Rapport Principes d’économie financière et évaluation de l’assurance-vie au Canada Groupe de travail sur l’économie financière Septembre 2006 Document 206103 This document is available in English © 2006 Institut canadien des actuaires Note de service À: Tous les Fellows, affiliés, associés et correspondants de l’Institut canadien des actuaires De : Robert Stapleford, président Groupe de travail sur l’économie financière Date : Le 20 septembre 2006 Objet : Principes d’économie financière et évaluation de l’assurance-vie au Canada Le Groupe de travail sur l’économie financière a déposé son rapport final à l’occasion de la réunion du Conseil d’administration de l’ICA, le 28 juin 2006. Ce rapport renferme des documents sur l’application de l’économie financière à l’assurance-vie et aux régimes de retraite à prestations déterminées. Le présent sommaire résume les principales questions soulevées dans les deux documents qui seront remis aux membres de l’ICA. Régimes de retraite à prestations déterminées Le groupe de travail appuie l’adoption des principes financiers dans le cadre de l’évaluation du passif des régimes à prestations déterminées. Le groupe de travail, dans le cadre de sa réflexion, a pris en compte un facteur clé, à savoir que les employés offrent leurs services dans l’attente de recevoir les prestations de retraite promises. Il faut reconnaître la valeur de cette promesse avec un degré élevé de certitude et la déterminer en ayant recours à des rendements d’instruments à revenu fixe de grande qualité avec attente minimale de perte de crédit. Selon nous, cette position est conforme aux attentes des participants et des organismes de réglementation. Cette position comporte les répercussions suivantes : • L’évaluation du passif des régimes à la liquidation doit occuper une place plus importante dans les travaux d’évaluation. Le rôle de l’évaluation classique des régimes sur une base de continuité deviendrait un budget à cotisations à long terme servant à reconnaître le besoin de calculs du provisionnement plus stables que ceux qui découleraient d’un régime en liquidation. Le provisionnement des régimes de retraite serait axé sur la position de liquidation et serait assorti de périodes d’amortissement prévues par règlement afin d’atteindre le provisionnement intégral sur une base de liquidation en cas de déficit. • La base de calcul des valeurs de transfert des rentes adoptée en février 2005 englobe les principes de marché de l’économie financière, notamment le recours à des rendements à long terme pour les instruments à revenu fixe de grande qualité. Cette norme est actuellement à l’étude. Le rapport du groupe de travail appuie l’application soutenue de ces principes pour déterminer les valeurs de transfert. • L’adoption de principes financiers est rendue plus difficile par le traitement asymétrique de l’excédent; ainsi, le preneur de risque financier n’est pas nécessairement le bénéficiaire d’un gain éventuel. L’ICA doit poursuivre ses efforts auprès des intervenants des régimes de retraite pour établir une approche plus constante en matière de prise de risques et d’utilisation des excédents, et de fixation de marges à l’instar du montant mini mal permanent requis pour le capital et l’excédent (MMPRCE) en assurance-vie. Assurance-vie Le document traite de diverses méthodes de calcul des réserves qui sont fondées sur les principes d’efficience du marché en économie financière. Ces méthodes ne seraient pas conformes au cadre de comptabilité en vigueur au Canada (les principes comptables généralement reconnus (PCGR)) ni permises en vertu de celui-ci. Le groupe de travail a appuyé le principe fondamental à savoir que le passif d’assurance doit être évalué en toute indépendance des investissements sous-jacents. Cette position n’est pas conforme aux méthodes actuelles d’évaluation du passif d’assurance-vie au Canada. Dans sa démarche, le groupe de travail a sondé plusieurs actuaires qui ont joué un rôle important dans l’élaboration de nouvelles normes comptables internationales proposées en assurance-vie. Bon nombre de questions abordées par le groupe de travail sont examinées à l’échelle mondiale. Les