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de la persécution antisémite en extermination de masse s'opère probablement en
décembre 1941. Elle suppose une décision politique prise au plus haut niveau. Même s'il
n'en existe aucune trace, rien n'est concevable sans l'accord d'Adolf Hitler. Il semble très
probable que la transgression fatale soit une réaction à la déclaration de guerre américaine,
interprétée comme une agression de la « finance juive internationale ». Le premier signe
avant-coureur concret de cette nouvelle orientation est la mise en place, dès l'automne
1941, du ferroutage des Juifs allemands vers les ghettos de l'Est par le service logistique du
RSHA (ministère de la sécurité du Reich) que dirige Adolf Eichmann. Ultime étape
exécutive, la planification technique de ce qui est dénommé par périphrase la « Solution
finale » s'effectue lors de la conférence de Wannsee, qui réunit à Berlin le 20 janvier 1942
quinze hauts responsables du Troisième Reich sous la présidence de Heydrich, chef du
RSHA et bras droit de Himmler.
b) le génocide par tuerie
L'anéantissement des Juifs prend d'abord la forme d'un génocide passif, avec la
création de ghettos où l'entassement, la sous-alimentation, les épidémies et les mauvais
traitements provoquent une sévère sélection naturelle qui fait au moins 750 000 victimes.
Le principal ghetto d'Europe est celui de Varsovie, où s'entassent jusqu'à 380 000
habitants, et qui est finalement liquidé en avril 1943 après l'insurrection armée de ses
derniers occupants. Amplifiant et accélérant cette destruction lente, la « Shoah par
balles », selon l'expression de son historien le père Patrick Desbois, prend le relais dès
l'invasion de l'URSS. Cette forme active de génocide est l'œuvre de détachements spéciaux,
les Einsatzgruppen, qui ont déjà sévi en Pologne avant d'agir dans les territoires occupés à
l'arrière du front de l'Est. Ces unités d’intervention (4 furent déployés en URSS) étaient
composées de SS, d'agents du RSHA (Gestapo, Kripo, SD) et de troupes de réserve de la
police (cf. Des Hommes ordinaires, 1994, la remarquable étude de l'historien américain
Christopher Browning sur le comportement, les motivations et des actes du 101e bataillon
de réserve de la police allemande), renforcés par des auxiliaires locaux. Leurs missions
d'extermination ont pour objet l'élimination en masse des élites polonaises, des cadres
soviétiques, puis des Juifs et des Tziganes. De 1940 à 1943, on leur impute l'assassinat d'un
million et demi de personnes, essentiellement des Juifs. Le massacre collectif le plus
emblématique perpétré par les Einsatzgruppen est celui de Babi Yar, où 33 000 Juifs sont
exécutés les 29 et 30 septembre 1941. Mais ces meurtres massifs présentent plusieurs
défauts : la lenteur, la visibilité (témoins et traces physiques) et aussi le caractère
traumatisant de la besogne des tueurs sur le plan psychologique et moral.
c) le génocide industriel
Le stade suprême de la politique génocidaire est atteint avec la création des
machines de mort plus efficaces et plus rapides que sont les camps d’extermination. Il en a
existé six au total : Belzec, Chelmno, Maïdanek, Sobibor, Treblinka et Auschwitz-Birkenau.
Durant leurs trois années d'existence, leur unique finalité fut le gazage industriel des
déportés raciaux. Toutefois, ces usines de la mort n'étaient pas de la même importance et
n'employaient pas les mêmes techniques. Les cinq premières sont affectées à l'Action
Reinhardt (extermination des Juifs de Pologne) et utilisent le monoxyde de carbone, à
l'exception de Maïdanek où l'on s'est servi comme à Auschwitz du tristement célèbre
Zyklon-B. Le sixième camp est donc celui d'Auschwitz, qui occupe une place à part dans
l'organisation et la mémoire du judéocide nazi, dont il est devenu le symbole. Il s'agissait
d'un immense complexe concentrationnaire formé de trois unités principales et d'une
quarantaine d'installations annexes. On y trouvait un camp de concentration (qui était le
camp principal d'Auschwitz à proprement parler), un camp de travail forcé (Auschwitz-
Monowitz), et un camp d'extermination, celui de Birkenau. Équipé de quatre chaînes de