Science et axiologie, positivisme

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1. La science est-elle neutre ?
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Axiologie : théorie des valeurs ,
essentiellement esthétiques et morales.
QUELQUES PONCIFS CONCERNANT LA SCIENCE
La science n’a pas de valeur en soi.
Le savant ne doit pas s’occuper de politique.
La science repose uniquement sur les faits et les faits ne mentent pas.
La science n’est pas en soi bonne ou mauvaise, ce sont les usages (ses
applications) qui lui confèrent une dimension morale.
La science est la recherche de la vérité et la vérité ne saurait être mauvaise.
La science n’a pas de patrie, n’appartient à aucun parti, n’est l’esclave
d’aucune idéologie, etc.
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QUELQUES CITATIONS POUR COMMENCER
Henri POINCARE
La pensée n'est qu'un éclair au milieu de la nuit. Mais c'est cet éclair qui est
tout.
La pensée ne doit jamais se soumettre, ni à un dogme, ni à un parti, ni à une
passion, ni à un intérêt, ni à une idée préconçue, ni à quoi que ce soit, si ce
n'est aux faits eux-mêmes, parce que, pour elle, se soumettre, ce serait cesser
d'être.
Le savant ne doit pas s’attarder à réaliser des fins pratiques. Il les obtiendra
sans doute, mais il faut qu’il les obtienne par surcroît. Il ne doit jamais oublier
que l’objet spécial qu’il étudie n’est qu’une partie de ce grand tout qui doit être
l’unique ressort de son activité… La science a eu de merveilleuses applications,
mais la science qui n’aurait en vue que les applications ne serait plus la
science, elle ne serait plus que la cuisine.
LOUIS PASTEUR
La science n’a pas de patrie.
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LA NEUTRALITÉ AXIOLOGIQUE DE LA SCIENCE ?
Toute une tradition affirme la neutralité axiologique de la science :

Les propositions scientifiques sont indicatives et non impératives ;

Le savant, dans ses recherches, n’a pas à se plier à des exigences en
provenance de la sphère politique ou religieuse ;

Le savant ne fait pas intervenir ses convictions personnelles dans ses
travaux ;

Le savant doit faire preuve de prudence et d’humilité dans ses
interventions dans la vie publique (et éviter l’abus d’autorité) ;
Affirmer la neutralité axiologique de la science c’est simplement affirmer la
séparation entre science et conviction.
Une neutralité de la science par rapport aux valeurs ?
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LA SCIENCE CONÇUE COMME NEUTRE ET OBJECTIVE
Derrière le postulat de la neutralité de la science se dissimulent en fait un
certain nombre d’idées sous-jacentes :

Objectivité absolue de la science ;

Neutralité idéologique (politique, morale, sociale, etc.) des savants et
des théories qu’ils proposent ;

Idée d’une pureté de la science (la technologie étant par ailleurs
impure) ;

Réalisme scientifique : la science repose uniquement sur des faits et
les faits, en eux-mêmes, ne mentent pas ;
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LA NEUTRALITÉ DE LA SCIENCE : UNE NOTION À NUANCER
Une telle conception est largement répandue au sein du ‘grand public’ et
témoigne de la grande confiance que l’on accorde habituellement à la
méthodologie scientifique.
Une telle position n’est d’ailleurs pas critiquable en soi, tant qu’on la considère
comme un résumé de l’idéal de scientificité
 La science devrait être absolument neutre, dégagée des enjeux politiques
et devrait éviter toute contamination de la subjectivité.
En revanche, cette conception est éminemment critiquable si l’on considère
que la pratique scientifique, actuelle ou passée, est effectivement neutre.
Exemples :
Les rapports entre la science
et la guerre;
Le développement de la technologie nucléaire
;
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L’histoire de la biologie.
POURTANT, LA SCIENCE A UNE VALEUR ?
Pourtant, bien que la science se déclare souvent neutre par rapport aux
valeurs, elle n’en a pas moins une valeur. Deux traditions vont dans ce sens :

Aristote, Éthique à Nicomaque : l’activité théorique est précieuse
pour elle même. Il lui confère donc une valeur intrinsèque.