changements apportés aux normes comptables devraient être appliqués d’ici trois à cinq ans. Même si les normes d’évaluation canadiennes doivent être modifiées à l’adoption des nouvelles normes internationales, il serait prématuré de les implanter avant l’adoption de ces dernières. En conséquence, le groupe de travail n’a pas proposé de modifier la méthode de calcul du passif d’assurance canadien. Il a encouragé l’ICA à prévoir l’adoption des normes internationales qui devraient appliquer les principes de l’économie financière. L’adoption de ces principes entraînera vraisemblablement des changements parallèles au mode de calcul du MMPRCE. Présidé par Rob Stapleford, le Groupe de travail se composait en outre des membres suivants : John Duralia, Steve Easson, John Gilfoyle, Vivek Gupta, Larry Miller, Bill Moore et Phil Watson. RS TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION .............................................................................................................. 5 ÉCONOMIE FINANCIÈRE – MÉTHODES GÉNÉRALES DE DÉTERMINATION DES PRIX........................................................................................................................... 5 APPLICATION DES PRINCIPES D’ÉCONOMIE FINANCIÈRE LORS DE L’ÉVALUATION DE L’ASSURANCE-VIE.................................................................... 6 COMPARAISON ENTRE LES MÉTHODES PROPRES À L’ÉCONOMIE FINANCIÈRE ET CELLES DÉCOULANT DES PCGR CANADIENS.......................... 8 CONCLUSIONS............................................................................................................... 10 RECOMMANDATIONS ................................................................................................. 11 4 Rapport Septembre 2006 INTRODUCTION Le Groupe de travail sur l’économie financière, mis sur pied par le Conseil d’administration de l’ICA, a préparé ce rapport afin d’évaluer l’applicabilité des principes d’économie financière lors de l’évaluation du passif des sociétés d’assurances, conformément à l’article 1 a) et au paragraphe 2 de la motion ci-après adoptée lors de la réunion du Conseil d’administration du 6 avril 2005 : Motion : Que le conseil d’administration approuve le nouveau mandat du Groupe de travail sur l’économie financière, à savoir : 1) Déterminer l’applicabilité de l’économie financière au travail actuariel, en débutant par : a) l’évaluation du passif des sociétés d’assurances; et b) l’évaluation du passif des régimes de retraite. 2) Lorsque l’économie financière s’applique, déterminer là où des changements (idéalement, la nature des changements) doivent être apportés : a) au chapitre de la formation des membres; b) aux normes de pratique; c) aux notes éducatives; et d) tout autre changement requis. Proposée par : Charles McLeod Appuyée par : Claudette Cantin Approuvée Fort de ce mandat, le Groupe a procédé à l’examen du passif des sociétés d’assurances. Il s’agissait dans un premier temps de former des groupes de discussion, et de créer ensuite un sous-groupe chargé de rédiger un document provisoire traitant de l’applicabilité des principes d’économie financière (EF) lors de l’évaluation des sociétés d’assurances au Canada. Une fois l’ébauche du document achevée, on a demandé à plusieurs spécialistes de l’industrie de l’examiner et de participer à des discussions. Les observations dont ont fait part Jeremy Gold, Mary Hardy, Ted Steven et Paul McCrossan ont été prises en compte dans la version finale du document. À un stade avancé des discussions, il a été constaté que le Groupe s’attachait davantage à l’hypothèse du marché efficient et aux théories de l’EF qui s’y rapportent qu’à certaines théories de l’EF portant sur l’économie comportementale. Le rapport traite de diverses méthodes de calcul des réserves qui sont fondées sur les principes d’économie financière et l’efficience du marché. Ces méthodes ne seraient pas conformes au cadre de comptabilité en vigueur au Canada, soit les principes comptables généralement reconnus (PCGR) ni permises en vertu de celui-ci. ÉCONOMIE FINANCIÈRE DÉTERMINATION DES PRIX – MÉTHODES GÉNÉRALES DE Dans cette section, nous traitons davantage