plasmatique de SAA s’est normalisé, s’accompagnant d’une baisse significative
de la protéinurie et du syndrome néphrotique à condition que le traitement soit instauré
précocement, avant l’installation de lésions rénales irréversibles [6, 7]. Une amélioration de
l’acuité auditive est également rapportée sous traitement chez certains patients [8]. La dose
généralement recommandée chez l’adulte est de 100 mg/j en une injection sous-cutanée
quotidienne. De faibles doses sont parfois suffisantes chez les adultes présentant des formes
modérées de CAPS (0,3 mg/kg/j ou 1 mg/kg/2 jours) [6].
Les effets du Kineret dans le CINCA sont également remarquables comme le montre
une étude portant sur dix-huit enfants traités par 1 à 2 mg/kg/j de kineret [9]. Les signes
généraux et le syndrome inflammatoire disparaissent en quelques jours, les paramètres
inflammatoires au niveau du système nerveux (hypertension intracrânienne, cellularité, protéinorachie) sont améliorés après 3 à 6 mois de traitement, la qualité de vie de ces malades
est très améliorée. L’atteinte articulaire hypertrophiante ne semble par contre pas influencée
par ce traitement. Dans notre expérience, les doses d’anakinra nécessaires au contrôle des
manifestations inflammatoires, en particulier au niveau du SNC chez les patients souffrant de CINCA sont supérieures aux doses utilisées dans les formes modérées de CAPS,
comprises entre 2 et 5 mg/kg/j en 1 voire 2 injections sous cutanées quotidiennes chez
les très jeunes enfants (< 2 ans). L’adaptation de la dose se fait en fonction de la réponse
clinique et biologique. Il faut viser le contrôle des symptômes, en particulier des céphalées,
la normalisation complète et durable des paramètres biologiques y compris de la SAA, utile
au suivi de ces patients. Il faut également viser une disparition de l’œdème papillaire et
une normalisation ou amélioration significative des paramètres inflammatoires du liquide
céphalorachidien [10].
Rilonacept et CAPS
Le rilonacept (IL-1 trap) (Arcalyst) est une protéine de fusion entre la partie extracellulaire du récepteur à l’IL-1, la protéine accessoire du récepteur à l’IL-1 avec un fragment
Fc d’une Ig G1 humaine. Une étude randomisée en double aveugle portant sur 47 patients
adultes atteints d’urticaire familial au froid ou de syndrome de Muckle Wells a montré la
remarquable efficacité de ce traitement (dose de 160 mg/semaine en sous-cutané) dans le
contrôle des symptômes cliniques et des marqueurs biologiques d’inflammation. La tolérance était également bonne. Des infections mineures étaient signalées [11]. Le rilonacept
est approuvé par la FDA (Food Drug Administration) aux Etats-Unis pour le traitement de
l’urticaire au froid et du syndrome de Muckle Wells chez les patients de plus de 11 ans.
Canakinumab et CAPS
Le canakinumab (Ilaris) est un anticorps monoclonal humain anti-IL-1β spécifique
de cette cytokine, sans réactivité croisée avec d’autres membres de la famille de l’IL-1, en
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particulier IL-1α ou l’IL-1Ra. Son efficacité dans les CAPS a été confirmée au cours d’une
étude de phase III comparative, randomisée et en double aveugle chez 35 patients âgés de
plus de 4 ans, majoritairement adultes. Une injection (2 mg/kg si poids < 40 kg ou 150 mg
chez l’adulte) toute les 8 semaines a permis une mise en rémission chez 90 % des malades
(normalisation des symptômes cliniques, de la CRP et de la SAA). La tolérance au traitement était bonne, les principaux effets secondaires rapportés étaient infectieux (absence
d’infections sévères), 3 patients ont également présenté des vertiges. Les effets du traitement
sur les atteintes neurologiques n’ont pas été évalués [12]. La diffusion méningée du produit
n’est pas connue. Le canakinumab a obtenu récemment l’autorisation de mise sur le marché
dans le traitement des CAPS chez les patients de plus de 4 ans et est également reconnu par
la FDA dans ces mêmes indications. Son évaluation chez les enfants de < 4 ans est actuellement en cours.
Ciblé l’IL-1β avec des molécules de haute affinité et de longue demi-vie comporte un
risque infectieux potentiel. En effet, l’IL-1 est une cytokine pro-inflammatoire clé dans la
défense antibactérienne. Ce risque est particulièrement à prendre en compte chez les jeunes
enfants dont le système immunitaire est immature vis-à-vis des germes encapsulés.
DIRA
Le déficit en récepteur antagoniste de l’IL-1 est une forme autosomique récessive de
maladies auto-inflammatoires récemment décrites [13]. Les manifestations inflammatoires
au niveau de la peau et des os débutent très précocement, dès la naissance ou dans les premières semaines de vie. L’anakinra, forme recombinante de l’IL-1RA est remarquablement
efficace chez ce groupe de malades.
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE DES PATHOLOGIES AUTOINFLAMMATOIRES PARTIELLEMENT IL-1 MÉDIÉES
Fièvre méditerranéenne familiale (FMF)
La FMF est la plus fréquente de ces fièvres récurrentes héréditaires. Elle est autosomique
récessive. Le traitement de référence de la FMF, visant à faire disparaître les accès fébriles et
prévenir l’amyloïdose, repose sur la colchicine.
Les extraits de colchique sont utilisés depuis le premier siècle dans le traitement de la
goutte pour ses effets anti-inflammatoires et le soulagement de la douleur que cela provoque.
Son efficacité est reconnue dans la FMF depuis 1972 en prévention des accès fébriles et de
l’amylose [14]. En prise quotidienne, elle permet d’obtenir une rémission complète ou une
amélioration significative dans 85 % des cas. En cas de non efficacité, se pose toujours la
question de la compliance, les résistances « vraies » sont rares.
La dose de colchicine ne s’ajuste pas en fonction du poids. En dessous de 5 ans, la dose
habituellement recommandée est de 0,5 mg en prise orale quotidienne, 1 mg/j entre 5 et 10
ans et entre 1 et 1,5 mg/j au-delà de 10 ans. En cas de persistance des symptômes, la dose
peut être majorée par palier de 0,25 ou 0,5 mg sans dépasser une dose journalière de 2,5 mg
chez l’adulte.
Le but du traitement est de permettre la prévention des épisodes inflammatoires mais
également de contrôler l’inflammation sub-clinique entre les crises. Il est donc important de
contrôler l’absence de syndrome inflammatoire « à froid ».
La colchicine se fixe à la β-tubuline, inhibant ainsi la polymérisation des microtubules
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et la mitose des polynucléaires dans lesquels elle s’accumule. Elle diminuerait également
l’expression de molécules d’adhésion et de facteurs chemoattractants, majorant ainsi ses
effets anti-inflammatoires.
La tolérance du traitement par colchicine est généralement bonne. Les principaux effets
secondaires sont gastro-intestinaux (douleurs abdominales, diarrhée). Ils peuvent s’observer en début de traitement et sont facilement maîtrisables en fractionnant la dose ou en
augmentant progressivement la dose par paliers. Leucopénie et thrombopénie sont rares
et généralement réversibles à l’arrêt du traitement. La colchicine peut exceptionnellement
entraîner une neuromyopathie se manifestant par une faiblesse des racines des membres, des
douleurs musculaires et biologiquement, une augmentation des CPK.
La colchicine est métabolisée au niveau hépatique via le cytochrome P450. Certaines
associations médicamenteuses peuvent donc entraîner une augmentation du taux sérique de
colchicine et un surdosage.
L’intoxication aiguë à la colchicine est gravissime et entraîne une défaillance hépatique et
rénale ainsi qu’une insuffisance médullaire. La colchicine est un médicament non dialysable.
La toxicité potentielle de la colchicine sur les fonctions gonadiques a longtemps été
débattue. Il n’y a cependant pas d’altération de la spermatogenèse aux doses usuelles. La colchicine peut être maintenue pendant la grossesse, ce d’autant que les accès inflammatoires
augmentent le risque de fausse couche. De même, l’allaitement n’est pas contre-indiqué.
Alternatives à la colchicine : des données récentes de la littérature suggèrent que l’IL-1
joue un rôle important dans la physiopathologie de la fièvre méditerranéenne familiale.
La pyrine/marénostrine sauvage jouerait un rôle régulateur au niveau de l’inflammasome
NALP3 par un mécanisme encore débattu. Les mutations de cette protéine entraîneraient
une perte de cet effet anti-inflammatoire et une augmentation de la production d’IL-1 [3].
Quelques cas rapportés dans la littérature suggèrent une bonne efficacité de l’anakinra dans
le traitement des FMF réfractaire à la colchicine [15, 16].
Hyper IgD
Le syndrome Hyper IgD est une pathologie autosomique récessive liée à un déficit partiel en mévalonate kinase, un enzyme clé dans la voie de biosynthèse du cholestérol à partir
de l’acétyl, coenzyme A. Ce serait la dérégulation de la production d’acides isoprénoiques,
un des métabolites d’aval qui serait responsable de l’activation de la GTPase RAC1, ellemême capable d’induire l’activation de la caspase 1 et la production l’IL-1β [3].
Le traitement du syndrome Hyper IgD n’est pas standardisé. Les anti-inflammatoires
non stéroïdiens ou des faibles doses de stéroïdes sont utiles au moment des poussées pour
traiter la fièvre et les douleurs. Les traitements immunosuppresseurs n’ont pas fait la preuve
de leur efficacité, de même que la colchicine.
Les biothérapies ciblant le TNFα ou l’IL-1 ont été essayées dans le syndrome Hyper IgD.
Quelques cases report font état de l’efficacité de l’étanercept et de l’anakinra [17, 18].
PRISES EN CHARGE THÉRAPEUTIQUES DES AUTRES FIÈVRES
RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES
TRAPS
Cette forme autosomique dominante de fièvre récurrente est liée à une mutation du
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gène TNFRSF1A. La protéine mutée, mal repliée s’accumulerait dans le réticulum endoplasmique et serait responsable de l’activation des MAP kinases et de la voie NF-κB, ce qui
aboutit au final à la production de cytokines pro-inflammatoires (TNFa, IL-1, IL-6…) [3].
Les accès fébriles du TRAPS sont habituellement cortico-sensibles. L’utilisation des
corticoïdes permet de réduire l’intensité et la durée des symptômes bien qu’une corticodépendance soit fréquente. Leur utilisation ne permet pas de prévenir la survenue des épisodes
fébriles. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ont une place dans le traitement symptomatique des poussées fébriles. La colchicine semble peu efficace pour prévenir les accès
inflammatoires, les immunosuppresseurs n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Les biothérapies ont une place dans le traitement du TRAPS. Il reste cependant de
nombreuses questions ouvertes : quel traitement ? Quand faut-il commencer ? Faut-il envisager un traitement de fond ou un traitement des poussées ? Les données de la littérature
ne permettent pas de répondre de façon univoque à ces questions, puisqu’elles concernent
essentiellement des cas isolés ou des petites séries. De plus, la rareté de ce syndrome rend
les études randomisées difficiles. L’étanercept (Embrel) semble avoir une efficacité chez
certains patients seulement, avec malheureusement chez certains d’entre eux, une perte
d’efficacité dans le temps. Des réactions inflammatoires paradoxales ont été décrites avec
l’infliximab (Remicade) et l’adalimumab (Humira).
Les anti-IL-1 ont certainement une place dans la prise en charge thérapeutique du
TRAPS comme le laissent suggérer quelques cases report signalant l’efficacité de l’anakinra
dans ce contexte (Kineret) [19] [20, 21].
CONCLUSIONS
L’identification des bases génétiques et physiopathologiques des fièvres récurrentes
héréditaires a apporté des bénéfices thérapeutiques considérables dans la prise en charge de
ces pathologies. La production des cytokines pro-inflammatoires et en particulier de l’IL1β apparaît directement ou indirectement dérégulée. Les thérapeutiques innovantes ciblant
spécifiquement cette cytokine ont révolutionné la prise en charge des CAPS et sont également prometteuses dans d’autres formes de fièvre récurrentes héréditaires.
Les travaux récents portant sur ces maladies auto-inflammatoires offrent un bel exemple
de recherche translationnelle, la compréhension des mécanismes physiopathologiques ayant
permis d’apporter des solutions thérapeutiques innovantes et efficaces.
Bénédicte NEVEN
Unité INSERM U768 - Hôpital Necker-Enfants Malade - [email protected]
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TABLE 1 :
TRAITEMENT DE RÉFÉRENCE ET ALTERNATIVES THÉRAPEUTIQUES DES PRINCIPALES FIÈVRES
RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES APPARTENANT AUX SYNDROMES AUTO-INFLAMMATOIRES
SYSTÉMIQUES. AR : AUTOSOMIQUE RÉCESSIF, AD : AUTOSOMIQUE DOMINANT.
Mode de Traitement
transmission de référence
Alternatives
thérapeutiques
Gènes
Protéines
CIAS1
NLRP3/cryopyrin
AD
anti-IL-1
CIAS1
NLRP3/cryopyrin
AD,
sporadique
anti-IL-1
CIAS1
NLRP3/cryopyrin
sporadique,
AD
anti-IL-1
IL1RN
IL-1
receptor antagonist
AR
IL-1 RA
(anakinra)
FMF
MEFV pyrine/marenostrine
pathologies
autoinflammatoires
PSTPIP1
partiellement PAPA CD2BP1
IL-1 médiées
HyperMVK
Mevalonate kinase
IgD
AR
Colchicine
AD
corticoïdes,
anti-IL-1, anti TNF
AR
AINS, corticoïdes,
anti-IL-1, anti TNF
autres voies
proTRAPS TNFRSF1A
inflammatoires
AD
anti-TNF,
corticoïdes, anti-IL-1
FCAS
patholgies
MWS
autoinflammatoires
IL-1 médiées NOMID
DIRA
TNF receptor 1
anti-IL-1, anti TNF
en cas de résistance
à la colchicine
Figure 1 : NALP3 inflammasome
La cryopyrine/NALP3 est une protéine intracytoplasmique inactive au repos. Après avoir reçu un message de danger (DAMPs
ou PAMPs), la cryopyrine est activée et interagit avec d’autres protéines intracytoplasmiques (ASC, Caspase 1, cardinal) pour
former un macrocomplexe appelé inflammasome. La procaspase 1 est activée et transforme alors le pro-IL-1β
en sa forme active, l’IL-1β.
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Figure 2 : molécules anti-IL-1β
L’anakinra (Kineret) est la forme recombinante de récepteur antagoniste l’IL-1.
Le rilonacept (Arcalyst) est une protéine de fusion entre la partie extracellulaire du récepteur à l’IL-1,
la protéine accessoire du récepteur à l’IL-1 avec un fragment Fc d’une Ig G1 humaine.
Le canakinumab (Ilaris) est un anticorps monoclonal humain anti-IL-1β.
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FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES À L’ÂGE ADULTE
par
K. STANKOVIC STOJANOVIC, G. GRATEAU
INTRODUCTION
Les spécificités des fièvres récurrentes héréditaires (FRH) à l’âge adulte sont surtout
représentées par les complications à long terme de ces maladies et de leurs traitements. Les
accès inflammatoires peuvent se modifier dans leur fréquence, intensité, site, mais leurs
caractéristiques ne sont pas différentes de celles décrites dans l’enfance. Certaines de ces
maladies peuvent avoir un début à l’âge adulte ; ces formes à révélation tardives doivent être
connues et évoquées par les médecins d’adulte.
L’AMYLOSE INFLAMMATOIRE
Il s’agit de la complication à long terme commune à toutes les FRH la plus grave car
potentiellement mortelle. Elle est de type inflammatoire ou AA. Les dépôts amyloïdes
sont essentiellement composés de la protéine AA issue du clivage de la protéine SAA dont
la concentration est considérablement augmentée lors des accès inflammatoires. Cette
amylose se localise préférentiellement dans les reins, parfois dans la muqueuse digestive, la
peau, la thyroïde, et plus rarement dans le cœur contrairement à l’amylose AL (amylose à
chaîne légère d’immunoglobuline). Sa fréquence, en dehors de tout traitement de la maladie
d’origine, est variable d’une FRH à l’autre et, dans chaque groupe de FRH, d’un groupe de
malades à l’autre. Les facteurs influençant la survenue de l’amylose ont surtout été décrits
dans la FMF : le sexe, le type de la mutation du gène responsable de la FMF, le génotype au
locus SAA1 et les facteurs environnementaux [1], mais également la concentration plasmatique de la SAA, correspondant à la persistance d’une inflammation chronique parfois
infraclinique [2].
Cette connaissance physiopathologique implique que la maladie soit contrôlée tant
sur le plan clinique (prévention de la récidive des accès inflammatoires) que sur le plan
biologique avec la négativation complète de la réaction inflammatoire sanguine mesurée
sur la CRP mais également sur la SAA, marqueur de l’inflammation peu utilisé en France,
dont la mesure devient un élément du suivi de ces malades au long cours. Il a été démontré que la mortalité (notamment par amylose) diminuait chez les malades dont la SAA
restait normale contrairement à ceux chez qui une réaction inflammatoire détectable dans
le sang persistait [3]. La localisation rénale étant la plus fréquente et la plus torpide, une
recherche au moins annuelle de protéinurie doit être réalisée. L’apparition de troubles du
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K. STANKOVIC STOJANOVIC, G. GRATEAU
transit inhabituels, notamment des diarrhées, chez un malade dont la FRH n’est pas bien
contrôlée, doit conduire à la réalisation d’une biopsie rectale à la recherche d’amylose. Les
autres localisations sont plus rares et surviennent généralement dans un contexte d’amylose
systémique déjà installée qui sera alors détectée par la présence d’une protéinurie ou d’une
atteinte digestive.
Le traitement de l’amylose est avant tout préventif par le contrôle strict de l’inflammation de la FRH ; Il est donc celui de la FRH en elle-même.
L’amylose peut aussi compliquer les autres fièvres récurrentes héréditaires de l’adulte :
cryopyrinopathies, TRAPS (TNF receptor associated periodic fever syndrome) et déficit
en mévalonate kinase. Les facteurs qui favorisent la survenue de l’amylose dans ces variétés
sont mal connus exceptées la durée et l’intensité de l’inflammation chronique. Certains cas
de maladies de ce groupe peuvent se révéler à l’âge adulte par une amylose inflammatoire et
en présence d’une amylose inflammatoire sans maladie sous-jacente bien caractérisée, il est
légitime de rechercher une fièvre récurrente héréditaire.
FERTILITÉ DANS LES FRH
Les FRH et leurs traitements étant débutés le plus souvent pendant l’enfance, les conséquences sur la fertilité sont une des préoccupations des malades atteignant l’âge adulte. La
fertilité, le déroulement des grossesses et l’influence de la grossesse sur l’évolution de la
maladie, l’attitude vis-à-vis des traitements de fond pendant la grossesse et l’allaitement, et
les risques tératogènes ont été étudiés essentiellement dans la FMF ; les données sont quasiinexistantes dans les autres FRH.
Fertilité masculine
Elle est peu altérée au cours de la FMF. Toutefois des cas de stérilité primaire ont été
décrits. La survenue de scrotite ou vaginalite testiculaire à répétition est une cause potentielle d’altération de la spermatogenèse. Par ailleurs, des cas d’azoospermie ont été liés à
la présence d’une amylose testiculaire survenue chez des patients non observants ou non
répondeurs à la colchicine et ayant également une amylose rénale [4].
La colchicine a été imputée de toxicité sur la spermatogenèse chez 4 des 19 patients
étudiés par Ehrenfeld en 1986 [5]. Cependant, cette observation n’a pas été confirmée par
les observations portant sur de larges cohortes [4]. Les tests chez les animaux montrent que
l’azoospermie survient pour des doses 30 à 50 fois supérieures à celles utilisées dans la FMF
[6]. La mobilité et la pénétration ovulaire des spermatozoïdes faisant intervenir les propriétés microtubulaires, des tests in vitro ont été réalisés sous colchicine montrant que ces
fonctions sont altérées pour des concentrations de colchicine 3000 fois supérieures à celles
obtenues après la prise orale des doses habituellement utilisées dans la FMF [7]. Chez le
volontaire sain, l’administration de colchicine pendant 4 à 6 mois n’entraîne non seulement
pas d’anomalie du sperme, mais également pas de modification des concentrations sériques
de testostérone, d’hormone lutéinisante (LH) et d’hormone gonadotrope (FSH) [8].
Fertilité féminine
Quelques cas de stérilité primaire ou secondaire ont été décrits, surtout avant l’ère de
la colchicine. Les explications sont diverses : adhérences pelviennes ou anomalies tubaires
secondaires aux poussées de péritonite lors des accès inflammatoires ou d’antécédents
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chirurgicaux [9], dysovulation dont le mécanisme n’est pas élucidé en l’absence de dosages
hormonaux et d’analyses histologiques [10].
Grossesse et fièvre méditerranéenne familiale
L’influence de la grossesse sur la fièvre méditerranéenne familiale est très variable d’une
femme à l’autre et d’une grossesse à l’autre : pour certaines, une rémission complète des
crises est maintenue tout le long de la grossesse, avec parfois un rebond des crises quelques
semaines après l’accouchement ou l’allaitement, chez d’autres, les crises sont plus fréquentes et/ou plus intenses, incitant à augmenter les doses de colchicine [11]. Chez les patientes
non traitées et atteinte d’amylose notamment rénale, la grossesse peut aggraver la progression de l’amylose et détériorer la fonction rénale [12].
Avant l’utilisation de la colchicine, le pourcentage de fausses-couches précoces était plus
élevé chez les patientes atteintes de FMF que dans la population générale (20-30 % et 15 %
respectivement) [13]. Sous colchicine, ce pourcentage a considérablement diminué, devenant semblable à celui de la population générale, les cas de fausses-couches spontanées, outre
les causes habituelles indépendantes de la FMF, concernant essentiellement des patientes
ayant des crises inflammatoires pendant leur grossesse du fait d’un arrêt ou d’une mauvaise
réponse au traitement.
Plusieurs cas de grossesses menées à terme avec succès chez des patientes atteintes
de FMF compliquée d’amylose rénale avec syndrome néphrotique ont été publiés. Ces
grossesses sont à risque d’aggravation de la fonction rénale, d’éclampsie, de thromboses
notamment des veines rénales, et d’avortement spontané, de retard de croissance intrautérin ou d’accouchement prématuré [14], imposant une surveillance accrue, un repos au
lit, une supplémentation protéique, de l’acide acétyl-salicylique et une adaptation de la dose
de colchicine [15]. Enfin, un cas de grossesse menée à terme avec succès chez une patiente
transplantée rénale pour amylose rénale sous traitement immunosuppresseur et colchicine,
a été publié [16].
L’effet tératogène de la colchicine a été suspecté suite à la survenue de cas de trisomie
21 chez des patientes recevant de la colchicine pour une arthrite goutteuse. Par la suite, le
passage transplacentaire de la colchicine a été démontré [17]. Dans la cohorte israélienne
de Tel Hashomer de patientes ayant une FMF débutant une grossesse sous colchicine, 8
cas d’anomalies chromosomiques ou malformations congénitales parmi 548 grossesses ont
été rapportés en 2005, ce qui était supérieur à l’incidence attendue dans cette population
mais la différence n’était pas statistiquement significative [18]. Le suivi à long terme des
enfants (6-10 ans) n’a pas montré de retard de croissance ou d’autre anomalie. Enfin, les
grossesses conçues par patients sous colchicine ont également été étudiées : une série initiale
a comporté 24 grossesses de pères traités par colchicine ; toutes ont été menées à terme
sans anomalie fœtale [19]. Ben Chetrit a confirmé ces résultats dans une étude incluant
222 grossesses de 53 patients sous colchicine au moment de la conception, montrant que le
nombre d’avortements spontanés et de malformations fœtales n’est pas augmenté comparé
à 788 grossesses de la population générale ou aux 64 grossesses de patients atteints de FMF
non traitée [20].
Il est donc maintenant admis que la colchicine n’induit pas d’anomalie chromosomique ni de toxicité sur la spermatogenèse, et doit être prise de façon ininterrompue lors de
la conception et tout le long de la grossesse [21,22]. De la même façon, il n’y a pas lieu de
réaliser de façon systématique une amniocentèse chez une femme enceinte atteinte de FMF
et prenant un traitement par colchicine au long cours en l’absence d’autres indications
habituelles de l’amniocentèse [21,22].
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K. STANKOVIC STOJANOVIC, G. GRATEAU
Il n’y a pas d’indication à réaliser une interruption médicale de grossesse et donc un
diagnostic prénatal de FMF par biologie moléculaire puisqu’il existe un traitement efficace
et que l’espérance et la qualité de vie des patients atteints et traités sont considérées comme
proches de celles de la population générale.
Allaitement et fièvre méditerranéenne familiale
La colchicine, molécule lipophile, passe dans le lait maternel à des concentrations
variables suivant sa composition [23], avec un pic de concentration 2 h après l’ingestion
de la colchicine par la mère puis une diminution progressive atteignant une concentration
diminuée de moitié 6 h après l’ingestion du médicament [24]. Ainsi, on estime que la dose
maximale ingérée par le bébé rapportée au poids est égale à 10 % de la dose ingérée par la
mère, en supposant que la biodisponibilité chez le bébé est de 100 % [25]. Aucun effet
secondaire de la colchicine n’a été observé chez ces enfants. Il est donc recommandé aux
femmes allaitantes de prendre leur traitement juste avant la tétée du soir afin de réduire au
mieux la dose ingérée par le bébé.
Conseil génétique
Il n’y a pas d’indication à réaliser une interruption médicale de grossesse et donc un
diagnostic prénatal de FMF par biologie moléculaire puisqu’il existe un traitement efficace
et que l’espérance et la qualité de vie des patients atteints et traités sont considérées comme
proches de celles de la population générale.
Etat des connaissances sur la fertilité et la grossesse
dans les autres fièvres récurrentes héréditaires
La littérature est quasi inexistante. De Hullu a rapporté 5 grossesses de mères atteintes
de HIDS : le déroulement a été normal donnant naissance à 5 enfants normaux. Il a été
observé une nette diminution des épisodes fébriles sans augmentation des IgD sériques pendant la grossesse, voire même une diminution chez une des patientes [26].
Il n’y a pas de cas rapporté de grossesse chez des patientes porteuses d’un TRAPS.
Concernant les anti-TNF, les études chez l’animal n’ont pas montré d’embryo-toxicité
ni tératogénicité. Les quelques cas de grossesses rapportées chez des patientes recevant ce
traitement dans des indications rhumatologiques n’ont pas eu de complication [27]. Il est
cependant recommandé d’arrêter ce traitement au moins 3 semaines avant la conception.
Si le traitement ne peut pas être interrompu, la surveillance de la grossesse et du développement pré et post-natal de l’enfant doit être rapprochée [22].
Dans le CINCA, en l’absence de traitement, les atteintes fonctionnelles et les déformations étant majeures et précoces, on conçoit que ces enfants, s’ils atteignent l’âge adulte, sont
en dehors de tout projet de maternité ou de paternité. Actuellement, l’utilisation de l’anakinra transformant la vie de ces patients, on peut imaginer que la question de la fertilité va
se poser. Il n’y a aucune donnée sur les effets de ce médicament sur la fertilité et pendant la
grossesse. On sait simplement que dans les maladies rhumatologiques telles que la polyarthrite rhumatoïde, l’amélioration de la maladie pendant la grossesse serait liée à l’inhibition
des cytokines inflammatoires [28]. On peut donc imaginer par analogie que l’utilisation
de l’anakinra, antagoniste de l’interleukine-1, indépendamment de sa tératogénicité ou
embryo-toxicité propre qui ne sont pas connues, protège la grossesse des complications liées
aux accès inflammatoires.
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FIÈVRES RÉCURRENTES HÉRÉDITAIRES À L’ÂGE ADULTE
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LES AUTRES COMPLICATIONS CHRONIQUES
Les complications fonctionnelles ne sont pas différentes de celles décrites chez l’enfant,
notamment les complications articulaires dans le CINCA, les conséquences psychiques et
sociales de ces maladies chroniques, évoluant par poussées dont la survenue est imprévisible,
pouvant entraver les activités quotidiennes et les projets de vie. L’atteinte auditive, oculaire
et neurologique dans les cryopyrinopathies semble être stabilisée voire améliorée au moins
partiellement par les traitements antagonistes de l’IL1 [29,30]. Des études à plus long terme
sont nécessaires pour confirmer cet effet.
DIAGNOSTIC À L’ÂGE ADULTE
Bien que les FRH soient pour une grande majorité des cas à début pédiatrique, il n’est
pas rare d’en faire le diagnostic à l’âge adulte, le délai moyen du diagnostic étant souvent de
plusieurs années avec une errance diagnostique fréquente. Par ailleurs, dans certains cas, les
premiers symptômes apparaissent à l’âge adulte. C’est le cas du TRAPS mais aussi de certaines formes de FMF, notamment dans les formes hétérozygotes qui sont souvent des formes
atténuées [31,32], l’âge de début restant cependant la plupart du temps avant 30 ans, très
rarement dans la 4ème ou 5ème décennie. En revanche, les cryopyrinopathies et les syndromes
périodiques liés à un déficit en mévalonate kinase sont toujours, en tous cas dans leur définition actuelle, à début pédiatrique, voire même dans les premiers jours de vie.
CONCLUSION
Après la période de confirmation diagnostique et d’instauration des traitements à l’âge
pédiatrique, le principe du suivi des FRH chez lez adultes est la détection des complications
à long terme et le suivi des traitements, leurs complications éventuelles et l’observance au
long cours. La période de transition entre l’adolescent et le jeune adulte est un moment fragile où il existe un risque d’interruption du suivi médical et des traitements. Pour y pallier,
une collaboration entre les services pédiatriques et médecins d’adulte est indispensable afin
d’assurer une continuité des soins et instaurer une relation de confiance dans la nouvelle
équipe, un des moyens étant l’organisation de consultation « de transition » réunissant le
jeune patient, son pédiatre et le médecin adulte qui prendra le relais du suivi. Enfin, il ne
faut pas méconnaitre les formes de FRH à début tardif et savoir évoquer et rechercher ce
diagnostic chez un adulte.
K. Stankovic Stojanovic, G. Grateau
Centre de référence des amyloses d’origine inflammatoire et de la fièvre méditerranéenne familiale, Hôpital Tenon,
Université Pierre et Marie-Curie, Paris
Auteur correspondant :
Katia Stankovic Stojanovic - Hôpital Tenon - Service de médecine interne - 4 rue de la Chine, 75970 Paris cedex
20 - [email protected]
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K. STANKOVIC STOJANOVIC, G. GRATEAU
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TABLE RONDE III
Imagerie aux Urgences
Organisateurs : Catherine Adamsbaum, Gérard Chéron
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INFECTIONS OSTÉO-ARTICULAIRES ET IMAGERIE
par
C. ADAMSBAUM, M. LAGADEC, L. MEZZETTA, P. WICART
Les infections ostéo-articulaires de l’enfant sont des urgences diagnostiques et thérapeutiques du fait des risques septiques et des séquelles fonctionnelles qui peuvent être majeurs,
surtout chez un enfant jeune (Fig. 1).
Nous reprendrons ici la terminologie habituellement utilisée : l’ostéomyélite est définie
comme une infection de la moelle osseuse après dissémination par voie hématogène ; l’ostéite correspond à une atteinte de l’os cortical consécutive à une inoculation directe ; l’ostéo-arthrite associe à une infection métaphysaire, une atteinte de l’articulation adjacente.
Une arthrite est une infection primitive de la synoviale.
L’imagerie a un intérêt majeur en matière d’infection ostéo-articulaire car les résultats
des prélèvements sanguins et osseux sont positifs chez moins de la moitié des enfants.
La stratégie diagnostique en imagerie des infections ostéo-articulaires est assez bien codifiée et repose en premier lieu sur des radiographies, toujours disponibles en urgence [1, 2].
L’OSTÉOMYÉLITE AIGUË
Particularités du squelette en croissance
La métaphyse est richement vascularisée du fait de l’activité métabolique liée à la croissance enchondrale, ce qui explique sa vulnérabilité à l’infection (Fig. 2) [3]. Les métaphyses
les plus touchées sont celles des os longs du fait de leur croissance rapide dans environ 3/4
des cas (genoux, poignets). Tous les os, y compris les os courts et les os plats, peuvent être
le siège d’une infection. Après l’âge de 18 mois, le cartilage de croissance constitue une
barrière relative à la diffusion de l’infection de la métaphyse vers l’articulation, mais les
nouveaux-nés et les nourrissons sont à risque de développer une ostéo-arthrite. De plus, le
siège intra-articulaire de certaines métaphyses comme celles du fémur, de l’humérus ou du
radius proximaux expose d’emblée, et à tout âge, à l’arthrite.
Enfin, chez l’enfant, le périoste est capable de se décoller, expliquant la possibilité d’abcès sous périosté par diffusion du processus infectieux au travers de la corticale. La rupture
du périoste peut entraîner un abcès des tissus mous. Les abcès sous périostés et des parties
molles nécessitent souvent un drainage chirurgical.
L’atteinte infectieuse du cartilage de croissance peut entraîner une fusion prématurée de
celui-ci. Si l’épiphysiodèse est centrale, il se produit un raccourcissement du segment osseux
atteint ; si l’épiphysiodèse est latérale, il se produit une déformation angulaire dépendant de
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C. ADAMSBAUM, M. LAGADEC, L. MEZZETTA, P. WICART
la topographie du point d’épiphysiodèse. L’arthrite peut se compliquer de nécrose épiphysaire, d’ankylose et/ou d’arthrose précoce (Fig. 1).
Stratégie radiologique devant une suspicion d’ostéomyélite aiguë [1, 4-8]
Les formes typiques d’ostéomyélite aiguë sont en fait rares actuellement. Ainsi, les signes
classiques (début brutal, fièvre élevée, impotence fonctionnelle et douleur métaphysaire
provoquée) sont rarement observés dans leur ensemble. Les indications d’imagerie dans
cette forme typique aiguë sont codifiées depuis 1995 [1] et le schéma global reste d’actualité
même si les techniques ont évolué.
Des radiographies de face et de profil sont systématiques et urgentes. Les signes les plus
précoces concernent les parties molles et sont souvent subtils, marqués par un effacement
des lignes graisseuses intermusculaires [4]. En réalité, ces signes sont très peu sensibles, n’ont
pas de spécificité et sont rarement décrits dans la pratique quotidienne.
Les premiers signes osseux à rechercher sont une déminéralisation discrète et hétérogène,
de siège métaphysaire, à limites floues, puis des appositions périostées, mais ils apparaissent
rarement avant une dizaine de jours d’évolution. Globalement, la sensibilité des radiographies est faible, de l’ordre de 70 %. Elles ont cependant l’énorme intérêt d’éliminer un autre
diagnostic (traumatisme, tumeur…) et il faut considérer qu’une radiographie normale dans
ce contexte est un argument diagnostique supplémentaire d’ostéomyélite aiguë.
La scintigraphie osseuse (biphosphonates marqués au Technetium 99M) est un examen
de deuxième intention, très sensible, effectué lorsque les radiographies sont normales et que
l’examen clinique n’est pas suffisamment précis pour orienter une IRM localisée. Il n’y a
pas d’indication de scintigraphie lorsque les signes cliniques sont évidents et/ou que les
signes radiographiques sont présents.
Actuellement, la scintigraphie tend à être substituée par l’IRM corps entier qui permet
une étude anatomique plus précise (Fig. 3). L’IRM corps entier se heurte cependant encore
à la nécessité d’une sédation chez les jeunes enfants et à l’accessibilité des machines.
La scintigraphie montre une hyperfixation et permet de différencier l’infection osseuse
d’une cellulite. La scintigraphie peut être responsable de faux négatifs : à un stade ultraprécoce, l’ischémie osseuse peut entraîner une hypo ou une isofixation, l’hyperfixation
physiologique d’une métaphyse normale chez l’enfant peut générer des faux négatifs et des
faux positifs. La scintigraphie n’a pas de spécificité et ne permet pas de différencier une
ostéomyélite d’une lésion traumatique voire d’une tumeur. Les autres types de scintigraphie
(Gallium ou leucocytes marqués) ne sont pas effectués en routine.
L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) n’est pas un examen systématique [1, 9].
Elle est actuellement réservée aux indications suivantes :
- alternative à la scintigraphie, notamment grâce aux séquences corps entier (séquences
frontales T1 et STIR). Les avantages par rapport à la scintigraphie sont la meilleure
résolution spatiale et la meilleure spécificité (Fig. 3),
- certains sites d’exploration difficile : bassin ou rachis, à la recherche d’un abcès intracanalaire (Fig. 4), bassin,
- absence de réponse clinique après 48 h d’antibiothérapie parentérale, à la recherche d’un
abcès ou d’une autre pathologie (tumeur),
- approche précoce du diagnostic d’atteinte du cartilage de croissance (épiphysiodèse).
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L’IRM est très sensible, mais peu spécifique dans la mesure où les modifications se traduisent toujours par une augmentation du contenu en eau liée à l’œdème et à l’inflammation (hyposignal en T1, hypersignal en T2 et STIR). L’injection intraveineuse de produit de
contraste (chélates de Gadolinium) n’est pas systématique et est inutile lorsque les séquences STIR sont négatives (Fig. 5) [2, 10]. L’injection a surtout un intérêt dans l’évaluation
d’un abcès et permet une meilleure analyse des complications (arthrite septique, abcès des
tissus mous, atteinte du cartilage de croissance). L’autre intérêt de l’injection intraveineuse
est de déterminer les zones peu ou non vascularisées, prédictives d’une distribution insuffisante de l’antibiothérapie.
L’échographie, simple et rapide en urgence, a un grand intérêt dans la détection d’un
abcès sous périosté ou des parties molles.
La détection d’un épanchement intra-articulaire permet de localiser l’articulation
pathologique, mais la nature septique ou réactionnelle ne peut pas être déterminée. Il est
important de préciser que l’échographie peut être négative en cas d’arthrite, notamment
dans l’arthrite de hanche du nouveau-né si le pus est épais et peu abondant.
Le scanner n’est pas indiqué dans l’ostéomyélite aiguë.
L’OSTÉOMYÉLITE SUBAIGUË
Il s’agit actuellement de la forme la plus fréquemment rencontrée. Le tableau clinique
est souvent tronqué, marqué par une boiterie, des douleurs ou une impotence fonctionnelle
traînantes, modérément ou non fébrile. Le syndrome inflammatoire est variable. Les sièges
préférentiels sont identiques à ceux de l’ostéomyélite aiguë [11].
La radiographie systématique (face, profil) est toujours positive et montre l’aspect
classique d’abcès de Brodie : ostéolyse à limite géographique entourée d’une condensation
périphérique. Il peut exister une réaction périostée et une atteinte épiphysaire.
Le diagnostic repose sur les résultats de l’analyse histologique et bactériologique des
prélèvements réalisés au cours du traitement chirurgical qui est, le plus souvent, nécessaire.
L’IRM est souvent effectuée dans cette forme pour préciser l’extension de la lésion au
sein du cartilage de croissance et de l’épiphyse. La sémiologie est variable ; l’aspect le plus
classique est une image «en cible» avec cavité nécrotique centrale (hyposignal T1, hypersignal T2), non vascularisée et plusieurs zones périphériques correspondant, du dedans vers
le dehors, à un tissu de granulation vascularisé prenant le contraste, une ostéocondensation
réactionnelle en hyposignal T1 et T2, sans rehaussement après injection, l’ensemble étant
entouré d’un œdème médullaire à limite floue (hyposignal T1, hypersignal T2) (Fig. 6)
[12].
OSTÉOMYÉLITE CHRONIQUE
Dans l’ostéomyélite chronique, les signes radiographiques sont évidents et des zones
lytiques, mal limitées, sont associées à des zones de condensation. L’aspect peut être pseudotumoral et, là encore, le diagnostic s’effectue sur l’étude histologique et bactériologique.
Il existe souvent des appositions périostées épaisses et irrégulières avec, parfois, des véri-
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tables ossifications para-ostéales (Fig. 7). La présence d’un séquestre est caractéristique de
l’infection chronique et correspond à un fragment osseux nécrotique bien visible surtout au
scanner du fait de son caractère calcifié. Sa mise en évidence est importante pour l’indication opératoire.
L’IRM est indiquée en pré chirurgical, pour localiser les anomalies intramédullaires et,
le cas échéant, les fistules, l’abcès des parties molles, l’extension au cartilage de croissance, à
l’épiphyse ou à l’articulation. Le séquestre est difficile à visualiser en IRM.
L’OSTÉO-ARTHRITE DU NOUVEAU-NÉ ET DU NOURRISSON
Cette entité mérite d’être individualisée du fait de la fréquence de l’atteinte articulaire
associée à l’ostéomyélite, et de la difficulté du diagnostic. Le contexte est souvent celui
d’une infection iatrogène lors d’un séjour en réanimation. L’atteinte multifocale doit être
systématiquement recherchée. La hanche et l’épaule sont les articulations les plus touchées.
Dans tous les cas, la ponction articulaire est une urgence diagnostique qui ne doit en aucun
cas être retardée par les examens d’imagerie.
La radiographie est très souvent normale du fait de l’absence d’ossification du noyau
épiphysaire, notamment à la hanche.
L’échographie peut être négative en cas de pus épais et très peu abondant.
La scintigraphie est difficile à interpréter dans cette tranche d’âge du fait de l’hyperfixation physiologique de l’ensemble des cartilages de croissance.
L’IRM est également de réalisation et d’interprétation difficiles dans cette tranche
d’âge du fait de la présence de moelle hématopoïétique (laquelle se convertira plus tard en
moelle graisseuse).
L’ARTHRITE SEPTIQUE
La ponction est une urgence diagnostique.
La radiographie est, là encore, le seul examen d’imagerie urgent et systématique afin
d’éliminer un diagnostic différentiel. La détection d’un épanchement intra-articulaire est
très aléatoire en radiographie.
L’échographie peut confirmer la présence d’un épanchement mais il faut garder à
l’esprit que les épanchements très épais et peu abondants peuvent être difficiles à mettre en
évidence.
Aucun autre examen n’est indiqué.
LE DRÉPANOCYTAIRE
La distinction entre infarctus osseux et ostéomyélite est souvent difficile, y compris
en IRM. Seuls les prélèvements bactériologiques permettront éventuellement d’étayer le
diagnostic d’ostéomyélite aiguë. L’interprétation des radiographies et de l’IRM doit tenir
compte de la présence fréquente d’infarctus osseux anciens.
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LES DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Les formes subaiguës et chroniques d’ostéomyélite font surtout discuter une tumeur
osseuse (sarcome d’Ewing particulièrement), un ostéome ostéoïde dans lequel le nidus
calcifié peut ressembler en tout point à un séquestre d’origine infectieuse, une histocytose
langerhansienne monostotique. La biopsie chirurgicale avec analyses histologiques et bactériologiques est indispensable.
-
-
D’autres diagnostics peuvent être discutés :
en cas de localisations multiples, une ostéomyélite chronique multifocale récurrente
dont le siège est volontiers métaphysaire. Ce diagnostic bénéficie grandement actuellement d’une IRM corps entier à la recherche de localisations infracliniques. Il peut exister
une atteinte rachidienne,
en cas d’infection épiphysaire, notamment d’origine tuberculeuse, le principal diagnostic à discuter est celui de chondroblastome,
certains germes atypiques comme l’actinomycose peuvent être responsables d’un aspect
pseudotumoral des parties molles.
CONCLUSIONS ET «TAKE HOME MESSAGES»
-
-
-
La radiographie est systématique et urgente dans tous les cas de suspicion d’ostéomyélite. Elle est toujours positive en cas de forme subaiguë et chronique, et très souvent
négative lors de forme aiguë.
L’échographie est un examen utile, rapide, à la recherche d’un abcès sous périosté ou des
parties molles. Elle n’a de valeur que positive.
Lorsqu’il n’existe pas de point d’appel clinique précis chez les jeunes enfants, la scintigraphie est en recul au profit de l’IRM corps entier.
L’IRM localisée à un intérêt :
· pour différencier une cellulite d’une ostéomyélite
· pour explorer les localisations profondes comme le rachis ou le bassin
Le scanner est actuellement limité à la recherche d’un séquestre osseux.
La suspicion d’arthrite septique nécessite surtout une ponction en urgence. L’échographie
peut être faussement négative en cas de pus épais et peu abondant, en particulier chez
le nouveau-né.
C. Adamsbaum1, 2, M. Lagadec2, L. Mezzetta1, 2, P. Wicart1, 3
1 Université Paris Descartes, Faculté de Médecine, Paris – France
2 Service d’Imagerie Pédiatrique, Hôpital St-Vincent-de-Paul, AP-HP, Paris – France
3 Service d’Orthopédie, Hôpital St Vincent de Paul AP-HP, Paris – France
Auteur correspondant :
Catherine Adamsbaum - [email protected]
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C. ADAMSBAUM, M. LAGADEC, L. MEZZETTA, P. WICART
RÉFÉRENCES
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FIGURE 1 : Séquelles majeures d’ostéo-arthrite de hanche bilatérale négligée.
Jeune fille âgée de 13 ans. Radiographie du bassin de face : nécrose des têtes fémorales, pincement majeur des interlignes coxofémoraux, cols fémoraux déformés et courts, ossifications para-articulaires et para-ostéales à gauche.
FIGURE 2A, B : Ostéomyélite métaphysaire de hanche. Garçon âgé de 1 an adressé pour suspicion de rhume de hanche.
Pas de fièvre. (a): Radiographie du bassin de face : Lacune métaphysaire fémorale gauche avec condensation périphérique,
mieux vue sur l’incidence de Lauenstein (b).
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INFECTIONS OSTÉO-ARTICULAIRES ET IMAGERIE
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FIGURE 3 : IRM corps entier normale. Coupe frontale STIR. Jeune fille de 17 ans présentant une boiterie récidivante avec
radiographies normales.
FIGURE 4 : Spondylodiscite L2-L3 chez une enfant de 2 ans. IRM, coupe sagittale en T2 : Pincement et modification du signal
du disque associés à un hypersignal des corps vertébraux adjacents. Pas d’abcès intra-canalaire visible.
FIGURE 5A, B : Ostéomyélite épiphysaire tibiale. Boiterie gauche avec radiographies du membre inférieur gauche normales
chez une enfant âgée de 2 ans. Hyperfixation tibiale inférieure gauche. IRM, coupe sagittale (a) de la jambe gauche pondérée en
T1 : hyposignal hétérogène de l’épiphyse tibiale. Coupe axiale (b) des chevilles en T1 après injection et saturation de graisse :
rehaussement hétérogène sans abcès des parties molles.
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C. ADAMSBAUM, M. LAGADEC, L. MEZZETTA, P. WICART
FIGURE 6A, B Ostéomyélite subaiguë fémorale. Boiterie gauche chez un enfant âgé de 2 ans et 6 mois. (a) :
Radiographie du genou gauche de face : Lacune interne de l’épiphyse fémorale. (b) IRM, coupe frontale T1
après injection de produit de contraste et saturation de graisse : image « en cible » avec rehaussement anormal
de l’ensemble de l’épiphyse. Respect du cartilage de croissance.
FIGURE 7 : Ostéite chronique. Antécédent d’interventions itératives pour malformation congénitale
du membre inférieur gauche chez un garçon de 9 ans. Revient pour douleurs et fièvre.
Radiographie de face (a) : image lytique hétérogène de l’extrémité supérieure du fémur gauche
avec appositions périostées internes.
Coupe scanographique millimétrique (b) : présence d’un séquestre au sein de l’image lytique.
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IMAGERIE CÉRÉBRALE : SCANNER OU IRM ?
par
N. BODDAERT, D. GREVENT, F. BRUNELLE
INTRODUCTION
La découverte en urgence d’un syndrome neurologique chez l’enfant nécessite
aujourd’hui une imagerie en urgence.
Les sociétés de radio-pédiatrie et de pédiatrie clinique ont maintenant depuis longtemps
permis grâce à leurs efforts rassemblés d’arrêter la réalisation des radios du crâne en urgence
chez l’enfant. En effet, il a été montré que la réalisation de ces radiographies du crâne est
inutile. La présence ou l’absence d’une fracture du crâne n’étant pas un facteur indicatif de
la gravité d’un traumatisme crânien.
La question se pose donc de savoir : quel type d’examen doit être réalisé ? Quel type
d’examen est le plus pertinent ? Soit le scanner cérébral soit l’IRM dans le débrouillage d’un
syndrome clinique en urgence.
Avant de détailler syndrome par syndrome l’apport respectif des deux techniques, il
apparaît utile de décrire rapidement quelles sont les capacités respectives de l’une ou l’autre
technique.
LE SCANNER CÉRÉBRAL
Le scanner cérébral utilise une source de rayons X et une couronne de détecteurs qui
permet de reconstruire les images de la voûte du crâne et du parenchyme cérébral.
La voûte du crâne est aujourd’hui parfaitement explorée et les reconstructions 3D
permettent une étude rapide et exhaustive de l’ensemble de la voûte du crâne, de la base du
crâne et des os de la face. C’est de plus l’examen de référence pour la visualisation des sinus
de la face. Durée de l’examen : environ 1 minute.
La capacité de discernement des densités du parenchyme cérébral du scanner est par
contre relativement limitée et on peut distinguer mais assez grossièrement la différence entre
la substance grise et la substance blanche.
Par contre, les ventricules cérébraux sont assez facilement mis en évidence et peuvent
être donc visualisés.
L’apport récent de la 3D (acquisition hélicoïdale du scanner) est un outil tout à fait
remarquable pour l’appréciation des fractures du crâne en 3 dimensions et pour la réalisation des angiographies au scanner.
En effet, l’injection rapide de produit de contraste et l’acquisition extrêmement rapide
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des images (en quelques secondes) permet une opacification des vaisseaux et reconstructions
en 3D du système vasculaire intra et extra-crânien.
Cette capacité nouvelle en fait l’outil de référence pour réaliser des angiographies diagnostiques en urgence.
L’inconvénient important du scanner est son caractère irradiant. Il est donc nécessaire
de préciser au mieux ses indications du scanner.
Aujourd’hui, un scanner cérébral avec des constantes optimisées est à peu près aussi
irradiant que deux « abdomen sans préparation » réalisés chez le même enfant.
Les limitations essentielles concernent donc la discrimination entre substance blanchesubstance grise et la mise en évidence de petites lésions du parenchyme cérébral qui peuvent
passer inaperçues.
L’IRM CÉRÉBRALE
L’IRM est une technique qui est basée sur les propriétés magnétiques de la matière et
en particulier du proton.
C’est un examen non irradiant.
L’inconvénient majeur est la nécessité d’obtenir une immobilité parfaite et donc d’utiliser une anesthésie générale chez les grands enfants très agités ou chez des grands enfants
présentant des troubles du comportement. Une prémédication simple chez les plus petits est
tout à fait possible (enfants avec un poids inférieur à 25 kg).
L’IRM ne met pas en évidence les structures osseuses.
Il n’est donc pas possible d’analyser en IRM les lésions traumatiques osseuses. Seules les
conséquences au niveau des parties molles, du diploé et de la moelle osseuse, peuvent être
mises en évidence.
Par contre, l’IRM a un très fort pouvoir discriminant entre les différentes structures des
parties molles intracrâniennes de la face et de la base du crâne.
La différenciation entre substance blanche et substance grise est parfaite et l’IRM permet de mettre en évidence les différences de densité subtiles et en particulier de mettre en
évidence de petites lésions cérébrales invisibles au scanner.
Comme le scanner, il est possible d’utiliser une injection de produit de contraste permettant de visualiser des malformations vasculaires et de réaliser, là aussi une angiographie
IRM.
L’inconvénient majeur est la moins grande disponibilité de cette machine, en raison de
la saturation de ces machines actuellement et la nécessité d’obtenir une immobilité parfaite
et la durée de l’examen. Durée de l’examen : environ 25 minutes.
L’étroitesse du tunnel d’acquisition des images rend difficile mais cependant possible la
réalisation de l’anesthésie générale ou l’utilisation de cette machine en cas de polytraumatisme chez des enfants dont il est nécessaire de surveiller les constantes vitales.
Traumatisme crânien
Une des causes principales de réalisation d’une imagerie est l’existence d’un traumatisme crânien.
Comme on l’a vu, les traumatismes crâniens bénins sans syndrome neurologique ne
nécessitent pas d’imagerie quel qu’elle soit.
Par contre en cas de syndrome neurologique ou de conséquence sur la conscience, l’examen de référence est la réalisation d’un scanner cérébral sans injection. Celui-ci va permettre
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de mettre en évidence les collections sanguines intracrâniennes, épanchement sous dural ou
épanchement extradural nécessitant une consultation voire un geste neurochirurgical.
De même cet examen va permettre une analyse et un dépistage et une démonstration
des fractures du crâne.
En pratique pour les enfants dont le score de Glasgow est supérieur ou égal à 13, les
éléments cliniques les plus pertinents pour décider de la réalisation d’un scanner du crâne
sont : céphalées persistantes, vomissements, plaie importante du scalp ou de la face, et bien
évidemment tout signe neurologique associé.
Un examen IRM n’est pas indispensable à ce stade du diagnostic. L’IRM sera nécessaire
si un traumatisme crânien grave risque d’entraîner des lésions parenchymateuses : seule
l’IRM permettra de dépister les lésions corticales et de substance blanche (souffrance axonale diffuse) qui peuvent avoir une incidence sur le pronostic neurologique à long terme,
mais nous sortons ici du cadre des traumatismes crâniens « bénins ».
Un chapitre particulier concerne les indications du scanner crânien dans le cadre des
enfants battus. Ceci mériterait un chapitre à part. Cependant la bonne règle est de pratiquer
un scanner cérébral au moindre doute en cas d’anamnèse incohérente. Les lésions hémorragiques sous-durales peuvent être présentes chez un enfant trop jeune et un examen clinique
seul peut ne pas permettre de suspecter une lésion intracrânienne.
Céphalées
Les céphalées constituent une des causes les plus fréquentes de consultation en pédiatrie,
surtout à l’adolescence. Chez la plupart des enfants, ces céphalées sont banales. Les céphalées isolées sans signe neurologique ou trouble de la conscience ne sont pas à notre avis à
explorer par une imagerie. L’examen clinique est prépondérant pour orienter vers l’imagerie
les enfants présentant des céphalées lésionnelles. Nous allons distinguer les céphalées non
lésionnelles et lésionnelles.
Céphalées non lésionnelles
Examen clinique normal en dehors de la crise. Aucune imagerie nécessaire en urgence.
Elle regroupe les :
Migraines : Diagnostic sur l’analyse des signes et les antécédents familiaux (typiques,
avec ou sans aura ; atypiques : avec ophtalmoplégie, hémiplégie, convulsions, état confusionnel… ; équivalents migraineux : migraines abdominales, vertiges paroxystiques bénins, etc.) ;
algies vasculaires de la face (vasodilatation brutale artérielle, en rapport avec une sécrétion
élevée d’histamine par les mastocytes périvasculaires et périneuraux, souvent chez le garçon
après 10 ans) ; céphalées d’effort, au froid, à la toux : rarement considérées d’emblée comme
non lésionnelles ; céphalées psychogènes, fréquentes mais diagnostic d’élimination.
Dans tous ces cas, l’examen clinique est normal en dehors de la crise et la tension
artérielle est normale. L’IRM (ou tomodensitométrie sans et avec injection de produit de
contraste) peut être justifiée en présence d’une première crise ophtalmoplégique, devant un
vertige bénin paroxystique, ou devant la présence de signes déficitaires ou en cas de doute
diagnostique.
Céphalées lésionnelles
Elles regroupent les causes extracrâniennes et causes intracrâniennes. L’attitude en imagerie est différente selon le type.
Causes extra crâniennes (origine oculaire, origine ORL), liées à une hypertension
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artérielle, secondaires à une hypoxie chronique et/ou une hypercapnie (anémie chronique,
insuffisance cardiorespiratoire, intoxication chronique à l’oxyde de carbone). Le scanner
cérébral non indispensable va permettre de mettre en évidence des sinusites et l’injection de
produit de contraste dans ces conditions n’est pas nécessaire. L’IRM n’est pas un examen
de référence dans les diagnostics de sinusite ou de pan-sinusite.
Causes intracrâniennes : cette fois-ci l’imagerie en urgence a un rôle clé dans le diagnostic étiologique. Les signes d’alerte des céphalées lésionnelles sont : douleurs augmentant en
fréquence ; maux de tête permanents ; augmentation de l’intensité des douleurs ; douleurs
nocturnes ; augmentation des douleurs aux changements de position et à la défécation ;
changement de comportement, du caractère, échec scolaire ; épilepsie ; signes neurologiques
focaux. Si ces signes sont présents, une imagerie cérébrale rapide est indiquée : scanner
sans injection au minimum. En effet, l’IRM est moins performante que le scanner pour
le diagnostic d’hémorragie méningée, pour la recherche de calcifications et pour la mise en
évidence d’hyperdensité en rapport avec une hypercellularité d’origine tumorale. La décision de pratiquer une injection intraveineuse de produit iodé et/ou une IRM cérébrale est
fonction de la normalité ou non des coupes non injectées et du contexte clinique.
Les étiologies les plus fréquentes des causes intracrâniennes sont les tumeurs infra ou
supratentorielles et les traumatismes crâniens, origine vasculaire (hémorragie méningée
spontanée), malformation vasculaire non rompue, dissection artérielle. Dans un contexte
évocateur, comme la déshydratation, le syndrome néphrotique, on peut aussi suspecter
une thrombose veineuse profonde qui sera visualisée par un scanner sans injection et avec
injection. Le scanner peut parfois mettre en évidence un empyème sous dural cliniquement
silencieux ; une IRM est alors indispensable afin de juger de l’éventualité d’une cérébrite
associée sous-jacente.
L’hypertension intracrânienne (céphalées, vomissements, diplopie) mérite un petit
chapitre à part. Les signes cliniques sont des céphalées progressivement croissantes, exagérées
par l’effort et les mouvements de la tête accompagnés de vomissements en jet calmant la
douleur, troubles du comportement, baisse du rendement scolaire, torticolis et diplopie (par
atteinte du VI). Les causes sont multiples : tumeurs, hydrocéphalie non tumorale, malformation de Chiari etc. Un scanner en urgence sans injection est indispensable et l’injection
sera réalisée en fonction de l’étiologie. Une IRM dans la foulée est indiquée dans tous les
cas.
Si le scanner est anormal et qu’il existe une tumeur cérébrale, l’IRM sera utile pour : la
visualiser dans les 3 plans, faire un bilan d’extension et rechercher des métastases leptoméningées, apprécier la dilatation ventriculaire, la circulation du LCR, et permettre au chirurgien de faire une dérivation du LCR en urgence.
Si le scanner est normal, une IRM cérébrale avec et sans injection est réalisée dans un premier temps. Si celle-ci est normale, une IRM médullaire avec injection à la recherche d’une
cause sous-jacente est nécessaire (obstacle sous-jacent, dilatations veineuses médullaires ou
de tumeurs médullaires). Le diagnostic d’hypertension intracrânienne dite bénigne est un
diagnostic d’élimination posé sur la négativité de l’IRM cérébrale et médullaire avec IV.
Suspicion d’AVC
Un déficit neurologique focal d’apparition aiguë chez l’enfant doit faire suspecter l’existence d’un AVC. L’examen de référence dans ce domaine est l’IRM.
Cette IRM doit être réalisée au mieux dans les trois heures en tout cas avant la sixième
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heure du début de l’installation du trouble neurologique. La notion d’un épisode viral,
d’une varicelle dans les jours ou semaines précédents est un élément important ; le scanner cérébral n’a ici aucun intérêt. Les séquences de diffusion vont faire le diagnostic, les
séquences d’angiographie cérébrale qui remplace l’artériographie vont éliminer une lésion
vasculaire macroscopique ou une rare dissection carotidienne ou vertébrale.
L’examen doit comporter des séquences habituelles dites en T1 et en T2 et FLAIR mais
aussi bien évidemment des séquences de diffusion qui vont permettre de mettre en évidence
l’existence d’une lésion ischémique.
L’angiographie IRM doit être pratiquée pendant le même examen afin de rechercher
une lésion artérielle macroscopique.
Crise convulsive : épilepsie et convulsions
La convulsion est un symptôme correspondant à la contraction brusque et involontaire
de la musculature striée. L’épilepsie est une affection neurologique chronique définie par
la répétition des crises d’épilepsies. La crise d’épilepsie est la manifestation clinique de
l’hyperactivité paroxystique d’un groupe plus ou moins étendu de neurones cérébraux et de
son éventuelle propagation.
Classification des épilepsies
Idiopathique : indépendante d’une lésion cérébrale. Elle se caractérise par des données
cliniques et EEG suffisantes pour la reconnaître sans apport de l’imagerie ; d’évolution
favorable.
Non idiopathique ou lésionnelle résulte d’une lésion diffuse ou focale, évolutive ou
fixée : devrait être reconnue par l’imagerie.
Aucune imagerie n’est indiquée en cas de convulsions fébriles simples : généralisées,
brèves (moins de 10 mn), survenues après l’âge de 1 an et avant l’âge de 5 ans, avec un pic
dans la deuxième année de vie.
Contexte d’urgence
Crises d’épilepsie aiguës nécessitant une imagerie cérébrale en urgence. Le scanner est
utile en cas d’urgence (sans ± IV en fonction de la clinique) si :
- présence de signes neurologiques focaux ou d’hypertension intracrânienne : suspecter
une tumeur intracrânienne en premier lieu ;
- convulsions fébriles atypiques : signes focaux prolongés, plus d’une dizaine de minutes,
survenus avant l’âge de 1 an ou après l’âge de 5 ans. L’imagerie recherche une encéphalite ou un abcès ou un empyème ;
- chez le nouveau-né et nourrisson : cas particulier où l’imagerie sera réalisée de façon systématique en cas de crise convulsive (hors convulsions bénignes simples), à la recherche
de lésions anoxo-ischémiques (souffrance fœtale aiguë, mort subite manquée, accident
vasculaire cérébral, lésions traumatiques), infectieuses (méningite souvent non fébrile à
cet âge), voire métaboliques ;
- contexte traumatique : éliminer un hématome etc. ;
- apparition de signes neurologiques aigus dans un contexte d’épilepsie chronique.
Le scanner sera suivi d’une IRM dans la foulée si besoin.
Sans urgence
Toute épilepsie non idiopathique doit avoir une IRM. Le scanner est clairement
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insuffisant (petite taille des lésions épileptogènes qui sont corticales et se situent donc à côté
de l’os, donc mal visibles). Il sera de toute façon, qu’il soit normal ou pas, complété d’une
IRM.
L’IRM doit être effectuée après l’électroencéphalogramme, de façon à orienter plus
efficacement l’examen. Un schéma systématique minimal est conseillé dans un premier
bilan : 3D T1, T2, Flair. L’IRM doit être réalisée également en fonction de l’orientation
clinique et/ou électrique : par exemple, des coupes supplémentaires perpendiculaires à
l’hippocampe sont nécessaires en cas de doute sur une épilepsie temporale ou des coupes
axiales supplémentaires doivent être pratiquées en cas d’épilepsie rolandique. L’injection
de produit de contraste est requise systématiquement s’il y a une lésion pour s’assurer de sa
nature (tumorale ou non).
Résumé : convulsions et épilepsies
Aucune imagerie n’est indiquée en cas de convulsions fébriles simples.
En dehors de ce contexte toute convulsion chez le nourrisson doit avoir une imagerie
(scanner ou IRM en fonction de la disponibilité de machine).
En urgence, crise d’épilepsie aiguë : scanner sans injection au minimum.
Sans urgence, épilepsie non idiopathique : IRM systématique.
Suspicion de lésion médullaire
L’apparition de troubles de la marche, d’une paraplégie, l’existence de troubles sphinctériens d’apparition rapide doit faire réaliser une IRM médullaire en urgence.
En effet, seule l’IRM médullaire va permettre de faire le diagnostic différentiel d’une
atteinte inflammatoire de la moelle (myélite) soit isolée soit dans le cadre d’une ADEM
(encéphalomyélite aiguë disséminée) et d’une compression médullaire révélatrice d’une
pathologie tumorale rachidienne ou extrarachidienne.
En effet, une compression médullaire nécessitera un geste neurochirurgical en urgence.
Cette IRM permettra de mettre en évidence la nature de cette compression médullaire
tumorale, traumatique, collection hémorragique.
Trouble de la conscience
Le trouble de la conscience, voire un coma nécessite, là aussi, la réalisation d’une IRM
à la recherche de la lésion cérébrale type encéphalitique. Ces comas peuvent être le mode
d’entrée d’une pathologie métabolique. Les comas toxiques n’ont que peu de traduction
en imagerie.
L’injection de produit de contraste peut mettre en évidence une prise de contraste du
parenchyme cérébral mais aussi des méninges.
Macrocrânies
La macrocrânie ou macrocéphalie est le fait des jeunes enfants, possédant une compliance de la boîte crânienne permettant au contenant osseux d’augmenter de volume sous l’effet
d’un processus tissulaire ou liquidien du contenu, quel qu’il soit, chronique ou aigu.
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Principales étiologies
L’hydrocéphalie (obstacle sur le trajet du LCR) ; tumeurs cérébrales (sus ou sous tentorielles), infections fœtomaternelles (toxoplasmose, rubéole, maladie des inclusions cyto-
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mégaliques etc.), sténose de l’aqueduc de Sylvius, imperforation des trous de Luschka
ou de Magendie ; hémorragies méningées (traumatisme obstétrical etc.), méningites par
«feutrage» séquellaire des citernes de la base ou de la convexité, constituant un obstacle
à la résorption du liquide céphalo-rachidien. Parfois, aucune cause n’est retrouvée et on
parle d’hydrocéphalie « idiopathique ».
La macrocéphalie familiale où des membres de la famille ont une grosse tête. Les ventricules sont de tailles normales ; les espaces sous-arachnoïdiens sont élargis. Il s’agit
probablement d’un trouble de résorption transitoire du liquide céphalo-rachidien.
Les hématomes sous-duraux.
La macrocéphalie des maladies de la substance blanche : leucoencéphalopathie avec
mégalencéphalie, mucopolysaccharidoses, maladie de Canavan, acidurie glutarique type
I, maladie d’Alexander, etc.
La macrocrânie des craniosténoses.
Toute macrocrânie s’accompagnant de symptômes neurologiques ou toute macrocrânie
apparaissant après l’âge de 6 mois doit bénéficier d’un scanner en urgence.
Chez les bébés de moins de 6 mois qui ont une macrocrânie, on peut réaliser une échographie transfontanellaire. Si cette échographie est normale, on réalise une surveillance clinique. S’il existe des espaces sous-arachnoïdiens augmentés (en dehors d’un contexte familial
avec augmentation du périmètre crânien) ou s’il existe une hydrocéphalie, un scanner ou
une IRM seront réalisés.
EN CONCLUSION
Si le scanner est aujourd’hui d’accès facile en urgence, c’est un examen irradiant et il ne
doit être réalisé que devant un ensemble symptomatique qui permet d’évoquer une lésion
neurologique. Tout signe neurologique associé doit faire pratiquer un scanner de première
intention. L’IRM présente l’intérêt de ne pas être irradiante, son accès difficile mérite d’en
peser les indications.
EN RESUMÉ
Traumatisme bénin (Glasgow égal à 15) + vomissements : TDM
Céphalées d’apparition récente : TDM
Épilepsie : TDM en urgence puis IRM
Suspicion d’AVC : IRM au mieux dans les 3 heures
Suspicion de lésion médullaire : IRM d’emblée
Suspicion de méningite associée à des signes neurologiques : IRM
Suspicion d’encéphalite : IRM
Troubles de conscience : scanner puis si normal IRM.
Nathalie BODDAERT, David GREVENT, Francis BRUNELLE
Hôpital Necker enfants malades, service de radiologie pédiatrique, 149 rue de Sèvres, 75015 Paris.
Auteur correspondant : [email protected]
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DOULEURS ABDOMINALES ET PELVIENNES DE L’ENFANT :
LES PIÈGES DE L’IMAGERIE
par
V. MERZOUG, C. FOURNET, A.-E. MILLISCHER-BELLAICHE,
C. ADAMSBAUM
Les douleurs abdominales et pelviennes sont un des motifs de consultation les plus fréquents en pédiatrie, elles représentent 30 % des urgences en France [1].
Les étiologies sont nombreuses et variées recouvrant des pathologies chirurgicales et
médicales d’origine digestive mais aussi des affections pulmonaires, ORL voire neurologique comme l’hypertension intra-crânienne. Bien que l’examen clinique et l’interrogatoire
restent la première étape indispensable, l’imagerie joue un rôle important dans la démarche
diagnostique [2, 3].
Pour proposer de concert avec le pédiatre l’imagerie la plus adaptée au prix de l’exposition la plus faible aux rayonnements ionisants, le radiologue se doit de connaître le contexte
clinique de l’enfant : antécédents, âge et sexe, siège des douleurs, récentes ou récurrentes,
fièvre, l’existence de signes extra-digestifs, respiratoires, urinaires.
QUELS SONT LES BUTS DE L’IMAGERIE ?
-
-
Rechercher une étiologie chirurgicale en fonction de l’âge de l’enfant [4] (tableau 1) :
Celles-ci sont principalement l’invagination intestinale aiguë (IIA), le volvulus et l’appendicite.
Rechercher une pathologie gynécologique chez la fille,
Rechercher des éléments en faveur d’une étiologie médicale : pneumonie, pyélonéphrite,
Ne pas manquer une cause neurologique telle l’hypertension intra crânienne (HIC).
QUELLE IMAGERIE ET POURQUOI ?
L’échographie
C’est toujours l’examen de première intention en pédiatrie, non irradiant, facilement
accessible, ne nécessitant aucune sédation.
Elle permet le diagnostic d’invagination intestinale aiguë avec une fiabilité de 100 %
[5]. Elle a une valeur prédictive négative de 100 %. Le boudin qui doit être recherché sur
tout le cadre colique correspond à une masse digestive de 2 à 4 cm de diamètre, de topogra-
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V. MERZOUG, C. FOURNET, A.-E. MILLISCHER-BELLAICHE, C. ADAMSBAUM
phie superficielle avec un aspect en « cocarde » sur les coupes transversales et en « sandwich » sur les coupes longitudinales en rapport avec la superposition des parois intestinales
hypoéchogènes et des mésos hyperéchogènes (figure 1). Il n’y a pas de diagnostic différentiel,
cependant si l’IIA est dans 90 % idiopathique, il faut se méfier des formes secondaires pas
toujours identifiables à l’échographie (purpura rhumatoïde, diverticule de Meckel). La présence de plusieurs invaginations ou l’aspect transitoire de ces invaginations doit faire penser
à la maladie caeliaque et ne doit pas conduire à un lavement.
Dans la suspicion d’appendicite, la sensibilité de l’échographie dans les équipes entraînées est de 97,5 % et la visibilité de l’appendice sain est 87,4 % [6].
Cependant, en pratique quotidienne, le repérage d’un appendice sain est difficile, long
et aléatoire surtout lorsque l’enfant est agité, en cas d’obésité ou en présence d’une distension aérique qui barre les ultra-sons. L’échographie se fait avec une sonde linéaire de haute
fréquence (7,5 MHz) avec une compression progressive.
L’appendice normal (figure 2) a une couche interne hypoéchogène correspondant à la
muqueuse, une couche intermédiaire hyperéchogène correspondant à la sous-muqueuse,
une couche hypoéchogène répondant à la musculeuse et enfin la séreuse : hyperéchogène.
Il naît dans 70 % des cas de la partie interne du bas fond caecal, il est borgne, n’a pas de
mouvement péristaltique, son diamètre doit se situer entre 3 et 6 mm. Il contient de l’air, du
liquide digestif ou des matières fécales. Il est surtout dépressible et indolore à la pression
de la sonde. L’appendice doit toujours être visualisé en entier.
A contrario, un appendice pathologique (figure 3) a un diamètre supérieur à 6 mm,
avec une épaisseur pariétale supérieure à 3 mm. Il est non compressible, peut contenir un
stercolithe sous la forme d’une image hyperéchogène avec cône d’ombre postérieur, sa
paroi est hypervascularisée au doppler couleur ou énergie. Il faut souligner l’importance des
signes indirects associés : infiltration de la graisse péridigestive qui apparaît hyperéchogène,
présence d’une lame d’épanchement dans la fosse iliaque droite ou dans le cul de sac de
Douglas, présence d’adénopathies de la fosse iliaque droite.
Il existe cependant de multiples pièges diagnostiques [4, 7] :
-
Les faux négatifs
Ils peuvent être d’origine anatomique, ou liés à une forme particulière d’appendicite :
Absence de visualisation de l’appendice chez les enfants obèses ou avec une importante
distension aérique ;
La position rétro caecale de l’appendice gêne ou empêche son exploration, du fait des
gaz interposés ;
L’absence de visualisation de la totalité de l’appendice et en particulier de sa partie distale peut masquer un abcès (figure 4) alors que la portion proximale est saine ;
Dans les appendicites perforées la structure appendiculaire n’est plus reconnaissable et
l’épanchement d’une péritonite peut être épais (échogène) et très peu abondant.
Les faux positifs
Toute structure inflammatoire de la fosse iliaque droite n’est pas une appendicite : il
peut s’agir d’une trompe de Fallope dans le cas d’un abcès tubo-ovarien chez la jeune fille
ou d’un uretère dilaté.
De même il peut exister des réactions inflammatoires de l’appendice secondaire à des
atteintes infectieuses ou inflammatoires de proximité, notamment dans les colites inflammatoires ou dans les iléites infectieuses (yersiniose).
Enfin il faut évoquer le cas des appendicites régressives [6, 7], avec des signes échographiques d’appendicite, mais des douleurs de la fosse iliaque droite régressant spontanément
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et un appendice se normalisant sur le suivi échographique.
Ces appendicites posent des problèmes de conduite à tenir car sur une série de 108
patients il a été démontré un pourcentage non négligeable (38 %) de récidive à un an [7].
In fine, la décision thérapeutique appartient au chirurgien qui n’opère pas une image, et
tient donc compte de l’association des éléments cliniques et échographiques.
L’échographie doit toujours être complète et explorer le pelvis, en particulier chez la fille
afin de ne pas manquer une étiologie gynécologique [8] :
- une torsion d’annexe qui peut survenir à tout âge de la période fœtale à la période
adulte aussi bien sur une annexe saine que sur un ovaire kystique (figure 5).
