Analyse des actes de chirurgie coronarienne et de cardiologie

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GÉOCARREFOUR
Béatrice
TROMBERT PAVIOT
Caroline MARTIN
Paul VERCHERIN
V O L 78 3/2003
217
Analyse des actes de chirurgie
coronarienne et de cardiologie
interventionnelle en Rhône-Alpes
Jean-Marie
RODRIGUES
Département de Santé
Publique et de l'Information
Médicale
Université de Saint-Étienne
RESUME
Pour décrire les variations
infra-régionales des taux
d'interventions de chirurgie
coronarienne et de
cardiologie interventionnelle
chez les patients hospitalisés
pour une cardiopathie
ischémique en fonction de
facteurs socio-sanitaires, de
besoins et d'offre de soins,
une comparaison entre les
différents secteurs sanitaires
de la région Rhône Alpes a
été réalisée. Le croisement
des informations de
morbidité du PMSI avec les
données de population, les
indicateurs socioéconomiques et les
statistiques de mortalité
montre que l'accès aux deux
types de traitement
(chirurgie, cardiologie
interventionnelle) ne semble
pas dépendre de
l'éloignement géographique
du patient, mais plutôt du
contexte socio-sanitaire et
des liens existant entre les
professionnels de santé des
différents secteurs.
L'efficience de l'offre paraît
donc variable selon les zones
et l'équité pour les
populations n'est pas
assurée entre les différents
secteurs.
MOTS CLÉS
Chirurgie des coronaires,
cardiologie interventionnelle,
PMSI, variations
géographiques infrarégionales
ABSTRACT
To describe inter-regional
variations in rates of heart
surgery and interventional
cardiology amongst
hospital patients suffering
from ischaemic heart
disorders in relation to
Carte sanitaire et SROS (schéma régional
d'organisation sanitaire) sont les deux piliers de la
planification sanitaire à l'échelon régional. Créée
par la loi hospitalière de 1970, la carte sanitaire
détermine les limites des secteurs sanitaires et la
nature et l'importance des installations et des
activités de soins d'un coût élevé nécessaires pour
répondre aux besoins de la population. Les limites
des secteurs sanitaires sont comprises dans celles
de la région administrative. Depuis 1994, le SROS,
vient obligatoirement compléter ce dispositif dont
l'objectif est de rationaliser et d'optimiser l'offre de
soins face à la demande (DDASS et DRASS
Rhône-Alpes, 1993). Certaines activités comme la
cardiologie interventionnelle, comprenant les actes
réalisés par voie percutanée, et la chirurgie
cardiaque, coûteuses et hautement spécialisées,
sont à vocation plurisectorielle ou régionale et
soumises à autorisation. Ces activités, dites de
recours (Couray-Targe et al., 2002), sont alors
concentrées dans quelques établissements de
santé de la région.
La région Rhône-Alpes, peuplée d'un peu plus de
5,6 millions d'habitants, est découpée en 8
départements et 11 secteurs sanitaires. Les soins
hospitaliers de médecine, chirurgie et obstétrique
(MCO) se déroulent dans 66 établissements
publics ou privés participant au service public
hospitalier (PSPH) et 63 cliniques privées. La
chirurgie cardiaque et la cardiologie interventionnelle y sont concentrées dans 10 établissements
situés dans trois secteurs sanitaires (Lyon,
Grenoble, Saint-Étienne). Ces établissements sont
autorisés pour l'une ou les deux activités, ce sont :
- soit des établissements financés par dotation
globale : trois établissements publics, les Centres
hospitalo-universitaires (CHU) de Lyon, Grenoble
et Saint-Étienne qui réalisent les deux types de
traitement ; deux établissements privés participant
au service public hospitalier, un à Lyon l'autre à
Grenoble qui ne font pas de chirurgie ;
- soit des établissements privés à but lucratif : cinq
établissements, dont trois sont situés à Lyon et un
à Grenoble font de la chirurgie coronarienne et de
la cardiologie interventionnelle, un à Saint-Étienne
pratique des actes d'angioplastie percutanés
seulement.