de l’hypothèse du marché efficient et des théories de l’EF qui s’y rapportent que de certaines théories de l’EF portant sur l’économie comportementale. Ces théories reposent sur l’existence d’un marché efficient, hypothèse non valable dans le cas du passif des polices. Il existe certaines théories économiques portant sur les marchés incomplets qui ne seront pas traitées dans ce 5 Rapport Septembre 2006 rapport. Lorsque le terme « EF » est employé dans le présent document, il est censé signifier les principes d’EF associés à l’efficience du marché. La loi du prix unique est une notion fondamentale de l’EF et stipule que doivent avoir le même prix tous les titres dont les flux monétaires, négociables sur un marché efficient, ont les mêmes caractéristiques respectives quant au montant, à son échéance et à la probabilité de paiement. Selon les principes d’EF, ce sont les marchés importants et liquides qui déterminent le prix d’un flux de paiements. Ces marchés évaluent les divers risques liés à ces flux monétaires et fixent le prix en conséquence. À l’évidence, il n’existe pas de marché important et liquide pour les polices d’assurance-vie, de sorte que la valeur du passif ne peut pas être établie par l’observation des prix du marché1 2. En l’absence d’un marché d’assurances important et liquide, on s’efforcerait de créer un portefeuille de réplication qui reproduirait les divers paiements au titre du passif quant aux montants, à leur échéance et à la probabilité de paiement. Ce portefeuille serait composé d’actifs négociés sur un marché important et liquide. Sa valeur marchande représenterait alors la valeur marchande du passif. À titre d’actuaire, notre travail consiste à prévoir une série de flux monétaires correspondant à tous les engagements futurs. Si ces flux monétaires étaient tous fixes et que leur durée n’était pas supérieure à celle de l’actif négociable ayant la plus longue durée sur un marché important, on pourrait appliquer directement la méthode du portefeuille de réplication. Si l’on ne peut appliquer cette méthode, on ne peut alors qu’utiliser des méthodes plus complexes telles que les modèles stochastiques, les modèles binomiaux ou autres techniques d’évaluation propres à l’EF. APPLICATION DES PRINCIPES D’ÉCONOMIE FINANCIÈRE LORS DE L’ÉVALUATION DE L’ASSURANCE-VIE Au moment de mettre en application ces principes d’EF, deux problèmes se posent d’emblée aux actuaires : la plupart des flux monétaires ne sont pas fixes, et il n’existe pas deux actifs dont les paiements sont équiprobables. On pourrait donc, à la rigueur, affirmer que les principes d’EF ne peuvent s’appliquer. Du point de vue de la profession, il s’agit d’une affirmation discutable, car c’est bien nous (ou peut-être est-ce le marché?) qui avons créé des produits dont les flux monétaires ne peuvent être reproduits à l’aide d’instruments financiers négociables3. Si l’on parvient à écarter l’argument susmentionné et l’on convient que ce n’est pas une raison valable pour réfuter les principes d’EF, il s’agit ensuite d’arriver à cerner la façon dont on peut appliquer ces principes. La principale question qui se pose alors est de 1 Quelques auteurs soutiennent que, dans certains cas, la prime versée pour un contrat d’assurance représente la valeur marchande du risque et devrait être prise en compte lors de l’évaluation. 2 Dans le cas de certains risques, par exemple le risque de mortalité, il existe un marché composé de réassureurs disposés à proposer un prix pour l’obtention de contrats. Toutefois, ce marché ne serait pas considéré comme étant important ni liquide. 3 Par contre, à l’origine, il n’existait pas de marché important et liquide pour la négociation de titres adossés à des créances hypothécaires et de titres adossés à des créances hypothécaires avec flux groupés, lesquels génèrent des flux monétaires complexes qui dépendent de la séquence des évènements antérieurs, mais, au fil du temps, un pareil marché s’est bel et bien développé. 