sans dissolution dans la masse et donc sont toujours « différentes », mais on peut considérer
que de 960 à 1140 elles vivent un véritable « âge d’or ».
Les almohades vont mettre fin à cette cohabitation. Il vont se livrer à des massacres
contre tous leurs opposants, y compris les dhimmis. Ils vont les obliger à se convertir à l’islam
en les menaçant de mort ou d’expulsion. Il y aura beaucoup de conversion de façade (on les
appellera les marranes terme espagnol désignant les cochons), ceci fournira un alibi pour une
discrimination visant tous ceux qui sont soupçonnés de continuer à pratiquer en secret leur
ancienne religion ; on leur enlève les enfants pour les éduquer dans l’islam. Ils doivent porter
un signe distinctif (déjà) : bonnet, habit de couleur sombre.
Dès l’effondrement des almohades, la communauté juive réapparaît et la reconquête
chrétienne relance leurs espoirs. Mais il sera de courte durée car ils vont faire partie des
minorités persécutées. En 1391, les juifs seront convertis de force et en masse après avoir
essuyé les pogroms. En 1478-1481, l’Inquisition espagnole va poursuivre les convertis de la
3ème et 4ème génération car ils sont soupçonnés de continuer à pratiquer leur ancienne religion.
En 1492, les Rois Catholiques, tolérants jusque là, se rallient à l’Inquisition de Torquemada
et rédige l’édit d’expulsion : les juifs doivent avoir quitté l’Espagne avant le mois d’août 1492
sous peine de mort. Ils seront plus de 200 000 à s’exiler. En 1525/1526, il n’y a plus,
officiellement de non chrétien en Espagne.
Mais l’Inquisition va aussi s’intéresser aux morisques (musulmans convertis au
christianisme), cela concerne 250 000 à 300 000 personnes (4 à 5% de la population de la
Castille et de l’Aragon). Ils vont avoir à choisir, comme les juifs, la conversion ou le départ.
Les juifs partiront, les morisques resteront jusqu’en 1609, date à laquelle le souverain
espagnol Philippe III, les expulse vers le Maghreb au grand dam des cours européennes :
l’Espagne, très chrétienne, livre aux mahométans des dizaines de milliers de baptisés. La
défense de l’Espagne réside dans sa maxime : 1 seul peuple, 1 seul souverain, 1 seule religion,
donc il n’y a plus que des chrétiens en Espagne.
Cette Espagne, indolente, incapable, dégénérée intellectuellement, bigote et fanatique,
ne supporte pas des coutumes différentes des siennes (vêtement, bains, langue). Des provinces
entières vont s’en trouver ruinées car vidées d’éléments pacifiques, intelligents et laborieux,
profondément attachés à leur terre mais qui avaient le tort de ne pas participer à la morale et à
la morgue aristocratique de la « limpieza de sangre ». L’argument développé par les tenants
de l’expulsion est que les morisques sont enracinés dans un islam antichrétien, ils
blasphèment et commettent des sacrilèges.
Toutefois, l’inquisition semble s’attacher à éradiquer des coutumes qui, pourtant, ne
semblent pas relever de la foi, alors que c’est l’unique fonction d’un tribunal religieux. Donc
le crime est de ne pas paraître chrétien, curieux, car les chrétiens d’orient sont bien plus
proches des coutumes musulmanes que les morisques.
Il y a eu, certes, un refus morisque devant la volonté espagnole d’abolir l’identité
culturelle islamique, ils rejettent les signes christianisants. Face à l’intégrisme de l’église
devant des gestes coutumiers comme le port de l’habit, la langue arabe, les danses et la
musique andalouse, les mariages bruyants, le bain, le henné, c’est une escalade de rejets
réciproques. Le fait le plus grave qui explique la position espagnole, c’est les incursions de
corsaires barbaresques d’Alger ou de Salé qui tuent les hommes, enlèvent les femmes avec la
complicité de morisques. Dans le massif de l’Alpujarra, en 1568, éclate une révolte de
morisques qui tuent des minorités chrétiennes (qui sont souvent elles même des morisques,
mais sincèrement convertis). Les « courses » (pirateries) d’Alger ou de Salé viennent en aide
aux insurgés, car ceux-ci les fournissaient en personnes enlevées et en armes. Les soldats
espagnols dépêchés sur place ne font pas de différence et exercent une répression aveugle,
surtout les recrues locales qui haïssent les morisques. Nous sommes dans une configuration
d’un affrontement avec des quasi-miliciens plutôt que des soldats, les hommes en armes