2e trimestre 2013 • 19
Discours d’accueil de Jean-Paul Delevoye
tion à la révolte. Qu’il s’agisse de la Tunisie, où le peuple s’est levé contre la confis-
cation du destin national, ou qu’il s’agisse des sociétés occidentales comme la France,
où les opinions publiques éprouvent un sentiment d’injustice à l’égard des décisions
et portent un regard de défiance sur les décideurs, le risque de révolte ne peut plus
être écarté.
On en voit d’ailleurs une juste illustration sur le
plan économique, avec les politiques de dévaluation
sociale menées par les gouvernements. Ces réformes
sont parfois d’une ampleur telle qu’elles deviennent
parfois insoutenables pour une grande partie des
citoyens. Mais, au-delà de l’actualité immédiate de
l’Europe, se posent des questions pour les décen-
nies prochaines : comment nourrir les 7milliards d’individus que compte la planète ?
Comment développer la croissance tout en réduisant les inégalités de richesses et les
tensions qu’elles engendrent ? Comment assurer l’intégration des 50millions d’étran-
gers qui seront indispensables pour éviter le vieillissement de l’Europe ?
La mutation à laquelle la France ne pourra échapper nécessite que nos approches
changent en profondeur. Ce changement est visible sur la notion de compétitivité,
qui est aujourd’hui reconnue comme un impératif par l’ensemble de la société civile
alors qu’elle était quasiment un tabou il y a vingt ans. Mais sur la protection sociale,
qui demeure l’un des principaux chantiers des gouvernants, nous devons évoluer.
Il devient impératif de repenser la pauvreté en passant de la cohésion à l’inclusion
sociale, en remplaçant la compensation accordée par l’administration par un réel
soutien visant l’insertion plutôt que l’indemnisation. Au sein de l’entreprise, nous ne
pouvons nous contenter de la performance et de la seule maximisation du profit. Ce
dernier ne pourra plus se créer sans un réel épanouissement des salariés et sans leur
association à l’aventure entrepreneuriale. Historiquement égalitaire et centralisé, le
modèle français doit évoluer pour susciter une adhésion collective qui promeuve la
conviction et la résilience de l’individu.
Nos mentalités doivent changer, nos discours également. Le regard de la classe diri-
geante ne doit certes souffrir d’aucune concession, mais il ne doit pas non plus tom-
ber sombrer dans le pessimisme. Les Français ont des atouts qu’il faut valoriser et
dont ils doivent prendre conscience. La créativité, les idées, l’innovation ont permis
à l’économie de l’immatériel et du numérique de créer des emplois nouveaux, com-
pensant ainsi la hausse du chômage dans le secteur industriel.
Les projets politiques
semblent se résumer
aujourd’hui à la
gestion des crises,
des échecs et des
humiliations.
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