L'impact du système de soins sur l'état de santé de
la population ne peut pas être évalué par une
simple liaison entre les moyens en lits, en
médecins, en hôpitaux d'un territoire géographique avec les aspects positifs ou les faiblesses de
l'état de santé de la population dans ce territoire
(Macé, Trombert Paviot, Rodrigues, 2003).
Les résumés d'hospitalisations du Programme de
médicalisation du système d'information (PMSI),
disponibles pour l'ensemble des établissements
de soins aigus depuis 1998, apportent de
nombreuses informations de morbidité hospita-
lière et de demande de soins de l'ensemble de la
population. Ces bases de données nationales
permettent de connaître la nature du recours à
l'hospitalisation des habitants et de mesurer les
flux de patients sur tout le territoire français. Elles
décrivent un service rendu à une population
résidant dans un bassin géographique donné.
Mais l'explication causale des variations géographiques de demande de soins hospitaliers, qui
peuvent être décrites à l'aide du PMSI, n'est pas
simple en raison du caractère multi-factoriel ou
complexe de la liaison entre prise en charge des
maladies d'une part, qualité de vie et mortalité
d'autre part.
C'est pourquoi, cette étude se propose de
comparer les taux d'interventions de chirurgie
coronarienne et de cardiologie interventionnelle
chez les patients hospitalisés pour une
cardiopathie ischémique entre les différents
secteurs sanitaires de la région Rhône Alpes en
fonction de facteurs socio-économiques, de
besoins et d'offre de soins.
MÉTHODE
Sélection de séjours hospitaliers dans les bases de
données PMSI régionales de 2000
Environ 2 millions de résumés d'hospitalisation
ont été collectés pour l'année 2000 par l'ensemble
des établissements de santé publics et privés
fournissant des soins aigus (MCO) constituant une
base régionale exhaustive anonyme de ces
activités en région Rhône-Alpes.
Parmi les informations recueillies, le code
géographique de résidence du patient sélectionne
l'ensemble des hospitalisations des habitants d'un
secteur, quel que soit le centre hospitalier où elles
se sont déroulées. Le diagnostic principal codé en
Classification internationale de maladies (CIM-10)
permet de sélectionner la pathologie ayant motivé
le séjour. Avec ces deux informations, les 24 461
séjours d'hospitalisation des patients résidant
dans un des huit départements de la région
Rhône-Alpes et hospitalisés pour une cardiopathie
ischémique, y compris un infarctus du myocarde
(codes CIM-10 I20- à I25-), ont été extraits de la
base régionale.
Lors de ces hospitalisations, certains patients sont
traités par élargissement ou pontage des artères
coronaires. Ces traitements peuvent être réalisés
par voie chirurgicale (pontage, angioplastie) ou par
voie endovasculaire percutanée par cathétérisme
(angioplastie). Ces interventions sont repérées à
l'aide des codes actes du Catalogue des actes
médicaux utilisé dans le cadre du PMSI : K386 à
K390, K430 à K449 pour la chirurgie, A396, A683,
A706, A882, A843, K001, K010, K143, K424, K461,
K462 pour la cardiologie interventionnelle. Le
numéro FINESS, identifiant l'établissement de
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VOL 78 3/2003
Chirurgie coronarienne et cardiologie interventionnelle en Rhône Alpes
different socio-heatth
factors, and to the supply
and demand for healthcare,
a comparison has been
made of the various health
sectors of the Rhône-Alpes
region. The correlation of
hospital data on morbidity
with population statistics,
socio-economic indicators,
and mortality data shows
that access to these two
forms of treatment does not
seem to be related to the
distance of the patient from
the hospital but rather to the
socio-health context and the
relationships between the
medical staff of different
sectors. The efficiency of the
supply of services appears,
therefore, to vary between
different zones and equity of
access for patients is not
guaranteed between
different sectors.