L’aspect échographique typique est celui d’un ovaire augmenté de volume par rapport
au côté sain, porteur de multiples follicules de répartition périphérique. Il faut se méfier
du doppler couleur qui certes peut montrer une asymétrie de vascularisation par rapport à
l’ovaire normal mais peut aussi être conservé [9]. Le diagnostic différentiel essentiel est le
kyste hémorragique qui va régresser spontanément.
- une pathologie infectieuse tubo-ovarienne,
- plus rarement un hématocolpos.
Il est donc nécessaire de connaître les aspects normaux et le développement normal des
organes génitaux internes chez l’enfant et l’adolescente.
L’abdomen sans préparation (ASP)
Il reste trop souvent le premier examen demandé.
Son apport diagnostique est faible et il s’agit d’un examen irradiant qui tombe donc sous
la Directive Européenne 97/43. L’ASP permet seulement de rechercher des signes d’occlusion, une calcification anormale, un pneumopéritoine, une anomalie osseuse.
Bien souvent, seule l’incidence couchée est utile. On ne réalisera un cliché d’ASP debout
qu’en cas de suspicion de pneumopéritoine, ce qui est exceptionnel en dehors d’un contexte
traumatique. La visibilité de niveaux liquides n’apporte que rarement des éléments supplémentaires, dans la mesure où la distension digestive est très bien visible sur une incidence
couchée. La présence de niveaux liquides n’est pas spécifique et peut se voir dans une gastroentérite, du fait de l’iléus fonctionnel. La topographie des anses dilatées, grêles ou coliques,
s’analyse sur l’étude du plissement pariétal (valvules conniventes ou haustrations), visible
seulement sur l’incidence couchée (l’air monte…). La présence de niveaux plus hauts que
larges dépend simplement de l’anse intestinale concernée, verticale ou horizontale et n’est
pas un indicateur topographique.
La littérature a montré l’inutilité du cliché de profil avec rayon horizontal [10, 11].
En réalité l’intérêt de l’ASP dans le bilan d’une douleur abdominale aiguë est faible, en
particulier dans la suspicion d’appendicite où il recherche un iléus paralytique de l’iléon
distal, des niveaux hydro-aériques de la fosse iliaque droite ou la présence d’un stercolithe.
Ce stercolithe a longtemps été considéré comme spécifique de l’appendicite ; cependant la
littérature [12] a montré qu’il pouvait être présent en dehors de toute appendicite, il n’est
donc ni spécifique, ni sensible. En pratique, l’ASP aujourd’hui est un examen de 2ème intention, qui n’est indiqué, le cas échéant, qu’après un doute en échographie.
L’HAS a établi des recommandations récentes sur l’usage de l’ASP :
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Douleurs abdominales : des indications limitées
Suspicion
d’appendicite
Douleurs abdominales
avec examen clinique
normal
•
La technique d’imagerie recommandée, si le diagnostic clinique est
incertain, est l’échographie. Son interprétation, prudente, devra être
confrontée à l’avis chirurgical.
•
L’ASP n’est indiqué qu’en deuxième intention, en cas de présentation atypique ou de suspicion d’occlusion.
•
L’imagerie n’est indiquée qu’en cas de douleurs noctures ou récidivantes ou d’orientation chirurgicale. La technique recommandée est
l’échographie
L’ASP est indiqué si l’échographie n’est pas contributive
•
Autres symptômes digestifs : des indications limitées
•
L’ASP n’est indiqué qu’en cas de vomissements biliaires, si on soupçonne une occlusion intestinale.
Rectorragies et méléna
•
•
La technique d’imagerie recommandée est l’échographie
L’ASP n’est indiqué que chez le nouveau-né, pour le diagnostic
d’entérocolite
Constipation
•
L’ASP n’est pas indiqué.
Vomissements
Pathologie intestinale : des indications limitées
-
Maladies inflammatoires chroniques de
l’intestin
•
L’ASP n’est indiqué qu’en cas d’exacerbation aiguë, pour visualiser
une colectasie ou une perforation.
Maladie de
Hirschsprung
•
L’ASP n’est indiqué qu’en cas de suspicion d’occlusion ou de perforation.
Masse abdomino-pelvienne : une indication limitée
La technique d’imagerie recommandée en première intention est l’échographie.
L’ASP reste indiqué en deuxième intention, pour faciliter la reconnaissance de calcifications tumorales. Il est très souvent complété par une TDM ou une IRM.
Pathologie urologique : une indication limitée
•
La technique d’imagerie recommandée en première intention est
l’échographie.
L’ASP reste indiqué en deuxième intention, si l’échographie n’est
pas contributive.
Suspicion de lithiase
urinaire
•
Infection urinaire
avérée
•
•
L’ASP n’est pas indiqué.
La technique d’imagerie recommandée est l’échographie.
Enurésie
•
Aucune imagerie n’est indiquée.
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Traumatisme abdominal : l’ASP n’est pas indiqué
- L’imagerie recommandée pour un traumatisme isolé est l’échographie.
- En cas de polytraumatisme, la tomodensitométrie (TDM) est recommandée.
Ingestion de corps étranger : l’ASP reste indiqué
- L’ingestion d’un corps étranger, surtout acéré ou potentiellement toxique, reste une
indication de l’ASP.
Le scanner
Son intérêt est indiscutable dans l’exploration des rares pancréatites (diagnostic positif,
bilan lésionnel et étiologique) [13].
En revanche, il apparaît comme un examen de deuxième intention, loin derrière l’échographie dans la suspicion d’appendicite, en raison de ses inconvénients : irradiation, difficultés du balisage digestif chez l’enfant, pauvreté de la graisse intra-péritonéale et parfois manque de coopération. Il est plus largement utilisé dans les équipes américaines [14, 15, 16].
En général, le recours à la tomodensitométrie en cas de suspicion d’appendicite se fait
dans les cas douteux, auxquels l’échographie n’a pas apporté de réponse précise (faux négatifs de l’échographie).
L’IRM
Peu accessible, nécessitant une sédation chez le jeune enfant, elle ne sera pas l’examen de
choix pour l’exploration des urgences abdomino-pelviennes. Son intérêt a été évalué dans
l’appendicite [17, 18, 19].
Elle est intéressante dans un second temps dans l’exploration des anomalies bilio-pancréatiques.
Il ne faut pas oublier que les pièges rencontrés lors de l’exploration des douleurs abdomino-pelviennes peuvent être liés également à la pathologie :
Appendicite
Le diagnostic clinique d’une appendicite peut être difficile devant une sémiologie clinique atypique : pas de fièvre ou fièvre très élevée. Chez un enfant d’âge inférieur à 3 ans, ou
sur des terrains particuliers : enfant obèse ou ayant un retard mental, enfant sous chimiothérapie, appendicite néonatale.
Une atypie topographique va modifier la symptomatologie clinique : appendice rétrocaecal : douleurs lombaires ± psoïtis. Sous hépatique : douleurs de l’hypochondre droit.
Pelvien responsable de pollakiurie, dysurie ou même diarrhée par irritation vésicale et/ ou
rectale méso-caeliaque donnant un tableau d’occlusion fébrile, sur malrotation donnant des
douleurs de la fosse iliaque gauche.
La prise en charge des douleurs abdomino-pelviennes de l’enfant utilise très fréquemment l’imagerie et en particulier l’échographie qui reste de loin l’examen de première
intention.
Celle-ci ne permet pas toujours de répondre à l’ensemble des questions, il est donc indispensable d’en connaître les limites et les pièges pour une prise en charge optimale.
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V. MERZOUG, C. FOURNET, A.-E. MILLISCHER-BELLAICHE, C. ADAMSBAUM
V. Merzoug, C. Fournet*, AE Millischer-Bellaiche, C. Adamsbaum*
Hôpital Saint Vincent de Paul, Paris
* Université Paris Descartes - Faculté de médecine de Paris.
Auteur correspondant : Valérie MERZOUG - [email protected]
RÉFÉRENCES
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nationales un jour donné. Archives de pédiatrie. Volume 4. Issue 1. Janvier 1997 : 21-26.
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Devred P, Petit P. Les urgences abdominales non traumatiques de l’enfant. J. Radiol 2005; 86 : 223-233
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DOULEURS ABDOMINALES ET PELVIENNES DE L’ENFANT : LES PIÈGES DE L’IMAGERIE
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Figure 1 : Invagination intestinale aiguë
Échographie coupes transversale (a) et longitudinale (b) :
le boudin apparaît sous la forme d’une image en cocarde (a) et en « sandwich » (b).
Figure 2 : Appendice normal en échographie
L’épaisseur normale de l’appendice est inférieure à 6 mm. On distingue 4 couches successives :
la muqueuse, la sous-muqueuse, la musculeuse et la séreuse. La graisse péri-appendiculaire est d’échostructure normale.
Figure 3 : Appendice pathologique. Échographie
L’épaisseur de l’appendice est augmentée, elle est de 8 mm.
Noter l’interruption de la sous-muqueuse et l’aspect hyperéchogène (inflammatoire) du méso appendiculaire.
Figure 4 : Abcès de la pointe de l’appendice. Échographie
Epaississement anormal avec véritable collection hypoéchogène de la pointe de l’appendice en aval d’un stercolithe.
La stratification physiologique de l’appendice a complètement disparu.
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V. MERZOUG, C. FOURNET, A.-E. MILLISCHER-BELLAICHE, C. ADAMSBAUM
Figure 5 : Torsion d’annexe sur kyste hémorragique. Échographie
Nette asymétrie de taille des deux ovaires : l’ovaire droit est de taille normale porteur de micro-follicules physiologiques.
L’ovaire gauche est anormalement augmenté de taille, contenant des follicules de répartition périphérique.
Son stroma paraît hyperéchogène par rapport au côté gauche.
TABLEAU 1 : IMAGERIE DES URGENCES ABDOMINALES
Pathologies les plus fréquemment rencontrées en imagerie en fonction de l’âge des enfants
Nourrissons
-
gastro-entérite
invagination intestinale aiguë
volvulus sur mésentère commun
hernie étranglée
appendicite (rare)
pyélonéphrite
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Jeunes enfants
-
gastro-entérite
invagination intestinale aiguë (< 4 ans)
appendicite
pneumonie
pyélonéphrite
« constipation »
colopathies fonctionnelles
Grands enfants
-
appendicite
pathologies urinaires
pathologies biliaires
pathologies gynécologiques
« constipation »
colopathies fonctionnelles
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ÉCHOGRAPHIE AUX URGENCES PÉDIATRIQUES
par
S. ESCODA, R. GUEDJ, P. BLAKIME, G. CHÉRON
L’échographie depuis plus de trente ans a ouvert de nouvelles possibilités d’investigation, non invasives, indolores, dans l’exploration structurelle et parfois fonctionnelle de
nombreux organes. Apanage du radiologue, puis très vite entre les mains de spécialistes
d’organe (cardiologue), elle a été introduite dans la pratique de la médecine d’urgence dès
que les progrès de la miniaturisation ont permis la généralisation d’appareils mobiles.
Dans le contexte de l’urgence, l’apport de l’échographie a tout d’abord été envisagé
en médecine d’adulte pour l’exploration des traumatismes abdominaux, la recherche d’un
anévrisme de l’aorte, la pathologie des voies biliaires ou le diagnostic précoce de grossesse.
Sa rapide extension en pratique quotidienne a conduit à l’individualisation de l’American
College of Emergency Physicians Section of Emergency Ultrasound mais surtout à son
inscription dans le programme d’enseignement des résidents en médecine d’urgence [1, 2].
Dans l’exploration des traumatismes abdominaux elle est réalisée soit par un chirurgien, soit
par un urgentiste au lit du patient [3].
L’introduction de l’échographie au sein des urgences pédiatriques est plus récente. Aux
États-Unis, seul un tiers des cursus d’urgences pédiatriques comportent un enseignement
formalisé et il est le plus souvent délivré par des urgentistes adultes [4]. L’individualisation
d’un enseignement d’échographie pédiatrique est toutefois nécessaire en raison de la spécificité des questions posées par les pathologies de l’enfant. C’est ainsi que le DIU national
d’échographie organisé conjointement par les différents CHU de France et piloté par un
comité national pédagogique comporte un module d’échographie pédiatrique.
L’ÉCHOGRAPHIE AUX URGENCES PÉDIATRIQUES
L’échographie aux urgences est un examen dirigé, focalisé dont l’objectif est de répondre
à une question spécifique, la conduite diagnostique et/ou thérapeutique dépendant
directement de la réponse donnée [5, 6]. Il ne s’agit pas d’un acte de radiodiagnostic, et
en ce sens, l’expertise du radiologue n’est pas indispensable. L’échographie vient aider la
réalisation de procédures invasives ou répondre à une question de l’ordre du diagnostic.
Nous nous limiterons aux aspects pédiatriques aux urgences et nous ne traiterons pas de
l’échocardiographie fonctionnelle.
Procédures invasives
La pose d’une voie d’abord périphérique n’est pas toujours aisée et l’expérience du
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S. ESCODA, R. GUEDJ, P. BLAKIME, G. CHÉRON
soignant n’est pas synonyme de succès à la première tentative. Dans une étude prospective,
randomisée, Doniger et al ont inclus 50 enfants âgés de moins de 10 ans, nécessitant une
voie d’abord périphérique, après deux tentatives infructueuses. Dans le groupe bénéficiant
d’un repérage échographique de la veine le taux de succès à la première tentative était
significativement meilleur (80 vs 64 %), le temps nécessaire moins long (6,3 vs 14,4 min), le
nombre de tentatives moindre (1 vs 3) et la nécessité de rediriger le cathéter moins fréquente
(2 vs 10) [7]. La recherche échographique du réseau veineux superficiel chez les enfants
difficiles à piquer ou pour lesquels deux tentatives ont préalablement échoué pourrait à
l’avenir devenir une règle de bonne pratique. Le repérage échographique des gros troncs
veineux profonds lors de la pose d’une voie veineuse centrale est déjà entré dans les pratiques
des anesthésistes et des réanimateurs.
Le recueil d’urine pour le diagnostic d’infection urinaire, chez le nourrisson, pose
toujours le problème de la fiabilité du recueil par poche. Il est démontré que le nombre de
faux positifs, liés à la contamination de la poche, est important et il faut parfois attendre
plusieurs heures pour obtenir une miction. Le sondage vésical est la technique préconisée de
recueil. Les sondes prélubrifiées, molles, minimisent le risque de traumatisme uréthral mais
cette technique n’est rapide que si la vessie est pleine.
Witt et al ont randomisé 64 enfants âgés de moins de trois ans pour un sondage vésical
avec ou sans échographie vésicale préalable. Dans le groupe avec échographie, le sondage était
réalisé si le diamètre transversal de la vessie était au moins égal à 2 cm. Dans le cas contraire,
l’échographie était répétée une demi-heure plus tard. Les deux groupes ne différaient ni
pour le sex ratio ni pour l’âge moyen des enfants (9,4 vs 7,8 mois). Le sondage était réussi si
la quantité d’urines recueillies était supérieure à 2 ml. Le groupe avec échographie préalable
avait un taux de succès plus important (94 % vs 68 %, p = 0,007) [8].
Dans une étude prospective chez des nourrissons, Chen et al ont comparé la quantité
d’urines recueillies par le premier sondage vésical tout d’abord chez 136 enfants, puis chez
112 autres qui avaient préalablement une échographie vésicale destinée à documenter la
présence ou non d’urines. Lorsque la vessie était vide, l’échographie était répétée toutes
les 30 minutes jusqu’à ce que son contenu soit jugé suffisant. Le sondage était réussi si
une quantité d’urines de plus de 2 ml était recueillie. La réalisation de l’échographie a
permis un taux de succès du premier sondage de 98 % (vs 72 %). Pour les 27 enfants dont
la vessie était initialement vide, l’échographie a été répétée et le contenu vésical considéré
comme suffisant dans un délai inférieur à 90 min. Pour ces enfants, le premier sondage était
positif dans 93 % des cas. Globalement le taux de succès du premier sondage après contrôle
échographique était de 96 %. Les auteurs concluaient que l’échographie vésicale diminuait
le nombre de sondages nécessaires [9].
Tout comme pour la pose d’une voie d’abord périphérique, le contrôle échographique,
avant cathétérisation, du diamètre transversal de la vessie ou d’un index vésical de réplétion
[10], permet de réaliser le geste invasif avec plus de sécurité et mériterait d’entrer dans les
règles de bonne pratique.
Procédures à visée diagnostique
Épanchements intra-articulaires
La reconnaissance d’un épanchement intra-articulaire est aisée pour les articulations
superficielles. L’épaule et la hanche sont des articulations profondes pour lesquelles
l’échographie aide le clinicien. En urgence pédiatrique, la question d’un épanchement de
l’articulation coxo-fémorale est quotidienne et la technique échographique relativement
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ÉCHOGRAPHIE AUX URGENCES PÉDIATRIQUES
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aisée. La hanche est analysée par approche antérieure, patient en décubitus dorsal, membre
inférieur en extension et en position neutre. On cherche à obtenir une coupe longitudinale
de la capsule et de la bourse antérieure du psoas. L’examen doit être bilatéral et comparatif. La
présence d’un liquide est visualisée comme hypo/anéchogène provoquant une surélévation
de la capsule (Fig1).
Cette indication se développe. Vieira et al ont comparé prospectivement les résultats
des échographies de hanches réalisées par des pédiatres urgentistes chez des enfants âgés de
moins de 18 ans consultant pour boiterie ou douleur de hanche, aux résultats des examens
réalisés par des radiologues. Ils ont inclus 28 patients (âge médian 7,5 ans) et 55 hanches
ont été explorées. Pour les 28 hanches symptomatiques, l’échographie avait une sensibilité
de 85 % (IC 95 % : 79 – 98 %), une spécificité de 93 % (IC 95 % : 66 – 99 %), une valeur
prédictive positive de 92 % (IC 95 % : 60 – 99 %) et une valeur prédictive négative de 88 %
(IC 95 % : 60 – 98 %). Quand le pédiatre pensait avoir réalisé aisément son échographie,
ces valeurs étaient respectivement de 90 %, 100 %, 100 % et 92 %. Les trois pédiatres ayant
réalisé les échographies avaient préalablement reçu une formation de 30 minutes et réalisé
10 échographies de hanche supervisées par le radiologue [11]. Nous avons à ce jour réalisé
182 échographies de hanche pour lesquelles 67 épanchements (36,8 %) ont été visualisés.
Corps étrangers des tissus mous, collections sous-cutanées et abcès
La reconnaissance échographique de corps étrangers non métalliques (bois, verre,
plastique) sous-cutanés en complément de l’examen clinique s’avère plus rentable que les
radiographies des tissus mous [12]. Elle permet sa localisation notamment en profondeur
par rapport aux plans superficiels. La rentabilité de l’examen est fonction de l’expérience de
l’opérateur et de la formation reçue [13, 14].
La reconnaissance d’une collection sous-cutanée et l’indication de son incision /
drainage n’est pas toujours aisée. L’échographie permet aisément, au terme d’une formation
simple et courte, de reconnaître les collections avec d’excellentes sensibilité, spécificité,
valeurs prédictives positive et négative. Dans la série de Tayal, l’usage de l’échographie
a modifié dans près de 50 % des cas la décision thérapeutique initiale et de recourir à un
drainage chirurgical [15, 16].
Échographie rénale
Les modalités du traitement de l’infection urinaire fébrile chez le nourrisson sont
fonction de l’existence ou non d’une malformation (syndrome de jonction, rein unique,
duplication, méga uretère, valve de l’urèthre) ou d’une complication (abcès parenchymateux)
sous-jacente. L’échographie rénale et des voies urinaires, lorsqu’elle est disponible, permet
de préciser la normalité ou non de l’arbre urinaire et de dépister ces facteurs de gravité de
l’infection. Les questions posées au clinicien pour guider sa décision thérapeutique sont
simples : existence ou non de deux reins, de taille normale pour l’âge, d’une image d’abcès
parenchymateux, d’une dilatation pyélique et/ou urétérale, de signes de souffrance vésicale
en amont d’un obstacle. L’acquisition des informations doit suivre un protocole (le même
au sein d’une équipe) qui peut être le suivant : débuter par l’analyse de la vessie (idéalement
pleine) en décubitus dorsal avec des coupes sagittales et transversales ; puis réaliser des
coupes longitudinales des reins droit et gauche avec mesure (en procubitus si possible) de la
longueur longitudinale maximale des 2 reins ; procéder à la mesure du diamètre transversal
maximal du bassinet (qu’il soit rénal ou extra rénal) pour chacun des 2 reins en utilisant le
doppler couleur pour distinguer les vaisseaux du reste du hile et enfin évaluation du volume
post-mictionnel éventuel.
Nous menons un travail prospectif sur la faisabilité de la réalisation des échographies
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rénales par les seniors des urgences. Les enfants ayant une infection urinaire fébrile ont
une échographie rénale aux urgences renseignant sur l’existence des deux reins, leurs
mensurations rapportées à l’âge et aux normes publiées [17], la visibilité et les dimensions
des cavités pyélocalicielles (Fig 2), des uretères en position rétro-vésicale (Fig 3), et la
vacuité ou non de la vessie. Les données de ce premier examen sont comparées à celles d’une
échographie réalisée dans le service de radiologie. A ce jour nous avons inclus 140 enfants
âgés d’un mois à 17 ans. Le transfert de compétence est assuré par un membre de l’équipe
qui a reçu une formation complète à l’échographie et encadre les autres seniors. Les intérêts
de cette acquisition de compétences résident dans l’unité de lieu pour la prise en charge de
l’enfant lui évitant un aller retour en radiologie, le gain de temps sur le séjour aux urgences,
et le fait que le pédiatre devient l’interlocuteur unique des parents et de l’enfant.
LA FORMATION À L’ÉCHOGRAPHIE
Les recommandations américaines
En 2009 l’Américan Collège of Emergency Physician (ACEP) ainsi que la Society
of Academic Emergency Medicine (SAEM) mettaient à jour leurs recommandations en
matière d’indications, de formation et de management de bonnes pratiques au sein des
services [5, 18]. Elles y décrivent de façon précise les voies et étapes de formation selon que
l’enseignement soit inclus dans la formation initiale des résidents en médecine d’urgence
(residency-based pathway) ou qu’il soit destiné à des cliniciens déjà en activité n’ayant reçu
aucune instruction préalable (Practice-based Pathway). Ces guidelines de formation ont été
établies sur la base d’un enseignement minimum de compétences prédéfinies « core applications » qui sont les suivantes :
- Evaluation des traumatismes abdominaux : Focused Assessment with Sonography in
Trauma examination (FAST),
- Echographie cardiaque fonctionnelle et reconnaissance d’une péricardite,
- Pathologie aiguë de l’aorte (anévrysme),
- Reconnaissance des grossesses intra-utérines,
- Guide des procédures invasives,
- Reconnaissance des pathologies des voies biliaires,
- Détection des thromboses veineuses profondes,
- Reconnaissance d’une hydronéphrose et évaluation du volume vésical,
- Détection d’une collection sous-cutanée, d’un abcès ou d’un corps étranger,
- Identification d’un pneumothorax,
- Identification d’une pathologie oculaire.
Les conditions nécessaires à l’acquisition d’un tel « minimum vital » durant la
formation initiale se résume ainsi : il doit exister un directeur/coordonnateur détenteur
des compétences nécessaires à la mise en place de tous les aspects du programme
d’enseignement. Le nombre d’enseignants compétents doit au moins être égal à la moitié
des applications enseignées dans le programme. Un équipement adapté doit être disponible
sans discontinuité et un support théorique facilement consultable. Le programme théorique
doit comporter au moins une journée d’enseignement couvrant les bases physiques des
ultrasons et les caractéristiques des différentes techniques suivie d’un minimum de 15 j
(ou 80 heures) dédiés aux applications. L’exposition pratique minimale demandée au cours
du cursus est de 150 examens réalisés en « situation critique ». Le contrôle des acquis est
sanctionné par une évaluation pratique (technique/interprétation) et théorique (QCM).
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ÉCHOGRAPHIE AUX URGENCES PÉDIATRIQUES
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Les cliniciens ayant terminé leur formation initiale doivent suivre un enseignement
théorique de 16 à 24 h (bases physiques et techniques) et doivent être encadrés par un
instructeur compétent (idéalement un clinicien déjà formé). Cet enseignement théorique
doit être complété par des exercices sur modèle (6 à 8 heures). Une formation plus courte
(4 à 8 h) pour un programme plus restreint (une ou deux applications) est possible.
L’exposition pratique exigée est de 25 répétitions par indication (10 s’il s’agit de procédures
invasives) et d’une manière générale de 150 réalisations pour l’acquisition de 7 applications
minimum. La formation peut donc s’intégrer dans l’exercice quotidien.
La formation en France
Les cliniciens exerçant aux urgences (hors pédiatrie) disposent d’un outil de formation
(module d’échographie appliqué aux urgences ou EAU) intégré au DIU national d’échographie. Il se décompose de la manière suivante : une formation initiale sous la forme d’un
tronc commun comprenant 16 heures d’enseignement théorique et au moins 15 demijournées de pratique au sein d’une unité de radiologie suivie d’un enseignement spécifique.
Ce dernier contient un volume de 24 heures de théorie et 30 vacations dans un service de
radiologie agréé par le coordinateur régional pendant lesquelles l’étudiant devra réaliser au
moins 25 répétitions pour chaque application (les objectifs d’enseignement étant superposables à ceux exigés aux USA). La formation est également sanctionnée par une épreuve
écrite et pratique.
Le module d’échographie pédiatrique traite des pathologies spécifiques de l’enfant indépendamment du contexte (consultation réglée/urgence) et comprend 16 heures de théorie
et 30 vacations au sein d’un service de radiologie pédiatrique. Il est accessible au pédiatre
désirant acquérir de nouvelles compétences.
ASSURANCE QUALITÉ AU SEIN DES SERVICES
La mise en place d’un système d’assurance qualité doit faire partie intégrante d’un
programme d’échographie destiné à l’usage des cliniciens. Les objectifs de ce système sont
d’évaluer les compétences techniques et d’interprétation des images obtenues et de fournir
un retour aux praticiens afin d’améliorer leurs performances. Pour L’ACEP un tel programme doit pouvoir répondre à un certain nombre d’exigences [5]. Le coordonnateur désigné
du processus de management de la qualité est responsable de la maintenance du matériel,
de l’enseignement et de l’encadrement de l’équipe. Le système de management doit comprendre la relecture régulière d’un échantillon des différents examens réalisés et une revue
périodique de la pratique de chaque clinicien, une procédure de suivi de tous les résultats
jugés anormaux, une comparaison « de routine » entre les résultats échographiques et ceux
obtenus pour le même patient avec d’autres moyens d’imagerie et/ou d’éventuels résultats
chirurgicaux. En outre chaque réalisation doit faire l’objet d’un compte rendu et les données doivent pouvoir être stockées durant une période « suffisante ».
CONCLUSION
L’examen échographique aux urgences pédiatriques doit se concevoir comme le prolongement de la main du clinicien et répondre à une question simple. Il s’agit d’un examen
dirigé/focalisé et il doit donc garder des limites. Néanmoins le champ des applications
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potentielles est important et probablement encore sous évalué. La formation des pédiatres à
son utilisation est loin d’être insurmontable, et nous l’avons vu peut même s’intégrer pour
une bonne part à la pratique quotidienne. Il y a une véritable nécessité de fixer des règles
et conditions d’utilisation et de valider nos pratiques. Au sein des urgences pédiatriques
de l’hôpital Necker Enfants malades, la réalisation au lit du malade des échographies à la
recherche d’épanchement nous a permis d’améliorer la prise en charge d’une partie de nos
patients en diminuant leur temps de présence au sein du service, mais également de soulager
la charge de travail croissante du radiologue. Nous espérons, une fois l’étape d’évaluation
de notre pratique concernant l’échographie de l’appareil urinaire validée, pouvoir étendre
l’application de l’outil (en partenariat avec l’unité de radiologie) à la recherche des invaginations iléo-caecales et des sténoses du pylore.
Simon Escoda1, Romain Guedj1, Philippe Blakime2, Gérard Chéron1.
1 Service des urgences pédiatriques, Université Paris Descartes, Hôpital Necker Enfants Malades, 149 rue de Sèvres,
75015 Paris.
2 Service de Radiologie Pédiatrique, Université Paris Descartes, Hôpital Necker Enfants Malades, 149 rue de
Sèvres, 75015 Paris.
Auteur correspondant : Simon Escoda - [email protected]
RÉFÉRENCES
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ÉCHOGRAPHIE AUX URGENCES PÉDIATRIQUES
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Fig 1 : épanchement de hanche.
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Fig 2 : Dilatation et épaississement des cavités pyélocalicielles.
Fig 3 : Uretère gauche dilaté en position rétro-vésicale.
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MISES AU POINT
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SUIVI DES ENFANTS NÉS APRÈS
ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION (AMP)
par
L. FOIX-L’HÉLIAS, N. FRYDMAN, B. DUCOT, R. FRYDMAN, P. LABRUNE
CONTEXTE
A ce jour on estime en France que, parmi les 825 000 naissances annuelles, 35 à 40 000
surviennent après traitement de l’infertilité, dont plus de 15 000 après fécondation in
vitro (FIV). Depuis la naissance d’Amandine en 1982, premier bébé FIV français, d’autres
naissances marquantes ont témoigné de l’essor considérable de l’assistance médicale à la
procréation :
- 1986, naissance de Guillaume et Sarah après congélation embryonnaire ;
- 2000, naissance de Valentin, premier enfant né après diagnostic préimplantatoire
(DPI) ;
- 2003, naissance d’Iris, premier bébé né après maturation in vitro (MIV).
Si la fécondation in vitro fait désormais partie de l’arsenal thérapeutique classique de la
prise en charge de l’infertilité, de nouvelles techniques ne cessent de se développer permettant une meilleure prise en charge des couples en désir d’enfant.
Différents examens biologiques, biochimiques ou génétiques sont souvent nécessaires
à la réalisation d’une assistance médicale à la procréation. Mais pour le pédiatre, le succès
d’une AMP s’évalue non pas sur un taux d’embryons ou sur un taux de grossesses, mais sur
la naissance et le développement d’un enfant bien portant. Dès lors, la question d’un suivi
particulier de ces enfants s’est posée afin de s’assurer que leur devenir n’est pas différent de
celui d’enfants issus de grossesses spontanées.
L’AMP est encadrée en France par des lois dites de Bioéthique de 1994 révisées en août
2004. Dès 1994, le suivi des enfants, condition essentielle au développement de l’AMP, a
été inscrit dans la loi. Cependant, aucun cadre réglementaire ne précise les conditions de ce
suivi.
L’ARSENAL THÉRAPEUTIQUE DU MÉDECIN
Bien qu’elles constituent encore la majorité des cycles traités, les inductions simples de
l’ovulation ne font pas partie de l’assistance médicale à la procréation. Elles ne font l’objet
d’aucune déclaration et ne permettent de fait aucune évaluation.
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L. FOIX-L’HÉLIAS, N. FRYDMAN, B. DUCOT, R. FRYDMAN, P. LABRUNE
IIU : Insémination Intra-Utérine
Dans certains cas, l’insémination artificielle intra-couple (IAC) ou IIU est utilisée pour
faciliter la rencontre entre l’ovocyte et le spermatozoïde. C’est la technique la plus simple
pour obtenir une grossesse pour autant que l’indication soit bien posée.
FIV : Fécondation In Vitro « classique »
Cette technique repose sur une stimulation ovarienne par des gonadotrophines exogènes permettant d’obtenir plusieurs ovocytes matures qui sont ensuite recueillis par ponction
échoguidée. La fécondation est réalisée en mettant en contact dans une éprouvette les ovocytes recueillis et les spermatozoïdes. Ceci suppose que les spermatozoïdes sont en quantité
et qualité suffisantes.
L’objectif est d’obtenir des embryons qui seront ultérieurement transférés dans la cavité
utérine, le plus souvent à J2 mais parfois plus tard si l’on décide de prolonger la culture
embryonnaire jusqu’au stade blastocyte. Les embryons surnuméraires éventuels sont congelés pour des transferts ultérieurs.
Pendant des années, on a transféré classiquement trois embryons, mais parfois bien plus,
afin d’augmenter les chances d’obtenir une grossesse. Devant les risques majeurs liés aux
grossesses multiples tant pour la mère que pour les enfants, les professionnels de la médecine
de la reproduction ont revu leurs pratiques et ont adapté leur politique de transfert. Il est
actuellement usuel, après discussion avec le couple, de ne replacer qu’un ou deux embryons,
exceptionnellement trois, afin d’éviter au maximum les risques associés aux grossesses multiples [1].
ICSI : Intra-Cytoplasmic Sperm Injection
Il s’agit d’une fécondation in vitro avec micro-injection du spermatozoïde dans l’ovule.
Cette technique n’est pas fondamentalement différente de celle de la FIV classique mais
elle nécessite l’intervention du biologiste qui devra sélectionner un seul spermatozoïde
à injecter dans l’ovocyte pour induire la fécondation. Initialement réservée à l’infertilité
masculine, l’ICSI a vu ses indications s’élargir, par exemple dans le cas d’échecs répétés de
FIV classiques.
L’ICSI s’est développée en France dans les années 90. Jusqu’en 1996, devant les craintes
d’anomalies chromosomiques plus élevées qui pourraient être liées au traumatisme ovocytaire induit par la technique elle-même, les femmes subissaient une amniocentèse systématique à la recherche de telles anomalies. Les données étant très rassurantes l’amniocentèse
n’est plus systématique.
L’ICSI représente actuellement jusqu’à 60 % des techniques d’assistance médicale à la
procréation.
IMSI : Intra-Cytoplasmic Magnified Sperm Injection
Cette technique est une ICSI classique qui utilise un très fort grossissement (x 10 000)
en haute résolution afin de mieux visionner les spermatozoïdes et assurer une meilleure
détection de leurs anomalies de structure.
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SUIVI DES ENFANTS NÉS APRÈS ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION (AMP)
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MIV : Maturation In Vitro
Contrairement à la FIV classique où les ovocytes sont recueillis à un stade mature après
stimulation ovarienne, cette technique utilise des ovocytes immatures et leur maturation est
alors effectuée in vitro par le biologiste [2].
Cette technique est principalement réservée aux patientes présentant un syndrome des
ovaires polykystiques ou aux patientes ayant présenté un syndrome d’hyperstimulation
sévère lors d’une fécondation in vitro « classique ».
La MIV tend à se développer mais il n’y a actuellement que quatre centres en France qui
la réalisent (Clamart, Lyon, Grenoble, Toulouse).
DPI : Diagnostic Pré-Implantatoire
Le diagnostic préimplantatoire a pour objectif de permettre à des parents ayant un risque établi de transmission d’une anomalie génétique grave (par exemple la mucoviscidose)
d’avoir des enfants indemnes de cette anomalie [3].
Le diagnostic pré-implantatoire étudie les caractéristiques génétiques d’un embryon
âgé de trois jours. Il est né de la pratique de la fécondation in vitro et du développement des
techniques de biologie et de cytogénétique moléculaires permettant une analyse génétique
sur cellule unique. L’anomalie chromosomique ou la présence d’une mutation dans un gène
sont alors détectées, permettant d’orienter le transfert in utero du ou des embryons sains.
L’avantage de cette technique est d’éviter un diagnostic prénatal et son corollaire qu’est,
le cas échéant, l’épreuve douloureuse d’une interruption médicale de grossesse (IMG) lorsque le fœtus est atteint.
La pratique du DPI a débuté dans le monde il y a une quinzaine d’années environ.
Depuis plusieurs centaines d’enfants sont nés après utilisation de cette technique. Sa pratique demeure néanmoins toujours très restreinte et, en France, le DPI n’est autorisé que dans
trois centres (Clamart, Strasbourg, Montpellier).
Face à l’évolution technologique et aux manipulations de plus en plus importantes ainsi
générées, les équipes médicales sont confrontées d’une part à l’évaluation de ces techniques
et d’autre part à l’analyse des éventuels retentissements sur la santé des enfants qui en sont
issus.
SUIVI DES ENFANTS : QUE FAUT-IL SURVEILLER ET POURQUOI ?
Les objectifs de cette surveillance
-
-
Les objectifs sont multiples :
être en mesure de détecter et d’expliquer d’éventuels problèmes de santé : ceci a déjà
été rendu possible grâce aux grandes cohortes pédiatriques telles qu’EPIPAGE (Etude
Epidémiologique sur les petits Ages Gestationnels) dont les résultats ont permis d’améliorer la prise en charge des grands prématurés ;
pouvoir prendre en compte les conséquences de l’AMP : grossesses multiples plus fréquentes, ou le terrain même de l’infertilité ;
pouvoir affirmer que si on ne décèle pas de problème de santé particulier, c’est qu’il n’y
en a effectivement pas et que ce résultat n’est pas lié aux conditions de réalisation du
suivi (mauvais indicateurs utilisés, mauvais protocole de suivi, …).
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L. FOIX-L’HÉLIAS, N. FRYDMAN, B. DUCOT, R. FRYDMAN, P. LABRUNE
Il n’y a pas ou peu d’hypothèse physiopathologique forte mais plusieurs raisons justifient néanmoins le suivi de ces enfants. Elles s’articulent autours de trois axes principaux :
- les conséquences des techniques utilisées :
o production des ovocytes obtenus par stimulation hormonale ;
o manipulation des gamètes in vitro ;
o suppression des processus naturels de sélection ;
o milieu de culture des embryons ; et
o politique de transfert des embryons.
- les conséquences de l’hypofertilité parentale :
o transmission possible de l’infertilité aux enfants.
- les conséquences du parcours d’infertilité des parents :
o long délai d’attente, enfant « surinvesti ».
De fait, le suivi de ces enfants s’attache à dépister des problèmes de nature médicale :
malformations congénitales, anomalies chromosomiques, trouble de la croissance, cancer, …
Mais on doit également s’intéresser aux questions de nature psychologique : développement
psychoaffectif, place de l’enfant au sein de sa famille, comportement alimentaire, connaissance ou non du mode de conception (problème du don de gamète).
Les données
De nombreuses études se sont intéressées au devenir des enfants de l’AMP mais les
résultats sont parfois contradictoires [4, 5].
Données périnatales
Quelle que soit la méthode utilisée, les grossesses obtenues chez les patientes infertiles
sont à risque plus élevé de complications périnatales. Sur le plan néonatal, on peut schématiser les caractéristiques de ces enfants : ils ont un risque de prématurité multiplié par cinq, un
risque d’hypotrophie multiplié par trois. La conjugaison de l’augmentation de ces deux taux
conduit à un taux d’hospitalisation multiplié par trois et à une mortalité néonatale multipliée par six par rapport à la population générale. Ce devenir néonatal, moins favorable que
celui d’enfants issus de grossesses spontanées, est difficile à attribuer aux traitements mêmes
de l’infertilité. On évoque plutôt le terrain de l’infertilité (âge maternel élevé, infertilité
masculine) ou le rôle des grossesses multiples [4].
Malformations congénitales et anomalies chromosomiques
L’étude des malformations congénitales est particulièrement difficile car les publications sont peu comparables entre elles [6]: les fausses couches ne sont pas toujours bien
documentées, les pratiques autour de l’interruption médicale de grossesse diffèrent d’un
pays à l’autre, et enfin, les définitions des malformations mineures et majeures ne sont pas
toujours homogènes.
Certaines études sur les conséquences de l’AMP ont été rassurantes ne soulignant pas
d’augmentation significative des malformations [7, 8]. Mais plus récemment des études
ont rapporté une augmentation du risque de malformations congénitales [6, 9]. Plusieurs
hypothèses ont été formulées autour de malformations dites de « fermeture ». Parmi les
plus fréquentes on trouve : anomalie de fermeture du tube neural, atrésie de l’œsophage,
omphalocèle, hypospadias, anomalies du sinus urogénital.
En ce qui concerne l’ICSI, elle a soulevé de nombreux débats car certaines études
concluaient à l’absence d’augmentation des malformations ou à une augmentation modérée
alors que d’autres ont souligné une augmentation des anomalies chromosomiques possible-
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SUIVI DES ENFANTS NÉS APRÈS ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION (AMP)
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ment liées au contexte génétique paternel.
Maladies de l’empreinte
Très récemment, quelques publications ont rapporté une relation entre AMP et
pathologies liées à l’empreinte génétique chez l’homme [10]. L’empreinte parentale est la
non-équivalence des deux génomes parentaux. Ce phénomène concerne différentes régions
autosomiques et joue un rôle majeur dans le développement et la croissance du fœtus. Les
syndromes de Wiedemann-Beckwith, de Willi-Prader ou d’Angelman sont en rapport avec
des anomalies génétiques ou épigénétiques de régions chromosomiques (11p15.5 pour le
Wiedemann-Beckwith, et 15q11-13 pour les deux autres syndromes) soumises à empreinte
parentale. Récemment, l’AMP a été incriminée dans l’augmentation de l’incidence de ces
pathologies, en particulier du syndrome de Wiedemann-Beckwith et du syndrome d’Angelman. L’anomalie mise en évidence est un défaut de méthylation d’un gène maternel,
normalement méthylé et non fonctionnel [11].
Il apparaît dès lors important d’évaluer de manière précise si l’AMP comporte un risque
d’anomalie épigénétique, notamment de troubles de la méthylation, et si oui, de déterminer
si certaines techniques d’AMP sont spécifiquement associées à ce risque.
Evoquant toujours ce même mécanisme, la publication princeps de Moll [12] a fait état
d’un risque accru de rétinoblastome chez les enfants nés après FIV. A contrario, une autre
étude menée d’après le registre Danois des enfants nés après FIV ou ICSI [10], ne retrouve
aucune augmentation de maladies de l’empreinte par rapport aux enfants conçus spontanément. L’ensemble de ces pathologies sont des évènements très rares dont l’incidence varie de
1/15 000 à 1/50 000. Ceci rend difficile la mise en évidence d’un rôle éventuel de l’AMP.
Cependant une étude est actuellement en cours afin de tester une éventuelle association
entre rétinoblastome et traitement de l’infertilité à partir des données de l’Institut Curie
(Paris) qui regroupe la quasi exhaustivité des cas de rétinoblastome en France.
Développement psychomoteur
Les études portant sur le développement de l’enfant et rapportant le résultat de tests
psychologiques ne montrent pas de différence entre les enfants conçus spontanément et
ceux conçus par FIV ou ICSI [13]. Mais là encore les difficultés méthodologiques des études (groupe témoin, durée de suivi variable, perdus de vue, …) exigent la prudence devant
l’extrapolation des résultats.
CONCLUSION
A ce jour des centaines de milliers d’enfants sont nés dans le monde après AMP. Le risque principal de ces enfants est d’être issu d’une grossesse multiple et donc d’être exposé à
la prématurité. Certaines malformations congénitales ont un risque multiplié par deux mais
globalement ces enfants vont bien.
A plus long terme, des interrogations subsistent. Sans pour autant les stigmatiser, un
suivi de ces enfants est nécessaire afin d’être capable d’affirmer que leur développement ne
sera pas différent de celui d’un enfant conçu spontanément.
Les modalités de ce suivi restent à définir : faut-il un suivi exhaustif et prospectif avec
mise en place de cohortes comme c’est le cas actuellement pour les enfants DPI ou MIV ?
Faut-il mettre en place des études « ad hoc » pour répondre à des questions spécifiques
comme c’est le cas pour le rétinoblastome ?
Mais pouvoir répondre à ces questions c’est déjà avoir répondu à celle du «secret»
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autour de la conception de ces enfants dont certains parents ne veulent pas révéler ou divulguer l’origine ou le parcours au pédiatre qui suit leur enfant.
Laurence Foix-L’Hélias1, Nelly Frydman1, Béatrice Ducot2, René Frydman1, Philippe Labrune1
1 : Hôpital Antoine Béclère (Clamart)
2 : Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, unité 1018, Université Paris Sud (KremlinBicêtre)
Auteur correspondant : Laurence Foix-L’Hélias - Hôpital Antoine Béclère - Service de pédiatrie et réanimation
néonatales - 157, rue de la porte de Trivaux - 92140 Clamart - [email protected]
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MALFORMATIONS ARTÉRIO-VEINEUSES CÉRÉBRALES
DU NOUVEAU-NÉ ET DE L’ENFANT
par
G. SALIOU, A. OZANNE, M. SACHET, D. DUCREUX
Une malformation artério-veineuse est une communication anormale entre le système
artériel et veineux. Lorsque les capillaires artériolo-veinulaires sont présents mais malformés
et dilatés, on parle de nidus et de malformation de type nidal. Ces capillaires peuvent également être absents, les artères se jetant alors directement dans des veines et on parle alors
de fistule.
Les malformations artério-veineuses cérébrales pédiatriques sont rares. Elles sont classées
en fonction de leur localisation anatomique. Trois types de malformations artério-veineuses
se rencontrent en pédiatrie : les malformations artério-veineuses de la veine de Galien, les
malformations artério-veineuses piales et les malformations artério-veineuses durales. Ces
trois types de malformations peuvent avoir une angio-architecture à type de nidus ou de
fistule.
Les malformations de la veine de Galien sont les plus fréquentes. Elles sont de localisation choroïdienne. Le système choroïdien normal a pour fonction la production du liquide
cérébro-spinal (LCS). La localisation anatomique de la malformation explique pour une
part la fréquence des désordres hydroveineux rencontrés dans cette pathologie.
Les malformations artério-veineuses piales ont une localisation à la surface du cerveau
sur la pie-mère, localisation la plus fréquemment rencontrée chez l’adulte mais à la différence des adultes leur angio-architecture est le plus souvent sous forme de fistules à haut débit.
Les troisièmes types de malformations rencontrées sont les malformations artério-veineuses durales. Ces dernières sont les plus rares, et en général de moins bon pronostic.
VGAM
Les malformations de la veine de Galien (MAVG) sont les plus fréquentes des malformations artério-veineuses cérébrales rencontrées en pédiatrie. Elles correspondent à près de
50 % des malformations pédiatriques [1]. Environ 30 % d’entre elles sont dépistées in utero
au cours de l’échographie du second ou troisième trimestre.
Elles sont de localisation choroïdienne, dans l’espace sous-arachnoïdien. Les MAVG
sont classées en 2 types : mural (angio-architecture de type fistuleux, avec quelques artères de
gros calibres se jetant à haut débit dans la veine de Galien) (figure 1) ou choroïdien (angioarchitecture de type nidal, avec de multiples artères de plus petit calibre) (figure 2) [1,2]. Les
MAVG sont différentes des dilatations de la veine de Galien provoquées par les malforma-
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tions artério-veineuses piales ou durales profondes, se drainant dans la veine de Galien. Ces
dernières sont parfois difficiles à différencier d’une authentique MAVG, et une confusion
initiale est faite dans près de 20 % des cas.
Angio-architecture
C’est une malformation survenant en fin de période embryonnaire sur la veine médiane
du prosencéphale, ne permettant pas le développement normal de la veine de Galien à partir
de celle-ci [3]. La veine de Galien est le collecteur veineux de l’ensemble du drainage veineux
cérébral profond. Dans les MAVG, du fait d’une malformation de la veine de Galien, le
drainage veineux profond se fait par des voies alternatives via des veines thalamiques, latéromésencéphaliques, pétreuses et enfin les sinus pétreux supérieurs, ainsi que via la persistance
de sinus falcoriels embryonnaires. Ce drainage prend un aspect caractéristique en « epsilon » dans cette malformation (figure 3).
Les artères afférentes à la malformation sont celles destinées au système choroïdien : artères choroïdiennes postérieures issues des artères cérébrales postérieures, et artères choroïdiennes antérieures issues des carotides internes et des artères communicantes postérieures. Des
artères sous épendymaires issues de la terminaison du tronc basilaire ainsi que la persistance
d’artères embryonnaires choroïdiennes issues des artères cérébrales antérieures (formant le
cercle limbique embryonnaire) sont également fréquemment retrouvées (figure 3).
Clinique
Les principaux symptômes sont l’insuffisance cardiaque (de 0 a 6 mois) [4], l’hydrocéphalie (de 6 mois à 2 ans), et le retard de développement (au-delà de 2 ans). A la différence des MAV de type adulte, le risque d’hémorragie d’un MAVG est infime et ne survient
que tardivement chez l’adolescent ou l’adulte.
Retentissement cérébral
Environ 20 % des nouveau-nés avec MAVG ont une atteinte cérébrale grave. Cette
atteinte appelée « melting brain » ou fonte cérébrale focale est une nécrose parenchymateuse par hyperpression veineuse chronique liée à la malformation (figure 4). Dans ce cas
le pronostic neurologique est mauvais, car les atteintes sont souvent plus étendues que les
lésions visibles. En effet ces lésions sont provoquées par un mécanisme hypertensif veineux
cérébral global et non pas par une ischémique focale (comme lors d’une thrombose veineuse
cérébrale ou d’un infarctus cérébral artériel). En imagerie, il convient de les rechercher systématiquement, notamment en anténatal. En IRM, elles associent une atrophie parenchymateuse cérébrale focale plus ou moins marquée, avec une dédifférenciation cortico-sous-corticale en T2 et un aspect hyper-intense du cortex en diffusion (séquence très sensible dans
cette indication) voire en T1 lorsque les lésions sont chroniques.
Le système choroïdien normal a pour fonction la production du liquide cérébro-spinal
(LCS). La localisation anatomique de cette malformation et les contraintes hémodynamiques locales expliquent la fréquence des désordres hydroveineux rencontrés dans cette
pathologie et notamment l’hydrocéphalie. Le mécanisme précis de ce déséquilibre est encore
mal établi. L’hydrocéphalie, lorsqu’elle survient, ne correspond pas à un blocage de l’aqueduc du mésencéphale, mais serait liée à un déséquilibre entre production et résorption du
LCS du fait de l’hyperpression veineuse cérébrale globale [5]. L’hydrocéphalie aboutit à une
macrocranie ou à une atrophie sous épendymaire en cas de soudure des fissures et fermeture
des fontanelles. Tardivement, l’hyperpression veineuse chronique peut entraîner l’appa-
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rition de calcifications parenchymateuses sous-corticales ou périventriculaires, témoin de
dommages cérébraux chroniques irréversibles. Ces calcifications sont en général associées à
un retard cognitif et/ou une épilepsie.
L’hyperpression veineuse chronique aboutit dans le temps à un aspect pseudophlébitique du drainage veineux cérébral normal, témoignant des contraintes veineuses globales. Les
conséquences de l’hyperpression veineuse sont d’autant plus marquées qu’une sténose des
golfs jugulaires peut s’installer dans le temps, entravant les principales voies de sorties veineuses cérébrales. L’insuffisance des sorties veineuses cérébrales postérieures par les veines
jugulaires, se traduit par un hyperdrainage de compensation par le système antérieur via les
sinus caverneux. Cet hyperdrainage caverneux est souvent visible cliniquement, car il s’associe à une dilatation des veines faciales (figure 5) et parfois une exophtalmie uni ou bilatérale
par engorgement des plexus veineux intraorbitaires.
En cas de sténose ou occlusion des golfs jugulaires, il peut survenir un reflux veineux
dans le système veineux pial et sous-pial cérébral normal, responsable des complications
hémorragiques cérébrales. Ces complications hémorragiques sont exceptionnelles avant
l’âge de 2 ans.
Retentissement systémique
L’hyper débit intra-malformatif peut être responsable d’insuffisance cardiaque aiguë
ou chronique à haut débit, avec hypertension artérielle pulmonaire et retentissement systémique hépatique et rénal. Ces symptômes peuvent être présents en période anténatale, et il
conviendra de les rechercher en échographie ou par IRM. Sur le plan biologique, peuvent
survenir une cytolyse hépatique et une insuffisance rénale aiguë. La défaillance multiviscérale est de mauvais pronostic.
Prise en charge (figure 6)
La prise en charge d’une malformation artério-veineuse pédiatrique et a fortiori d’une
MAVG est pluridisciplinaire. Elle s’articule autour d’une équipe de réanimation pédiatrique et de neuroradiologie pédiatrique diagnostique et interventionnelle. La prise en charge
que nous proposons est basée sur l’expérience du centre de Bicêtre et les données d’une série
de 317 cas [6].
Un point important à souligner est qu’il est primordial de mener la grossesse à son terme
et de ne pas faire naître l’enfant plus tôt que le terme prévu, sauf pour raisons maternelles.
En effet, il est important de projeter l’enfant à naître dans une stratégie de traitement
adaptée à sa situation. Un nouveau-né pourra être pris en charge en urgence par traitement
endovasculaire si son poids de naissance est supérieur à 2,5 kg, idéalement au delà de 3 kg.
En dessous de ce poids, la petite taille et l’immaturité de son système vasculaire font que
les risques thérapeutiques apparaissent majorés, voire le traitement impossible. Une IRM
cérébrale et un bilan systémique doivent être réalisés en post-natal afin de réévaluer l’état
du cerveau et la tolérance générale de la malformation. L’IRM permet en outre d’asseoir le
diagnostic nosologique si celui-ci est incertain avant la naissance.
Le calendrier de traitement doit tenir compte du score néonatal (tableau 1) :
- Score inférieur à 8/21 : en général la décision est de ne pas traiter l’enfant, en raison de
la gravité de sa situation et des lésions cérébrales irréversibles.
- Score compris entre 8 et 12/21 : le traitement médical est insuffisant à lui seul pour
améliorer l’état clinique du nouveau-né. Un traitement précoce, les jours ou semaines
suivants la naissance, est indiqué. Ce traitement a uniquement pour but d’améliorer la
situation hémodynamique cérébrale et systémique. Il n’a pas pour objectif de guérir la
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malformation. Pour cela, il suffit en général de réduire le shunt de 30 à 50 %. Le traitement doit permettre de laisser l’enfant grandir dans de bonnes conditions, jusqu’à une
nouvelle session programmée en général 3 à 6 mois plus tard.
- Score supérieur à 12/21 : les symptômes cliniques systémiques sont inexistants ou
répondent à un traitement médical. Le traitement est différé pour être programmé vers
l’âge de 5 mois. Une IRM doit être réalisée dans l’intervalle afin de s’assurer de la bonne
tolérance cérébrale vis-à-vis de la malformation.
- Habituellement, il est nécessaire de pratiquer plusieurs sessions d’embolisation afin de
réduire au plus bas les risques thérapeutiques, sauf dans de rares cas de MAVG de type
mural.
L’embolisation doit être réalisée dans un centre habitué à prendre en charge ces patients
tant sur le plan de la réanimation que du traitement endovasculaire. Le traitement est à
réaliser par voie artérielle. Une approche veineuse ne doit pas être proposée d’emblée. Elle
peut être utile dans de rares cas, lorsque la voie artérielle n’est plus possible. De même la
radiothérapie n’est à envisager qu’exceptionnellement sur une lésion résiduelle inaccessible
par voie endovasculaire.
En cas de découverte de la malformation chez un nourrisson ou un enfant asymptomatique, une première session de traitement endovasculaire doit être réalisée vers l’âge de
5-6 mois ou au moment du diagnostic s’il est fait plus tardivement, même si l’enfant est
asymptomatique. En effet, il est exposé à la survenue d’une décompensation aiguë et surtout à des lésions chroniques provoquées par l’hyperpression veineuse, souvent irréversibles
lorsqu’elles apparaissent.
En cas d’hydrocéphalie aiguë, la pose d’une dérivation ventriculaire est contre-indiquée
initialement. Celle-ci entraîne dans 80 % des cas hémorragie, déficit ou épilepsie par majoration des déséquilibres pressionnels entre sang et LCS. La réponse thérapeutique à apporter
en cas d’hydrocéphalie est le traitement par embolisation endovasculaire. Seulement après
ce traitement, si la MAVG est guérie ou le traitement jugé suffisant, et en cas de persistance
des troubles hydrodynamiques associés à une hydrocéphalie active, l’indication d’une dérivation pourra être retenue.
Évolution
Il faut souligner que dans notre expérience, la taille de la dilatation de la veine de
Galien n’est pas un facteur pronostique évolutif. Elle n’est pas corrélée à un risque accru
de complication neurologique notamment. En général, les formes murales qui entraînent
une dilatation de la veine de Galien plus importante, et présentent une angio-architecture
moins complexe et plus accessible au traitement, ont un meilleur pronostic que les formes
choroïdiennes.
L’oblitération morphologique de la lésion est obtenue dans 55 % des cas environ par
voie endovasculaire artérielle (figure 7). Seul 6 % des patients ont une occlusion inférieure
à 50 % de la lésion initiale. Le taux de complication neurologique des embolisations dans
notre expérience est de 2,1 %. 11 % des patients décèdent en dépit des embolisations par
défaillance multi-viscérale ou complications liées à l’embolisation. Environ 10 % gardent un
déficit psychomoteur sévère invalidant. Parmi les survivants, 74 % sont neurologiquement
normaux (test de Denver et Brunet-Lezine).
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MAV PIALES
Les MAV piales pédiatriques sont les mêmes entités que les MAV piales des adultes à
la seule différence que l’angio-architecture est plus fréquemment sous forme de fistule. A la
différence des MAVG et des malformations artério-veineuses durales, leur développement
se fait en post-natal et il est exceptionnel de les mettre en évidence sur les échographies anténatales (moins de 10 % de mode de découverte) [7]. Elles correspondent dans notre expérience à 45 % des MAV pédiatriques. La prévalence des MAV multiples est plus fréquente
chez l’enfant que chez l’adulte, estimée à 20 % environ.
Angio-architecture
A l’instar des MAVG, deux types d’angio-architecture, nidus (figure 8) ou fistule (figure
9), peuvent se rencontrer. Le développement de la malformation se fait dans l’espace sous
pial, entre cortex et pie-mère (figure 10). Les veines de drainage traversent la pie-mère, puis
l’arachnoïde pour se drainer dans les sinus duraux. Les fistules piales sont une angio-architecture fréquemment rencontrée chez l’enfant, estimée dans notre expérience à 17 %, alors
qu’elles sont exceptionnelles chez l’adulte. Les fistules sont diagnostiquées plus tardivement
que les MAVG, vers l’âge de 3,5 ans pour les fistules supratentorielle et 2 ans en infratentoriel.
Clinique
Il est possible d’avoir une insuffisance cardiaque par hyper débit à l’instar des MAVG.
Chez le nouveau-né les MAV piales se manifestent dans 50 % des cas par une insuffisance
cardiaque, alors que la fréquence chute à 23 % chez le nourrisson et reste anecdotique chez
l’enfant dans 2 % des cas [1].
Le risque de fonte cérébrale focale est plus important que pour les MAVG, surtout en
cas de fistule, et justifie une prise en charge thérapeutique précoce afin de la prévenir. En cas
de fonte cérébrale focale, les lésions sont moins souvent associées à des dommages cérébraux
diffus comme on peut le voir dans les MAVG, l’hyperpression veineuse responsable des
dommages cérébraux étant plus limitée, sauf si la MAV se draine directement à haut débit
dans un sinus cérébral.
A la différence des MAVG, le risque hémorragique est élevé, estimé à 37,5 % chez le
nouveau-né, 30 % chez le nourrisson et 50 % chez l’enfant comme mode de découverte.
La macrocranie est en revanche moins fréquente, estimée à 27 % chez le nourrisson.
Ces MAV s’associent également chez l’enfant à des crises convulsives dans 17 % des cas,
des déficits neurologiques en rapport avec leur localisation anatomique dans 15 % et des
céphalées dans près de 8 % des cas.
Prise en charge
Le traitement doit en général être envisagé sans délai une fois le diagnostic posé, y compris chez le nouveau-né, même en l’absence de toute symptomatologie. Le but est de prévenir une complication hémorragique ou la survenue d’une fonte cérébrale focale. En cas de
dommages cérébraux étendus, après avis pluridisciplinaire, l’indication d’abstention thérapeutique peut parfois être posée en raison du caractère irréversible et gravissime des lésions.
Lorsque le traitement est débuté, il a pour but de contrôler l’insuffisance cardiaque
éventuelle, mais surtout de diminuer l’hyperpression veineuse afin d’éviter la survenue
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d’atrophie parenchymateuse ou d’hémorragie. Le traitement nécessite habituellement plusieurs sessions d’embolisations, espacées de 3 à 6 mois en fonction du résultat obtenu et des
objectifs à atteindre. Dans l’intervalle de 2 sessions, une IRM de contrôle est indiquée afin
de s’assurer de la bonne tolérance cérébrale de la malformation résiduelle et de l’absence de
survenue d’hémorragie.
En cas de fistule artério-veineuse, celle-ci s’inscrit fréquemment dans un contexte de
maladie de Rendu Osler ou télangiectasie hémorragique héréditaire, dans 25 % des cas si la
fistule est unique et à haut débit et 43 % des cas en cas de fistules multiples [8, 9]. Même en
l’absence de contexte familial, cette maladie génétique doit ainsi être dépistée chez l’enfant
afin de prévenir le risque d’infarctus ou abcès cérébral lié à l’existence de fistule pulmonaire
[10].
MAV DURALES
Les MAV durales pédiatriques comprennent plusieurs entités, dont la malformation des
sinus duraux (MSD) qui est la seule associée à une malformation première d’un sinus dural
sur laquelle se développe secondairement une malformation artério-veineuse. Elles ont une
prépondérance masculine de 1,9/1. Elles sont plus rares que les MAVG et les MAV piales,
estimées dans notre série à 5 % des MAV pédiatriques. Leur développement se fait durant
la fin de la période embryonnaire ou la période fœtale. Ainsi, ¼ de ces malformations sont
diagnostiquées en anténatal [11].
Angio-architecture
L’angio-architecture varie en fonction du type de malformation [12].
MSD (figures 11 et 12)
Elle correspond à près de 60 % des malformations artério-veineuses durales pédiatriques.
La MSD est la conséquence de la non maturation d’un segment de sinus, associant élargissement important du sinus veineux malformé avec des shunts artério-veineux souvent sous
forme de fistule, d’apparition secondaire. La malformation est un défaut de maturation des
lacs veineux embryonnaires primitifs, dont la lumière est très large. Deux types de MSD
se rencontrent : l’atteinte postérieure touchant le sinus sagittal supérieur, le torcular, les
sinus transverses ou les sinus tentoriels, et l’atteinte jugulaire touchant la jonction du sinus
sigmoïde avec le golf jugulaire.
Le flux sanguin est en général moins élevé que pour les MAVG ou les fistules piales, sauf
dans la forme jugulaire où il s’agit souvent d’une fistule unique à débit élevé. Une conséquence majeure de l’association dilatation sinusienne – flux sanguin relativement lent, est la
survenue de thrombose spontanée partielle ou totale de la malformation. Cette thrombose
peut aboutir à la guérison spontanée de la maladie. Elle peut survenir en post-natal, mais également en anténatal, et peut prendre l’aspect d’un simple hématome épidural. Le risque est
l’extension du thrombus dans le système veineux cérébral normal, pouvant se compliquer
d’un infarctus veineux ou d’hématomes parenchymateux de mauvais pronostic.
Fistule durale non traumatique de type infantile
Les shunts artério-veineux sont des fistules à haut débit. La dilatation du sinus veineux
de drainage n’est pas malformative, mais en rapport avec l’élévation des pressions locales. Il
peut également s’y associer des afférences artérielles piales par effet aspiratif de la lésion.
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Fistule durale de type adulte
Il s’agit d’une pathologie acquise suite à un traumatisme ou une thrombose d’un sinus.
Le débit dans la malformation est plus faible.
Clinique
Les symptômes précoces en post-natal sont liés à l’insuffisance cardiaque ou à des désordres hydroveineux (hydrocéphalie (27 %), macrocranie (76 %)) à l’instar de ceux rencontrés
dans les MAVG [13]. Des troubles de la coagulation par coagulopathie de consommation
sont possibles.
Secondairement, [13], sont rencontrés des crises d’épilepsies (23 %), un retard psychomoteur (23 %) ou une hémorragie intracrânienne (27 %). Enfin des dommages cérébraux
sont rencontrés chez 20 % des patients.
La survenue d’une thrombose spontanée de la malformation n’est pas rare et expose
à des infarctus veineux ou des hématomes parenchymateux si elle s’étend dans le système
veineux cérébral normal et engage le pronostic vital.
Les MSD sont parfois associées à des hémangiomes ou lymphangiomes maxillo-faciaux,
un sinus péricranii ou une fente palatine [13,14].
Prise en charge
Si le diagnostic est anténatal, il convient de refaire une IRM les jours suivant la naissance
afin de préciser au mieux l’angio-architecture malformative et son retentissement cérébral.
En cas de dommages cérébraux étendus, en raison de la gravité de la situation, le traitement n’est pas indiqué.
Le traitement consiste à l’embolisation par voie artérielle ou veineuse, ou voie combinée,
en fonction de l’angio-architecture malformative et du drainage veineux cérébral normal.
Elle nécessite plusieurs séances espacées de 3 à 6 mois en général.
Si la MSD est de localisation médiane incluant le torcular et de taille significative, le
risque est une interférence avec le drainage veineux cérébral normal de moins bon pronostic,
justifiant une prise en charge thérapeutique précoce dès la découverte de la malformation.
Si la MSD est de localisation latérale à distance du torcular et de petite taille, la tolérance
du système veineux cérébral normal est en général bonne. Le traitement peut alors être différé vers l’âge de 4-5 mois.
En cas de thrombose spontanée de la malformation, il convient de rechercher une
extension de la thrombose dans le système veineux cérébral normal, ou une gène au drainage
veineux cérébral normal liée à l’absence de développement de voie de dérivation, qui justifieraient l’instauration d’un traitement anticoagulant pour prévenir des dommages cérébraux
irréversibles et étendus.
Évolution
Le pronostic des MSD est moins bon que celui des MAVG et des MAV piales. Dans
notre expérience, l’évolution défavorable est fréquente dans 41 % des cas avec alors évolution vers le décès dans 92 % des cas. Si elles sont traitées, l’évolution favorable sans déficit
neurologique est obtenue chez près de 60 % des patients. Une occlusion complète de la
malformation est obtenue dans 2/3 des cas.
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G. SALIOU, A. OZANNE, M. SACHET, D. DUCREUX
Guillaume Saliou, Augustin Ozanne, Marina Sachet, Denis Ducreux
Centre de référence des Maladies neurovasculaires malformatives de l’enfant
CHU BICETRE - Service de Neuroradiologie - 78 rue du Général Leclerc - 94275 Le Kremlin Bicêtre Cedex
Auteur correspondant : [email protected]
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malformations. AJNR Am J Neuroradiol. 2007 Feb;28(2):335-41.
Fig. 1 : malformation de la veine de Galien dans la forme murale chez un enfant de
5 mois. La veine de Galien malformative et dilatée est bien visible sur l’IRM (a :
flèche creuse). Les artères afférentes sont peu nombreuses et de gros calibre, bien
visibles en séquence T2 SE (a et b : flèches simples). Confirmation de l’angioarchitecture murale par artériographie (c : face, d : profil, artère vertébrale gauche
et artère basilaire), mettant en évidence 2 afférences artérielles principales de gros
calibre (c et d : flèches) alimentant la malformation.
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Fig. 2 : malformation de la veine de Galien dans la forme choroïdienne chez
un enfant de 2 ans. La veine de Galien malformative et dilatée est bien visible
sur l’IRM (a : flèche creuse). De multiples petites artères afférentes sont
visibles en séquence T2 SE (b : flèches). Confirmation de l’angio-architecture
choroïdienne par artériographie (c : face, d : profil, artère vertébrale gauche et
artère basilaire), mettant en évidence les nombreuses afférences artérielles de petit
calibre alimentant la malformation.
Fig. 3 : schémas montrant l’angio-architecture veineuse normale (a) et les modifications au cours d’une malformation anévrismale
de la veine de Galien (b et c). 1 : sinus longitudinal supérieur, 2 : veine de Galien, 3 : sinus droit, 4 : torcular, 5 : veine jugulaire, 6 :
artère péricalleuse (issue de l’artère cérébrale antérieure), 7 : artère basilaire, 8 : malformation de la veine de Galien, 9 : sinus pétreux
supérieur, 10 : sinus falcoriel.
Le système veineux profond se draine à l’état normal dans la veine de Galien puis le sinus droit, vers le torcular et les veines jugulaires
(schémas a). En cas de MAVG (schémas b), le système veineux profond ne se jette pas dans la veine de Galien malformée qui ne
reçoit plus que des afférences artérielles malformatives issue de l’artère basilaire et des artères carotides internes. Le drainage veineux
profond normal (schémas c) empreinte alors des voies alternatives vers le sinus pétreux supérieur (« Epsilon » caractéristique : flèche)
ou vers un sinus falcoriel (10) pour rejoindre le sinus longitudinal supérieur.
Fig. 4 : IRM anténatale au 3ème trimestre de grossesse en séquence axiale T2
objectivant une encéphalomalacie ou fonte cérébrale focale. Notez l’atrophie
parenchymateuse occipitale droite marquée (étoile) et plus discrète à gauche. La
MAVG est visible en hypo-intensité sur la ligne médiane (flèche).
Fig. 5 : nourrisson présentant une MAVG. En raison de sténoses des golfes
jugulaires, modification du drainage veineux cérébral normal et malformatif, se
drainant vers les veines faciales dilatées et trop bien visibles.
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G. SALIOU, A. OZANNE, M. SACHET, D. DUCREUX
Fig. 6 : histoire naturelle des malformations artério-veineuse de la veine de Galien. En fond noir, symptômes de mauvais pronostic
évolutif. En grisé, fenêtre thérapeutique optimale. En encadré sur fond blanc, symptômes principaux de la malformation en
fonction de l’âge de découverte.
Fig. 7 : malformation de la veine de Galien dans la forme murale avant (a : profil,
b : face) et après traitement (c : profil, d: face). La veine de Galien dilatée (a et
b : flèches) n’est plus opacifiée après traitement par embolisation, confirmant la
guérison de la malformation.
Fig. 8 : malformation artério-veineuse piale sous forme de nidus chez un enfant
de 13 ans. Le nidus est bien visible en IRM en séquence T2 SE (a et b : flèches
simples). L’artériographie (c : profil, d : face) met en évidence de multiples artères
afférentes au nidus malformatif (c et d : flèches simples). Le drainage se fait dans
une veine corticale modérément dilatée (c et d : flèches creuses).
Fig. 9 : malformation artério-veineuse piale à type de fistule à haut débit chez un
enfant de 2 ans. Une artère principale dilatée (a : artériographie de profil, flèche)
issue de l’artère cérébrale antérieure se jette à plein canal dans une veine corticale
dilatée par l’hyperpression (a : flèche creuse). L’angio-IRM retrouve la même
architecture (b). L’augmentation de calibre de l’artère afférente est également
bien visible sur l’IRM (c : flèche) ainsi que le collecteur veineux corticale dilaté
(d : flèche creuse).
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Fig. 10 : malformation artério-veineuse piale localisée sous la pie mère dans le
parenchyme cérébral. Les artères afférentes sont des artères piale cérébrales issues
de la carotide interne (1) ou de l’artère basilaire. Le collecteur veineux (2) est une
veine cérébrale dilatée par l’hyperpression et se draine dans le système veineux
cérébral normal.
Fig. 11 : malformation des sinus duraux localisée sur la dure-mère. Les artères
afférentes sont des artères durales majoritairement issues de la carotide externe
(1). Le collecteur veineux (2) est d’origine malformative et se draine dans un
sinus veineux embryonnaire dysmature (3) et dilaté.
Fig. 12 : malformation des sinus duraux chez un enfant de 6 mois. En IRM
la dilatation du sinus malformé est bien visible (a : sagittal T1 avec injection
de gadolinium, flèche creuse). Notez l’existence d’une thrombose pariétale
partielle du sinus (b : flèche). En artériographie, les artères afférentes principales
sont d’origine durale (c : flèche, artères méningées moyennes issues de l’artère
carotide externe), avec quelques artères plus accessoires issues de l’artère
carotide interne gauche (e : flèche) et de l’artère vertébrale gauche (d : flèche).
Retentissement important de la malformation sur le drainage veineux cérébral
normal, ne se faisant plus par les sinus veineux postérieurs (f : flèches doubles,
absence d’opacification de la partie postérieure du sinus longitudinal supérieur).
Le drainage veineux cérébral normal est redistribué en totalité par les veines
corticales vers le sinus caverneux en avant (f : flèche creuse).
TABLEAU 1 : SCORE NÉONATAL DE BICÊTRE.
Score maximal = 5 (cardiaque) + 5 (cérébral) + 5 (respiratoire) + 3 (hépatique) + 3 (rénal) = 21. Score < 8 : abstention
thérapeutique, 8-12 : traitement urgent, > 12 : traitement différé vers l’âge de 5 mois.
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par
F. CHALARD, C. GAREL, H. DUCOU LE POINTE
INTRODUCTION ET CONSIDÉRATIONS TECHNIQUES
Cette présentation traitera de l’imagerie des lésions de souffrance cérébrale périnatale réalisée en période post-natale. Nous distinguerons les lésions du nouveau-né à terme
(accident vasculaire cérébral et asphyxie) et celles du nouveau-né prématuré (leucomalacie
périventriculaire ou LPV, hémorragies cérébrales et cérébelleuses).
Les techniques d’imagerie de la souffrance cérébrale néonatale sont presque exclusivement l’échographie transfontanellaire (ETF) et l’imagerie par résonance magnétique
(IRM).
Le scanner à rayon X est une technique qui utilise des rayonnements ionisants et qui
n’offre qu’un faible contraste tissulaire du fait du contenu hydrique élevé du cerveau immature. Il ne peut être recommandé d’employer cette technique, sinon par défaut.
L’ETF a pour avantage d’être réalisable au lit du patient et de permettre un éventuel
suivi rapproché mais explore mal la périphérie du cerveau et ne permet généralement pas de
diagnostiquer la LPV diffuse, non cavitaire [1].
L’IRM est une technique qui offre des informations morphologiques et paramétriques,
rendant compte des modifications tissulaires et cellulaires liées à la souffrance cérébrale.
