Les musées de Granville mènent une politique d’acquisitions dynamique. Gros plan sur
quelques œuvres qui viennent enrichir les fonds permanents des Musées de France.
La Lettre journal du patrimoine Granvillais - N°3
La Médiathèque de Saint-Pair-sur-Mer
un exemple de réhabilitation de « patrimoine de pays »
À la n du XIXème, début XXème siècle, la grande mode des
bains de mer engendra des trains de plaisir, qui amenaient
les voyageurs sur la côte.
Dans notre région, grand nombre de stations venaient
d’être créées : Saint-Pair-sur-Mer, Jullouville, Carolles,
Saint-Jean-le- Thomas, Genêts. Chaque station réclamait sa gare.
La Compagnie des Chemins de Fer de la Manche créa donc
son réseau, à voie métrique. La ligne Granville – Sourdeval
partait du port de Granville, passait au Val-ès-Fleurs,
à Donville-les-Bains, Saint-Pair-sur-Mer, Kairon, Jullouville-
Bouillon, Carolles-plage, Carolles-bourg, Champeaux, Saint-
Jean-le-Thomas, Dragey, Genêts, Bacilly, Vains, Avranches,
puis lait vers Sourdeval.
Une gare devenue halte culturelle
À Saint-Pair-sur-Mer, sur le modèle des grandes gares de
la ligne, le bâtiment se composait d’un corps central assez
vaste, avec un étage, pour loger le chef de gare et sa famille.
D’un côté, une halle sur quai haut permettait de décharger
les marchandises, et de l’autre : une bâtisse sans étage.
Cette gare accueillit le petit train, pour la première fois le 29
août 1908 (jour des courses de chevaux à Saint-Pair-sur-Mer).
Ce petit train, tramway, tacot ou tortillard, permettra aux
élèves qui habitaient le long de la ligne de rejoindre leurs éta-
blissements scolaires à Granville ou à Avranches, et aux pay-
sans des alentours d’aller au marché vendre leurs produits
ou acheter des provisions. Il promènera aussi de nombreux
estivants dans ses baladeuses (wagons ouverts) et laissera
de bien beaux souvenirs aux Anciens….
Mais hélas, la Grande Guerre, l’ination, l’arrivée de l’automo-
bile vont être néfastes pour la ligne. La Compagnie, après
avoir remplacé le tram par des automotrices, supprimera
totalement le service le 1er février 1935 sur la ligne Gran-
ville-Sourdeval.
Depuis longtemps déjà, de nombreux chemins de randonnée
pittoresques ont remplacé les anciennes voies (les rails
avaient été récupérés par les allemands dès 1939).
La gare, qui avait logé les chefs de station, va servir, un
certain temps de logements sociaux. En 2001 le bâtiment
se métamorphose en médiathèque municipale. Elle sera
inaugurée en janvier 2002.
Cette année, nous fêtons donc les 10 ans de cette média-
thèque très appréciée des enfants des écoles, des Saint-Pairais
et des estivants.
Des boulets à la curieuse destinée
Bientôt les abords de la médiathèque sont agrémentés d’une
vingtaine de grosses pierres rondes qui intriguent les visiteurs.
François Marette, féru d’histoire, en a cherché l’explication :
Pendant la guerre de Cent Ans (1337-1453), des chargements
de pierres taillées pour servir de projectiles, ont été envoyés
à Saint-Pair-sur-Mer pour le siège de Cherbourg. Ils provien-
draient des carrières de Carolles.
Selon lui, « Il est possible de penser que ces pierres partaient
par la mer de Saint-Pair-sur-Mer à destination d’Omonville, et
de là, au siège de Cherbourg, par la terre ».
En 1933, pour commémorer le 1900ème anniversaire de la
mort du Christ, le chanoine Pinel, curé de Saint-Pair-sur-Mer,
fait ériger une croix au carrefour de la route de l’Ecutot et
de la route du Croissant. On lui amène des boulets qui vont
décorer la construction. La Croix des Ardilliers va ainsi être
entourée d’un mur sur lequel dix-neuf boules représentent
les dix-neuf siècles.
La pêcherie Cavey, située sur la plage du Plat-Gous-
set, est emblématique de la tradition séculaire de
pêche côtière par emprisonnement des poissons,
rendue possible par le phénomène des marées.
Exemplaire particulièrement bien conservé, elle
participe pleinement de la valorisation du patri-
moine de Granville pour sa candidature au label
Villes et Pays d’art et d’histoire.
Rencontre avec Jacqueline BOUDEAU, présidente de l’association Les amis de la
pêcherie de la Tranchée.
À qui appartient la pêcherie ?