Bacon, Du progrès et de la promotion des savoirs : il veut
constituer une philosophie naturelle qui sera opératoire, « qui
bénéficiera à la vie de l’homme et la dotera de richesses ». La
science a donc une valeur instrumentale.
Bacon : « Savoir c’est Pouvoir ».
Devise de la Société Scientifique de Bruxelles : « Pour les catholiques, c’est
un devoir de prouver qu’ils sont savants ; pour les savants, c’est un devoir
d’oser montrer qu’ils sont catholiques ! »
Devise de l’École Polytechnique : « Pour la patrie, les sciences et la gloire ».
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DEUX CITATIONS
« Organiser scientifiquement l’humanité, tel est donc le
dernier mot de la science moderne, telle est son
audacieuse mais légitime prétention. »
Ernest Renan, L’avenir de la Science, 1848
« La science domine tout : elle rend seule des services
définitifs. Nul homme, nulle institution désormais n’aura
une autorité durable s’il ne se conforme à ses
enseignements. »
Marcelin Berthelot, Science et Morale, 1896
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CONCLUSIONS
La science n’est pas déconnectée du domaine des valeurs.
Elle s’inscrit dans la société, dans les structures économiques et politiques et
elle véhicule, soit directement, soit indirectement, des discours sur les valeurs
qui peuvent être évalués dans une perspective morale.
L’idée de la neutralité de la science est probablement une fiction régulatrice :

Les connaissances scientifiques et leurs applications n’apparaissent pas
en dehors d’un contexte ;

Les conditions sociales, économiques, philosophiques, religieuses, etc.
jouent un rôle dans l’émergence des savoirs ;