Les séquences « conventionnelles » sont le T1 et le T2 en écho de spin. Elles délivrent
une image anatomique précise et des informations complémentaires sur la composition du
tissu. Ainsi, les faisceaux de substance blanche myélinisée apparaissent en hypersignal T1
du fait de la présence de graisse et en hyposignal T2 du fait de leur compaction. Les plages
d’œdème, intra- ou extracellulaire, ont un hypersignal T2 et un hyposignal T1. Les cavités
ont un signal identique à celui du LCS dans les ventricules. Le signal du sang hors des vaisseaux est complexe, du fait de la dégradation physiologique de l’hémoglobine et de la modification de ses propriétés magnétiques. Néanmoins, les lésions hémorragiques observées dans
le parenchyme ont très fréquemment un hypersignal T1 et un hyposignal T2 modérés.
Une séquence particulière utilise un artefact pour détecter plus sensiblement la présence
de sang. En effet, sur la séquence T2 en écho de gradient, toute hétérogénéité locale de
champ magnétique et donc la présence de lésions même seulement pétéchiales entraîne un
déphasage rapide des spins et donc un hyposignal franc et plus grand que l’objet lui-même
(aspect de « tache » à limites floues).
Par ailleurs, on peut avoir recourt à la séquence FLAIR ou T2 avec suppression du signal
de l’eau, surtout après un an mais aussi parfois chez le nouveau-né ou le nourrisson. Son
avantage est de distinguer œdème (en hyposignal), cavités (de signal égal à celui du LCS) et
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gliose (en hypersignal). Notons que la substance blanche non myélinisée a normalement un
hypersignal FLAIR, parfois difficile à distinguer d’une leucopathie.
Une séquence cruciale en matière d’anoxie et d’ischémie est la séquence de diffusion.
Elle repose sur l’estimation des mouvements aléatoires des molécules d’eau. Pour chaque
niveau de coupe, on réalise une image pondérée en T2 puis grâce à l’application de gradients
de champ magnétique le long d’au moins 3 axes non colinéaires, trois images supplémentaires sont acquises. Le moyennage du signal de ces 4 images produit une image synthétique,
dite pondérée en diffusion. Cette image synthétique est en fait pondérée en diffusion et en
T2. Pour rendre univoque l’interprétation d’un hypersignal sur une telle image à pondération mixte, il est nécessaire de produire une carte dont l’intensité de signal de chaque pixel
est gouvernée par le seul ADC (coefficient apparent de diffusion), paramètre caractérisant
les mouvements browniens. En cas d’anoxie, d’ischémie ou de défaillance primitive du
métabolisme énergétique, un œdème cytotoxique survient, qui se traduit à l’image par une
restriction de la diffusion des molécules d’eau (hyposignal sur la carte ADC). En cas de lyse
cellulaire et d’œdème extracellulaire notamment, la diffusion des molécules d’eau augmente
(hypersignal sur la carte ADC).
En plus de la diffusion « standard », existe la séquence de tractographie. Elle consiste
à appliquer les gradients de champ magnétique sur un plus grand nombre d’axes, ce qui
permet d’échantillonner plus complètement la diffusion hydrique dans l’espace. Or, la
myélinisation cérébrale est un processus qui fait globalement diminuer la diffusion et rend
celle-ci anisotrope, c’est-à-dire inégale selon les directions considérées. La diffusion de l’eau
est restreinte perpendiculairement à une fibre myélinisée (et même dès la prémyélinisation)
alors qu’elle ne subit pas de modification parallèlement à elle. Ainsi, au moyen de paramètres
rendant compte de l’anisotropie, il est possible d’évaluer la myélinisation et les connections
du tissu cérébral. Cette séquence est toutefois encore peu utilisée en routine.
Signalons enfin la séquence spectroscopique par IRM, purement métabolique. Elle
repose sur l’extraction du signal de différents métabolites, grâce à la connaissance préalable
de leur fréquence de résonance, et permet d’obtenir des ratios de concentrations mais ne
permet habituellement pas une quantification absolue. Dans les souffrances cérébrales
néonatales, elle est essentiellement employée pour rechercher une concentration élevée de
lactates et une éventuelle perte neuronale (diminution du N-acétyl aspartate). Nécessitant
une phase préalable d’homogénéisation du champ magnétique principal, cette séquence est
plus longue que les séquences morphologiques ou de diffusion et n’est interprétable que si
le patient est bien sédaté.
LÉSIONS DU NOUVEAU-NÉ À TERME
Accident vasculaire cérébral (AVC)
L’AVC néonatal est la cause la plus fréquente d’hémiplégie congénitale et son incidence
est estimée à 1/4000. Son mode de révélation est stéréotypé, caractérisé par des convulsions
sans fièvre assorties d’apnées et d’hypotonie, dès le premier ou deuxième jour de vie. Ses causes ou facteurs favorisants principaux, chez des patients qui à cet âge de la vie ont un hématocrite élevé, sont les troubles de la coagulation (déficit en protéine C ou S, hyperlipoprotéinémie Lp, anticorps antiphospholipides…), la chorioamniotite, les cardiopathies emboligènes,
de nombreuses maladies métaboliques (mitochondropathies, cystinurie, anomalie du cycle
de l’urée…) et les méningites bactériennes. Le bilan étiologique est toutefois le plus souvent
négatif. L’AVC du nouveau-né à terme est généralement purement ischémique mais peut
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être également hémorragique, en particulier après reperfusion. Il concerne classiquement
le territoire d’un gros tronc artériel, le plus souvent celui de l’artère cérébrale moyenne.
Parfois, seule une branche corticale est impliquée et plus rarement il est multifocal.
L’ETF a un intérêt diagnostique limité puisqu’elle étudie incomplètement la périphérie
et la profondeur de l’encéphale et que les signes de lésions ischémiques sont très peu prononcés pendant au moins 24 heures. Le territoire ischémié est globalement hyperéchogène et la
différenciation substance grise-substance blanche est estompée. L’ETF permet par ailleurs
de vérifier la perméabilité du sinus sagittal supérieur.
L’IRM est l’examen d’imagerie de choix en cas de suspicion d’AVC, qui inclut une
séquence angiographique artérielle. La séquence de diffusion est la plus sensible précocement, le maximum des lésions étant visible les 2ème et 3ème jours. Durant cette phase
d’œdème cytotoxique, le bas niveau d’ADC est patent, tandis que la diminution de la
différenciation entre les substances grise et blanche en T1 et T2 est plus subtile (images
1 et 2). A cette date, une part des anomalies en diffusion est encore réversible, alors que
d’autres vont se constituer les jours suivants. Dès la phase initiale, il est de plus possible de
détecter une composante hémorragique éventuelle et d’estimer l’effet de masse de la lésion.
Secondairement, après lyse cellulaire et œdème vasogénique, l’ADC se normalise (vers 7
jours) puis devient anormalement haut. Il s’agit d’une normalisation transitoire de ce seul
coefficient, pas des lésions tissulaires. Lors de cette phase de normalisation de l’ADC et
après, les séquences conventionnelles deviennent les plus informatives, les lésions oedémateuses apparaissant franchement en hyposignal T1 et hypersignal T2 global. L’atteinte du
bras postérieur de la capsule interne est considérée comme un élément de mauvais pronostic
moteur [2]. Il convient également de rechercher des anomalies de signal dans les faisceaux
dont les corps cellulaires sont ischémiés. Ces anomalies précèdent et annoncent la dégénérescence wallérienne.
Le délai entre les premiers signes cliniques et l’IRM est encore discuté. Une IRM précoce
(2/3 jours) permet d’affirmer le diagnostic d’AVC, tandis qu’une IRM réalisée à 7/8 jours
documente mieux les lésions définitives et participe donc plus justement à l’établissement
du pronostic neurologique. Un compromis est représenté par la réalisation d’une IRM vers
5 jours ou par la réalisation de 2 IRM successives, à quelques jours d’intervalle [3].
Les ischémies cérébrales d’origine veineuse sont plus rares. Elles sont caractérisées par
leur absence de distribution artérielle, leur siège cortico-sous-cortical paramédian ou dans les
noyaux gris centraux et par leur contenu fréquemment hémorragique. La structure veineuse
thrombosée n’a alors plus le vide de signal en T2 SE témoignant de sa perméabilité. Devant
de telles lésions, il est recommandé de pratiquer une séquence angiographique veineuse et/
ou une injection de gadolinium.
Enfin, des lésions cérébrales hémorragiques sans thrombose veineuse associée sont occasionnellement rencontrées. Elles doivent faire discuter une hypocoagulabilité, une malformation artérioveineuse et une tumeur.
Encéphalopathie hypoxo-ischémie
L’encéphalopathie ischémique est définie par une souffrance fœtale et une encéphalopathie néonatale responsable d’une paralysie cérébrale infantile.
Chez le nouveau-né à terme, la substance grise est plus sensible à l’anoxo-ischémie que
la substance blanche, et plus spécialement les régions métaboliquement actives comme celles
en cours de myélinisation.
Les lésions rencontrées ont, selon la durée et la profondeur du mécanisme lésionnel,
une distribution variable, corrélée à l’évolution clinique [4]. Si ce dernier est modéré, on
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observe des lésions des territoires vasculaires jonctionnels antérieurs et postérieurs. Si il est
sévère, les lésions sont présentes dans les noyaux gris centraux (noyaux ventrolatéraux des
thalamus et putamen), la partie dorsale du tronc cérébral, les hippocampes et certaines zones
cortico-sous-corticales (région centrale en premier lieu). S’il est plus sévère encore, l’atteinte
implique les noyaux gris centraux, le tronc cérébral et une très grande partie des régions
cortico-sous-corticales cérébrales. A l’extrême, la destruction cérébrale diffuse confine à
l’encéphalomalacie multikystique.
L’ETF est prise en défaut dans le diagnostic des lésions des territoires jonctionnels et
de celles du tronc cérébral. Les noyaux gris centraux sont certes plus accessibles, mais leurs
lésions sont souvent symétriques et donc parfois méconnues si elles sont peu prononcées.
L’IRM est la méthode diagnostique de choix, permettant une détection précoce et un
bilan d’extension précis, au plus tôt en séquence de diffusion (baisse d’ADC dès les premières heures). Au cours de la première semaine de vie, les lésions sont ensuite nettement
individualisables sur les séquences conventionnelles. Au niveau cortico-sous-cortical, elles
apparaissent en hyposignal T1 et hypersignal T2 et sont parcourues d’hypersignaux T1 et
hyposignal T2 gyriformes correspondant à la nécrose corticale laminaire (image 3). Cet
hypersignal T1 est supérieur à celui que présente de manière physiologique le cortex de la
région centrale, chez le nouveau-né à terme. Les noyaux gris centraux présentent un hypersignal T1 en cas de lésion franche mais la seule disparition de l’hypersignal T1 normal du bras
postérieur de la capsule interne est en faveur de lésions lenticulo-thalamiques (image 4).
La séquence spectroscopique documente de façon complémentaire l’atteinte tissulaire et
participe à l’établissement du pronostic, la présence de lactates et la diminution du N-acétyl
aspartate étant liées à une évolution clinique défavorable [5].
A distance de la destruction parenchymateuse, on met en évidence une perte de volume
du tissu lésé et des signes de gliose (hypersignal FLAIR). Signalons que la partie la plus sensible à l’hypoxo-ischémie du cortex néonatal à terme est la zone profonde. Ainsi, les séquelles
corticales ont-elles un aspect de champignon dénommé ulégyrie, la partie périphérique du
cortex étant relativement épargnée et la zone profonde atrophique (image 5).
Des lésions pancérébrales sévères conduisent à l’encéphalomalacie multikystique, où le
parenchyme cérébral est remplacé par de nombreux et volumineux kystes.
LÉSIONS DU NOUVEAU-NÉ PRÉMATURÉ
Malgré les progrès notables et récents de la Néonatologie, les lésions encéphaliques du
prématuré demeurent un enjeu de santé publique, l’infirmité motrice cérébrale concernant
encore environ 2 enfants vivants pour 1000.
Leucomalacie périventriculaire (LPV)
Pathologie caractéristique du prématuré, elle ne survient qu’exceptionnellement chez le
nouveau-né à terme. Sa fréquence augmente avec le degré de prématurité et est très variable
selon les séries, le diagnostic étant soit porté par l’examen autopsique soit par l’imagerie
cérébrale. Elle a été estimée entre 4 et 10 % sur une série de nouveau-nés avant 35 SA [6].
Cette maladie est le résultat de la conjonction de multiples phénomènes, eux-mêmes
favorisés par les infections et tout particulièrement par la chorioamniotite. Le cerveau
prématuré est en effet sensible aux variations tensionnelles et sa substance blanche présente
une vascularisation artérielle comportant peu d’anastomoses, ce qui la fragilise. De plus, il
existe une susceptibilité particulière des oligodendrocytes immatures à l’hypoxo-ischémie,
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qui déclenche secondairement une cascade excitotoxique et la dérégulation du métabolisme
énergétique.
Au plan anatomopathologique, on observe une lyse cellulaire, par apoptose et nécrose de
coagulation et secondairement une gliose, une infiltration microgliale et des kystes ou plus
précisément des cavités.
La substance blanche profonde est donc atteinte primitivement mais il existe également
des anomalies cérébrales beaucoup plus diffuses telles que des lésions de la substance blanche sous-corticale et un défaut d’élaboration des connections neuronales. Globalement, les
fibres motrices et associatives sont les plus fréquemment atteintes.
L’examen clinique du nouveau-né prématuré est peu informatif et ne permet généralement pas d’établir le diagnostic de LPV. L’électroencéphalogramme est un outil complémentaire qui peut détecter des anomalies évocatrices de LPV (polypointes rolandiques)
mais ne permet pas une appréciation précise de l’étendue lésionnelle. Initialement, elle
est généralement normale, ne montrant qu’une hyperéchogénicité homogène, modérée et
finement radiaire de la substance blanche périventriculaire. Les éléments en faveur d’une
LPV sont l’absence de normalisation de cette hyperéchogénicité après 10 à 15 jours de vie,
la présence d’hyperéchogénicités punctiformes, nodulaires ou en plages conférant un aspect
hétérogène à la substance blanche (images 6 et 7) et l’apparition secondaire de cavités,
confluentes ou non (image 8). Leur étendue et leur siège sont corrélés au pronostic neurologique. Ces cavités sont bien sûr distinctes des kystes de germinolyse et des kystes paraventriculaires, variantes du normal [7]. La forme cavitaire de leucomalacie périventriculaire est
bien moins fréquente qu’au cours des décennies précédentes, rencontrée dans 8% des cas
seulement dans une étude de 2003 [8]. De plus, les formes non cavitaires ou diffuses de LPV
s’expriment peu et/ou sont sous-estimées par ETF. Le recours à l’IRM est donc nécessaire,
l’examen pouvant être réalisé vers 36 SA ou plus tôt si des lésions sont vues d’emblée par
ETF. Le protocole IRM comporte des séquences T1 et T2 en écho de spin, une séquence T2
en écho de gradient et une séquence de diffusion.
Les lésions de LPV siègent dans la substance blanche périventriculaire postérieure, en
position péritrigonale, dans les radiations optiques, les corona radiata et les centres semi
ovales, sont classiquement bilatérales mais peuvent être asymétriques. Rarement, on peut
observer des lésions très précoces et potentiellement réversibles [9], sous la forme de plages
de restriction de la diffusion hydrique. Plus habituellement, on met en évidence des plages
en hyposignal T1 et hypersignal T2 et à diffusion augmentée, en rapport avec de l’œdème
et/ou de la gliose [10]. Ces plages peuvent être ponctuées d’hypersignaux T1 (pétéchies,
nécrose de coagulation, infiltration macrophagique), d’hyposignaux T2 en écho de gradient
(pétéchies) ou de cavités (en isosignal au LCS) (images 9 et 10). Pour Volpe, les lésions cavitaires seraient en rapport avec les séquelles motrices, tandis que les lésions diffuses seraient
liées aux troubles des fonctions cognitives [11]. Notons le piège que constituent les zones de
substance blanche situées au-dessus et en arrière des carrefours ventriculaires et qui correspondent à l’une des régions se myélinisant le plus tardivement et qui présentent un signal
élevé en T2.
Outre le siège et l’étendue des lésions, la présence d’anomalie de signal du bras postérieure de la capsule interne a été décrite comme facteur de mauvais pronostic fonctionnel
[12].
La tractographie peut fournir des données supplémentaires, diagnostiques voire pronostiques, comme le rapportent des publications mettant en évidence des anomalies corrélées à
l’évolution neurologique [13, 14].
Au stade de séquelle, il existe une dilatation bi- ou triventriculaire, des contours
ventriculaires festonnés ou ondulés, une substance blanche cérébrale de faible volume et
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présentant des stigmates de gliose (hypersignal en séquence FLAIR) et/ou un retard de myélinisation, un corps calleux aminci et des sillons corticaux profonds (image 11). La taille des
ventricules et le volume parenchymateux cérébral mesuré par volumétrie-IRM sont corrélés
à un pronostic neurologique défavorable [15].
Hémorragies cérébrales
Les hémorragies cérébrales du prématuré, sous épendymaires et intraventriculaires,
surviennent surtout chez des nouveau-nés de moins de 32 SA [16]. Elles se révèlent les
premiers jours de vie, dans la matrice germinale située très près du sillon thalamo-caudé et
sont volontiers asymétriques. Leur diagnostic est porté par ETF et l’IRM n’est indiquée
que pour le bilan d’éventuelles lésions parenchymateuses. La classification échographique de
Papile décrit 4 stades de gravité croissante : stade I : hémorragie sous épendymaire, stade II :
hémorragie intraventriculaire sans dilatation, stade III : hémorragie intraventriculaire avec
dilatation, stade IV : hémorragie intraventriculaire et intraparenchymateuse. Cette dernière
est interprétée comme la conséquence d’un engorgement puis d’un infarctus veineux.
L’hémorragie forme une masse très échogène, d’un niveau supérieur à celui des plexus
choroïdes, aisément détectée par voie fontanellaire antérieure. Notons toutefois que les
voies fontanellaire postérieure et sous occipitale sont intéressante pour mettre en évidence
un sédiment hémorragique dans les cornes occipitales des ventricules latéraux.
A distance de la survenue d’une hémorragie sous épendymaire, le caillot se liquéfie et
une cavité liquidienne se forme, que la localisation sous épendymaire distingue d’un kyste
de LPV.
Lésions cérébelleuses
Le cervelet du prématuré peut subir des lésions ischémo-hémorragiques, dont le retentissement sur les fonctions cognitives est important [17]. Cette information doit amener, lors
de la conduite des ETF, à étudier attentivement le contenu de la fosse postérieure, particulièrement chez le grand prématuré. On pourra alors utiliser au besoin la voie fontanellaire
postérieure car on sait cette région difficile d’accès par voie antérieure.
CONCLUSION
L’ETF garde sa place en première ligne dans le cadre des souffrances cérébrales néonatales mais doit être relayée, au besoin, par l’IRM.
Celle-ci est un outil d’imagerie très précieux dans le diagnostic des souffrances cérébrales
néonatales, toutes formes confondues. Néanmoins, des progrès restent à réaliser en matière
d’évaluation pronostique, tout particulièrement en ce qui concerne la substance blanche du
prématuré. La tractographie par IRM, encore en développement en imagerie néonatale, sera
sans doute l’une des techniques qui y participera, notamment par la détection de désordres
secondaires à des lésions tissulaires à distance.
F. CHALARD, C. GAREL, H. DUCOU LE POINTE
Auteur Correspondant : François Chalard - Service de radiologie Pédiatrique de l’hôpital Trousseau du Pr. Ducou
Le Pointe - 26, avenue du Dr. Arnold Netter – 75571 Paris cedex 12 [email protected]
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F. CHALARD, C. GAREL, H. DUCOU LE POINTE
Figure 1 (coupe axiale T2, à J4) : discret hypersignal T2
dans la partie profonde du territoire sylvien gauche (bras
antérieur de la capsule interne).
Figure 2 (carte ADC, à J4) : AVC aigu, dans la partie
profonde et antérieure du territoire sylvien gauche
(hyposignal témoignant d’un ADC bas).
Figure 3 (coupe parasagittale T1 SE) : hypersignal cortical
gyriforme, lié à une nécrose laminaire.
Figure 4 (coupe axiale T1, à J5 chez un nouveau-né à
terme) : hyposignal du bras postérieur de la capsule interne
et hypersignal lenticulaire et thalamique, témoignant de
lésions d’anoxo-ischémie.
Figure 5 (coupe frontale T2 SE, à 13 ans et demi) :
séquelles d’anoxo-ischémie périnatale avec atrophie
cortico-sous corticale, ulégyrie et gliose.
Figure 6 (coupe frontale d’ETF, à J8) : hyperéchogénicité
franche de la substance blanche périventriculaire, en
rapport avec une LPV.
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IMAGERIE DE LA SOUFFRANCE CÉRÉBRALE PÉRINATALE
Figure 7 (coupe parasagittale, à J8) : hyperéchogénicité
hétérogène de la substance blanche périventriculaire, en
rapport avec une LPV.
Figure 8 (coupe frontale d’ETF à J 25) : multiples cavités
de LPV au sein d’une substance blanche hyperéchogène.
Figure 9 (coupe frontale T2 SE) : hypersignaux liquidiens
(cavités) au sein d’une substance blanche globalement en
hypersignal (œdème), dans le cadre d’une LPV.
Figure 10 (coupe axiale T1 SE) : hypersignaux (nécrose de
coagulation et hémorragies punctiformes) et hyposignaux
(cavités), dans le cadre d’une LPV.
Figure 11 (coupe axiale FLAIR, à 11 ans) : dilatation
ventriculaire postérieure et substance blanche
périventriculaire postérieur amincie et présentant
des signes de gliose (séquelles de LPV).
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LES BÉNÉFICES SANTÉ DE L’ALLAITEMENT
par
D. TURCK, G. GREMMO-FÉGER
Le lait maternel est l’aliment naturel du nourrisson, dont il satisfait à lui seul les besoins
nutritionnels pendant les 6 premiers mois de la vie [1]. L’allaitement est une pratique
intime, dont la décision est de la responsabilité de chaque femme, une pratique à replacer
dans l’histoire et la culture de chaque société. C’est aussi une question de santé publique à
la lumière des bénéfices pour la santé de l’enfant allaité et de sa mère, qui ont été scientifiquement démontrés. Ces bénéfices, qui dépendent du degré d’exclusivité de l’allaitement et
de sa durée, ont été analysés dans des méta-analyses récentes [2, 3]. L’objectif de ce travail
est de résumer les principaux bénéfices de l’allaitement pour les populations vivant dans les
pays industrialisés.
DIFFICULTÉS MÉTHODOLOGIQUES
L’influence du mode d’alimentation pendant les premiers mois de vie sur l’état de santé
et l’apparition de maladies plus tard dans la vie, en particulier à l’âge adulte, est difficile à
démontrer. Pour des raisons éthiques évidentes, il n’est pas possible de réaliser des études
randomisées comparant l’allaitement et l’alimentation au lait artificiel, ce qui induit des
biais de recrutement et des facteurs de confusion. Dans les pays industrialisés, les femmes
qui allaitent sont issues de milieux socio-économiques plus favorisés et sont plus à l’écoute
des recommandations de santé. Les nourrissons allaités fréquentent les collectivités plus
tard que ceux nourris au lait artificiel et sont ainsi protégés plus longtemps des pathologies
infectieuses. Le choix d’allaiter est plus fréquent chez les mères d’enfants à risque d’allergie,
défini par la présence d’une allergie chez au moins un parent du 1er degré (père, mère, frère
ou sœur), ce qui complique l’analyse des éventuels bénéfices de l’allaitement sur l’allergie.
Quant à l’interprétation des études rétrospectives d’enfants allaités, elle se heurte à des biais
de mémorisation, notamment de la durée de l’allaitement et de son caractère exclusif ou
partiel.
INFECTIONS
L’effet protecteur contre les infections constitue le principal bénéfice santé de l’allaitement, en particulier dans les pays en développement. De nombreux composés présents dans
le lait de femme contribuent à cette protection : IgA sécrétoires, leucocytes, oligosacchari-
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D. TURCK, G. GREMMO-FÉGER
des, lysozyme, lactoferrine, interféron-γ, nucléotides, cytokines, acides gras polyinsaturés à
longue chaîne (AGPI-LC), etc. La méta-analyse de l’Agence américaine sur la recherche et
la qualité des soins (AHRQ) a montré que l’allaitement était associé à une diminution du
risque d’otite moyenne aiguë par rapport à l’alimentation au lait artificiel (odds ratio (OR) :
0,77 ; intervalle de confiance (IC) à 95 % : 0,64 - 0,91), plus marquée en cas d’allaitement
exclusif d’une durée de plus de 3 mois (OR : 0,50 ; IC 95 % : 0,36 - 0,70), ainsi qu’à une
diminution du risque de diarrhée aiguë infectieuse pendant la 1ère année de vie (OR : 0,36 ;
IC 95 % : 0,32 - 0,41)[2]. L’allaitement n’a pas d’effet protecteur contre les infections
respiratoires basses, mais il est associé à une diminution de 72 % du risque d’hospitalisation
pour infection respiratoire sévère chez les enfants de moins d’un an, sous réserve qu’il soit
exclusif et dure au moins 4 mois [2].
SURPOIDS, OBÉSITÉ ET DIABÈTE DE TYPE 2
Selon une méta-analyse qui a inclus 33 études colligeant plus de 300 000 sujets, l’allaitement est associé à une réduction du risque de surpoids et d’obésité pendant l’enfance
et l’adolescence, qui n’est pas retrouvée à l’âge adulte (OR : 0,78 ; IC 95 % : 0,72 - 0,84)
[3]. Quelques études ont montré un effet-dose, avec une réduction du risque d’autant plus
importante que l’allaitement était prolongé. De nombreux facteurs protecteurs peuvent être
évoqués. Les enfants allaités pourraient mieux contrôler leurs apports énergétiques plus tard
dans la vie, comme ils le font pendant l’allaitement. L’apport protéique et énergétique plus
faible du lait de femme, en comparaison avec les préparations pour nourrissons, pourrait
influencer la composition corporelle plus tard dans la vie. La réduction de l’apport protéique chez les enfants allaités pourrait aussi contribuer à une insulino-sécrétion moindre, avec
pour conséquence un meilleur contrôle ultérieur de la masse grasse et du risque d’obésité.
L’effet bénéfique de l’allaitement pourrait aussi être lié à la croissance plus lente pendant
la 1ère année de vie en comparaison avec les enfants nourris au lait artificiel. Deux revues de
la littérature ont en effet montré une forte association entre croissance rapide dans la petite
enfance et risque ultérieur d’obésité [4, 5]. Une revue de 7 études incluant plus de 75 000
sujets suggère que l’allaitement pourrait être associé à une protection contre le risque de
développement du diabète de type 2 (OR: 0,61 ; IC 95 % : 0,41 - 0,85) [6].
FACTEURS DE RISQUE CARDIO-VASCULAIRE
Les adultes qui ont été allaités ont une pression artérielle (PA) et une cholestérolémie
légèrement inférieures à celles des adultes qui n’ont pas été allaités. La méta-analyse de
l’OMS a conclu en 2007 à une diminution de la PA systolique à l’âge adulte de l’ordre de
1,21 mm Hg (IC 95 % : - 1,72 à - 0,70 mm Hg) en cas d’allaitement [3]. Cette diminution
ne dépend pas de l’âge auquel la PA a été mesurée ni de l’année de naissance. La baisse de la
PA diastolique est plus faible mais également significative, de 0,49 mm Hg (IC 95 % : - 0,87
à - 0,11 mm Hg). Ces effets sont du même ordre que la restriction en sel (- 1,3 mm Hg) et la
perte de poids (- 2,8 mm Hg) chez les sujets normotendus. La signification pratique de ces
baisses est difficile à évaluer pour un individu. A l’échelon d’une population, une baisse de
la PA moyenne de 2 mm Hg pourrait réduire chez l’adulte la prévalence de l’hypertension
artérielle (HTA) de 17 %, et le risque de pathologie coronarienne et d’accident vasculaire
cérébral de respectivement 6 % et 15 %.
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LES BENEFICES SANTE DE L’ALLAITEMENT
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Parmi les composés du lait maternel susceptibles d’intervenir, la teneur élevée en AGPILC de type n-3, acide docosahexaénoïque (DHA) notamment, pourrait être en cause par
son effet bénéfique sur la structure des membranes cellulaires de l’endothélium vasculaire.
La faible teneur en sodium du lait maternel a également été évoquée. Cependant, le rôle
potentiel des apports sodés au cours de la petite enfance sur le niveau ultérieur de la PA et
sur le risque d’HTA à l’âge adulte reste controversé.
Les effets du mode d’alimentation sur la cholestérolémie ont été analysés dans une
méta-analyse de 37 études, qui montre des résultats très différents selon l’âge auquel la cholestérolémie a été mesurée [7]. Au cours de l’enfance et de l’adolescence, il n’existe aucune
différence selon le mode d’alimentation initial (différence moyenne = 0,00 ; IC 95 % :
- 0,07 à 0,07 mmol/L). Cependant, chez le nourrisson, la cholestérolémie est plus élevée
chez les enfants qui ont été allaités (différence moyenne = 0,64 mmol/L ; IC 95 % : 0,5 à
0,79 mmol/L), alors que chez l’adulte la cholestérolémie est plus basse chez ceux qui ont
été allaités (différence moyenne = - 0,18 mmol/L ; IC 95 % : - 0,30 à - 0,06 mmol/L). Tout
se passe comme si des apports élevés en cholestérol à la période initiale de la vie (le lait de
femme contient une quantité de cholestérol de l’ordre de 200-300 mg/L alors que la plupart
des laits artificiels n’en contiennent pas ou très peu) constituaient un stimulus nutritionnel
à l’origine d’une programmation de la régulation de l’activité de l’HMG-CoA réductase ou
des récepteurs du LDL-cholestérol persistant à long terme. On ne peut néanmoins pas exclure l’influence de facteurs de confusion : le mode d’alimentation initial pourrait intervenir
sur la corpulence et/ou les préférences alimentaires ultérieures, elles-mêmes susceptibles de
moduler la cholestérolémie. La diminution de l’ordre de 10 % de la cholestérolémie observée
à l’âge adulte en cas d’allaitement est supérieure à la baisse de 3 à 6 % obtenue grâce à la prise
en charge diététique de l’hypercholestérolémie.
Cependant, malgré ces effets favorables sur la pression artérielle et la cholestérolémie, il
n’a pas été montré que l’allaitement était associé à une diminution de la morbidité et de la
mortalité cardio-vasculaires à l’âge adulte.
ALLERGIE
Il s’agit d’un sujet très controversé. Dès les années 30, une réduction d’un facteur 7 de la
prévalence de l’eczéma à l’âge de 9 mois était rapportée chez les enfants allaités par comparaison à ceux nourris au lait de vache [8]. Un allaitement d’une durée de 3 mois est associé
à une diminution du risque de dermatite atopique (OR : 0,68 ; IC à 95 % : 0,52 - 0,88) [2].
Cet effet bénéfique est observé chez les enfants à risque d’allergie (OR : 0,58 ; IC 95 % : 0,4
- 0,92), mais pas chez les enfants sans risque d’allergie (OR : 1,43 ; IC 95 % : 0,72 - 2,86).
Un allaitement d’une durée de 3 mois est également associé à une réduction du risque
d’asthme, uniquement chez les enfants à risque d’allergie (OR : 0,52 ; IC 95 % : 0,35 - 0,79)
[2]. L’allaitement est donc associé à un moindre risque d’asthme et d’eczéma pendant les
2-3 premières années de la vie chez les enfants à risque d’allergie, mais ne modifie pas à long
terme la marche allergique [2].
Le lait de femme peut contenir des protéines étrangères (lait de vache, œuf, arachide,
gluten), à des concentrations de l’ordre du ng/L, dans un délai de 1 à 6 heures après leur
ingestion par la mère, quel que soit son statut allergique. Six pour cent des enfants à risque
d’allergie, allaités exclusivement, peuvent développer une sensibilisation à IgE. Dans la
population générale, l’allergie alimentaire s’exprime chez 0,04 % à 0,5 % des enfants nourris
exclusivement au sein : eczéma, coliques, colite, et rares cas d’anaphylaxie [9]. Ce n’est que
dans ces circonstances qu’il faut conseiller à la mère l’éviction de son alimentation du ou des
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D. TURCK, G. GREMMO-FÉGER
aliments présumés responsables de cette sensibilisation. Si les symptômes s’améliorent franchement ou disparaissent pendant le régime d’élimination, il est ensuite possible de tenter un
élargissement progressif du régime maternel jusqu’à la dose maximale tolérée par l’enfant.
DIABÈTE DE TYPE 1
Deux méta-analyses suggèrent que l’allaitement d’une durée d’au moins 3 mois est
associé à une réduction du risque de diabète insulinodépendant (DID) de respectivement
19 % (IC 95 % : 11-26 %) et 27 % (IC 95 % : 18-35 %) [2, 3]. En l’absence d’allaitement,
le facteur déclenchant pourrait être une immunisation contre certaines protéines du lait
de vache (β-lactoglobuline, β-caséine, sérumalbumine) contenues dans les préparations
pour nourrissons, à l’origine d’une réaction auto-immune contre les cellules β des îlots de
Langerhans du fait d’une séro-activité croisée par similitude de structure entre protéines du
lait de vache et antigènes situés sur les îlots. Le lait de femme pourrait aussi réduire l’incidence des infections virales ayant pour cible le pancréas (coxsackies, rotavirus), considérées
comme des cofacteurs de risque de DID. L’effet protecteur de l’allaitement semble d’autant
plus probable qu’il concerne des enfants ayant un risque génétique de DID élevé, en raison
de leur appartenance à un groupe HLA à haut risque.
MALADIE CŒLIAQUE
La quasi-totalité des études publiées ont conclu à un rôle protecteur de l’allaitement, et
à une corrélation négative entre la durée de l’allaitement et le développement de la maladie
cœliaque (MC). Une méta-analyse récente a conclu à une réduction de moitié du risque
d’apparition d’une MC chez les enfants encore allaités au moment de l’introduction du
gluten, par rapport aux enfants non allaités [10]. On ne peut néanmoins pas exclure qu’il
ne s’agisse que d’un retard à l’apparition des symptômes de la MC. Plusieurs hypothèses
ont été émises pour rendre compte de cet effet protecteur du lait maternel, au moins à court
et moyen terme : 1) moindre quantité de gluten consommée en raison de la poursuite de
l’allaitement maternel, avec en corollaire un moindre risque de développer des symptômes
de MC ; 2) prévention des infections gastro-intestinales qui pourraient jouer un rôle de
cofacteur dans l’apparition de la MC ; 3) effet immunomodulateur du lait de femme interférant entre les peptides toxiques du gluten et le système muqueux intestinal, et favorisant le
développement de la tolérance vis-à-vis du gluten.
MALADIES INFLAMMATOIRES DU TUBE DIGESTIF
Dans le cadre d’une étude cas-témoins pédiatriques réalisée dans le Nord-Ouest de la
France et consacrée à la recherche des facteurs environnementaux actifs dans l’enfance, l’allaitement apparaissait comme un facteur de risque pour la maladie de Crohn (MC) (OR :
2,5 ; IC 95 % : 1,5 - 4,2), mais pas pour la recto-colite hémorragique (RCH) [11]. Deux
études récentes ont néanmoins conclu à l’effet protecteur de l’allaitement, avec une diminution du risque de l’ordre de 50 % chez les enfants allaités, tant vis-à-vis de la MC que de
la RCH [12]. Les auteurs soulignaient le faible nombre de données disponibles et la qualité
discutable des études publiées, et insistaient sur la nécessité d’études prospectives réalisées
avec une méthodologie rigoureuse.
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LES BENEFICES SANTE DE L’ALLAITEMENT
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MORT INATTENDUE DU NOURRISSON
Une méta-analyse de 7 études ayant comporté une confirmation du diagnostic par
l’autopsie a montré que le risque de mort inattendue était multiplié par 1,6 (IC à 95 % :
1,3 - 2,0) en cas d’alimentation exclusive avec un lait artificiel [2].
MALTRAITANCE
Une étude australienne récente de 7200 paires mère-enfant suivies pendant 15 ans
a montré, après ajustement pour les facteurs de confusion, que le risque de maltraitance
d’origine maternelle, en particulier de carence de soins, était 2,6 fois plus élevé en l’absence
d’allaitement [13].
DÉVELOPPEMENT COGNITIF
Il faut tout d’abord rappeler les difficultés de l’évaluation des fonctions cognitives, qui
fait appel à des instruments imparfaits, dont les mesures chiffrées doivent être analysées avec
prudence.
De très nombreuses études ont recherché un lien entre l’allaitement et les performances intellectuelles. Les résultats sont volontiers discordants, mais jamais en défaveur de
l’allaitement. Une méta-analyse publiée en 1999, regroupant 20 études de bonne qualité
méthodologique, a mis en évidence un bénéfice de 3,2 points pour le quotient intellectuel
(IC à 95 % : 2,3 - 4) chez les enfants allaités, après ajustement pour les facteurs de confusion
(âge, niveaux intellectuel, culturel et éducatif des parents, statut socio-économique, rang de
naissance, tabagisme maternel, taille de la fratrie, etc.) [14]. Cette différence était observée
dès les 2 premières années de vie et persistait dans l’enfance et l’adolescence. Elle augmentait avec la durée de l’allaitement maternel, et elle était plus importante chez les enfants
prématurés (5,2 points contre 2,7 points chez les enfants à terme). D’autres travaux ont
confirmé ce bénéfice cognitif en cas d’allaitement chez des prématurés de poids de naissance
inférieur à 1850 g, évalués à 18 mois puis à 7,5 - 8 ans, et chez des enfants nés avec un retard
de croissance intra-utérin allaités plus de 3 mois, évalués à 13 mois et à 5 ans [2]. Les résultats
favorables observés chez les prématurés, qui recevaient du lait de lactarium par sonde nasogastrique et non pas le lait de leur propre mère, suggèrent que l’avantage observé est bien lié
à la composition du lait et non pas à l’allaitement au sein [15].
Chez l’adulte, il a été montré dans deux échantillons de jeunes adultes danois, après
ajustement pour les facteurs de confusion (classe sociale et niveau d’éducation des parents
notamment), une association positive nette entre la durée de l’allaitement et le développement cognitif [2].
Les bénéfices éventuels de l’allaitement sur le développement cognitif pourraient être
liés à la teneur élevée du lait de femme en certains nutriments, comme le DHA, dont le
rôle dans la maturation de la rétine et du cortex cérébral est bien établi. Il a été montré que
la teneur en DHA du lait maternel dépend des apports alimentaires en acides gras n-3 de
la femme allaitante et que, chez des nourrissons décédés de mort inattendue, la teneur en
DHA du cortex cérébral est plus élevée chez ceux qui étaient allaités au moment du décès
que chez ceux nourris avec une préparation pour nourrissons. La richesse en acide sialique
des oligosaccharides du lait de femme pourrait également jouer un rôle. L’acide sialique,
qui est le seul composé pouvant être libéré de ces oligosaccharides puis absorbé au niveau
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de l’intestin grêle, renforcerait de façon significative le pool disponible pour la synthèse des
sphingolipides cérébraux [1].
Quelles qu’en soient les raisons, psycho-affectives, nutritionnelles ou environnementales, l’allaitement maternel est incontestablement associé à un bénéfice sur le plan cognitif,
certes modeste, mais dont il serait dommage de ne pas faire bénéficier l’enfant.
PRÉMATURITÉ
Chez les enfants prématurés, l’alimentation avec le lait maternel (ou le lait de femme
provenant de donneuses via un lactarium) favorise la maturation des fonctions digestives et
la tolérance à l’alimentation par voie orale, facilitant ainsi leur prise en charge. Elle diminue
le risque d’infections et d’entérocolite ulcéro-nécrosante en période néo-natale, et contribue
à améliorer les performances développementales des nouveau-nés très prématurés [3, 16].
CONTRE-INDICATIONS DE L’ALLAITEMENT
Les contre-indications de l’allaitement sont extrêmement rares : infection par le virus de
l’immunodéficience humaine, maladie cardio-vasculaire ou respiratoire sévère, hémopathie
ou cancer en cours de traitement chez la mère, galactosémie chez l’enfant. Malgré le passage
quasi-constant dans le lait des médicaments consommés par la mère, très peu d’entre eux
sont incompatibles avec la poursuite de l’allaitement : antimitotiques, certains immunomodulateurs (méthotrexate), dérivés de l’ergotamine, iode radio-actif, lithium, antithyroïdiens
de synthèse, auxquels il faut ajouter les drogues hallucinogènes. L’institution d’un traitement médicamenteux est une cause très fréquente d’arrêt abusif de l’allaitement chez la
mère ; son indication doit toujours être discutée avec soin [1].
SUPPLÉMENTATIONS DE L’ENFANT ALLAITÉ
Le lait de femme est pauvre en vitamines D et K, et la flore intestinale de l’enfant allaité
peu apte à synthétiser de la vitamine K. Une supplémentation de l’enfant est nécessaire en
vitamine D (800 à 1 000 UI/j) et K (2 mg/semaine) [1].
BÉNÉFICES POUR LA SANTÉ DE LA MÈRE
L’allaitement a également des effets bénéfiques pour la santé de la mère [2]. En cas
d’allaitement, la perte de poids et la diminution de la masse grasse sont plus rapides dans les
6 premiers mois du post-partum. L’allaitement est associé à une diminution de l’incidence
du cancer du sein avant la ménopause et du cancer de l’ovaire, du diabète de type 2 et de
dépression du post-partum. Il est également associé à une réduction du risque de pathologies métaboliques et cardio-vasculaires et il n’augmente pas le risque d’ostéoporose après
la ménopause. L’allaitement est associé à une période d’infertilité : l’effet contraceptif,
souvent considéré comme non fiable, est pourtant supérieur à 98 % pendant les six premiers
mois du post-partum si l’ensemble des recommandations du consensus de Bellagio sont
appliquées correctement. Les hormones de la lactation et en particulier l’ocytocine ont des
effets comportementaux et l’allaitement pourrait jouer un rôle facilitant dans la consti-
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LES BENEFICES SANTE DE L’ALLAITEMENT
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tution du lien mère-enfant. Des études montrent également que l’allaitement diminue la
réponse de la mère au stress, améliore son bien-être et son estime de soi.
IMPACT ÉCONOMIQUE DES BÉNÉFICES SANTÉ DE L’ALLAITEMENT
Le non allaitement étant associé à un risque plus élevé de morbidité infantile et maternelle, les stratégies visant à augmenter le taux d’initiation et la durée de l’allaitement ont
un impact favorable sur la santé publique et génèrent des économies significatives pour
le système de santé. Une étude des services économiques du Ministère de l’agriculture
américain, publiée en 2001, considérant les coûts directs relatifs au traitement des seuls cas
de diarrhées aiguës, d’otites et d’entérocolites, concluait qu’il serait possible de réduire les
dépenses de santé de 3,6 milliards de dollars par an si les taux d’allaitement étaient de 75 %
à la maternité (contre 64 % en pratique) et de 50 % à 6 mois (contre 29 %) [17]. Une autre
étude très récente, publiée au cours du 1er semestre de 2010, prenant en compte l’ensemble
des bénéfices santé rapportés par l’AHRQ en 2007 (à l’exclusion du diabète de type 2), a
conclu que la réduction annuelle des dépenses de santé serait de 10,5 ou 13 milliards de
dollars si respectivement 80 ou 90 % des nourrissons vivant aux Etats-Unis étaient allaités
exclusivement jusqu’à l’âge de 6 mois [19].
En France, le surcoût lié à l’alimentation au lait artificiel est estimé à 500 € pour un
nourrisson pendant les 6 premiers mois. Ceci est d’autant plus significatif que la prévalence
de l’allaitement est particulièrement faible dans les populations défavorisées.
CONCLUSION
L’allaitement est une authentique relation symbiotique entre la mère et l’enfant : en
effet, il a des répercussions bénéfiques sur le fonctionnement physio-psychologique, le bienêtre et la santé de chacun des deux partenaires. En dépit de nombreux facteurs de confusion,
la recherche fait état de données probantes attestant du rôle de l’allaitement dans la diminution de l’incidence ou de la sévérité de nombreuses maladies infectieuses ou chroniques,
y compris dans les pays industrialisés. Malgré une augmentation régulière d’environ 2 % par
an des taux d’initiation de l’allaitement, sa prévalence et sa durée en France restent une des
plus faibles en Europe et sont également très inférieures aux recommandations. Les enjeux
principaux en matière d’allaitement consistent à faire en sorte que la décision d’allaiter ou
non soit éclairée par des informations exactes et centrées sur les principales préoccupations
des couples, et ensuite à rendre l’allaitement possible et durable pour ceux qui en font le
choix. Tous les professionnels de santé sont concernés. Les pédiatres sont évidemment en
1ère ligne dans cette démarche.
Dominique Turck1, Gisèle Gremmo-Féger2
1 Département de Pédiatrie, Hôpital Jeanne de Flandre et Faculté de Médecine, Université de Lille 2, Lille ;
2 Service Maternité, CHU Morvan, Brest.
Auteur correspondant :
Dominique Truck - [email protected]
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D. TURCK, G. GREMMO-FÉGER
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ÉPILEPSIE ET DÉFICIT EN TRANSPORTEUR DU GLUCOSE
par
B. CHABROL, A. CANO, M. MILH
INTRODUCTION
Depuis la première description en 1991 [1], une centaine de cas de déficit en GLUT-1
ont été rapportés [2]. Il existe une certaine hétérogénéité dans les types de présentation. Le
déficit en GLUT-1 est une affection rare, d’identification récente et probablement sousdiagnostiquée. Il est nécessaire de rechercher un tel déficit devant une épilepsie pharmaco
résistante surtout si elle est accompagnée d’autres événements paroxystiques survenant
préférentiellement en préprandial [3]. Cette pathologie doit être également envisagée même
en l’absence d’épilepsie, chez les patients présentant un tableau neurologique inexpliqué,
associant des mouvements anormaux et un retard mental. L’élément clé du diagnostic est la
mise en évidence d’une hypoglycorachie, appréciée par la mesure du rapport entre la glycorachie et la glycémie concomitante. Le régime cétogène est à débuter dès le diagnostic ; il est
efficace essentiellement sur le contrôle de l’épilepsie et les mouvements anormaux.
PHYSIOPATHOLOGIE
Le D-glucose représente l’apport énergétique principal du cerveau. Au repos 20 % des
stocks de glucose de l’adulte sont utilisés pour le métabolisme cérébral. De plus la capacité
du cerveau à utiliser d’autres sources énergétiques est limitée : en situation de jeûne il peut
utiliser les corps cétoniques, mais pas les graisses. Chez l’enfant la demande énergétique
cérébrale est 3 à 4 fois plus importante que chez l’adulte et équivaut à 80 % de ces stocks de
glucose au repos. En effet le taux d’utilisation du glucose au niveau cérébral est bas pendant
la vie fœtale et à la naissance. Il augmente ensuite de manière linéaire après la naissance
jusqu’à un pic vers l’âge de 3 ans, et reste ensuite élevé pendant la première décennie. Il
s’abaisse régulièrement au cours de la deuxième décennie jusqu’au taux d’utilisation du
glucose de l’adulte. Ainsi le risque de manifestations cliniques en cas de défaut de transport
du glucose est bas pendant la vie fœtale et à la naissance et augmente ensuite chez le nourrisson et l’enfant. Les membranes cellulaires étant imperméables aux sucres, le transfert du
glucose à travers la barrière hémo-méningée (BHM) est assuré par un transporteur membre
de la famille des protéines de transport du glucose [4, 5]. Plusieurs protéines de cette famille
ont été mises en évidence dans le cerveau mais le transport initial du glucose au niveau de la
BHM est assuré exclusivement par GLUT-1. GLUT-1 est une protéine transmembranaire
codée par le gène GLUT-1 (SCL2A1, MIM 138140) sur le chromosome 1 [6]. Dans le
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cerveau, 2 isoformes de GLUT-1 (différents par leur glycosylation) sont présents : l’isoforme 55 kDa localisé au niveau des membranes endoluminales et abluminales des cellules
de la BHM et l’isoforme 45 kDa exprimées dans les autres cellules nerveuses [7]. Un déficit
de transport du glucose au niveau de la BHM sera responsable d’une hypoglycorachie. En
1991, De Vivo et al [1] décrivent pour la première fois les cas de 2 enfants avec une épilepsie
ayant débuté dans les premiers mois de vie, un retard mental, une microcéphalie acquise
et une hypoglycorachie inexpliquée. Un déficit en GLUT-1 (encore appelé maladie de De
Vivo) a ensuite été démontré et secondairement l’anomalie moléculaire identifiée [8].
CLINIQUE
Dans la majorité des cas, il n’est retrouvé aucune histoire anténatale et périnatale. Les
premiers signes apparaissent dans la forme classique habituellement entre 3 semaines et 4
mois de vie sous forme de crises convulsives [2]. Bien que non spécifiques, elles sont rarement généralisées chez le jeune nourrisson chez lequel sont souvent associées des manifestations à type de mouvements oculaires anormaux, d’accès d’apnées, de cyanose ou d’épisodes
de chute atoniques non épileptiques rendant difficile le diagnostic [9]. Plus tard, chez le
grand nourrisson et l’enfant, les crises sont le plus souvent de type myoclonique et généralisé
[10]. La fréquence des manifestations épileptiques varie d’un individu à l’autre : les crises
peuvent être pluriquotidiennes ou occasionnelles (parfois espacées de plusieurs semaines).
En fonction de l’âge de début des crises, il est possible de distinguer 2 formes : une à début
précoce (1ère crise à un âge inférieur à 2 ans) et une à début tardif (1ère crise à un âge supérieur à 2 ans) [11]. De façon concomitante, il apparaît le plus souvent une microcéphalie
acquise (périmètre crânien normal à la naissance) associée à une anomalie du développement
psychomoteur ainsi qu’à une ataxie, puis plus tard une dysarthrie et une spasticité [12].
D’autres événements paroxystiques qui ne sont pas d’origine épileptique sont rapportés,
à type d’ataxie intermittente, de somnolence, d’épisodes de confusion, d’hémiparésie,
de dystonies, de céphalées ou de troubles du sommeil. Ces symptômes sont fluctuants et
souvent observés au réveil le matin à jeun ou en pré-prandial avec une résolution après une
prise alimentaire, ces formes où il existe une corrélation entre les troubles neurologiques et
l’alimentation ont été décrites sous le terme de forme « glucose-responsive ». L’atteinte
cognitive devient manifeste dans l’enfance, allant de simples difficultés à l’apprentissage
de la lecture chez certains patients à un retard mental profond chez d’autres. Les enfants
atteints d’un déficit en transporteur du glucose sont décrits comme sociables et ayant un
bon contact. Des troubles du langage (compréhension et expression) de degrés divers sont
présents chez tous les enfants atteints.
D’autres phénotypes « non classiques » ont été décrits, tels que l’association d’un
retard mental, d’une dysarthrie et d’une ataxie intermittente, sans épilepsie [13]. Deux
autres cas similaires ont été décrits plus récemment [2]. Il a également été rapporté des
formes de dyskinésie paroxystique induite par l’effort [14]. L’existence de phénotypes
atypiques, représentant 15 à 20 % des cas, souligne l’importance de rechercher cette pathologie chez des patients présentant un tableau neurologique inexpliqué comportant des
mouvements anormaux et un retard mental. Par ailleurs, vu la description récente de cette
pathologie l’évolution à long terme des sujets atteints n’est pas connue.
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ÉPILEPSIE ET DÉFICIT EN TRANSPORTEUR DU GLUCOSE
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ÉLÉMENTS DU DIAGNOSTIC
Ponction lombaire
L’étude du liquide céphalorachidien est le premier examen à faire en cas de suspicion de
déficit en GLUT-1, montrant une hypoglycorachie. Il est primordial de doser la glycémie
de manière concomitante, le ratio glycorachie/glycémie étant de meilleure valeur que le seul
taux de glucose dans le LCR dans la définition d’une hypoglycorachie. La moyenne de ce
ratio est normalement de 0,6, alors qu’elle varie de 0,06 à 0,52 chez les patients rapportés [2,
10]. Les conditions dans lesquelles doit être réalisée la ponction lombaire sont les suivantes :
après un jeûne de 4 à 6 heures et avec une détermination de la glycémie sur un prélèvement
sanguin réalisé juste avant la ponction lombaire (risque d’augmentation de la glycémie par
le stress induit par la ponction lombaire).
La lactatorachie est également intéressante à déterminer : étant le reflet de la glycolyse
des cellules nerveuses lors de toute situation d’hypoglycorachie, elle est en général élevée
quand le taux de glucose dans le LCR est bas. Dans les déficits en GLUT-1 la concentration
en lactate du LCR est basse ou normale [1].
Étude du transport du glucose dans les érythrocytes
Le transporteur du glucose dans les globules rouges est identique sur le plan immunochimique au transporteur de glucose GLUT-1. L’étude de la captation du 3-O-methyl-Dglucose, forme non métabolisable du glucose, est représentative du transport du glucose
à travers la BHM [15]. Comme GLUT-1 est le transporteur de glucose prédominant au
niveau des globules rouges, une réduction de la captation du glucose dans les globules rouges
est en faveur d’une hypoglycorachie par déficit en GLUT-1. Il est intéressant de noter qu’un
trouble du transport du glucose peut résulter d’un déficit fonctionnel ou quantitatif du
transporteur, mécanisme qu’il est possible d’appréhender par l’étude de l’immunoréactivité anti-GLUT-1 au niveau de la membrane érythrocytaire. Chez les patients atteints d’un
déficit en GLUT-1 la captation du glucose et l’immunoréactivité au niveau globulaire sont
toujours diminuées mais jamais absentes, laissant supposer qu’un déficit homozygote serait
incompatible avec la vie [10]. En pratique l’étude du transport du glucose dans les érythrocytes est peu utilisée pour le diagnostic des déficits en GLUT-1.
Analyse du gène SLC2A1 en biologie moléculaire
Cette étude permet de détecter une mutation chez 80 % des individus atteints étudiés.
Les mutations sont hétérozygotes et le plus souvent privées même si quatre mutations
« hotspots » ont été identifiées [2]. Il existe une variabilité phénotypique et des relations
génotype-phénotype sont décrites [11]. Wang et al [2] ont supposé que cette variabilité phénotypique était liée à la fonction résiduelle de GLUT-1 au niveau de la BHM individualisant
5 grades d’atteintes, d’une atteinte mineure à une atteinte létale in utero. Le pourcentage
d’activité résiduelle du transporteur serait lié à la nature des mutations présentes (mutation
faux sens hétérozygotes pour les phénotypes les moins sévères, mutation homozygote pour
la forme embryonnaire, létale).
Imagerie cérébrale
Elle est à réaliser dans le cadre du bilan étiologique, essentiellement afin d’éliminer
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un autre diagnostic. Un aspect de lésions multiples, de petites tailles, sous-corticales et
hyperintenses en T2 a été décrit comme étant spécifique du déficit en GLUT-1 [16] mais
celui-ci n’est en fait pas toujours retrouvé. L’étude cérébrale par tomographie d’émission
par positron couplée au scanner (PET-scan) a permis de retrouver chez plusieurs patients
un hypométabolisme cortical au niveau cérébral et cérébelleux avec un signal relativement
augmenté au niveau des noyaux gris [17].
Électroencéphalogramme
Lors d’une étude de 20 patients, Leary et al [18] avaient montré que l’EEG standard et
de 24 heures étaient le plus souvent normaux chez les patients atteints de déficit en GLUT-1
en période intercritique. Chez les enfants âgés de plus de 2 ans, l’anomalie la plus fréquente
est représentée par des pointes ou poly pointes-ondes généralisées de 2,5-4 Hz. Chez les
nourrissons, les pointes-ondes généralisées sont moins fréquentes et les anomalies observées
sont des décharges focales. Devant la multiplicité des manifestations, un EEG vidéo est particulièrement indiqué pour différencier ce qui est crise d’épilepsie de ce qui ne l’est pas.
TRAITEMENT
Le régime cétogène est le seul traitement ayant montré une efficacité dans le cadre
du déficit en GLUT-1. Les corps cétoniques générés par ce régime pénètrent facilement
à travers la BHM fournissant au cerveau une autre source d’énergie que le glucose. Le
régime cétogène est efficace dans le contrôle des crises convulsives et les autres phénomènes
paroxystiques mais son effet sur les anomalies cognitives semble être moins probant [19, 20].
Si dans le cadre des épilepsies réfractaires de l’enfant le régime cétogène est en général maintenu pendant une durée limitée à 2 à 3 ans, cette durée n’est pas définie dans le déficit en
GLUT-1. La demande cérébrale en glucose du nourrisson de 1 an dépasse celle de l’adulte,
augmente encore pendant l’enfance et retourne au niveau adulte à l’adolescence. Ainsi certains auteurs recommandent l’application d’un régime cétogène jusqu’à l’adolescence afin
d’assurer un développement cérébral optimal [15].
Tous les inhibiteurs de GLUT-1 sont à éviter : éthanol, méthylxanthines (caféine),
inhibiteur de la tyrosine kinase, analogues du GTP, antidépresseurs tricycliques, certains
anesthésiques [10]. De plus certains anticonvulsivants tels les barbituriques, le diazepam
ainsi que le chloralhydrate sont aussi des inhibiteurs du transport du glucose par GLUT-1
dans les érythrocytes. Ainsi les traitements antiépileptiques à recommander, si le régime
cétogène est insuffisant sont la carbamazépine et la phénytoine, substances pour lesquelles
aucun effet inhibiteur n’a été retrouvé in vitro [21].
D’autres approches thérapeutiques ont été envisagées, telles que l’utilisation de l’acide
alpha-lipoique qui est un antioxydant ayant la propriété de favoriser la translocation à la
membrane des cellules musculaires des transporteurs de glucose type GLUT-4 [22]. Ce
traitement a été essayé dans le cadre du déficit en GLUT-1, cependant les données disponibles sur son efficacité sont limitées et le traitement considéré comme expérimental. Enfin,
l’observation du fait que GLUT est un transporteur multifonctionnel ouvre de nouvelles
perspectives dans la compréhension et peut être le traitement du déficit en GLUT-1. En
effet, d’autres substrats que le glucose, comme le galactose, le mannose, l’acide déhydroascorbique, l’eau et les glycopeptides utilisent GLUT-1 [23]. Même si aucun déficit intracérébral en l’un de ces composés n’a pour le moment été mis en évidence dans le cadre de
la déficience en GLUT-1, un trouble du transport de ces substances au niveau du système
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ÉPILEPSIE ET DÉFICIT EN TRANSPORTEUR DU GLUCOSE
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nerveux pourrait intervenir dans la physiopathologie du déficit en GLUT-1, et d’éventuelles
supplémentations pourraient jouer un rôle dans le traitement.
Brigitte Chabrol, Aline Cano, Mathieu Milh
Centre de référence des maladies héréditaires du métabolisme, Service de Neurologie Pédiatrique, Hôpital d’Enfants, CHU Timone 13385 Marseille cedex 5
Auteur correspondant : [email protected]
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MUTATIONS DANS LE GÈNE LPIN1 :
UNE CAUSE MAJEURE DE RHABDOMYOLYSE SÉVÈRE
DU JEUNE ENFANT
par
C. MICHOT, L. HUBERT, M. BRIVET, V. VALAYANNOPOULOS,
A. MUNNICH, A. DELAHODDE, Y. DE KEYZER, P. DE LONLAY
INTRODUCTION
Les rhabdomyolyses récurrentes de l’enfant correspondent à la destruction de fibres
musculaires striées squelettiques, et sont liées à un défaut de production ou d’utilisation
d’ATP (Tein 1999; Dubowitz 1995; Tonin 1990). La production d’ATP se fait principalement par la chaîne respiratoire mitochondriale (CRm), dont le fonctionnement nécessite
des substrats énergétiques. Les muscles squelettiques et cardiaques utilisent préférentiellement les acides gras (AG) comme source énergétique par la voie de l’oxydation des AG
(OAG). La cause majeure de rhabdomyolyse génétique métabolique est ainsi liée à l’anomalie d’un des gènes codant pour les enzymes de l’OAG.
Les causes plus rares de rhabdomyolyse métabolique sont les déficits de la chaîne respiratoire mitochondriale et certaines glycogénoses musculaires (Dubowitz 1995; Tein 1990;
Tonin 1990). Des anomalies constitutives du muscle squelettique, comme les myopathies et
la dystrophinopathie de Becker, sont d’autres causes génétiques de rhabdomyolyse.
Cependant plus de la moitié des rhabdomyolyses n’ont pas de cause moléculaire définie.
Récemment, plusieurs mutations ont été identifiées dans le gène LPIN1 chez des
patients présentant des épisodes de rhabdomyolyse, grâce à l’étude initiale d’une famille
israélienne consanguine (Zeharia, 2008). Ces rhabdomyolyses sont déclenchés par l’effort,
une infection intercurrente ou une anesthésie générale. Cette maladie nouvellement identifiée a une hérédité autosomique récessive.
La protéine lipine 1, fortement exprimée dans les tissus adipeux et les muscles squelettiques, est caractérisée par une double fonction : biosynthèse des phospholipides et des
triglycérides (enzyme phosphatidate phosphatase 1, PAP1) et co-activation transcriptionnelle d’un grand nombre de gènes impliqués dans le métabolisme énergétique (Figure 1).
La protéine a deux domaines conservés : N-LIP, dans la région amino-terminale, et C-LIP,
dans la partie carboxy-terminale, qui inclut les aminoacides 674 à 830 et contient les motifs
consensus correspondant aux fonctions enzymatique et de coactivateur transcriptionnel
(Reue 2008). La localisation de la protéine est double, cytoplasmique et nucléaire, probablement du fait de sa double fonction (Peterfy 2005).
Nous avons cherché à estimer la prévalence des mutations de LPIN1 dans les rhabdomyolyses sévères du jeune enfant.
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C. MICHOT, L. HUBERT, M. BRIVET, V. VALAYANNOPOULOS, A. MUNNICH,
A. DELAHODDE, Y. DE KEYZER, P. DE LONLAY
178
MÉTHODES
Nous avons recruté une cohorte homogène de patients ayant présenté depuis la petite
enfance (avant l’âge de 5 ans) un ou plusieurs épisodes de rhabdomyolyse sévère (créatine
phosphokinase = CPK > 10 000 UI/L), et pour lesquels un déficit de l’OAG, une glycogénose et une dystrophinopathie avaient été éliminés. Les 29 patients ainsi inclus dans l’étude
étaient issus de 23 familles différentes (4 consanguines) et étaient d’origines ethniques
diverses (22 Eurocaucasiens, 1 Africain et 5 Nord-Africains et 1 Asiatique).
L’étude moléculaire a consisté à réaliser le séquençage complet du gène LPIN1
(NM_145693.1) sur ADN génomique et complémentaire (ADNc) chez tous les patients et
leurs parents. Une délétion intragénique fréquente a été systématiquement recherchée par
une long range PCR sur ADN génomique. Un génotypage par étude de marqueurs microsatellites a permis de rechercher un effet fondateur pour cette délétion. Un test de complémentation de la souche de levure Δpah1 (délétée pour l’orthologue de levure de LPIN1) par
l’introduction d’un plasmide porteur du gène LPIN1 humain normal ou délété a permis
l’étude fonctionnelle de la délétion fréquente.
RÉSULTATS
17/29 patients (59 %) étudiés ont deux mutations dans le gène LPIN1, ce qui conforte
l’hérédité récessive autosomique de cette pathologie. Aucune mutation de novo n’a été
observée. Au total, 13 mutations différentes ont été découvertes, dont 12 entraînent un
stop prématuré et la dernière consiste en une délétion intragénique en phase, que nous avons
retrouvée de façon récurrente.
8/17 patients mutés, tous caucasiens, sont porteurs, à l’état homozygote (3/8) ou hétérozygote composite (5/8), de cette délétion fréquente qui ne perturbe pas la phase de lecture.
Les mêmes points de cassure ont été retrouvés chez ces 8 patients : du nucléotide +3377 de
l’intron 17 au nucléotide +782 de l’intron 18, à 30 nucléotides en 5’ de l’exon 19, soit une
perte de 1766 paires de base. De plus, ces 8 patients possèdent un haplotype minimum commun de marqueurs microsatellites dans une petite région entourant la délétion. Ces résultats
sont évocateurs d’un effet fondateur ancien pour cette délétion intragénique dans la population Caucasienne. Il est à noter que celle-ci peut être facilement et rapidement diagnostiquée
par la réalisation d’une long range PCR, de l’exon 17 à l’exon 20, sur ADN génomique.
Un test de complémentation chez la levure utilisant les souches W303-1A (wild type)
et Δpah1 (délétée pour l’orthologue de LPIN1) a permis de valider l’effet pathogène de la
délétion intragénique. En effet, Δpah1 pousse plus lentement que le wild type à 30 °C sur
glycérol et a une sensibilité thermique à 36 °C. Ce phénotype est complémenté par LPIN1
humain wild type (Δpah1/LPIN1), mais pas par LPIN1 humain délété (Δpah1/lipin1Δ).
Des mutations du gène LPIN1 ont été détectées chez des patients d’origines ethniques
diverses : 12/22 Caucasiens, 1/1 Africain, 3/5 Nord-Africains et 1/1 Asiatique et le sex ratio
est équilibré (M/F = 0,89).
Les patients porteurs de mutations de LPIN1 ont présenté leur premier accès de rhabdomyolyse avant l’âge de 5 ans (moyenne = 21 mois) et la patiente la plus âgée a actuellement
23 ans. Il existe toujours un facteur déclenchant aux accès : fièvre surtout, mais aussi le jeûne
ou une anesthésie générale. Le nombre d’accès par patient varie de 1 à 10. Cinq patients sont
décédés lors d’un accès, probablement par trouble du rythme cardiaque lié à une hyperkaliémie, ainsi que 3 frères et sœurs non étudiés sur le plan moléculaire, mais ayant aussi présenté
un ou plusieurs accès de rhabdomyolyse.
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MUTATIONS DANS LE GÈNE LPIN1 :
UNE CAUSE MAJEURE DE RHABDOMYOLYSE SÉVÈRE DU JEUNE ENFANT
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L’examen clinique, dont la force musculaire, est normal en dehors des accès, sauf pour
un patient présentant des myalgies, des crampes et un déficit musculaire modéré permanents. Les CPK sont également normales ou subnormales en dehors des accès, alors qu’elles
sont supérieures à 20 000 U/l (N < 150) pendant les accès, parfois jusqu’à 1 000 000 U/l.
Les sujets hétérozygotes sont pour la plupart asymptomatiques ; seuls 2 des 26 parents et
une sœur hétérozygote d’un patient présentent des crampes et des myalgies modérées.
Par ailleurs, tous les patients ont une distribution des masses grasses normale (confirmée
par absorptiométrie chez deux patients). Le bilan lipidique et l’échographie abdominale
sont également normaux (notamment sans stéatose hépatique) pour tous les patients, tout
comme l’électromyographie et l’échographie cardiaque.
L’histologie musculaire est soit normale, soit modérément perturbée : inclusions lipidiques, prédominance des fibres de type I, atrophie des fibres de type II et rarement des
agrégats mitochondriaux avec ragged-red fibers. L’enzymohistochimie pour la cytochrome
c oxydase (COX) et l’activité de la chaîne respiratoire sont normales chez tous les patients,
sauf un présentant un marquage COX diminué.
La question d’un déficit énergétique secondaire est posée chez ces patients, car un
déficit en CIV de la chaîne respiratoire mitochondriale a été identifié dans le muscle d’un
patient, ainsi qu’un déficit partiel en CPT2 (enzyme de l’OAG) dans le muscle d’un autre
patient (activité CPT2 dans les lymphocytes et fibroblastes et séquençage du gène CPTII
normaux).
DISCUSSION
Les mutations de LPIN1 apparaissent comme la seconde cause de rhabdomyolyse sévère
de l’enfant après les déficits primaires de la β-oxydation des acides gras, puisque 59 % de
nos patients testés sont mutés pour LPIN1, selon un mode récessif autosomique. De plus,
comme 47 % des patients mutés sont porteurs d’une même délétion intragénique, avec un
probable effet fondateur dans la population caucasienne, la réalisation d’une long range
PCR à la recherche de cette délétion peut représenter un premier screening rapide de
LPIN1 pour les patients Caucasiens.
Les épisodes de rhabdomyolyse sont déclenchés par la fièvre ou le jeûne. Or il a été
récemment démontré que divers inducteurs inflammatoires (lipopolysaccharides et cytokines pro-inflammatoires : TNFα, IL1β et IFNγ) répriment l’expression de LPIN1, aboutissant à la diminution de l’expression de différents gènes impliqués dans le métabolisme
énergétique (Feingold & al., 2009 ; Lu & al., 2008 ; Tsuchiya & al., 2009). Ainsi, la phase de
réponse inflammatoire aiguë pourrait entraîner des perturbations majeures du métabolisme
lipidique et déclencher les accès de rhabdomyolyse chez les patients déficitaires en lipine 1.
Le gène LPIN1 a été identifié en 2001 par clonage positionnel chez la souche mutante
naturelle de souris fld (fatty liver dystrophy) (Peterfy 2001). Ces souris présentent un
phénotype différent de celui de nos patients, à savoir une lipodystrophie, l’accumulation
transitoire d’AG dans le foie, une neuropathie périphérique (Langner, 1991), une hypertriglycéridémie, une diminution de la résistance à l’insuline (Peterfy 2001) et une forte mortalité. A l’inverse, la surexpression de lipine1 dans le foie de souris transgéniques entraîne
une obésité sous un régime riche (Phan & Reue, 2005 ; Xu, 2006). En comparaison, nos
patients présentent une pathologie musculaire isolée sans signe de dyslipidémie (absence de
lipodystrophie, taux normaux de triglycérides, LDL et HDL-cholestérol, absence de stéatose
hépatique). L’explication de la différence de phénotypes présentés par la souris et l’homme
déficients en lipine 1 reste largement obscure, tout comme la physiopathologie des symptô-
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C. MICHOT, L. HUBERT, M. BRIVET, V. VALAYANNOPOULOS, A. MUNNICH,
A. DELAHODDE, Y. DE KEYZER, P. DE LONLAY
mes musculaires chez l’homme. Le muscle squelettique est un des tissus exprimant les plus
forts niveaux de lipine 1, ce qui pourrait expliquer pourquoi le muscle est particulièrement
affecté par les mutations de LPIN1 chez l’homme. Du fait des différents rôles joués par
lipine 1, plusieurs mécanismes, seuls ou associés, peuvent être envisagés comme responsables
de la survenue des rhabdomyolyses.
D’une part, lipine 1 a une activité PAP1, impliquée dans la biosynthèse des glycérolipides. Aussi, les rhabdomyolyses liées à lipine 1 pourrait résulter de l’accumulation de
lyso-phosphatidate et du remodelage des membranes consécutif au déséquilibre de leur
composition en phospholipides, comme cela a déjà été suggéré (Farooqui, 2000 ; Zeharia,
2008). Cependant, les premières données ne sont pas en faveur d’un rôle majeur de cette
anomalie structurale dans la physiopathologie de l’atteinte musculaire, puisque les mesures
des différents phospholipides dans le muscle de trois patients n’ont été anormales que pour
un seul. Néanmoins, un autre mécanisme pourrait rattacher la survenue des rhabdomyolyses
au déficit en activité PAP1 : une étude récente suggère que les acides gras auraient besoin de
subir un turn-over (incorporation dans les triglycérides et recyclage) pour être efficacement
oxydés (Liu, 2009). Si cette donnée était confirmée, la faible synthèse de triacylglycérol due
aux mutations de LPIN1 pourrait être la cause d’un défaut d’OAG.
D’autre part, lipine 1 a un rôle de coactivateur dans les voies de transcription médiées par
les facteurs nucléaires PPARα et PGC-1α, qui régulent l’expression de nombreux gènes du
métabolisme énergétique (Donkor, 2008 ; Finck, 2006). Non seulement, lipine 1 interagit
physiquement directement avec les PPARs et indirectement avec PGC-1α, mais elle active
aussi l’expression de PPARα et PPARδ (Finck, 2006). L’expression de lipine 1 est induite
lors de conditions qui augmentent les besoins énergétiques, et lipine 1 est impliquée dans la
biogénèse mitochondriale induite par l’exercice dans les muscles squelettiques (Higashida,
2008). Il existe ainsi un lien très étroit entre les lipines et les voies métaboliques énergétiques
(OAG et CR) et un déficit en lipine 1 pourrait donc affecter la transcription des gènes de
l’OAG et de la CRm via une anomalie des PPARs et de PGC-1α. Le déficit énergétique
retrouvé dans le muscle de certains de nos patients corrobore notre hypothèse.
En conclusion, la fréquence de 59 % de mutations dans notre cohorte et l’existence
d’une délétion fréquente de diagnostic rapide (long range PCR) incite à rediscuter la
hiérarchie des investigations à réaliser devant les rhabdomyolyses sévères du petit enfant.
Nous proposons que l’étude de LPIN1 soit réalisée après l’exclusion d’un déficit primaire
de l’OAG (acides organiques urinaires, carnitine et acylcarnitines plasmatiques, activité
carnitine palmitoyltransférase II et OAG sur lymphocytes et/ou fibroblastes), mais avant la
biopsie musculaire (Figure 2).
Caroline Michot1, Laurence Hubert1, Michèle Brivet2, Vassili Valayannopoulos1, Arnold Munnich1, Agnès
Delahodde3, Yves de Keyzer1, Pascale de Lonlay1.
1Université Paris Descartes, INSERM U781 et Centre de Référence des Maladies Héréditaires du Métabolisme,
Hôpital Necker, France.
2Service de Biochimie, Hôpital Kremlin-Bicêtre, France.
3Université Paris-Sud, CNRS-UMR8621, Institut de Génétique et Microbiologie, France.
Auteur correspondant : Pascale de Lonlay - Centre de Référence des Maladies Héréditaires du Métabolisme Hôpital Necker-Enfants Malades - 149 rue de Sèvres - 75015 Paris [email protected]
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MUTATIONS DANS LE GÈNE LPIN1 :
UNE CAUSE MAJEURE DE RHABDOMYOLYSE SÉVÈRE DU JEUNE ENFANT
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C. MICHOT, L. HUBERT, M. BRIVET, V. VALAYANNOPOULOS, A. MUNNICH,
A. DELAHODDE, Y. DE KEYZER, P. DE LONLAY
Figure 1 : Représentation schématique des deux fonctions de lipine1 :
enzyme phosphatidate phosphatase1
co-activateur transcriptionnel
Figure 2 : Arbre décisionnel proposé pour l’exploration des rhabdomyolyses sévères du jeune enfant.