La première trace écrite de l’existence de la pêcherie Cavey remonte à 1151. Elle
appartenait alors aux abbesses de l’Abbaye de Mortain. La pêcherie actuelle
a été construite vers les années 1545. Suite à l’impossibilité d’identifier ses
héritiers, malgré des années de recherches, la Ville, par délibération du Conseil
municipal, s’est déclarée propriétaire et a donc inscrit cet ouvrage dans son
domaine privé. Toute action autour de la pêcherie Cavey reste donc de l’initia-
tive et de la responsabilité de la Ville.
Comment s’est constituée l’association ?
Consciente de la valeur patrimoniale de la pêcherie, la Ville de Granville a orga-
nisé une réunion publique le 24 février dernier, dans le but de créer une asso-
ciation qui contribue à la sauvegarde de la pêcherie.
C’est ainsi qu’est née notre association : Les amis de la pêcherie de la Tranchée.
Qu’est-ce qui vous a amenée à prendre la présidence de l’association ?
Je suis très attachée à Granville et à son patrimoine maritime. La preuve, j’ai fait
partie des personnes qui ont gratté la bisquine La Granvillaise en 2008, alors
qu’elle était attaquée par la mérule. De plus, je suis passionnée d’histoire et les
challenges ne me font pas peur.
Je me suis rendue à cette réunion, prioritairement afin de m’informer sur la
pêcherie. J’y ai alors rencontré des gens passionnés, avec qui les échanges
ont été d’une telle richesse que j’ai eu envie de m’engager pleinement dans
le projet d’association autour de la pêcherie. C’est de cette manière que j’en
ai été élue présidente.
Quels sont les objectifs de l’association ?
L’objectif premier de l’association est d’assurer une remise en état à l’iden-
tique et dans le respect de l’écosystème de la pêcherie Cavey. Dans cette
perspective, une convention de mise à disposition de la pêcherie a été si-
gnée entre la Ville de Granville et notre association, afin que nous puissions
assurer cette fonction.
Le second objectif est d’assurer la gestion de l’exploitation de la pêcherie
restaurée. Mais attention, même si l’association se charge de valoriser la
pêcherie, c’est un bâtiment public qui appartient à tous. D’ailleurs,
l’association est soumise à la loi de 1901, elle poursuit donc une finalité
non lucrative. En conséquence, elle ne peut en aucun cas vendre le produit
de l’exploitation de la pêcherie.
Les bénévoles sont néanmoins très soucieux du respect de l’écosystème.
Ainsi nous opérerons une surveillance à caractère pédagogique, avant tout
pour garantir la sécurité des promeneurs mais également afin de s’assurer
que les tailles, quotas, périodes de pêche, ainsi que les milieux naturels
d’habitat des poissons soient respectés.
Enfin, nous sommes en charge de la valorisation culturelle de la pêcherie.
Nous assurons depuis le mois de juillet des visites commentées durant les-
quelles nous expliquons son fonctionnement (ndlr : agenda des visites en page 4).
Alors, comment fonctionne-t-elle ?
Tout d’abord, la pêcherie est idéalement située sur l’estran à mi-chemin
entre le point le plus bas atteint par l’eau à marée basse et le rivage, soit à
un kilomètre du rivage, afin d’assurer un rendement maximum.
La pêcherie Cavey est construite en pierres sèches, sans liant entre elles.
La maison d’enfance de Christian Dior a été honorée le 20 juin dernier par l’attribution
du label Maisons des Illustres, en présence d’Adolphe Colrat, Préfet de la Manche et
Kléber Arhoul, Directeur régional des Affaires culturelles. À l’instar de la maison de Erik
Satie à Honfleur, celle de Jean-François Millet à Gréville-Hague ou du connétable des
lettres Jules Barbey D’Aurevilly à Saint-Sauveur le Vicomte, le Ministère de la Culture a
souhaité valoriser un ensemble patrimonial, une maison qui conserve et transmet la
mémoire d’un homme qui s’est illustré dans l’histoire culturelle de la France.
C’est donc à ce titre que la maison des parents de Christian Dior est désormais « illustre ».
Comment d’ailleurs aurait-il pu en être autrement si l’on note malicieusement la
parenté de ces deux mots Illustre et Dior, tous deux issus de la même racine : la lumière.
Construite par l’armateur Beust à la fin du XIXème siècle, la villa Les Rhumbs doit son
nom au terme de marine désignant les 32 divisions de la rose des vents. Les parents de
Christian Dior, Maurice et Madeleine Dior, acquièrent la maison en 1906. La famille Dior
développe une entreprise prospère en exploitant les algues du littoral. Le père de Chris-
tian Dior et son oncle Lucien - lui-même polytechnicien, député de la Manche en 1904
et ministre du Commerce - étendent l’activité aux engrais phosphatés dont, à l’époque,
la France est le plus grand pays producteur.