KEY WORDS
Coronary bypass surgery,
interventional cardiology,
hospital data bases, interregional geographical
variations.
Figure 1 : Indice
Comparatif de Mortalité
par cardiopathie
ischémique par secteur
sanitaire
santé, également disponible, permet de connaître
le lieu de prise en charge et le type d'établissement : public et PSPH ou privé à but lucratif. L'âge,
le sexe du patient sont également disponibles.
Tableau 1 : Structure d'âge et indicateurs socio-économiques par département
(RMI = Revenu minimum d'insertion)
Méthode d'analyse
Plusieurs indicateurs ont été choisis pour
comparer les variations géographiques.
Les taux d'interventions standardisés sur l'âge et le
sexe sont calculés pour chacun des secteurs à
partir des données PMSI et du recensement de
population 1999 de l'INSEE. La population de
référence est la population régionale rhône-alpine.
La part de marché respective des 3 secteurs de
recours (Lyon, Grenoble, Saint-Étienne) est le
pourcentage des hospitalisations qui se sont
déroulées dans le secteur de recours parmi
l'ensemble des hospitalisations des patients
habitant un secteur sanitaire donné.
Pour approcher le besoin de santé, plusieurs
indicateurs sont présentés :
- la proportion de personnes âgées de plus de 65
ans par département selon le recensement 1999
de la population française de l'INSEE ;
- l'Indice comparatif de mortalité (ICM) par secteur
sanitaire, calculé à partir des certificats de décès
de 1995 par l'INSERM, mesure la différence de
mortalité par rapport à celle de la totalité de la
France (Observatoire régional de la santé RhôneAlpes). Il permet de visualiser la sur- ou la sousmortalité par rapport à la moyenne nationale ;
Chirurgie coronarienne et cardiologie interventionnelle en Rhône Alpes V O L 7 8 3 / 2 0 0 3
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T a b l e a u 2 : Distribution par secteur sanitaire des séjours pour cardiopathie ischémique
et des traitements chirurgicaux ou percutanés
- le taux standardisé sur l'âge et le sexe
d'hospitalisation pour infarctus du myocarde
calculé à partir des données PMSI et du
recensement 1999 de la population régionale
rhône-alpine.
Les indicateurs socio-économiques (INSEE,
1999/2000,) présentés à l'échelle du département
sont:
- la part de la population touchant le Revenu
minimum d'insertion (RMI) en 1998 ;
- le pourcentage de chômeurs chez les 15-64 ans
en 2001 ;
- le salaire mensuel moyen en 1996 (en francs).
Cardiopathies ischémiques
Chirurgie coronarienne
Figure 2 : Taux standardisés (pour mille habitants) par département
Infarctus du myocarde
Angioplasties coronariennes percutanées
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VOL 78 3/2003
Chirurgie coronarienne et cardiologie interventionnelle en Rhône Alpes
Une analyse de régression logistique a été réalisée
pour comparer les hospitalisations avec traitement
chirurgical versus percutané en fonction de l'âge
(plus ou moins de 70 ans), du sexe, du diagnostic
principal (infarctus du myocarde versus autre
cardiopathie ischémique) et du secteur sanitaire de
résidence.
L'ensemble des analyses et représentations
cartographiques a été réalisé avec le logiciel SAS®
avec les coordonnées géographiques du logiciel
Géofla® de l'IGN.
RÉSULTATS
Caractéristiques socio-économiques de la
population des secteurs
Le tableau 1 présente les indicateurs socioéconomiques pour chacun des huit départements
de la région. Trois départements apparaissent plus
âgés et plus défavorisés (plus de chômeurs et de
RMIstes et un salaire moyen plus faible) :
l'Ardèche, la Drôme, la Loire. Ils forment une
couronne sud et ouest de la région. A l'opposé
l'Ain et la Haute-Savoie, situés au nord-est de la
région sont jeunes et en situation économique
plus favorable.
