M. HETTE
tentative de suicide car elle ne sou-
haite pas retourner au pays pendant
l’été, de peur d’y être mariée sans son
consentement. Je me fais rappeler à
l’ordre par le médecin chef de service
qui m’explique que mon travail
consiste à faire des injections et que je
ne suis pas payée pour « bavarder »
avec les patients. Je découvre alors,
avec beaucoup d’amertume, que les
professionnels de la santé n’ont pas
tous la même approche et la même
conception de l’homme, de la santé.
Je décide de partir et de m’orienter
vers la « prévention ».
Ensuite vous travaillez dans le
champ de la santé scolaire ?
J’intègre en 1983, les services cen-
traux de l’Etat et j’exerce la profession
d’infirmière en santé scolaire à Paris.
Je « débarque », sans formation spéci-
fique et adaptée, dans un Lycée d’en-
seignement professionnel à proximité
de la Goutte d’Or. Trois jeunes filles de
15 ans sont enceintes et ne savent
pas par où va sortir l’enfant. Je tombe
des nues et constate que l’éducation
sexuelle mise en place en milieu sco-
laire a des limites. Je découvre égale-
ment que l’éducation pour la santé
nécessite des compétences en péda-
gogie ainsi qu’une bonne connais-
sance du public.
Ces expériences professionnelles
me questionnent et je suis plusieurs
formations entre 1989 et 1993 : di-
plôme universitaire de santé publique,
maîtrise en sciences sanitaires et
sociales et un certificat cadre infirmier
de santé publique qui n’existe plus
aujourd’hui.
Vous avez également œuvré au
Centre de Médecine Préventive de
Nancy, n’est-ce pas ?
A partir de 1988, je suis chargée de
mission au centre de médecine pré-
ventive de Vandœuvre-lès-Nancy
dans le cadre de la mise en place
d’examens de santé à destination de
jeunes en difficulté relevant du dispo-
sitif des missions locales ou à destina-
tion de personnes bénéficiaires du
RMI. Les modules du DU de santé
publique, notamment ceux de sociolo-
gie, d’anthropologie et d’ethnologie
de la santé me permettent de mieux
comprendre et de repérer les facteurs
psychoculturels, obstacles majeurs de
l’accès à la santé.
Votre parcours vous amène aussi
à côtoyer d’autres acteurs des poli-
tiques de santé ?
Oui, tout à fait, de 92 à 96, j’occupe
la fonction de directeur d’un service
municipal d’hygiène et de santé. Je
découvre la santé publique sous
l’angle de la « réglementation » avec
les vaccinations d’abord puis avec les
priorités nationales, régionales…
En participant aux rencontres du
réseau français des villes santé, je
côtoie d’autres écoles de santé
publique et prend conscience d’autres
approches plus épidémiologiques ou
plus sociales. Je travaille également
avec des géographes de la santé dans
le cadre du festival international de
géographie de Saint-Dié. Par ailleurs,
la démarche de développement local
me semble proche de la démarche
globale préconisée en santé publique.
A l’échelon d’un territoire, des
logiques de travail s’affrontent tout en
étant complémentaires : celles des
politiques, des professionnels de
santé libéraux ou hospitaliers, des tra-
vailleurs sociaux, de la population. La
connaissance de l’approche systé-
mique est nécessaire pour décrypter
les jeux d’acteurs et impulser une
dynamique territoriale. Par ailleurs,
j’utilise les outils méthodologiques de
la santé publique comme une straté-
gie pour « contre balancer » les jeux
politiques incompatibles avec les
règles éthiques de santé publique.
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