C’est donc dans ce contexte que Christian vient au monde à Granville le 21 janvier
1905. Elevé par une mère attachée aux bonnes manières, c’est elle qui va marquer et
inspirer profondément le futur couturier. C’est aussi à Granville que Christian Dior va
nouer de solides amitiés qui plus tard deviendront ses collaborateurs : Serge Heftler-
Louiche, Suzanne Luling ou Nicole Riotteau. Christian Dior affectionne particulièrement
Maison des Illustres
Granville et cette propriété. Acteur fidèle du Carnaval et des
joies naissantes des bains de mer, Christian et Madeleine s’em-
ploient à la transformation du jardin : un jardin de falaise empli
d’essences méditerranéennes, un jardin à l’anglaise fait de dé-
couvertes romantiques, une pergola construite par Christian en
1925 avec un miroir d’eau, et une roseraie appuyée sur le mur longeant le sentier
des douaniers.
De fait, si Christian Dior met longtemps à comprendre ce qu’est sa vocation, il sait
tout de suite ce qu’il ne veut pas faire : reprendre l’usine de son père. Son guide, c’est
Madeleine, sa mère, jusqu’à sa mort prématurée en 1931. Annus horribilis puisque
cette année-là verra aussi le début de la chute de l’entreprise familiale. La propriété
est alors mise en vente puis achetée par la Ville de Granville.
De sa maison d’enfance, Christian Dior garde – dit-il – «le souvenir le plus tendre et le
plus émerveillé. Que dis-je ? Ma vie, mon style doivent presque tout à sa situation et à
son architecture». «Il y a deux Christian Dior, moi et l’autre» précise-t-il dans son auto-
biographie. Nous nous enorgueillissons à Granville d’avoir accueilli les deux : berceau
d’un enfant très sage et terre d’inspiration pour un couturier audacieux.
Granville sait aussi ce qu’elle doit à cet homme illustre. En 1997, la villa Les Rhumbs
devient Musée Christian Dior, unique Musée de France entièrement consacré à un
couturier.
Avec l’Association Présence de Christian Dior, la Ville de Granville reste fidèle au sou-
venir de la maison familiale et de son jardin. Ce lieu de mémoire restitue aujourd’hui
Ce type de construction fait appel à un savoir-faire spécifique : les pierres sont
placées de façon très précise pour résister au mieux à la puissance des marées.
De plus, bien qu’il n’existe pas de joints entre les pierres, les murets, dont la
hauteur varie de 1,50 à 1,60 mètres, sont parfaitement hermétiques jusqu’à
ce qu’ils soient submergés.
Comme la plupart des pêcheries, sa forme optimale constitue un V, sa pointe
tournée vers le large. Le V se termine par un goulet, qui est fermé par une
porte supportée par deux poteaux. On place une nasse de 10 à15 mètres
derrière la porte, où tous les poissons se retrouvent emprisonnés, une fois
la porte ouverte. Ensuite, la nasse est vidée dans une auge en pierre, afin que
les poissons soient triés. Ce tri tient compte de l’écosystème et des saisons.
De quelle manière va se dérouler la restauration ?
Le travail ne va pas commencer immédiatement. Auparavant, le service d’ar-
chéologie de la Direction Régionale des Affaires Culturelles doit venir fouiller le
secteur, de manière préventive, et expertiser la pêcherie, afin de nous donner
les préconisations les mieux adaptées à la restauration.
Ceci dit, la pêcherie est en relativement bon état, bien qu’elle n’ait pas été
exploitée depuis 50 ans. Pour preuve, elle est toujours utilisable pour la pêche.
Cependant, l’assaut des marées l’a endommagée et le passage humain l’a
fragilisée : un bras est affaissé, les pierres doivent être reposées, l’autre bras
présente un trou qu’il faut combler.
Même si par chance, les matières premières nécessaires à sa restauration sont
à proximité immédiate de la pêcherie, un travail de reconstruction d’enver-
gure, à réaliser essentiellement à la main, est à fournir. De plus, nous sommes
soumis à une difficulté supplémentaire liée au rythme naturel imposé par les
marées. En effet, le temps durant lequel il est possible de travailler en toute
sécurité est estimé à moins d’une heure. Ainsi la bonne volonté de tous les
membres de l’association sera mise à contribution !
REGARD La pêcherie Cavey REGARD Par Marie-Louise DELAMARE
Secrétaire de l’association Saint-Pair Vivum
Deux cents boulets ont été recensés sur la commune de Saint-Pair-sur-
Mer et plus d’une soixantaine sont éparpillés sur tout le territoire gran-
villais. Voilà une idée de jeu de piste. Ouvrez l’œil, peut-être pourrez-
vous alors tous les trouver.