6 Rapport Septembre 2006 savoir comment prévoir et évaluer chacune des composantes de risque du passif. Bien que, en pratique, il ne soit pas possible de dissocier complètement les différents risques, il est utile d’envisager la façon dont ces principes s’appliqueraient si tel était le cas. Cela nous amène à considérer deux différents types de risque. Le premier type est constitué de risques que l’on considère comme n’ayant aucun lien de dépendance avec le risque de marché (p. ex., le risque de mortalité). Le second type englobe les risques qui varieraient en fonction de la situation économique et de la conjoncture du marché. Ces deux types sont étudiés séparément ci-après. Si, pour un produit donné, l’on considère que le risque de mortalité est entièrement indépendant des risques de marché et de taux d’intérêt, alors, en théorie, l’actuaire pourrait créer une série de flux monétaires correspondant aux composantes de mortalité du passif. La question est de savoir comment créer et évaluer cette série de flux monétaires. Sous l’angle de l’EF, il existe à ce sujet plusieurs points de vue différents, dont certains se recouvrent. a) Le risque de mortalité et le risque de marché sont non corrélés. Il ne devrait donc pas y avoir de prime de risque associée à ces flux monétaires, et l’on devrait dans ce cas n’utiliser que les prévisions fondées sur la meilleure estimation. Il s’agit d’un point de vue purement théorique. b) Dans le même ordre d’idées, on pourrait affirmer que la totalité du risque de mortalité peut être éliminée par le biais de la diversification, et qu’en fait, c’est le cas de tout type de risque lorsqu’il existe un nombre suffisant de polices – dans ce cas, il n’y pas de prime de risque. c) Comme autre solution, on pourrait soutenir que le risque de mortalité constitue un risque réel et qu’il ne peut être entièrement éliminé au moyen de la diversification. Si l’on venait à vendre le risque de mortalité sur le marché libre, alors une prime de risque serait exigée. Il faudrait donc corriger la série de flux monétaires fondés sur la meilleure estimation pour tenir compte de ce risque. En outre, lorsque l’on ajoute un risque non corrélé au portefeuille de marché, ce dernier s’élargit pour inclure ce risque et, à moins que la variance de ce risque ne soit nulle, le coefficient bêta de ce risque additionnel, lorsque évalué par rapport au nouveau portefeuille de marché, est supérieur à zéro – il y a donc une prime de risque qui prend en compte le risque supplémentaire. Une fois que l’on a établi une série de flux monétaires ajustés en fonction du risque, on pourrait l’actualiser au taux sans risque afin d’en déterminer la valeur4. Sinon, il serait possible de former un portefeuille de réplication en choisissant des actifs dont les flux monétaires escomptés sont les mêmes que ceux qui ont été ajustés en fonction du risque. Dans le cas des risques sensibles aux variations du marché, la situation se complique. Pour nombre de sociétés d’assurances, les flux monétaires dépendent de la situation future de l’économie et du marché. Il est peu probable que ces flux puissent être reproduits intégralement au moyen d’un regroupement d’obligations, d’instruments dérivés et d’autres catégories d’actif tels les titres adossés à des créances hypothécaires avec flux groupés. Cela étant, vu la non-liquidité de notre marché, le mieux que nous 4 L’actualisation à un taux qui est fonction de la cote de crédit de la société constitue également une autre méthode permettant d’évaluer cette série de flux monétaires. 7 Rapport Septembre 2006 puissions faire à l’heure actuelle est de déterminer des valeurs qui découlent des principes d’économie financière. Inhérente à la vente d’un bloc de polices ou aux opérations de réassurance portant sur un bloc de polices en vigueur est la valeur nette de l’actif que l’acquéreur demande en contrepartie des engagements. Ou encore, à l’aide d’un modèle stochastique de comportement des titulaires de police qui tient compte de la séquence des évènements antérieurs, on effectuerait les prévisions au sujet des flux monétaires nets totaux et, au moyen d’un algorithme d’optimisation, on déterminerait quelle est la combinaison d’actifs négociables qui reproduit le mieux les flux monétaires du passif selon une multitude de séquences d’évènements. Ces deux méthodes