Indice Comparatif de Mortalité par cardiopathie
ischémique
autres secteurs de la région (intervalle de
confiance à 95% [1,48 -1,66]).
Fréquence des hospitalisations et interventions
selon le département
La figure 2 compare la fréquence standardisée (âge,
sexe) des hospitalisations et traitements des
habitants des différents départements rhône-alpins.
Trois départements sont au-dessus de la moyenne
régionale quant au volume total d'hospitalisation
pour cardiopathie ischémique : Loire, Ain, HauteSavoie ; trois départements ont une fréquence
plus importante de cas graves (infarctus du
myocarde) : Loire, Drôme, Savoie.
La réponse thérapeutique apparaît cohérente pour
l'Ain et la Haute-Savoie (cardiopathies ischémiques et chirurgie coronarienne), cohérente pour
les infarctus de la Loire et de la Drôme (infarctus
du myocarde et angioplasties).
A l'inverse, le Rhône, qui présente une fréquence
basse de cardiopathies ischémiques (infarctus du
myocarde compris), a un taux élevé de traitement
aussi bien chirurgical que percutané.
COMPARAISON DES CARACTÉRISTIQUES DES
SÉJOURS SELON LE TYPE DE THÉRAPEUTIQUE
Comparaison univariée
Par rapport à la moyenne nationale, il existe une
sur-mortalité par cardiopathie ischémique dans le
nord de l'Isère, la Loire et dans le nord de la Drôme
et de l'Ardèche, et une sous-mortalité en Savoie,
Haute-Savoie et dans le sud de la Drôme et de
l'Ardèche (fig. 1).
Distribution des hospitalisations pour cardiopathie
ischémique selon le secteur sanitaire de résidence
Le tableau 2 présente la distribution par secteur
sanitaire des 24 286 séjours pour cardiopathie
ischémique dont 3 061 ont eu une chirurgie des
co-ronaires et 5 121 un acte d'angioplastie
percutanée
Pour quatre secteurs (Grenoble, Lyon, Villefranche
et Saint-Étienne), on observe une proportion plus
grande de séjours avec traitement chirurgical ou
percutané parmi l'ensemble des hospitalisations
pour cardiopathie ischémique.
Après ajustement sur l'âge, le sexe, le diagnostic
au moyen d'une analyse de régression logistique,
seuls les secteurs de Grenoble, Lyon et Saint
Etienne gardent une proportion plus élevée de
séjours avec acte thérapeutique. Le risque relatif
d'avoir un de ces actes quand on réside dans un
des trois secteurs où se situent les établissements
de recours est 1,57 plus élevé que dans les 8
Les séjours d'hospitalisation avec intervention
chirurgicale :
- sont significativement plus fréquents chez les
personnes de 70 ans et plus (40,2%) contre 34,6%
des actes percutanés ;
Tableau 3 : Risque relatif d'avoir un acte percutané plutôt qu'une chirurgie pour les
patients hospitalisés pour cardiopathie ischémique
Chirurgie coronarienne et cardiologie interventionnelle en Rhône Alpes
- concernent majoritairement les cardiopathies
ischémiques en dehors de l'infarctus (seulement
7,5% des interventions) alors que le traitement
percutané est réalisé dans 32,5% des cas pour un
infarctus ;
- se déroulent pour près des deux tiers dans des
cliniques privées (61,3%) alors que le traitement
percutané est fait majoritairement dans les
établissements publics ou privés PSPH (60,9%).
Ces traitements sont réalisés pour 80% chez
l'homme aussi bien pour la chirurgie que pour le
traitement percutané.
Comparaison murtivariée
L'analyse de régression logistique réalisée sur les
8 217 hospitalisations avec traitement des
coronaires, inclut l'âge, le sexe, le type de
cardiopathie ischémique (infarctus versus les
autres cardiopathies ischémiques), le type
d'établissement où a été effectué l'acte (à but
lucratif versus sous dotation globale) et enfin le
secteur sanitaire (tabl. 3).