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MORT INATTENDUE DU NOURRISSON :
DES QUESTIONS NON RÉSOLUES
par
L. DE PONTUAL, A.-M. TEYCHENE, J. GAUDELUS
La mort inattendue du nourrisson (MIN, Sudden Unexpected Death in Infant =
SUDI) est définie par un décès survenant brutalement chez un nourrisson alors que rien
dans ses antécédents connus ne pouvait le laisser prévoir.
Parmi les MIN, les principales étiologies identifiées sont :
des infections suraiguës pneumocoque, méningocoque et staphylocoque aureus,
des causes accidentelles notamment liées au couchage,
des pathologies cardiovasculaires (malformations congénitales et myocardites),
des pathologies gastro-intestinales en particulier volvulus, invagination intestinale aiguë,
gastro-entérite,
5. des causes métaboliques (déficit β oxydation des acides gras, …),
6. des causes neurologiques (méningites bactériennes, traumatismes crâniens,…).
1.
2.
3.
4.
Le terme de mort subite du nourrisson (MSN, Sudden Instant Death Syndrom ou
SIDS) concerne le décès d’un nourrisson qui reste inexpliqué après une enquête complète
post-mortem (circonstances, examen clinique, examens complémentaires, autopsie médicale, examen anatomo-pathologique). L’explication des MSN se satisfait pour l’instant du
modèle dit « du triple risque » : une vulnérabilité individuelle, une période du développement critique et un évènement extérieur de stress. Malgré plus de 30 années de recherches,
la cause exacte de la MSN reste à ce jour inconnue.
Les données épidémiologiques sur la MIN en France proviennent du centre
d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’INSERM. Les données sont
peu fiables du fait d’un remplissage souvent incomplet ou erroné des certificats de décès.
L’incidence de la MSN en 2007 était de 26 cas pour 100 000 naissances soit 210 cas. Il existe
une variabilité régionale importante. Les régions les moins touchées étant la région MidiPyrénées, Rhône Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, alors que la région Nord-Pas de
Calais est la plus touchée avec une incidence de 52.5 pour 100 000 naissances. L’incidence
européenne moyenne étant de 25 cas pour 100 000 naissances, la Lettonie étant le pays avec
la plus forte incidence de 80 cas pour 100 000 naissances. L’Allemagne a une incidence de 49
cas pour 100 000 naissances. L’association entre MSN et les conditions socio-économiques
défavorables est connue depuis longtemps. Cependant, les différences d’incidence dans
les différentes catégories socioprofessionnelles se sont creusées, la baisse d’incidence ayant
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L. DE PONTUAL, A.-M. TEYCHENE, J. GAUDELUS
été moins importante dans les catégories socioprofessionnelles plus défavorisées. Une
étude anglaise récente montre que plus de 80 % des MSN actuellement surviennent dans
des populations défavorisées [1]. L’identification dans les années 90 de facteurs de risque
majeurs de mort subite du nourrisson, la diffusion de conseils de prévention a permis une
nette décroissante de l’incidence de la MSN en France, comme dans beaucoup d’autres
pays. Cependant, la MSN reste la première cause de mortalité des enfants âgés de 1 mois à
1 an. Comme dans l’ensemble des départements français, le nombre de cas de MSN a chuté
en Seine Saint Denis de près de 75 % après la campagne de 1994 de couchage des enfants sur
le dos. On atteignait en 2003 un nombre de cas le plus faible de 8 cas de MSN, le nombre
de cas semble réaugmenter depuis les quatre dernières années avec une moyenne de 14 cas
par an en Seine Saint Denis. Cette tendance est étroitement corrélée à la courbe d’évolution
du pourcentage de position ventrale de sommeil chez des bébés décédés de MSN. En 2009,
50 % des enfants décédés de MSN étaient couchés sur le ventre contre 25 % en 2003. Ces
dernières données nous ont incité à étudier de façon rétrospective l’ensemble des cas de
MSN pris en charge aux urgences pédiatriques de l’hôpital Jean Verdier entre septembre
2005 et septembre 2009. L’objectif était d’avoir des données récentes sur l’incidence de
la MSN en Seine Saint Denis, les facteurs de risque associés et les résultats des autopsies
médicales lorsqu’elles étaient réalisées.
EXPÉRIENCE DU CENTRE DE RÉFÉRENCE DE SEINE SAINT DENIS
Protocole de prise en charge de MIN
Le protocole de prise en charge des MIN aux urgences pédiatriques de l’hôpital Jean
Verdier a été réadapté en 2007, s’efforçant de suivre au mieux les recommandations de
l’HAS. Les MIN sont initialement prises en charge par les équipes pédiatriques du SMUR
93 ou 75. L’enfant est transporté aux urgences pédiatriques. Le pédiatre de garde reçoit
l’enfant et les parents. Il remplit le dossier standardisé prévu à cet effet. Les données collectées concernent principalement les antécédents personnels et familiaux de l’enfant, les
circonstances du décès, l’examen clinique de l’enfant décédé, des radiographies complètes
du squelette, un scanner cérébral ainsi qu’une IRM corps entier lorsque cela est possible. Sur
le plan biologique, les examens prélevés sont une numération formule sanguine, un dosage
de la C réactive protéine de la pro calcitonine et une hémoculture. L’examen du liquide
céphalo-rachidien est systématique de même que la recherche de VRS et une PCR coqueluche dans les sécrétions naso-pharyngées. Quelques gouttes de sang sont conservées sur un
papier buvard gardé dans le dossier. Une autopsie médicale est proposée (convention avec
l’hôpital de Garches, Dr Caroline Rambaud). L’ensemble des données sont colligées dans
un dossier standardisé. Les parents sont revus le lendemain du décès par l’un des médecins
référents pour la MIN du service de Pédiatrie. Un rendez-vous leur est proposé dans le mois
qui suit le décès. Il est proposé aux parents que l’équipe « Empathie 93 » puisse prendre
contact avec eux. Il s’agit d’une équipe appartenant à la Protection maternelle et infantile
de Seine Saint Denis constituée d’un médecin, de 2 psychologues et d’une puéricultrice se
déplaçant au domicile des parents pour accompagner la période de deuil.
Étude rétrospective sur 4 ans
Soixante-quatorze enfants de moins de 2 ans, domiciliés en Seine Saint Denis et décédés
de façon brutale et inattendue, ont été pris en charge entre septembre 2005 et septembre
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MORT INATTENDUE DU NOURRISSON : DES QUESTIONS NON RÉSOLUES
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2009. Une autopsie médicale a été réalisée dans 39 cas. Elle était normale pour 20 d’entre
eux. Un diagnostic a été posé pour 22 nourrissons (11 cardiopathies, 3 asphyxies accidentelles, 1 maladie métabolique, 3 infections bactériennes sévères, 4 décès par déshydratation
sévère). Les données ont été recueillies à partir de la fiche du SMUR pédiatrique d’un dossier type rempli par le médecin de garde aux urgences et d’informations complémentaires
obtenues secondairement en collaboration avec le service « Empathie 93 », les médecins
traitants ou les PMI de secteur.
Causes identifiées de MIN
La cause de la MIN est attribuée à une infection bactérienne sévère pour 3 enfants sur
74. Le premier patient est un enfant de 15 mois qui présentait une hyperthermie durant les
72 heures précédant le décès pour laquelle la culture du liquide céphalo-rachidien et l’hémoculture post-mortem mirent en évidence une infection grave à Neisseria meningitidis de type
B. L’autopsie a montré des signes de choc et une hémorragie des surrénales. Le deuxième
enfant est un enfant de 22 mois qui présentait une hyperthermie depuis 48 h, retrouvé
décédé dans son lit pour lequel, l’examen du liquide céphalo-rachidien et du liquide pleural a identifié une infection grave à Streptococcus pneumoniae de sérotype 19 A. Le dernier
enfant est un enfant de 22 mois qui présentait une hyperthermie depuis 24 h pour lequel
les examens post-mortem ont identifié une pneumopathie nécrosante à Staphylococcus
aureus sécréteur de toxine de Ponton-Valentine. Quatre enfants sur 74 sont décédés dans
un contexte de gastro-entérite aiguë sévère avec déshydratation supérieure à 12 % dans tous
les cas. Ces enfants étaient âgés respectivement de 4, 6, 9 et 22 mois. Ils ont présenté dans
les 48 h précédant le décès de nombreuses selles liquides et des vomissements. L’examen
post-mortem retrouve dans tous les cas des signes de déshydratation importante. L’examen
des selles est positif à rotavirus pour 2 enfants. Une infection à VRS est identifiée pour 4
enfants sur 74. Il s’agit d’enfants âgés respectivement de 2, 3, 4 et 5 mois. Deux enfants sont
nés prématurément à 29 et 32 SA. Un seul enfant présentait une toux et 2 sur 4 une fièvre.
L’infection à VRS a probablement participé au décès mais il est difficile dans ces quatre
observations d’attribuer le décès uniquement au VRS. Parmi les causes identifiées de Mort
Inattendue du Nourrisson, l’origine cardiaque est la plus fréquente. L’examen autopsique
et histologique du cœur étant anormal chez 11 patients sur 74. Une dysplasie arythmogène
du ventricule droit est incriminée pour 1 patient, 1 retour veineux pulmonaire anormal
chez 2 enfants décédés à 19 et 21 jours, une myocardiopathie dilatée chez un patient, une
myocardiopathie hypertrophique chez 2 patients. Pour 5 patients, l’examen histologique
du cœur a conclu à une myocardite aiguë. Le parvovirus B19 a été incriminé pour 3 de ces
enfants. Par ailleurs, pour un enfant décédé à 8 mois de vie, le diagnostic post-mortem a permis d’identifier un déficit de la béta oxydation des acides gras en rapport avec une mutation
homozygote du gène CPT2.
Facteurs de risque de MIN
Les 74 enfants décédés de MIN ont été comparés à 74 enfants témoins, appareillés sur
l’âge et le sexe, afin d’avoir une idée des facteurs de risque de MIN dans notre population.
Les témoins sont des enfants qui ont été vus dans un des centres de protection maternelle et
infantile du département. Deux tiers (50/74) des enfants décédés ont moins de 6 mois, 14
enfants sur 74 soit 19 % sont âgés de 6 à 12 mois et 10 enfants sur 74 soit 14 % sont âgés de
12 à 24 mois. Il s’agissait de garçons dans près de 2/3 des cas (67 %). Le pays de naissance des
parents était la France dans un peu plus de la moitié des cas, l’Afrique sub-saharienne dans
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1/4 des cas, le dernier quart se répartissant entre l’Afrique du Nord, l’Europe de l’Est, le
Portugal, l’Inde et le Pakistan. Si l’on regarde la commune de domicile des enfants décédés
de MIN et pris en charge à l’hôpital Jean Verdier, on remarque que la majorité des cas sont
domiciliée dans le Nord-est du département, autour de la Plaine Saint Denis. Il faut noter
que cette répartition est la même que celle de l’incidence de la mortalité infantile ainsi que
des morts précoces de l’adulte. Ceci est probablement en lien avec une précarité plus grande
de ces communes. Parmi les enfants décédés de MIN, 8 sont nés avant 37 SA, contre un seul
enfant dans la population témoin. Vingt six pour cent des enfants décédés de MIN étaient
hypotrophes à la naissance (poids de naissance inférieur au 10ème percentile), contre 8 %
dans la population témoin. Des antécédents de MIN dans la famille sont retrouvés dans 2
cas. Il s’agissait dans les deux cas d’un cousin germain. En ce qui concerne la position de
couchage, 42/74 (56 %) des enfants décédés de MIN étaient couchés habituellement sur
le ventre ou sur le côté contre 28 % dans la population témoin. 40 % des mères d’enfants
décédés de MIN (29/74) ont fumé pendant leur grossesse, contre 16 % dans la population
témoin.
DISCUSSION
Facteurs de risque évitable, prévention
Un grand nombre d’études épidémiologiques ont tenté de déterminer des facteurs de
risque de MIN. Le choix du groupe témoin est essentiel dans ce type d’études. Ainsi, certains
facteurs considérés comme des facteurs de risque de MSN sont en fait communs à l’ensemble des MIN. Un petit poids de naissance, une prématurité, des conditions de précarité, un
jeune âge maternel, la multiparité, un intervalle court entre deux grossesses sont des facteurs
de risque de MSN mais également des facteurs de risque de MIN de cause identifiée [2]. Il
s’agit de facteurs non modifiables conférant une vulnérabilité débutant dès la naissance. Les
nourrissons décédés de MIN pour lesquels une cause a été identifiée constituent le meilleur
groupe témoin pour l’étude de facteurs de risque propres à la MSN. Parmi les facteurs de
risque propres à la MSN, le plus important est la position de couchage sur le ventre (OR
13,1 (IC 95 : 8,51 à 20,2)). Il faut cependant insister sur le fait que le couchage sur le ventre
ne doit pas être considéré à lui seul comme la cause d’une MSN mais comme un facteur de
risque important. Le tabagisme maternel au cours de la grossesse est maintenant reconnu
comme un facteur de risque fort (OR 17,7 (IC 95 : 10,3 à 30,3)). Les conditions de couchage ont été largement étudiées. Le risque augmente en cas d’utilisation de duvet et couette,
d’emmaillotement de l’enfant, de port d’un bonnet de lit et en cas de température élevée
de la chambre à coucher. Le partage du lit avec les parents (bed-sharing) doit être considéré
comme un facteur de risque alors que le partage de la chambre (room-sharing) pendant les
6 premiers mois de vie serait protecteur. Une méta-analyse de 2007 (9 études cas témoins)
conclut à un effet protecteur de la vaccination pour la MSN [3]. Dans cette étude l’Odds
Ratio avec un intervalle de confiance à 95 % étaient de 0,54 (0,39-0,76). Le rôle protecteur
de l’allaitement maternel ou de l’utilisation de tétines reste discuté [4]. Parmi les facteurs
environnementaux, les principaux facteurs de risque sont la position de couchage sur le ventre et l’existence d’un tabagisme maternel [5]. Les conditions de couchage, la température
de la pièce agissent également comme des facteurs de risque identifiés. Les infections virales
ou bactériennes peuvent être causales ou de simples facteurs déclenchants. L’incidence relativement élevée de MIN dans le département de Seine Saint Denis est peut-être en partie
attribuable aux conditions socio-économiques difficiles de ce département. Ceci n’a pas pu
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être démontré dans notre étude, les données concernant le niveau de précarité des familles
étant trop incomplètes dans les dossiers. Une banalisation de la question de la MSN et un
relâchement dans les conseils de prévention nous sont apparus évidents et nous ont incité
à réaliser une enquête en population et auprès des professionnels de santé du département.
Les parents de 100 enfants âgés de moins d’un an et vus en PMI ont été interrogés de
même que 100 médecins généralistes du département, 100 sages-femmes réparties dans les 5
maternités du département ainsi que 100 auxiliaires de puériculture. L’analyse des résultats
de cette enquête est en cours mais elle confirme d’ores et déjà, une banalisation voire une
connaissance trop superficielle des facteurs de risque de MIN aussi bien par les parents que
les professionnels de santé. Ceci doit nous inciter à mieux informer les professionnels de
santé et peut être à envisager une nouvelle campagne de sensibilisation en particulier dans
les populations où l’incidence de la MSN reste non négligeable.
Prédisposition génétique à la MSN
Les principaux arguments qui incitent à évoquer une prédisposition génétique à la
MSN sont l’existence de formes syndromiques de transmission mendelienne, un sexe ratio
déséquilibré, l’existence de modèles animaux mono géniques [6] ainsi qu’une incidence
variable selon les ethnies. Les importantes variations d’incidence ethnique sont pour
certains un argument important. Ainsi, l’incidence de la MSN est 5 fois plus forte chez
les aborigènes d’Australie que chez les non aborigènes, elle est 3 fois plus forte chez les
Maori de Nouvelle-Zélande que chez les non Maori, 4 fois plus forte en Angeterre chez les
européens que chez les pakistanais et est globalement très faible en Asie [7]. Cependant,
ces différences d’incidences doivent prendre en compte les différences de modes de vie
notamment dans les soins de puériculture et doivent être ajustées sur les facteurs de risque
environnementaux. Les études génétiques concernant la recherche de gènes de susceptibilité
de la MSN sont délicates pour plusieurs raisons. La première difficulté est l’hétérogénéité
clinique des cas de MSN. Une étude génétique n’est envisageable qu’à partir de cas très bien
phénotypés avec une autopsie médicale normale (les « vraies » MSN ou SIDS). L’existence
de formes familiales bien qu’exceptionnelle de cas de MSN ainsi que la découverte ces
dernières années de nombreux gènes impliqués dans des maladies métaboliques ou des
syndromes polymalformatifs a poussé certains à émettre l’hypothèse de l’existence d’un
gène qui pourrait être impliqué dans un certain nombre de cas de MSN. L’identification de
mutations de la séquence codante du gène TSPYL dans une très grande famille de dysgénésie
testiculaire et MIN a renforcé cette hypothèse. Cependant aucune mutation de TSPYL n’a
été identifiée ensuite dans des formes sporadiques de MSN [8]. Les principaux gènes qui ont
été testés sont i) des gènes de la β oxydation des AG, ii) les gènes impliqués dans le syndrome
du QT long congénital (9), iii) des gènes de développement du système nerveux autonome,
iv) des gènes de la voie de la sérotonine, v) des gènes de prédisposition aux infections.
Les gènes impliqués dans le développement du système nerveux autonome sont
apparus comme de potentiels candidats du fait de leur rôle dans le contrôle central de la
ventilation [10]. La description de signes de dysautonomie (hypersudation, troubles de
régulation thermique, accès de pâleur, diminution de la variabilité du rythme cardiaque)
précédant le décès dans un certain nombre de cas de MSN a fait poser l’hypothèse d’un
dysfonctionnement du système nerveux autonome dans la physiopathologie de la MSN.
Par ailleurs, les enregistrements polysomnographiques antérieurs au décès de certains cas
de MSN ont mis en évidence une diminution de la réponse ventilatoire à l’hypercapnie
et une diminution de la variabilité du rythme cardiaque. Des lésions d’hypoxie chronique
(gliose du tronc cérébral, augmentation du VEGF, érythropoïèse hépatique) sont souvent
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L. DE PONTUAL, A.-M. TEYCHENE, J. GAUDELUS
rapportées à l’autopsie d’enfants décédés de MSN. Une hypoplasie du noyau arqué et des
récepteurs muscariniques du tronc cérébral a également été rapportée. Les gènes impliqués
dans le développement du système nerveux autonome ont donc été considérés comme des
candidats naturels. Cependant aucune mutation causale d’un gène de développement du
SNA n’a pour l’instant été rapportée chez un nourrisson décédé de MSN. Par ailleurs, il
faut souligner que l’exposition du fœtus à la nicotine peut être responsable d’anomalies
de développement du SNA de même que certains facteurs environnementaux post-nataux
tels que le VRS. La voie de la sérotonine a un rôle important dans la régulation thermique,
le contrôle du cycle veille/sommeil ainsi que le phénomène d’auto-ressuscitation qui est
la capacité à se réveiller et à développer une réaction appropriée en situation d’hypoxie.
Trois études anatomo-pathologiques différentes [11, 12] ont mis en évidence des anomalies
de la voie de la sérotonine principalement au niveau de la Medulla oblongrata, chez des
enfants décédés de MSN en comparaison à l’étude de troncs cérébraux d’enfants décédés.
Les principales anomalies observées sont une augmentation du nombre de neurones
sérotoninergiques contrastant avec une diminution du stade de maturation de ces neurones,
une diminution de l’expression des récepteurs 5HT1A et du transporteur de la sérotonine
5 HTT. De façon intéressante les souris invalidées à l’état homozygote pour le 5 HTT
meurent entre J20 et J40. Les polysomnographies mettent en évidence une anomalie de la
réponse ventilatoire à l’hypercapnie et des épisodes de bradycardie. Aucune mutation de la
séquence codante d’un des gènes impliqués dans la voie de la sérotonine n’a été identifiée.
Une origine infectieuse de la MSN a été évoquée depuis très longtemps sur plusieurs
arguments, les principaux étaient le contexte fébrile dans 20 % des cas, la saisonnalité de
la MSN avec une prédominance hivernale, l’âge de prédilection entre 2 et 4 mois, période
d’immaturité du système immunitaire. L’hypothèse d’un agent infectieux spécifique
pouvant être responsable d’un grand nombre de cas de MSN n’a jamais été démontrée.
Les rares cas d’infection suraiguë à pneumocoque, méningocoque ou staphylocoque aureus,
sortent du cadre de la MSN puisque l’agent infectieux est alors causal. En revanche, une
susceptibilité génétique à certains agents infectieux plus communs tels que le VRS est
tout à fait envisageable. Dans ce sens un certain nombre d’études ont montré une réponse
inflammatoire inappropriée en rapport avec une association significative de polymorphismes
de certains gènes en particulier le gène codant pour l’interleukine 6, l’interleukine 10, la
fraction C4 du complément dans certains cas de MSN [13].
Bien qu’une prédisposition génétique à la MSN soit probable, il faut rappeler que le
risque de récurrence de MSN est faible, estimé entre 2,7 et 5 [14]. A titre de comparaison
l’Odds ratio ajusté est de 2 à 3 pour l’asthme et autour de 15 pour le diabète insulinodépendant. L’estimation du risque de récurrence doit évidemment tenir compte de
l’évolution des facteurs de risque environnementaux. Même en prenant l’estimation haute
et un Odds ratio ajusté de 5, cela signifie que le risque de MSN est de 1/500. Les facteurs
environnementaux restent au premier plan dans la prévention de la MSN.
CONCLUSION
Les études génétiques réalisées jusqu’à présent dans le domaine de la MIN sont
décevantes, probablement en raison de l’hétérogénéité des causes de décès et de la complexité
des interactions gène/environnement. Bien que de nouveaux outils génétiques et statistiques
se développent, l’étude des facteurs de prédisposition génétique à la MSN reste du domaine
de la recherche. Envisager qu’un test génétique puisse permettre de dépister des nouveaunés à risque de MSN est illusoire dans l’état des connaissances actuelles. En revanche, il
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faut rappeler que les conseils de prévention ont permis de réduire de 75 % l’incidence de
la MSN en 15 ans. On estime qu’encore la moitié des cas de MSN pourrait être évitée par
une application plus stricte de ces conseils. La connaissance de ces conseils par la population
est étroitement dépendante de la motivation des professionnels de santé et des pédiatres en
particulier.
Remerciements : Nous tenons à remercier l’ensemble du personnel médical et para
médical de l’hôpital Jean Verdier très impliqués dans la prise en charge des MIN, l’équipe
« Empathie 93 » ainsi que l’association « Naître et Vivre ».
Loïc DE PONTUAL, Anne-Marie TEYCHENE, Joël GAUDELUS
Auteur correspondant : [email protected]
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LA PLACE DE L’IMPLANT COCHLÉAIRE
DANS LES SUITES DES MÉNINGITES
par
N. TEISSIER, I. DOEHRING, M. FRANÇOIS,
T. VAN DEN ABBEELE, M. LORROT
Les méningites bactériennes constituent la première étiologie de surdités neurosensorielles
acquises chez l’enfant. Cette surdité est la conséquence de phénomènes inflammatoires de
l’oreille interne qui peuvent évoluer vers la labyrinthite ossifiante. En effet, dans les suites
d’une méningite, 5 à 35 % des patients présenteront une surdité et parmi ceux-ci, 4 %
présenteront une surdité profonde bilatérale [1]. En France, l’incidence des méningites
bactériennes a diminué depuis la généralisation de la vaccination des nourrissons contre
l’Haemophilus influenzae de type b et contre le pneumocoque. Malgré ces progrès, 400
méningites bactériennes surviennent encore chaque année en France chez l’enfant, la moitié
est due au pneumocoque, un tiers est dû au méningocoque [2].
Depuis les années 1990, l’implant cochléaire permet la réhabilitation d’une surdité de
perception chez les patients atteints d’une surdité profonde, avec un seuil auditif en dessous
de 90dB, et chez lesquels les prothèses auditives ne permettent pas d’obtenir un gain suffisant et handicapent l’apprentissage du langage. En 2007, la surdité post-méningitique est
même devenue une indication à une implantation bilatérale.
La mise en place de l’implant cochléaire n’est possible que tant que le processus d’ossification de la cochlée n’a pas abouti à l’oblitération complète de la cochlée. Ce processus
survient le plus souvent rapidement en quelques jours ou en quelques semaines.
Le défit de la prise en charge de la surdité post-méningitique passe donc par le diagnostic
rapide et par l’appareillage approprié de la surdité. En cas de surdité sévère ou profonde la
détection de la modification de la perméabilité cochléaire est cruciale, en effet, si le processus
d’ossification de la cochlée est complété (si la cochlée est ossifiée et donc, non perméable,
l’implantation devient impossible compromettant alors la réhabilitation de l’audition de
manière définitive. La conférence de consensus de 2008 est donc l’occasion de refaire le
point sur la prise en charge des suites otologiques de cette pathologie.
SURDITÉ POST-MÉNINGITIQUE
Histopathogénie
On distingue, dans les suites d’une méningite, deux types de surdités : la surdité transi-
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toire réversible et la surdité de perception.
La surdité transitoire peut être la conséquence d’un épisode d’otite moyenne aiguë
concomitante à la méningite ou à un processus de labyrinthite suppurée associée à une rupture de la barrière hémato-méningée, régressant après la guérison de la méningite.
Le processus physiopathologique de la surdité de perception, n’est pas entièrement
élucidé. Anatomopathologiquement et radiologiquement, la méningite bactérienne peut
entraîner dans certains cas la survenue d’une labyrinthite ossifiante. Expérimentalement, il
a été constaté dans les suites de l’infection, une destruction progressive de l’organe de Corti
[3] ; cette atteinte est corrélée à la durée d’évolution de l’infection. On retrouve des infiltrats denses de cellules inflammatoires au sein de l’espace sous arachnoïdien. L’infection se
propage ainsi à partir de l’aqueduc de la cochlée entraînant un hydrops endolymphatique.
La réaction inflammatoire secondaire à l’atteinte bactérienne conduit ensuite à une transformation fibreuse puis osseuse des rampes liquidiennes cochléaires. Ceci peut entraîner
l’obstruction complète de la cochlée. L’efficacité de l’implant cochléaire est étroitement liée
à la précocité de l’intervention.
Les données expérimentales sur les modèles animaux ont permis d’estimer le délai d’apparition de la surdité entre 12 et 15 h après l’inoculation bactérienne ; la surdité se complète
dans les 24 h [4]. Les études cliniques ont démontré que la surdité apparaissait, en effet, dans
les premiers jours [5, 6]. De manière anecdotique, Cox a récemment rapporté le cas d’une
surdité ayant précédé de 24 h la symptomatologie de méningite à méningocoque B [7]. A
contrario, Jayarajan a décrit la survenue d’une surdité 17 ans après l’épisode de méningite.
L’ossification, quant à elle, survient habituellement dans un délai de 4 à 8 semaines [8],
parfois en moins de 3 semaines [9].
Incidence
Les méningites bactériennes constituent la première cause de surdité neurosensorielle
acquise de l’enfant (entre 60 et 90 %) [10]. Certes, l’incidence a diminué depuis la vaccination systématique contre Haemophilus influenza b et le pneumocoque. Dodge en 1984
avait établi à 10,3 % le taux de surdité neurosensorielle définitive chez 185 enfants ayant été
traités pour méningite [11].
Facteurs de risques de surdité à la suite d’une méningite
Sur une étude rétrospective sur 171 enfants, Kutz a analysé les facteurs de risque de
survenue de surdité dans les suites d’une méningite [1]. Il a démontré que le germe en cause
influe sur la survenue de surdité : la surdité survenait dans 36 % des méningites à pneumocoque et dans 24 % des méningites à méningocoque. L’hypoglycorachie initiale (p < 0,01),
l’atteinte concomitante de paires crâniennes (p < 0,01), la longue durée d’hospitalisation (p
< 0,01) et l’existence de convulsions sont des facteurs significatifs de risque d’évolution vers
une surdité. Dans cette étude, l’administration précoce d’antibiotiques avant l’admission
n’apparaît pas être un facteur de protection significatif, mais s’en approche (p = 0,07).
Rôle présumé protecteur des corticoïdes
Dans les années 90, l’administration de dexaméthasone a été proposée en prévention de
la surdité post-méningitique dans le cas de méningites à Haemophilus influenzae. Le mécanisme protecteur évoqué passerait par une réduction de l’inflammation dans les espaces
sous arachnoïdiens et de l’œdème vasogénique par l’intermédiaire d’une synthèse de tumor
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necrosis factor alpha (TNF-alpha) et interleukine 1. Sur les bases d’études menées chez
l’adulte, la conférence de consensus sur les méningites de 2008 [12] recommande l’injection
de dexaméthasone immédiatement avant ou de manière concomitante à la première injection d’antibiotique en cas de :
- diagnostic microbiologique initial chez l’adulte de méningite à pneumocoque (grade A)
ou méningocoque (grade B),
- diagnostic microbiologique initial chez l’enfant ou nourrisson de méningite à
pneumocoque ou à Haemophilus influenzae (grade A),
- diagnostic présumé de méningite bactérienne sans certitude microbiologique mais décision
de traitement antibiotique probabiliste chez l’adulte ou chez l’enfant de 3 à 12 mois.
La dose initiale recommandée chez l’adulte est de 10 mg et chez l’enfant de 0,15 mg/kg.
Cette dose est ensuite répétée toutes les 6 heures pendant 4 jours.
Cependant, une méta-analyse publiée cette année [13], reprenant les différentes études
internationales menées sur les bénéfices et inconvénients des corticoïdes, ne retrouve pas
d’effet ni positif ni négatif sur l’évolution de la méningite et sur la survenue de surdité. Elle
conclut à l’absence d’indication au traitement corticoïde.
PRINCIPES DE LA PRISE EN CHARGE DE LA SURDITÉ
Diagnostic de surdité
Dans les suites immédiates d’une méningite bactérienne, tout enfant doit bénéficier
idéalement d’un test auditif avant la sortie d’hospitalisation. Cette évaluation précoce
initiale est indispensable ; en effet, de nombreuses surdités apparaissent dans les premiers
jours de la méningite. Différents tests sont disponibles en fonction de l’âge et de l’état de
l’enfant [14].
- L’audiométrie est un examen subjectif pouvant tester l’audition oreilles séparées pour
les enfants de plus de 2 ans et ½.
- L’audiométrie comportementale est destinée aux enfants de moins de 2 ans ½, ou
plus grands ne coopérant pas ou présentant des troubles de l’attention. Elle peut être
effectuée en champ libre en se basant sur l’observation du comportement à des réponses
ouvertes à des signaux auditifs contrôlés. Cette technique est cependant moins précise
que l’audiométrie classique et teste l’audition de la meilleure oreille et peut ainsi sous
estimer une surdité unilatérale.
- Les oto-émissions acoustiques (OEA) permettent d’évaluer la réponse des cellules
ciliées externes à une stimulation donnée. Elles constituent un bon test de dépistage car
évaluent l’audition à 30dB sur les fréquences au-delà de 2000 Hz ; cependant, elles ne
peuvent constituer un test de certitude car l’otite moyenne aiguë parfois concomitante
de la méningite peut entraîner une absence de réponse sans pour autant que la perte
auditive soit d’origine neurosensorielle et définitive.
- Les potentiels évoqués auditifs (PEA) représentent un test objectif permettant
d’affirmer le seuil auditif. Ce test est l’examen de référence mais nécessite du temps et
un enfant endormi ; de plus, il n’évalue que le seuil des fréquences aiguës sous-estimant
parfois la surdité sur les fréquences graves en dessous de 1000 Hz. Récemment, une
nouvelle technique d’électrophysiologie a été mise au point permettant d’effectuer un
audiogramme objectif fréquence par fréquence : les potentiels évoqués stationnaires (en
anglais ASSR (auditory steady state response). Là encore, cette technique nécessite les
mêmes conditions que les PEA et reste pour l’instant peu diffusée.
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Surveillance
Les recommandations de la conférence de consensus de 2008 sont qu’un examen
audiométrique soit effectué avant la sortie de l’hôpital ou, au plus tard dans les 15 jours qui
suivent la fin du traitement de la méningite. Le suivi ORL doit être poursuivi après la sortie
de l’hôpital, à 1 mois, puis tous les 3 mois pendant 1 an. Ce calendrier permet de dépister la
survenue d’une surdité. Cependant, en cas d’inquiétude concernant l’audition du patient,
les examens doivent être renouvelés de manière plus rapprochée car la surdité peut survenir
à n’importe quel moment. La vigilance doit être particulièrement soutenue dans la première
année. Après un an, un suivi audiométrique une fois tous les 6 mois à un an peut être recommandé. Ce suivi sera d’autant plus attentif que l’enfant n’est pas en âge ou en état de décrire
sa baisse d’audition.
Indication de l’implantation cochléaire
Devant l’apparition d’une surdité post-méningitique diagnostiquée par audiométrie ou
potentiels évoqués auditifs, un bilan radiologique est pratiqué afin d’établir s’il existe un
phénomène de labyrinthite ossifiante dans la cochlée. Ce phénomène survient habituellement dans les 8 semaines qui suivent la méningite mais peut aussi survenir bien à distance de
l’épisode infectieux. La vigilance devant toute dégradation de l’audition est donc de mise.
L’IRM est l’examen radiologique de référence pour évaluer la perméabilité de la
cochlée [15] : la disparition du signal aqueux dans le labyrinthe membraneux des rampes
vestibulaires et tympaniques est le signe plus sensible ; la modification de la densité au
scanner est un signe trop tardif d’ossification cochléaire. Une modification du signal évoque un phénomène de fibrose précurseur à une ossification secondaire. L’IRM permet par
ailleurs d’évaluer le nerf cochléaire, le tronc cérébral et le parenchyme cérébral, dépistant
ainsi les éventuelles séquelles neurologiques post-méningitiques. Le scanner reste cependant
indispensable dans la recherche d’anomalies anatomiques dans le cadre du bilan pré-implantatoire.
En l’absence de modification du signal cochléaire, un appareillage est habituellement
proposé en première intention devant une surdité moyenne à profonde. La compensation
d’un déficit auditif même modéré est importante chez ces enfants pour limiter le retard
de langage et le retentissement scolaire [16]. Si l’on constate un faible gain prothétique,
un retard de langage ou une modification du signal à l’IRM, l’implantation cochléaire est
proposée.
Il s’agit actuellement d’une indication reconnue d’implantation bilatérale d’emblée,
compte tenu du risque d’évolution vers une labyrinthite ossifiante. Les critères actuels sont :
une surdité profonde pré ou post-linguale bilatérale, sans discrimination de la parole à 70 dB
malgré une prothèse adaptée.
L’ossification cochléaire bilatérale constitue une contre-indication à l’implantation
cochléaire ; certaines équipes proposent dans ce cas très particulier une implantation du
tronc cérébral mais cette technique reste encore peu évaluée chez l’enfant.
Technique chirurgicale et principes de fonctionnement de l’implant cochléaire
L’implant cochléaire est composé de 2 parties (Fig 1) : une partie contenant un circuit
intégré et les électrodes est implanté sous la peau lors d’une intervention chirurgicale ; la
seconde ressemble à un appareillage externe, contient le processeur de son et communique avec
la partie sous-cutanée par l’intermédiaire d’une boucle à induction couplée à un aimant.
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Le son est détecté par le microphone de l’appareillage externe ; le message est ensuite segmenté en informations numériques par le processeur. L’information est ensuite transmise
par voie transcutanée au circuit intégré qui délivre le message sous forme de stimulations
électriques aux nombreuses électrodes (18 à 24) placées à l’intérieur de la cochlée au contact
du nerf auditif.
Le codage de l’information sonore prend en considération la fréquence du son produit,
l’intensité ainsi que la durée de la stimulation. La stratégie de codage peut être modifiée lors
des réglages de l’implant par l’intermédiaire d’un logiciel externe.
Bénéfices attendus
Les études récentes sur les résultats des enfants implantés cochléaires ont démontré un
bénéfice certain sur le développement du langage [17].
Cependant, Garcia a récemment comparé les résultats des enfants implantés à la suite
d’une méningite à ceux des enfants implantés pour une autre raison [18] ; il ne retrouve pas
de différence en liste fermée, mais une différence significative en liste ouverte bisyllabique
(p < 0,003). Il conclut que la méningite pourrait avoir un effet sur l’intégration centrale de
l’information auditive et sur l’acquisition du langage.
ETUDE RÉTROSPECTIVE ÉVALUANT L’APPORT DE L’IMPLANT
COCHLÉAIRE CHEZ LES ENFANTS PRÉSENTANT UNE SURDITÉ
SECONDAIRE À UNE MÉNINGITE BACTÉRIENNE
Une étude rétrospective a été menée sur les enfants ayant bénéficié d’un implant
cochléaire dans le service d’ORL de l’hôpital Robert Debré à Paris entre août 1990 et mars
2009 pour une surdité survenant dans les suites d’une méningite bactérienne.
Résultats
Deux cent quatre vingt trois patients ont bénéficié de la pose d’un implant cochléaire
pendant cette période. Seize patients (5,6 %) ont été implantés pour une surdité survenant
au décours d’une méningite bactérienne.
Parmi ces 16 patients, 6 sont des garçons, 10 des filles. L’âge moyen de survenue de la
méningite était de 2,3 ans (3 mois à 4,6 ans). Les germes retrouvés ont été l’Haemophilus
influenzae (4 cas), le méningocoque (2 cas) et le pneumocoque (8 cas). Chez 2 patients,
le germe n’a pas été identifié. Aucune méningite liée à l’Haemophilus influenzae b n’a été
identifiée depuis la vaccination systématique des nourrissons en 1993.
Le délai moyen de survenue de la surdité après l’épisode de méningite est de 8,3 mois ; ce
délai varie entre 1 jour et 13 ans, avec une médiane de 1 mois ½. On constate que 13 enfants
de la série ont développé leur surdité profonde dans les 3 mois qui suivent la méningite ;
pour les 3 autres enfants, la surdité est survenue au-delà de 10 mois après.
L’implantation a eu lieu en moyenne 2 ans 3 mois après la méningite, ce délai variant
entre 1 mois et 13 ans 3 mois, avec une médiane de 7 mois. Cette différence entre la survenue
de la surdité et l’implantation cochléaire s’explique par la mise en place de l’appareillage et
l’évaluation de ses bénéfices. Entre-temps, le bilan pré-implantatoire est effectué.
Depuis 2007, date à laquelle la recommandation d’une implantation bilatérale a été
proposée, trois enfants ont été implantés bilatéralement.
Le suivi moyen de cette série est de 8,5 ans (6 mois-18 ans).
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Concernant les résultats de l’implantation cochléaire, l’échelle d’évaluation APCEI de
la performance de l’enfant avec l’implant cochléaire a été utilisée [19] : elle permet de noter
de 0 à 5 les critères d’Acceptation de l’implant, la Perception, la Compréhension, l’Expression orale et l’Intelligibilité (Tableau 1). Onze enfants ont présenté d’excellents résultats
avec une moyenne d’APCEI de 4,8 /4,5 /4,4 /4 ,4 /4. Cinq enfants cependant ont eu de
moins bons résultats avec une moyenne APCEI 3,8 /3,8 /2,4 /3,2 /3.
Discussion
Germes en cause
On constate, dans notre série, la forte prédominance des pneumocoques qui sont en
cause dans 50 % des cas. Le pneumocoque reste en effet le germe le plus fréquent des méningites du nourrisson et de l’enfant. Malgré les recommandations nationales de vaccination de
tous les nourrissons par le vaccin pneumococcique conjugué à 7 valences (Prévenar®) depuis
2006, la couverture vaccinale reste insuffisante en France. De plus, on observe, ces dernières
années, l’émergence de sérotypes de pneumocoques non compris dans ce vaccin et responsables de pathologies invasives dont les méningites. Un vaccin pneumococcique conjugué
« élargi » à 13 valences est attendu cette année, ce vaccin devrait permettre de contrer cette
évolution défavorable.
Par contre, on ne retrouve pas de surdités post-méningitiques liées à Haemophilus
influenzae b. En effet, depuis la vaccination systématique des nourrissons contre Haemophilus
influenzae b (Hib), recommandée en France en 1993, les méningites à Hib sont devenues
très rares et surviennent majoritairement chez des nourrissons ayant reçu une vaccination
incomplète.
Ces résultats encouragent vivement à vacciner les enfants contre les germes responsables
de méningites, l’Haemophilus influenzae b, le pneumocoque et le méningocoque.
Délai d’apparition de la surdité
Peu d’études mettent en avant le délai de survenue de la surdité dans les suites de la
méningite. La distribution temporelle des surdités après méningite (Figure 2). On constate
que trois quarts des surdités sont de survenue très précoce, dans les 3 mois qui suivent la
méningite. Ceci incite à une surveillance rapprochée. En parallèle, onze implantations ont
eu lieu dans la première année. Les implantations sont ensuite plus étalées dans le temps,
les enfants bénéficiant entre-temps d’appareillage. La dégradation de l’audition et/ou les
limites de l’appareillage motivent alors secondairement l’implantation cochléaire.
Bénéfices de l’implant
Dans deux tiers des cas, on obtient de bons voire de très bons résultats après une implantation cochléaire dans les suites d’une méningite. Les enfants, pour certains, suivent une
scolarité normale, avec un soutien orthophonique initial. Les enfants les plus âgés ont même
entamé des études supérieures. Les meilleurs performants utilisent le téléphone.
Les cinq enfants ayant eu de moins bonnes performances ont tout de même un bénéfice
certain de l’implant cochléaire. Ils l’utilisent, perçoivent des sons, et produisent des sons et
des phrases qui ne sont cependant comprises que par l’entourage. Ces moins bons résultats
sont d’origine multifactorielle : ils peuvent être liés à un problème technique de l’implant
(cochlée ossifiée avec insertion incomplète des électrodes, panne du processeur interne), aux
séquelles neurologiques associées, à l’implantation tardive sans stimulation auditive entretemps et à des problèmes sociaux. Ceci souligne à nouveau l’importance du dépistage de la
surdité et de l’appareillage précoce. L’absence de stimulation auditive de manière prolongée
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chez un enfant limite les bénéfices de l’implantation cochléaire [20]. De même, les séquelles
neurologiques associées compromettent le résultat optimal de l’implant ; cependant, celui-ci
reste tout de même extrêmement bénéfique dans l’absolu pour le développement de l’enfant
et son interaction avec le monde extérieur.
CONCLUSION
Dans les suites d’une méningite, la survenue d’une surdité doit être recherchée de
manière systématique et répétée. La surveillance audiométrique doit être extrêmement vigilante en particulier dans les 3 premiers mois qui suivent la méningite. Dans ces surdités postméningitiques, l’implantation cochléaire peut être une véritable urgence thérapeutique car
elle n’est réalisable qu’avant le stade d’ossification de la cochlée, qui peut survenir rapidement. Ainsi, devant l’apparition d’une surdité ou une aggravation de celle-ci, le bilan doit
en plus comporter une IRM de la cochlée évaluant la faisabilité de l’implantation cochléaire.
Le diagnostic trop tardif de la surdité ou le retard de la prise en charge de la surdité par une
équipe ORL spécialisée dans les surdités de l’enfant peut compromettre définitivement les
possibilités thérapeutiques.
Les bénéfices de l’implant cochléaire sont indéniables dans cette indication avec une
majorité de très bons résultats à long terme qui doivent encourager les patients, leurs familles
et leurs médecins.
Teissier Natacha, Doehring Isabelle, François Martine, Van Den Abbeele Thierry, Lorrot Mathie
Services d’ORL et de pédiatrie de l’Hôpital Robert Debré - 48 Bd Sérurier 75019 Paris
Auteur correspondant : [email protected]
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Figure 1: Schéma de mise en place de l’implant cochléaire et de la partie externe (avec l’accord de Bionics France)
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Figure2 : Délai de survenue de la surdité après l’épisode de méningite bactérienne chez 12 enfants ayant bénéficié d’un implant
cochléaire dans les suites d’une méningite bactérienne (Hôpital Robert Debré, Paris)
TABLEAU 1 : PROFIL APCEI D’ÉVALUATION DES BÉNÉFICES DE L’IMPLANT COCHLÉAIRE
Profil
APCEI
0
Acceptation
port de l’appareil Refus
Perception
attention, seuil,
discrimination
des sons
1
2
3
4
5
Opposé,
port sous
contrainte,
quelques
heures
port non
contraint,
intermittent,
pas toute la
journée
port accepté
passif, peut
s’en passer
port demandé
mais piles ?
début actif
besoin, le
réclame, le
porte toute la
journée
a > 80 dB
a = 80 – 60dB a = 60 – 40 dB a = 40 – 20 dB
vibratoire réagit à des
voix normale voix faible
la voix forte
cophose bruits si forts quelques bruits nombreux
nombreux bruits
bruits
comprend
des phrases
simples,
comprend
> 80 % des
listes fermées
identifie
des phrases,
comprend
> 80 % des
listes ouvertes
téléphone avec
ses proches
comprend
avec facilité
le sens du
langage, utilise
le téléphone
aisément
Association
de plusieurs
mots, phrases
simples,
mauvaise
syntaxe
bonne syntaxe,
oralise, manque
de spontanéité
et de fluidité
oralise avec
facilité, et
fluidité ;
conversations
Compréhension
discrimination aucune
des mots, sens du
message, lexique
a une
conscience
auditive
repère la
parole/ bruits,
identifie
quelques bruits
familiers,
connaît son
prénom
Expression orale
utilisation de la mutique
voix, syntaxe
produit des
sons dénués
de sens,
sans
intention de
communiquer
mots ou mots
phrases, utilise
régulièrement
la voix
intention de
communiquer
Intelligibilité
articulation
non
intelligible
compris par
quelques mots les parents ou compris
les non
intelligibles
professionnels par
professionnels
(à décoder)
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mutique
a = 40 – 20 dB
perçoit > 80 %
logatomes ou
mots proches
articulation
et fluidité
excellentes
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HYPERTENSION INTRACRÂNIENNE DANS LES MÉNINGITES
BACTÉRIENNES DE L’ENFANT
par
E. JAVOUHEY, F. COUR-ANDLAUER, D. FLORET
INTRODUCTION
Les méningites bactériennes de l’enfant sont associées à un taux de mortalité proche de
10 % et sont responsables de séquelles neurologiques et sensorielles (surdité essentiellement)
pouvant persister à très long terme [1]. Le taux de séquelles neurosensorielles et cognitives
peut atteindre 50 % des survivants dans le cas des méningites à pneumocoque [2]. Les deux
complications les plus graves pouvant survenir à la phase aiguë d’une méningite sont le
choc septique et l’hypertension intracrânienne (HTIC). La physiopathologie de l’HTIC
dans les méningites est de mieux en mieux documentée et nous proposons une synthèse des
connaissances sur le sujet. L’impact clinique de cette HTIC est majeur puisqu’elle est la
cause de décès par engagement cérébral et d’ischémie cérébrale diffuse. Le taux de décès par
engagement a été estimé égal à 5 % mais un engagement cérébral a été retrouvé à l’autopsie
dans 30 % des cas [3]. Chez les patients atteints de méningites bactériennes avec un score
de Glasgow de coma (GCS) inférieur à 9, le taux de mauvais devenir (décès ou séquelles)
atteignait 82 % [4]. La détection clinique ou radiologique de l’HTIC est souvent prise à
défaut. Le seul moyen d’établir avec certitude la présence d’une HTIC est de mettre en
place un monitorage de la pression intracrânienne (PIC). La récente conférence de consensus sur la prise en charge des méningites bactériennes n’a pas émis de recommandations sur
le monitorage de la PIC car les données actuelles cliniques ne permettent pas de dire avec
un niveau de preuve suffisant que le monitorage améliore le pronostic des patients [5]. Nous
argumentons l’intérêt du monitorage de la PIC et proposons des pistes thérapeutiques.
PHYSIOPATHOLOGIE DE L’HTIC DANS LES MÉNINGITES BACTÉRIENNES
(FIGURE 1)
L’invasion de l’organisme par les bactéries responsables de méningite conduit à une
prolifération bactérienne et à l’accumulation de produits bactériens toxiques au sein des
espaces méningés tels que les lipopolysaccharides, acide lipotéichoique, Heat-inactivated
pneumococcal, pneumolysines, peptidoglycanes… Il en résulte un afflux de leucocytes et
une réaction inflammatoire majeure avec production de cytokines pro-inflammatoires, telles
qu’IL-1 et TNFα [6]. Ces composés bactériens exercent une toxicité directe sur les cellules
gliales principalement, mais aussi sur les neurones eux-mêmes. Les produits bactériens acti-
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E. JAVOUHEY, F. COUR-ANDLAUER, D. FLORET
vent en effet les récepteurs Toll-like ce qui conduit à la translocation du facteur nucléaire κB
(NF-κB), à l’activation de différentes kinases stimulant la production de cytokines [6]. Les
antibiotiques agissant par lyse rapide des bactéries peuvent aggraver ces phénomènes et c’est
la raison pour laquelle des études ont testé l’impact d’antibiotiques inhibant la synthèse
protéique, comme la rifampicine par exemple. Des études réalisées chez l’animal ont ainsi
montré qu’un traitement par rifampicine réduisait la mortalité et les lésions neuronales comparé à un traitement par ceftriaxone [7]. Les zones du cerveau particulièrement exposées aux
lésions induites (apoptose essentiellement) par les méningites bactériennes sont le cortex mais
aussi la région hippocampique et le gyrus dentatus, structures essentielles pour la mémoire et
les apprentissages. L’apoptose de l’hippocampe, caractéristique des méningites bactériennes,
est augmentée après un traitement par dexamethasone ou par un traitement anti-oxydant,
alors qu’elle est diminuée par un inhibiteur de la convertase IL-1 par exemple [8].
L’augmentation de la PIC dans les méningites résulte de plusieurs mécanismes (figure 1) :
1. Le développement d’un œdème cérébral cytotoxique est un des principaux mécanismes.
L’activation des aquaporines de type 4 de l’astroglie est responsable de cet œdème, en
augmentant la perméabilité à l’eau de la barrière hémato-encéphalique sans altération
des jonctions serrées [9]. Le gradient ionique transmembranaire nécessaire au bon fonctionnement de la pompe est altéré par la sécrétion de TNFα, d’IL1β, de radicaux libres
et d’acides aminés excitateurs. L’accumulation d’eau dans l’espace intracellulaire crée
un œdème cytotoxique, lui-même aggravé par des lésions ischémiques secondaires aux
lésions de vascularite médiées par l’endothéline.
2. Un œdème vasogénique participe également au développement de l’œdème cérébral.
Il résulte de la perte de perméabilité de la barrière hémato-encéphalique par lésion des
jonctions serrées sous l’effet des Matrix Métalloprotéinases [6].
3. Le troisième facteur est l’altération de la circulation du LCR. Les plexus choroïdes sont
responsables de plus de 60 % de la sécrétion de LCR. Les aquaporines 1 (AQP1), localisées à la membrane apicale des plexus choroïdes régulent le gradient osmotique au sein
de l’épithélium choroïdien. Dans un modèle de souris nulles pour AQP1, la production
de LCR était diminuée de 25 % et la PIC de 50 % [10]. L’autre mécanisme supposé par
lequel les souris AQP1- diminuaient la PIC était la diminution de la pression veineuse
cérébrale induite par un trouble de concentration des urines. Dans les méningites bactériennes, l’augmentation de la production de LCR liée à l’activation des aquaporines
s’associe à une diminution des capacités de résorption par l’inflammation des espaces
sous-arachnoïdiens, lieux habituels de la résorption du LCR. De plus, l’invasion leucocytaire des espaces sous-arachnoïdiens augmente les résistances à l’écoulement du LCR
[11]. Cette augmentation de résistance à l’écoulement du LCR peut persister plusieurs
jours même après stérilisation du LCR. Il s’agit probablement du mécanisme principal
du trouble de circulation du LCR. Les résultats des études expérimentales sur l’augmentation de la production du LCR restent contradictoires [11]. Une nécrose des plexus
choroïdes a été mise en évidence dans les méningites bactériennes à Haemophilus suggérant que leur fonctionnement peut être altéré au cours des méningites [12]. Ce trouble
de la circulation du LCR peut expliquer pourquoi la taille des ventricules est souvent
préservée voire augmentée au scanner cérébral alors que la PIC est élevée.
Les études animales montrent toutes une augmentation de la PIC dans les 48 premières
heures d’une méningite bactérienne [6]. L’augmentation de la PIC, surtout quand elle s’associe à un choc septique avec diminution de la pression artérielle moyenne (PAM), diminue
la pression de perfusion cérébrale (PPC) et induit une ischémie cérébrale par diminution du
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HYPERTENSION INTRACRÂNIENNE DANS LES MÉNINGITES BACTÉRIENNES DE L’ENFANT
205
débit sanguin cérébral (PPC= PAM-PIC). De plus, la perte de l’autorégulation cérébrale
à la phase aiguë des méningites bactériennes rend le débit sanguin cérébral directement
dépendant de la PAM (13).
LES ÉTUDES CLINIQUES
En 1988, notre équipe a rapporté une série de 27 enfants présentant un coma au cours
d’une infection du système nerveux central et qui avaient eu un monitorage de la PIC.
Parmi les 14 enfants qui avaient une méningite bactérienne, 12 avaient eu un épisode de PIC
supérieur à 20 mmHg [14]. Dans ce travail, il était trouvé une association entre le niveau
d’HTIC et le pronostic. En 1989, Minns et al avaient mesuré la pression dans le LCR au
cours de la réalisation d’une ponction lombaire (PL) chez 35 enfants avec diagnostic de
méningite bactérienne [15]. Des valeurs supérieures aux valeurs normales de référence
(valeurs issues d’une analyse de la littérature) avaient été trouvées dans 33 cas sur 35. En
utilisant les seuils communément admis d’HTIC pour l’enfant et le nourrisson (respectivement 20 et 15 mmHg), le nombre d’enfants en HTIC était proche de 50 % (17/35). La
médiane des pressions dans le LCR était de 15 mmHg [15]. Dans l’étude de Shetty et al,
parmi 20 enfants avec infection du SNC et pour qui un monitorage de la PIC avait été mis
en place, 6 souffraient d’une méningite bactérienne [16]. Cinq d’entre eux avait une HTIC
et un enfant est décédé d’HTIC réfractaire. Le pourcentage d’enfants avec infection du
SNC qui avaient une PPC > 50 mmHg était significativement plus élevé chez les survivants
que chez les enfants décédés (79 % versus 54 %, p = 0,019). Récemment, deux études suédoises ont rapporté l’expérience du traitement de l’HTIC dans les méningites bactériennes
selon le concept de Lund [17, 18]. Dans ces deux séries de 12 et 15 patients (dont 7 et 3
enfants respectivement) avec monitorage de la PIC, une HTIC était trouvée dans 26 cas
sur 27. La mortalité était de 7/27. Le scanner cérébral ne montrait pas de signes d’œdème
cérébral ni d’engagement dans 9 cas sur 17 alors que la PIC était supérieure à 20 mmHg.
Dans ces deux études, le niveau de PIC et surtout l’absence de diminution de la PIC sous
traitement étaient associés à la mortalité. Le concept de Lund est basé sur un traitement
antihypertenseur par bétabloquant et alpha2 agoniste (Clonidine), un traitement par thiopenthal pour diminuer le métabolisme cérébral et le maintien d’une volémie et d’une osmolarité plasmatique par la perfusion d’albumine pour maintenir une albuminémie supérieure
à 40 g/l et le maintien d’une hémoglobine supérieure à 125 g/l. Ils utilisent également dans
leur algorithme de traitement de l’HTIC de la dihydroergotamine. A ce jour ce concept
n’a pas fait la preuve de sa pertinence. Cependant, le faible taux de mortalité observé chez
les patients avec traumatisme crânien grave traités selon ce protocole soulève des questions
intéressantes sur le plan physiopathologique.
Même si l’HTIC est fréquente dans les méningites bactériennes, voire quasi constante en
cas de coma, très peu de centres utilisent le monitorage de la PIC pour guider le traitement.
A partir d’une base de données nationale aux États-Unis en 1997 et en 2000, les facteurs
associés au monitorage de la PIC et le devenir des patients hospitalisés pour méningites et
qui avaient été ventilés, ont été étudiés [19]. Le taux global de monitorage de la PIC n’était
que de 7 % (157 enfants). La mortalité hospitalière était de 19 % avec une surmortalité chez
les patients avec méningite à pneumocoque de 34,8 % (Intervalle de confiance 95 % : 29,2 40,5 %). Alors qu’ils représentaient près de 80 % des cas recensés, les nourrissons de moins
de 1 an étaient moins souvent monitorés que les enfants plus âgés. Afin de neutraliser le biais
de sélection lié à l’utilisation du monitorage, un sous-échantillon de patients comparables
entre les deux groupes a été élaboré, par appariement sur les scores de propension. En analyse
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E. JAVOUHEY, F. COUR-ANDLAUER, D. FLORET
multivariée utilisant les scores de propension, le monitorage de la PIC n’était pas associé à
une meilleure survie. Cependant, cette analyse ne prenait pas en compte dans le modèle la
gravité clinique des patients (score de Glasgow, scores de gravité de réanimation, troubles
neurologiques, convulsions…). Il n’existe à ce jour aucune étude randomisée permettant
d’affirmer que le monitorage de la PIC améliore le pronostic des malades. Une telle étude
est peu réaliste. Dans les traumatismes crâniens graves, de très nombreux arguments plaident
pour le monitorage de la PIC ce qui a abouti à la recommandation de son usage que ce soit
au niveau international qu’au niveau national. Pourtant, le niveau de preuve de son intérêt
pronostique est faible. La principale raison invoquée pour la non-utilisation du monitorage de la PIC est un niveau de preuve suffisant. Mais il existe aussi de nombreuses autres
explications : caractère invasif de la technique, difficultés techniques de mise en place d’un
capteur parenchymateux chez un nourrisson dont l’épaisseur de la voûte crânienne est fine,
dépendance pour le geste de la disponibilité d’un neurochirurgien ne connaissant pas très
bien l’intérêt du monitorage dans cette indication, insuffisance de formation des équipes à la
surveillance de la PIC et de la PPC. La conséquence est que de nombreux enfants souffrant
de méningites n’ont aucune surveillance de leur PPC, et que de nombreuses thérapeutiques
anti-HTIC sont utilisées sans aucune évaluation de leur efficacité alors que certaines d’entre
elles peuvent être délétères (hypovolémie, troubles ioniques, hypotension artérielle…).
QUI FAUT-IL MONITORER ?
Comme le montrent les études précédemment citées, la plupart des enfants qui étaient
monitorés présentait un coma ou un état de mal épileptique. En considérant l’ensemble
des patients de ces études, 93 % de ceux qui étaient comateux avaient les critères d’HTIC.
Il est probable qu’une partie non négligeable des enfants non comateux mais avec altération du niveau de conscience ait une PIC élevée. Dans une étude rétrospective de nos cas
monitorés nous avions trouvé le même pourcentage d’enfants avec HTIC prouvée (étude
soumise à publication). L’identification de facteurs de risque d’HTIC serait intéressante
car cela pourrait permettre de mieux connaître la population relevant d’une indication de
monitorage et de surveillance rapprochée. Nous savons que les signes cliniques d’HTIC
sont difficilement identifiés chez le nourrisson. L’évaluation du coma est particulièrement
délicate à cet âge, la tension manuelle de la fontanelle n’est pas un critère très fiable d’HTIC
mais est souvent utilisée comme critère décisionnel. Les signes cliniques devant faire évoquer
une HTIC sont résumés dans le tableau 1.
La présence de signes cliniques d’HTIC et/ou d’engagement cérébral doit faire différer
la réalisation de la ponction lombaire (PL) qui pourrait précipiter l’évolution vers un engagement cérébral. Cette question est largement débattue dans la littérature. Même s’il existe
parfois une relation temporelle entre la PL et l’engagement cérébral et même si sur le plan
conceptuel il est cohérent de penser que la soustraction de LCR, faisant baisser la pression
dans l’espace sous-arachnoïdien au niveau spinal, favorise l’engagement cérébral, la relation
directe causale n’est pas démontrée [20]. Les conditions de réalisation de la PL sont à souligner. Il faut au préalable s’assurer par un scanner cérébral qu’il n’existe pas déjà un engagement, que les citernes de la base sont bien visibles et éliminer la présence d’un effet de masse
lié à un abcès ou un empyème ou un hématome sous-dural. Selon l’état de conscience et les
signes neurologiques, il est parfois nécessaire d’intuber et de sédater l’enfant puis d’administrer un traitement osmotique anti-œdémateux. Au préalable, l’état hémodynamique aura été
stabilisé. Le monitorage de la PIC permet alors de savoir si la PL peut être réalisée sans délai
ou s’il faut d’abord diminuer la PIC. Dans tous les cas, la PL doit être réalisée en position
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couchée, en retirant la quantité minimale de LCR nécessaire au diagnostic. Nous proposons
l’algorithme de prise en charge suivant pour les formes graves de méningites. (Figure 2). Il a
été largement démontré qu’un scanner normal ne signifie pas que la PIC est normale. Dans
la plupart des études rapportant des expériences de monitorage de la PIC, le taux de scanners normaux alors que la PIC était supérieure à 20 mmHg est proche de 50 %. L’œdème
papillaire au fond d’œil est rarement présent en phase aiguë. Aucune étude sur le doppler
ou la mesure du diamètre de la gaine du nerf optique, méthodes non invasives de détection
de l’HTIC dans les traumatismes crâniens, n’a à ce jour été réalisée dans les méningites. Le
Doppler transcrânien en évaluant les vitesses systolique, diastolique et moyenne dans l’artère cérébrale moyenne permet d’apprécier la vascularisation cérébrale mais ne donne pas de
chiffre de PIC. Il s’agit d’un examen complémentaire de la mesure de la PIC reconnu dans
le traumatisme crânien mais qui ne remplace pas le monitorage continu.
La preuve de l’existence d’une HTIC ne peut donc être apportée que par le monitorage
de la PIC. Les deux techniques de référence sont le capteur intraventriculaire et le capteur
intra-parenchymateux. Le capteur intraventriculaire doit être mis en place par un neurochirurgien, permet de soustraire du LCR (ce qui semble fondamental dans les méningites bactériennes) mais expose à plus de complications infectieuses et hémorragiques que le capteur
parenchymateux. Ce dernier peut être mis en place aisément et sans délai par un réanimateur
après un apprentissage de courte durée.
TRAITEMENT DE L’HTIC DANS LES MÉNINGITES BACTÉRIENNES
Très peu d’études cliniques ont étudié l’effet des différentes thérapies visant à diminuer
une HTC dans les méningites bactériennes. La plupart des auteurs ayant rapporté leur
expérience sur l’HTIC des MB utilisent les mêmes thérapeutiques que celles utilisées dans
le traitement de l’HTIC post-traumatisme crânien :
- positionnement de la tête en position axiale surélevée de 30 °C
- sédation-analgésie optimale
- une ambiance calme et non stressante.
La fièvre doit être évitée et la PaCO2 doit être maintenue entre 4 et 5,5 kPa. Le traitement des crises convulsives doit être effectué sans délai. Un traitement prophylactique par
phénytoïne ou phenobarbital des crises convulsives lors de la phase aiguë est souvent pratiqué. La PAM doit être suffisante pour permettre de maintenir une PPC > 40 mmHg chez
le nourrisson, > 50 mmHg chez le jeune enfant de 1 à 6 ans, > 60 mmHg chez l’enfant de
7 à 10 ans et > 65 mmHg chez l’adolescent. Pour atteindre cet objectif, la prescription de
vasopresseurs (noradrénaline, dopamine) est parfois nécessaire. Les anti-œdémateux osmotiques ont souvent été utilisés. Le glycérol, alcool trivalent hyperosmolaire a été le produit
le plus étudié. L’étude randomisée de Peltola réalisée en Amérique du Sud chez 654 enfants
âgés de deux mois à 18 ans avec méningites bactériennes traités par ceftriaxone comparait
un groupe traité par dexamethasone (0,15 mg/kg par six heures pendant 48 h), un groupe
traité par glycérol oral (1,5 g/kg par huit heures), un groupe traité par les deux produits et
un groupe contrôle avec placebo [21]. La mortalité et le taux de surdité étaient comparables
dans les quatre groupes mais le taux de séquelles neurologiques graves était diminué dans le
groupe glycérol comparé au groupe placebo et à un niveau moindre dans le groupe traité par
les deux produits. Une étude réalisée sur des rats enfants et adultes traités pour une méningite à pneumocoque n’a pas montré d’effet positif du glycérol [22]. Le mannitol et le sérum
salé hypertonique sont les deux autres possibilités largement utilisées et qui ont montré un
intérêt dans des études expérimentales animales [23, 24].
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La soustraction de LCR aurait un intérêt tout particulier car, comme nous l’avons
précédemment souligné, la circulation du LCR est perturbée au cours des méningites. Elle
peut se faire soit par dérivation ventriculaire soit par dérivation lombaire [25]. La première
méthode est peu risquée, requiert la présence d’un neurochirurgien mais peut se compliquer
d’infection et d’hémorragies. La seconde est plus simple et peut être mise en place par le
réanimateur à partir du moment que les citernes de la base du cerveau sont perméables et
bien visibles au scanner. Nous avons montré que la dérivation lombaire pouvait normaliser
très rapidement une HTIC réfractaire à toutes les thérapeutiques habituelles anti-HTIC.
Nous avions montré que la quantité de LCR à drainer nécessaire au bon contrôle de l’HTIC
était largement supérieure à la quantité habituelle de LCR produite par 24 h suggérant une
augmentation de la production de LCR ou un trouble de la résorption.
Certains auteurs ont rapporté l’utilisation de l’hypothermie ou de la craniectomie
décompressive comme autres moyens thérapeutiques [26, 27]. Des arguments expérimentaux suggèrent que la dexaméthasone peut diminuer le niveau de PIC mais ont également
montré qu’il était susceptible d’aggraver l’apoptose hippocampique [8]. L’impact de ces
thérapeutiques sur l’HTIC et sur le pronostic neurologique serait important à comparer.
CONCLUSION
L’hypertension intracrânienne est une complication fréquente des méningites bactériennes responsable de décès par engagement cérébral et de séquelles neurologiques graves
par ischémie cérébrale. Cette HTIC survient le plus souvent dans les 48 premières heures.
Les principaux mécanismes physiopathologiques sont l’œdème cérébral, surtout cytotoxique, et les troubles de circulation du LCR. La détection clinique de l’HTIC est particulièrement délicate chez le nourrisson et un scanner cérébral normal ne permet d’éliminer
l’HTIC. Seul le monitorage de la PIC permet d’affirmer et de mesurer l’HTIC. Il permet
de détecter au plus tôt les poussées d’HTIC et de juger de l’efficacité des thérapeutiques
entreprises tout en permettant de mesurer la pression de perfusion cérébrale, marqueur
pronostique reconnu. Comme aucune étude randomisée n’a été effectuée comparant
une prise en charge basée sur le monitorage continu de la PIC par rapport à une prise en
charge standard, le monitorage continu de la PIC ne fait l’objet d’aucune recommandation
actuelle. Cependant, l’ensemble des avantages apportés par le monitorage et les implications
thérapeutiques qui en découlent plaide pour le développement de son utilisation, en particulier pour les enfants présentant des troubles de conscience, des signes neurologiques focaux
ou des états de mal convulsifs. Des études cliniques prospectives permettraient de mieux
comprendre l’impact du traitement de l’HTIC sur le pronostic vital et neurologique des
enfants souffrant de méningites bactériennes.
Etienne Javouhey, Fleur Cour-Andlauer, Daniel Floret
Service de réanimation pédiatrique - Hôpital femme Mère Enfant - Groupement Hospitalier Est - Hospices civils
de Lyon - 59 Boulevard Pinel - 69677 Bron Cedex
Auteur Correspondant :
Etienne Javouhey - [email protected]
Mots clés : Méningites bactériennes, hypertension intracrânienne, œdème cérébral, trouble de la circulation de
liquide céphalorachidien, monitorage de la pression intra-crânienne
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TABLEAU 1 : SIGNES CLINIQUES EN FAVEUR D’UNE HTIC CHEZ L’ENFANT ET LE NOURRISSON
Nourrisson
- Trouble de conscience (GCS < 11)
- Changement de comportement : irritabilité,
alternance irritabilité/somnolence
- Fontanelle tendue et peu dépressible
- Regard en coucher de soleil, paralysie d’un nerf
moteur oculaire externe
- Vomissements
Enfant
- Trouble de conscience (GCS < 11)
- Céphalées violentes avec phono et photophobie
- Paralysie d’un nerf moteur oculaire externe, diplopie
- Vomissements
Pour tous les enfants, l’apparition des signes suivants doit faire craindre l’évolution
vers un engagement cérébral :
- Irrégularité du rythme respiratoire, apnée, dyspnée de Cheynes-stoke
- Hypertension artérielle
- Bradycardie, variabilité importante du rythme cardiaque
- Troubles de la posture : hypertonie en flexion ou décérébration, opisthotonos
- Mydriase ou au moins une pupille aréactive
Figure 1 : Physiopathologie de l’hypertension intracrânienne dans les méningites bactériennes.
HTIC : hypertension intracrânienne ; IL : interleukine ; LCR : liquide céphalo-rachidien ; LPS : lipopolysaccharides ;
MMP : matrix metalloprotease ; NO : monoxide d’azote ; TLR : Toll like receptor ; TNF : tumor necrosis factor
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Figure 2 : Algorithme de prise en charge d’une forme grave de méningite bactérienne
HTIC : hypertension intracrânienne ; PIC : pression intracrânienne, PL : ponction lombaire
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DES RECOMMANDATIONS VACCINALES
À L’EFFICACITÉ SUR LE TERRAIN
par
R. COHEN
La vaccination va mal en France, même si certaines valences vaccinales bénéficient encore d’une couverture élevée, il s’agit de valences encore « obligatoires » (diphtérie, tétanos,
polio) ou celles qui sont contenues dans des vaccins combinés aux premières (coqueluche,
Haemophilus influenzae sérotype b). En effet, depuis « l’affaire » de l’hépatite B la vaccination en France est en difficulté, toutes les nouvelles vaccinations ont été des échecs plus
ou moins importants : les 2 doses de ROR, la vaccination contre le pneumocoque, la vaccination HPV, la vaccination contre le méningocoque [1, 2]. La calamiteuse campagne de
vaccination contre H1N1v n’est venue que confirmer et amplifier une tendance fâcheuse.
Peu de médecines sont autant «fondées sur les preuves» (et en particulier sur l’épidémiologie) que la vaccinologie. La très grande majorité des vaccins apporte une protection
individuelle directe et une protection collective indirecte (effet troupeau) qui apparaît nettement dès qu’un seuil de couverture vaccinal est atteint. Le taux de couverture nécessaire
dépend du coefficient de reproduction de la maladie infectieuse considérée (Ro). Plus une
maladie est contagieuse plus le Ro est élevé, plus le taux de couverture doit être important
pour contrôler la maladie. La protection collective liée à des taux de couverture vaccinale
élevés bénéficie non seulement aux sujets qui n’ont pas été vaccinés, mais aussi à ceux bien
vaccinés car aucun vaccin n’est efficace à 100 %. Obtenir des taux de couverture vaccinaux
inférieurs à ceux qui permettent d’obtenir un effet de groupe peut avoir des conséquences
délétères. Le but de cet article est d’essayer à l’aide de quelques exemples de comprendre les
raisons de ces échecs et de montrer que le retard dans les décisions ou dans leur application
a eu des conséquences en termes de santé publique.
L’IMPLÉMENTATION DU VACCIN PNEUMOCOCCIQUE CONJUGUÉ
L’écologie du pneumocoque est complexe et est loin d’avoir révélé toutes ses facettes
[3]. Alors qu’aux Etats-Unis, au Canada, en Europe du nord, dès les premiers mois après
l’implémentation de Prevenar® (qui a d’emblée été bonne), une chute rapide de l’incidence
des infections invasives à pneumocoque a été observée, cela n’a pas été le cas en France [4,
5, 6]. Malgré une couverture vaccinale maintenant (après cinq ans) relativement bonne
(plus de 80 % des enfants de moins de deux ans sont vaccinés), l’incidence des pathologies
invasives à pneumocoque n’a été réduite que de façon très modeste [5]. Cette réduction
modeste s’est accompagnée d’un remplacement sérotypique majeur. En effet, la majorité
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R. COHEN
des infections sont liées maintenant à des sérotypes non vaccinaux, sans réduction franche
de l’incidence des infections pneumococciques [5]. Nous observons les inconvénients sans
avoir eu pleinement les bénéfices…
Sommes-nous le seul pays à observer ce type de phénomène ? Non, l’Espagne et le
Portugal ont le même type d’épidémiologie [3]. Pourquoi ces différences ? Probablement
en partie (ce n’est sûrement pas la seule raison) parce que l’introduction du vaccin a été
lente, laborieuse, du fait de recommandations alambiquées alors même que la communauté
nationale avait fait l’effort d’un remboursement (ce qui n’était pas le cas en Espagne ni au
Portugal). La raison d’une recommandation initiale aussi complexe est probablement la
peur pour les responsables de l’époque de s’engager dans une politique vaccinale de masse
quelques années après celles de l’hépatite B. La conséquence en terme de santé publique
est aussi assez claire : la vaccination d’une proportion faible mais significative des enfants a
exercé une pression de sélection sur les sérotypes vaccinaux, et ainsi une proportion d’enfants sont devenus porteurs de sérotypes non vaccinaux, qui sont transmis facilement et
rapidement aux « nouveaux » vaccinés. Cette forme de pression de sélection progressive
est bien connue en antibiothérapie. La pression de sélection pour un antibiotique s’exerce
d’autant mieux qu’il existe déjà dans la communauté des souches résistantes [7]. Vacciner
une partie de la population peut avoir des effets délétères, pas seulement pour la varicelle
mais aussi pour le pneumocoque.
Coqueluche chez l’adulte
L’exemple de la coqueluche est aussi édifiant. Avec les recommandations trop ciblées,
telles qu’elles avaient été émises en 2005, moins de 5 % des jeunes parents venant consulter
chez des pédiatres libéraux en 2007 étaient vaccinés [8].