Si la science est dans la culture et si elle s’inscrit dans une temporalité,
elle ne peut en aucun cas être neutre.
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CONCLUSIONS PROVISOIRES
Malgré sa prétention à la neutralité axiologique, la science
est porteuse de valeurs.
Ces valeurs concernent le statut de la connaissance, la
portée des théories scientifiques et leur utilité, le rôle que
l’on accorde à la science d’un point de vue social et
politique, etc.
Ces valeurs concernent aussi l’éthique, la déontologie et la
régulation des modes de production et d’application des
savoirs.
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CONCLUSION PHILOSOPHIQUE
Idéalement, la science se définit comme
« le point de vue de nulle part »
(construction de l’objectivité). Voir à ce
sujet Thomas Nagel.
Cependant, un tel point de vue ne peut
exister en pratique.
L’utopie du « point de vue de nulle part »
pose à la fois la question de
l’universalité et de l’objectivité mais
aussi la question de la valeur morale de
la science.
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2. Illustration historique
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DEUX CITATIONS DE CHARLES DARWIN
« Nous, hommes civilisés, nous faisons
[] tous nos efforts pour arrêter la
marche de l’élimination (sélection
naturelle) : nous construisons des
hôpitaux pour les idiots, les infirmes et
les malades ; nous faisons des lois pour
venir en aide aux indigents. [] Les
membres débiles des sociétés civilisées
peuvent
donc
se
reproduire
indéfiniment ».
« Combien cette perpétuation des êtres
débiles doit être nuisible à la race
humaine. [] À l’exception de l’homme
lui-même, personne n’est assez ignorant
ni assez maladroit pour permettre aux
animaux débiles de se reproduire ».
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LISTE DE CHICAGO DES PERSONNES INAPTES
« Est socialement inapte toute personne
qui, par son propre effort, est incapable
de façon chronique, par comparaison avec
les personnes normales, de demeurer un
membre utile de la société. (…) Les classes
sociales d’inaptes sont les suivantes : 1)
les débiles mentaux ; 2) les fous ; 3) les
criminels (y compris les délinquants et
dévoyés) ; 4) les épileptiques ; 5) les
ivrognes ; 6) les malades (tuberculeux,
syphilitiques, lépreux, et autres atteints de
maladies chroniques…) ; 7) les aveugles ;
8) les sourds ; 9) les difformes ; 10) les
individus à charge (y compris les
orphelins, les bons à rien, les gens sans
domicile et les indigents). »
Rapport du laboratoire psychopathique du
Tribunal municipal de Chicago, 1922, cité
par A. Pichot in La société pure, p. 215
C’est toi qui
porte. Un
individu
génétiquement
malade coûte
environ 50000
Marks à l’âge de
60 ans.
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CRICK, PAULING, SCHOCKLEY
Francis Crick (1916-2004), prix Nobel de physiologie et de médecine,
co-découvreur de la structure en double hélice de l’ADN :
« Aucun enfant nouveau-né ne devrait être reconnu humain avant
d’avoir passé un certain nombre de tests portant sur sa dotation
génétique. [] S’il ne réussit pas ces tests, il perd son droit à la vie » ;
Linus Pauling (1901-1994), prix Nobel de chimie et prix Nobel de la
paix :
Il a suggéré qu’on devrait faire tatouer sur le front de toute jeune
personne un symbole indiquant son génotype.
William Bradford Shockley (1910-1989) ; prix Nobel de physique,
inventeur du transistor (promoteur d’une banque de sperme pour
génies) :
Il a souhaité que les individus ayant un faible QI soient stérilisés.
Il a suggéré la stérilisation des femmes noires.
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UNE CITATION DU DOCTEUR COHEN, RESPONSABLE DU TÉLÉTHON
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LOUIS PASTEUR ET L’EXPÉRIMENTATION HUMAINE
à Pedro II, empereur du Brésil. Paris, le 22 septembre 1884
Sire,
[…] Votre majesté a la bonté de me parler de mes études sur la rage. Elles sont assez
avancées et je les poursuis sans interruption. Cependant j'estime qu'il faudra encore
près de deux années pour les amener à bonne fin, c'est-à-dire pour que je sois en
mesure de proposer aux pouvoirs publics l'application pratique de mes résultats... il faut
donc arriver à la prophylaxie de la rage après morsure.
Je n'ai rien osé tenter jusqu'ici sur l'homme, malgré ma confiance dans le résultat et
malgré les occasions nombreuses qui m'ont été offertes depuis ma dernière lecture à
l'académie des sciences. Je crains trop qu'un échec ne vienne compromettre l'avenir. Je
veux réunir d'abord une foule de succès sur les animaux. à cet égard, les choses
marchent bien. J'ai déjà plusieurs exemples de chiens rendus réfractaires après
morsures rabiques. Je prends deux chiens, je les fais mordre par un chien enragé. Je
vaccine l'un et je laisse l'autre sans traitement. Celui-ci meurt de rage ; le vacciné
résiste.
Mais alors même que j'aurais multiplié les exemples de prophylaxie de la rage chez les
chiens, il me semble que la main me tremblera quand il faudra passer à l'espèce
humaine.