Cette analyse confirme les résultats observés dans
l'analyse univariée : la pratique d'un acte
percutané est plus fréquente chez les patients de
moins de 70 ans, atteints d'un infarctus du
myocarde, pris en charge dans un établissement
public ou privé PSPH et habitant dans le secteur de
Valence, Aubenas-Montélimar, Chambéry ou
Roanne. A l'inverse, la chirurgie est une technique
plus utilisée en dehors de l'infarctus chez le patient
de 70 ans et plus, pris en charge dans une clinique
privée, et résidant dans les secteurs de vïenneBourgoin, Bourg en Bresse, Annecy, Lyon.
Flux d'hospitalisations vers les secteurs des
établissements de recours
Près des deux tiers (63%) des traitements sont
réalisés dans le secteur de Lyon, 20% à Grenoble,
12% à Saint Etienne et 5% à l'extérieur de la région
Rhône-Alpes (réalisés pour la majorité sur des
habitants du secteur d'Aubenas-Montélimar).
La figure 3 présente l'origine géographique des
habitants rhône-alpins soignés dans chacun des
trois secteurs de recours.
L'activité du secteur de Lyon domine largement,
couvrant la demande de 6 secteurs et
partiellement de deux.
La part de marché respective des secteurs de
Lyon, Grenoble et Saint-Etienne est assez proche
pour les activités de chirurgie (fig. 3b) et de
cardiologie interventionnelle (fig. 3a) sauf pour les
secteurs de Roanne et Annecy où Lyon prédomine
pour la chirurgie. Le secteur de Lyon est
particulièrement spécialisé en chirurgie
V O L 78 3/2003
221
coronarienne car elle représente dans son secteur
42% des traitements (chirurgie et cardiologie
interventionnelle) alors qu'à Grenoble elle n'en
représente que 34% et à Saint-Étienne 28% où les
traitements percutanés sont donc beaucoup plus
fréquents.
Les établissements publics et PSPH (fig. 3d) du
secteur de Lyon (un CHU et un PSPH) prennent en
charge des habitants de 6 secteurs, ceux de
Grenoble (un CHU et un PSPH), des habitants de 3
secteurs, et le CHU de Saint-Étienne ceux de 2
secteurs. Les établissements privés de Lyon qui
assurent 58,5% des traitements (et même 78,5%
de la chirurgie) effectués dans le secteur de Lyon,
ont un champ d'activité très étendu sur la région
Rhône Alpes : 8 secteurs plus le sud du secteur
sanitaire de Saint-Étienne (Annonay) et une partie
de celui de Chambéry. Dans le secteur de
Grenoble, le CHU de Grenoble assure les deux
tiers des traitements aussi bien chirurgicaux que
percutanés. Enfin, dans le secteur de SaintÉtienne, où il n'existe pas de concurrence privée
pour la chirurgie, le CHU de Saint-Étienne produit
82,1% des traitements (100% de la chirurgie, 75%
des actes percutanés).
DISCUSSION
Hétérogénéité des secteurs liée aux facteurs
socio-économiques, aux besoins et à la de
demande thérapeutique
Les variations observées entre les différents
secteurs de la région Rhône-Alpes peuvent être
résumées selon les trois axes d'étude : la situation
socio-économique (revenu, chômage, précarité),
les besoins de santé (âge, ICM, taux standardisé
d'hospitalisation pour infarctus du myocarde) et la
demande de soins (taux standardisés de chirurgie,
de cardiologie interventionnelle). Apparaissent
alors les quatre configurations suivantes.
- Une situation socio-économique favorable, des
besoins de santé modérés et une demande
thérapeutique cohérente : c'est le cas du secteur
de Grenoble où malgré l'offre locale, les taux
d'interventions restent dans la moyenne. Les
habitants ont recours principalement au CHU du
secteur.