Hépatite B
Que dire de notre couverture vaccinale contre l’hépatite B qui restait largement inférieure à 30 % essentiellement parce que l’hexavalent n’était pas remboursé, alors qu’il figurait depuis plusieurs années dans le calendrier vaccinal officiel ? Depuis le remboursement
récent de l’hexavalent, malgré toutes les polémiques suscitées ces dernières années autour de
cette vaccination, la couverture vaccinale a plus que doublé chez les nourrissons en moins
de deux ans. Par ailleurs, quand les médecins sont convaincus, s’ils proposent le vaccin, dans
l’immense majorité des cas, les parents l’acceptent [9].
HPV
Commencer la vaccination HPV à partir de quatorze ans est une erreur. Les autres
pays qui ont recommandé cette vaccination la préconise dès 11 ans. Certes moins de 10 %
des adolescentes ont des rapports sexuels avant 15 ans, mais c’est probablement celles
qui sont le plus à risque : rapports précoces, partenaires multiples, cofacteur tabagique
sont fréquemment associés. Force est de constater qu’il n’existait pas au moment où ces
recommandations ont été faites d’étude ayant démontré l’absence d’interférence entre les
vaccins HPV et les vaccins DTCaP. Néanmoins, l’ensemble des données montraient que
les interférences entre deux vaccins inactivés (ce qui est le cas pour HPV et DTCaP) étaient
l’exception et non la règle. Les données montrant l’absence d’interférence entre les vaccins
HPV et les vaccins DTCaP existent maintenant et sont reconnues dans les RCP des deux
vaccins disponibles. La coadministration des vaccins HPV et hépatite B a déjà fait l’objet
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d’études cliniques ayant conduit à une reconnaissance par AMM. C’est une coadministration vaccinale de ces deux vaccins qu’il faudrait promouvoir : les deux agissant contre des
infections pouvant conduire à un cancer et les deux schémas vaccinaux pouvant tout à fait
se superposer (0, 1-2, 6-7 mois).
Enfin, est-il prudent, souhaitable, que la vaccination HPV soit reportée au-delà de
quatorze ans, âge où les maladies démyélinisantes et auto-immunes commencent à apparaître chez l’adolescent, ce qui ne manquera pas d’augmenter le risque de coïncidence entre
vaccination et « poussées » de ces maladies, relançant des polémiques dont on ne s’est pas
encore remis [10].
Comme pour tout nouveau vaccin, la durée de protection à long terme n’était pas
connue : le recul dont on dispose pour ces vaccins est maintenant de plus de cinq ans et rien
n’indique, aujourd’hui, qu’une dose de rappel soit nécessaire (comme pour les vaccins dTP)
ou inutile (comme pour les vaccins hépatite A et B). Si le suivi de cohortes montre qu’un
rappel est utile ou nécessaire dix ou vingt ans plus tard, le fait d’avoir été vacciné à douze ou
quatorze ans ne changera rien.
La raison du choix de l’âge de 14-15 ans est clairement purement économique…Eviter
d’avoir 2 ou 3 cohortes supplémentaires à vacciner.
En effet, l’ensemble des données disponibles plaide en faveur d’une vaccination précoce,
antérieure aux premiers rapports sexuels. Les avantages de commencer une vaccination plus
précocement sont multiples.
Quatorze ou quinze ans (entrée en troisième ou en seconde) n’est pas un âge où les
adolescents vont voir souvent leur médecin, et, à moins d’inscrire cette vaccination dans
un programme de vaccination scolaire, il y a de fortes chances que la couverture vaccinale
obtenue soit faible. Mettre la barre à « minimum quatorze ans » implique, d’autre part,
qu’une grande partie des filles ne seront effectivement vaccinées qu’après quinze, seize ou
dix-sept ans, voire pas du tout !
Par ailleurs, la mise en place d’une stratégie vaccinale efficace implique, outre de couvrir
au moins les populations les plus à risque, d’essayer d’obtenir la meilleure couverture vaccinale possible. Le calendrier français comprend un rappel DTCaP à 11-13 ans. A cet âge,
la couverture vaccinale, bien qu’imparfaite, reste convenable, et les pédiatres y contribuent
largement : y associer le vaccin HPV est certainement la meilleure solution. Les parents
ont encore à cet âge quelque autorité… A quatorze ou quinze ans, rien n’est moins certain
et la couverture ne peut qu’en pâtir. Une consultation motivée par les premiers rapports
sexuels, par une contraception, outre qu’elle est souvent trop tardive pour le vaccin HPV,
sera souvent un premier contact d’adulte avec un médecin gynécologue ou autre, avec une
problématique suffisamment complexe pour ne pas y ajouter celle de la vaccination.
Vaccination contre AH1N1v
Personne, à notre sens, ne peut considérer que la vaccination contre la grippe AH1N1v
et l’ensemble de la gestion de cette pandémie soit un succès. Certes, il existait en début de
pandémie de très nombreuses incertitudes devant conduire à des attitudes de prudence. On
ne peut raisonnablement reprocher aux autorités d’avoir commandé en quantités ni les vaccins, ni les antiviraux, ni les masques, nul ne pouvant exclure une pandémie plus importante
et une infection grippale plus sévère. De plus, en mai et juin 2009, l’ensemble des experts,
sur le modèle des vaccins pandémiques contre le virus aviaire H5N1, pensaient que deux
doses de vaccins étaient nécessaires pour obtenir une immunogénicité suffisante chez des
sujets « naïfs » vis-à-vis d’un virus grippal pandémique. Néanmoins, les décisions prises ont
souvent été à contresens, presque toujours à contretemps.
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R. COHEN
• A contresens
- Certainement, l’idée de vouloir vacciner l’ensemble de la population dans des centres de vaccination « dédiés » créés de toute pièce. Cette décision a mis hors jeu les
médecins traitants, dont chacun sait qu’ils jouent un rôle majeur dans la décision
des patients de se faire ou pas vacciner. Un effort d’information et de formation des
médecins traitants ainsi que leur offrir la possibilité très précocement de vacciner
leurs patients en complément des centres de vaccination auraient été, sans l’ombre
d’un doute, plus efficace. La logistique de ces centres de vaccination a aussi été un
fiasco retentissant.
- Doute renforcé par les recommandations sur les nouveaux adjuvants contenus
dans la majorité des vaccins pandémiques commandés. La France a été un des
seuls pays européens où ces vaccins ont été contre-indiqués chez le nourrisson, la
femme enceinte, les immunodéprimés et les sujets présentant des phénomènes autoimmuns. Au final, ces vaccins ont montré qu’ils étaient sensiblement plus immunogènes chez le nourrisson et l’enfant que les vaccins non adjuvés (une dose nécessaire
contre deux pour les vaccins non adjuvés) et qu’ils n’avaient posé aucun problème
de tolérance chez la femme enceinte et dans les populations d’où ils avaient été initialement exclus en France.
- Délai complètement « artificiel » de trois semaines entre les vaccins grippaux saisonnier et pandémique, sans aucun fondement scientifique. La France est le seul pays
imposant ce délai et les études ultérieures montrent que ces vaccins pouvaient même
être administrés le même jour.
Ces deux derniers points ont très certainement contribué aux doutes sur la tolérance de
ces vaccins et n’avaient à mon sens que pour objectif de couvrir les décideurs en cas de survenue d’effets indésirables (principe de précaution de décideur). On peut organiser au décours
toutes les conférences de presse, toutes les journées ou semaines de la vaccination que l’on
voudra, sans pouvoir réparer ces doutes insinués sur la tolérance des vaccins.
Tout cela a abouti à des recommandations d’une complexité extrême (plus de treize cas
de figure possibles) contrastant avec l’inexpérience des centres de vaccination expliquant un
nombre important de mésusages.
• A contretemps
La liste des décisions prises à contretemps est infinie, toujours guidées il me semble par
le principe de précaution du décideur. Nous en citerons les principales :
- maintien, dans les premières semaines, d’une hospitalisation systématique des cas
suspects alors qu’à l’évidence ces cas étaient bénins ;
- recours aux urgences hospitalières jusqu’au mois d’août pour l’ensemble des cas
suspects ;
- maintien jusqu’en octobre de la recommandation d’une consultation aux urgences
pédiatriques (voire d’une hospitalisation) « systématique » des enfants de moins
de un an suspects de grippe pour « évaluation », comme si les pédiatres libéraux ou
les généralistes étaient incapables d’évaluer correctement leurs patients ou de leur
prescrire du Tamiflu® ;
- recommandation par le canal de DGS-Urgent du traitement systématique de l’ensemble des syndromes grippaux le 10 décembre 2009 alors que l’épidémie était déjà
déclinante ;
- élargissement des indications des vaccins non adjuvés chez l’enfant de trois à neuf
ans (pour lequel deux doses étaient nécessaires) au moment même où sont connus
les résultats des études démontrant qu’une seule dose d’un vaccin adjuvé était suf-
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-
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fisante. Il ne s’agit pas seulement d’une question de douleurs ou de logistique liée à
la deuxième injection mais d’un retard de plusieurs semaines de la protection d’un
pourcentage important d’enfants ;
maintien d’une commande massive de vaccins pandémiques jusqu’au début janvier
2010, alors que depuis le 10 septembre 2009 deux études publiées dans le très sérieux
New England Journal of Medicine suggéraient fortement qu’une seule dose de vaccin
(adjuvé ou non adjuvé) était suffisante ;
enfin, ouverture aux médecins libéraux de la vaccination au moment où est annoncée
la fin de la vague épidémique.
Vaccins contre le méningocoque C conjugué
Ils sont recommandés depuis plus d’un an pour tous les enfants âgés de 1 à 2 ans avec
un rattrapage jusqu’à 24 ans révolus. Ils sont remboursés, depuis maintenant 6 mois, par
l’assurance maladie. Les informations dont on dispose montrent que cette vaccination ne
démarre pas suffisamment… Ce n’est pas bien étonnant quand on sait l’absence d’engagement de l’État dans la promotion de cette vaccination qu’il a lui même décidé… Ceci peut
avoir des conséquences fâcheuses en termes de santé publique et de coût car si un taux de
couverture suffisant n’est pas obtenu, aucun effet groupe ne sera observé (notamment pour
les nourrissons de moins de 1 an non inclus dans le programme de vaccination) et l’immunité individuelle ne suffira pas pour protéger les vaccinés assez longtemps… Une deuxième
dose sera donc probablement nécessaire dans quelques années et est déjà envisagée au
moment de l’adolescence. Pour protéger d’un cas de méningite 2 ou 3 fois plus d’injections
seront nécessaires…
Les recommandations vaccinales émises par les autorités de santé n’ont un impact
significatif sur la santé publique que si elles sont suivies et appliquées sur le terrain. Pour ce
faire, elles ont besoin : d’être basées sur un référentiel scientifique solide, d’être expliquées,
souvent simplifiées, et appuyées sur une campagne de promotion des autorités de santé
enfin de s’appuyer sur les vaccinateurs (en France les médecins). Ces règles semblent avoir
toutes été oubliées ces dernières années en France. L’intrication au rationnel scientifique de
considérations politiques, économiques, médiatiques, juridiques est évidente pour presque
toutes les décisions. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que les avis ressemblent plus
à des avis juridiques qu’à des avis scientifiques… De ce fait, le langage « expurgé » des
autorités de santé a du mal à contrebalancer le « sensationo-émotionnel » médiatique des
groupes anti-vaccinaux et les associations temporelles pris comme des éléments de preuve
irréfutables : sclérose en plaques / hépatite B, syndrome de Guillain-Barré / grippe, adjuvant
/ maladie auto-immune… En dehors du ROR, l’état n’a accompagné aucun des nouveaux
programmes vaccinaux d’une campagne de promotion auprès des médecins ou du public. Il
a laissé faire les firmes pharmaceutiques dans un contexte où elles ne sont pas en odeur de
sainteté auprès du public. Enfin les médecins qui ont un rôle essentiel pour le succès de la
vaccination ont le plus souvent été méprisés, oubliés ou mis tout simplement sur la touche.
En effet, très peu de parents-patients refusent une vaccination proposée par leur médecin et
si la couverture vaccinale de certains vaccins n’est pas aussi bonne qu’elle ne le devrait c’est
que la vaccination n’est pas proposée. Le rôle que s’est fixé Infovac est d’aider les médecins
et en particulier les pédiatres à vacciner au mieux les patients qu’ils ont en charge. Les
sociétés savantes en particulier pédiatriques devraient plus souvent à notre sens prendre des
positions indépendantes à la fois de l’industrie mais aussi des autorités de santé.
En effet, il n’échappe à personne que les décisions de politique vaccinale ne prennent pas
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R. COHEN
en compte seulement (loin sans faut) la santé publique et le rapport bénéfices/risques mais
aussi des aspects économiques, juridiques, politiques, médiatiques…
Robert COHEN
CHI Créteil, Coordonnateur InfoVac-France - 40 Avenue de Verdun – 94010 Créteil Cedex
[email protected]
RÉFÉRENCES
[1] COHEN R. «De l’incohérence de la politique vaccinale à la pratique clinique », Méd. Enf., 2006 ; 6 : 10-3.
[2] Cohen R.« Incohérence de la politique vaccinale : comment sortir de cette situation », Méd. Enf., 2006 ; 6 :
110-3.
[3] HANAGE W. : « Serotype-specific problems associated with pneumococcal conjugate vaccination », Future
Microbiol., 2008 ;3 : 23-30.
[4] PILISHVILI T., LEXEAU C., FARLEY M.M. et al. : « Sustained réductions in invasive pneumococcal disease in the era of conjugate vaccine », J. Infect. Dis., 2010 ; 201 : 32-41.
[5] DORLÉANS F., VARON E., LEPOUTRE A. et al. : « Impact de la vaccination par le vaccin pneumococcique conjugué heptavalent sur l’incidence des infections invasives à pneumocoques en France : analyse des
données de 2007 », Journées internationales de biologie, Paris 5-6 novembre 2009.
[6] GAUDELUS J., COHEN R., HOVART J. : « Evolution de la couverture vaccinale du vaccin pneumococcique heptavalent conjugué de 2006 à 2008 : analyse des carnets de santé », Méd. Enf.,2009 ; 9 : 151-4.
[7] DAGAN R., LIPSITCH M. : « Changing the ecology of pneumococci with antibiotics and vaccines », in
Tuomanen E.I. : The pneumococcus, Washington, DC, ASM Press, 2004 ; p. 283-313.
[8] DE LA ROCQUE F., GRIMPREL E., GAUDELUS J. et al. : «Enquête sur le statut vaccinal des parents de
jeunes nourrissons» Arch. Pédiatr., 2007 ; 14 : 1472-6.
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la couverture vaccinale Méd. Enf., 2009 ; 9 : 3977-401.
[10] Siegrist CA, Lewis EM, Eskola J, Evans SJ, Black SB. Human papilloma virus immunization in adolescent and
young adults: a cohort study to illustrate what events might be mistaken for adverse reactions. Pediatr Infect
Dis J. 2007;26:979-84
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PFAPA (UN SYNDROME DE FIÈVRE PÉRIODIQUE)
par
A. BOURRILLON, G. BENOIST, A. FAYE
INTRODUCTION
En 1987, Marshall et collaborateurs [1] ont décrit, chez 12 enfants, un nouveau syndrome de fièvre périodique, d’une durée d’environ 5 jours, récidivant toutes les 2 à 12 semaines,
et associé à une stomatite aphteuse, une pharyngite et/ou des adénopathies cervicales.
Ces fièvres ne cèdent pas sous antibiotiques ni anti-inflammatoires non stéroïdiens, mais
en quelques heures sous prednisone. Elles sont séparées par des intervalles le plus souvent
réguliers et totalement asymptomatiques.
L’acronyme PFAPA devait ensuite être proposé pour dénommer ce syndrome (Periodic
Fever Aphtous stomatitis Pharyngitis Adenitis). Les résultats du registre américain portant sur
une étude rétrospective multicentrique concernant 94 enfants évalués au cours des dix années
précédentes [2] ont alors été publiés en 1999, complétés par les données de Padeh [3].
Une enquête nationale rétrospective était ensuite conduite en France en 2000 par le Groupe
de Pathologies Infectieuses Pédiatriques et précisait les critères cliniques, les indications
thérapeutiques et le pronostic de ce « nouveau syndrome » [4].
Ce syndrome est classé dans le groupe des maladies auto-inflammatoires liées probablement à un défaut de régulation de la réponse inflammatoire.
-
Cette mise au point vise à préciser :
les critères diagnostiques du PFAPA parmi les autres syndromes de fièvres périodiques
la discussion concernant les modalités thérapeutiques (corticothérapie et amygdalectomie)
les hypothèses physiopathologiques.
LE SYNDROME DE PFAPA :
ÉTUDE PROSPECTIVE À L’HÔPITAL ROBERT DEBRÉ
Matériel et méthode
Nous avons effectué une étude prospective, regroupant de mars 2009 à mars 2010, 40
enfants évalués par le même examinateur et répondant aux critères diagnostiques authenti-
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fiés alors pour le PFAPA.
-
-
Ces critères sont :
épisodes fébriles (> 38 °C), à début précoce (avant l’âge de 5 ans), récidivant à intervalles
réguliers (> 6) et comportant au moins l’un des signes cliniques suivants :
* stomatite aphteuse
* pharyngite
* adénites cervicales
absence de tout signe associé d’infection des voies aériennes supérieures
normalisation complète de la symptomatologie au terme des épisodes observés
croissance et développement normaux
et absence de tout argument clinique ou biologique évocateur d’une maladie infectieuse
inflammatoire chronique immunitaire ou auto-immunitaire, ainsi que de toute autre
cause possible ou confirmée de fièvre périodique.
Tous ces enfants ont bénéficié, en cours de consultation, d’un questionnaire d’enquête
visant à évaluer :
- le contexte de survenue des épisodes fébriles et les données diagnostiques cliniques
- les résultats des examens complémentaires prescrits, en période fébrile et intercritique
- les traitements proposés et l’efficacité de ceux-ci au cours de chaque épisode fébrile
- le suivi de chaque enfant dans les limites du recul de surveillance de l’étude (chaque
famille ayant été recontactée téléphoniquement à ce propos).
Résultats
Caractéristiques des enfants
La totalité des enfants examinés est d’origine caucasienne européenne. Le sexe ratio
garçons/filles est de 1,3 (23 garçons / 17 filles).
Aucun enfant n’avait d’antécédents familiaux évocateurs de fièvres récurrentes ou de maladies inflammatoires chroniques.
L’âge moyen au diagnostic est de 4 ans (extrêmes : 2 - 6 ans) alors que l’âge moyen au
début des symptômes est de 26 mois (extrêmes : 9 mois - 5 ans).
La première crise est survenue au cours de la première année de vie pour 15 enfants (= 37 %).
Caractéristiques des épisodes
Ces épisodes ont été reconnus comme prévisibles dans près d’un cas sur 2 (19 enfants sur
40), et dans 25 % des cas les samedis et dimanches. Un facteur de stress a été précisé comme
susceptible d’intervenir comme facteur déclenchant dans 30 % des cas (= 12/40).
Les prodromes les plus habituels ont été une asthénie (35 % = 14/40), des céphalées (25 % =
10/40), et des frissons (15 % = 6/40).
La fièvre est constante. Le niveau thermique atteint n’a jamais été inférieur à 39 °C,
atteignant 40 °C dans 60 % des cas (= 24/40), avec une efficacité modérée ou nulle du paracétamol, traitement antipyrétique le plus fréquemment prescrit.
L’ibuprofène a, selon les parents, une efficacité anti-hyperthermique plus évidente, sans
chiffrage comparatif cependant rigoureusement précisé.
-
Les principaux signes cliniques associés à la fièvre ont été :
une pharyngite (diagnostic médical) toujours présente (100 % = 40/40),
des aphtes buccaux (72 % = 29/40), spontanément mentionnés (25 %) ou le plus sou-
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-
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vent décrits à l’interrogatoire rétrospectif des parents (45 %),
des adénopathies cervicales (80 % = 30/40) spontanément décrites par les parents avec
déformation du cou (60 % = 24/40), ou constatées à l’examen clinique médical (25 % =
10/40). Dans 20 % des cas (= 8/40), les adénopathies les plus volumineuses ont induit
des cervicalgies avec sensibilité à l’examen clinique local ; et ont pu être précisées dans 4
cas par une échographie, avec un diamètre mesuré supérieur à 7 mm.
Les autres signes cliniques ont été par ordre de fréquence :
des myalgies ou arthralgies des membres inférieurs (40 % = 15/40),
des douleurs abdominales (12 % = 5/40), sans adénopathies visibles lorsqu’une échographie abdominale a été pratiquée (2 cas),
des nausées et des vomissements (10 % = 4/40),
une diarrhée en fin d’épisode fébrile (10 % = 4/40).
Aucune éruption n’a été décrite au cours des épisodes fébriles.
Par ailleurs, si l’asthénie a été précisée dans 32 % des cas (= 13/40), l’état général a été cependant considéré par les parents comme le plus souvent conservé, n’entravant pas les jeux.
La durée moyenne de chaque épisode fébrile est de 3 jours dans 70 % des cas (= 28/40 ;
extrêmes : 2 - 5 jours).
Le délai moyen entre chaque épisode a été de 4 semaines (extrêmes : 2 - 8 semaines).
La totalité des enfants était, selon les critères requis, asymptomatique entre les crises.
Le nombre de crises annuelles s’est situé entre 6 et 12 selon le délai de recul d’observation.
Signes biologiques
Tous les enfants ont bénéficié d’un dosage de la CRP en période fébrile. Elle était
constamment supérieure à 20 mg/L, comprise entre 20-50 mg/L dans 15 % des cas (= 6/40),
50-100 mg/L dans 50 % des cas (= 20/40), 100-150 mg/L dans 20 % des cas (= 8/40), > 150
mg/L dans 15 % des cas (= 6/40).
La CRP, constamment pratiquée en période asymptomatique, était alors normalisée
dans tous les cas.
Une Numération Formule Sanguine a été pratiquée de façon constante en période
fébrile. Elle a mis en évidence une hyperleucocytose modérée à polynucléaires neutrophiles
dans 50 % des cas (= 20/40). Aucune neutropénie n’a été observée.
Cet examen, contrôlé dans la moitié des cas en période d’apyrexie, était alors toujours normal.
Le Streptotest pratiqué dans la moitié des cas (= 20/40) au cours des premiers épisodes
fébriles, a toujours été négatif. Les trois quarts des enfants ont par ailleurs bénéficié au cours
de l’un des premiers épisodes fébriles d’une antibiothérapie (amoxicilline) pour un diagnostic « d’angine », n’ayant pas raccourci la durée de l’épisode fébrile.
37 % des enfants (= 15/40) ont bénéficié d’un dosage systématique des IgD dont les
résultats ont été normaux.
Le dosage de l’acide mévalonique urinaire a pu être pratiqué dans 20 % des cas (= 8/40)
en période fébrile, et était normal.
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Traitements proposés
Le recours aux antipyrétiques (ibuprofène ou paracétamol) a réduit habituellement le
niveau de la fièvre de façon modeste. L’ibuprofène lorsque prescrit, a toujours été considéré
comme le plus efficace.
La corticothérapie prescrite en monodose (prednisone 1 mg/kg, durant 1 jour) chez un
quart des enfants (= 10/40), a induit dans tous les cas une apyrexie en moins de 24 heures,
mais a conduit à un rapprochement des crises suivantes chez la moitié des enfants ainsi traités, alors que la durée des intervalles des crises n’a pas été modifiée pour l’autre moitié.
L’amygdalectomie a été pratiquée dans 15 % des cas (= 6/40), chez les enfants les plus
âgés (> 4 ans) du fait du retentissement des épisodes fébriles récurrents sur la vie familiale
ou scolaire. Elle a permis l’interruption immédiate des accès fébriles dans tous les cas avec
un recul actuel de 6 mois, sans aucune récidive.
Suivi
Le suivi a été observé selon l’âge d’entrée des enfants dans cette étude prospective, avec
un recul de 3 à 12 mois.
Il convient de mentionner l’espacement des crises au décours de la première consultation dans 40 % des cas (= 16/40), et leur disparition immédiate chez 3 des 40 enfants
dont le syndrome avait une durée antérieure supérieure à 6 mois, et dont la famille avait
été apparemment « apaisée » dès la première consultation ayant permis « d’assurer » le
diagnostic.
DISCUSSION
Critères diagnostiques (tableau 1)
Le syndrome de PFAPA est généralement suspecté sur des seuls critères cliniques dont
aucun n’est spécifique, ce qui peut expliquer le délai souvent tardif du diagnostic par rapport
au premier épisode décrit.
Les premiers signes cliniques surviennent habituellement avant l’âge de 3 ans et toujours
avant celui de 5 ans [4, 5]. Les dernières propositions de consensus ont relevé cet âge à celui
de 6 ans.
La prévisibilité chronologique des épisodes fébriles est souvent remarquable : « clockwork récurrence » [5], souvent « attendue par la famille ».
Les prodromes sont une asthénie (brutale et transitoire) et des céphalées. Le déclenchement par un choc émotionnel est souvent mentionné [4].
La fièvre est toujours supérieure à 39 °C, dépassant souvent 40 °C. Sa durée moyenne
est de 3 jours [3, 4].
Elle ne s’accompagne d’aucun signe évocateur d’infection des voies aériennes supérieures et
est le plus souvent bien tolérée (n’entravant pas les jeux).
Les différentes séries de la littérature [2, 3, 4, 6] décrivent les symptômes associés, selon
des fréquences variables.
La pharyngite (pharynx et amygdales érythémateux sans exsudat) est mentionnée dans
70 % des cas [2, 6, 7].
La stomatite aphteuse est décrite selon des pourcentages généralement supérieurs à
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70 % [2, 3, 7] mais limités à 38 % dans la série de Féder [6]. L’éventuelle sous-estimation
des aphtes (inconstants selon les poussées fébriles) est souvent réévaluée par l’interrogatoire
auprès de la famille qui ne les mentionne pas spontanément. Ces aphtes sont généralement
de petites dimensions, peu nombreux et très transitoires. Leur description est très différente
des ulcères buccaux décrits dans d’autres pathologies inflammatoires ou immunitaires [5].
L’adénite cervicale a une fréquence très généralement décrite comme supérieure à 80 %
des cas [5]. L’augmentation du volume ganglionnaire est d’apparition brutale, bilatérale et
symétrique sans aucun caractère inflammatoire, déformant souvent le cou. Sa régression est
aussi rapide que celle de la fièvre. Les cervicalgies décrites peuvent leur être attribuées.
A ces signes ou symptômes principaux, il convient d’associer la fréquence des arthralgies
(notamment au niveau des membres inférieurs) dans 60 % des cas [2, 4], mais curieusement
non ou peu mentionnées dans certaines séries [6, 8].
A l’inverse, les douleurs abdominales, peu décrites dans notre étude, sont rapportées à
des fréquences variables selon les publications, de 40 à 50 % [2, 6]. Dans la série de Tasher
[9] concernant des enfants israéliens, il est possible que la fréquence élevée des douleurs
abdominales décrites puisse être reliée à des diagnostics de FMF (Fièvre Méditerranéenne
Familiale) non confirmés par l’examen génétique. D’autres études en revanche ne mentionnent que rarement des douleurs abdominales [5].
Aucun épisode de rash cutané en période fébrile n’a été mentionné par les parents dans
notre étude ; la fréquence de ceux-ci est décrite de façon variable selon les publications.
Il n’est habituellement pas mis en évidence à l’examen clinique, d’hépatomégalie ou de
splénomégalie associée.
Ainsi, ces symptômes associés et décrits selon une fréquence variable sont d’un appoint
diagnostique moindre.
L’une des originalités du syndrome semble liée à la périodicité prévisible et assez fixe
pour chaque enfant des épisodes fébriles [4]. L’intervalle moyen décrit entre chaque épisode
est de 1 mois à 6 semaines.
Les examens biologiques mettent en évidence un syndrome inflammatoire constant en
période fébrile [10]. La moyenne d’élévation de la CRP au cours de chaque épisode est
généralement décrite à 180 mg/L (45-322 mg/L) avec les taux les plus élevés au 2ème et 3ème
jour, en comparaison à ceux du 1er jour de fièvre [10].
La Numération Formule Sanguine peut montrer une hyperleucocytose modérée à polynucléaires neutrophiles. Le chiffre des plaquettes est normal.
Toutes les anomalies biologiques et hématologiques observées sont normalisées en
période d’apyrexie.
Le PFAPA parmi les autres syndromes de fièvres périodiques (tableau 2)
Les syndromes de fièvres périodiques se définissent comme des états fébriles récidivants
à intervalle fixe.
Le syndrome PFAPA est habituellement décrit comme une affection sporadique, avec
parfois des observations familiales.
Le caractère prédictif stéréotypé des épisodes fébriles récurrents, ainsi que l’absence
de toute donnée évocatrice de rhinite, otite ou bronchite au cours de l’épisode, permet un
premier tri diagnostique.
Le caractère proche de certains signes ou symptômes du PFAPA, de ceux communs avec
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d’autres syndromes auto-inflammatoires d’origine génétique, peut parfois conduire à un
dépistage de ces syndromes pour la plupart liés à des gènes codant des protéines impliquées
dans la régulation de la réponse inflammatoire de l’immunité innée [5, 11].
La Fièvre Méditerranéenne Familiale est suspectée sur le contexte d’une population à
risques, ce qui pourrait limiter le nombre d’enfants pour lesquels ce diagnostic pourrait
être évoqué. Elle est caractérisée par des épisodes de fièvres relativement brefs (3 à 4 jours),
souvent accompagnés d’inflammations des séreuses et des articulations. Les douleurs abdominales ou basi-thoraciques sont fréquentes et l’identification d’une lésion cutanée (plaque
érysipèlatoïde) quoique rare, est assez caractéristique.
En cas de doute, seulement, il peut être utile de confirmer le diagnostic par la recherche
d’une mutation MEFV avant tout homozygote voire même hétérozygote bien que celle-ci
ne semble pas associer au PFAPA [5].
Le syndrome hyperIgD (HIDS) se caractérise plus fréquemment par des rashs cutanés,
des douleurs abdominales, des arthrites, une splénomégalie et des adénopathies généralisées
[7]. L’élévation inconstante des taux d’IgD n’est pas spécifique et donc d’un recours limité
ou nul pour le diagnostic.
L’augmentation de l’excrétion urinaire de l’acide mévalonique au cours des poussées
fébriles est, dans ce contexte, l’examen le plus utile. Elle est secondaire à un déficit enzymatique partiel de la mévalonate kinase, responsable des poussées fébriles récurrentes.
Le TRAPS est une maladie fébrile récurrente exceptionnelle avec des accès fébriles de
plus longue durée et des signes associés tels qu’une éruption palpébrale oedémateuse, des
douleurs abdominales, une atteinte des séreuses et des arthrites. Un défaut de clivage du
récepteur membranaire du TNF (TNFRSF1A) est responsable de l’entretien de la réaction
inflammatoire susceptible d’être à l’origine des poussées de la maladie [5].
Seul un contexte familial évident et des données cliniques atypiques pourraient conduire
à la recherche de mutations génétiques type R92Q et P461 dans certains cas rares de proximité symptomatique.
En pratique, le seul contexte clinique d’une fièvre périodique prévisible associée à une
stomatite aphteuse, une pharyngite et des adénopathies cervicales, survenant chez des
enfants d’origine caucasienne suffit, le plus souvent, à évoquer le diagnostic, évitant tout
examen génétique complémentaire à la recherche de causes de fièvres périodiques héréditaires.
Un score proposé par certains auteurs (score de Gattorno) propose de préciser dans ce
contexte les risques prédictifs de fièvres périodiques d’origine génétique [11]. Celui-ci inclut
la fréquence des douleurs abdominales et de la diarrhée, les vomissements, les rashs cutanés
et les arthralgies.
Modalités thérapeutiques : traitement et « prise en charge » [7]
L’efficacité limitée du traitement symptomatique de la fièvre par les antipyrétiques
usuels est généralement mentionnée au profit de l’ibuprofène par rapport au paracétamol.
La corticothérapie (prednisone 1 mg/kg/j) pendant 1 à 2 jours est, depuis la description
initiale de Marshall [1], la seule reconnue comme immédiatement efficace, et peut être additionnée aux critères diagnostiques actuels. L’efficacité de ce traitement est confirmée dans
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toutes les études où il est mentionné, et ce d’autant que sa prescription est précoce.
La défervescence généralement observée au cours des 24 premières heures l’est plus
rarement au terme de 36 heures, permettant la prescription éventuelle d’une seconde prise.
Les observations divergent cependant sur les conséquences de la corticothérapie vis-à-vis de
l’évolution des épisodes fébriles ultérieurs : non modification ou espacement [9], ou plus
fréquemment rapprochement des épisodes fébriles dans environ 1 cas sur 2 [2, 6, 8]. Notre
propre expérience confirme ces données.
L’amygdalectomie répond à l’objectif optimal de guérison des épisodes périodiques
fébriles.
Son efficacité a été clairement mise en évidence dans les premières études sans groupes contrôles [2, 3, 12, 13]. Licameli et collaborateurs [14] mentionne une guérison dans
26 cas sur 27 après amygdalectomie, associée de façon simultanée à une adénoïdectomie,
apparaissant ainsi plus efficace que l’amygdalectomie isolée. Dans cette étude randomisée,
comparant 39 enfants (20 ayant bénéficié de l’intervention) à un groupe contrôle, la guérison complète immédiate est estimée à 63 % chez les enfants opérés. L’intervention était
secondairement proposée au groupe contrôle. L’espacement spontané des crises a conduit
les parents de ce groupe à renoncer à une intervention chirurgicale différée.
L’indication de l’amygdalectomie reste encore un sujet de discussion en raison de l’évolution habituellement spontanément favorable du syndrome PFAPA [15].
Étiopathogénie
L’étiologie du syndrome de PFAPA demeure encore mystérieuse [7] : défaut de régulation immunologique comme dans d’autres maladies auto-inflammatoires d’origine génétique ? causes infectieuses ?
Les taux sériques de l’IL-1β et TNF-α sont augmentés chez les enfants ayant un
PFAPA ; l’IL-6 s’élève au cours des poussées fébriles. Ces résultats suggèrent un défaut de
régulation de la production des cytokines, comme dans d’autres maladies fébriles « périodiques » [16].
L’éventualité d’une localisation amygdalienne ou adénoïdienne d’un processus local
chronique auto-inflammatoire a pu être évoquée [8], les signes et les symptômes observés
traduisant une réactivation périodique de ce processus. Cette hypothèse pourrait être justifiée par l’efficacité transitoire de la corticothérapie vis-à-vis de la fièvre, et par la prévention
des récidives après intervention chirurgicale sur les amygdales ou le tissu adénoïdien.
CONCLUSION
Syndrome de PFAPA : « Que n’est-il pas ? Qu’est-il ? » (Sarah Lang) [8].
Des interrogations demeurent à propos de ce curieux syndrome de fièvres périodiques
souvent prévisibles, associées à d’autres signes cliniques non spécifiques, mais permettant le
plus souvent une individualisation clinique probabiliste comparative aux autres diagnostics
de fièvres périodiques confirmés d’origine génétique.
Le diagnostic rapidement porté de ce syndrome insolite et inquiétant pour les familles,
et la transmission à celles-ci d’informations concernant des thérapeutiques susceptibles
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d’être efficaces (corticothérapie, amygdalectomie) permettent le plus souvent de constater
l’espacement, à court terme, des épisodes récurrents de ce syndrome dont le pronostic est
bénin.
Les voies de recherches (immunologiques, anatomopathologiques, bactériologiques,
génétiques) sont largement ouvertes pour performer l’approche physiopathologique de ce
syndrome. Elles exigent des critères diagnostiques plus précis encore, pouvant s’appuyer sur
de larges collectes de données cliniques nationales [17, 18].
Un registre multicentrique au sein du groupe « Periodic fevers » de PReS est actuellement à l’origine d’une nouvelle démarche internationale de consensus, susceptible, à partir
de larges cohortes, de permettre de mieux évaluer la sensibilité et la spécificité des critères
actuels [19].
A. Bourrillon, G. Benoist, A. Faye
Pôle de Pédiatrie Aiguë et de Médecine Interne- Service de Pédiatrie générale - Hôpital Robert Debré - 48 Bd
Sérurier - 75019 PARIS
Auteur correspondant : [email protected]
REMERCIEMENTS
Pr Isabelle KONE PAUT, Centre de références des maladies auto-inflammatoires – CHU Bicêtre – 78 rue du
Général Leclerc – 94270 LE KREMLIN BICETRE
http://www.printo.it/eurofever/
Pr Jean Louis STEPHAN, Service de Pédiatrie, Hopital Nord – 42055 ST ETIENNE Cedex
Dr Véronique HENTGEN, Service de Pédiatrie, Centre Hospitalier A. Mignot – 78157 LE CHESNAIS Cedex
RÉFÉRENCES
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PFAPA (UN SYNDROME DE FIÈVRE PÉRIODIQUE)
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TABLEAU 1 : PFAPA - FRÉQUENCE DES SYMPTÔMES CLINIQUES
Registre multicentrique
Etude Robert DEBRE
(Mars 2009 – mars 2010)
(collaboration internationale
au sein du groupe
« Periodic Fevers » de PReS,
M. Hofer and al.)
(Novembre 2006 –
novembre 2007)
Nombre d’enfants
40
214
Sex ratio garçons/filles
1,3 (23/17)
1,3 (122/92)
Age médian
- début symptômes
- du diagnostic
26 mois
4 ans
21 mois
4 ans
Symptômes cardinaux
- pharyngites
- adénites cervicales
- aphtes
100 %
80 %
70 %
94 %
83 %
59 %
Symptômes additionnels
- digestifs (D. abdominales ; diarrhées)
- arthralgies / myalgies
- rash cutané
20 %
40 %
0
60 %
40 %
16 %
Efficacité thérapeutique
Corticostéroïdes
Amygdalectomie +/- adénoïdectomie
100 % (10/10)
100 % (6/6)
95 % (99/105)
80 % (28/35)
Adénites cervicales
75-85 %
Rares
D.abdominales/s. digestifs
D. thoraciques
Variables 10-40 %
Non
Intenses +++
Fréquentes +++
Arthralgies /Myalgies
Oui (40 %)
Oui
Eruptions
0-10 %
Plaques érysipèlatoïde
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A. BOURRILLON, G. BENOIST, A. FAYE
TABLEAU 2 : ASPECTS CLINIQUES COMPARATIFS DES SYNDROMES DE FIÈVRES RÉCURRENTES
Syndromes
PFAPA
FMF
MKD*-HIDS TRAPS
Fréquence
+++
Ubiquitaire
+ selon origine
Pourtour
méditerranéen/
Sépharades
Ubiquitaire
Ubiquitaire
Age de début
> 1 ans < 5 ans
< 10 ans
1 an
< 20 ans
Périodicité
Prévisible ++
Mensuelle
Irrégulière
4-8 semaines
Irrégulière
Semaines / mois
Fièvre > 39 °C
100 %
90-100 %
+/-
+
Durée de la fièvre
48-72 h
12-72 h
4 jours
Stomatite aphteuse
65- 70 %
Non
Oui
Adénites cervicales
75-85 %
Rares
Oui+++
D.abdominales/s. digestifs
D. thoraciques
Variables 10-40 %
Non
Intenses +++
Fréquentes +++
Oui
Non
Arthralgies /Myalgies
Oui (40 %)
Oui
Oui
Oui
Eruptions
0-10 %
Plaques
érysipèlatoïde
Non
Pseudo-cellulite de la face
Exanthèmes polymorphes
Jours/semaines
Non
Non
Oui
Oui
D’après le tableau : « Principales caractéristiques des fièvres récurrentes » : Véronique HENTGEN (Pédiatrie pour le Praticien,
5ème édition, Masson, p 430)
* MKD : Mévalonate Kinase Deficiency
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MISES AU POINT
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MALADIE DE BASEDOW CHEZ L’ENFANT :
PRISE EN CHARGE ACTUELLE
par
F. KAGUELIDOU, J.-C. CAREL, J. LÉGER
INTRODUCTION
L’hyperthyroïdie est une maladie rare et sévère chez l’enfant. Elle est due le plus souvent
à la maladie de Basedow, maladie auto-immune qui résulte de la stimulation du récepteur
thyréotrope par des auto-anticorps. La majorité des patients sont traités médicalement par
des antithyroïdiens de synthèse. La rémission prolongée de la maladie est moins fréquente
que chez l’adulte puisqu’elle survient chez seulement 30 % des enfants traités. La thyroïdectomie subtotale ou le traitement par iode radioactif sont les deux alternatives thérapeutiques. Toutefois, la prise en charge adéquate de cette maladie reste un sujet de controverse
en endocrinologie pédiatrique et la durée optimale du traitement médical pour induire une
rémission de la maladie, reste à définir [1, 2]. L’identification de facteurs prédictifs de la
rechute pourrait améliorer la prise en charge des enfants en déterminant ceux pour lesquels
un traitement médical prolongé ou un traitement radical précoce serait nécessaire.
PATHOGÉNIE
La cause de la maladie est mal connue mais on admet actuellement qu’elle serait le résultat d’interactions complexes entre des facteurs génétiques (hérédité), des facteurs de l’environnement et le système immunitaire. L’hyperthyroïdie survient en raison de la production
d’anticorps anti-récepteur de la thyréostimuline (TSH) qui stimulent la thyroïde induisant
la production excessive d’hormones thyroïdiennes. La susceptibilité génétique à cette maladie est considérée comme étant polygénique. Des études antérieures ont démontré l’association de la maladie de Basedow avec le gène HLA sur le chromosome 6, le gène de l’antigène
4 des lymphocytes cytotoxiques T sur le chromosome 2q33 et le gène PTPN22 (Proteine
tyrosine phosphatase) sur le chromosome 1p13. Les résultats des études sur des jumeaux et
la prévalence élevée de la maladie chez les apparentés de premier degré, suggèrent qu’environ
80 % de la susceptibilité à la maladie est déterminée par des facteurs génétiques [3].
Les auto-anticorps se lient et stimulent le récepteur de la TSH sur la membrane des
cellules thyroïdiennes. Il en résulte une hypertrophie des cellules folliculaires, une augmentation de la vascularisation de la glande ainsi qu’une synthèse et sécrétion excessive d’hormones thyroïdiennes. Typiquement la glande présente une infiltration lymphocytaire, des
cellules T anormales et une absence de destruction folliculaire. Les cellules T génèrent une
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inflammation locale et un remodelage tissulaire par la production et la sécrétion des cytokines, conduisant à une dysrégulation des lymphocytes B et une augmentation de la production d’auto-anticorps. Un déséquilibre entre les cellules T régulatrices et pathogéniques est
probablement impliqué dans le développement et la sévérité de la maladie de Basedow [4].
INCIDENCE
La maladie de Basedow est rare chez l’enfant. Elle survient chez 0,02 % des enfants
(1/5000) soit 1-5 % des patients avec une maladie de Basedow. Chez l’adulte, elle survient
approximativement chez 0,5 % des femmes [5]. Comme pour toute la pathologie thyroïdienne et comme chez l’adulte, il existe chez l’enfant une forte prépondérance féminine.
Cette maladie survient à tout âge mais sa fréquence augmente avec l’âge, avec un pic au
moment de l’adolescence (figure 1). Son incidence est considérée en augmentation et
elle est estimée à 0,1 pour 100 000 personnes-années chez les jeunes enfants à 3 pour 100
000 personnes-années chez les adolescents [6]. Une fréquence jusqu’à 14 pour 100 000
personnes-années a été rapporté à Hong-Kong, sans relation avec les différences observées
d’apport nutritionnel en iode. La maladie de Basedow est plus fréquente chez les enfants
atteints d’autres maladies auto-immunes et chez les enfants ayant des antécédents familiaux
de maladie thyroïdienne auto-immune.
MANIFESTATIONS CLINIQUES
La majorité des patients présentent les symptômes et les signes cliniques habituels de
l’hyperthyroïdie. Les symptômes précoces sont souvent subtils : changement du comportement de l’enfant, irritabilité, labilité émotionnelle, fatigue, nervosité, palpitations, tremblement, insomnie, transpiration excessive, augmentation de l’appétit avec absence de prise de
poids voire amaigrissement et diarrhée. Une baisse du rendement scolaire et des troubles de
l’attention sont souvent observés.
La taille de la glande thyroïde est très variable et la présence d’un goitre peut ne pas
être notée chez des patients qui ont une glande thyroïde légèrement augmentée de volume
généralement de manière symétrique. La glande est de consistance ferme et homogène. La
présence d’un « thrill » à la palpation reflète l’augmentation du flux sanguin à travers la
glande. Les anomalies oculaires sont moins sévères chez l’enfant que chez l’adulte, avec un
éclat du regard, une rétraction de la paupière supérieure et une augmentation de la fente palpébrale. L’exophtalmie vraie est rare chez l’enfant. La crise thyrotoxique est également un
événement extrêmement rare dans l’enfance. Les autres symptômes incluent la tachycardie
qui est constante et parallèle à la sévérité de l’hyperthyroïdie, l’augmentation de la pression
artérielle, le « thrill » précordial et un souffle d’éjection dû à l’insuffisance fonctionnelle
de la valve mitrale. L’accélération de la vitesse de croissance staturale et l’avance de la maturation osseuse sont souvent liées à la durée de l’hyperthyroïdie. Comme chez l’adulte, la
déminéralisation osseuse est fréquente chez l’enfant. Elle est souvent corrigée après 2 ans
d’euthyroïdie. La présence d’un myxœdème prétibial est exceptionnelle. En raison des différents symptômes cliniques, les enfants peuvent être adressés initialement par des médecins
cardiologues, ophtalmologues, psychiatres et/ou gastro-entérologues avant d’être orientés
vers un spécialiste en endocrinologie [7].
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MALADIE DE BASEDOW CHEZ L’ENFANT : PRISE EN CHARGE ACTUELLE
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CONFIRMATION DU DIAGNOSTIC DE LA MALADIE DE BASEDOW
Le diagnostic d’hyperthyroïdie est confirmé par le dosage des hormones thyroïdiennes.
La concentration sérique de TSH est indétectable (< 0,3 mU/l) chez tous les patients et
la majorité des patients ont des concentrations sériques de thyroxine libre (T4l) et de triiodothyronine libre (T3l) élevées (Figure 2). Toutefois, certains patients peuvent présenter
une augmentation de la concentration sérique de la T3l avec T4l normale. Cette situation
est connue sous le terme de « T3 toxicose » et peut être observée au moment du diagnostic
ou pendant les rechutes de la maladie. Chez certains patients avec concentration de T4l et
de T3l proches de la limite supérieure des valeurs normales pour l’âge, un test à l’hormone
thyréotrope (TRH) peut être envisagé. Dans ce test, l’inhibition de la sécrétion de la TSH
en réponse à la stimulation par la TRH, confirme le diagnostic de l’hyperthyroïdie.
Les anticorps anti-récepteur de la TSH (anti-rTSH) sont spécifiques de la maladie de
Basedow. Ils sont détectés chez la majorité des patients mais à des taux très variables (Figure
2). Il y a une corrélation positive entre les taux sériques des anti-rTSH et les concentrations
de T4l. Ces taux sont en moyenne plus augmentés chez les plus jeunes patients (< 5 ans) par
rapport aux patients plus âgés (> 5 ans), ainsi que chez les patients avec une présentation
clinique initiale sévère par rapport à ceux avec une présentation clinique plus modeste [8].
La détermination des anticorps antithyroïdiens comme les antithyroperoxydases (antiTPO) est parfois utile pour la confirmation de l’existence d’une maladie thyroïdienne
auto-immune.
IMAGERIE DE LA GLANDE THYROÏDE
La scintigraphie thyroïdienne n’est pas nécessaire pour le diagnostic de la maladie de
Basedow et elle a été remplacée par l’échographie thyroïdienne. La glande thyroïde est
élargie de manière homogène. Elle présente une échogénicité souvent normale mais peut
également apparaitre hypoéchogène comme dans le cas d’une thyroïdite. Une hypervascularisation parenchymateuse diffuse peut être observée. Cette hypervascularisation est
moindre chez les patients avec une thyroïdite auto-immune chronique. La taille du goitre
est variable et celui-ci peut être classé en goitre petit, modéré ou large [9]. Dans 10 % des cas,
le volume du goitre est normal.
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
Le traitement optimal de la maladie de Basedow chez l’enfant reste un sujet de controverse [10, 11] et des études randomisées, contrôlées sont nécessaires pour comparer les taux
d’échec des différents traitements ainsi que les effets indésirables à court et long terme.
Actuellement les options thérapeutiques incluent le traitement médical par les antithyroïdiens de synthèse (ATS), la thyroïdectomie totale ou subtotale et l’ablation de la thyroïde
par l’iode radioactif. La rechute est définie comme la présence de taux sériques indétectables
de TSH (< 0,05 mUI/l) avec des concentrations sériques de T4l supérieures à 21 pmol/l ou
de T3l supérieures à 11 pmol/l. Il n’existe pas de cure spécifique de la maladie de Basedow
et chaque alternative thérapeutique comporte des complications. Chez l’enfant, la majorité
des patients est initialement traitée par les antithyroïdiens de synthèse. Toutefois, il est difficile d’obtenir une compliance /adhérence à long terme au traitement et le taux de rechute
reste élevé après l’arrêt du traitement médical.
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L’ablation de la glande thyroïde par un traitement à l’iode radioactif ou par la chirurgie
est alors la seule alternative thérapeutique. Les indications de ces traitements « radicaux »
chez l’enfant incluent la rechute après une cure appropriée et prolongée par des ATS, l’absence d’observance du traitement médical de la part du patient ou des parents ainsi que la
présence d’une toxicité aux ATS. Comme souvent dans le cadre des maladies rares, il n’y a
pas actuellement de recommandations basées sur des preuves (« evidence-based ») pour la
prise en charge de cette pathologie chez les enfants, contrairement aux adultes où la maladie est plus fréquente. Par conséquent, la stratégie de la prise en charge en pédiatrie varie
considérablement entre et à l’intérieur d’un même pays et dépend beaucoup des traditions
thérapeutiques locales et des ressources médicales, de l’âge et des préférences du patient, de
la taille du goitre et de la sévérité de la maladie.
Traitement médical par les antithyroïdiens de synthèse (ATS)
En pédiatrie, le traitement par les ATS est recommandé comme le traitement de
première intention. Les antithyroïdiens de synthèse les plus fréquemment utilisés sont
les thionamides : carbimazole (Neomercazole®) et son métabolite actif, methimazole
(Tapazole®). Ces médicaments inhibent la synthèse d’hormones thyroïdiennes en interférant avec l’iodination des résidus tyrosines par la thyroperoxydase dans la thyroglobuline.
Le propylthiouracile (PTU) permet aussi de bloquer la conversion de la thyroxine (T4)
en tri-iodothyronine (T3). Tous les thionamides sont associés à des réactions indésirables mineures (éruption cutanée, urticaire, arthralgies, troubles gastro-intestinaux) dans
environ 5 – 25 % des cas. Le principal effet indésirable grave des ATS est l’agranulocytose
avec une fréquence observée entre 0,2 et 0,5 % des cas pour tous les médicaments de cette
classe. D’autres effets indésirables sévères mais rares comme l’hépatite immunoallergique
et la vascularite, sont plus fréquemment observés avec le PTU qu’avec le carbimazole ou
le methimazole. Ainsi, le PTU n’est pas recommandé chez l’enfant [12]. La fréquence des
effets indésirables dose-dépendants et celle des effets indésirables graves est très faible chez
les patients recevant du carbimazole ou methimazole à une dose inferieure à 10 mg par jour
[13]. De plus, ces médicaments sont plus efficaces à court terme que le PTU. Le carbimazole
et le methimazole présentent encore un avantage majeur par rapport au PTU en termes de
compliance car ayant une demi-vie plus longue, ils sont efficaces en une seule prise par jour.
La posologie initiale de PTU est en moyenne de 5 à 10 mg/kg/jour avec une dose maximale
de 300 mg/jour en 3 prises alors que celle du carbimazole ou du methimazole est de 0,5 à
0,8 mg/kg/jour et au maximum de 30 mg/jour. Après 2 à 4 semaines, quand la sécrétion des
hormones thyroïdiennes est bloquée et leurs taux circulants normalisés, les doses des ATS
sont progressivement diminuées de 30 à 50 %. Il n’existe aucun bénéfice à maintenir une
dose élevée d’ATS associée à une thérapie de substitution par L-thyroxine. Au contraire, des
études récentes ont montré que le maintien de doses élevées d’ATS augmente la survenue
des effets indésirables liés au traitement (dose-dépendants). La prescription de médicaments
bétabloquants (à l’exception des patients asthmatiques ou ayant une insuffisance cardiaque)
pendant les 2 premières semaines du traitement permet de réduire la symptomatologie clinique initiale. Ce traitement peut être administré per os deux fois par jour à la dose de 2 mg/
kg/jour et doit être arrêté quand le patient est à nouveau en euthyroïdie.
La rémission de la maladie de Basedow est liée à la restauration de l’euthyroïdie plutôt
qu’à l’action immunosuppressive des ATS. L’hyperthyroïdie peut renforcer les mécanismes
auto-immuns qui entraînent une augmentation de la production d’auto-anticorps TSHr et
par conséquent une aggravation de l’hyperthyroïdie. Une fois que ce cercle vicieux est arrêté
par le traitement ATS entraînant la restauration de l’état d’euthyroïdie, la rémission de la
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maladie peut être obtenue progressivement [14]. Habituellement, la durée requise du traitement par les ATS pour obtenir la rémission de la maladie est plus longue chez l’enfant que
chez l’adulte et est actuellement estimée au moins à 2-4 ans, après le maintien d’un équilibre
stable de la fonction thyroïdienne. L’adhérence au traitement est alors un enjeu important
dans la prise en charge et devrait être améliorée par des stratégies appropriées d’éducation
thérapeutique. Néanmoins, le traitement n’a pas d’action directe sur les lymphocytes B ni
sur les auto-anticorps et pour cette raison l’inhibition des auto-anticorps par le traitement
ATS est souvent aléatoire. Les lymphocytes B ont un rôle important dans la présentation
des antigènes et sont précurseurs des cellules produisant les auto-anticorps. La déplétion en
lymphocytes B induite par le rituximab, un anticorps monoclonal, pourrait alors diminuer
ou bloquer de manière efficace la production des auto-anticorps anti-rTSH. Des essais cliniques restent nécessaires dans ce domaine [15].
Environ 30 % des enfants atteignent une rémission durable de leur maladie après 2 ans
de traitement par les ATS[1, 9, 16, 17]. Pour les autres patients, la thyroïdectomie subtotale ou un traitement par l’iode radioactif sont les alternatives thérapeutiques radicales.
Ces deux alternatives comportent un risque élevé d’hypothyroïdie définitive. Des études
randomisées, contrôlées sont encore nécessaires pour évaluer l’efficacité à court et à long
terme du traitement par ATS et compléter nos connaissances concernant ces médicaments
en pédiatrie.
Traitement par iode radioactif
Le traitement par iode radioactif est efficace chez les enfants qui présentent une hyperthyroïdie due à la maladie de Basedow [10]. La destruction de la glande thyroïde induite par
l’iode radioactif est obtenue dans la majorité des cas par une seule dose orale. La thérapie
radioactive a également un effet sur l’auto-immunité thyroïdienne. Des doses plus importantes (220-275 μCi/g, équivalents à environ 250 Gy) doivent être préférées aux doses plus
faibles d’I131. Le traitement radioactif comporte un risque modéré d’aggravation des signes
oculaires de la maladie, particulièrement chez les patients fumeurs. Il n’y a actuellement
aucune preuve d’un retentissement sur la fonction de reproduction des patients ayant été
traités pendant la période pédiatrique, ni d’une augmentation de la fréquence de malformations congénitales au sein de la descendance [18]. Ce traitement est actuellement largement
utilisé. Par contre, ce traitement est absolument contre-indiqué chez la femme enceinte ou
allaitante. Le traitement par l’iode radioactif doit également être évité chez les enfants très
jeunes car il est suspecté d’augmenter le risque de néoplasie. En raison de craintes sur les
risques à long terme potentiellement liés à ce traitement, des essais randomisés contrôlés
restent nécessaires pour répondre définitivement à ces questions. Dans tous les cas, le risque
d’hypothyroïdie définitive après traitement est élevé et nécessite une hormonothérapie de
substitution à vie par L-thyroxine et une surveillance appropriée.
Traitement chirurgical
La thyroïdectomie totale (ou presque totale) est souvent préférée à la thyroïdectomie
partielle (ou subtotale) afin de réduire le risque d’hyperthyroïdie récurrente. La vascularisation de la glande peut être réduite en associant au traitement par les ATS, un traitement
par l’iode (5-10 gouttes de solution Lugol), pendant la semaine qui précède la chirurgie. Le
traitement substitutif par L-thyroxine doit être débuté dans les jours qui suivent le geste
chirurgical. Lorsque le traitement chirurgical est pratiqué par un chirurgien pédiatrique
expérimenté, la survenue des complications liées à une lésion des glandes parathyroïdes
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F. KAGUELIDOU, J.-C. CAREL, J. LÉGER
(hypoparathyroïdie) et /ou des nerfs récurrents et/ou du larynx (paralysie) et /ou à la cicatrice (chéloïdes) est plus rare [11]. En cas de reprise de l’hyperthyroïdie après chirurgie, un
traitement par l’iode radioactif doit être envisagé car le risque de complications est plus
élevé après un deuxième acte chirurgical. La chirurgie est plus souvent recommandée chez
les patients avec un goitre très volumineux ou une ophtalmopathie sévère [11].
DEVENIR À LONG TERME
Taux de rémission
Environ 30 % des enfants traités médicalement pendant 2 ans par les ATS sont en
rémission, contrairement aux adultes où le traitement médical permet d’obtenir des taux
de rémission prolongée chez 40 % à 60 % des patients. Par conséquent, la fréquence des
rechutes est globalement plus élevée chez les enfants que chez les adultes. Ces rechutes sont
précoces, puisqu’approximativement 75 % des enfants rechutent dans les 6 mois qui suivent
la fin du traitement ATS, alors que seulement 10 % rechutent après 18 mois.
Facteurs prédictifs de rechute
L’identification précoce des facteurs prédictifs de rechute de l’hyperthyroïdie devrait
faciliter considérablement la prise en charge des patients, en permettant de proposer un
traitement médical prolongé ou un traitement radical plus précocement au cours de la prise
en charge. La majorité des études publiées dans ce domaine ont été limitées en raison de leur
caractère souvent rétrospectif et du petit nombre de patients étudiés. Néanmoins, comme
chez l’adulte, elles ont permis de montrer que l’âge, la taille du goitre, la sévérité initiale de
la maladie, le délai nécessaire à la survenue de l’euthyroïdie, les concentrations des autoanticorps anti-rTSH au diagnostic et à la fin du traitement ainsi que la durée du traitement
médical initial, étaient tous des facteurs prédictifs de la rechute de la maladie de Basedow
[1, 9, 17, 19, 20]. Certaines études chez l’adulte ont aussi permis d’évoquer le rôle de certains facteurs génétiques, comme l’association entre certains polymorphismes de gènes qui
interviennent dans la régulation de l’activation de cellules T (Cytotoxic T-lymphocyte associated antigene 4, CTLA-4 ; Proteine tyrosine phosphatase, PTPN22) et la persistance des
anticorps anti-récepteur de la TSH et/ou la survenue de rechute [21]. Néanmoins, aucune
de ces études n’a abouti à des modifications des pratiques cliniques.
L’étude prospective française récemment publiée a montré que le risque de rechute
de la maladie est plus élevé chez les patients d’origine ethnique non-caucasienne, de jeune
âge et aussi chez ceux avec une symptomatologie sévère au moment du diagnostic, comme
en témoignent les taux élevés des concentrations sériques des auto-anticorps anti-rTSH et
de la T4l [8]. Ainsi, après une première cure d’ATS de 2 ans, les patients non-caucasiens
avaient un risque 2,5 fois plus important de rechuter par rapport aux patients caucasiens.
Une augmentation de 10 points des concentrations sériques de T4l et de 10 points des multiples de la limite supérieure des normes pour les taux des anticorps anti-rTSH au moment
du diagnostic, étaient liées à une augmentation du risque de rechute de 18 % et de 21 %,
respectivement. Par ailleurs, la survenue d’une rechute était moins probable chez les enfants
plus âgés, avec une diminution du risque de 26 % par tranche d’âge additionnel de 5 ans. Le
risque de rechute était aussi réduit par une durée prolongée du traitement médical, soit une
réduction de 43 % tous les 12 mois supplémentaires de traitement par les ATS. Ces résultats
ont permis de souligner l’impact positif d’un traitement initial prolongé par ATS qui per-
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met d’augmenter la probabilité de survenue d’une rémission de la maladie, pouvant survenir
après une régression du processus auto-immun favorisée par l’euthyroïdie prolongée.
Au vu des résultats de cette étude, un score pronostique a été développé, permettant
l’identification au moment du diagnostic de la maladie, de trois groupes de patients avec des
risques différents de rechute. Ainsi, selon les caractéristiques cliniques et biochimiques au
moment du diagnostic et selon la durée du traitement prévu, les patients peuvent être classés
dans les groupes suivants : groupe A (groupe à faible risque, score 0 à 3, 38 % des patients),
groupe B (groupe à risque intermédiaire, score 4 à 7, 47 % des patients) et groupe C (groupe
à risque élevé, score 8 à 11, 15 % des patients) (Figure 3). Le taux prédit de rechute dans les
2 ans après la fin du traitement par les ATS est de 46 % pour les patients du groupe A, de
77 % pour ceux du groupe B, et de 98 % pour les patients du groupe C. Ce dernier groupe est
donc celui le plus à risque de rechute et pour lequel un traitement radical devrait être envisagé rapidement après le diagnostic [8]. Il faut néanmoins souligner que ce score nécessite
sa validation sur une autre population d’enfants avec une maladie de Basedow. Néanmoins,
son utilisation en pratique courante permet actuellement de mieux conseiller le patient et
les familles et de guider le choix du moment du traitement radical.
QUALITÉ DE VIE
Chez l’adulte, des conséquences défavorables de la maladie ont été décrites sur les mesures de la qualité de vie, avec des répercussions sur la santé mentale et la vitalité [22]. Ces
problèmes ne semblent pas être en relation avec le statut des hormones thyroïdiennes des
patients pendant la période de suivi, ni avec la nature du traitement (médical ou radical).
Ces aspects n’ont pas été encore évalués lorsque la maladie survient chez l’enfant, mais il
paraît nécessaire de mettre en place un suivi prolongé de ces patients pas seulement pour la
surveillance de la fonction thyroïdienne mais également pour dépister et prendre en charge
les éventuelles conséquences psychologiques ou émotionnelles.
CONCLUSION
En conclusion, la prise en charge thérapeutique des enfants avec une maladie de Basedow
peut être améliorée par l’utilisation d’un score pronostique avec une adaptation de la durée
du traitement médical initial par les ATS, en fonction des caractéristiques des patients au
diagnostic. Toutefois, en l’absence de larges études randomisées et contrôlées, la durée optimale du traitement initial reste encore à déterminer. Ce traitement paraît nécessairement
plus long chez l’enfant que chez l’adulte, et devrait comprendre une cure initiale d’environ
3-4 ans, soit plus prolongée par rapport au traitement de 2 ans qui était classiquement proposé. Dans certains cas, une deuxième cure de traitement médical peut être proposée. En
l’absence de rémission de la maladie, le traitement radical par l’iode radioactif est le plus
souvent proposé.
Comme pour toutes maladies chroniques, ces enfants et surtout les adolescents devraient
plus systématiquement bénéficiés d’un soutien adapté de la part des parents et des professionnels de santé afin d’améliorer leur adhérence au traitement médical et par conséquent
le contrôle de leur hyperthyroïdie qui reste un facteur pronostic évident. Des programmes
d’éducation favorisant cette approche doivent être développés. Le suivi prolongé jusqu’à
l’âge adulte est nécessaire, même après la fin de l’administration du traitement médical ou
après un traitement radical afin de déterminer l’efficacité de la prise en charge des patients
pendant l’enfance et l’impact sur leur santé générale.
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F. KAGUELIDOU, J.-C. CAREL, J. LÉGER
Florentia Kaguelidou, Jean-Claude Carel, Juliane Léger
Service d’Endocrinologie Pédiatrique, Centre de Référence Maladies Endocriniennes de la Croissance, Assistance
Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Robert Debré, Université Paris VII, Paris
Auteur correspondant :
Juliane Léger - Hôpital Robert Debré, 48 Bd Sérurier, 75019 Paris - [email protected]
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MALADIE DE BASEDOW CHEZ L’ENFANT : PRISE EN CHARGE ACTUELLE
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Figure 1
Distribution de l’âge au moment du diagnostic de la maladie de Basedow chez une cohorte de 154 enfants. La fréquence
de la maladie survient plus souvent chez les filles que chez les garçons. Elle augmente avec l’âge avec un pic au moment de
l’adolescence. Figure adaptée de Kaguelidou et al.[8] avec la permission de l’Endocrine Society Press.
Figure 2
Concentrations sériques de T4l, T3l et des auto-anticorps anti-rTSH (exprimés en multiples de la limite supérieure des
normes pour chaque méthode de dosage utilisée) dans une population pédiatrique au moment du diagnostic de la maladie de
Basedow [8]. Les « Box plots » montrent la médiane et le premier et troisième quartile dans chaque groupe.
Les points correspondent aux valeurs extrêmes.
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F. KAGUELIDOU, J.-C. CAREL, J. LÉGER
Figure 3
Moyenne cumulative de l’incidence de rechute dans les 2 ans suivant la fin du traitement médical initial par les ATS dans chacun
des 3 groupes de risque d’enfants avec une maladie de Basedow. Le score pronostique est défini comme la somme pondérée des
caractéristiques cliniques (Origine caucasienne = 0, non-Caucasienne = 2 ; âge > 12 ans = 0, âge entre 5 et 12 ans = 1, âge < 5 ans =
2) et biochimiques (T4l < 50 pmol/l = 0, T4l ≥ 50 pmol/l = 3 ; multiple de la limite supérieure des anticorps anti-rTSH ≤ 4x(N)
= 0, > 4x(N) = 1) au moment du diagnostic et de la durée prévue du traitement par les ATS (durée > 2 ans = 0, ≤ 2 ans = 3). Pour
chaque patient le score varie entre 0 et 11 ans.
Deux exemples de l’utilisation de ce score en pratique clinique sont présentés. Exemple 1 : un adolescent de 15 ans (0 points),
d’origine caucasienne (0 points) présente au moment du diagnostic une concentration sérique de T4l à 55 pmol/l (3 points) et des
taux d’anticorps anti-rTSH qui correspondent à 3 multiples de la limite supérieure des normes utilisées pour le dosage (0 points).
S’il est traité pendant une durée inferieure à 2 ans, son score total est à 7 (groupe à risque intermédiaire, environ 80 % de risque de
rechute dans les 2 ans suivant l’arrêt de son traitement ATS) alors que s’il est traité pendant plus de 2 ans, son score est 3 (groupe
à faible risque, plus d’une chance sur deux de ne pas rechuter dans les 2 ans suivant l’arrêt du traitement). Exemple 2 : un enfant
de 2 ans (2 points) d’origine ethnique non caucasienne (2 points) présente au moment du diagnostic des concentrations sériques
de T4l à 55 pmol/l (3 points) et des taux d’anticorps anti-rTSH à 5 multiples de la limite supérieure des normes de la technique
de dosage (1 point). Pour cet enfant la probabilité d’être en rémission après arrêt de son traitement médicale est quasi nulle, même
s’il est traité pendant plus de 2 ans (score à 8 ou 11 selon la durée de son traitement ATS). Dans ce dernier groupe d’enfants, les
options thérapeutiques « radicales » doivent être considérées lorsque l’enfant atteint un âge approprié pour le traitement par
l’iode radioactif ou la chirurgie.
Figure adaptée de Kaguelidou et al. [8] avec la permission de l’Endocrine Society Press.
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RISQUES RENCONTRÉS DANS LE TRAITEMENT DE
L’ACIDOCÉTOSE DIABÉTIQUE
par
C. PETIT-BIBAL, B. AZEMAR, A. ROTHENBUHLER,
G. DE FILIPO, P. BOUGNÈRES
L’acidocétose représente encore aujourd’hui la première cause de mortalité (avec des
chiffres allant de 0,15 à 0,3 %) et de morbidité chez les jeunes patients ayant un diabète de
type 1, notamment pour les séquelles (10 à 15 % des survivants après un œdème cérébral
développent une insuffisance hypophysaire). Les pédiatres et médecins vont être de plus en
plus souvent confrontés à la prise en charge d’acidocétoses en raison de l’augmentation de
l’incidence du diabète de type 1 chez l’enfant en Europe, plus particulièrement chez le jeune
enfant [1]. La fréquence de l’acidocétose lors de la révélation du diabète est d’environ 20 %
à 30 % chez les grands enfants et les adolescents alors que chez les nourrissons de moins de 2
ans, une acidocétose révèle le diagnostic dans 53 à 85 % [2]. Ces chiffres sont confirmés par
notre casuistique personnelle (50 % et 36 % d’acidocétoses respectivement chez les moins
de 5 ans et chez les plus de 5 ans).
La carence en insuline et ses conséquences métaboliques aboutissent à la mise en place
progressive de mécanismes d’adaptation permettant la survie. La mise en route du traitement déséquilibre brutalement cet état précaire et peut provoquer des complications de
rupture d’homéostasie volémique et ionique.
Les deux principales complications du traitement de l’acidocétose qui peuvent mettre
en jeu le pronostic vital et responsables de la morbi-mortalité sont l’œdème cérébral étudié
dans des séries publiées et les troubles ioniques notamment les dyskaliémies qui peuvent
entraîner des troubles du rythme cardiaque. Ces complications cardiaques ne sont jusqu’à
présent ni répertoriées ni étudiées.
ŒDÈME CÉRÉBRAL
L’œdème cérébral est une complication essentiellement pédiatrique de l’acidocétose
diabétique et/ou de son traitement. Sa fréquence est évaluée entre 0,5 % et 0,9 % [3, 4, 5]
des acidocétoses. Le risque augmente inversement avec l’âge. Une étude pilote rétrospective
de 160 acidocétoses graves (ph < 7,10) survenues dans les 10 dernières années dans 3 réanimations et un service de diabétologie pédiatrique en France a été conduite par l’un d’entre
nous (BA) tout récemment : elle a retrouvé 18 cas d’œdèmes cérébraux dont deux décès.
On a longtemps pensé que l’œdème cérébral était seulement provoqué par le traitement
de l’acidocétose. Des facteurs osmotiques paraissaient devoir être incriminés : une hydrata-
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C. PETIT-BIBAL, B. AZEMAR, A. ROTHENBUHLER, G. DE FILIPO, P. BOUGNÈRES
tion excessive et/ou trop rapide ainsi que la baisse brutale de la glycémie constituaient les
facteurs les plus convaincants. L’existence d’œdèmes cérébraux diagnostiqués avant tout
traitement et l’identification des facteurs de risque de survenue de l’œdème cérébral ont
questionné la physiopathologie de l’œdème cérébral. Deux séries pédiatriques rétrospectives d’acidocétoses diabétiques [3, 5] ont identifié comme facteurs de risque indépendants
d’œdème cérébral une urée élevée et une pCO2 basse. La rapidité de la baisse de la glycémie
et le volume de liquide perfusé à l’enfant n’ont pas été retrouvés comme favorisant l’œdème
cérébral de façon indépendante dans les cas étudiés par ces travaux. Mais l’apport de bicarbonates intraveineux et la non-augmentation de la natrémie au cours de la prise en charge
sont demeurés des facteurs favorisant l’œdème cérébral.
D’après des publications plus récentes, plusieurs facteurs semblent en réalité intriqués.
Des facteurs osmotiques : 1) Le transporteur Na/H de la membrane cellulaire est activé,
échangeant du H+ contre du Na extracellulaire. L’augmentation de la concentration intracellulaire de Na augmente le volume cellulaire au cours de l’hydratation. 2) L’hypertonicité
due à l’hyperglycémie favorise la production par les neurones de molécules osmotiquement
actives (myoinositol et taurine) [6]. Une hyperosmolarité relative persiste dans les neurones.
La baisse rapide de l’osmolarité plasmatique au cours du traitement crée un gradient important favorisant l’entrée d’eau dans le neurone.
Des facteurs vasogéniques sont également incriminés. Les corps cétoniques en excès dans
le cerveau [7] augmentent la perméabilité des microvaisseaux cérébraux via le cotransporteur Na-K-Cl de l’endothélium microvasculaire cérébral [8]. La re-perfusion, au cours du
traitement, de zones mal perfusées du fait de la déshydratation et de l’hypocapnie provoque
une expansion de l’espace extracellulaire cérébral par fuite endothéliale. Cette expansion de
l’espace extracellulaire est retrouvée lors de l’œdème cérébral par des méthodes d’imagerie
fonctionnelle [9].
Le traitement de l’acidocétose est donc un élément potentiellement aggravant de phénomènes pathologiques induits par l’acidocétose elle-même.
L’efficacité du traitement par le mannitol dans cette situation serait due d’une part à
son effet osmotique, d’autre part à son effet sur la viscosité sanguine et la déformation des
hématies qui améliore le flux sanguin cérébral [10].
Le diagnostic de l’œdème cérébral est avant tout clinique. Les signes doivent être recherchés avec soin. L’évaluation doit être faite toutes les heures. Les tentatives de classification
des symptômes en critères majeurs et mineurs pour le diagnostic ne nous ont pas convaincus.
Il faut prêter attention aux signes suivants : fluctuation de la conscience, réponse inadaptée à
des questions simples, difficultés à réveiller le patient, céphalées, vomissements, bradycardie
(diminution de plus de 20 battements par minute), TA diastolique > 90 mm Hg, incontinence. L’évaluation de la conscience et de la réponse aux questions doit être appropriée à
l’âge de l’enfant et tenir compte de l’asthénie importante habituelle lors d’une acidocétose.
Certains signes trop tardifs signent le diagnostic si l’on n’a pas correctement suivi l’évolution neurologique antérieure : réponse anormale à la douleur, paralysie d’un nerf crânien
(III, IV, VI), posture de décérébration, anomalies du rythme respiratoire : respiration de
Cheyne-Stockes, apnée.