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LOUIS PASTEUR ET L’EXPÉRIMENTATION HUMAINE
C'est ici que pourrait intervenir très utilement la haute et puissante initiative d'un chef
d'état pour le plus grand bien de l'humanité. Si j'étais roi ou empereur ou même
président de république, voici comment j'exercerais le droit de grâce sur les condamnés
à mort.
J'offrirais à l'avocat du condamné, la veille de l'exécution de ce dernier, de choisir entre
une mort imminente et une expérience qui consisterait dans des inoculations
préventives de la rage pour amener la constitution du sujet à être réfractaire à la rage.
Moyennant ces épreuves, la vie du condamné serait sauve. Au cas où elle le serait, - et j'ai
la persuasion qu'elle le serait en effet, - pour garantie vis-à-vis de la société qui a
condamné le criminel, on le soumettrait à une surveillance à vie. Tous les condamnés
accepteraient. Le condamné à mort n'appréhende que la mort.
Ceci m'amène au choléra dont votre majesté a également la bonté de m'entretenir. […]
On devrait pouvoir essayer de communiquer le choléra à des condamnés à mort en leur
faisant ingérer des cultures de bacille. Dès que la maladie serait déclarée, on
éprouverait des remèdes qui sont conseillés comme étant les plus efficaces en
apparence.
J'attache tant d'importance à ces mesures qui si votre majesté partageait mes vues ,
malgré mon âge et mon état de santé, je me rendrais volontiers à Rio-De-Janeiro, pour
me livrer à de telles études de prophylaxie de la rage ou de contagion du choléra et des
remèdes à lui appliquer.
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L. Pasteur.
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24
25
3. L’éthique et la responsabilité des
scientifiques
26
3.1. QUELQUES EXEMPLES
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28
PÉTITIONS DES INTELLECTUELS EN FAVEUR DE LA RÉVISION DU PROCÈS DE
DREYFUS (JANVIER 1898)
Les soussignés, protestant contre la violation des formes juridiques au
procès de 1894 et contre les mystères qui ont entouré l’affaire Esterhazy,
persistent à demander la révision.
Zola ; Duclaux ; France ; Ruyssen ; Halévy ; Trarieux ; Proust ; Herr ; Andler;
Bouglé ; Perrin ; Lebesgue ; Mouton ; Halévy (Élie) ; Mirbeau ; Grimaux ;
Tannery ; Brillouin ; Maindron ; Darlu ; Lanson ; Hovelacque ; Crémieu ;
Monet ; Renard ; Cotton ; Durkheim ; Langevin ; Péguy ; Gide ; Bertrand
(Alexandre) ; De Pressensé ; Mascart ; Mauss.
29
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MANIFESTE EINSTEIN-RUSSELL (1955)
Nous invitons le présent congrès et, par son intermédiaire, les hommes de science du
monde entier et le grand public, à souscrire à la résolution suivante :
Compte tenu du fait qu’au cours de toute nouvelle guerre mondiale les armes nucléaires
seront certainement employées et que ces armes mettent en péril la survie de l’humanité,
nous invitons instamment les gouvernements du monde à comprendre et à admettre
publiquement qu’ils ne sauraient atteindre leurs objectifs par une guerre mondiale et nous
leur demandons instamment, en conséquence, de s’employer à régler par des moyens
pacifiques tous leurs différends.
Ce texte a été signé par :
Max Born, Percy Williams Bridgman, Albert Einstein, Léopold Infeld, Frédéric Joliot-Curie,
Herman J. Muller, Linus Pauling, Cecil F. Powell, Joseph Rotblat, Bertrand Russell, Hideki
Yukawa
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3.2. L’ETHOS DU SAVANT SELON ROBERT
K. MERTON
32
LE SYSTÈME CUDOS (ACRONYME ANGLAIS)
Merton a été l’un des sociologues américains les plus influents du 20e siècle. Il a été
l’un des principaux fondateurs de la sociologie des sciences à travers son ouvrage The
Normative Structure of Science (1942).
Dans le domaine de l’éthique des sciences, Merton a insisté sur le rôle essentiel joué
par un certain nombre de normes (on parle depuis de normes mertoniennes).
Ces normes constituent des principes qui doivent guider toute bonne recherche
scientifique. Le respect de ces normes définirait ce que Merton appellerait l’éthos du
scientifique :
 Cet éthos a des points communs avec la moralité commune ;
 Mais il se caractérise aussi par des règles spéciales liées à la profession du savant
et à la promotion de la connaissance rationnelle.
Ce système de normes est souvent désigné par l’acronyme CUDOS
 Communalisme ;
 Universalisme ;
 Désintéressement ;
 Scepticisme organisé ;
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REMARQUES SUR LES NORMES MERTONIENNES
Cet ensemble de normes n'est pas livré par Merton sur la
base de ses intuitions des réalités du monde scientifique.
C'est le résultat de l'examen, d'un point de vue
sociologique, de la révolution scientifique et technique
que connut l'Angleterre à la fin du XVIIe siècle.
Il montre en particulier que certaines valeurs véhiculées
par le puritanisme
pourraient avoir contribué à
l'accélération du développement de la science dans ce
pays.
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LES PREMIERS TRAVAUX DE MERTON EN SOCIOLOGIE DES SCIENCES
Science, technologie et société dans l’Angleterre du XVII° siècle
(1938) :

