Vendredi 13 mars 2015 5
International
démantèlement de l’Empire est
prévu, il faudra que la France soit
assurée des zones qu’elle en ob-
tiendra. Le sénateur et membre
du parti colonial Étienne Flandin
est favorable à une « grande Sy-
rie », avec une enclave territo-
riale internationale pour Jérusa-
lem et Bethléem.
À l’argument des traditions de la
France dans la région, il ajoute
celui de la puissance musul-
mane : la France doit être là-bas
pour protéger les pèlerinages
des musulmans en provenance
d’Afrique du Nord.
Enn, l’ancien consul géné-
ral de France à Beyrouth, alors
en poste à Paris, François
Georges-Picot tient à ce que le
régime international soit appliqué
pour Jérusalem, an d’éviter des
conits ultérieurs.
La donne est peu à peu modiée
par la concrétisation de la ré-
volte arabe. La France renforce
alors ses effectifs, qui demeurent
concentrés à Salonique (armée
d’Orient).
L’Angleterre pense que l’Alle-
magne est à même de prendre
l’Égypte et renforce alors sa pré-
sence, diminuant ses effectifs à
Salonique.
La France est dans la situation
inverse de celle de 1914, quand
elle avait refusé l’ouverture d’un
second front pour ne pas créer
une question de Syrie. À la n de
1915, elle veut un second front,
mais au nord de la région.
Sur place, la répression s’ac-
centue en Syrie : Djemal Pacha,
l’un des principaux responsables
jeunes-turcs, commandant mi-
litaire ottoman en Syrie et en
Palestine, met alors à prot la
découverte de documents au
consulat français de Beyrouth
qui révèlent les pétitions autono-
mistes d’avant-guerre.
Aux représailles s’ajoute la fa-
mine. Paris décide alors de se
positionner militairement : c’est
l’occupation de l’île d’Arouad, si-
tuée en face de Tartous en Syrie,
à la n août 1915, an de créer
une base avancée dans l’est de
la Méditerranée.
FACE À LA RÉVOLTE ARABE
(OCTOBRE 1915-1917)
Avec Aristide Briand à la tête du
gouvernement, l’ouverture d’un
nouveau front est désormais
envisagée. La prise en consi-
dération de l’Orient est toutefois
plus due à la réorientation an-
glaise, qui se traduit par l’insur-
rection arabe. Aux yeux de Paris,
Londres doit respecter les ambi-
tions françaises, notamment en
ce qui concerne la Palestine.
On s’oriente alors vers un par-
tage de la région. Les visées
anglaises sur la Palestine, af-
chées dès le départ, ne trouvent
pas vraiment de répondant en
France : rien n’y est prêt.
C’est de ce moment que date la
négociation Sykes-Picot qui dé-
montre plusieurs avancées dans
la politique orientale de la France
:
- acceptation du démembrement
de l’empire ottoman ;
- exigence de vastes compen-
sations pour la perte d’inuence
française ;
- acceptation de la création d’un
royaume arabe ;
- discussion seulement sur les
frontières de Syrie ;
- volonté française d’obtenir une
Syrie vaste, qui, si elle n’est pas
forcément importante du point de
vue économique, « est néces-
saire à sa puissance culturelle et
intellectuelle »5.
La Palestine entre pleinement
dans le plan français pensé par
Georges-Picot, qui se fonde sur
l’idée d’un régime internatio-
nal pour Jérusalem et les Lieux
saints.
Pour sa part, le parti colonial
français refuse l’internationalisa-
tion de la Palestine, trop contraire
aux intérêts de la France.
Et rejette catégoriquement ce qui
pourrait ressembler à des aspira-
tions anglaises sur la Palestine :
le Royaume-Uni, puissance pro-
testante, n’a que peu d’œuvres
en Palestine, et donc ne peut
avoir de revendications territo-
riales là.
L’année 1916 est aussi marquée
par l’apparition du facteur sio-
niste. Option progressivement
prise en compte par les Anglais,
elle est fermement rejetée par
les Français, qui y voient une fa-
çon d’installer le Royaume-Uni
en Palestine.
L’Italie, quant à elle, revendique
sa part du gâteau.
Au moment où se déclenche la
révolte arabe, en juin 1916, la
France est très prudente : son
souci est d’empêcher que ce
mouvement ne prote qu’aux An-
glais.
Pour limiter les dégâts, on songe
à l’envoi d’une délégation qui
équiperait une partie de la nou-
velle force arabe : à défaut, to-
talement arabisée, celle-ci ris-
querait de se retourner contre les
puissances chrétiennes.
Cette intervention permet d’inté-
grer le Hedjaz dans la politique
musulmane de la France. En pa-
rallèle est diffusée une large pro-
pagande, dirigée principalement
contre les Allemands, montrant
une France forte prête à accor-
der des réformes aux popula-
tions locales.
En parallèle se déroule la deu-
xième vague de répression à
l’encontre des Syriens sépara-
tistes menée par les Ottomans.
À laquelle s’ajoute l’intensica-
tion de la famine en Syrie.
Briand refuse le principe d’une
intervention humanitaire, les
chances d’un nouveau front en
Europe se multipliant, alors que
les Anglais pensent de plus en
plus à le faire dans le sud de la
Palestine.
À la n décembre 1916, la prise
d’El-Arish, dernier verrou otto-
man dans le Sinaï, provoque la
décision française d’accompa-
gner le mouvement britannique
vers la Palestine, an d’éviter
que la Grande-Bretagne n’y ar-
rive seule : on accepte le prin-
cipe d’une occupation mixte
provisoire, avec nomination de
Georges-Picot comme haut-com-
missaire français de Palestine.
En janvier 1917, un ravitaille-
ment de la Syrie, en collabora-
tion entre les États-Unis et l’em-
pire ottoman et à l’instigation de
la France est un coup d’épée
dans l’eau.
Très affaiblie, la Syrie ne peut
plus être considérée comme un
centre potentiel d’insurrection : la
France doit se résigner à la so-
lution hédjazienne, qui est celle
promue par Londres et la plus
active depuis la révolte arabe de
la mi-1916.
Au total, au cours de cette pé-
riode, l’arabisation de la question
d’Orient se fait au détriment des
Français, et surtout de leur clien-