Toute aggravation neurologique survenant au cours d’une acidocétose doit être considérée a priori comme un œdème cérébral et traitée comme tel.
L’œdème cérébral survient classiquement dans les 4 à 12 heures suivant le début du traitement. En réalité, l’œdème cérébral peut être présent avant même la prise en charge [3, 11].
Il faut alors savoir détecter une « non-amélioration » de l’état clinique sans attendre une
dégradation. Lorsqu’il existe une suspicion clinique, le traitement ne doit pas être différé
par la réalisation d’une imagerie. En effet, la tomodensitométrie cérébrale peut être normale
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RISQUES RENCONTRÉS DANS LE TRAITEMENT DE L’ACIDOCÉTOSE DIABÉTIQUE
243
jusque dans 39 % des cas [12] et sa réalisation ne fait que retarder le traitement. L’examen
du fond d’œil au lit du malade peut conforter le diagnostic mais sa normalité n’exclut pas
un œdème cérébral en cours de constitution.
Le traitement immédiat associe l’administration intraveineuse de mannitol à 20 % à une
diminution des apports hydriques et le positionnement en proclive dorsal. L’enfant doit
être dès que possible transféré dans un service de réanimation, qu’une ventilation assistée
soit d’emblée nécessaire ou non, du fait du risque d’aggravation neurologique imprévisible
et de survenue inopinée d’un arrêt cardiorespiratoire. En cas d’échec du Mannitol, l’alternative est la perfusion de sérum salé isotonique à 3 %.
La mortalité reste élevée, d’environ 20 % dans toutes les séries et représenterait 50 à
60 % de la mortalité des acidocétoses [4, 13].
Il est décrit des œdèmes cérébraux asymptomatiques, dont la fréquence est sans doute
sous-estimée [14].
Les diagnostics différentiels à évoquer devant des troubles de la conscience survenant
au cours d’une acidocétose diabétique rapportés dans la littérature sont les thromboses
artérielles ou veineuses cérébrales (l’acidocétose cérébrale s’accompagne d’un état d’hypercoagulabilité par augmentation des taux de fibrinogène et plasminogène ainsi que par les
anomalies endothéliales et plaquettaires) [15] ou des hémorragies de la substance blanche
[16, 17]. Dans ce cas, les troubles de la conscience sont au premier plan, accompagnés ou
non de signes de localisation. L’imagerie retrouve des hémorragies pétéchiales de la substance blanche. Les hypothèses actuelles sur l’origine de ces lésions prennent en considération la
possibilité d’un effet cytotoxique, dû à la réponse inflammatoire induite par l’acidocétose
[18 , 19] et/ou des phénomènes induits par le traitement lui-même.
COMPLICATIONS CARDIAQUES
Des arythmies et arrêts cardiaques sont rapportés lors de la prise en charge thérapeutique
d’acidocétoses diabétiques chez l’enfant et généralement attribués à des désordres ioniques
notamment des hypokaliémies [3, 20]. Cependant, aucune casuistique n’est publiée sur ces
complications potentiellement mortelles dont la prévalence est probablement sous-estimée.
L’étude pilote rétrospective de 160 acidocétoses graves (ph < 7,10) survenues dans les 10
dernières années dans 3 réanimations et un service de diabétologie pédiatrique en France
a retrouvé 3 arrêts cardiaques sur hypokaliémie dont 2 décès. Ces chiffres suggèrent une
prévalence de 3 % d’arrêt cardiaque en acidocétose grave. Les caractéristiques cliniques
de ces trois cas d’acidocétose graves inauguraux du diabète sont présentées dans le tableau
ci-dessous. Les points communs étaient une profonde acidose au début de la prise en charge
thérapeutique, l’administration de bicarbonates et l’absence de supplémentation potassique
intraveineuse systématique dès l’instauration de l’insulinothérapie dans deux cas. Cette
série est évidemment trop petite pour permettre des conclusions.
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C. PETIT-BIBAL, B. AZEMAR, A. ROTHENBUHLER, G. DE FILIPO, P. BOUGNÈRES
P1
P2
P3
Age (années)
12
13
3
sexe
M
F
M
Lieu de prise en charge initiale
réanimation
réanimation
SAMU
pH
6,96
6,77
6,84
Durée d’évolution de la polyurie
2 mois
inconnu
15 jours
Apport de bicarbonates
Oui x 2
Oui
Oui
Supplémentation initiale en potassium
?
non
non
Dose insuline UI/kg
0,2
0,1
0,1
Délai entre prise en charge
et l’arrêt cardiaque
H12
H4
H3
Complication
Décès
Trachéomalacie
Séquelle d’escarres
Pas de troubles neurologiques
Décès
Les pertes ioniques (sodium, potassium, phosphore, magnésium, chlore) sont constantes au cours des acidocétoses et systématiquement sous-estimées par les chiffres de l’ionogramme sanguin en raison de l’hémoconcentration secondaire à la déshydratation. Une
kaliémie dans les limites de la normale ne doit pas rassurer. La difficulté du prélèvement
chez un enfant déshydraté, la présence d’une hémolyse même minime du prélèvement et les
conditions d’urgences sont tous des facteurs qui contribuent à la non fiabilité de la valeur
de kaliémie observée. La perte potassique, dans sa majorité intracellulaire, est constante et sa
profondeur est corrélée à la durée de l’évolution de l’insulinopénie. Elle est de l’ordre de 4
- 10 mmol/kg [21]. Pour un enfant de 20 kg cela représente une perte de 8 à 16 grammes de
potassium. L’efflux du potassium intracellulaire est secondaire à l’hypertonicité du secteur
vasculaire qui entraîne un transport osmotique d’eau d’intra- en extracellulaire, créant ainsi
un gradient trans-cellulaire accru d’ions potassiques. La glycogénolyse et la protéolyse secondaires à l’insulinopénie contribuent également, à un moindre degré, à l’efflux de potassium
intracellulaire. L’acidose semble n’avoir qu’un effet minime sur les mouvements de potassium. De nombreux mécanismes contribuent à la perte du stock potassique : l’excrétion
urinaire des corps cétoniques (qui nécessite de l’excrétion de cations, notamment de sodium
et potassium), la diurèse osmotique et l’hyperaldostéronisme secondaire à la baisse de la
volémie. La réhydratation et la correction de l’acidose entraînent des mouvements transcellulaires brutaux d’eau et d’ions qui démasquent ce déficit provoquant le risque. En effet,
l’hypokaliémie apparaît le plus souvent au cours des premières heures du traitement alors
que la kalicytie reflétée par les anomalies de l’ECG peut être basse dès le début de la prise en
charge. L’analyse de la repolarisation cardiaque sur l’ECG a une valeur très importante lors
de la prise en charge des acidocétoses diabétiques, le signe le plus précoce d’hypokalicytie
est l’apparition d’une onde U dans les dérivations DI, DII et AvF. De réalisation facile et
d’interprétation immédiate, elle renseigne sur les stocks intracellulaires de potassium donc
sur les risques de troubles du rythme cardiaque. Une kaliémie et un ECG normaux au diagnostic ne doivent pas faire écarter la présence d’une hypokaliémie car le déficit est constant.
L’administration de potassium doit donc être systématique dès l’administration d’insuline
dans tous les protocoles de prise en charge de l’acidocétose de l’enfant de même que la sur-
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RISQUES RENCONTRÉS DANS LE TRAITEMENT DE L’ACIDOCÉTOSE DIABÉTIQUE
245
veillance électrocardiographique pour rechercher des signes d’hypokaliémie intracellulaire.
Un autre facteur, non lié à la prise en charge thérapeutique, prédisposant aux troubles du
rythme cardiaque au cours de l’acidocétose diabétique pourrait être l’allongement de l’espace QT corrigé (dont la moyenne passe de 450 ms à 407 ms après correction de l’acidose)
constaté dans une cohorte de 30 enfants en acidocétose diabétique [22].
La survenue de troubles du rythme cardiaque en acidocétose diabétique est d’autant plus
grave que les conséquences électrophysiologiques directes de l’acidose sur le coeur expliquent
au moins en partie que les arrêts cardiaques dans cette situation sont difficiles à récupérer.
En effet, l’acidose a un effet inotrope négatif sur le cœur qui est partiellement compensé par
l’augmentation des amines vasopressives, cependant au fur et à mesure que l’acidose s’aggrave le myocarde répond de moins en moins à ces amines et quand le ph est inférieur à 7 le
myocarde ne répond pratiquement pas à l’adrénaline et la noradrénaline [23].
Le risque d’arrêt cardiaque pendant le traitement de l’acidocétose diabétique grave chez
l’enfant avec les protocoles thérapeutiques actuellement appliqués est évalué à 3 % d’après
le recueil de donnés de notre service. Exceptés des cas individuels [24, 25], aucune publication ne permet d’évaluer l’incidence ni les facteurs prédictifs cliniques ou thérapeutiques
de cette complication presque toujours mortelle. Cependant, d’après les connaissances de
la physiopathologie des désordres ioniques au cours de cette urgence métabolique, il est
important de prescrire une supplémentation potassique systématique dès la mise en route
de l’insulinothérapie et un monitorage cardiaque. L’administration de bicarbonates reste
discutée dans la littérature.
Les décès par complications cardiaques sur hypokaliémie iatrogène survenant 6 - 12
heures après l’instauration de l’insulinothérapie sont connus et décrits depuis les années
1975 (JP Assal) et déjà attribués à un manque d’apport en potassium et un usage trop large
des bicarbonates.
AUTRES COMPLICATIONS
Même si elles ne sont pas liées aux modalités de traitement, il nous semble important de
signaler la possibilité de complications pulmonaires. Elles peuvent être dues soit à l’inhalation de liquide gastrique (« fausse route ») soit à l’état de déshydratation sévère entraînant
des atélectasies par la formation de véritables « bouchons » de sécrétions bronchiques.
Dans le premier cas, elles doivent être prévenues par la mise en place d’une sonde dans l’estomac et par l’aspiration du contenu gastrique souvent abondant (gastroparésie de carence
potassique) chez tout enfant ayant un trouble de conscience, des nausées ou des vomissements répétés. Il est donc important, surtout pendant les premières heures de la correction,
de ne pas « céder » à la demande du patient de boire.
L’humidification par aérosol des voies aériennes en cas de symptomatologie respiratoire
est efficace pour la diminution des risques d’atélectasie, mais la surveillance de la dynamique
respiratoire reste fondamentale.
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C. PETIT-BIBAL, B. AZEMAR, A. ROTHENBUHLER, G. DE FILIPO, P. BOUGNÈRES
CONCLUSION
Même en 2010 le traitement de l’acidocétose diabétique chez l’enfant et l’adolescent
garde de grands risques, avec des taux de mortalité et de séquelles à long terme notables.
La prise en charge doit donc être assurée par une équipe expérimentée, s’appuyant sur des
protocoles écrits et constamment améliorés selon les indications de la littérature.
Il est impératif d’assurer une correction progressive des troubles installés sur plusieurs
heures voire jours et pour lesquels l’organisme a mis en place des mécanismes d’adaptation.
Si on considère que la sévérité des anomalies métaboliques retrouvées dans l’acidocétose
(et par conséquent les difficultés qui en dérivent au moment de la correction) est liée à la
durée de la symptomatologie, la prévention des situations les plus graves devrait absolument
passer par une meilleure information afin d’éviter les retards diagnostiques. On a remarqué
que l’incidence des acidocétoses diabétiques inaugurales est inversement corrélée à l’incidence géographique de la maladie, témoignant de l’importance d’une formation du corps
médical et de la population. Des campagnes de sensibilisation simples portant sur le message
de ne pas négliger une polyurie de l’enfant ont conduit à une diminution significative des
cas d’acidocétose révélatrice [26].
Cécile Petit-Bibal, Benjamin Azemar, Anya Rothenbuhler, Gianpaolo De Filipo, Pierre Bougnères
Auteur correspondant :
Cécile Petit-Bilal - Hôpital Saint Vincent de Paul - Service d’endocrinologie pédiatrique – Paris
[email protected]
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INFARCTUS CÉRÉBRAL ARTÉRIEL NÉONATAL :
QUE NOUS APPREND LA COHORTE AVCNN ?
par
S. CHABRIER, B. HUSSON, P. LANDRIEU
Avec une incidence de 1/2300 à 1/5000 naissances, l’infarctus cérébral artériel périnatal
est la forme la plus fréquente d’infarctus cérébral de l’enfant. Si la présentation clinique,
l’imagerie et les déterminants de l’évolution motrice sont bien caractérisés, de nombreuses
interrogations demeurent sur les causes de la maladie et l’évolution des enfants à long terme.
Ni la fréquence, ni les facteurs pronostiques des séquelles épileptiques, cognitives ou comportementales ne sont de fait connus précisément.
D’autre part, le terme générique d’infarctus cérébral artériel périnatal unit plusieurs
catégories : les infarctus anténatals (vus sur l’imagerie avant la naissance), les infarctus
néonatals (symptomatiques dans les 28 premiers jours de vie) et les infarctus présumés
d’origine périnatale (découverts ultérieurement, le plus souvent devant une hémiplégie
infantile) [1]. Les différentes séries publiées à ce jour sont pour la plupart rétrospectives et
ont inclus indifféremment ces diverses catégories, alors que chacune a des facteurs de risque
et des caractéristiques évolutives propres [2]. D’où l’intérêt du recueil systématique par des
réseaux multidisciplinaires de bases de données homogènes, prospectives et établies suivant
un plan d’investigations prédéfini et du maintien du suivi sur une longue période, reconnu
comme l’un des moyens d’aborder la physiopathologie et l’évolution naturelle d’une maladie rare [3].
LA MISE EN PLACE DE LA BASE DE DONNÉES :
LA COHORTE AVCNN
C’est donc avec cet objectif que l’étude AVCnn a débuté en 2003. La motivation de
l’ensemble des investigateurs (cf. liste infra) et les soutiens financiers institutionnels et
associatifs (Ministère de la santé et des solidarités, Fondation motrice, Association des
paralysés de France, Fondation Garches, Centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne)
permettent désormais de la faire vivre suivant le plan d’investigation établi pour les âges de
1, 2, 3,5 et bientôt 7 ans.
La population concernée était l’ensemble des nouveau-nés hospitalisés dans les 39 services de néonatologie et de neurologie pédiatrique participants durant la période d’inclusion
de novembre 2003 à octobre 2006. 112 nouveau-nés répondant aux caractéristiques suivantes ont été signalés :
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-
naissance à terme ;
symptomatologie neurologique dans les 28 premiers jours de vie ;
confirmation par l’imagerie (scanner X ou résonance magnétique) de lésions ischémiques en rapport avec une localisation artérielle ;
- exclusion des lésions trop diffuses (i.e. intéressant plus de trois territoires artériels) pour
éviter la confusion avec l’encéphalopathie anoxique-ischémique et des thromboses veineuses.
Après relecture des dossiers cliniques et d’imagerie, 100 enfants ont satisfait à ces critères. Ils constituent la cohorte.
Outre le caractère prospectif et le nombre d’inclus, l’homogénéité de la population est
le principal intérêt de l’étude, puisqu’elle s’intéresse uniquement aux enfants ayant eu un
infarctus cérébral artériel néonatal. D’autre part, l’inclusion des seuls nouveau-nés à terme
permet de ne pas interférer dans le suivi avec les conséquences développementales propres
à la prématurité.
LES PREMIERS RÉSULTATS
Une présentation clinique très stéréotypée [4]
Typiquement, les premiers signes cliniques sont survenus dans les 3 premiers jours de
vie chez un enfant en bonne forme jusque là, après une grossesse normale (mais un peripartum souvent compliqué). Il s’agissait dans la grande majorité de crises cloniques focales et
répétées, controlatérales à l’accident ; celui-ci étant le plus souvent de localisation cérébrale
moyenne superficielle gauche (tableau 1). L’examen clinique était pauvre. Ces éléments
étaient tout à fait en accord avec la littérature et c’est cette présentation très spécifique qui
fait facilement reconnaître l’infarctus par les cliniciens impliqués dans la prise en charge des
nouveau-nés.
Les facteurs de risque anamnestiques, cliniques et biologiques
Ces caractéristiques obstétricales et néonatales ont été comparées à la population générale par l’intermédiaire de la base de donnée Audipog. Ce réseau sentinelle est un maillage
territorial constitué d’une centaine de maternités publiques et privées à partir duquel un
système de pondération statistique permet de déduire à l’échelle nationale le profil obstétrical et néonatal de la population (voir www.audipog.net). Le tableau 2 rapporte ces résultats.
Les éléments statistiquement significatifs (au risque de 5 %) et donc les facteurs de risque
d’infarctus dans notre population sont listés en gras.
Certains de ces facteurs avaient été antérieurement définis : histoire familiale de thrombose, antécédents de fausse couche, gémellité, infection materno-foetale, sexe masculin,
souffrance fœtale aiguë ou nécessité de césarienne [1]. A l’inverse nous n’en avons pas
retrouvé d’autres pourtant bien établis comme la toxémie [1]. Par ailleurs, la grossesse
n’était pas plus souvent compliquée que dans la population générale et le poids de naissance
était normal. Ces éléments n’étaient pas attendus pour une pathologie suspectée d’origine
vasculo-placentaire (cf. infra) et suggèrent la participation d’évènements périnatals en plus
des conditions anténatales. La restriction des critères d’inclusion aux seuls nouveau-nés
symptomatiques pourrait expliquer ces divergences avec la littérature. La pathogénie de
l’infarctus périnatal est en effet différente chez les enfants nés à terme vs les prématurés et
entre ceux ayant une présentation clinique néonatale vs une présentation retardée (infarctus
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présumé d’origine périnatale) [2, 4].
Les résultats d’études antérieures définissant l’hypercoagulabilité comme facteur de
risque n’ont pas non plus pu être reproduits [1, 5]. La prévalence du facteur V Leiden ou
de la mutation G20210A du facteur II chez l’enfant ou sa mère était notamment tout à fait
similaire dans la cohorte AVCnn à celle attendue dans la population générale [6]. Même si
l’analyse d’autres facteurs thrombophiles (anticoagulants circulants, antithrombine, protéines C, S et Z, inhibiteur du facteur tissulaire) plus sujets que les précédents aux éléments
épigénétiques et environnementaux nécessite encore des contrôles, il faut noter que ces
résultats sont bien en accord avec la pratique quotidienne et l’impression d’une régulière
négativité du bilan biologique dans l’infarctus cérébral artériel néonatal. Le seul déterminant biologique trouvé fut l’élévation (> 30 ng.mL-1) de la lipoprotéine (a) chez 38 % des
mères et 22 % des enfants contre 10 et 5 % attendus dans la population générale [7].
Cette distinction avec les séries jusqu’alors rapportées est en partie liée à la diversité
génétique des populations investiguées. Il est probable qu’elle reflète aussi les différences
physiopathologiques (et donc de facteurs de risques) entre les diverses catégories d’infarctus
périnatals. Difficile donc à la vue des résultats de la cohorte AVCnn de faire des recommandations quant à l’intérêt du bilan biologique chez un enfant ayant eu un infarctus cérébral
artériel néonatal.
Quelle imagerie et quand ?
Chez un nouveau-né qui convulse, l’examen premier est souvent l’échographie transfontanellaire. En cas d’infarctus néonatal, elle montre une hyperéchogénicité triangulaire
à base corticale, typiquement bien limitée et parfois des anomalies de la vascularisation en
doppler. Sa sensibilité passe de 68 % dans les 3 jours suivant la naissance à 87 % entre J4
et J10 [8]. L’échographie peut donc rester négative et ne permet pas toujours de localiser
l’infarctus ni d’évaluer son étendue. Enfin, le diagnostic différentiel avec une hémorragie
est parfois difficile en cas d’hyperéchogénicité mal limitée et une imagerie en coupe doit la
compléter. Mis à part ce dernier point, le scanner X a les mêmes limitations. L’IRM présente
à l’inverse trois avantages :
- une visualisation précoce et fine de la localisation et de la taille de l’infarctus ;
- une datation fiable de l’accident ;
- une bonne corrélation avec le pronostic moteur.
Initialement, les signes peuvent être discrets sur les séquences pondérées en T1 et T2
(dédifférenciation cortex/substance blanche, tous deux en hyposignal T1 et hypersignal
T2) alors qu’ils sont évidents en diffusion : franc hypersignal de systématisation artérielle
(voir figure). Après 10-15 jours, alors que la diffusion se négative, les séquences T1 et T2
montrent des anomalies franches. En fonction de leur taille, ces lésions évoluent vers une
atrophie focale ou vers une cavitation avec destruction du parenchyme, pouvant apparaître
dès la 3ème semaine. Cette évolution de la séméiologie radiologique est remarquablement stable d’un nouveau-né à l’autre et permet d’établir que les infarctus néonatals se constituent
pour leur grande majorité au cours du péripartum [9, 10].
Deux signes paraissent spécifiques au nouveau-né : un hypersignal T1 surlignant la
limite interne de la zone ischémiée et une anomalie de signal précoce du faisceau corticospinal (voir figure). L’hypersignal T1, inconstant et d’origine incertaine, se renforce souvent
après 10-15 jours et peut faciliter la mise en évidence de la lésion. L’anomalie de signal qui
suit le trajet du faisceau corticospinal de la capsule interne au tronc cérébral s’exprime dès les
premiers jours en diffusion. Ces structures peuvent ensuite s’atrophier. Ces modifications,
rapportées au phénomène de destruction axonale survenant à distance de la zone lésionnelle
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S. CHABRIER, B. HUSSON, P. LANDRIEU
(dégénérescence wallérienne), sont pronostiques de l’évolution motrice [10].
L’IRM avec séquences de diffusion et d’angiographie est donc la technique à privilégier
au décours de l’échographie initiale. Elle est à réaliser au mieux entre le 3ème et le 7ème jour de
vie pour assurer la meilleure information, notamment pronostique.
LA CAUSE DE L’INFARCTUS
Un des objectifs de l’étude AVCnn était la détermination des causes et mécanismes de
l’accident ; ceux-ci restant à l’heure actuelle au stade d’hypothèse. La principale théorie fait
néanmoins intervenir en premier lieu le placenta [1]. L’étude des facteurs de risque montre
en effet que la plupart sont des déterminants ou des biomarqueurs de la pathologie vasculoplacentaire : thrombophilie constitutionnelle, gémellité, éclampsie, chorio-amniotite,
retard de croissance intra-utérin, diabète gestationnel … L’hypercoagulabilité (l’un des
facteurs les plus étudiés mais avec les réserves exprimées plus haut) est par exemple une
cause établie d’anomalie du développement de la vascularisation placentaire induisant
un dysfonctionnement de la circulation materno-fœtale, l’occlusion de capillaires et la
constitution d’infarctus placentaires. La circulation fœtale implique de plus qu’un thrombus
formé sur ces lésions embolise préférentiellement dans les artères cérébrales par le foramen
ovale. L’hypercoagulabilité physiologique et transitoire du peripartum (aggravant donc les
conséquences d’une éventuelle thrombophilie constitutionnelle) pouvant expliquer le pic
de constitution des accidents à cette période.
L’autre hypothèse pour expliquer cette chronologie est d’impliquer une lésion des
artères à destinée encéphalique lors de l’accouchement lui-même. Les dissections artérielles,
cause courante d’infarctus cérébral du sujet jeune, peuvent être dues à un traumatisme direct
ou des mouvements de torsion du cou, qu’on peut imaginer lors d’extractions difficiles.
Bien qu’attestée par certaines observations neuropathologiques ou d’imagerie, la fréquence
de ce mécanisme traumatique a toujours été considérée comme rare. Néanmoins, aucune
étude ne s’est focalisée sur les investigations vasculaires dans l’infarctus cérébral néonatal et
la prévalence de ce type de lésion artérielle n’est pas connue. L’étude AVCnn a également
failli sur ce point. D’une part, trop peu de placentas ont pu être analysés et d’autre part,
nous avons constaté a posteriori que la principale technique d’imagerie proposée dans le
protocole (l’écho-doppler) n’était pas adaptée à l’exploration de la vasculature cervicale du
nouveau-né [4].
Si les deux types de mécanismes ont été observés dans la cohorte AVCnn, leur fréquence relative et l’implication d’autres mécanismes restent donc à déterminer. Il semble
néanmoins qu’il existerait deux populations différentes de nouveau-nés à risque d’infarctus
cérébral néonatal :
- ceux avec un faible poids de naissance, sujets aux facteurs de risques d’insuffisance vasculo-placentaires et donc à une embolie placento-cérébrale ;
- les bébés de gros poids, plus à risque de complications mécaniques lors de l’accouchement lui-même. Ces derniers ont une présentation clinique plus précoce et plus sévère
que les précédents et des facteurs de risque qui les rapprochent de la population des
nouveau-nés avec souffrance fœtale aiguë [4, 6, 11, 12].
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L’ÉVOLUTION DES ENFANTS
Dans la cohorte AVCnn
Deux enfants sont décédés en période néonatale et quatre familles ont été perdues de
vue. L’évolution motrice est donc connue à 2 ans pour 94 enfants : 23 ont une déficience
motrice (24 %, IC 95 % : 15-35 %) de type hémiplégie infantile. Deux signes d’imagerie
accessibles avant le 28ème jour de vie étaient très fortement corrélés à cette évolution motrice
défavorable :
- l’atteinte concomitante du territoire cérébral moyen profond et superficiel ;
- les signes de souffrance du faisceau cortico-spinal.
Le risque d’hémiplégie est en effet de 67 % chez les enfants ayant un de ces deux signes
contre 6 % chez ceux qui n’en ont aucun (p < 0,0001) [10].
L’approche neurologique exclusive est cependant insuffisante à apprécier l’évolution
globale de l’enfant, et l’intérêt clinique a évolué ces dernières années de la lésion organique
vers l’incapacité fonctionnelle jusqu’à désormais se centrer sur la santé perçue. De plus, dans
les domaines médicaux comme l’infirmité motrice cérébrale pour lesquels la guérison n’est
pas assurée, la qualité de vie est un objectif de soin. Vient ainsi de se terminer l’évaluation à
l’âge de 3,5 ans de la qualité de vie de l’enfant (par le questionnaire QUALIN), de son autonomie (par la Mesure de l’indépendance fonctionnelle adaptée à l’enfant : MIF môme) et
de sa fonction motrice globale (par l’échelle EMFG). Si les données sont disponibles depuis
mai 2010, elles sont encore en cours d’analyse. Le but étant d’aider à centrer les décisions
thérapeutiques sur l’intérêt et le bien-être de l’enfant, à favoriser la compréhension de l’impact de la maladie et à prévenir les dysfonctions psychosociales qu’elle engendre.
Dans la littérature, l’évolution a longtemps été considérée favorable
L’évolution néonatale puis dans les premiers mois est le plus souvent simple. Les crises
d’épilepsie sont facilement maîtrisées par le traitement initial, le nouveau-né pouvant quitter le service sans traitement ni prise en charge spécifique. Le décès en période néonatale est
surtout décrit dans les séries les plus anciennes. Avec l’amélioration des soins néonatals, il
est devenu plus rare : 2/100 enfants dans notre expérience, 2/60 et 2/42 dans d’autres séries
[12, 13].
Jusqu’à ces dernières années, la plupart des études avaient cependant limité le suivi à 2
ou 3 ans, durée insuffisante pour évaluer l’ensemble des conséquences neurologiques d’une
agression cérébrale néonatale. Les quelques études (à partir d’un faible nombre d’enfants)
avec le plus long suivi étant aussi celles qui montraient l’évolution la plus défavorable. Les
deux publications les plus récentes qui apprécient le développement à l’âge scolaire incluent
désormais 31 et 26 enfants [14, 15]. Elles montrent des résultats divergents (cf. infra) et
seront à contrôler à partir d’une population plus importante.
Mais cette vision optimiste est contestée par l’expérience clinique [16]
La principale théorie sous-tendant en effet la meilleure récupération des nouveau-nés et
des enfants (par rapport aux adultes) après atteinte cérébrale précoce est celle de la plasticité
neuronale, c’est-à-dire le transfert des fonctions cérébrales sur une zone corticale non lésée
après réorganisation neuronale et synaptique. Sans remettre en cause les fondements neuroscientifiques bien établis de cette plasticité, son intérêt clinique doit être mis en balance avec
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la théorie de la vulnérabilité précoce : une lésion cérébrale aura d’autant plus de conséquences qu’elle est survenue tôt dans la vie car le développement des zones cérébrales non directement impliquées sera gêné par l’absence de relations qu’elles n’auront pu normalement
établir avec cette zone cicatricielle. Les deux mécanismes développementaux interviennent
en fait probablement après cérébro-lésion précoce et leurs conséquences respectives et opposées ne seront sans doute appréciées qu’avec le suivi clinique [17].
Il apparaît ainsi que la majorité des enfants ayant eu un infarctus cérébral périnatal garde
des séquelles. La cohorte californienne de 36 enfants montre par exemple une incidence de
58 % de séquelles motrices (essentiellement hémiplégie cérébrale infantile), sévère dans 21 %
des cas [13]. Dans cette même étude, 39 % des enfants avaient une épilepsie, 25 % un retard
de langage et 22 % des troubles du comportement. Seuls 20 % n’avaient pas de séquelles
après un suivi médian de 41 mois.
Est-il dès lors possible de prédire – voire de prévenir - cette évolution défavorable ?
Le développement moteur
C’est l’évolution qui est la mieux connue. L’examen moteur est en effet simple à réaliser
chez le jeune enfant lors d’une consultation standard. D’autre part, la fonction motrice
étant l’une des premières à se développer pleinement, une déficience apparaîtra plus tôt
que pour d’autres aptitudes plus cognitives. Dans les cohortes d’enfants avec présentation
néonatale, le risque de séquelles patentes varie de 24 à 48 % ; le problème pour le clinicien
étant de déterminer quels enfants deviendront hémiplégiques.
Comme on l’a vu, l’imagerie permet désormais d’établir ces facteurs pronostics dont
les deux principaux sont la localisation de l’accident et la présence de signes de souffrance
du faisceau cortico-spinal. L’intérêt de ceux-ci est leur caractère précoce puisqu’ils sont
accessibles sur l’imagerie initiale, c’est-à-dire bien avant l’apparition des premiers signes
cliniques. S’ils permettent pour l’instant simplement d’affiner l’information à la famille et
d’adapter la surveillance et la prise en charge médicale, rééducative et de réadaptation, on
peut dans l’avenir envisager chez les nouveau-nés à risque majeur, qu’une prise en charge
précoce et individualisée par les techniques émergentes de rééducation (thérapie miroir,
thérapie par contrainte induite …) serait d’autant plus efficace que l’enfant n’a pas encore
de symptômes.
L’épilepsie
Une seule étude s‘est spécifiquement intéressée au sujet [18]. Dans cette cohorte de 61
enfants, 30 (50 %) ont eu au moins une crise après la période néonatale, 8 (13 %) ont présenté des spasmes infantiles et 28 (48 %) avaient une épilepsie à la fin du suivi. La majorité
était bien équilibrée par le traitement ou en cours de sevrage tandis que 7 (11 %) gardaient
une épilepsie sévère. Les auteurs n’ont pu déterminer de facteurs pronostiques. Dans la
cohorte AVCnn, 11 enfants ont eu pour l’instant au moins une convulsion post-néonatale.
L’incidence de l’épilepsie ni ses déterminants n’ont encore été analysés.
L’évolution cognitive, comportementale et scolaire
C’est celle qui est le moins bien connue notamment parce qu’elle est très dépendante de
la durée de suivi. D’autre part, les tests généraux sont parfois insuffisants pour mettre en évidence des déficits cognitifs spécifiques. 27/31 enfants de la cohorte londonienne ont pu être
évalués à un âge médian de 5 ans et 9 mois [14]. Le quotient intellectuel (QI) était normal
(moyenne 104, intervalle 82 à 144) chez 21. Six enfants avaient un QI bas ou très bas associé
à des problèmes comportementaux. Le QI verbal était plus bas et plus variable que le QI
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performance. Les auteurs n’ont pu déterminer d’association entre les séquelles cognitives et
le côté ou la taille de l’infarctus. Par contre, les séquelles cognitives étaient plus fréquentes
chez les enfants hémiplégiques et épileptiques. Ces éléments sont à pondérer à la vue d’une
étude plus récente incluant 26 enfants [15]. Alors que les évaluations faites dans la période
pré-scolaire (5-6 ans) étaient normales pour la majorité des enfants, une évaluation plus tardive (6-11 ans) a montré un déclin significatif du QI, révélateur de l’émergence de difficultés
dans le raisonnement non verbal, la mémoire de travail et la vitesse de traitement. 69 % des
enfants ont eu une chute d’au moins un point sur l’un ou l’autre des subtests du QI.
L’ensemble des auteurs insiste donc sur la nécessité de continuer le suivi des enfants. Il
sera également important d’évaluer le devenir comportemental. Dans la cohorte AVCnn,
de nombreux parents contactés pour l’évaluation à 3,5 ans ont signalé qu’ils trouvaient leur
enfant particulièrement agité. S’il est difficile de faire un lien absolu avec l’accident néonatal, ce point sera à affiner.
Le risque de récidive
Il s’agit d’une question régulièrement posée par les parents à l’annonce du diagnostic
d’infarctus cérébral chez leur enfant. Celle-ci s’entendant de deux façons :
- « mon enfant a-t-il un risque d’avoir un nouvel infarctus cérébral ? »
- « y a-t-il un risque d’infarctus périnatal lors d’une future grossesse ? »
La réponse habituelle est « non » pour les deux questions ou plus précisément : « pas
plus que pour la population générale ». Si la première réponse repose sur des bases factuelles,
la deuxième reste à ce jour empirique. Aucune récidive n’est en effet rapportée par la plupart des séries ni dans une étude de population de 84 enfants [19]. Dans la plus importante
cohorte publiée, incluant 215 enfants, seuls quatre ont eu un deuxième infarctus artériel
[20]. Deux avaient une cause constitutionnelle identifiée dès la période néonatale : maladie
de moyamoya et cardiopathie congénitale. Après un suivi médian de 3,5 ans, le taux de
récidive d’accident artériel sans anomalie cardiovasculaire sous-jacente est donc inférieur
à 1 % dans cette série. Alors que la plupart des enfants ont été revus à l’âge de 3,5 ans, il
n’a pas non plus été constaté de récidive dans la cohorte AVCnn. C’est pour cette raison
qu’aucun traitement spécifique n’est proposé en prévention secondaire aux enfants ayant
eu un infarctus cérébral périnatal.
Même si quelques cas familiaux ont été rapportés, l’expérience clinique montre aussi
qu’il n’y a en général qu’un enfant atteint par famille. Si nous n’avons pas connaissance
dans notre population d’histoire familiale, cette question cependant n’a pas été spécifiquement abordée par le protocole, ni dans la littérature. Il est donc prévu d’éclaircir ce point
lors de la prochaine entrevue prévue avec les enfants de la cohorte à l’âge de 7 ans. Répondre
à cette interrogation et apporter une réponse rassurante aux familles (résultat attendu) serait
en effet une retombée clinique importante et originale de l’étude.
LA SUITE
La prochaine étape est l’évaluation à l’âge de 7 ans (de novembre 2010 à octobre 2013)
de l’évolution neurologique et développementale (cognitive, exécutive, langagière et comportementale) et la réussite scolaire des enfants de la cohorte et la caractérisation des déterminants précoces de cette évolution. Il est également prévu de décrire par IRM fonctionnelle
la réorganisation de la connectivité neuronale anatomique et fonctionnelle par rapport à des
témoins du même âge.
L’évaluation de l’incidence des traumatismes cervicaux à l’origine des infarctus péri-
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S. CHABRIER, B. HUSSON, P. LANDRIEU
natals devra faire appel à de nouvelles études avec des techniques fiables, non invasives et
séquentielles d’imagerie des artères cervico-encéphaliques du nouveau-né. A plus long terme,
il serait aussi intéressant de pouvoir comparer les caractéristiques de la cohorte AVCnn à
une population d’enfants ayant eu un infarctus présumé d’origine périnatal. C’est-à-dire en
pratique, les enfants vus à l’âge de quelques mois devant un tableau d’hémiplégie infantile.
Contrairement aux deux premières, qui vont démarrer prochainement, ces deux nouvelles
études restent à l’heure actuelle au stade du projet.
Le but final étant d’élaborer des protocoles de recherche clinique interventionnelle
avec l’objectif, soit de prévenir la survenue de l’infarctus, soit d’en limiter les conséquences
développementales.
Stéphane CHABRIER1, Béatrice HUSSON2, Pierre LANDRIEU3
1service de néonatologie et de réanimation pédiatrique, centre hospitalier universitaire, 42055 Saint-Etienne
cedex 2 ; Inserm CIE3 F-42055 Saint-Etienne.
2service de radiodiologie pédiatrique, hôpital Bicêtre, assistance publique hôpitaux de Paris, 94275 Le Kremlin
Bicêtre cedex.
3service de neurologie pédiatrique, hôpital Bicêtre, assistance publique hôpitaux de Paris et université Paris-Sud 11,
94275 Le Kremlin Bicêtre cedex.
Auteur correspondant :
Stéphane CHABRIER - [email protected]
APPENDICE (PARTICIPANTS À L’ÉTUDE AVCNN)
S Nguyen The Tich (Angers), H Testard (Annemasse), J Nzonzila, K Othmani (Aulnay sous bois), M Boutrolle,
JP Laboureau (Auxerre), S Lamoureux-Toth, P Masson (Avignon), H Apéré, P Jouvencel, L Lazarro, S Rivera
(Bayonne), L Razafimanantsoa (Beauvais), G Thiriez (Besançon), E Lachassine, C Mignot (Bondy), F Villega
(Bordeaux), F Audic-Gérard, S Brochard, V Laparra, J Lefranc, S Peudenier (Brest), T Lecine (Cahors), N Meier
(Carcassone), S Gay, R Matta (Chalon sur Saône), V Gajdos (Clamart), B Lecomte (Clermont-Ferrand),
M Raqbi, L Tahraoui (Creil), C Barnérias, I Layouni, N Yousef (Créteil), N d’Heilly, M Granier (Evry), P Saunier
(Fontainebleau), F Cneude (Grenoble), P Landrieu, V Legrez, M Tardieu (le Kremlin-Bicêtre), V Pierrat (Lille),
E Agudze, C Laroche (Limoges), D Ville (Lyon), P Garcia-Méric (Marseille), A Roubertie (Montpellier), M Bru,
J Perrier (Nantes), MC Routon (Orsay), L Delour, S Mallet (Périgueux), Y Aujard, C Farnoux, I Husson,
M Rajguru, C Saizou (Robert Debré, Paris), T Blanc, A Charollais, S Marret (Rouen), JM Retbi, P Bolot
(Saint-Denis), S Chabrier (Saint-Etienne), M Mokhtari, (Saint-Vincent de Paul, Paris), E Cheuret, I Glorieux,
N Montjaux, S Lebon, JY°le Tallec (Toulouse), Y Lakhdari, E Saliba (Tours), C Mignot, ML Moutard (Trousseau,
Paris), N Benbrik, D Soupre (Vannes), A Cailho, C Coudy (Versailles), C Ringenbach (Villefranche sur Sâone),
N Blanc, MJ Boivin, F Guillot (Villeneuve Saint-Georges) en tant que cliniciens référents locaux.
D Allard, L Hertz-Pannier, B Husson (radiologie), MN Varlet (obstétrique), B Tardy (hémostase), E Presles et
C Renaud (collection et interprétation statistique des données).
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INFARCTUS CÉRÉBRAL ARTÉRIEL NÉONATAL : QUE NOUS APPREND LA COHORTE AVCNN ?
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RÉFÉRENCES
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national institute of child health and human development and the national institute of neurological disorders
and stroke. Pediatrics 2007 ; 120 : 609-16.
[2] Cheong JLY, Cowan LM. Neonatal arterial ischaemic stroke: obstetric issues. Semin Fetal Neonatal Med
2009 ; 14 : 267-71.
[3] Plan national maladies rares 2005-2008 : bilan de la mise en oeuvre des 10 axes stratégiques et propositions.
Rapport coordonné par la DHOS et la DGS dans le cadre du co-pilotage du plan. Accessible sur http://www.
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S. CHABRIER, B. HUSSON, P. LANDRIEU
TABLEAU 1 : PRINCIPAUX ÉLÉMENTS OBSTÉTRICAUX ET NÉONATALS
OBSERVÉS DANS LA COHORTE AVCNN [3].
Caractéristiques obstétricales
- grossesse normale
- accouchement (eutocique/instrumental/césarienne)
- souffrance fœtale aiguë
n = 100
71
44/16/40
33
Nouveau-né
- garçon/fille
- poids de naissance (moyenne)
62/38
1870-4630 g (3410 g)
Symptôme d’appel
- convulsions (focales/généralisées)
- apnées
- absence de symptôme aigu
91 (74/17)
7
2 (hypotonie persistante)
Horaire de survenue du premier symptôme (moyenne)
- dont ≤ 1 semaine de vie
- dont ≤ 3 jours de vie
36 heures
99
90
Evolution des convulsions
- ≤ 3 épisodes
- > 3 épisodes
- crises subintrantes ou état de mal
12
46
33
Examen intercritique
- normal
- hypotonie
- déficit moteur focal
- diminution de la vigilance (modérée/sévère)
54
46
16
36 (31/5)
Localisation de l’accident
- gauche/droit/bilatéral
- cérébral moyen
- superficiel/profond/mixte
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TABLEAU 2 : PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES OBSTÉTRICO-NÉONATALES DE LA COHORTE
AVCNN COMPARÉES À LA BASE DE DONNÉE AUDIPOG [3]. ND : NON DISPONIBLE.
Cohorte AVCnn
11/03-10/06 ;
n=100
Données
Audipog (%)
2004-5 ; n=45 508
Valeur du P
Antécédents thrombotiques familiaux
17 %
11,4
0,12
Gestité : 0, 1, ≥2
46, 30, 24
33, 32, 35
0,013
Parité : 0, 1, ≥2
57, 26, 17
43, 34, 23
0,018
Fausse-couche
29,6 %
15,0
0,005
Prématurité/hypotrophie
6%
6,6
0,973
Gémellité
4
1,1
0,022
Complications
29
34,5
0,293
-
7
6
4
5,1
5,6
3,1
0,526
0,965
0,819
16 %
14,7
0,830
Terme : 37-41
100
100
Présentation par le siège
6
3,4
0,248
Césarienne/instrumental/normal
40/16/44
17/12/71
<0,001
Souffrance fœtale aiguë
- anomalies du rythme cardiaque
- césarienne en urgence
- liquide méconial
- Score d’Apgar à une minute : ≤ 3, ≤ 7
- Réanimation à la naissance
- Transfert immédiat en néonatologie
33
26
14
19
11, 21
19
14
Nd
nd
8,1
nd
nd, 7,4
5,1
3,2
Suspicion d’infection materno-foetale
- rupture prématurée des membranes
- infection néonatale
19
6
5
nd
2
2,9
0,013
0,342
Sexe ratio (garçons/filles)
1,6
1,06
0,045
Poids ≥ 3500 g
43
35,7
0,156
Lésion Traumatique
12
1,4
< 0,001
Antécédents
Grossesse actuelle
diabète gestationnel
menace d’accouchement prématuré
toxémie gravidique
Tabagisme
Accouchement
0,048
< 0,001
< 0,001
< 0,001
Nouveau-né
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S. CHABRIER, B. HUSSON, P. LANDRIEU
Figures : IRM réalisée à 5 (A-D) et 6 jours (E-F) de vie chez deux nouveau-nés ayant un infarctus cérébral artériel moyen
superficiel gauche. Alors que les zones en hyposignal T1 (A) et hypersignal T2 (B) en arrière de la vallée sylvienne sont peu
visibles et se révèlent surtout par une dédifférenciation cortex/substance blanche, l’ischémie focale apparaît beaucoup plus
nettement sur les séquences de diffusion (hypersignal, C) et sur la carte de coefficient apparent de diffusion (hyposignal, D). Chez
le deuxième enfant, les séquences de diffusion montrent l’hypersignal du bras postérieur de la capsule interne (E) et de la région
antérieure du pédoncule cérébral (F) le long du trajet du faisceau cortico-spinal gauche.
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ENCÉPHALITES HERPÉTIQUES DE L’ENFANT
par
M. TARDIEU, J.-L. CASANOVA, L. ABEL
Deux points caractérisent l’encéphalite herpétique de l’enfant : sa rareté alors que l’infection par le virus herpès simplex de type 1 (HSV1) est fréquente et habituellement bénigne
durant l’enfance (40 à 60 % des adolescents de 16 ans, suivant les pays, ont des anticorps
circulants [1,2]) et son extrême gravité malgré le traitement antiviral donné précocement
[3-5].
Au contraire de la réplication virale très limitée et courte au cours des infections HSV1
habituelles, une réplication intense du HSV1 a lieu dans les cellules du cerveau lors d’une
encéphalite herpétique, ce qui induit un effet cytopathogène et une nécrose tissulaire. Une
question physiopathologique majeure est de comprendre ce qui a autorisé cette réplication
virale intracérébrale chez quelques sujets alors qu’elle est habituellement absente. Nous
avons fait l’hypothèse que la survenue d’une encéphalite - au lieu d’une expression clinique
bénigne de l’infection HSV1- n’est pas l’effet du hasard ou d’une particularité du virus
infectant, mais dépend de facteurs dépendants de l’hôte, en particulier des mutations dans
des gènes essentiels pour l’induction d’une réponse immune innée antivirale efficace. Dans
cette hypothèse, ce véritable déficit immunitaire d’origine génétique devait être remarquablement sélectif à la fois pour le système nerveux central et pour le HSV1 : pour le système
nerveux central puisqu’il n’y a pas, en association avec l’encéphalite herpétique, de réplication virale intense dans d’autres organes, et pour le HSV1 puisqu’il n’y a pas de façon
patente de susceptibilité particulière à d’autres infections virales graves. Dans la plupart des
déficits immunitaires classiques, il n’y a pas, à l’inverse, d’infection HSV1 grave. Une hypothèse complémentaire peut être faite car malgré la mise sous traitement antiviral précoce,
les nécroses cérébrales sont importantes. Cela suggère que le traitement antiviral n’est pas
suffisant à lui seul (ou pas assez rapide) pour éviter des destructions neuronales et gliales et
qu’il faut agir sur l’éventuel déficit immunitaire sélectif associé.
Notre connaissance de l’encéphalite herpétique a été profondément renouvelée au cours
de ces 5 dernières années grâce à plusieurs résultats de grande importance. Une étude collective française regroupant l’histoire clinique de 85 enfants, la plus vaste série à ce jour, a permis de mieux cerner l’histoire naturelle de la maladie sous traitement antiviral et d’étudier
pour la première fois les caractéristiques génétiques des familles dont un enfant a été atteint
[6]. Plusieurs travaux immunogénétiques in vitro évaluant les lymphocytes et fibroblastes
des patients ont complètement modifié notre compréhension des mécanismes de la maladie
et probablement de ses futurs traitements [7-8].
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M. TARDIEU, J.-L. CASANOVA, L. ABEL
Ce chapitre est focalisé sur les encéphalites herpétiques de l’enfant, à l’exclusion de la
période néonatale. Une première partie décrit les résultats de l’étude clinique française tandis que la seconde synthétise les principaux points pratiques des études immunogénétiques.
DESCRIPTION CLINIQUE DES 85 ENFANTS
SUIVIS DANS L’ÉTUDE FRANÇAISE
La méthode suivie a été d’identifier rétrospectivement, durant une période de 20 ans
(1985-2004), tous les diagnostics d’encéphalites herpétiques posés en France chez des
enfants entre 1 mois et 16 ans [6]. Pour cela, après avoir interrogé systématiquement les services de neurologie pédiatrique français, nous avons analysé en détail le dossier des cas identifiés, avec vérification du diagnostic, recueil des données cliniques, radiologiques, biologiques
initiales et lors du suivi. Dans un second temps, les familles qui l’acceptaient ont été revues
en consultation pour analyser l’évolution à long terme et réaliser un interrogatoire focalisé
sur leur éventuelle consanguinité, les autres cas familiaux d’infections herpétiques ainsi que
toutes les infections virales graves observées dans la famille. Le diagnostic d’encéphalite
herpétique a été considéré comme établi lorsque les signes cliniques et radiologiques étaient
compatibles et qu’il existait soit une détection de l’acide nucléique viral dans le LCR en
amplification génique, soit une montée d’anticorps spécifiques dans le LCR (par dosage
ELISA), soit une détection d’antigène herpétique dans le LCR (pour les dossiers les plus
anciens).
Le nombre d’enfants ayant présenté une encéphalite herpétique durant cette période a
été de 85, soit de l’ordre de 4 diagnostics par an (écart constaté : 1 à 9, plus important dans
les années récentes, comme attendu, par effet d’une plus grande attention). Ceci démontre
combien cette affection est rare, même si cette étude ne peut être considérée comme exhaustive. La répartition des âges au début de la maladie met en évidence une surreprésentation
des enfants jeunes : 37 enfants (44 %) ont moins de un an au début des signes et 53 (62 %)
moins de 3 ans, l’accumulation de cas étant ensuite régulière jusqu’à 16 ans, l’âge supérieur
de notre étude. Cette répartition en âge des enfants atteints d’encéphalites herpétiques ne
suit pas celle de l’infection herpétique en général : seuls 21 % des enfants de moins de 3 ans
dans la population générale ont été infectés par le HSV1 (présence d’anticorps spécifiques
dans le sérum). Ainsi, le risque qu’une infection par HSV1 s’exprime par une encéphalite
sévère et non par des signes bénins ou inapparents est-il plus élevé chez l’enfant de moins de
3 ans (et plus encore de moins de un an) que par la suite, bien que le risque existe à tous les
âges. L’encéphalite herpétique est liée le plus souvent à une infection HSV1 primaire chez
les enfants jeunes, alors que plus tard, une encéphalite peut survenir lors d’une réinfection.
Il est cependant difficile de trancher sur la simple évaluation rétrospective des sérologies :
dans notre étude, nous avons pu établir avec certitude le caractère primaire ou secondaire de
l’infection dans un quart des cas seulement.
Les principaux signes cliniques du début sont une fièvre et des crises convulsives : 93 %
des enfants ont une fièvre supérieure à 38,5 °C à l’admission (15 %, supérieure à 40 °C)
tandis que 92 % présentent une crise convulsive (dont la moitié un état de mal). Lorsque la
crise convulsive est courte, le risque est de confondre ce début d’encéphalite avec une crise
convulsive occasionnelle lors d’hyperthermie (« crise convulsive fébrile »). La présence
d’une altération de l’état de conscience dans 60 % des cas et, dans certains cas, l’âge de
l’enfant (le diagnostic de crise fébrile ne devant jamais être retenu avant 5 mois) sont les
deux premiers repères cliniques pour éviter cette confusion grave. On peut y associer la
recommandation habituelle d’une étude du LCR lors de crise convulsive « fébrile » chez
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ENCÉPHALITES HERPÉTIQUES DE L’ENFANT
263
un enfant de moins de un an. L’étude du LCR au début d’une encéphalite herpétique
montre une méningite lymphocytaire (> 10 cellules/μl) chez 72 % des sujets atteints, une
élévation des taux des protéines (> 0,4 g/L) chez 37 % et de l’interféron α chez 65 % d’entre
eux. La simple association d’une méningite lymphocytaire et de crises convulsives doit faire
débuter le traitement antiviral, en attendant la confirmation biologique apportée désormais
par la détection d’acide nucléique du virus par PCR dans le LCR (et très rarement dans le
sérum).
L’EEG n’a pu être étudié de façon informative dans cette étude rétrospective, mais dans
la grande majorité des cas, le tracé est asymétrique avec des pointes et parfois des crises enregistrées du côté des lésions nécrotiques. Il n’y a pas, en revanche, les ondes lentes continues
ou intermittentes observées dans les encéphalites inflammatoires. Les classiques complexes
périodiques unilatéraux sont rarement observés et parfois seulement de façon très brève dans
le temps, au cours de l’évolution initiale de la maladie. Le dernier examen indispensable au
diagnostic est la réalisation d’une IRM dans les 48 h de l’arrivée de l’enfant. Cette imagerie précoce a été pathologique dans tous les cas où elle a été effectuée dans notre étude, au
contraire de la tomodensitométrie qui était normale dans les 3 premiers jours de la maladie
pour 19 des 65 cas étudiés. Les lésions observées en IRM sont mieux visibles en signaux de
diffusion, en Flair et en T2. Elles sont unilatérales dans 37/59 cas et bilatérales dans 22/59,
de localisation temporale (41 patients) et pariétale (28 patients), les deux lobes étant atteints
chez 13 patients. Les signaux dans la lésion évoquent un centre en voie de nécrose entouré
d’un œdème important sous forme d’un vaste hypersignal de la substance blanche. L’aspect
inflammatoire peut s’étendre au cours des 15 premiers jours.
L’évolution au long cours sous traitement antiviral a pu être évaluée en détail pour les 51
enfants dont les familles ont accepté de revenir en consultation dans le cadre de cette étude.
Ces 51 enfants avaient des caractéristiques initiales identiques à celles des enfants qui n’ont
pu être revus. Le temps médian entre le début de la fièvre et celui du traitement antiviral a
été de 2 jours (écart = 0,5 à 10 jours). Les doses d’acyclovir ont été très variables dans cette
étude observationnelle allant de 15 à 75 mg/kg/jour par voie intraveineuse pendant 10 à
30 jours. Après un recul médian de 7,8 ans, les deux principales séquelles sont une épilepsie
(56 % des patients, avec souvent un syndrome des spasmes infantiles survenant quelques
mois après la phase d’encéphalite) et un retard mental (sévère chez 42 % des enfants,
empêchant toute scolarité ultérieure). Huit patients ont présenté une reprise secondaire de
symptômes, dite phase secondaire [7]. Seuls 13 des 51 enfants revus n’ont pas de difficultés
cognitives, 12 parmi eux n’ont pas d’épilepsie. L’étude du lien entre les doses d’acyclovir
reçues et la bonne qualité de l’évolution est difficile, mais un bénéfice de doses élevées ou
données de façon très prolongée n’est pas patent. L’habitude prise de donner 45 mg/kg/j
pendant 15 jours paraît adaptée sans preuve que cette dose supérieure à l’AMM apporte un
avantage supplémentaire.
LES ARGUMENTS CLINIQUES SUGGÉRANT QUE LA SURVENUE D’UNE
ENCÉPHALITE HERPÉTIQUE EST SOUS CONTRÔLE GÉNÉTIQUE
Un des buts principaux de l’étude française était de renforcer, par des arguments
épidémiologiques, l’hypothèse qu’un facteur génétique est essentiel dans l’induction
d’une encéphalite herpétique. La table 1 décrit ces arguments. Certains sont antérieurs à
l’étude et ont été énoncés dans l’introduction. Notre travail a démontré le plus grand risque
d’encéphalite herpétique chez l’enfant jeune. Il a apporté un autre argument important en
faveur d’une origine génétique du risque de transformation encéphalitique de l’infection
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264
M. TARDIEU, J.-L. CASANOVA, L. ABEL
HSV1. Une consanguinité a été observée dans 7/51 familles évaluées et dans 4 autres, un
autre membre de la famille proche était atteint de kératites herpétiques sévères et récurrentes. Les caractéristiques biologiques initiales des enfants atteints d’encéphalite issus de
ces 10 familles différaient : le nombre de leucocytes et le taux d’interféron α dans le LCR
étaient plus bas que dans le LCR des enfants dont la famille n’avait pas de caractéristiques
particulières.
LES DIFFÉRENTES MUTATIONS DE SUSCEPTIBILITÉ
À UNE ENCÉPHALITE EN CAS D’INFECTION HERPÉTIQUE
Ce court chapitre ne peut reprendre la totalité des travaux effectués dans ce domaine très
complexe mais vise à en donner les points principaux ainsi que les perspectives attendues.
Pour focaliser la recherche du défaut immunologique spécifique, la première piste suivie
a été d’évaluer les voies de l’immunité innée en charge de la réponse antivirale très précoce,
en particulier celles de la production de l’interféron α, de la capacité de la cellule infectée
par HSV1 à répondre à l’interféron α, ou de la réponse antivirale dite Natural-Killer (NK).
Il a été, de plus, fait l’hypothèse, a priori risquée, qu’un éventuel défaut pourrait dépendre
d’une atteinte monogénique et que l’on puisse expliquer ainsi la spécificité pour le HSV1 et
pour les cellules du système nerveux central.
La méthode suivie a été de tester systématiquement la capacité des lymphocytes (et des
fibroblastes) des enfants atteints pour leur capacité à produire de l’interféron α in vitro en
présence de différents inducteurs chimiques ou de différentes particules virales. Les lymphocytes dont la réponse in vitro était faible ou absente étaient ensuite analysés en détail et comparés à l’activité in vitro des lymphocytes de leurs parents. Si le profil de défaut d’induction
d’interféron α permettait de focaliser la recherche génétique, une mutation était cherchée
par séquençage. Cette voie a été remarquablement productive puisque désormais 5 mutations différentes ont été ou sont en passe d’être démontrées dans 8 familles [8,9]. Cela ne
signifie pas que les autres hypothèses (voies de la réception du message interféron et activité
NK) ne seront pas démontrées chez certains autres enfants par la suite.
Toutes les mutations observées concernent la voie des Toll-Like Receptor (TLR). Les
TLR sont une famille de récepteurs cellulaires qui reconnaissent non pas un antigène précis
ou un ligand particulier (comme la plupart des récepteurs en immunologie) mais une conformation de molécule. Cette conformation de molécule peut être, par exemple, une lipoprotéine bactérienne ou un acide nucléique viral (ARN ou ADN, simple ou double brins). Un
même récepteur peut reconnaître des acides nucléiques provenant de virus différents pourvu
que la conformation moléculaire soit la même. Les TLR reconnaissant des structures issues
de bactéries sont en général sur la membrane cellulaire tandis que les TLR reconnaissant les
différents types d’acides nucléiques viraux s’expriment le plus souvent dans des endosomes
ayant inclus des particules virales. La liaison de l’acide nucléique viral sur un TLR induit in
fine la production de nombreux médiateurs solubles de l’inflammation dont les cytokines,
en particulier l’interféron α. L’expression des différents TLR n’est pas identique sur toutes
les cellules et certains virus reconnaissent préférentiellement certains TLR.
Ainsi, les mutations découvertes chez les sujets ayant présenté une encéphalite herpétique sont situées soit au niveau du TLR3 soit dans une des protéines de la chaîne intracellulaire de transduction du signal entre le TLR et l’activation finale du promoteur de
l’interféron α, expliquant l’incapacité à produire de l’interféron α et donc à se défendre très
rapidement contre l’infection HSV1. Nous avons également observé que ce défaut est très
sélectif du HSV1 et des cellules du système nerveux central.
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ENCÉPHALITES HERPÉTIQUES DE L’ENFANT
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CONCLUSION
L’encéphalite herpétique est une maladie rare liée à une susceptibilité individuelle du
fait de mutations dont celles actuellement démontrées qui empêchent la production d’interféron α lors de l’infection HSV1. Le déficit immunitaire très sélectif ainsi constitué a une
expression dépendante de l’âge avec une susceptibilité particulière lorsque l’enfant est jeune
probablement parce que des voies alternes de production de l’interféron α s'établissent
ultérieurement. L’encéphalite herpétique est une maladie qui reste d’une très grande gravité
malgré le traitement antiviral. L’ajout d’interféron α très précocement pourrait constituer
une voie thérapeutique supplémentaire.
Il est crucial de poursuivre l’investigation immunogénétique de tous les nouveaux
patients atteints d’une encéphalite herpétique (un contact peut être pris à l’adresse mail :
[email protected]).
Marc Tardieu, Jean-Laurent Casanova, Laurent Abel
Assistance Publique-Hôpitaux de Paris
Hôpital Bicêtre service de neurologie pédiatrique
Université Paris sud11, Université Paris Descartes, The Rockefeller University
Inserm U1012 et U 980
Auteur correspondant : Marc Tardieu - Neurologie pédiatrique - Hôpital Bicêtre - 94275 Le Kremlin Bicêtre [email protected]
RÉFÉRENCES
[1] Pebody RG, Andrews N, Brown D et al. The seroepidemiology of herpes simplex virus type 1 in Europe. Sex
Transm Inf 2004;80:185-91.
[2] Smith JS et Robinson NJ. Age-specific prevalence of infection with Herpes Simplex Virus type 2 and 1 : global
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[3] Whitley RJ, Gnann JW Viral encephalitis : familiar infections and emerging pathogens Lancet 2002 ;359 :50713.
[4] Hsieh WB, ChiuNC, Hu KC et al. Outcome of herpes simplex encephalitis in children J Microbiol Immunol
Infect 2007; 40:34-8.
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[6] Abel L, Plancoulaine S, Jouanguy E et al. Age-dependent Mendelian predisposition to HSV-1 encephalitis in
childhood. J Pediatr 2010 sous presse.
[7] De Tiège X, Rosenberg F, Des Portes V et al. Herpes simplex relapses in children : differentiation of two
neurologic entities. Neurology, 2003, 61:241-3.
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Science 2006; 314:308-12.
[9] Zhang SY, Jouanguy E, Ugolini S et al. TLR3 deficiency in patients with herpes simplex encephalitis. Science
2007, 317:1522-7.
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M. TARDIEU, J.-L. CASANOVA, L. ABEL
TABLEAU 1 : ARGUMENTS EN FAVEUR DE L’ORIGINE GÉNÉTIQUE DE
LA SUSCEPTIBILITÉ À L’ENCÉPHALITE HERPÉTIQUE
Études antérieures :
Description de cas familiaux
Absence de foyers épidémiques (qui auraient suggéré une virulence élevée de certaines souches virales)
Description d’encéphalite herpétique dans des déficits immuns très rares (déficits STAT-1 et NEMO)
Étude épidémiologique :
Susceptibilité plus grande dans les 3 premières années de vie.
Consanguinité plus élevée qu’attendue
Kératites herpétiques dans la famille à une fréquence plus élevée qu’attendue.
Études immunogénétiques :
Démonstration de 5 mutations de transmission récessive ou dominante dans 8 familles différentes dans la voie TLR
(mutation HSE1-4, les premières concernant TLR3 et Unc-93B)
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LE DÉCÈS DES PATIENTS POLYHANDICAPÉS :
L’EXPÉRIENCE DU SERVICE DE PÉDIATRIE SPÉCIALISÉE
POUR POLYHANDICAPÉS DE LA ROCHE GUYON
par
M. MOTAWAJ, S. MATHIEU, C. BRISSE, G. PONSOT,
T. BILLETTE DE VILLEMEUR
Le polyhandicap associe une déficience mentale sévère ou profonde et un déficit moteur
grave entraînant une mobilité réduite et une restriction extrême de l’autonomie. Aux handicaps neurologiques, intellectuels et moteurs, s’ajoutent fréquemment des déficits auditifs
ou visuels, des troubles comportementaux et relationnels [1]. Quelle qu’en soit l’étiologie,
même si la pathologie est fixée, le polyhandicap s’aggrave au fur et à mesure des complications qui majorent les multiples handicaps intriqués. Au fil du temps, les soins deviennent
de plus en plus lourds et complexes, y compris lors des accompagnements de fin de vie. En
4 ans (de 2006 à 2009) nous avons pris en charge 157 patients polyhandicapés à l’hôpital
pédiatrique pour polyhandicapés de La Roche Guyon, dont la capacité est de 80 lits. Tous
ces patients polyhandicapés sont lourdement médicalisés, 99 patients étaient en séjours
prolongés et 58 en séjours temporaires parfois itératifs (soit 147 séjours temporaires de 2 à
14 semaines). Durant ces 4 années, 41 (26 %) de nos patients sont décédés, ce qui représente
une augmentation importante puisque les 41 décès précédents se sont étalés sur 20 ans, de
1986 à 2005. Nous analysons ici ces 41 décès récents pour en préciser les causes, et décrire
l’environnement médical et l’accompagnement des patients lors du décès. Nous en abordons les conséquences médicales et éthiques.
CARACTÉRISATION DU POLYHANDICAP
Chez l’enfant polyhandicapé, les déficits neurologiques interagissent avec la maturation
du système nerveux et du système ostéo-articulaire induisant des distorsions évolutives tout
au long de l’enfance et de la puberté. L’association des troubles neurologiques et des déformations ostéo-articulaires consécutives, entraînent des pathologies secondaires, digestives
(déglutition) et respiratoires, restrictives et obstructives, accentuant la morbidité [2]. Ainsi,
les soins nécessaires à ces patients polyhandicapés doivent être prolongés et doivent s’adapter à leur état sanitaire instable, mais aussi à leurs besoins d’éducation, de communication
et de socialisation. Chez ces patients, même très limités par leurs multiples incapacités, la
socialisation et le développement des capacités relationnelles sont indispensables à leur
qualité de vie et concourent au maintien de leur équilibre sanitaire même précaire. Quel que
soit leur âge, l’accompagnement des patients polyhandicapés doit être permanent, qualifié,
multidisciplinaire, spécialisé.
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M. MOTAWAJ, S. MATHIEU, C. BRISSE, G. PONSOT, T. BILLETTE DE VILLEMEUR
Les atteintes neurologiques du polyhandicap
Il s’agit de l’association d’une déficience mentale sévère (QI < 50) ou profonde (QI <
30), de troubles moteurs et d’une restriction de la mobilité. Cette association est d’autant
plus fréquente que le déficit intellectuel est plus grave. Le degré de dépendance, la morbidité et la mortalité augmentent aussi avec la profondeur du déficit intellectuel. L’épilepsie
est souvent associée, parfois difficile à contrôler, voire pharmaco-résistante. Les troubles
du comportement et les manifestations psychotiques sont fréquents, d’autant plus que les
capacités de communication sont réduites, souvent associées à des déficits sensoriels visuel
ou auditif dont les traitements sont limités.
Les atteintes ostéo-articulaires
Quasi constantes, elles sont la conséquence des atteintes neurologiques et notamment
des troubles du tonus des membres et du tronc. Elles sont progressives notamment pendant
le croissance et surtout à la période pubertaire, entraînant des luxations (hanches) et des
déformations thoraciques (scolioses, effondrements). Elles accentuent le déficit de mobilité
des patients, les risques de lésions d’appui, les déformations des membres et les douleurs lors
de la mobilisation articulaire. Elles contribuent à l’atteinte respiratoire restrictive par les
déformations rachidiennes et thoraciques.
Les atteintes respiratoires
Elles sont obstructives avec un encombrement permanent des voies respiratoires hautes
et basses liées à la diminution de la motilité thoracique (déformations, faiblesse musculaire),
aux troubles de la déglutition entraînant des inhalations salivaires ou alimentaires, au reflux
gastro-œsophagien responsable de micro inhalation de liquide gastrique [3], aux surinfections chroniques avec souvent des bactéries multi-résistantes. Elles sont restrictives par les
déformations thoraciques. Elles sont aussi infectieuses avec des pneumopathies de surinfection mais aussi d’inhalations, premières causes de décès chez ces patients [4].
Les atteintes digestives
Ce sont des troubles de déglutition, bavage, reflux gastro-œsophagien, dénutrition,
constipation opiniâtre, portage chronique de bactéries multi-résistantes. Ils sont d’autant
plus sévères que le QI est bas et que la mobilité est réduite. L’alimentation par la bouche est
souvent limitée voire impossible, nécessitant une alimentation par gastrostomie pour limiter
la dénutrition et les complications respiratoires par inhalation salivaires et alimentaires. Les
décompensations digestives aiguës avec diarrhées, vomissements, hématémèse sont particulièrement sévères chez ces patients fragilisés et sont la deuxième cause de décès après les
décompensations respiratoires.
Les atteintes dentaires
Le mauvais état dentaire (carie, gingivites…) particulièrement fréquent et difficile à
soigner chez ces patients déficients mentaux, dont la communication est réduite, entraîne
douleurs, foyers infectieux chroniques et aggrave les difficultés d’alimentation.
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LE DÉCÈS DES PATIENTS POLYHANDICAPÉS
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Les troubles comportementaux et psychiatriques du polyhandicap
Ils sont de deux types, constitutionnels, liés à l’atteinte cérébrale : stéréotypies, automutilation, et réactionnels à la difficulté de communication pour manifester des émotions,
des ressentis, face à la frustration, la peur ou la douleur. Les cris, agitations, pleurs, les accès
d’agressivité, d’automutilations, peuvent être les seules voies d’expression d’une anxiété,
d’un mécontentement, d’un désagrément vis-à-vis d’un environnement dont le patient
polyhandicapé est souvent très dépendant.
Le polyhandicap est un état de santé grave dont les étiologies sont multiples. La maladie
initiale peut être pré-, péri- ou post-natale, survenir pendant l’enfance ou à l’âge adulte. La
pathologie neurologique causale peut être constitutionnelle, acquise ou progressive, dégénérative. Le polyhandicap peut être la conséquence d’une pathologie commune, mais une
très grande proportion est représentée par des maladies rares ou orphelines dont l’évolution
aboutit au polyhandicap lourdement médicalisé à plus ou moins brève échéance.
De nombreuses études ont montré que ces patients ont des besoins sanitaires plus importants que la population générale [5]. Leur morbidité y est plus fréquente et plus sévère. Si la
plupart de ces patients relèvent du secteur médico-social, les plus sévères d’entre eux sont
instables de façon prolongée et relèvent du secteur sanitaire hospitalier [6], seul capable de
leur assurer les soins spécialisés prolongés qui permettent de limiter les complications et les
aggravations qu’elles engendrent tout en restant un lieu de vie qui leur prodigue l’environnement éducatif indispensable. L’adossement à un hôpital d’aigus, multidisciplinaire, pluri
spécialisé (neuropédiatrie, orthopédie, médecine physique et réadaptation, pneumologie,
réanimation polyvalente...), garantit le fonctionnement optimal d’un réseau de soin adapté
tant à la prise en charge des décompensations aiguës qu’à l’aval des services de réanimation,
de neuropédiatrie et d’orthopédie (pré- et post-opératoire).
Parmi ces patients gravement polyhandicapés, qui ne relèvent pas du secteur médicosocial, une partie importante vit à domicile dans leur famille, dans des conditions sanitaires
souvent insuffisantes [7]. Cette situation, qui n’est pas exceptionnelle, est liée le plus souvent à l’insuffisance quantitative de structures adaptées à cette double obligation de soins
lourds multi-spécialisés et de lieu de vie avec ses contraintes éducatives, de socialisation et
d’interactions relationnelles. L’espérance de vie des patients polyhandicapés est nettement
plus courte que celle de la population générale. La moyenne de survie est plus élevée chez
ceux qui résident en hospitalisation que chez ceux qui vivent à domicile [8].
Tous ces patients polyhandicapés relèvent d’une prise en charge évolutive, qui doit
s’adapter à leur état, à ses aggravations, y compris dans l’accompagnement de fin de vie [9].
LES DÉCÈS DE NOS 41 PATIENTS POLYHANDICAPÉS
Deux aspects étiologiques sont étudiés : la cause directe du décès [10] et l’étiologie du
polyhandicap [11].
Les affections respiratoires sont en cause dans 68 % (28) des décès. Généralement il
s’agit d’une détresse respiratoire aiguë infectieuse compliquant une inhalation bronchique
chez des patients ayant une pathologie respiratoire chronique. Un sepsis est retrouvé dans
10 cas (24 %), souvent avec une localisation respiratoire. Une mort subite, inattendue chez
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M. MOTAWAJ, S. MATHIEU, C. BRISSE, G. PONSOT, T. BILLETTE DE VILLEMEUR
un patient qui ne présentait aucun signe annonciateur d’une aggravation sévère, est constatée dans 7 décès (17 %).
L’âge moyen lors du décès était de 15 ans 8 mois (extrêmes : 6 ans 4 mois et 30 ans 4
mois).
Vingt décès (49 %) sont survenus à l’hôpital de La Roche Guyon. Huit patients (19 %)
sont décédés en service de réanimation pédiatrique (Garches, Trousseau, Necker), 5 (12 %)
sont décédés après transfert dans un service de réanimation d’adulte de proximité (Mantes),
2 (5 %) sont décédés après transfert dans un service de neuropédiatrie, 4 sont décédés à
domicile. 1 après retour dans son centre et 1 lors du transport en SAMU.
L’étiologie du polyhandicap était une encéphalopathie fixée dans 25 cas. Il s’agissait de
6 encéphalopathies ischémiques néonatales, 6 syndromes polymalformatifs, 4 encéphalopathies épileptiques non étiquetées, 3 lésions cérébrales postnatales (encéphalite, noyade,
syndrome du bébé secoué). Dans 5 cas, aucune étiologie n’est retrouvée.
Seize (39 %) patients avaient une encéphalopathie progressive. Il s’agissait de 8 maladies
métaboliques (5 maladies lysosomiales, 1 maladie de Menkes, 2 encéphalopathies mitochondriales), 6 maladies neurodégénératives (2 syndrome d’Aicardi Goutières, 1 syndrome de
Rett, 1 dystrophie neuro-axonale, 1 syndrome de Pelizaeus-Mersbacher, 1 leucodystrophie
non étiquetée) et de 2 encéphalopathies progressives non étiquetées [12].
Il est possible de comparer les étiologies des décès de cette période avec les 4 années
précédentes durant lesquelles la qualité des diagnostics était similaire. Sur les 14 décès survenus de 2002 à 2005, la répartition est comparable avec 5 (36 %) patients présentant une
pathologie progressive et 9 (64 %) une pathologie fixée.
Sept patients sont décédés d’une mort subite survenue à La Roche Guyon (6) ou à domicile (1). Pour les 34 autres décès, la décompensation de l’état du patient a conduit l’équipe
ou la famille à le transférer dans un service de soins aigus dans 16/34 cas (47 %). Le décès
est alors survenu après transfert dans un service de réanimation pédiatrique [8] ou adulte
ou dans un service de neuropédiatrie, et ce malgré cette accentuation de la médicalisation
ou après une décision secondaire de soins palliatifs et d’accompagnement de fin de vie. Le
décès a été accompagné sur le lieu de vie du patient (LRG, domicile), suite à la décision
concertée entre les parents, les médecins et les soignants du patient, dans 17/34 cas (50 %).