Extrême importance des préoccupations techniques aux
origines des développements de la science au XVII° siècle.

Les savants anglais de l’époque de Newton sont
explicitement motivés dans une partie de leurs travaux par
des problèmes pratiques immédiats

Exemple : la question des transports maritimes est à
l’origine du développement de la science classique
(détermination des longitudes en mer, mesure des
variations magnétiques).
« L’éthique puritaine protestante canalisa les intérêts des
Anglais au XVII° siècle et joua un rôle importante dans le
développement scientifique ».
Les normes et valeurs puritaines – empirisme et rationalité,
ascétisme, libre examen, utilitarisme – s’accordent parfaitement
avec les valeurs de la science.
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COMMUNISME (OU COMMUNALISME)
Les résultats scientifiques sont la propriété commune de
la communauté scientifique toute entière.
Les efforts des scientifiques doivent tendre à l’extension
du savoir.
L'examen des propositions émises par les scientifiques
étant un processus collectif, il ne doit pas être fait obstacle
à leur libre circulation au sein de la communauté.
L'appropriation privée doit être réduite au minimum.
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UNIVERSALISME
La science est ouverte à tous, sans préférence de race, de genre, etc.
Les questions relatives à la vérité scientifique sont arbitrées en
fonction de critères impersonnels qui ne dépendent en rien des
chercheurs :
Sexe, Race, Classe Sociale, Place dans l’institution, Etc.
Le respect de cette norme n'est pas tributaire d'une quelconque
bonne volonté des scientifiques.
Elle est inscrite au cœur du système de contrôle de la production de
connaissance.
Ainsi, dans un comité de lecture, les noms des personnes choisies
pour évaluer un texte soumis à publication sont tenus secrets.
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DÉSINTÉRESSEMENT DE LA RECHERCHE
Les scientifiques ne doivent pas présenter leurs résultats en les
mélangeant avec leurs croyances personnelles ou en s’en
servant comme des instruments militants.
Le désintéressement n’est pas seulement la traduction de
qualités morales propres aux chercheurs mais la marque d'un
système de contrôle récompensant les résultats
scientifiquement valides.
Même un scientifique très vénal a intérêt à proposer des
résultats scientifiquement valides.
Merton est persuadé que ce critère explique pourquoi il n’y a
pas de fraudes dans les annales de la science.
C’est un critère qui a été fortement critiqué.
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SCEPTICISME ORGANISÉ
L’argument d’autorité n’a pas de valeur dans les sciences.
C’est l’expérience et le raisonnement qui tranchent.
En l’absence de preuves concluantes, la suspension du
jugement s’impose.
Une institutionnalisation de la remise en question
systématique des résultats des chercheurs, au travers de
dispositifs tels que les revues à comité de lecture, qui
conditionnent la publication d'un article à sa relecture
critique par les pairs de l'auteur.
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UNE AUTRE FORMULATION DES PRINCIPES CUDOS
Communalisme
Universalisme
Désintéressement
Originalité
Scepticisme
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LES NORMES MERTONIENNES = UN SYSTÈME RÉGULATEUR ET UNE DÉFINITION DE
LA SCIENCE
Ces quatre normes sont intériorisées par les scientifiques pendant leur
apprentissage.
Elles sont entretenues par leur insertion institutionnelle dans le système.
Elles font de la science un système social distinct et relativement autonome.
Elles stabilisent et régulent la science en la protégeant d'abus internes et en
lui permettant de résister aux influences et intrusions des acteurs politiques et
économiques.
Elles rendent possible l'exercice d'une libre rationalité.
Les normes mertoniennes définissent non seulement l’éthique du
scientifique mais la science elle-même.
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4. POURQUOI LA SCIENCE DOIT-ELLE
AVOIR L’ÉTHIQUE EN LIGNE DE MIRE ?
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4.1. PROBLÈMES ÉTHIQUES LIÉS À
L’ACQUISITION DES SAVOIRS SCIENTIFIQUES
43
PALMARÈS 2008 DES IGNOBELS
Nutrition
Le prix a été décerné à Massimiliano Zampini et Charles
Spence pour avoir démontré que les aliments ont
meilleur goût lorsqu'ils produisaient un meilleur son.
Science cognitive
Le prix a été décerné aux Japonais Toshiyuki