L’objectif premier de notre association est d’assurer une remise en état de la pêcherie
Cavey à l’identique et dans le respect de l’écosystème.
à travers ses expositions, modèles, pho-
tographies, dessins, peintures et objets,
l’itinéraire du couturier et son époque.
Depuis 1997, 16 expositions ont animé
cette belle maison depuis La femme mise
en scène jusqu’aux Stars en Dior en passant par l’exposition du Centenaire en 2005,
Christian Dior, homme du siècle. C’est aussi et depuis quelques mois une exposition
automne-hiver d’octobre à février ouverte en particulier au public scolaire. Musée
ouvert également aux initiatives de l’État : Nuit des Musées, Journées du Patrimoine,
Rendez-vous aux Jardins, etc.
Car là est bien la mission d’un Musée de France et désormais d’une illustre maison.
Permettre à chacun d’accéder aux origines du talent, d’ouvrir l’esprit, l’âme et le cœur
de tous aux mystères de la création artistique. De montrer ce qu’est le beau, de laisser
loin derrière les effets de mode pour découvrir, comme le disait Alfred de Vigny, «l’inter-
minable discours de l’humanité dont chaque homme illustre est une idée».
Ce label Maison des Illustres ne peut que nous encourager à poursuivre nos projets de
développement de ce beau lieu marqué par la mémoire et le génie de Christian Dior.
En 1957, en Italie, Christian Dior est rappelé à Dieu – diront certains – pour rhabiller
les anges. «Et même si les hommes illustres ont pour tombeau la terre entière», et au
risque de contredire Thucydide, la terre rose et grise de Granville a retenu tout du cœur
de Christian et l’âme de Monsieur Dior.
Les rails ayant été récupérés par les allemands dès 1939, la gare se métamorphose en
logements sociaux, puis en médiathèque municipale en 2001.
LES ACQUISITIONS DES MUSÉES
La pêcherie Cavey
Patrick BAILBÉ
juin 2012
Robe de jour Christian Dior printemps-été 1949
New York - Popeline de coton imprimée
Il s’agit d’une robe d’été en popeline de coton imprimée de eurs exotiques et de
palmettes bleues sur fond blanc, datée de l’été 1949.
Cette acquisition a un triple intérêt pour le musée Christian Dior : elle vient étoer
le nombre de modèles historiques, créés par Christian Dior lui-même au sein de la
maison de couture, ses caractéristiques techniques et esthétiques sont particuliè-
rement remarquables, enn, les exemples de robes d’avant 1950 griés Christian
Dior New York sont rares.
Chats Jacques Nam et Colette 1935,
papier vélin d’arches à la forme, in folio
L’album est illustré de 5 eaux-fortes originales en couleurs hors-texte
de Jacques Nam, toutes numérotées et signées par l’artiste, illustrant
cinq textes de Colette (Le Siamois, Simplette, Le petit chat noir, Capucin et
Adimah et Fastaguette). Colette écrira cette dédicace sur l’exemplaire du
peintre : «il n’y a pas de chats plus chats que les chats de Nam» (Carteret
V, 52 ; Monod, 2987). Jacques Nam, souvent qualié d’artiste animalier,
est déjà représenté dans la collection du MAMRA. Cet ouvrage illustre
aussi l’attachement particulier de Colette pour les chats. Il vient com-
pléter les collections de livres illustrés du MAMRA, et est actuellement
présenté dans l’exposition Colette ( voir agenda des expositions en page 4).
Colette et Willy aux Folies Bergères Zamora 1940,
gouache, crayon gras et mine de plomb Papier, 31x24 cm
Le dessin, qui s’inscrit également dans le cadre de l’exposition consacrée à l’écri-
vain Colette, la représente avec son premier mari Willy, assis dans une loge, re-
gardant un spectacle. Il illustre bien la participation active de Colette à la vie
artistique et culturelle parisienne.
José de Zamora (Madrid 1899-1971 Barcelone), peintre, illustrateur, décorateur
et auteur, fut l’élève d’Eduardo Chicharro. Il dessina de nombreux modèles pour
le couturier Paul Poiret et collabora à de nombreuses revues françaises dont la
célèbre Gazette du Bon ton. Il mit son talent au service de nombreuses revues
parisiennes.
Ce dessin est vraisemblablement une reprise d’un précédent dessin eectué au
début des années dix, avant la séparation de Colette avec Willy en 1912.
La maison Dior
La gare de Saint-Pair-sur-Mer