L’accompagnement consiste alors à ne pas engager de procédure agressive ni de transfert du
patient dans un service d’aigu en cas d’aggravation de son état de santé. Ceci ne dispense pas
de poursuivre les soins habituels et d’entreprendre des soins qui peuvent se faire sur place
pour lutter contre l’aggravation de la pathologie ou pour apporter un confort au patient
(perfusion, antibiotique, antiépileptiques, antalgiques, etc...), dans cette situation. Le patient
polyhandicapé peut dépasser le cap de la décompensation et revenir à un état plus stable
similaire à l’état antérieur ou avec un certain degré d’aggravation. Cette situation de soin
palliatif peut se prolonger dans certains cas pendant des années.
Pendant les 4 années précédentes, 7 décès sont survenus après transfert en service d’aigu
(5 en réanimation, 1 en neurochirurgie, 1 dans le SAMU), les 7 autres sont survenus à La
Roche Guyon : 6 ou au domicile des parents : 1.
CONCLUSION
L’hospitalisation de l’enfant polyhandicapé peut être extrêmement prolongée et le lieu
de soin est aussi le lieu de vie de ces patients. Il est nécessaire, y compris lorsque le soin est
palliatif, parfois pendant de nombreuses années, d’assurer une qualité de prise en charge
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LE DÉCÈS DES PATIENTS POLYHANDICAPÉS
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sanitaire mais aussi éducative et relationnelle [13] sans laquelle un hôpital pour enfants
polyhandicapés deviendrait un mouroir. Cet accompagnement se fait conjointement avec
les familles et nécessite aussi leur soutien.
Le polyhandicap, quelle qu’en soit la cause, est un état de santé sévère, pour lequel les différents composantes neurologiques, orthopédiques, digestives, respiratoires, sont intriquées
et se potentialisent, entraînant des décompensations fréquentes, pouvant à tout moment
mettre en jeu le pronostic vital. La défaillance respiratoire est la principale cause de décès
chez ces patients. L’augmentation de la fréquence des décès dans la population de l’hôpital
pour enfants polyhandicapés de La Roche Guyon est en rapport avec l’accentuation de la
lourdeur de la pathologie et positionne l’hôpital dans l’accompagnement de patients ayant
des pathologies de plus en plus sévères jusqu’à la fin de vie, avec un ajustement constant des
soins actifs et de confort [9].
Mouhammad Motawaj, Sophie Mathieu, Catherine Brisse, Gérard Ponsot, Thierry Billette de Villemeur
AP-HP, Hôpital de La Roche Guyon, 1, rue de l’hôpital, 95780 La Roche Guyon
UPMC-Paris 6, faculté de médecine Pierre et Marie Curie
Auteur correspondant : [email protected]
RÉFÉRENCES
[1] Circulaire n° 89-19 du 30 octobre 1989. Modification des conditions de la prise en charge des enfants ou
adolescents polyhandicapés par les établissements et services d’éducation spéciale
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with profound intellectual and multiple disabilities. Journal of Intellectual Disability Research 2007 ; 51 :
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Nord. Arch Pediatr. 1999 Aug;6(8):832-6.
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[8] Lavin KE, McGuire BE, Hogan MJ. Age at death of people with an intellectual disability in Ireland. Journal
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[9] Klick JC, Ballantine A. Providing care in chronic disease : the ever-changing balance of integrating palliative
and restorative medicine. Pediatr clin N Am 2007 ; 54 : 799-812
[10] Patja K, Mölsä P, Iivanainen M Cause-specific mortality of people with intellectual disability in a populationbased, 35-year follow-up study Journal of Intellectual Disability Research 2001 ; 45 : 30-40
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Apr;41(4):233-9.
[12] Guillem P, Cans C , Robert-Gnansia E. Rare diseases in disabled children: an epidemiological survey. Arch.
Dis. Child. 2008;93;115-8
[13] Décret no 2010-356 du 1er avril 2010 portant publication de la convention relative aux droits des personnes
handicapées (ensemble un protocole facultatif), signée à New York le 30 mars 2007. Journal Officiel de la
République Française du 3 avril 2010
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MISES AU POINT
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MALADIES DU PANCRÉAS DE L’ENFANT
À L’EXCLUSION DE LA MUCOVISCIDOSE ET DES TUMEURS
par
J. SARLES
Les maladies du pancréas sont rares chez l’enfant et si l’on exclut la mucoviscidose
elles sont, chacune prise individuellement, rarissimes. On considère en effet que sur 100
insuffisances pancréatiques de l’enfant, seulement 5 sont dues à une maladie autre que la
mucoviscidose. Cette faible prévalence n’empêche pas que le nombre des maladies en cause
est assez élevé et par souci de clarté, on peut les classer en fonction de leur mécanisme physiopathologique (Tableau 1).
ANOMALIES ANATOMIQUES
Anomalies de situation
Le pancréas aberrant est le plus souvent une curiosité anatomique, découvert fortuitement lors d’une fibroscopie, généralement sous la forme d’une petite voussure sousmuqueuse ombiliquée d’un pertuis central et située dans la région pré-pylorique. Il peut
exceptionnellement se compliquer de poussées de pancréatite.
Anomalies de formation
-
-
-
Le pancréas annulaire, plus fréquent dans la trisomie 21, peut se manifester en période
néonatale par une occlusion haute ou plus tardivement par un syndrome dyspeptique
ou pseudo-ulcéreux. Il peut être à l’origine de pancréatites aiguës ou chroniques. Le diagnostic est radiologique (TOGD) ou endoscopique. Le traitement est chirurgical pour
les formes sévères.
Le pancréas divisum, qui résulte d’une absence de fusion des ébauches dorsales et ventrales du pancréas, peut être totalement asymptomatique mais peut également être la
cause de poussées récidivantes de pancréatite aiguë. Le diagnostic est fait par l’IRM et le
traitement est la papillotomie endoscopique ou chirurgicale.
L’agénésie du pancréas est extrêmement rare et peu compatible avec la vie. Plusieurs
mutations de gènes de développement y ont été associées. L’hypoplasie du pancréas
n’est symptomatique que si la capacité fonctionnelle est ramenée à moins de 1 à 2 % de
la fonction normale. Il existe alors souvent un diabète de type I associé.
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J. SARLES
INSUFFISANCE SÉCRÉTOIRE CONGÉNITALE
Déficits enzymatiques isolés
Ils sont extrêmement rares et les observations publiées ne sont que des cas isolés, souvent
anciens. L’expression clinique dépend de l’enzyme concernée : stéatorrhée pour la lipase
ou la colipase, œdèmes hypoprotidémiques pour la trypsine. La recherche de ce type de
déficit représente une des dernières indications du tubage pancréatique. Il faut rattacher à
ce groupe le déficit en entérokinase qui donne un aspect de déficit global dont le diagnostic
se fait par le dosage de l’enzyme sur une biopsie intestinale.
Lipomatoses
On regroupe sous ce terme deux syndromes qui ont en commun une transformation
graisseuse du tissu pancréatique exocrine avec conservation anatomique et fonctionnelle
des structures canalaires et du tissu endocrine. La trypsine immunoréactive néonatale peut
être basse si on y prend garde. L’insuffisance pancréatique exocrine (IPE) entraîne une
diarrhée chronique avec malnutrition. Le diagnostic est suspecté par l’aspect de la glande en
échographie, scanner ou IRM et conforté par la mise en évidence de l’insuffisance sécrétoire
(élastase fécale). Une des caractéristiques les plus étonnantes de ces lipomatoses est le retour
d’une fonction normale chez la plupart des patients au cours de la deuxième décennie. Le S.
de Shwachman est lié chez la plupart des patients à une mutation du gène SBDS situé sur le
chromosome 7. Il associe à l’IPE des anomalies diverses : dysostose métaphysaire avec petite
taille, retard psychomoteur et surtout atteinte hématologique (neutropénie ou pancytopénie) avec forte prédisposition leucémique. Le S. de Johanson-Blizzard associe un syndrome
polymalformatif (aplasie des ailes du nez, anomalies du scalp) à la lipomatose pancréatique.
Il est lié à une mutation du gène UBR1 (chromosome 15). Il existe des formes frustes de ce
syndrome.
S. de Pearson
Ici l’anomalie pancréatique est une fibrose, responsable d’une IPE variable. Il existe également une atteinte hématologique associée à type d’anémie sidéroblastique. Ce syndrome
est lié à des mutations variables de l’ADN mitochondrial au niveau des chaînes I à IV de la
chaîne respiratoire.
Autres
S. de Stheyer : associe une IPE à une anémie dysérythropoïétique et une hyperostose
calvariale. Il est lié à des mutations de COX 4/2.
PANCRÉATITES AIGUËS (PA)
La PA est une maladie inflammatoire dont le point de départ est le pancréas exocrine et
qui peut s’étendre aux organes de voisinage. Les lésions anatomiques sont de gravité variable et sont toujours réversibles. Elles peuvent cependant laisser d’exceptionnelles séquelles
(kyste, pancréatite chronique obstructive). C’est la rupture d’un des moyens de protection
du pancréas exocrine contre ses propres enzymes qui enclenche l’activation intra-acineuse
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du trypsinogène en trypsine et le phénomène d’autodigestion. La surinfection, moins fréquente chez l’enfant, est un facteur important d’aggravation. Il existe un pic de fréquence de
PA chez l’enfant vers 5 ans. La douleur épigastrique transfixiante avec défense reste le mode
de présentation classique mais il faut retenir que le tableau n’est pas toujours aussi caractéristique et le dosage des enzymes pancréatiques (amylase et surtout lipase) doit être réalisé
au moindre doute. Il n’existe pas chez l’enfant de score de gravité ayant été largement validé
comme il en existe pour l’adulte mais l’évolution est globalement moins grave. La principale
complication est la formation de kystes ou pseudo-kystes.
Sur le plan étiologique, il faut rechercher : un traumatisme abdominal, une affection
générale (purpura rhumatoïde, lupus, Syndrome de Kawasaki…), une infection (oreillons,
coxsackie, mycoplasma pneumoniae…), une cause toxique (asparaginase, corticoïdes, azathioprine, valproate…). La lithiase biliaire est rarement en cause de même que l’allergie et la
dénutrition ou les causes classiques chez l’adulte comme l’hypercalcémie ou l’hyper triglycéridémie. Le pancréas divisum peut être à l’origine de poussées récidivantes de PA. Enfin,
un quart des cas environ reste sans cause identifiée.
Sur le plan thérapeutique, l’arrêt initial de l’alimentation s’impose dans tous les cas
et le traitement antalgique doit être adapté à l’intensité de la douleur, selon les règles
habituelles. Le recours aux opiacés doit se limiter à ceux ayant peu d’effets sur le sphincter
d’Oddi. L’aspiration naso-gastrique n’a jamais fait la preuve de son efficacité. Dans les
formes sévères, la prise en charge, en réanimation, des défaillances d’organes est impérative.
L’antibiothérapie est très controversée en prophylaxie, mais s’impose quand une surinfection est documentée. Aucune des techniques de réduction de la sécrétion pancréatique n’a
fait ses preuves (aspiration naso-gastrique, cimétidine, atropine, somatostatine…). Quant au
lavage péritonéal, il ne s’adresse qu’aux formes gravissimes, surinfectées.
PANCRÉATITE AUTO-IMMUNE
Les pancréatites auto-immunes sont probablement très rares en pédiatrie. On en distingue 2 types chez l’adulte [1] :
Type 1 : il s’agit d’une forme systémique (atteinte rénale, salivaire, hépatique, fibrose
retro-péritonéale). L’atteinte du pancréas se caractérise par une sclérose lymphoplasmocytaire. Le diagnostic est affirmé par la découverte d’un taux anormalement élevé d’IgG4
dans le sérum.
Type 2 : dans cette forme, l’atteinte pancréatique est isolée, sous la forme d’une destruction ductulaire progressive, mais elle peut être associée à une maladie inflammatoire du tube
digestif. Le taux plasmatique d’IgG4 est normal.
PANCRÉATITES CHRONIQUES (PC)
Contrairement aux PA, les PC constituent le plus souvent une maladie irréversible dans
laquelle la fibrose conduit progressivement à la destruction de la glande exocrine. Plusieurs
études pédiatriques montrent que l’âge moyen de découverte se situe autour de 9 ans,
souvent précédé de nombreuses années de douleurs abdominales inexpliquées. Les PC se
révèlent en effet par des crises, analogues en tout point sur le plan séméiologique à des PA,
mais récidivantes. Il s’agit d’un groupe hétérogène sur le plan de ses mécanismes.
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PC obstructives
On regroupe sous ce terme des lésions situées en amont d’un obstacle sur le canal de
Wirsung. La glande en aval de la sténose est normale et la levée (endoscopique ou chirurgicale) de l’obstacle peut permettre une régression des lésions. Les obstacles en cause peuvent
être des anomalies congénitales, des tumeurs ou des séquelles de PA. Une des caractéristiques de ces PC est qu’elles ne se calcifient jamais.
Lithiases pancréatiques
Il s’agit de maladies dont le point de départ est une anomalie constitutionnelle de la
sécrétion exocrine. La lithiase peut être de nature protéique au départ (mucoviscidose) avec
une tendance plus ou moins importante à se calcifier, ou calcique d’emblée comme dans les
pancréatites tropicales. C’est dans ce domaine des pancréatites que les progrès récents ont
été les plus importants, grâce aux apports de la génétique [2].
Anomalies de CFTR
Au-delà de la mucoviscidose typique qui représente plus de 90 % des maladies pancréatiques chez l’enfant, et qui est une véritable pancréatite chronique d’évolution particulièrement précoce et rapide, on sait aujourd’hui que des anomalies de CFTR, à l’état hétérozygote, voire d’hétérozygotie composite de mutations « mineures » sont trouvées avec une
fréquence élevée chez les patients atteints de PC idiopathique.
Pancréatites héréditaires (PCH)
Cette affection se caractérise par l’apparition, souvent tôt dans l’enfance (âge médian
10 ans), de crises récurrentes de pancréatite aboutissant à plus ou moins long terme à une
insuffisance pancréatique. Depuis 1996, un certain nombre d’anomalies génétiques ont
été identifiées à l’origine des pancréatites héréditaires. Il s’agit essentiellement d’anomalies des gènes du trypsinogène cationique (PRSS1) (mutations ponctuelles ou duplication
génique), de l’inhibiteur de Kazal (SPINK1). Beaucoup de ces anomalies géniques pouvant
théoriquement être responsables d’un gain de fonction de la trypsine, un schéma physiopathologique de la PCH a été modélisé dans lequel ce gain d’activité aboutit à un processus
d’autodigestion de la glande (fig 1). Il faut cependant noter que la pénétrance des anomalies
décrites n’est jamais totale (80 % pour R122H, mutation la plus fréquente de PRSS1) et que
certaines mutations clairement associées à des cas de PCH n’ont aucune raison d’entraîner
un gain de fonction, voire même au contraire. Il faut noter également que des anomalies
géniques ne sont actuellement identifiées que dans environ la moitié des cas de PCH. Le
diabète (26 % - âge médian 38 ans) et l’adénocarcinome pancréatique (5 % - âge médian 55
ans) sont les complications les plus graves.
Pancréatites tropicales
Dans certaines régions tropicales (Amérique du sud, Indes) cette maladie est fréquente
et particulière par la précocité de l’âge du début des crises et de la survenue du diabète.
Différentes hypothèses physiopathologiques ont été avancées (consommation de manioc,
malnutrition) qui n’ont finalement jamais fait leur preuve. Par contre une association avec
des mutations de SPINK1 a été établie dans plusieurs études.
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Lithiase géante radio-transparente
Quelques rares observations ont été publiées dans lesquelles il existait de très volumineux calculs radio-transparents dans le canal de Wirsung. Une anomalie de polymérisation
de la lithostathine pourrait être en cause [3].
STRATÉGIE D’INVESTIGATIONS
D’UNE PANCRÉATITE DE L’ENFANT (FIG 2)
Devant un premier épisode, en l’absence d’antécédents familiaux de pancréatite héréditaire (PCH) ou d’un aspect iconographique de pancréatite chronique (PC), on doit
considérer qu’il s’agit d’une pancréatite aiguë (PA), même si on ne trouve aucune cause.
Par contre en cas de récidive ou s’il existe, même dès le premier épisode, des antécédents de
PCH ou un aspect de PC, il faut faire l’enquête étiologique d’une PC à la recherche d’une
P. auto-immune.
Jacques Sarles
Hôpital d’Enfants de la Timone – 13005 Marseille - [email protected]
RÉFÉRENCES
[1] Park DH, Kim MH, Chari ST. Recent advances in auto-immune pancreatitis. Gut 2009 ; 58 : 1680-9
[2] Derikx MH, Drenth JP. Genetic factors in chronic pancreatitis : implications for diagnosis, management and
prognosis. Best Pract Res Clin Gastroenterol 2010 ; 24 : 251-70
[3] Sarles J, Bernard JP, Takacs T et al. Radiolucent pancreatitis. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 1995 ; 21 : 100-3
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J. SARLES
Figure 1 : Hypothèse physiopathologique des pancréatites chroniques héréditaires par gain d’activité trypsique.
Dans le pancréas normal, l’activation du trypsinogène (codé par PRSS1) en trypsine active, susceptible d’entraîner le
phénomène d’autodigestion est limitée par deux phénomènes principaux : l’activité de l’inhibiteur de Kazal (codé par le gène
SPINK1) qui bloque l’activité de la trypsine activée et la mésotrypsine qui dégrade le trypsinogène avec l’aide de trypsine active
(autodégradation). Un gain d’activité trypsique pourrait résulter de mutations de SPINK1 ou PRSS1, aboutissant à l’activation
inappropriée des proenzymes de la digestion au sein de la glande pancréatique.
Figure 2 : Stratégie d’investigations d’une pancréatite chez l’enfant
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TABLEAU 1 : CLASSIFICATION DES MALADIES PANCRÉATIQUES DE L’ENFANT
Anomalies anatomiques :
de situation : pancréas aberrant
de formation : pancréas annulaire
pancréas divisum
hypoplasie et agénésie
Insuffisances sécrétoires congénitales :
déficits enzymatiques isolés (déficit en entérokinase)
lipomatoses : S. de Shwachman
S. de Johanson - Blizzard
S. de Pearson
Autres
Pancréatites aiguës
Pancréatites auto-immunes
Pancréatites chroniques :
PC obstructives
Lithiases pancréatiques : Mucoviscidose
P. héréditaire
P. tropicale
Lithiase géante radiotransparente
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LA RÉANIMATION PÉDIATRIQUE : UN AUTRE REGARD
par
D. DEVICTOR
La réanimation a pour but de suppléer à la défaillance d’un ou de plusieurs organes
nécessaires à la vie. En partie grâce à elle, la mortalité post-natale est passée de 2,0 à 1,3 pour
1000 et la mortalité infantile de 8,3 pour 1000 à 3,6 entre 1985 et 2005. S’appuyant sur
des techniques de plus en plus sophistiquées, la réanimation fait partie de ces spécialités qui
symbolisent le progrès médical [1, 2]. Cette position ne va pas sans soulever de nombreuses
questions d’ordre philosophique, éthique, social et économique déjà largement débattues
[3, 4]. Au-delà de celles-ci, une nouvelle interrogation d’ordre anthropologique paraît
émerger : la réanimation n’est-elle pas en train de métamorphoser profondément la vision
symbolique que l’homme a de lui-même ? Touchant aux mystères de la vie et de la mort, elle
engendre une nouvelle conception de l’homme, de ses relations avec autrui et des rapports
entre le corps et l’esprit…
LES ORGANES ARTIFICIELS : UNE NOUVELLE RELATION AU CORPS
Par définition les soins de réanimation sont destinés à des patients qui présentent (ou
sont susceptibles de présenter) plusieurs défaillances viscérales aiguës mettant directement
en jeu le pronostic vital et impliquant le recours à des méthodes de suppléance. La
réanimation est née lors de la grande épidémie de poliomyélite qui a ravagé l’Europe dans
les années 1950 et qui a obligé de recourir à la ventilation artificielle. De façon générale,
les techniques de suppléance sont des machines qui jouent le rôle d’organes artificiels
comme par exemple le poumon artificiel, le cœur artificiel ou le rein artificiel. Initialement
utilisées chez l’adulte, ces techniques ont progressivement été adaptées à la pédiatrie et à la
néonatologie. Ainsi il est devenu possible de ventiler de très grands prématurés et d’utiliser
des techniques de suppléance circulatoire ou rénale chez de tout petits enfants. Ces avancées
techniques ont été à l’origine d’une nouvelle science : la biotechnologie où les organes
humains ont été remplacés par des robots au sens littéral du mot. A partir de la fin du
XXième siècle, une nouvelle impulsion a été apportée aux biotechnologies par l’utilisation
de logiciels incorporés dans les organes artificiels rendant ainsi les machines de plus en plus
performantes.
Donc point de réanimation sans technique. Mais cette équation comporte une menace,
celle de modifier les rapports de l’homme dans sa relation à l’être. Intrinsèquement la
technique comporte deux propriétés : la séduction qui soumet la pensée humaine à son
pouvoir, et son évolution exponentielle chaque avancée technique ouvrant la porte à de
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D. DEVICTOR
multiples autres. Ces propriétés comportent un risque : l’oubli de l’homme. Dans un essai
consacré à Heidegger, Alain Boutrot analysait cette menace : « La technique met l’homme
en péril, non seulement parce que les moyens techniques rendent désormais possible une
destruction de l’espèce humaine tout entière, mais parce qu’elle menace, de manière bien
plus profonde, l’essence pensante de l’homme, c’est-à-dire son rapport à l’être » [5].
Initialement conçue comme art (ars en latin) ou savoir faire (tecknè en grec), la technique
n’est plus un ensemble de moyens pour parvenir à certaines fins : elle est devenue une fin
en elle-même. Elle permet à l’homme moderne de s’ériger « comme maître et possesseur de
la nature » pour reprendre la formule de Descartes. Cette fascination pour les machines de
plus de plus sophistiquées n’a pas épargné les réanimateurs. Grâce à la maîtrise des organes
artificiels celui-ci pouvait avoir l’illusion d’être « maître et possesseur de la vie d’autrui »
et ainsi être un démiurge. Il réalisait alors son rêve inconscient, motivation probable de
sa vocation : pouvoir vaincre la mort ou mieux pouvoir ré – animer, c’est-à-dire remettre
une âme (anima) dans un corps mourant. Grâce à la ventilation artificielle, le réanimateur
réinsuffle la vie comme Dieu créa le premier homme en lui soufflant dans les narines. Les
biotechnologies et les organes artificiels comportent ainsi le risque d’oubli du patient. Le
danger serait de réifier celui-ci en le faisant passer de statut de sujet à celui d’objet pour
satisfaire la technique. Ainsi, si la robotisation des organes a permis de sauver quantité de
vies humaines, la réanimation a créé une nouvelle relation entre le médecin et son patient,
une nouvelle représentation des organes, une nouvelle vision des frontières de la vie et de la
mort, transformant radicalement les repères symboliques auxquels nous étions habitués.
DES ORGANES ARTIFICIELS AUX ORGANES CADAVÉRIQUES :
UNE NOUVELLE RELATION LA MORT
A partir des années 60, le passage des organes artificiels aux organes cadavériques a
constitué une nouvelle vision anthropologique de la mort. Rappelons les faits. En 1963,
Thomas Starzl réalise la première greffe de foie chez un enfant de 3 ans atteint d’une
atrésie des voies biliaires ayant conduit à une insuffisance hépatique. La même année la
première greffe de rein est réalisée chez un enfant de 13 ans à Necker. Le 3 décembre 1967,
la première greffe cardiaque est réalisée en Afrique du Sud par Cris Barnard. La voie de
la transplantation d’organes solides allogéniques était ouverte. Entre les années 1970 et
1980 les transplantations de rein, de foie et de cœur deviendront routinières. D’autres
transplantations suivront : bloc cœur-poumons, pancréas, mains, visages, transplantations
multi-organes… Aujourd’hui, les greffes d’organe sont entrées dans la routine médicale.
Les greffons sont prélevés essentiellement sur des « sujets » en état de mort
encéphalique. Ce nouvel état de la condition humaine n’est possible que grâce à la
réanimation. Les donneurs sont en fait des cadavres dont les organes en dehors du cerveau
sont maintenus fonctionnels. Il est difficile de cataloguer les patients en état de mort
encéphalique avec les mots de la langue française. Il y a là une vraie question ontologique.
S’agit-il de sujets, d’individus, de personnes, de patients, de cadavres dont les organes sont
vivants, de sujets en état de « surmort » (on ne peut plus dire de survie…) ? Cet état reste
difficilement définissable. Il faut dire que la situation est troublante : ce sont des morts dont
le cœur bat et qui sont en état de vie apparent. L’impression est celle d’un sommeil paisible.
On comprend la réticence des familles à autoriser les prélèvements sur leur proche. La loi a
essayé de contourner cet obstacle grâce au consentement présumé au don : tout sujet en état
de mort encéphalique est présumé être consentant au don de ses organes sauf refus exprimé
de son vivant. Cette loi est en partie vaine puisque actuellement un tiers des prélèvements
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sont refusés par les familles. Ceci montre que la société n’est pas à l’aise avec cette nouvelle
mort.
La mort encéphalique soulève de redoutables questions ontologiques comme par exemple
la définition de l’être comme nous l’avons vu mais aussi des questions anthropologiques
comme la représentation de la mort, l’utilisation de cadavres en tant que moyen,
l’appartenance du corps humain … La définition de la mort varie selon les époques et les
cultures [6]. Classiquement la mort est définie par le dernier souffle. Le mot « expirer »
revêt alors tout son sens. Il rappelle le souffle créateur de Dieu. Le médecin vérifiait par
un miroir l’absence de buée expirée par le mort. Par la suite la mort est devenue le dernier
battement cardiaque. Les médecins vérifiaient la mort par l’artériotomie radiale. Ces deux
morts se diagnostiquaient cliniquement. La mort encéphalique, quant à elle, peut se définir
comme la dernière activité électrique du cortex. Son diagnostic n’est plus clinique mais
clinique et technique. Les médecins vérifient la mort par des électro-encéphalogrammes
(encore une machine !). Ainsi, en inventant le concept de mort encéphalique, les
réanimateurs sont venus apporter une nouvelle représentation symbolique de la mort et du
mourir. Se pose également la question de l’utilisation du cadavre comme moyen [6]. Que
représente le corps d’un sujet en état de mort encéphalique ? Est-il encore un sujet ou est-il
devenu un objet utilisable ? Est-il déjà cadavre ou représente-t-il encore l’homme qu’il fut ?
Autant de questions bouleversant notre représentation symbolique du corps et du cadavre.
Si celui-ci n’est qu’un attribut de l’homme, une possession qu’anime son existence, la mort
opère une dissociation radicale : le corps n’est plus rien. Mais si l’on conçoit que l’homme
est son corps, la mort ne brise pas cette solidarité antérieure : le corps demeure l’homme
qu’il fut. Si le cadavre est encore la personne on comprend que l’on ne puisse utiliser ses
organes comme moyen. On se heurterait à l’impératif kantien profondément ancré dans
notre culture qui interdit l’utilisation de l’homme en tant que moyen.
La mort encéphalique est un héritage dualiste, occidental et cartésien : « Je suppose que
le corps n’est autre chose qu’une statue ou une machine de terre… » dit Descartes dans le
Traité de l’Homme. Ainsi l’homme est-il uniquement identifié à ses fonctions supérieures.
Les cultures orientales n’ont pas cette conception mécaniste et utilitariste du corps. Ainsi,
au Japon, le corps ne peut être profané et les prélèvements cadavériques n’existent pas. De
même d’autres philosophes occidentaux s’élèvent contre le concept de corps-machine. Hans
Jonas écrit : « mon identité est l’identité de mon organisme entier, même si les fonctions
supérieures de la personne sont localisées dans le cerveau. […] Ainsi le corps du comateux,
dans la limite où, à l’aide de l’art, il continue à respirer, son cœur à battre, les échanges
cellulaires se poursuivre, doit être considéré comme la continuation du sujet aimant et aimé,
et en tant que tel, il a encore au moins le droit à cette part de sacralité que les lois de Dieu et
des hommes lui confèrent. On ne peut l’utiliser comme un simple objet » [7].
Ainsi les réanimateurs ont-ils profondément changé notre vision symbolique de la mort
et la transplantation a modifié notre conception du soi.
L’ARRÊT DES THÉRAPEUTIQUES DE SUPPORT :
LES RÉANIMATEURS DÉCIDENT DE LA MORT
« La vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort » dit Bichat. Les techniques
de support permettent d’augmenter cette résistance. Du moins jusqu’à un certain point, car
il existe une limite à ne pas dépasser : celle de l’obstination déraisonnable appelée il y a peu
acharnement thérapeutique. C’est ainsi qu’environ la moitié des enfants qui meurent en
réanimation décède après une décision médicale d’arrêter ou de limiter les traitements actifs
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de support [3, 4]. Ce n’est plus le destin qui est responsable du décès mais l’équipe médicale
elle-même. Ceci pose un problème éthique majeur qui a été largement débattu lors de la
rédaction des lois de bioéthiques. Ces pratiques de limitation ou arrêt des thérapeutiques
de support sont maintenant parfaitement encadrées par la législation et obéissent à des
recommandations très strictes des sociétés savantes. Mais au-delà de ces problèmes éthiques,
une nouvelle transformation s’effectue pour le réanimateur et les équipes médicales : le
fait de penser la mort d’autrui, de la décider et de l’appliquer. De nouveau la réanimation
modifie les repères symboliques de l’Homme et de la médecine. L’immense majorité
de décision de limitations et arrêts des thérapeutiques de support sont prises parce que
le pronostic neurologique de l’enfant est catastrophique et son espoir de mener une vie
heureuse est quasi-inexistant. Pour éviter cette « peine de vie » les réanimateurs peuvent
donc arrêter la vie en retirant leurs machines. Mais cette possibilité soulève de nouvelles
questions comme par exemple celle des frontières entre autonomie des médecins, des
patients et de leur famille, de la définition de l’obstination thérapeutique déraisonnable, de
la notion de « vies ne valant pas la peine d’être vécues » ou encore la définition d’une vie
heureuse…
LA RÉANIMATION DES EXTRÊMES PRÉMATURÉS :
UNE NOUVELLE LIMITE À LA VIE
Si la réanimation a permis de donner une nouvelle définition de la mort, elle a permis
également une nouvelle définition de la vie en abaissant le seuil de viabilité des nouveau-nés.
En permettant la survie des extrêmes prématurés, elle a repoussé les limites du vivant et posé
la question des frontières de la vie. Ce faisant elle a, là aussi, soulevé des questions ontologiques cruciales obligeant à redéfinir des concepts de personnes, de sujets, d’êtres humains,
d’individus. Ces mêmes questions sont soulevées par l’utilisation d’embryons à des fins de
recherche et les thérapies cellulaires en cours de discussion dans la réactualisation des lois de
bioéthique. A partir de quel âge gestationnel ou non devient-on une personne ? P. Singer et
H.T. Engelhart, tous deux enseignants l’éthique médicale outre-Atlantique vont résoudre
cette interrogation d’une manière surprenante voire inquiétante. « Tuer un babouin ne
possédant pas, au même degré ce sens d’une vie biographique me semble donc justifié. Mais
tout aussi justifié est le fait de tuer un être humain à qui ce même sens fait défaut… ». Ou
encore « …Rationalité, autonomie, mais aussi capacité au langage, capacité de « réciprocité », la liste de ce qui fait le propre de l’homme selon les philosophes serait longue ! Mais
toutes ces descriptions s’appliquent-elles à un enfant de 5 mois… ? » [8]. Pour Peter Singer,
ni l’embryon, ni le nouveau-né, ni même le nourrisson n’ont les attributs du propre de
l’homme et l’auteur va jusqu’à affirmer : « Un chimpanzé ou un cochon, par exemple, se
rapproche bien plus du modèle d’être autonome et rationnel qu’un nouveau-né » [8]. Le pas
est alors franchi pour que H. T. Engelhart puisse affirmer : « D’un autre côté tous les êtres
humains ne sont pas des personnes. Tous les humains ne sont pas conscients d’eux-mêmes,
rationnels et capables de concevoir la possibilité de blâmer ou de louer. Les fœtus, nourrissons, arriérés mentaux profonds, et comateux irréversibles fournissent l’exemple d’humains
n’étant pas des personnes » [9]. De tels propos ne peuvent que nous choquer. Ils peuvent
être mis sur le compte d’une philosophie étrangère bien loin de notre héritage continental,
essentiellement gréco-latin et judéo-chrétien. Nous nous sentons sans doute plus proche
de Hans Jonas lorsqu’il énonce à l’inverse que le nouveau-né et le nourrisson représente le
paradigme du principe de responsabilité, ne laissant aucun choix « … Le nourrisson unit en
lui-même la violence du déjà-être-là qui s’accrédite elle-même et l’impuissance, pleine des
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exigences du n’être-pas-encore … Le devoir-devenir est un état intermédiaire – l’être sans
défense suspendu au-dessus du non-être – qu’une causalité étrangère doit exaucer. […]. Or
c’est sur cet enfant-ci, dans sa singularité absolument contingente que porte maintenant la
responsabilité – l’unique cas ou la « chose » n’a rien à voir avec un jugement sur sa dignité,
rien avec une comparaison, rien avec un contrat » [10].
LA RÉANIMATION A CRÉÉ UNE NOUVELLE VISION SYMBOLIQUE
DE L’HOMME
De tout temps, les sociétés et civilisations se sont construites autour de mythes fondateurs. Leur fonction principale est de tenter d’ordonner le Chaos ou l’inexplicable à
partir de l’imaginaire. Bien entendu la médecine a été au premier rang de ces mythes car
elle a directement à faire avec les mystères de la vie et de la mort, du vivant et du mourir.
Qu’il s’agisse d’Isis, Imhotep, d’Apollon, d’Esculape, d’Asclépios, ou encore du médecin
tout puissant actuel, la médecine est un espace où le domaine du mythe et du symbole est
dominant. Force est de reconnaître que la réanimation, en bouleversant l’image symbolique
du corps, de l’esprit, de la vie et de la mort est en train de construire de nouveaux repères.
Il s’agit d’une métamorphose profonde qui touche au sens des valeurs et qui annonce une
nouvelle vision de l’homme et de sa place dans le monde et la société.
CONCLUSION
« La médecine a été portée au pinacle par la philosophie du Progrès qui a dominé jusqu’il
y a peu la pensée occidentale moderne » dit Dominique Lecourt dans le dictionnaire de la
pensée médicale [11]. La réanimation, parce qu’elle s’appuie sur des techniques de plus
en plus sophistiquées, fait partie de ces spécialités qui, plus que toute autre, symbolisent
le progrès médical. Il ne saurait être question de remettre en cause son utilité. Grâce à elle
de nombreuses vies sont sauvées et de sévères handicaps sont évités chez des nouveau-nés
ou enfants. Mais au-delà des questions éthiques, la réanimation pose actuellement des
interrogations ontologiques et anthropologiques redoutables que l’on ne peut ignorer. En
effet, elle a modifié nos repères symboliques habituels pour redéfinir la mort et de la vie,
notre vision du vivre et celle du mourir. Ainsi c’est une approche différente de l’homme et
de ses valeurs qui se fait jour.
Denis DEVICTOR
Hôpital de Bicêtre - Réanimation néonatale et pédiatrique
Université Paris Sud 11 - Département de recherche en éthique
78 rue du Général Leclerc - 94270 Bicêtre.
[email protected]
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D. DEVICTOR
RÉFÉRENCES
[1] Goulon M, Arthuis M, Cara M, Larcan A, Mantz , J-M, Wattel F, « La Réanimation. Naissance et développement d’un concept », Paris, Maloine, 2004 : pp 255-258.
[2] Cataldi l, Simeoni U, « Vers une histoire de la réanimation », Paris, Glyphe et Biotem éditions 2002 : p
111-129.
[3] Devictor D, Le tragique de la décision médicale. La mort d’un enfant ou la naissance de l’absurde. Vuibert,
2008.
[4] Devictor D, Tissieres P. Fin de vie en réanimation néonatale et pédiatrique. In Ethique, médecine et société.
Vuibert 2007, coll Espace Ethique, pp 836-842
[5] Boutot A., Heiddeger, PUF, coll « Que sais-je ? », 3e Ed., 1995. pp 96,
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DE LA CYTOGÉNÉTIQUE À L’IDENTIFICATION
DE NOUVELLES CIBLES THÉRAPEUTIQUES
DANS LES LEUCÉMIES AIGUËS DE L’ENFANT
par
A. PETIT, J. LANDMAN-PARKER, G. LEVERGER
INTRODUCTION
Les leucémies aiguës de l’enfant sont des proliférations cancéreuses graves, qui touchent
annuellement en France environ 450 enfants de moins de 15 ans [1]. Chez les enfants de
plus de 1 an, 80 % des leucémies aiguës sont des formes lymphoblastiques (LAL), 20 % sont
des formes myéloblastiques (LAM). La survie à 5 ans des leucémies aiguës de l’enfant (1 à 15
ans) est estimée à 82 % pour les LAL et à 58 % pour les LAM à la fin des années 1990, alors
que la survie pour les enfants de moins de 1 an est respectivement de 48 et 45 % [2]. Malgré
les progrès constants des combinaisons thérapeutiques depuis 30 ans, certaines leucémies
sont réfractaires au traitement. L’analyse systématique des anomalies chromosomiques
présentées par les cellules leucémiques a permis, non seulement d’identifier des éléments
pronostiques pris en compte dans la stratégie thérapeutique, mais également de nourrir la
recherche fondamentale, en explorant les mécanismes de leucémogenèse. Cette démarche
offre un espoir majeur pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques, permettant d’améliorer la survie des enfants atteints de leucémies aiguës.
PRISE EN CHARGE DES LEUCÉMIES AIGUËS DE L’ENFANT
Le diagnostic de leucémie aiguë nécessite une approche multiparamétrique, dont le but
est d’identifier correctement la maladie (cytologie, cytochimie, phénotype immunologique, anomalies cytogénétiques ; anomalies récurrentes des gènes de fusion connus ; profil
d’expression de certains transcrits spécifiques), mais aussi, de reconnaître précocement les
éléments pronostiques défavorables cliniques ou biologiques, permettant d’ajuster la prise
en charge thérapeutique au risque.
Les traitements reposent sur l’association de plusieurs médicaments anticancéreux, dont
la plupart ont été découvert il y a plus de 40 ans. Le fruit de la recherche continue de ces 30
dernières années est d’avoir appris à combiner ces traitements séquentiellement, conduisant
à améliorer très significativement la survie de ces patients, qui sont aujourd’hui traités en
France selon les protocoles « FRALLE » ou « EORTC » pour les leucémies aiguës lymphoblastiques et selon le protocole « ELAM02 » pour les leucémies aiguës myéloblastiques.
Ces traitements sont dits « non ciblés » en opposition aux thérapeutiques innovantes dites
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« ciblées », qui permettent le traitement de certaines formes rares de leucémie de l’enfant,
et qui sont disponibles depuis une dizaine d’années.
CYTOGÉNÉTIQUE DANS LES LEUCÉMIES AIGUËS
Historique
Le caryotype normal, avec la description d’une cellule humaine à 46 chromosomes, a
été établi en 1956. En hématologie maligne, la cytogénétique hématologique apparaît en
1960, par la mise en évidence d’une anomalie chromosomique récurrente, le chromosome
« Philadelphie », dans la leucémie myéloïde chronique (L.M.C.) par Peter Nowell et David
Hungerford. La technique de cytogénétique s’améliore au début des années 1970, avec la
mise au point du « banding », permettant de préciser les points de cassure sur les différents
chromosomes. Le chromosome Philadelphie est ainsi « décrypté » en 1970, comme un
chromosome 22 remanié, puis secondairement en 1973, comme étant une translocation
t(9 ;22)(q34 ;q11) [3]. Dans le début des années 1980, la mise au point de la technique de
FISH va permettre de préciser les anomalies de structure à l’échelle moléculaire et de caractériser des anomalies cytogénétiques cryptiques récurrentes non visualisables par les techniques de caryotype en bandes. Cette technique a permis, par exemple, au début des années
1990, de mettre en évidence la translocation cryptique t(12;21)(p13;q22), qui fusionne les
gènes ETV6, localisé sur le chromosome 12, et RUNX1, localisé sur le chromosome 21 [4].
Cette anomalie récurrente est identifiée dans 22 % des leucémies aiguës lymphoblastiques
de la lignée B de l’enfant (Figure 1).
Aujourd’hui, les nouveaux outils d’analyse génomique (analyse de l’ADN) plus précis,
comme les puces d’hybridation génomique comparative ou CGH array (Comparative
Genomic Hybridization), permettent de mettre en évidence des déséquilibres génomiques
multiples non visualisés sur un caryotype « standard » ou en cas d’échec de cette technique.
La CGH array, qui permet une étude pangénomique, était initialement utilisée en recherche. Elle commence à trouver une place dans la prise en charge clinique des patients. Ainsi,
en oncologie pédiatrique, l’étude des déséquilibres génomiques des échantillons tumoraux
de neuroblastome permet d’établir un marqueur pronostic d’évolution, qui sera à terme
intégré dans la stratégie thérapeutique [5]. En hématologie maligne, les techniques d’étude
moléculaire de l’ADN, outre la technique de PCR (Polymerase Chain Reaction) disponible
depuis 1985, ont acquis une capacité d’analyse de haute densité, avec les puces haute résolutions de type SNP-array (Single Nucleotide Polymorphism) qui sont capables de mettre
en évidence des anomalies de séquence de la plupart des gènes majeurs de la mécanique
cellulaire. Ces techniques sont encore du domaine de la recherche.
Le modèle : la translocation t(9 ;22) dans la L.M.C.
L’identification du chromosome Philadelphie, fruit d’une translocation récurrente
entre les chromosomes 9 et 22, reste un des exemples les plus marquants de l’hématologie
maligne [3]. La caractérisation moléculaire de cette translocation a identifié une fusion
entre les gènes BCR et ABL, exprimant un transcrit de fusion BCR-ABL, codant pour une
protéine chimérique, à activité tyrosine kinase. L’activation constitutive de cette tyrosine
kinase entraîne la dérégulation de gènes associés à la prolifération et la survie, induisant les
manifestations cliniques et biologiques de la maladie. La mise au point d’un inhibiteur spécifique de cette protéine de fusion, l’imatinib a révolutionné le pronostic de cette maladie
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et l’approche thérapeutique des hémopathies malignes, ouvrant la voie des thérapeutiques
dites « ciblées », car spécifique d’une voie métabolique précise [6].
Leucémie aiguë à promyélocytes
La leucémie aiguë à promyélocytes est une leucémie aiguë myéloblastique (type M3 de la
classification F.A.B.) caractérisée par des particularités biologiques, moléculaires, cliniques
et thérapeutiques. Sur le plan biologique, cette maladie est caractérisée par un arrêt de différenciation et une prolifération tumorale anormale au stade de promyélocytes. Sur le plan
génétique, dans sa forme classique, les cellules tumorales présentent une translocation entre
les chromosomes 15 et 17, remaniant les gènes PML et RARα, aboutissant à l’expression
d’un transcrit de fusion chimérique. L’acide tout-trans rétinoïque (ATRA) permet d’induire la différenciation des promyélocytes en cellules matures et a permis, en combinaison
aux polychimiothérapies, d’améliorer significativement le pronostic de cette maladie [7].
Études des fusions récurrentes
Afin de reproduire cette approche idéale, d’une maladie associée à un marqueur facilement identifiable, dérégulant une voie métabolique spécifique permettant un traitement
ciblé, les travaux de recherche de ces 20 dernières années ont permis la description de
nombreuses anomalies cytogénétiques, par la caractérisation de fusions de gènes impliqués
en hématologie maligne (Figure 1). A ce jour, toutefois, seuls les inhibiteurs de récepteurs
de tyrosine kinase ont permis des succès thérapeutiques significatifs. D’autres voies métaboliques indispensables à la leucémogenèse chez l’enfant sont identifiées, et font l’objet de
recherche d’inhibiteurs spécifiques.
La description des fusions chromosomiques identifiées dans les hémopathies malignes
est d’un intérêt considérable, ouvrant des pistes multiples pour étudier les mécanismes
d’oncogenèse ou de leucémogenèse. L’analyse cytogénétique des échantillons de cellules
cancéreuses, permet de recenser actuellement, environ 360 anomalies de structures chromosomiques (majoritairement des translocations équilibrées) dans les cancers humains,
impliquant 337 gènes différents. La majorité de ces anomalies (75 %) touche des leucémies
aiguës, 267 sont décrites dans les LAM, 155 dans les LAL [8].
La cytogénétique a parfois permis de décrire à partir d’une anomalie chromosomique
rare, un mécanisme oncogénétique fréquent. A titre d’exemple, la translocation t(7 ;9)
(q34 ;q34) qui entraîne une activation constitutionnelle de Notch1 est présente dans moins
de 1 % des leucémies aiguës lymphoblastiques T. Néanmoins, l’implication de Notch1 dans
l’oncogenèse lymphoblastique T a été largement démontrée ensuite par la mise en évidence
de mutations gains de fonction présentes dans 50 % des LAL-T humaines [9].
Parmi ces fusions, on a pu ainsi isoler et caractériser un type particulier de gènes dits
« multipartenaires ». Ces gènes, tels MLL, ETV6, RUNX1, NUP98 ont la particularité
de se réarranger de manière récurrente et non aléatoire avec des gènes partenaires variés
[10-12]. Les anomalies des fusions impliquant un gène multipartenaire sont des outils
idéaux pour mener des recherches, car on peut imaginer que la récurrence de ces fusions
doit conduire à l’identification de mécanismes oncogénétiques récurrents, qui dirigeraient
chercheurs et médecins vers des approches thérapeutiques plus adaptées et ciblées.
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QUELLES NOUVELLES PISTES THÉRAPEUTIQUES ? QUELQUES EXEMPLES
Inhibiteurs spécifiques d’une cible : FLT3-ITD / NOTCH1
Le gène FLT3, qui code pour un récepteur de tyrosine kinase, peut être activé constitutionnellement par une duplication interne en tandem (IDT, internal duplication tandem).
FLT3 et son ligand sont importants dans l’expansion des progéniteurs hématopoïétiques.
Cette mutation est rapportée dans environ 11 % des leucémies aiguës de l’enfant et est
associée à un pronostic défavorable. Des inhibiteurs spécifiques de cette tyrosine kinase, sont
actuellement en cours de développement [13].
Plus de la moitié des leucémies aiguës lymphoblastiques T de l’enfant sont associées à
une mutation activatrice de NOTCH1, gène codant pour un récepteur transmembranaire
impliqué dans la régulation du développement lymphocytaire T [14]. Une autre approche
thérapeutique actuelle est de tenter l’utilisation d’un anticorps spécifique, pouvant inhiber
cette cible [15].
Modificateurs de la chromatine
L’étude approfondie des gènes de fusion dans les cellules leucémiques, souvent modélisés
chez la souris, met de plus en plus en lumière le rôle des modifications « épigénétiques » de
la chromatine dans la régulation des gènes. La chromatine correspond à la molécule d’ADN
associée à différentes protéines, dont les protéines histones. Elle subit des modifications
fréquentes de méthylation, déméthylation, réalisées par des familles de protéines spécialisées
et schématiquement va être dans une conformation plus ou moins « compactée » rendant
ainsi accessible la machinerie cellulaire à la transcription de certains gènes. Ces gènes vont
être ainsi soit « verrouillés » et donc rendus « silencieux », soit « déverrouillés » rendant
possible leur expression.
Dans la leucémie aiguë à promyélocytes (LAM M3), le mécanisme d’action de l’ATRA
permet de restaurer indirectement des modifications épigénétiques induites par la protéine
chimérique PML-RARα, et induit ainsi la différenciation des promyélocytes [7].
Les études des fusions impliquant des gènes multipartenaires RUNX1, MLL et NUP98
ont montré que ces fusions entraînent la dérégulation d’autres gènes, tels que les gènes
HOX, gènes majeurs de l’embryogénèse, l’hématopoïèse et la fonction de cellules souches [10-12]. Les cellules souches ont des propriétés particulières notamment la capacité
d’auto renouvellement, de prolifération et de différentiation. Elles sont en règle générale
résistantes aux chimiothérapies. Des travaux récents ont montré que certaines protéines
de fusion, impliquant par exemple MLL ou NUP98, dérégulaient les gènes HOX, par des
modifications épigénétiques de la chromatine, restaurant ainsi le profil d’expression de type
« cellules souches ». Cette cascade de modifications génétiques conduit une cellule normale
à « devenir » une cellule souche leucémique et permet de formuler des hypothèses pour
expliquer la résistance de certaines formes de leucémies aux traitements conventionnels. La
compréhension de ces mécanismes de « dérégulation » a conduit à une nouvelle approche
thérapeutique agissant directement sur les protéines impliquées dans les modifications
épigénétiques de la chromatine ; soit de manière non ciblée sur plusieurs protéines remodelant la chromatine, soit peut-être à terme, de manière très ciblée sur une protéine particulière agissant sur l’expression d’un gène ou d’un groupe de gènes [16]. L’acide valproïque,
médicament très bien connu dans l’épilepsie, a la particularité d’avoir une action histone
déacétylase qui modifie l’expression de certains gènes, en modifiant les propriétés de la
chromatine. Ce médicament fait l’objet d’essais thérapeutiques en oncologie et hématologie
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chez l’adulte [17]. Plusieurs autres molécules sont actuellement en cours d’évaluation chez
l’adulte [18, 19].
Cas « Ikaros »
Une étude génomique à haute résolution, de type SNP-array, sur des échantillons pédiatriques de leucémies aiguës lymphoblastiques, de la lignée B, a mis en évidence très récemment, indépendamment des autres facteurs péjoratifs déjà connus, l’impact pronostique
défavorable des anomalies structurales du gène IKZF1 ou Ikaros (délétions ou mutations).
Ce gène est nécessaire pour la différenciation lymphoïde B. L’hypothèse formulée serait que
la perte de fonction d’Ikaros empêcherait la différenciation lymphoïde B, conférant ainsi
aux cellules leucémiques des propriétés de cellules souches [20]. La haute valeur pronostique des anomalies du gène IKZF1 rend probable sa forte implication dans les processus de
leucémogenèse ou de résistance à la chimiothérapie, ouvrant l’accès à de larges projets de
recherche pour identifier des nouvelles cibles thérapeutiques.
CONCLUSION
La caractérisation cytogénétique systématique des anomalies associées aux leucémies
aiguës de l’enfant reste une source importante d’études permettant d’améliorer la compréhension des processus de leucémogenèse. Aujourd’hui deux aspects de cette analyse sont
émergents. D’une part, la disponibilité d’outils d’étude de l’ADN nouveaux et à hautes
résolutions, dont l’avantage est d’apporter une quantité inégalable d’informations sur les
altérations de l’ADN, mais dont la difficulté principale en reste l’interprétation. D’autre
part, la mise au point de thérapeutiques « ciblées » sur une famille de protéines ou une
protéine particulière, ouvrant de nouveaux espoirs, et peut-être la mise au point dans le
futur de traitements « à la carte », établis sur le profil génétique de chaque leucémie diagnostiquée, et en particulier, pour les formes de leucémies résistantes aux thérapeutiques
conventionnelles.
A. PETIT, J. LANDMAN-PARKER, G. LEVERGER
Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, Hôpital Armand Trousseau, Service d’Hématologie et d’Oncologie
Pédiatrique, 26 avenue Arnold Netter, 75012 Paris, France.
Auteur correspondant : Arnaud Petit - [email protected]
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Figure 1: Principales anomalies récurrentes cytogénétiques et moléculaires identifiées dans les leucémies aiguës lymphoblastiques
de l’enfant (d’après Pui et al, NEJM 2004). Les anomalies en gras sont spécifiques des leucémies aiguës lymphoblastiques
de la lignée T ; les autres anomalies sont retrouvées dans les leucémies aiguës lymphoblastiques de la lignée B.
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DÉLAIS DIAGNOSTIQUES DES
MÉDULLOBLASTOMES DE L’ENFANT
par
J.-F. BRASME, J. GRILL, F. DOZ, S. PUGET, M. CHALUMEAU ;
POUR LE GROUPE DIAMED*
INTRODUCTION
Les tumeurs cérébrales sont la première cause de tumeur solide chez l’enfant [1]. Le
médulloblastome est la 2e tumeur cérébrale la plus fréquente après l’astrocytome [1]. Malgré
les progrès réalisés dans la prise en charge des enfants atteints de médulloblastome, la survie
à 10 ans n’est que de l’ordre de 50 % [1] et les séquelles neurologiques et cognitives sont
nombreuses [2]. Le délai diagnostique des tumeurs cérébrales est l’un des plus longs des
cancers de l’enfant, allant en médiane de 1 à 5 mois [3-8]. Ce délai, signalé depuis plus de 50
ans, est incriminé dans la mortalité précoce par cancer chez l’enfant [9, 10]. Il est à l’origine
d’un remords douloureux pour les médecins et les parents [11], et parfois de poursuites
judiciaires. La principale cause avancée pour expliquer le délai diagnostique des tumeurs
cérébrales de l’enfant est la non spécificité des symptômes [3, 7, 12, 13], souvent banals et
attribués à tort à des affections communes - par exemple des vomissements attribués à un
reflux gastro-œsophagien - ou considérés comme d’origine psychologique [12]. Néanmoins,
les publications sur les délais diagnostiques des médulloblastomes de l’enfant présentent des
limites méthodologiques (principalement des biais de sélection) pour étudier précisément
leur fréquence, leurs causes et leurs conséquences, et les résultats de ces travaux sont parfois
contradictoires [3, 4, 6-8, 14].
Notre étude avait donc pour objectif d’analyser, à partir d’un recrutement en population, la distribution, les déterminants et les conséquences sur la gravité immédiate et la survie
des délais diagnostiques du médulloblastome de l’enfant.
PATIENTS ET MÉTHODES
Patients
Nous avons réalisé une étude de cohorte historique multicentrique visant à inclure tous
les cas pédiatriques de médulloblastomes diagnostiqués dans une région française (Ile-deFrance), entre 1990 et 2005. L’exhaustivité géographique du recrutement a été vérifiée à
partir du Registre National des Tumeurs Solides de l’Enfant [15]. Nous avons inclus tous les
patients âgés de moins de 15 ans au moment du diagnostic, atteints d’un médulloblastome
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J.-F. BRASME, J. GRILL, F. DOZ, S. PUGET, M. CHALUMEAU ; POUR LE GROUPE DIAMED*
prouvé histologiquement, dont le diagnostic radiologique de tumeur cérébrale avait été fait
dans la région étudiée.
Données recueillies
Les données nécessaires à l’étude ont été recueillies à partir de chaque dossier médical
des services d’oncopédiatrie et de neurochirurgie. Le délai diagnostique, exprimé en jours, a
été défini comme la durée entre le premier symptôme attribuable à la maladie et la date du
diagnostic (date de l’imagerie cérébrale). Le bilan de l’extension locale et métastatique était
réalisé par une IRM cérébrale pré- et post-opératoire à la recherche du caractère complet
de l’exérèse, une IRM spinale pré- ou post-opératoire, et une ponction lombaire post-opératoire à la recherche d’une dissémination métastatique. Tous les patients ont eu un bilan
d’extension complet sauf un, décédé précocement. L’extension initiale de la maladie, locale
et métastatique, a été classée selon le stade T de la classification de Chang-Harisiadis [16].
La qualité de l’exérèse était définie d’après le compte-rendu opératoire et l’imagerie postopératoire précoce [17].
Analyses
Nous avons décrit les caractéristiques démographiques et tumorales, les symptômes,
les signes cliniques, les délais diagnostiques et les autres diagnostics évoqués. Nous avons
comparé les signes entre les enfants de moins de 3 ans et ceux de plus de 3 ans au moment
du premier symptôme [6, 7]. Nous avons étudié la relation entre le délai diagnostique et
les variables cliniques (âge, sexe, symptômes et signes cliniques). Pour les patients ayant
eu un délai supérieur à la médiane, les causes du retard au diagnostic étaient recherchées
qualitativement à partir de l’histoire de la maladie. La relation entre le délai diagnostique,
l’extension métastatique et locale, et le type histologique a été étudiée par analyses uni- et
multivariées. Enfin, nous avons étudié la relation entre survie et délai, ainsi qu’entre survie
et âge ou caractéristiques tumorales. Les comparaisons ont été réalisées sur l’ensemble de la
population après ajustement, puis après stratification sur les facteurs pronostiques retrouvés
(caractère métastatique ou localisé, type histologique) et selon l’âge (supérieur ou inférieur
à 5 ans), par analyses uni- et multivariées et notamment après ajustement par un score de
propension au retard diagnostique [18].
RÉSULTATS
Population et caractéristiques tumorales
Parmi les 170 dossiers éligibles, 4 dossiers (2 %) n’étaient pas évaluables sur les critères
d’inclusion. L’analyse a donc porté sur 166 patients : 72 % étaient des garçons ; l’âge médian
au premier symptôme était de 6 ans (espace interquartile (EIQ) : 4 - 9), 15 % avaient moins
de 3 ans, 31 % avaient moins de 5 ans. Les patients avaient une tumeur localisée dans 62 %
des cas (exérèse complète 52 %, exérèse incomplète 10 %), une tumeur métastatique dans
37 % des cas. Le stade était T1 pour 3 %, T2 pour 26 %, T3A pour 16 %, T3B pour 37 % et
T4 pour 18 % des patients. Le volume tumoral médian était de 33 cm3 (EIQ 22 – 42). Le
type histologique était standard dans 78 %, desmoplasique dans 22 % des cas.
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DÉLAIS DIAGNOSTIQUES DES MÉDULLOBLASTOMES DE L’ENFANT
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Symptômes et signes cliniques
Pour les enfants de moins de 3 ans, le premier symptôme était le plus souvent une régression des acquisitions psychomotrices (40 %) ou des vomissements (28 %). Parmi tous les
symptômes cumulés jusqu’au jour du diagnostic, les plus fréquents étaient les vomissements
(72 %), la régression des acquisitions psychomotrices (60 %) et l’ataxie (60 %). Vingt huit
pour cent des patients n’avaient ni céphalées, ni vomissements. Pour les enfants de plus de
3 ans, le premier symptôme était le plus souvent des céphalées (37 %), des vomissements
(28 %) ou des signes d’allure psychologique (13 %) tels que baisse du rendement scolaire, tristesse, troubles du comportement ou/et anxiété. Parmi tous les symptômes cumulés
jusqu’au jour du diagnostic, les plus fréquents étaient les vomissements (91 %), les céphalées
(87 %), l’ataxie (50 %) et les signes d’allure psychologique (28 %). Le caractère matinal des
céphalées était absent pour 35 % des enfants ayant ce symptôme.
Les signes les plus souvent retrouvés à l’examen clinique étaient des signes cérébelleux
(58 %). Pour les enfants de plus de 3 ans, l’examen neurologique était considéré comme
normal par les 2 examinateurs pour 31 % des patients (vs 4 % des enfants plus jeunes ; p =
0,005). Pour les enfants de moins de 3 ans, au moins un signe d’hypertension intracrânienne
décompensée était présent pour 32 % (vs 14 % des enfants de plus de 3 ans ; p = 0,003) :
troubles de conscience, coma, convulsions, regard en coucher de soleil, bradycardie ou/et
bradypnée.
Délais diagnostiques
Le délai diagnostique a pu être établi dans tous les dossiers inclus. Sa mesure était ambiguë pour 2 % des patients. Sa médiane était de 65 jours (EIQ 31 - 121, extrêmes 3 - 457).
Il n’a pas été retrouvé de différence statistiquement significative dans la distribution du
délai en fonction des départements de la région, ni entre les différentes périodes de 5 ans de
1990 à 2005 (61 vs 65 vs 69 jours, p > 0,2). Le diagnostic de tumeur cérébrale était d’emblée le premier diagnostic évoqué dans 7 % des cas. Les autres diagnostics évoqués étaient
principalement des affections digestives (45 % : gastrite ou gastro-entérite aiguë, reflux
gastro-œsophagien, constipation, appendicite...), des viroses (30 %), des troubles d’origine
psychologique (22 %), des migraines ou des céphalées tensionnelles (22 %).
Relations entre délai diagnostique, symptômes et signes cliniques
Les enfants âgés de moins de 5 ans au moment du diagnostic avaient un délai diagnostique significativement plus court que ceux plus âgés (délai médian 55 vs 77 jours, p = 0,03 ;
tableau 1). La présence de signes d’allure psychologique (baisse du rendement scolaire, troubles du comportement, tristesse ou/et anxiété) était associée à un délai diagnostique significativement plus long (91 vs 60 jours, p = 0,001), en particulier pour les enfants de plus de
3 ans ayant une baisse du rendement scolaire (145 vs 57 jours, p < 0,0001). Lorsque l’un de
ces signes d’allure psychologique était le premier symptôme, le délai était significativement
plus long en comparaison avec les autres premiers symptômes (délai médian 181 vs 58 jours,
p < 0,0001). En revanche, le délai était significativement plus court lorsque le 1er symptôme
était des céphalées (délai médian 43 vs 77 jours, p = 0,0003). Il n’a pas été retrouvé de différence statistiquement significative dans la distribution des délais diagnostiques selon l’âge
inférieur ou supérieur à 3 ans (délai médian 68 vs 65 jours, p > 0,2), ni selon le sexe (69 jours
pour les garçons vs 54 pour les filles, p > 0,2), ni selon les autres particularités cliniques,
notamment la présence de signes d’hypertension intracrânienne décompensée, ou le carac-
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tère normal de l’examen neurologique (p > 0,2).
Analyse qualitative des délais diagnostiques longs
Parmi les causes possibles du retard diagnostique pour les 83 patients présentant un
délai diagnostique supérieur à la médiane de 65 jours, on retrouve le caractère inconstant
(25 %) ou tardif (36 %) de l’association céphalées-vomissements, ayant probablement
orienté le diagnostic vers des affections digestives, des migraines ou des céphalées tensionnelles. Pour 44 % des patients présentant l’association céphalées-vomissements, l’imagerie
cérébrale était faite plus de 30 jours après l’apparition du 2e de ces symptômes, parce que
ces symptômes n’évoluaient pas vers l’aggravation, mais restaient discrets, voire régressaient
temporairement de façon spontanée. Les symptômes d’orientation neurologique tels que
ataxie cérébelleuse, atteinte des paires crâniennes ou/et troubles de conscience étaient tardifs (57 %) ou absents (24 %). Enfin, la présence de signes d’allure psychologique (35 %),
la normalité de l’examen neurologique (27 %) ou du fond d’œil (41 %), ont pu contribuer
au retard diagnostique.
Relations entre délai diagnostique, extension locale et métastatique,
et type histologique
Les enfants ayant une tumeur métastatique avaient un délai diagnostique significativement plus court que ceux ayant une tumeur localisée (délai médian 31 vs 91 jours, p <10-4 ;
tableau 1). Pour l’ensemble des patients, le volume tumoral était significativement plus
grand pour les patients ayant un délai plus long que la médiane de 65 jours (volume tumoral
médian 34 vs 27 cm3, p = 0,002 ; tableau 1). Nous n’avons pas mis en évidence de relation
entre le délai diagnostique et les autres éléments de l’extension locale : stade T, infiltration
du plancher du 4e ventricule, caractère complet de l’exérèse chirurgicale (p > 0,2). Pour les
62 patients (37 %) ayant une tumeur métastatique, l’extension locale était significativement
plus importante lorsque le délai diagnostique avait été long : volume tumoral plus grand
(p = 0,005), stade T plus avancé (p = 0,01), infiltration du plancher du 4e ventricule plus
fréquente (p = 0,006). Pour les 58 patients ayant une tumeur métastatique et ayant été
opérés, la différence de délai en fonction du caractère complet de l’exérèse était à la limite
de la significativité (26 jours en cas d’exérèse complète vs 41 jours si exérèse incomplète, p
= 0,05). Pour les 103 patients (62 %) ayant une tumeur localisée, nous n’avons pas retrouvé
de différence significative de délai selon l’extension locale ni selon le caractère complet de
l’exérèse chirurgicale (86 vs 92 jours, p > 0,2).
La distribution du délai diagnostique était significativement différente en fonction du
type histologique. La médiane du délai était de 112 jours pour les tumeurs desmoplasiques,
de 61 jours pour les tumeurs d’histologie standard (p = 0,01).
Analyse multivariée des facteurs prédictifs du délai diagnostique
Après ajustement sur l’âge supérieur ou inférieur à 5 ans, la présence de signes d’allure
psychologique, le volume tumoral supérieur ou inférieur à la médiane de 33 cm3, le type histologique (desmoplasique ou autre) et la présence de métastases, trois facteurs étaient significativement et indépendamment associés à un délai diagnostique supérieur à la médiane de
65 jours : la présence de signes d’allure psychologique (odds ratio ajusté (ORa) = 3,2 [1,3
– 8,2] ; p = 0,01), un volume tumoral supérieur à la médiane (ORa = 3,5 [1,5 – 7,9] ; p =
0,003) et le caractère non métastatique (ORa = 7 [2,9 – 16,8] ; p < 10-3). L’association au
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DÉLAIS DIAGNOSTIQUES DES MÉDULLOBLASTOMES DE L’ENFANT
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type histologique et à l’âge n’était plus significative après ajustement (p > 0,2).
Relations entre délai diagnostique, facteurs pronostiques et survie
Il n’y avait aucun perdu de vue. A la date de dernières nouvelles, 96 patients (58 %)
étaient vivants. Le recul médian était de 7 ans (EIQ 5 - 12 ans, extrêmes 3 - 17 ans). La survie
des patients ayant un délai diagnostique plus long que la médiane (65 jours) était significativement meilleure que celle des patients ayant un délai plus court (survie à 10 ans 60 vs
47 %, risque relatif (RR) = 1,8 ; [1,2 – 2,8], p = 0,02). Après stratification sur l’âge, pour les
enfants de moins de 5 ans la survie était meilleure en cas de délai supérieur à la médiane de
65 jours (67 vs 29 % à 10 ans, RR = 3,6 [1,4 –8,9], p = 0,03) ; mais pour les enfants de plus
de 5 ans, la survie n’était pas significativement différente en fonction du délai (57 vs 56 %
à 10 ans). Après stratification sur le caractère localisé ou métastatique, dans le groupe des
patients ayant une tumeur métastatique, la différence de survie n’était pas statistiquement
significativement différente en fonction du délai diagnostique (66 vs 38 % à 10 ans, RR = 2,2
[0,8 – 6,4 ], p = 0,12 ) ; de même que dans le groupe des patients ayant une tumeur localisée
(62 vs 55 % à 10 ans, RR = 1,1 [0,6 – 2,3], p > 0,2).
L’analyse multivariée a permis un ajustement dans un modèle de Cox sur les covariables
suivantes : âge supérieur ou inférieur à 5 ans, histologie standard ou desmoplasique, extension métastatique ou localisée, délai diagnostique supérieur ou inférieur à la médiane de 65
jours. L’âge supérieur à 5 ans était indépendamment associé à la survie : les enfants âgés de
plus de 5 ans avaient une survie meilleure (risque relatif ajusté (RRa) = 1,8 [1,1 – 3], p =
0,01). L’association entre délai diagnostique et survie n’était plus significative (RRa = 1,3
[0,8 – 2,3], p = 0,3), de même que l’association entre délai et métastases et entre délai et
type histologique. Dans le sous-groupe des enfants de moins de 5 ans, la survie n’était pas
associée au délai (RRa = 2,2 [0,8 –6,2], p = 0,15) ni à aucune des covariables. Les mêmes
conclusions étaient obtenues avec les analyses incluant le score de propension au délai diagnostique, construit avec les variables suivantes : délai inférieur ou supérieur à la médiane de
65 jours, âge supérieur ou inférieur à 5 ans, histologie standard ou desmoplasique, extension
métastatique ou localisée.
DISCUSSION
Nos résultats, basés sur la première étude en population sur le sujet et ayant analysé
les données d’un nombre important de patients, mettent en évidence la longueur du délai
diagnostique des médulloblastomes de l’enfant. Pour un tiers des enfants de moins de 3
ans, le diagnostic était fait au stade de signes d’hypertension intracrânienne menaçant le
pronostic vital. Nous n’avons pas observé d’amélioration du délai au cours des 15 années de
notre période d’étude, malgré l’augmentation de la disponibilité des méthodes modernes
d’imagerie. Des progrès sont donc nécessaires pour améliorer la précocité du diagnostic de
cette affection.
Plusieurs causes peuvent être suspectées pour expliquer ces délais. Premièrement, près
d’un tiers des patients présentait un symptôme dont la nature pouvait être considérée
comme psychologique : troubles du comportement, tristesse anormale, anxiété et surtout
baisse du rendement scolaire (18 %). Compte-tenu de la difficulté à mesurer ce type de
symptômes, peu d’études les ont analysés. Dans notre travail, l’information du parcours scolaire était recueillie pour tous les enfants lors d’une évaluation neuropsychologique pré-thérapeutique standardisée. Ces symptômes « psychologiques » étaient toujours associés à des
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signes organiques, ayant pu cependant être considérés par erreur comme psychosomatiques.
Nous pouvons faire l’hypothèse d’une relation causale entre la présence de ces signes et un
retard au diagnostic, puisqu’ils étaient associés à un allongement de 50 % du délai diagnostique (91 vs 60 jours, p = 0,001). Ces observations sont à rapprocher d’une étude portant
sur 74 enfants âgés de 0 à 16 ans, ayant eu un diagnostic de tumeur cérébrale entre 1990 et
1994 en Angleterre, et qui retrouvait une baisse du rendement scolaire dans 21 % des cas et
des changements dans le comportement de l’enfant dans 47 % des cas [12]. Deuxièmement,
les symptômes « classiques » de tumeur cérébrale, comme l’association céphalées-vomissements, étaient inconstants, ou apparaissaient tardivement dans l’évolution, surtout chez les
jeunes enfants, orientant à tort le clinicien vers des affections bénignes. Troisièmement, les
différences de présentation clinique selon l’âge, ainsi que la possibilité d’un examen neurologique normal dans près d’1 cas sur 3, constituent une difficulté supplémentaire pour le
clinicien. L’œdème papillaire au fond d’œil ou les signes neurologiques focaux (par exemple
ataxie cérébelleuse) sont inconstants ou peuvent être discrets ou tardifs. Le contraste entre
richesse des symptômes et pauvreté de l’examen clinique peut amener à attribuer ces symptômes à une cause psychologique ou à une affection bénigne.
Nous avons retrouvé une relation globalement inverse entre le délai diagnostique, les
éléments de mauvais pronostic (présence de métastases, type histologique - le type desmoplasique étant de meilleur pronostic que le type standard [19]) et la survie : un délai plus court
correspondait à une maladie plus grave. Un long délai diagnostique était cependant associé
à une aggravation de l’extension locale dans le sous-groupe des tumeurs métastatiques, sans
toutefois influencer significativement la survie dans ce groupe. Ces résultats sont cohérents
avec ceux de 2 autres études américaines où les patients ayant une maladie métastatique [6]
ou une tumeur de haut grade histologique [14] avaient un délai diagnostique significativement plus court. Une relation inverse entre délai au diagnostic et gravité de la maladie peut
s’expliquer par la nature de la progression tumorale. Les tumeurs de croissance rapide et
métastatique donneraient lieu à des formes cliniques de séméiologie récente mais intense,
amenant à une consultation et à un diagnostic rapide, bien que la tumeur soit déjà très évoluée. A l’inverse, les tumeurs de croissance lente et localisée correspondraient à des formes
cliniques où les signes, discrets et installés progressivement, conduisent à une longue durée
d’évolution avant diagnostic. Le délai au diagnostic des médulloblastomes correspondrait
donc davantage aux propriétés biologiques de la tumeur qu’à un retard au recours médical
par les parents ou une sub-optimalité de la prise en charge médicale. Il y a là un argument
pour rassurer les parents qui ressentent une culpabilité quant au délai au recours médical
[11], et aussi les médecins, pour qui les délais sont à l’origine d’un remords douloureux,
voire de poursuites judiciaires.
La principale limite de l’étude est son caractère rétrospectif. Néanmoins, le recueil des
données s’appuyait sur de multiples sources. Les informations venant du médecin de ville,
du pédiatre des urgences, du neurochirurgien et de l’oncopédiatre, ont été recoupées les
unes avec les autres, afin de préciser au mieux la mesure du délai diagnostique, qui n’était
ambiguë que pour 2 % des patients. L’extension de la maladie était déterminée chez tous les
patients sauf 1 (< 1 %). Elle s’appuyait sur des méthodes de mesure standardisées (imagerie).
Il n’y avait pas de patients perdus de vue. Enfin, nous avons retrouvé les mêmes caractéristiques démographiques, cliniques et tumorales que d’autres séries [6-8].
CONCLUSION
Même si la nature évolutive de la tumeur est une composante majeure du délai diagnos-
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tique, une vigilance accrue est souhaitable pour permettre un diagnostic le plus précoce
possible, notamment pour essayer de limiter l’extension locale des tumeurs métastatiques.
Les indications d’imagerie cérébrale pourraient être élargies aux cas d’enfants présentant
soit un symptôme aspécifique persistant pendant plus d’un mois, soit une association de
symptômes même aspécifiques. Cependant, la spécificité d’une telle stratégie serait faible,
compte-tenu de la fréquence des signes d’appel dans la population générale. Enfin, les signes
d’allure psychologique notamment la baisse du rendement scolaire et la possibilité d’un examen neurologique normal constituent des pièges diagnostiques. Tout enfant présentant des
symptômes évocateurs devrait avoir un examen neurologique complet, incluant la recherche
minutieuse de signes cérébelleux, certes difficile chez les plus jeunes enfants.
Jean-François Brasme1,2, Jacques Grill1, François Doz2, Stéphanie Puget2, Martin Chalumeau2 ; pour le groupe
DIAMED*.
1 Oncologie Pédiatrique - Institut Gustave Roussy -39 rue Camille Desmoulins - 94805 Villejuif, France.
2 Université Paris Descartes - 12 rue de l’Ecole de Médecine -75006 Paris, France
* le groupe DIAMED : Nozar Aghakhani (CHU Bicêtre, AP-HP), Olivier Delalande (Fondation Rothschild),
Stephan Gaillard (Hôpital Foch), Brigite Lacour (Registre National des Tumeurs Solides de l’Enfant, CHU de
Nancy), Christian Sainte-Rose (CHU Necker, AP-HP), Dominique Valteau-Couanet (Institut Gustave Roussy).