Nakagaki, Hiroyasu Yamada, Ryo kobayashi, Atsushi
Tero, Akio Ishiguro et Agota Toth. Ils ont découvert
que les amiboïdes pouvaient résoudre des
labyrinthes.
Économie
Paix
Le prix a été décerné à la Commission fédérale
d'éthique pour la biotechnologie dans le domaine non
humain (CENH). Ils ont adopté une motion protégeant
la dignité de la créature à l'égard de l'utilisation des
plantes.
Archéologie
Le prix a été décerné aux Brésiliens Astolfo Gomes de
Araujo Mello et Jose Carlos Marcelino pour
récompenser leurs recherches sur les sites
archéologiques sud-américains qui peuvent être ravagés
par les tatous (mammifères).
Biologie
Le prix a été décerné à Marie-Christine Cadiergues,
Christel Joubert et Michel Franc de l'École Nationale
Vétérinaire de Toulouse, pour avoir découvert que les
puces vivant sur des chiens sautent plus haut que les
puces des chats.
Médecine
Le prix a été décerné à Dan Ariely de l'Université Duke
pour avoir démontré que la fausse médecine est plus
efficace quand le prix est plus élevé. Plus le placebo est
cher, mieux c'est !
Le prix a été décerné aux Américains Geoffrey Miller,
Joshua Tybur et Brent Jordan de l'Université de New
Mexico. Ils ont découvert que des clients donneront
plus de pourboire à une danseuse lorsqu'elle sera au
top de son cycle ovulatoire.
Physique
Le prix a été remis à Dorian Raymer et Douglas Smith
des
États-Unis
pour
avoir
prouvé
mathématiquement que des cheveux, ou tout autre
objet semblable, finiront inévitablement par
s'emmêler.
Chimie
Le prix a été partagé par une équipe de chercheur
américain et taiwanais. Les Américains ont
découvert que le Coca-Cola est un très bon
spermicide. Aussi étrange qu'il puisse paraître, les
Taïwanais ont prouvé le contraire. Ils ont découvert
que le Coca-Cola n'est pas un bon spermicide.
Littérature
Le prix a été remis à l'anglais David Sims. On l'a
récompensé pour son étude écrite (que je ne préfère
pas traduire) : "You Bastard: A Narrative Exploration
of the Experience of Indignation within
Organizations".
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SCIENCE ET COMPÉTITION
Evolution récente de la science :
 XVIIè siècle : une science d’amateurs ;
 XIXè siècle : une science d’universitaires ;
 XXè siècle : une science d’industriels ;
Aujourd’hui, les scientifiques se trouvent dans une situation de compétition pour
obtenir des ressources rares : crédits, matériels, locaux, etc.
De fait, un grand nombre de questions et problèmes se posent :
 Question
du rapport du scientifique avec sa propre découverte : est-elle sa
propriété ? Peut-on breveter des lois de la nature, des phénomènes physiques ou
des idées abstraites ? Peut-on breveter le vivant ?
 Tentations de recourir
à la fraude ou au plagiat ;
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LE COMMUNALISME REMIS EN QUESTION
Le communalisme dont se réclame l’éthos classique de la science, c’est-à-dire le travail
du savant pour le bien commun, s’accommode mal d’une science industrielle ou d’une
science d’entrepreneurs.
Dans le cas des sciences physiques, la nature inquisitoire de la recherche ne pose guère
de problèmes éthiques : le chercheur est instruit par une nature spontanément muette.
Quand on aborde les domaines des sciences de la vie, les problèmes liés à
l’expérimentation ne sont pas aussi simples. Les ‘objets’ d’études sont :
 Animaux dotés de sensibilité ;
 Êtres
humains autonomes ;
 Êtres humains dépourvus d’autonomie.
Sciences humaines : les recherches en ce domaine impliquent une duperie de la part de
l’expérimentateur
Certains savoirs sont dangereux, voire explosifs.
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47
4.2. PROBLÈMES ÉTHIQUES LIÉS À LA
DISTRIBUTION DU SAVOIR SCIENTIFIQUE
48
AMBIGUÏTÉ DE L’EXIGENCE DE PUBLICITÉ
L’exigence de publicité est constitutive de l’éthique de la science classique :
diffuser ses informations, être transparent, autoriser la reproductibilité par
d’autres chercheurs, etc. Cependant, dans un contexte de compétition, la
publicité se réduit souvent à une exigence de publication.
Les revues scientifiques sont très attentives au contrôle éthique des
publication : élimination des recherches triviales, redondantes, mal
documentées et douteuses.
49
LES LIMITES DE LA COMMUNICATION
Du côté de la communication auprès du grand public, la situation est
plus difficile et tout se passe comme si l’usage du rationalisme critique
demeurait à usage interne :