produiront sans doute des approximations sommaires. COMPARAISON ENTRE LES MÉTHODES PROPRES À L’ÉCONOMIE FINANCIÈRE ET CELLES DÉCOULANT DES PCGR CANADIENS En raison de la nature des PCGR canadiens s’appliquant à l’industrie des assurances, il n’est pas possible de faire une comparaison directe entre le passif calculé selon les méthodes propres à l’EF et celui déterminé d’après la méthode canadienne axée sur le bilan (MCAB). Conformément aux principes d’EF, l’actif et le passif doivent être évalués de façon indépendante; quant aux PCGR canadiens, ils prescrivent de prendre en compte les actifs adossant le passif lorsqu’il s’agit d’évaluer le passif, et proposent en outre de tenir compte du risque que pose le non-appariement des éléments d’actif et de passif lors de la constitution de réserves. Il importe donc d’examiner l’intégralité du bilan et de l’état des résultats si l’on veut bien comprendre comment la pratique actuarielle se rattache à l’EF. Il est également important de considérer la partie de l’excédent qui est disponible ou une variante de celle-ci. Comme autre solution, on pourrait regarder les diverses mesures d’évaluation de la valeur d’une société. Du point de vue propre à l’EF, on pourrait avoir recours à la méthode décrite à la section précédente pour déterminer la valeur du passif. Les éléments d’actif seraient évalués de manière indépendante. Dans le cas de l’assurance-vie, les organismes de réglementation exigent une plus grande garantie quant aux paiements et requièrent qu’une partie du capital soit détenue à des fins de protection supplémentaire. Lors de l’évaluation de la société, il faut également tenir compte du fait qu’il existe certaines restrictions à l’égard de ce capital qui ne s’appliquent pas aux autres placements s’offrant aux actionnaires. En fin de compte, sous l’angle de l’EF, nous pourrions donc affirmer qu’il nous faut comparer la valeur de l’excédent disponible (ou une variante de celui-ci) ou la valeur d’une société en ayant recours à la fois à la méthode actuarielle et à la méthode propre à l’EF. Passif a) La MCAB utilise la valeur et les caractéristiques des actifs adossant le passif pour déterminer la valeur du passif. Cette dernière est donc fonction des actifs qui lui sont adossés. Conformément aux principes d’EF, la valeur du passif est indépendante des actifs adossant le passif. b) Par le biais de l’utilisation de scénarios, la MCAB permet de créer une provision pour le risque C-3 (lié au non-appariement de l’actif et du passif). Étant donné que la méthode propre à l’EF ne tient pas compte des actifs, aucune provision n’est inscrite au passif au titre du risque C-3. 8 Rapport Septembre 2006 c) Lorsque, dans le cadre de la MCAB, l’on effectue des prévisions au sujet d’une obligation ou d’un actif qui n’est pas sans risque, cela peut faire en sorte que les paiements soient supérieurs à ceux que l’on aurait obtenus dans le cas d’un instrument sans risque, vu que les actuaires établissent des marges pour le risque de défaut de l’actif qui peuvent être différentes de celles du marché. En bout de ligne, ces montants servent à réduire ou à accroître le niveau du passif (par le biais de l’utilisation des actifs dans la détermination du passif). En accord avec les principes d’EF, il ne serait pas permis de tenir compte d’aucune future prime de risque nette lors de l’évaluation courante du passif. d) Les principes actuariels définissent une hypothèse de meilleure estimation et une marge pour écarts défavorables (MED), ce qui entraîne une estimation prudente des flux monétaires. Cela se compare quelque peu au concept selon lequel le marché corrige les flux monétaires en fonction de leur risque inhérent mais n’escompte pas la prime de risque. Tout compte fait, il en résulte un passif plus élevé et donc un excédent disponible moindre (en supposant que l’on ne considère pas que le risque puisse être éliminé par le biais de la diversification ou que le marché n’accorde pas de prime de risque pour le risque non corrélé). La façon dont cette marge est établie varie selon le type de risque et, en règle générale, elle est soumise à quelques contraintes. Dans le cas de