Auteur correspondant :
Jacques Grill - [email protected]
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TABLEAU 1. RELATIONS ENTRE DÉLAI DIAGNOSTIQUE ET
CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES ET TUMORALES
Caractéristiques
Âge au diagnostic < 5 ans
> 5 ans
Sexe
garçons
filles
Symptômes et signes cliniques
1er symptôme = céphalées
1er symptôme = autre
symptôme d’allure psychologique
absence de symptôme d’allure psychologique
n
délai médian
(total = 166)
(jours)
51
55
115
77
p*
0,03
119
47
69
54
52
114
44
122
43
77
91
60
26
115
145
57
< 0,0001
absence de signes d’hypertension intra-crânienne décompensée
28
138
46
68
0,45
examen neurologique normal
examen neurologique anormal
44
122
65
67
0,48
62
103
31
91
dont (enfants > 3 ans) : baisse du rendement scolaire
absence de baisse du rendement scolaire
signes d’hypertension intra-crânienne décompensée†
Caractéristiques tumorales
tumeur métastatique
tumeur localisée :
risque standard
haut risque local
données manquantes
histologie standard
desmoplasique
volume tumoral < médiane (33 cm3)
> médiane
87
6
0,34
0,0003
0,001
< 10-4
86
92
1
130
36
83
83
61
112
46
82
0,01
0,001
* Degré de significativité du test non paramétrique (Mann Whitney ou Kruskall Wallis) de la distribution du délai.
1 ou plusieurs des signes suivants : baisse du rendement scolaire, troubles du comportement, tristesse, anxiété.
† 1 ou plusieurs des signes suivants : troubles de conscience, coma, convulsions, regard en coucher de soleil, bradycardie,
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DEVENIR À LONG TERME APRÈS TRANSPLANTATION
HÉPATIQUE DANS L’ENFANCE
par
D. DEBRAY, J.-P. DOMMERGUES, O. MOURIER, S. ROUGET,
F. GAUTHIER, O. BERNARD
La transplantation hépatique (TH) s’est largement développée durant les 25 dernières
années. Le nombre de transplantations hépatiques (TH) réalisées chez l’enfant âgé de moins
de 16 ans représente environ 8 % du nombre total de TH réalisées chaque année, soit en
moyenne 70 greffes par an en France (nombre relativement constant depuis 10 ans) [1]. Les
indications de TH sont caractérisées par la forte prédominance des maladies cholestatiques
le plus souvent de début néonatal (notamment l’atrésie des voies biliaires) évoluant vers une
cirrhose biliaire précoce, par la nécessité d’une TH le plus souvent avant l’âge de 5 ans (âge
médian d’environ 3 ans) et enfin par la très faible proportion de maladies exposant à un
risque de récidive sur le greffon [1].
Grâce au traitement immunosuppresseur qui doit être maintenu à vie, la majorité des
enfants atteint l’âge adulte.
COMPLICATIONS TARDIVES POST-TH
La plupart des équipes rapportent un taux de survie des enfants de plus de 80 % à 5, 10 et
15 ans après TH (figure 1) [1-3]. Le taux de survie actuarielle des greffons varie de 50 à 70 %
à 5, 10 et 15 ans selon les séries [1-3]. Le recul excède rarement 15 ans dans la plupart des
grandes séries pédiatriques, et la stabilité des résultats à plus long terme reste incertaine.
Le pronostic à long terme reste grevé par le risque de rejet chronique du greffon souvent
imputable à une mauvaise observance du traitement immunosuppresseur. Le risque de complications liées à l’immunosuppression prolongée par les anti-calcineurines (ciclosporine ou
tacrolimus), notamment l’insuffisance rénale chronique et la survenue de cancers de novo,
doit également être considéré.
Le rejet chronique du greffon
Le rejet chronique du greffon représente la principale cause de perte tardive du greffon
(figure 1) et la principale indication (> 60 % des cas) de re-transplantation hépatique à
plus de 10 ans de la transplantation. Il se traduit histologiquement par la prédominance
de lésions biliaires aboutissant à la disparition des canaux biliaires dans les espaces portes,
associées souvent à une fibrose porte et centrolobulaire. A un stade précoce, le rejet
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D. DEBRAY, J.-P. DOMMERGUES, O. MOURIER, S. ROUGET, F. GAUTHIER, O. BERNARD
chronique est potentiellement réversible après intensification de l’immunosuppression. Un
certain nombre d’enfants développe de façon insidieuse des lésions histologiques d’hépatite
chronique fibrosante ou de fibrose centrale périsinusoïdale peu inflammatoire pouvant
correspondre à une forme particulière de rejet chronique du greffon [1, 4, 5].
Dans l’expérience de Bicêtre, une biopsie hépatique systématique réalisée chez 215
enfants à 10 ans de la TH (âge moyen de 15 + 4 ans) n’est normale que chez 76 d’entre eux
(35 %) malgré la normalité des tests hépatiques chez 2/3 d’entre eux. (figure 2). Des lésions
de rejet chronique du greffon sont le plus souvent observées (38 % des cas), le devenir à plus
long terme reste incertain, et dépend largement de l’observance du traitement immunosuppresseur. En effet, on peut noter dans notre série d’enfants greffés à Bicêtre, une perte
significative de greffons au-delà de 15 ans post-TH (figure 1). La cause principale en est un
rejet chronique le plus souvent imputable à une mauvaise observance du traitement immunosuppresseur, malheureusement fréquente à l’adolescence.
L’insuffisance rénale chronique
L’insuffisance rénale après TH reste également une préoccupation majeure à long terme.
La prévention de l’insuffisance rénale chronique repose avant tout sur la réduction des doses
d’anti-calcineurines sous couvert éventuellement de l’adjonction d’un autre immunosuppresseur non néphrotoxique (mycophénolate mofétil) [6]. Les indications de transplantation rénale secondaire restent encore exceptionnelles chez les adolescents (< 1 %).
Cependant, sur une série de 69 enfants évalués à plus de 2 ans de la TH (recul médian
de 9 ans), l’incidence cumulée d’insuffisance rénale chronique (définie par une clairance à
l’inuline < 60 ml/mn/1,73m2) est de 25 % [7]. Dans notre expérience, la fonction rénale
évaluée par la mesure de la clearance plasmatique à l’EDTA chez 123 enfants à 10 ans
de la TH reste satisfaisante (moyenne 80 ml/mn/1,73 m2) ; cependant, 45 % des enfants
présentent une diminution de la clairance rénale comprise entre 50 et 80 ml/min/1,73 m2
et 7 %, une clairance < 50 ml/min/1,73 m2 [1]. Les raisons en sont multiples, mais dominées
par les perturbations circulatoires péri-opératoires et le traitement au long cours par les
anti-calcineurines (ciclosporine ou tacrolimus). Des kystes rénaux souvent multiples et
bilatéraux, associés à une diminution de la clairance rénale sont fréquemment notés (près de
30 % des cas) à l’examen tomodensitométrique des reins à 10 ans de la greffe [8].
Les cancers de novo
Ils sont favorisés par l’intensité de l’immunosuppression et la durée prolongée de celle-ci. La fréquence des cancers de novo (toutes localisations confondues) augmente d’une
manière générale avec l’âge et le nombre d’années post-transplantation.
Il s’agit essentiellement de syndrome lymphoprolifératif EBV-induit dont la fréquence
après TH varie de 4 % à 11 % selon les études [9]. Sur le plan morphologique, un large
spectre est décrit allant de l’hyperplasie lymphoïde polyclonale au lymphome nonhodgkinien monoclonal. Le risque de SLP apparaît plus important sous immunosuppression
par le tacrolimus que par la ciclosporine. La majorité des SLP-EBV induit se développe
précocement après la TH chez les enfants séronégatifs avant la TH et recevant un greffon de
donneur séropositif, mais le risque persiste à long terme, à l’occasion d’une primo-infection
tardive ou d’une réactivation du virus EBV.
Le cancer de la peau est, après le SLP, la plus fréquente des tumeurs malignes rapportées
après greffe d’organes (16 % des enfants greffés à 10 ans de la transplantation dans une
série) [10]. Il est clairement noté une augmentation de l’incidence à partir de la deuxième
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décennie après transplantation [11].
QUALITÉ DE VIE ET MODE DE VIE APRÈS TH DANS L’ENFANCE
Les résultats de la TH à long terme sont également appréciés par l’analyse d’un certain
nombre d’indicateurs du succès de la TH que sont la croissance staturale, la qualité et le
mode de vie et l’insertion socio-professionnelle.
Croissance staturale
L’étude de la croissance staturale réalisée chez 120 enfants greffés avant l’âge de 13 ans
(âge moyen de 4,5 ± 3,2 ans), et suivis à Bicêtre sur une période de plus de 10 ans après TH
montre que la transplantation permet de rattraper en partie le retard statural accumulé
avant la transplantation (gain statural de + 0,7 DS). La majorité (87 %) des enfants atteint
une taille normale à 10 ans de la TH. La taille adulte correspond à la taille cible (cad taille
génétique).
Qualité de vie et vécu de la TH
Les principales études réalisées chez l’enfant révèlent une qualité de vie satisfaisante
quoique légèrement inférieure à celle d’enfants sains, mais supérieure à celle d’autres malades
chroniques [12]. Des symptômes de stress post-traumatique plus ou moins importants sont
notés chez un tiers des adolescents [13].
De 2005 à 2006, nous avons réalisé une étude portant sur 116 patients suivis à l’Hôpital
Bicêtre dans les suites d’une greffe hépatique réalisée dans l’enfance (à un âge moyen
de 7 ans) dans le but de préciser leur mode de vie, leur vécu de la TH et leur insertion
socio-professionnelle [14, 15]. Leur âge moyen est de 21 ± 4 ans (extrêmes 17-33 ans) au
moment de l’entretien et le recul depuis la TH est de 13,9 ± 3,9 ans (extrêmes 3-19 ans).
La plupart des patients vivent, à des degrés variables, des difficultés psycho-sociales en
rapport avec la TH. Si 81 % ont répondu être satisfaits ou très satisfaits de leur état de santé
actuel, et 75 % de leur qualité de vie, 53 % restent angoissés pour leur avenir « peur que la
maladie revienne », « incertitude sur la durée de vie du greffon », « risque de cancer », et
25 % reconnaissent « avoir parfois ou souvent des idées noires ». Quarante-trois pour cent
ne parlent pas ou que rarement de leur TH, mais sont demandeurs d’une écoute sur leurs
problèmes personnels. Le quart des patients estime que leurs problèmes de santé ont altéré
leur relation avec la fratrie, et gênent actuellement leur relation amoureuse : « réticence à
montrer sa cicatrice » et « réticence à devoir « parler » de la transplantation ». Une certaine
gêne dans les activités physiques est également évoquée par 25 % d’entre eux, notamment
en raison d’une fatigue excessive.
Concernant leur mode de vie, la grande majorité (70 %) vit encore chez leurs parents ;
65 % poursuivent des études, 23 % ont une activité professionnelle, 12 % sont « sans
emploi ». Dans 13 % des cas, les jeunes ne sont détenteurs d’aucun diplôme. Le pourcentage
de titulaires du baccalauréat est significativement plus faible que celui rapporté par l’INSEE
pour la population générale dans la tranche d’âge 20-24 ans. Pour ceux poursuivant encore
des études, leur niveau d’études est significativement plus faible que celui de la population
française de référence du même âge [15].
Enfin, si 88 % des jeunes estiment avoir acquis une certaine autonomie depuis
l’adolescence, 72 % reçoivent une aide de leurs parents pour tout ce qui concerne leur suivi
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D. DEBRAY, J.-P. DOMMERGUES, O. MOURIER, S. ROUGET, F. GAUTHIER, O. BERNARD
médical.
Dans cette étude, 45 % reconnaissent ne pas prendre leurs médicaments « sérieusement ».
Aucune différence significative concernant l’observance thérapeutique n’est retrouvée selon
le sexe, selon la tranche d’âge, selon le nombre de médicaments prescrits, selon la nature du
suivi (en pédiatrie ou médecine pour adultes), et selon la présence de difficultés psychiques
avérées.
EN CONCLUSION
La transplantation hépatique n’est pas une guérison. Elle impose un suivi médical et la
prise d’un traitement immunosuppresseur à vie exposant à des complications tardives. Si
les résultats à 10 ans de la TH sont dans l’ensemble satisfaisants, le pronostic à plus long
terme reste incertain. Le problème majeur à l’adolescence ou à l’âge adulte est celui de la
mauvaise observance du traitement immunosuppresseur responsable de dysfonctions tardives du greffon.
Malgré une satisfaction globale sur leur qualité de vie et leur état de santé actuel, un
nombre important de ces jeunes reste angoissé pour leur futur. Leurs performances scolaires
sont inférieures à celles de la population générale du même âge.
Dominique Debray, Jean-Paul Dommergues, Olivia Mourier, Sébastien Rouget, Frédéric Gauthier, Olivier
Bernard.
AP-HP - Hôpital Bicêtre - Service d’hépatologie pédiatrique -Pôle adolescent-mère-enfant - 94275 Le KremlinBicêtre Cedex
Auteur correspondant :
Dominique DEBRAY - [email protected]
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DEVENIR À LONG TERME APRÈS TRANSPLANTATION HÉPATIQUE DANS L’ENFANCE
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adults after liver transplantation during childhood. Am J Transplant 2010; 10: 1-9.
Figure 1: Survie actuarielle (ou probabilité de survie) après transplantation hépatique chez l’enfant (610 TH réalisées chez 527
enfants de janvier 1988 à décembre 2007 par l’équipe de l’Hôpital Bicêtre).
Figure 2. Résultats de la biopsie hépatique réalisée à 10 ans de la transplantation hépatique
chez 215 enfants suivis à l’hôpital Bicêtre.
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COMMENT OPTIMISER LE DEVENIR DES ENFANTS
DYSLEXIQUES
par
C. BILLARD
La dyslexie est un trouble de l’acquisition de la lecture avéré, durable, inattendu. Il
survient chez un enfant intelligent, dans des conditions d’apprentissages « normales »,
sans pathologie sensorielle, psychiatrique ou neurologique lésionnelle. La dysorthographie
est son corollaire quasi constant. Dans le vaste problème des difficultés scolaires, la dyslexie
représente les troubles de la lecture liés à un dysfonctionnement cérébral qui a été mis en
évidence par les progrès considérables des neurosciences en imagerie ou génétique [1].
Malgré cela, aucun examen complémentaire, si sophistiqué soit-il, ne permet le diagnostic
de dyslexie. Celui-ci repose sur l’examen clinique donnant toute son importance à la
sémiologie.
Le trouble de la lecture s’exprime en classe de sorte que l’enseignant et ses personnes
ressources (médecins et psychologues scolaires) auront une place essentielle dans le
dispositif d’optimisation. Le médecin de l’enfant est le prescripteur des évaluations et
soins orthophoniques indispensables, des bilans de renouvellement permettant de suivre
l’évolution de l’enfant. Sa prescription doit être éclairée par une connaissance des troubles.
Cette connaissance des troubles lui permettra aussi de guider l’enfant et ses parents,
souvent démunis et inquiets. Enfin, il existe des adaptations et des moyens de compensation
« modernes » comme l’outil informatique qui diminuent considérablement la gêne liée aux
séquelles en langage écrit.
Autrement dit optimiser le devenir de tous les enfants dyslexiques passe par la
coordination de plusieurs étapes :
- une action pédagogique précoce,
- une prescription des évaluations et soins éclairée,
- un suivi de l’évolution afin de réorienter ces soins,
- une utilisation performante des adaptations et compensations scolaires aux séquelles.
LES ENJEUX
Lire, écrire, compter sont autant d’acquisitions absolument indispensables dans nos
sociétés occidentales. Les compétences en lecture sont influencées par plusieurs facteurs
intriqués que l’on peut classer en 2 grandes catégories :
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C. BILLARD
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intrinsèques à l’enfant : compétences cognitives spécifiques au langage écrit, compétences intellectuelles globales, équilibre psycho-affectif…
- extrinsèques : pédagogiques mais aussi environnementales, socioculturelles et linguistiques.
La dyslexie représente le trouble de l’acquisition de la lecture lié au déficit des
compétences cognitives qui lui sont spécifiques [1]. Même si elle ne résume pas le problème
de l’illettrisme, elle fournit un modèle très utile pour le combattre.
La prise en charge optimale de tout enfant dyslexique ne peut se concevoir que dans
une concertation de qualité de tous les professionnels concernés, qu’ils appartiennent
au monde de l’éducation, des sciences humaines et de la santé. Dix années après le Plan
d’Action des années 2000 en faveur des enfants atteints de troubles du langage, beaucoup
de progrès ont été réalisés mais beaucoup reste à faire. Malgré une mobilisation et un
intérêt réels des enseignants, les réponses pédagogiques ne s’inspirent pas (ou pas assez)
des recommandations de la littérature internationale en terme de spécificité et d’intensité
[1, 2, 3, 4]. Les rééducations orthophoniques restent encore souvent insuffisantes ou
imparfaitement sélectionnées, insuffisamment évaluées et leur coordination avec la
pédagogie insuffisamment développée [5, 6, 7]. La prise en compte des troubles associés
(psychopathologiques, attentionnels, touchant le graphisme ou le calcul) est difficile et
les référentiels manquent [1]. Tout ceci n’a rien à voir avec un désinvestissement ou une
ignorance des professionnels mais est lié à la complexité du problème et à la difficulté
d’assurer une concertation coûteuse en temps. Au centre de cette concertation, le médecin
de l’enfant a manqué de formation initiale et continue pour aborder ce rôle de prescripteur,
d’interlocuteur privilégié de la famille, d’échange avec les orthophonistes au centre des soins
rééducatifs et les médecins/psychologues scolaires qui font le lien avec les enseignants.
Il reste encore à faire, pour que les 3 objectifs fondamentaux pour tout enfant dyslexique
se réalisent : 1. acquérir la compréhension de la lecture et la lisibilité de l’écriture ; 2. garder
une « appétence » malgré la situation d’échec ; 3. utiliser ses talents pour une vie sociale
épanouie, harmonieuse et une vie professionnelle assurée malgré les séquelles.
LES PRÉALABLES : L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE
Les connaissances sur la lecture experte et l’apprentissage de la lecture sont bien établies
[1, 5, 6]. Le lecteur compétent lit l’immense majorité des mots de façon « globale » (par
« adressage »). L’image visuelle du mot active immédiatement son image mentale ou lexique
orthographique, permettant d’accéder directement à son sens. L’enfant qui apprend à lire
n’a pas constitué son lexique orthographique. Tous les mots sont pour lui nouveaux et il
doit les aborder par décodage, ou déchiffrement (par « assemblage »). Si, et seulement si, il
décode correctement, sans erreurs, environ 4 fois de suite un mot, celui-ci s’inscrira dans son
lexique mental orthographique et il pourra ensuite le lire en accédant automatiquement à
son sens. Autrement dit si l’enfant décode le mot « école » une première fois « ésole », une
seconde « écote », une troisième « égole », il ne pourra pas constituer l’image mentale du
lexique orthographique. Le décodage est donc une phase incontournable de l’apprentissage
de la lecture. Trois fonctions cognitives que l’on appelle les compétences phonologiques sont
essentielles au décodage :
- la capacité à découper le mot en sous unités (é/co/le), appelée conscience phonologique
qui est une fonction langagière peu utile dans la communication verbale mais ici essentielle.
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la connaissance des correspondances entre les lettres et les sons, et la capacité à percevoir
la différence entre des sons proches comme le « d » et le « b »
- la capacité à retenir dans un espace de mémoire transitoire que l’on appelle la mémoire
de travail une série de nombre ou de sons.
Les déficits de ces 3 fonctions cognitives sont à l’origine d’une très grande partie des
dyslexies [8]. Une 4ème fonction cognitive, la dénomination rapide, plus mystérieuse, sert à
rendre plus automatique et fluide ce décodage [9].
D’autres fonctions sont essentielles à la constitution du lexique orthographique et à son
utilisation, indispensable pour une lecture fluide avec accès instantané au sens. Ceci explique
que, si les compétences phonologiques sont à la base de la majorité des dyslexies, elles ne
peuvent pas, à elles seules, expliquer l’intégralité des dyslexies ou de la sévérité des dyslexies.
Les compétences dites visuo-attentionnelles permettent à l’enfant de prendre en compte
l’ensemble du mot à lire (par exemple les 5 lettres du mot « école ») afin de le reconnaître
globalement sans le décoder. Les connaissances sur ces fonctions visuo-attentionnelles sont
plus récentes que celles sur les compétences phonologiques [1].
PREMIÈRE ÉTAPE : UNE ACTION PÉDAGOGIQUE PRÉCOCE
Le pourcentage d’enfants qui n’ont pas acquis en fin de primaire les fondamentaux
en lecture et orthographe reste élevé (environ 15 %), variant considérablement selon
l’environnement socioculturel (3 à 20 %) [10, 11, 12]. Tous ne sont pas dyslexiques au
sens strict du terme. Mais, si le diagnostic de dyslexie requiert la durabilité du trouble, il
s’agit de ne pas laisser pendant 2 ans, sans rien faire, l’enfant s’enfoncer dans les difficultés
de décodage, donc de constitution du lexique orthographique. En ce sens, les réponses
pédagogiques de première intention constituent une action préventive essentielle de la
dyslexie. Or, les programmes pédagogiques intensifs, obéissant aux recommandations
scientifiques, ont montré que 30 à 50 % des enfants faibles lecteurs pouvaient, sans soins
associés, retrouver un niveau de lecture proche de leurs pairs [1, 3, 4]. Un tel programme
évalué en Floride [3] a permis de réduire en 5 ans le taux de faibles lecteurs en primaire de
20 % à 5 %. C’est une façon de « trier » d’une part les enfants dont les difficultés ne sont pas
liées à une dyslexie et doivent être résolues par ces programmes, d’autre part les dyslexiques
dont les troubles structurels perdureront, même si cette aide peut les aider. Il s’agit toujours
d’actions en petit groupe à besoins similaires, intensives (1/2 heure par jour), et évaluées.
Ces actions concerneront en Grande Section de Maternelle la conscience phonologique
et la connaissance du code (lettres, syllabes simples), en CP et CE1 l’automatisation du
décodage et la constitution d’un lexique orthographique pour les mots les plus fréquents
(dans, avec…).
SECONDE ÉTAPE : LES SOINS DE VILLE ET LA RÉPONSE PÉDAGOGIQUE
La cohérence de cette étape nécessite une prescription médicale éclairée des évaluations
et des soins en rééducation, donc une démarche en plusieurs temps.
L’enfant est en difficultés pour apprendre à lire
La plainte émane des parents, alertés par un apprentissage qui ne se fait pas aussi
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facilement que chez leurs aînés, ou au contraire parce qu’ils ont déjà connu pour eux-mêmes
ou pour leurs aînés des difficultés semblables. Le dépistage systématique des troubles de
la lecture s’impose dans certaines circonstances, comme chez les enfants à risque du fait
d’antécédents familiaux ou personnels de troubles du langage oral ou d’un environnement
précaire.
Le médecin doit vérifier la réalité de difficultés derrière la plainte [5, 6]. Ceci passe par
la réalisation d’un test de lecture et d’une dictée, tous deux étalonnés qui permettent de
rapporter les performances de l’enfant à celles d’une norme de population [1, 5]. Ce test
prend au maximum 10 minutes. Bien sûr, il fait partie des évaluations orthophoniques,
mais il s’agit d’inverser la tendance actuelle où l’enseignant ou les parents « prescrivent »
une évaluation orthophonique, que le médecin cautionne sans examiner la lecture de
l’enfant. L’interprétation du test par le médecin ne sera pas aussi fine que celle d’une
orthophoniste, mais il aura su prescrire sans laisser passer les âges clés, ou bien sans les excès
qui embouteillent les cabinets orthophoniques. L’orthophoniste confirmera ou non les
troubles, appréciera leur sévérité et leur profil. Médecin et orthophoniste auront un discours
cohérent, permettant aux familles de se sentir totalement accompagnées.
En CP les apprentissages, variables selon le programme pédagogique de la classe,
concernent les sons des lettres (voyelles, puis consonnes) dans le premier trimestre, puis la
combinatoire (succession consonne-voyelle caractérisant les syllabes simples comme « mi »),
enfin les séquences de syllabes simples (« lavabo » ou « mati »), et les syllabes complexes
(consonne-consonne-voyelle « cra », ou voyelle-consonne « od »). La majorité des
enfants dyslexiques ont des difficultés dans ces acquisitions. A partir du CE1, plusieurs tests
commercialisés peuvent être utilisés [1, 5]. Les plus pertinents sont les tests chronométrés
car la lenteur et la non automatisation de la lecture est une constante dans la dyslexie. Les
épreuves testant la compréhension du texte apportent une valeur supplémentaire mais elles
sont moins nombreuses.
L’évaluation de l’orthographe doit y être associée - phonétique (correspondances entre
les sons et les lettres) - lexicale (orthographe correcte du mot comme « corbeau » et non
« corbo ») - grammaticale (réalisation des accords grammaticaux : les enfants lancent).
Plusieurs tests sont disponibles pour évaluer le niveau de l’orthographe de l’enfant par
rapport au niveau attendu par la classe suivie [1, 5].
Le trouble de la lecture est spécifique
L’enfant n’a pas de surdité ni amblyopie. Il n’a pas de signes évocateurs d’un trouble
envahissant du développement ni de pathologie neurologique lésionnelle (infirmité
cérébrale, séquelle de traumatisme crânien sévère ou tumeur cérébrale, épilepsie…). Il a été
scolarisé normalement. Il n’a pas de déficit intellectuel. Pour infirmer un déficit intellectuel,
le médecin peut s’appuyer sur des signes indirects comme la qualité des apprentissages en
calcul. Il peut aussi utiliser l’évaluation psychologique si elle a été faite par la psychologue
de l’école. Sinon, et systématiquement si le calcul est aussi déficitaire, il doit réaliser un
examen clinique testant les fonctions verbales et non verbales. Cette évaluation lui donnera
2 indications : d’une part exclure un déficit non verbal qui imposerait une évaluation
psychologique avant toute prescription, d’autre part apprécier si le trouble de la lecture
s’inscrit dans un déficit du langage oral. La batterie BREV [13] a été conçue pour cet
examen clinique de première intention (figure 1). Elle est étalonnée de 4 à 9 ans et est
réalisable en 20 à 30 minutes. Elle est très corrélée au Quotient Intellectuel (QI) et permet
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de réserver l’évaluation psychométrique aux enfants dont les compétences non verbales sont
déficitaires ou hétérogènes ou si l’évolution du trouble est insuffisante. Certains subtests
comme la copie de dessins ou le calcul permettent de rechercher un trouble associé. Savoir
utiliser cette batterie nécessite une formation mais elle est essentielle pour orienter l’enfant
vers le bon professionnel. La réalisation de la batterie est valorisée par la caisse d’assurance
maladie comme un acte (cotation ALQP002).
La suspicion d’une pathologie primitive dans laquelle s’inscrit le trouble de la lecture
exclut le diagnostic de dyslexie et impose le recours au spécialiste concerné par cette
pathologie avant la prescription du bilan orthophonique. En cas de surdité, amblyopie,
pathologie neurologique, psychiatrique ou de déficience mentale, le déficit de la lecture sera
interprété en fonction de la nature et sévérité de la pathologie primitive et l’orthophonie
coordonnée par le spécialiste de la pathologie primitive qui en définira les objectifs. Certains
troubles sont associés au déficit de lecture mais ne peuvent à eux seuls les expliquer. Il
s’agit des troubles visuels (trouble de la réfraction, strabisme ou de l’oculomotricité)
dont la prise en charge s’associera à la rééducation orthophonique, en fonction de la gêne
qu’ils occasionnent chez l’enfant, sans être pour autant mis au premier plan dans le projet
thérapeutique. Il s’agit des troubles anxieux, dépressifs ou attentionnels qui peuvent
aggraver un trouble de la lecture et nécessiter une double prise en charge à la fois de ces
troubles psycho-affectifs ainsi que de la lecture en suivant les mêmes recommandations que
dans un trouble spécifique.
Lorsque les troubles sont spécifiques, la prescription du bilan orthophonique
s’impose :
- dès le CP devant tout trouble de la lecture associé à un trouble persistant, même
modéré, du langage oral ou si la correspondance sons-lettres n’est pas acquise,
- à partir de la fin du CP devant tout déficit dans l’acquisition du langage écrit persistant
malgré la réponse pédagogique (score < - 1,5 écart-type de la norme, ou ne permettant pas la
compréhension d’un texte correspondant au niveau scolaire).
L’interprétation de l’évaluation orthophonique
Le bilan orthophonique aura pour objectif de confirmer le déficit, d’en apprécier la
sévérité et d’en préciser le profil afin de définir la prise en charge [5, 6, 7]. Le médecin
doit pouvoir comprendre les résultats de ce bilan. Ce bilan doit comporter l’indication
des tests utilisés, les résultats quantitatifs de l’enfant par rapport aux normes, ainsi qu’une
appréciation qualitative du comportement et de la nature des troubles. Ce bilan doit
comporter une évaluation du niveau et des stratégies de lecture et transcription déficitaires.
Lecture et transcription des mots sans sens (« courti, pradu, dimanco ») apprécient la voie
d’assemblage tandis que celles des mots irréguliers (« monsieur », « femme ») apprécient
la voie d’adressage. La majorité des enfants dyslexiques présentent un déficit de la voie
d’assemblage (figure 2). Certains, soit d’emblée, soit au cours de l’évolution ont aussi des
difficultés dans la voie d’adressage, altérant vitesse de lecture, lecture des mots irréguliers, et
orthographe lexicale (figure 3).
L’évaluation appréciera aussi le déficit des fonctions cognitives sous-jacentes à la lecture
[1, 5]. Un déficit des compétences phonologiques signe les dyslexies phonologiques et va de
pair avec le déficit de l’assemblage. Quasiment toutes les batteries de lecture comportent des
tests étalonnés évaluant ces compétences.
Au terme de l’évaluation orthophonique, et avec la phase précédente de diagnostic
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différentiel, le diagnostic de « trouble spécifique d’acquisition du langage écrit » est effectué.
Le niveau de lecture, d’orthographe et la possibilité ou non d’accéder à la compréhension
d’un texte correspondant à la classe suivie par l’enfant apprécie la sévérité du trouble : sévère (l’enfant ne lit pas un texte de CP, son orthographe est illisible - moyenne (il lit mais
si lentement et avec tant de fautes que la compréhension s’en ressent et la transcription reste
difficilement lisible) – ou légère (lecture fonctionnelle mais lente et dictée lisible).
Le terme utilisé plus haut est celui de « trouble spécifique d’acquisition du langage
écrit » et non de « dyslexie », car l’élément supplémentaire pour parler de dyslexie est la
durabilité du trouble, qui nécessite le suivi sur plusieurs années.
TROISIÈME ÉTAPE : LE SUIVI CLINIQUE DE LA DYSLEXIE
Le rôle conjoint du médecin prescripteur, de l’orthophoniste et de l’enseignant sera
d’apprécier l’évolution de l’enfant.
L’évolution naturelle des troubles de la lecture et comment l’optimiser
La littérature ne décrit pas clairement que l’évolution, comme cela a été décrit avec
les troubles du langage oral, peut être soit vers la « guérison » qui traduirait un trouble
transitoire d’acquisition de la lecture, soit vers la persistance de troubles signant la dyslexie.
Certaines études décrivent plutôt un continuum entre les enfants dont l’acquisition se fait
normalement et ceux avec séquelles définitives [14, 15]. Une multitude des facteurs en cause,
favorisant ou non les compensations comme les capacités intellectuelles, les conditions
socioculturelles ou linguistiques et surtout la qualité de la prise en charge pédagogique et
rééducative, rendent les études longitudinales difficiles à interpréter clairement. Néanmoins
plusieurs points peuvent être mis en lumière. Les études longitudinales y compris françaises
soulignent la persistance des troubles tout au long de la scolarité [14, 15]. Néanmoins, les
enfants rentrant à l’école de Bicêtre pour un séjour d’1 à 2 ans ont une telle sévérité de leurs
troubles qu’ils sont en situation de rupture scolaire, le plus souvent absolument non lecteur
et non transcripteur à plus de 9 ans, parfois 11 ans. Ils acquièrent tous (à quelques exceptions
près) une lecture leur permettant d’accéder plus ou moins parfaitement à un texte de
leur niveau d’âge [16]. Ils gardent tous des séquelles en termes de lenteur de lecture et de
dysorthographie. Cette expérience traduit à la fois qu’il est possible pour tout ou presque
tout enfant dyslexique d’acquérir la lecture, mais aussi que des séquelles sont inévitables
qui nécessiteront des adaptations et les compensations pédagogiques. Il est donc possible à
tout enfant ou presque, dyslexique ou mauvais lecteur, d’acquérir une lecture fonctionnelle
au prix d’une prise en charge à 3 objectifs : 1. les sortir de leur situation d’échec en les
revalorisant, 2. leur offrir un programme pédagogique correspondant à leurs difficultés
en lecture mais stimulant leurs talents dans les autres matières, 3. leur prodiguer des soins
rééducatifs intensifs et harmonisés à la pédagogie et l’aide psychologique nécessaire.
Le suivi de l’évolution doit absolument s’améliorer en proposant 3 niveaux strictement
évalués : 1. une réponse pédagogique dès le CP au plus tard, 2. une réponse de soins
suffisamment ciblée et intensive d’emblée en cas de critères de sévérité ou si la réponse
pédagogique ne suffit pas, 3. des projets thérapeutiques plus intensifs si ce niveau 2 ne permet
pas des progrès notable. Ce dispositif permettra, non pas de guérir les dyslexiques, mais de les
rendre tous lecteurs et transcripteurs avec des séquelles qui relèveront des adaptations [7].
Le rôle du médecin est, en lien avec orthophoniste et enseignants, de vérifier que la
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rééducation est suffisamment intensive et ciblée et de s’alerter si elle ne donne pas en une
année une évolution notable. En d’autres mots, tout enfant non lecteur après 2 années de
primaire doit avoir une évaluation précise en centre référent.
Facteurs aggravant et troubles associés
Plusieurs facteurs peuvent rendre compte d’un bénéfice insuffisant de la rééducation
[1, 7].
La précarité socioculturelle en est un. Longtemps considérée comme la seule cause
des difficultés de lecture en milieu défavorisé, elle est aujourd’hui vue comme un facteur
aggravant d’un déficit des fonctions cognitives spécifiques à la lecture. La conscience
phonologique est le facteur essentiel expliquant qu’un enfant en milieu défavorisé apprenne
ou non à lire [12, 14, 17]. D’où l’importance de ne pas attribuer aux seules causes sociales un
trouble de la lecture et d’offrir à ces enfants les mêmes prises en charge que ceux des milieux
favorisés, tout en se préoccupant de l’accès aux soins et de l’observance [7].
Les troubles du langage oral, qu’ils soient liés à la précarité linguistique [14, 17] ou à
un trouble spécifique du langage oral [1, 5, 6], ont une conséquence lourde et commune :
les troubles de compréhension de lecture. Une fois un minimum de déchiffrement acquis,
la compréhension est liée à d’autres facteurs que ceux responsables de la dyslexie [14].
Beaucoup reste à faire pour améliorer les connaissances et la prise en charge des troubles de
compréhension de lecture.
Les troubles psycho-affectifs, aggravés par la situation d’échec particulièrement
douloureuse chez certains enfants ou familles fragiles, se caractérisent par une anxiété, des
sentiments dépressifs, voire une inhibition [1, 18, 19]. Ils doivent amener à un examen
psychologique à chaque fois qu’ils sont suspectés. Une psychothérapie appropriée est alors
très utile pour optimiser les effets de la rééducation, mais aussi pour permettre à l’enfant un
devenir plus épanoui malgré les séquelles de sa dyslexie. Pour autant, ces troubles psychoaffectifs ne font qu’aggraver la dyslexie et non la créer et l’orthophonie reste le pilier de la
rééducation.
Le trouble déficit de l’attention (TDA/H) est fréquemment associé à la dyslexie [1, 19].
Sa détection et prise en charge sont indispensables pour permettre à la prise en charge de
devenir efficace. Suspecté par les enseignants, les parents ou orthophonistes, il se manifeste
souvent par des sauts de lignes ou de mots fréquents, et un questionnaire DSM-IV1 positif.
Il doit amener à la réalisation de tests neuropsychologiques et à un traitement approprié.
Là encore, beaucoup reste à faire pour un référentiel consensuel de la prise en charge du
TDA/H.
Les autres troubles cognitifs fréquemment associés à la dyslexie sont les troubles graphiques d’une part et du calcul d’autre part [1, 20]. Les premiers se révèlent par une écriture
difficilement lisible et lente non seulement du fait de la dysorthographie mais aussi de la
calligraphie. Seule une évaluation spécialisée psychométrique, puis des fonctions praxiques
gestuelles et visuo-spatiales permettra d’analyser les troubles sous-jacents et de proposer la
prise en charge adéquate. Les troubles du calcul, présents chez 30 % des enfants dyslexiques,
touchent le calcul mental, l’apprentissage des tables, la lecture et écriture des nombres complexes (93, 4073, par exemple). Non pris en charge, ils amènent à une double peine du fait
de leurs conséquences sur les apprentissages en mathématiques aggravant l’échec scolaire.
C’est pourquoi le niveau de calcul de l’enfant doit toujours être évalué en même temps que
le niveau de langage écrit. Après avoir vérifié les compétences intellectuelles de l’enfant, une
évaluation spécifique s’impose et il reste là aussi beaucoup à faire pour que ces évaluations et
les soins qui en découlent soient développés [1, 20].
1 American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders : DSM-IV-TR. 4th, text revision. ed.
Washington, DC : American Psychiatric Association. 2000.
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C. BILLARD
Le suivi de l’évolution s’impose au moins un fois par an et doit être effectué par un
intervenant autre que le rééducateur qui ne peut être « juge et partie ». Une évolution
insuffisante doit faire rechercher des troubles associés, une dyslexie particulièrement sévère,
des axes ou une intensité de rééducation inappropriés. Il ne s’agit pas d’une remise en
question des professionnels, mais d’une nécessité absolue de sortir d’un scénario encore trop
fréquent : enfant non lecteur à 9-10 ans sans rééducation ou suivi depuis parfois 4 ou 5 ans
une fois par semaine. Aider les orthophonistes à remettre en question les effets de leur prise
en charge est indispensable et nécessite un médecin suffisamment formé. A l’inverse, lorsque
les objectifs sont remplis (lecture fonctionnelle même lente et écriture lisible) l’arrêt de la
rééducation s’impose. L’arrêt de la rééducation n’est pas assorti à des scores normaux aux
tests car les séquelles de la dyslexie sont inévitables, mais au fait que les objectifs sont atteints.
Là encore les pratiques françaises sont à modifier avec des prises en charge plus limitées dans
le temps mais plus intensives, précises dans leurs axes avec des arrêts sécurisés par un suivi
tous les 3 mois afin de vérifier si la lecture ne se dégrade pas et s’il n’est pas nécessaire de
proposer à nouveau une série de séances avec un autre axe. La communauté scientifique est
consensuelle sur la remise en question des pratiques [1, 7]. L’arrêt est difficile à imposer
par l’orthophoniste soumise à la pression des parents. Il nécessite l’aide de médecins
prescripteurs mieux formés et un relais par les adaptations et compensations.
DERNIÈRE ÉTAPE :
LES ADAPTATIONS ET COMPENSATIONS DE L’HANDICAP
Les adaptations pédagogiques sont décrites partout [1, 5, 6, 7]. Elles sont encore trop
parcellaires particulièrement au collège et lycée malgré tous les dispositifs mis en place par
l’institution scolaire en fonction de la sévérité des séquelles (Projet d’Accueil Individualisé,
Projet Personnalisé de Réussite Educative, saisine de la Maison Départementale en faveur
de la Personne Handicapée avec Projet Personnalisé de Scolarisation, tous coordonnés par
les médecins de l’éducation nationale). L’utilisation de l’outil informatique, avec le retour
et la reconnaissance vocales trouve particulièrement sa place chez les enfants dyslexiques
d’âge scolaire gardant une grande lenteur de lecture, une dysorthographie et dysgraphie
handicapantes [7]. Il doit optimiser le pronostic scolaire. Beaucoup reste à faire pour
préciser les indications de cet outil, des conditions de sa mise en place et de son utilisation.
En conclusion, l’univers de la dyslexie est complexe, tant la particularité de chaque
enfant dyslexique est grande. Comme dans tout univers des sciences humaines, on pourrait
détailler considérablement tout ce qui est su, ou discuté, ou totalement à explorer. Mieux
vaut rappeler les 3 objectifs : 1. la compréhension du texte lu, 2. une appétence et curiosité
conservées, 3. un projet professionnel possible en tenant compte des séquelles. Une
connaissance des grandes règles de prescription des soins, une harmonisation des soins avec
la pédagogie, une guidance objective et « contenante » des familles, une évaluation du suivi
permettront au médecin informé d’optimiser considérablement le devenir des enfants.
A ce prix les progrès liés au Plan d’Action des années 2000 en seront considérablement
démultipliés et les conséquences en terme d’économie de santé et sociétale en seront
nettes.
Catherine Billard - Centre référent sur les troubles des apprentissages - Hôpital Bicêtre - 78 rue du Général Leclerc
4275 Le Kremlin Bicêtre - [email protected]
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RÉFÉRENCES
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Experimental Child Psychology 2003; 84: 194-217
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awareness in early reading development : Implications for the double-deficit hypothesis. Journal of Learning
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portrait social. Edition INSEE 2006: 115-137
[11] Profil de performance des élèves en compréhension de l’écrit et en sciences. Apprendre aujourd’hui, réussir
demain. Etude PISA. Paris : OCDE, 2004
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d’apprentissages du langage écrit en début de scolarité : l’impact du milieu socioéconomique au travers de trois
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comportementaux sur le devenir à 3 ans. RevueEpidémiologie et Santé Publique 2010 ; 58 : 101-110
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C. BILLARD
Figure 1. La batterie BREV chez S. une enfant de 8 ans 11 mois, non lectrice.
Les fonctions non verbales sont dans la moyenne voire supérieures (flèche en jaune : copie de dessins, barrage de chiffre,
résolution de labyrinthe, discrimination d’objets entremêlés, complétion de formes). Les items langagiers sont normaux ou à -1
écart-type (flèches en bleu : phonologie, évocation de mots, fluence expression et compréhension syntaxiques). Les apprentissages
en calcul sont compatibles avec le CE1 qu’elle redouble.
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Figure 2. La dictée de CE1 de la BREV.
« dimanco » est écrit « pimt », courti et pradu ne peuvent être transcrits. « La neige » est transcrite « nerje ». La phrase « le
petit chien dort près de la cheminée » n’est pas reconnaissable en dehors de « le petite chin ».
Figure 3. S., 10 ans en CM1 a un niveau de lecture d’un texte de CM à – 1,5 et de la norme.
La vitesse de lecture des listes de mots est lente et la plupart des mots irréguliers sont régularisés
(« monsieur » lu « mon - sieur »). L’orthographe de ces items de la BREV (CE1 et CP) est essentiellement phonétique
(« neije » ; « cha »). Il persiste juste une confusion des sons « m » et « n » (« cheniner »)
et un oubli de lettres dans le logatome « courti » transcrit « curti ».
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NÉPHROPATHIE LUPIQUE
par
G. DESCHÊNES, V. BAUDOUIN
Le lupus érythémateux de l’enfant est similaire à celui de l’adulte en termes de physiopathologie, de manifestations cliniques et biologiques. Cependant, l’atteinte rénale est beaucoup plus commune à l’âge pédiatrique. Ainsi, elle est inaugurale dans la moitié des cas et
survient secondairement, le plus souvent au cours des deux premières années de l’évolution
de la maladie, dans l’autre moitié [1]. Elle concerne ainsi près de 95 % des patients atteints
de lupus à début pédiatrique [1]. La sévérité du pronostic de la néphropathie lupique guide
l’intensité du traitement immunosuppresseur.
Quelques principes indiscutables doivent être rappelés en préambule [2] :
1. La néphropathie lupique peut s’exprimer par une microhématurie isolée ou associée à
une protéinurie de faible abondance, un syndrome néphritique et dans les formes les
plus évolutives une insuffisance rénale d’emblée.
2. Il n’y a pas de parfaite corrélation entre la sévérité des signes biologiques et la classe de
la néphropathie lupique. En particulier, les néphropathies lupiques de classe III et IV
peuvent s’exprimer par une protéinurie inférieure à 1 g/L et ont pourtant un pronostic
défavorable.
3. Une biopsie rénale doit donc être réalisée chez tous les malades lupiques avec une protéinurie ≥ 0,5g/j pour préciser la gravité de l'atteinte et guider le traitement initial. La
quantification des signes urinaires de néphropathie doit être effectuée au minimum 2
fois par an (hématurie et protéinurie) chez un patient lupique sans atteinte rénale initiale.
4. C’est la sévérité des lésions histologiques et non pas les signes urinaires qui détermine le
traitement initial.
5. L'atteinte histologique peut évoluer d'une classe à l'autre avec le temps, chez un même
patient. Ceci justifie non seulement l'évaluation mensuelle des signes rénaux chez tout
patient en cours de traitement pour une néphropathie lupique documentée mais également la répétition des biopsies, en particulier en cas de résistance de la protéinurie
au traitement ou en cas d'aggravation ou de réapparition des signes rénaux après une
première réponse favorable.
6. L’absence de lésions en microscopie optique conventionnelle et de dépôts en immunofluorescence directe définissent l’absence de néphropathie lupique. C’est en fait une
situation exceptionnelle car la majorité des malades lupiques sans signes urinaires ont des
lésions histologiques de classe I. Certains patients sans signes urinaires peuvent présenter
des lésions histologiques, y compris de classe IV. Le pronostic des exceptionnelles néphropathies lupiques de classe IV parfaitement asymptomatiques est probablement moins
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sévère que s’il existe des signes urinaires. La pratique des biopsies rénales systématiques
en l'absence de tout signe urinaire a donc été logiquement abandonnée. Il n'existe pas
d'essais thérapeutiques publiés chez l'enfant. Les traitements proposés s'inspirent des
essais menés chez les patients adultes.
Le but de cette revue est de faire le point sur 1/ la classification histologique de l’OMS,
2/ le traitement classique, 3/ les nouveaux traitements de la néphropathie lupique.
LA CLASSIFICATION DE L’OMS
Elle a été révisée en 2003 par la Société Internationale de Néphrologie (Weening 2004)
et est fondée sur la classification pronostique de l’OMS de 1974 révisée en 1982. L’avantage
de cette classification est d’être universellement acceptée et les biopsies rénales de malades
lupiques doivent être maintenant exclusivement classées selon ces critères. Six classes ont
été définies [3].
Classe I ou glomérulonéphrite minime à dépôts mésangiaux
Elle est définie par la présence de dépôts immuns en immunofluorescence en l’absence
de lésions glomérulaires en microscopie optique, et en particulier par l’absence de prolifération mésangiale (Cf Figure 1 pour la configuration des lobules glomérulaires).
Classe II ou glomérulonéphrite mésangiale proliférative
Elle est caractérisée par une hypercellularité mésangiale (plus de 10 cellules par lobule du
floculus glomérulaire) avec des dépôts mésangiaux éventuellement étendus à la partie la plus
proximale des parois des capillaires périphériques mais sans dépôts sous-endothéliaux dans
les capillaires. La présence d’une lésion de fibrose glomérulaire limitée à un lobule (lésion
segmentaire) ou globale (pain à cacheter) témoignant d’une lésion antérieure plus sévère ou
de dépôts immuns sous-endothéliaux sont des critères d’exclusion de la classe II.
Classe III ou glomérulonéphrite proliférative focale
Elle est caractérisée par une prolifération cellulaire touchant moins de 50 % des glomérules. La prolifération est endocapillaire (c’est-à-dire débordant largement le mésangium
et atteignant toute la circonférence des capillaires glomérulaires) et/ou extracapillaire
(les «croissants» glomérulaires sont la représentation d’une prolifération qui envahit la
chambre urinaire des glomérules) et peut être associée à des lésions de nécrose fibrinoïde,
des aspects d’apoptose des cellules glomérulaires, des images de rupture de la membrane
basale glomérulaire, des dépôts sous-endothéliaux et des thrombus hyalins (matériel immun
obstruant la lumière capillaire). Elle est définie comme 1/ active en l’absence de lésions de
fibrose [Classe III(A)], 2/ chronique lorsque les lésions de fibrose représentent 100 % des
dommages glomérulaires et qu’il n’y a plus de prolifération cellulaire significative [classe
III(C)], ou 3/ mixte active et chronique lorsque les deux aspects sont associés [classe III
(A/C)].
Classe IV ou glomérulonéphrite proliférative diffuse
Elle est caractérisée par une prolifération cellulaire touchant plus de 50 % des gloméru-
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les. Les caractéristiques histologiques et la séparation en lésions actives ou chroniques sont
les mêmes que pour la classe III. Elle est divisée selon l’extension de l’atteinte glomérulaire :
segmentaire lorsque la prolifération ou la fibrose ne touche que la moitié des lobules [classe
IV-S], environ ⅓ des biopsies) ou globale lorsque la prolifération atteint plus de 50 % des
lobules du floculus capillaire [classe IV-G, environ ⅔ des biopsies]. Cette division rend
compte de la variabilité du pronostic des malades avec une néphropathie de classe IV.
Classe V ou glomérulonéphrite extra-membraneuse
Elle est caractérisée par des dépôts immuns (principalement de C1q et d’IgG) en situation extra-membraneuse (c’est-à-dire sur le versant urinaire des cellules podocytaires) sans
autre lésion (classe Va) ou associée à une prolifération mésangiale pure (Vb), à une prolifération focale (classe Vc) ou à une prolifération diffuse (classe Vd).
Classe VI ou glomérulonéphrite fibreuse dépassée
Plus de 90 % du parenchyme rénal est fibreux et il n’y a plus d’activité lupique visible.
LE TRAITEMENT CLASSIQUE :
L’ASSOCIATION GLUCOCORTICOÏDES-CYCLOPHOSPHAMIDE
L’histoire naturelle des classes histologiques de la néphropathie lupique ne sera jamais
connue puisque les premiers traitements par glucocorticoïdes sont antérieurs de 25 ans à la
première classification de l’OMS. Elle peut cependant être approchée par les publications
concernant les premiers malades traités par glucocorticoïdes seuls : Pollack rapporte en 1964
que 100 % des malades avec une néphropathie lupique équivalente à une classe IV (Pollack
est l’initiateur de la première classification de l’OMS) et traités par cortisone ou prednisone
sont morts d’insuffisance rénale terminale en moins de 3 ans ; Carette rapporte en 1983 un
essai comparatif contrôlé entre prednisone seule, azathioprine seul et cyclophosphamide
oral seul dans les néphropathies lupiques proliférative de classe III et IV : la probabilité de
l’insuffisance rénale terminale est de 50 % à 5 ans dans le groupe traité par prednisone seule ;
Bono rapporte en 1999 que la survie des patients traités avant 1976 (par prednisone seule ou
prednisone associée à l’azathioprine) était de 60 % à 10 ans et 40 % à 20 ans, toutes classes
confondues [4]. En pédiatrie, Baqi a rapporté en 1996 une série de 56 malades issus d’une
population très défavorisée où la survie rénale des classes I-III et V est de 45 % à 10 ans et
celles de la classe IV est de 25 % à 5 ans et 0 % à 10 ans [5].
Le pronostic rénal des classes III et IV a radicalement changé avec un traitement d’attaque initial associant glucocorticoïdes et cyclophosphamide (Endoxan®), mis au point au
NIH (National Institute of Health, Bethesda, USA) dans les années 1980 (Figure 2). Le
traitement combinant des perfusions de methylprednisolone à la dose de 1 g/m2 une fois par
mois pendant 12 mois et des perfusions de cyclophosphamide à la dose de 1 g/m2 une fois
par mois pendant 6 mois puis une fois par trimestre pendant 24 mois permet de prévenir
la survenue à 10 ans d’une insuffisance rénale chronique (doublement de la créatinine plasmatique) dans 90 % des cas et d’une insuffisance rénale terminale dans 100 % des cas. Une
réponse rénale significative (micro hématurie inférieure à 50 000/mL et une protéinurie <
1 g/L) a été observée dans 85 % des cas à 5 ans de suivi et de 70 % des cas à 10 ans de suivi.
Ce traitement est lourd en termes de complications avec une ménopause précoce dans 60 %
des cas, des infections graves dans 50 % des cas et des signes d’ostéonécrose aseptique de la
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hanche dans 30 % des cas [6]. Le protocole Eurolupus (Figure 3) développé dans les années
1990 avec des doses moindres de cyclophosphamide et de prednisone a permis de montrer
des résultats identiques avec moins de complications. Le traitement initial consiste en une
perfusion de cyclophosphamide à la dose de 500 mg/1,73m2 2 fois par mois pendant 3 mois
(soient 6 perfusions), un relais par azathioprine (Imurel®) à la dose de 2 mg/Kg/jour, une
perfusion de méthylprednisolone à la dose de 750 mg/1,73 m2 quotidiennement pendant 3
jours suivi d’un relais par prednisolone à la dose de 0,5 mg/Kg/jour pendant 4 semaines avec
une décroissance par paliers de 2,5 mg et de 14 jours. Le résultat est un niveau de rémission
totale ou partielle des signes urinaires de 90 % à 5 ans de suivi. Ce traitement permet de
réduire la fréquence de la ménopause précoce à moins de 5 %, les infections graves à 12 % et
l’ostéonécrose aseptique des hanches à 0 % [7].
En revanche, un essai comparant le protocole classique du NIH et une combinaison
prednisolone-azathioprine comme traitement d’induction et de maintenance pendant 2
ans a montré une supériorité nette du protocole classique, montrant ainsi l'impact du cyclophosphamide à la phase initiale du traitement [8].
UN NOUVEAU TRAITEMENT : L’ACIDE MYCOPHÉNOLIQUE
L’acide mycophénolique (mycophénolate-mofétil ou Cellcept® ou Myfortic®) est un
antagoniste de l’inosine monophosphate déshydrogénase qui est une enzyme-clé du métabolisme de la guanosine dans les lymphocytes B et T. Son effet est de limiter la prolifération
lymphocytaire et la production d’immunoglobulines. Son efficacité a été reconnue dans le
traitement de la néphropathie lupique dès le début des années 2000 et a été confirmée par
une étude prospective en 2005 (Figure 4). Le traitement a comparé 1/ un premier groupe
de patients traités par une perfusion/mois de cyclophosphamide et de méthylprednisolone
pendant 6 mois relayé par un traitement combinant l’azathioprine et des faibles doses de
prednisolone, 2/ un deuxième groupe où l’acide mycophénolique et la prednisolone orale
sont utilisés comme traitement initial d’induction pendant un an relayé par un traitement
combinant l’azathioprine et des faibles doses de prednisolone. L’analyse de la courbe actuarielle de la survie sans rechute montre que l’acide mycophénolique est moins efficace à 24
et 36 mois de traitement que l’induction classique par cyclophosphamide-méthylprednisolone pendant 6 mois mais cette différence n’est plus significative au-delà de deux ans de
surveillance. La fréquence de la rémission complète des signes urinaires était de 73 % dans le
bras « acide mycophénolique » et de 74 % pour le traitement classique. Dans l’ensemble, les
effets secondaires ont été plus fréquents dans le bras « classique » que dans le bras « acide
mycophénolique » en dehors des complications gastro-intestinales [9]. Des résultats similaires ont été rapportés par deux études comparant le cyclophosphamide IV et l’acide mycophénolique par voie orale [10, 11].
LE TRAITEMENT DU FUTUR ? : L’ANTICORPS MONOCLONAL ANTI CD20
Le traitement classique ou le traitement par acide mycophénolique présentent en fait des
inconvénients communs : 1/ il est impossible d’arrêter le traitement par glucocorticoïdes
avec son cortège de complications dont l’arrêt ou l’infléchissement majeur de la courbe de
croissance staturale, l’obésité morbide, les complications cutanées et la modification de la
silhouette très mal tolérée par les adolescentes 2/ la durée de la maladie ne semble pas modifiée de façon significative et les traitements stéroïdiens ou immunodépresseurs doivent être
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pris pendant des années ou des dizaines d’années [4].
Le rituximab (Mabthéra ) est un anticorps monoclonal anti CD20, c'est-à-dire antilymphocytes B. Il a un effet cytolytique qui se traduit par une disparition immédiate des
lymphocytes B circulants. Après deux injections de 1000 mg/1,73 m2, la déplétion B dure en
moyenne 6 mois avec des écarts variant de 3 à 15 mois. Elle peut être prolongée pendant 12
à 18 mois par de nouvelles injections. Une revue récente de la littérature a permis de rassembler 106 malades atteints de néphropathie lupique dans une analyse commune. Une réponse
totale ou partielle des signes urinaires a été observée chez 70 % des malades dont 80 % des
classes III et 67 % des classes IV [12]. Un travail non-publié du Hammersmith Hospital
mérite une mention particulière : vingt et un malades nouvellement diagnostiqués et dont
l'atteinte rénale était de classe III et IV ont reçu un traitement d’induction combinant deux
injections de rituximab (1000 mg/m2 x 2) et deux injections de méthylprednisolone (500
mg) à deux semaines d’intervalle puis un relais par acide mycophénolique seul sans prednisolone. Avec deux ans de recul, une rémission complète des signes urinaires a été observée
chez 62 % des malades, une rémission partielle chez 28 % [13].
Le rituximab reste un traitement à évaluer contre les traitements dont l’effet est établi
par des études prospectives (cyclophosphamide-prednisone avec ou sans relais par azathioprine ou acide mycophénolique-prednisone) mais son avenir est incontestablement
prometteur. Le risque de complications pulmonaires ou infectieuses, en particulier celui
d’encéphalite à poliomavirus, doit cependant être mentionné.
®
LE TRAITEMENT DE LA CLASSE V
La néphropathie de classe V ou glomérulonéphrite extra-membraneuse lupique représente environ 20 % des néphropathies lupiques. Elle était classiquement créditée d’un bon
pronostic dans la limite où elle n’est pas associée à une forme proliférative (Vc et Vd) qui
doit être traitée pour son propre compte. Cette « bonne réputation » est à l’origine de
l’absence d’essai prospectif dans cette forme de la néphropathie lupique jusqu’à une date
récente.
En réalité, le suivi au très long cours des classes Va et Vb montre que la fréquence de
l’insuffisance rénale terminale est de 50 % à moins de 20 ans d’évolution [14]. Une étude du
NIH [15] a montré que le meilleur traitement était l’association prednisone-cyclosporine
avec une fréquence de rémission complète de la protéinurie à 90 % à 12 mois contre 60 %
pour l’association prednisone-cyclophosphamide et 25 % pour la prednisone orale seule
(Figure 5).
En conclusion, 1/ le rein est l’organe vital le plus fréquemment lésé au cours du lupus
systémique, 2/ le traitement classique de la néphropathie lupique repose sur l’analyse histologique des biopsies rénales, 3/ l’association d’une corticothérapie et d’un ou d’une combinaison d’immunosuppresseurs (cyclophosphamide ou acide mycophénolique) a transformé
le pronostic de la survie rénale, 4/ les nouveaux traitements en cours d’évaluation ouvrent la
possibilité d’arrêter la corticothérapie initiale en quelques mois.
Georges Deschênes, Véronique Baudouin
Hôpital Robert-Debré – Service de Néphrologie pédiatrique - Paris
Auteur correspondant : Georges Deschênes - [email protected]
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G. DESCHÊNES, V. BAUDOUIN
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NÉPHROPATHIE LUPIQUE
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Figure 1. Architecture d’un lobule glomérulaire (d’après JM Poirier). Un lobule glomérulaire est centré par une axe mésangial qui
contient une matrice extracellulaire et moins de 10 cellules mésangiales par axe. Ces axes sont limités par une membrane basale
unique qui soutient 3 ou 4 anses capillaires. Le versant urinaire d’un axe mésangial et des cellules endothéliales est recouvert par
les cellules podocytaires.
Figure 2. Protocole de traitement du NIH [6] : 1/ 28 malades ont été traités par le protocole de référence ( ) qui associe
cyclophosphamide IV (1 g/m2/mois pendant 6 mois puis 1g/m2/3 mois pendant 24 mois) et methylprednisolone IV
(1 g/m2/mois pendant 36 mois) et donne les meilleurs résultats à long terme ; 2/ 27 malades ont été traités par cyclophosphamide
seul ( ) à doses identiques ; 3/ 27 autres malades ont été traités par méthylprednisolone seule ( ) à doses identiques avec les
moins bons résultats. Les échecs comprennent le décès du malade, le doublement de la créatinine plasmatique et la nécessité
de reprendre un traitement d’attaque.
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G. DESCHÊNES, V. BAUDOUIN
Figure 3. Protocole Eurolupus [7] : 44 malades ont été traités par cyclophosphamide IV à faibles doses ( ) (6 perfusions de 500 mg
en 3 mois) et n’ont pas de résultats différents des 46 malades traités par cyclophosphamide IV à doses conventionnelles ( )
(6 perfusions de 1 g/m2 en 6 mois puis 1 g/m2/3 mois pendant 6 mois). Les deux groupes de malades ont également reçu de la
prednisone par voie orale dès le début du traitement d’attaque et de l’azathioprine en relais du traitement par cyclophosphamide
IV. Les échecs comprennent l’absence de réponse à 6 mois du début du traitement, le doublement de la créatinine et la nécessité
de reprendre un traitement d’attaque.
Figure 4. Comparaison cyclophosphamide et acide mycophénolique [9] : 32 malades ont été traités par acide mycophénolique
(ligne en pointillé) pendant un an (2 g/jour pendant 6 mois puis 0,5 à 0,75 g/jour pendant 6 mois), un relais par azathioprine
(1 à 1,5 mg/kg/jour) et de la prednisolone à dose dégressive jusqu’à 5,0-7,5 mg/jour à 12 mois de traitement pendant toute la
durée de la surveillance ; 30 malades ont reçu du cyclophosphamide par voie orale (ligne continue) à la dose de 2,5 mg/kg/jour
pendant 6 mois (soit une dose cumulée de 450 mg/kg) avec un relais par azathioprine aux mêmes doses que l’autre groupe et un
traitement par prednisolone selon les mêmes modalités. Le traitement d’attaque par cyclophosphamide est plus performant à 24
et 36 mois mais cette différence disparaît après 48 mois de surveillance. Les échecs ne comprennent que la nécessité de reprendre
un traitement d’attaque.
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NÉPHROPATHIE LUPIQUE
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Figure 5. Traitement de la classe V (Glomérulonéphrite extra-membraneuse lupique) [15] : tous les malades ont reçu de la
prednisolone à la dose initiale de 40 mg/m2 un jour/2 pendant 8 semaines puis une dose décroissante jusqu’à 10 mg/m2 un
jour/2 pendant un an. Quinze malades n’ont reçu que ce traitement ( ), 15 autres malades ont eu un traitement associé par
cyclophosphamide IV ( ) à la dose de 0,5 à 1 g/m2 par mois pendant 6 mois et 12 autres malades un traitement associé par
cyclosporine ( ) à la dose de 200 mg/m2/jour pendant 11 mois.
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SPONDYLOLYSE ET SPONDYLOLISTHÉSIS
DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT
par
R. VIALLE
INTRODUCTION
La spondylolyse se définit comme une solution de continuité au niveau de l’isthme
interarticulaire d’une vertèbre. Le spondylolisthésis a été défini par Taillard [1] comme « le
glissement en avant d’un corps vertébral ses pédicules ses apophyses transverses provoqué
par la rupture de la continuité ou l’élongation de l’isthme intervertébral » (Figure 1).
Spondylolyse et spondylolisthésis peuvent coexister ou se développer de façon indépendante.
Ils peuvent théoriquement apparaître à un ou plusieurs étages vertébraux mais l’atteinte
de la cinquième vertèbre lombaire est de loin la plus fréquente. La spondylolyse est une
pathologie relativement fréquente dans la population générale où elle est identifiée sur 5 à
6 % des individus [2]. Elle est peu symptomatique, voire totalement indolore et occulte dans
la très grande majorité des cas. La survenue d’un spondylolisthésis est en revanche beaucoup
plus rare et peut être pourvoyeuse de douleurs lombaires et nécessiter un traitement en cas
de glissement évolutif. Elle va alors poser des problèmes spécifiques de prise en charge pour
l’ensemble des intervenants médicaux (généraliste, pédiatre, orthopédiste).
ETIOPATHOGÉNIE
Aucun cas de spondylolyse n’a jamais été rapporté chez un nouveau-né.
Embryologiquement, l’interruption de la région isthmique est difficilement explicable
puisqu’il n’existe qu’un seul noyau primaire de l’arc postérieur droit et gauche et des noyaux
d’ossification secondaire pour la formation des pointes des articulaires, des épineuses et des
transverses [3]. La spondylolyse est donc une lésion acquise, progressivement, au cours de
la croissance. Sa survenue semble intimement liée à l’acquisition de la position érigée [4].
Le développement de la lordose lombaire secondaire à l’érection du tronc conduit à une
inclinaison du plateau sacré et donc de la vertèbre L5, exposant l’isthme au cisaillement
entre l’articulaire inférieure de L4 et l’articulaire supérieure de S1 (Figure 2). Cette théorie
est confortée par le fait qu’il n’y a pas de lyse isthmique chez les quadrupèdes et les grands
singes qui présentent une faible lordose lombaire. Par ailleurs, ceci expliquerait que la
fréquence de la lyse isthmique soit de 0 % à la naissance, de 3 % entre 2 et 4 ans et passe
à 5-6 % entre 5 et 7 ans, chiffre qui n’évolue pas par la suite puisqu’il est le même à l’âge
adulte [2].
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R. VIALLE
L’analyse de l’équilibre du tronc dans le plan sagittal a fait l’objet de nombreuses études
récentes, françaises pour la plupart [5]. La survenue d’une spondylolyse, éventuellement
associée à un spondylolisthésis peut ainsi être considérée comme la conséquence d’un
« désordre » anatomique au sein de la charnière lombo-sacrée. Les études replaçant cette
pathologie lombo-sacrée au sein de l’équilibre sagittal du tronc semblent apporter de nouveaux éclaircissements. Ainsi, à la suite des travaux de Mme Duval-Beaupère [6], la prise en
compte d’un nouveau critère angulaire permettant de décrire les rapports entre le rachis et
les membres inférieurs : l’incidence pelvienne (Figure 3) a permis de replacer la problématique de la spondylolyse lombo-sacrée au sein de l’analyse de l’équilibre sagittal du tronc.
Plusieurs études récentes ont suggéré l’association entre une incidence pelvienne élevée et la
survenue d’une spondylolyse et d’un spondylolisthésis lombo-sacrés à la fois chez l’adulte
pour des formes à déplacement modérées [7] mais également chez des enfants [8] ou des
adolescents présentant des formes à grand déplacement [9, 10]. Il existerait donc une configuration anatomique lombo-sacrée favorisant la survenue de la spondylolyse.
L’anatomie n’explique pas tout et il faut certainement que des microtraumatismes
soient répétés pour obtenir la fracture de fatigue de l’isthme, structure essentiellement corticale et très résistante [11]. Pour cette raison, les activités sportives qui sollicitent le tronc en
hyper-extension du rachis lombaire inférieur (Figure 4) sont régulièrement décrites comme
génératrices d’un fort taux de spondylolyse.
MOTIFS DE CONSULTATION ET CIRCONSTANCES
DE LA DÉCOUVERTE
L’élément le plus étonnant des spondylolyses et spondylolisthésis est certainement
leur caractère asymptomatique et bien supporté dans la majorité des cas [12]. Il n’est par
conséquent pas rare de découvrir cette lésion de manière purement fortuite, par exemple
à la suite d’un traumatisme bénin du rachis lombaire ayant mené à la réalisation de
radiographies.
La contracture des muscles ischio-jambiers est un signe très fréquemment retrouvé.
L’intensité de cette contracture est indépendante du type de lyse isthmique et de l’importance du spondylolisthésis qui lui est éventuellement associé [4].
Beaucoup plus rarement, le motif de consultation est une douleur ou un déficit radiculaire, habituellement dans le territoire L5. Ces tableaux cliniques sont plus fréquents
lorsqu’un spondylolisthésis important est associé à la lyse isthmique [13].
LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Les radiographies du rachis lombaire de face et de profil peuvent être complétées par des
incidences de ¾ qui permettent de bien visualiser la région isthmique (Figure 5). En cas de
doute, une scintigraphie osseuse peut être utile. Dans certaines lombalgies de l’enfant sans
anomalies radiologiques, l’hyperfixation, parfois unilatérale, de l’arc postérieur de L5 est
très suspecte d’une lyse isthmique. Le scanner est également à ce titre un bon examen. Il
est nécessaire de réaliser des coupes passant dans le plan de la région isthmique. Le scanner
permet en outre de suspecter le caractère plus ou moins récent de la lyse isthmique, de par
son aspect peu condensé (Figure 6).
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SPONDYLOLYSE ET SPONDYLOLISTHÉSIS DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT
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PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
Lorsque la découverte est purement fortuite et que la lésion est réellement asymptomatique, il n’est pas nécessaire de proposer une prise en charge particulière. En revanche il est
nécessaire de proposer un suivi médical lorsque l’enfant pratique un sport de manière soutenue, à plus forte raison si ce sport comporte des mouvements d’hyper-extension sollicitant
le rachis lombaire. La réalisation annuelle d’un examen clinique et d’une radiographie de
profil de la charnière lombo-sacrée, debout en charge est souhaitable, afin de dépister toute
survenue de troubles de croissance de la charnière lombo-sacrée pouvant amener à la constitution d’un spondylolisthésis lombo-sacré sévère [7, 12].
En cas de lombalgie chronique, il faut bien faire comprendre à l’enfant et à sa famille
qu’il est illusoire d’essayer d’obtenir la consolidation d’une rupture isthmique ancienne. Le
traitement comprend une immobilisation par corset durant plusieurs mois associée à une
rééducation. Cette prise en charge est suffisante pour assurer l’indolence dans la plupart
des cas. Ce n’est qu’en cas de persistance de la lombalgie ou sa récidive régulière qu’un
traitement chirurgical est indiqué.
Le traitement symptomatique est basé sur le principe que la symptomatologie
douloureuse liée à la spondylolyse est un épisode transitoire. Cet incident a toutes les
chances d’aboutir à un état de spondylolyse asymptomatique. Dans cette option la prise en
charge se limite au contrôle de la douleur au moyen d’antalgiques mineurs associée au port
intermittent d’un lombostat léger. Les activités sportives sont supprimées jusqu’à sédation
de la symptomatologie.
Le traitement chirurgical ne doit être envisagé qu’après plusieurs mois d’un traitement
conservateur bien conduit. Deux options sont envisageables la reconstruction isthmique
et l’arthrodèse lombo-sacrée. La reconstruction isthmique a pour but de restaurer la
continuité de l’isthme rompu au moyen d’une greffe osseuse. Le principal avantage est
la conservation de la mobilité de l’espace L5-S1. La condition indispensable pour cette
indication est l’intégrité du disque L5-S1. La plupart des séries publiées décrivent des
résultats allant de 60 % à 90 % de résultats satisfaisants avec un taux de fusion acquis dans
les mêmes proportions [14-16].
Le but de l’arthrodèse lombo-sacrée est la suppression définitive de l’instabilité
vertébrale responsable des douleurs lombaires et radiculaires. L’arthrodèse permet également
la stabilisation d’un éventuel spondylolisthésis jugé évolutif [13]. Sous réserve d’une
technique rigoureuse, toutes les techniques chirurgicales peuvent donner des résultats
satisfaisants (Figure 7).
Raphael VIALLE
Service de Chirurgie Orthopédique et Réparatrice de l’Enfant - Hôpital Armand Trousseau - 26 avenue du docteur
Arnold Netter - 75112 Paris - [email protected]
RÉFÉRENCES
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SPONDYLOLYSE ET SPONDYLOLISTHÉSIS DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT
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Figure 1 : Un spondylolisthésis de L5, plus ou moins
sévère, peut survenir au décours de la spondylolyse.
La rupture de la continuité (flèche) ou l’élongation de
l’isthme intervertébral constitue une faillite mécanique
d’un élément de stabilité du rachis lombo-sacré.
Figure 2 : La lordose lombo-sacrée expose l’isthme de L5
(flèche) au cisaillement entre l’articulaire inférieure de L4
et l’articulaire supérieure de S1 comme cela est parfaitement
visualisé sur cette reconstruction tomodensitométrique para
sagittale.
Figure 3 : L’incidence pelvienne (IP) est un nouveau
critère angulaire permettant de décrire les rapports entre
le rachis et les membres inférieurs. Cet angle est formé, sur
une radiographie de profil de la charnière lombo-sacrée
en position debout, entre la perpendiculaire au milieu du
plateau sacré et la droite unissant le milieu du plateau sacré
et le centre géométrique des deux têtes fémorales. Il s’agit
d’un paramètre « anatomique », variable au sein de la
population, mais fixe chez un même individu.
Figure 4 : Les sports de compétition qui sollicitent le tronc
en hyper-extension du rachis lombaire inférieur (comme ici
la gymnastique rythmique et sportive) sont associées à un
fort taux de spondylolyse
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Figure 5 : Les radiographies du rachis lombo-sacré de profil
(A) et de ¾ (B) sont nécessaires et suffisantes pour porter
le diagnostic de spondylolyse. On note parfois, comme
ici sur l’incidence de profil (A) l’association avec un
spondylolisthésis modéré de L5.
R. VIALLE
Figure 6 : Le scanner permet de différencier la nature récente
de la rupture de continuité osseuse. Sur cette coupe axiale
passant par L5, on note à droite une fracture récente de la
région isthmo-pédiculaire et, à gauche, une lésion isthmique
condensée, plus ancienne.
Figure 7 : Spondylolisthésis lombo-sacré à grand
déplacement opéré avec réduction et ostéosynthèse par voie
postérieure. A : Aspect de profil préopératoire avec cyphose
lombo-sacrée et glissement de 70 %. B : Aspect de profil à
18 mois de recul avec réduction de la cyphose lombo-sacrée
et réduction du glissement à 30 %.
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