Sensationnalisme ; Insistance sur le succès et les miracles de la
science ;

Présentation des théories scientifiques comme opératoires…
Parce que l’opératoire est plus facilement communicable que le
théorique.
Dans le cas de recherches financées par l’industrie ou la défense,
l’exigence de publicité est difficile à réaliser…
D’où problèmes éthiques.
50
LES INÉGALITÉS DE L’ACCÈS À LA SCIENCE
L’universalisme de l’éthique classique de la science suppose un accès égal à
celle-ci.
Mais de nombreuses disparités existent, aussi bien au sein des Etats ou même
au niveau international :

Place accordée aux femmes ;

Sur les 132 prix Nobel de physique décernés depuis 1901, 60 sont
revenus à des citoyens des Etats-Unis, 20 à des Britanniques, 2 à des
Chinois, 1 seul à un Indien.

Problème de la fuite des cerveaux.
La science contemporaine serait-elle porteuse de valeurs élitistes, antiféminines et occidentales ?
51
LES FEMMES ET LE PRIX NOBEL
Données depuis 1901 :
12
femmes ont reçu un prix Nobel en sciences :
Physique (2),
Chimie (3),
Médecine (7) ;
10
prix Nobel de Littérature ;
12
prix Nobel de la Paix ;
Au
total : 34 femmes lauréates… Sur 400.
Depuis 1936, aucune femme n’a obtenu de médaille Fields en
Mathématiques
52
53
C / PROBLÈMES LIÉS AUX APPLICATIONS
DE LA SCIENCE
54
DES PROBLÈMES QUI CACHENT DES BIENFAITS
Destruction des modes de vie traditionnels ;
Extinction des espèces ;
Réchauffement climatique ;
Pollution industrielle
;
Accidents nucléaires, etc.
Les inconvénients résultant de l’application de la science sont tellement
visibles qu’on est parfois tenté d’oublier les bénéfices de celle-ci :
Progrès nutritionnels ;
Eradication de certaines maladies ;
Espérance de vie accrue, etc.
55
COMMENT PENSER L’APPLICATION INCONTRÔLÉE DE LA SCIENCE ?
Optimisme des Lumières : toute découverte scientifique est un bienfait pour
l’humanité. Le progrès technique permet donc d’améliorer la condition
humaine.
Un point de vue naïf qui supposait que la technique demeurait extérieure à
la condition humaine et ne posait guère de problèmes éthiques.
Les technologies contemporaines sont des structures telles que les conditions
de leur mise en œuvre exigent la restructuration de leur environnement.
Cette restructuration est-elle acceptable
Jusqu’où doit-elle
?
aller ?
Comment penser son irréversibilité
potentielle ?
56
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