l’EF, c’est le marché qui déterminerait cette marge de risque. e) Il est possible que des actuaires évaluent des risques semblables et en déduisent des hypothèses différentes. Les normes de pratique devraient permettre de réduire les écarts éventuels, mais, rigoureusement parlant, cela va à l’encontre de la loi du prix unique. Cependant, il s’agit surtout d’un discrédit théorique, car il n’existe pas deux produits identiques sur le plan de la conception, des marchés et de la méthode de distribution de vente. Capital requis a) Dans le cadre de la pratique actuarielle, ce sont les organismes de réglementation qui établissent les composantes du capital requis. Il n’est pas du ressort du présent document de juger du caractère approprié de ces exigences. Toutefois, celles-ci ne visent pas à couvrir les risques tels ceux liés à une mauvaise estimation ou à une détérioration de la moyenne (ceux-ci sont pris en compte dans les MED). b) Du point de vue propre à l’EF, il existe une méthode de calcul du capital requis qui consisterait à déterminer une probabilité de ruine qui serait fonction de la cote de crédit de la société et qui ferait en sorte que le capital requis et le passif constitueraient une provision suffisante compte tenu de ce niveau de ruine. Ainsi, le capital requis serait suffisant pour garantir la couverture de tous les risques qui n’ont pas été considérés lors de l’évaluation du passif. Dans le cas où l’évaluation du passif effectuée selon les principes d’EF n’aurait aucunement pris en compte le risque C-3, cette méthode à l’égard du capital requis permettrait d’y remédier. Si des actions servent à adosser le passif, alors ce risque se traduirait par un montant plus élevé de capital requis. Cela est peut-être en accord avec le principe d’EF selon lequel un investisseur ne souhaiterait pas qu’une société augmente les fonds propres afin d’adosser le passif, car il pourrait le faire par ses propres moyens. 9 Rapport Septembre 2006 Dans ce cas, l’excédent disponible serait réduit du montant supplémentaire de capital requis qui a été affecté à ce risque. Actif Selon les principes d’EF, les actifs seraient enregistrés à leur valeur marchande. Quant aux PCGR canadiens, ils stipulent que les actifs devraient être inscrits à leur valeur comptable ajustée, mais cette situation est quelque peu compensée par la méthode utilisée pour déterminer le passif. Si, afin d’éviter toute confusion qui pourrait naître de la comparaison de valeurs non comparables telles les éléments d’actif et de passif, l’on considère l’excédent disponible (ou une variante de celui-ci) comme étant la valeur ultime de comparaison, alors la méthode propre à l’EF et la pratique canadienne courante en matière d’évaluation de l’assurance-vie ne diffèrent pas de façon significative en valeur réelle. Ce point est davantage élaboré à la section intitulée « Conclusions ». CONCLUSIONS 1. Les points de vue concernant la mise en application des principes d’EF lors de l’évaluation du passif des polices sont multiples et divers. Il n’existe pas de méthode unique, globale, dont les tenants conviennent à l’unanimité (p. ex., la marge adéquate dans le cas du risque assuré, le taux d’actualisation approprié pour l’évaluation du passif de l’assureur, etc.)5. 2. La présentation des actifs à leur valeur comptable ajustée et du passif selon la MCAB diffère de celle que prescrivent les principes d’EF, à savoir inscrire au bilan les éléments d’actif et de passif à leur valeur marchande ou à leur juste valeur. 3. Chaque période, les marges de risque que comportent les éléments du passif et l’excédent requis seraient dégagées au fur et à mesure que le risque en question serait écarté, ce qui ferait en sorte que la variation de l’excédent disponible pourrait être semblable dans le cas des deux méthodes (si l’on ne tient pas compte, là encore, des répercussions sur les valeurs marchandes). L’intégration d’un certain type de marge dans les flux monétaires du passif est conforme à quelques-unes des interprétations au sujet des principes d’EF. 4. Bien que les deux méthodes puissent produire un excédent disponible semblable, leurs différences inhérentes peuvent