- Une situation socio-économique favorable, des
besoins de santé modérés mais une demande
thérapeutique élevée. Celle-ci s'exprime : en soins
chirurgicaux seulement pour les secteurs de
Bourg-en-Bresse et d'Annecy qui se déroulent
dans les cliniques privés de Lyon ; elle se
concrétise également par les deux types de
traitement, avec une prépondérance de la
chirurgie pour le secteur de Lyon dont le recours
est dirigé vers les cliniques privées pour la
chirurgie et les établissements publics et PSPH
pour la cardiologie interventionnelle. A un degré
222
V O L 78 3/2003
Chirurgie coronarienne et cardiologie interventionnelie en Rhône Alpes
Figure 3 : Origine
géographique des patients
rhônalpins
moindre, le secteur de Villefranche est dans la
même catégorie.
- Une situation socio-économique défavorable,
des besoins de santé élevés et une demande
thérapeutique importante pour la cardiologie
interventionnelie : les habitants du secteur de
- Une situation socio-économique favorable, des Saint-Etienne sont majoritairement pris en charge
au CHU de Saint-Étienne ; le secteur de Valence
besoins de santé divergents et une demande
est dans la même situation mais se tourne vers les
thérapeutique modérée : pour le secteur de
établissements publics et PSPH de Lyon ; le
Vienne-Bourgoin, pour lequel l'ICM est le plus
secteur d'Aubenas-Montélimar a des caractérisélevé de la région, la demande n'est pas quantitatitiques
proches mais sa demande de soins est plus
vement élevée mais est qualitativement à domidirigée vers des établissements extérieurs à la
nance chirurgicale et dirigée vers les cliniques
région ; le secteur de Roanne, le moins peuplé de
privées de Lyon ; pour celui de Chambéry, qui préla région, présente la part relative de traitements la
sente un taux standardisé d'IDM (Infarctus du
plus basse suggérant une faible demande qui se
myocarde) élevé mais l'ICM le plus bas, la
tourne en majorité vers les établissements privés
demande est plus en cardiologie interventionnelie
de Lyon.
(réalisée à Grenoble) qu'en chirurgie.
Chirurgie coronarienne et cardiologie interventionnelle en Rhône Alpes
Il existe une bonne corrélation des indicateurs
socio-économiques et des indicateurs de besoins :
d'une façon globale le nord-est de la région est en
situation favorable à l'opposé du sud-ouest de la
région. Ce n'est pas le cas de la demande de soins,
car on constate que les traitements chirurgicaux
sont plus fréquents dans le nord de la région et les
traitements percutanés dans le sud-ouest de la
région.
Un réseau très étendu pour le secteur de Lyon
Ces activités à vocation régionale, bien
qu'existantes dans 3 secteurs sanitaires, sont très
concentrées dans l'agglomération lyonnaise, la
capitale régionale, qui plus est, en position
centrale dans la région dont la géographie
physique et les communications expliquent en
partie l'afflux des habitants des secteurs du Nord
de la région (Villefranche, Bourg-en-Bresse) et du
Sud (Vienne-Bourgoin,Valence).
La zone d'attraction du CHU de Saint-Étienne
apparaît réduite au sein de la région Rhône-Alpes
car le bassin de vie de Saint-Étienne s'étend
largement sur la Haute-Loire, située en région
Auvergne. Le re-découpage de la carte sanitaire en
1993 par la DRASS Rhône-Alpes (DDASS et
DRASS Rhône-Alpes, 1993), bien qu'ayant utilisé
une approche sectorielle de la demande de soins,
avait l'obligation de respecter les limites
administratives existantes (la région), tronquant
ainsi le bassin d'attraction de l'agglomération de
Saint-Etienne. Actuellement, dans l'élaboration du
SROS 3, même si cette approche par zone de
demande de soins, désormais facilitée par la
disponibilité des données PMSI, semble prévaloir
sur la carte sanitaire Rhône-Alpes avec la
constitution de "pôle hospitalier" traversant les
limites des secteurs sanitaires, il ne semble pas
prévu de passer outre la "frontière" régionale,
surtout dans le processus actuel de
déconcentration régionale. A l'inverse, il est clair
que le secteur d'Aubenas-Montélimar, à
l'extrémité sud de la région, a en majorité recours,
sans doute pour des raisons de plus grande
proximité, à des établissements situés en dehors
de la région pour les actes de cardiologie
interventionnelle.