entraîner des résultats inopportuns. Dans les cas où l’hypothèse actuarielle s’écarterait de façon marquée des hypothèses de marché propres aux principes d’EF, il serait assez aisé pour un économiste financier d’en déceler la faille. L’exemple le plus probant à cet égard concerne le risque de défaut de l’actif, étant donné que différentes sociétés d’assurances pourraient influer sur leur excédent libre de diverses manières, et ce, même s’il s’agissait du même actif. Cela constitue une dérogation à la loi du prix unique prévalant dans un marché important et liquide. Les marchés de demain pourraient alors créer des instruments financiers sur lesquels il serait possible d’effectuer des opérations d’arbitrage. 5 Le premier numéro du 6e volume du North American Actuarial Journal renferme un certain nombre d’articles traitant des diverses méthodes – il s’agit d’une lecture très enrichissante. 10 Rapport Septembre 2006 5. Le recours à des contraintes arbitraires lors de l’évaluation n’est pas conforme aux principes d’EF – par exemple, l’utilisation des soldes de compte comme valeurs planchers. 6. Pour évaluer le passif, un économiste financier procéderait à une évaluation stochastique qui tiendrait compte du comportement des titulaires de police et intégrerait les principes et les méthodes propres à l’EF. Cette approche pose un certain nombre de problèmes d’ordre pratique et théorique. Les actuaires ont recours à l’évaluation stochastique lorsqu’il s’agit de produits complexes pour lesquels il y a un risque associé à la queue de la distribution, ce qui est conforme aux principes d’EF, sauf que le taux d’actualisation employé pour calculer la valeur présente des flux monétaires ne correspond que rarement aux scénarios ayant généré ces flux monétaires. Compte tenu de la volatilité et de la durée de ces réserves, il ne s’agit probablement pas d’une considération importante. En théorie, la MCAB constitue aussi une tentative déterministe, prudente, pour estimer les résultats d’une évaluation stochastique. 7. Si l’on passait de la méthode actuelle (la MCAB) à une méthode qui était davantage fondée sur les principes d’EF, cela entraînerait une plus grande volatilité des résultats déclarés, particulièrement dans le cas des portefeuilles dans lesquels les éléments d’actif et de passif sont non appariés dans une large mesure. RECOMMANDATIONS 1. Compte tenu de l’inévitable tendance, à l’échelle internationale, à la normalisation et à l’intégration des principes d’économie financière/de juste valeur aux normes d’évaluation des sociétés d’assurances, le Groupe de travail estime qu’il serait peu judicieux de procéder à un remaniement prématuré des normes actuelles d’évaluation dans le cas de l’actif et du passif (c.-à-d., la MCAB) et du capital requis (p. ex., les composantes stochastiques), sans avoir, au préalable, entièrement compris comment ces principes seront adoptés aux quatre coins du globe, de même que les avantages et les inconvénients liés à l’adoption de ces normes. L’ICA devrait plutôt participer de façon proactive à l’élaboration de ces normes comptables internationales et devrait déterminer l’incidence de l’adoption de ces principes sur la politique publique (p. ex., l’évaluation de la volatilité, les répercussions sur les politiques de placement, les marchés financiers, les actionnaires et les titulaires de police, etc.). 2. Il est prématuré d’aborder le sujet du capital requis dans le cadre de l’EF, du moins jusqu’à ce que progressent davantage les initiatives globales portant sur la méthode du bilan total. 3. Il a été question de la rédaction d’une note éducative traitant des principes d’économie financière. Étant donné que l’évaluation de l’assurance-vie implique le traitement de nombreuses questions complexes dont l’EF, il ne serait pas utile ni recommandé, pour l’heure, de préparer une note portant expressément sur l’EF et qui ne situerait pas l’EF dans un contexte englobant les autres questions. 4. La meilleure façon de former les membres consisterait à axer la formation sur l’élaboration de normes comptables internationales et ce, en mettant l’accent sur l’applicabilité des principes d’EF. 11