La représentation cartographique de la part de
marché respective des établissements pour une
pathologie permet de connaître le bassin de santé
réel du secteur et d'adapter l'offre à la demande de
soins pour cette pathologie dont le territoire de
recrutement peut être distinct de celui d'une autre
pathologie.
V O L 78 3/2003
223
dans ce domaine d'activité. En région RhôneAlpes, la chirurgie coronarienne, activité de
recours, est avant tout prise en charge par les
établissements privés.
Il est net que les interventions chirurgicales
s'adressent plutôt à des patients plus âgés,
atteints de cardiopathies en phase non aiguë
moins graves, pour lesquels ce traitement est
programmé, ce qui est plus compatible avec une
activité de chirurgie réglée, fréquente dans les
cliniques privées.
Les établissements publics, y compris les CHU ont
l'obligation de prendre en charge les urgences 24
heures sur 24. Il n'est pas surprenant qu'ils traitent
plus fréquemment les infarctus du myocarde,
phase aiguë et grave des cardiopathies
ischémiques, avec hospitalisation en urgence et
pour lequel le traitement percutané est le plus
adapté.
Des limites à l'utilisation du PMSI
La fréquence relative plus élevée des traitements
spécifiques lors de l'hospitalisation des habitants
des 3 secteurs de recours doit être interprétée
avec prudence car cette étude porte sur des
séjours hospitaliers et non des patients. C'est-àdire qu'un patient hospitalisé d'abord dans son
secteur sanitaire de résidence pour un bilan
diagnostique, puis envoyé dans un des
établissements de référence pour l'intervention,
sera compté deux fois au dénominateur. Il est
assez probable que pour les habitants des
secteurs de Lyon, Grenoble et Saint-Étienne, l'acte
soit plus souvent effectué lors du même séjour
que celui du bilan diagnostique, ce qui pourrait
expliquer une proportion plus grande de séjours
avec acte par rapport au total des hospitalisations.
La fréquence relative des traitements des
habitants du secteur de Grenoble, qui est la plus
élevée par rapport à leur total d'hospitalisation,
n'apparaît pas supérieure à la moyenne régionale
après standardisation. Les bases de données
PMSI de l'année 2000 sont les dernières à ne pas
posséder d'identifiant unique patient. En effet,
depuis 2001, une procédure d'anonymisationchaînage des séjours d'un même patient est
réalisé après encryptage-hachage irréversible de
son numéro identifiant national et de sa date de
naissance. La disponibilité de ces bases de
données permettra de mener avec plus de
précisions des comparaisons épidémiologiques
en limitant ce biais.
Conclusion
L'offre de soins est très différente selon les
secteurs de recours : les CHU de Grenoble et de
Saint-Étienne, leaders de leur bassin de vie, ont
une demande plus large que les établissements
privés de leur secteur. A l'inverse, pour le secteur
de Lyon, les cliniques privées dominent largement
Le croisement des informations de morbidité du
PMSI avec les données de population, les
indicateurs socio-économiques, et les statistiques
de mortalité (Salem, Rican, Jougla, 1999) permet
une approche territorialisée et met mieux en
224
V O L 78 3 / 2 0 0 3
Chirurgie coronarienne et cardiologie interventionneile en Rhône Alpes
évidence les réseaux de soins qui s'étendent,
notamment pour les soins d'une grande technicité,
bien au-delà du découpage territorial infrarégional. On retiendra que l'accès aux deux types
de
traitement
(chirurgie,
cardiologie
interventionneile) ne semble pas dépendre de
l'éloignement géographique du patient, mais
plutôt du contexte socio-sanitaire et des liens
existant entre les professionnels de santé des
différents secteurs.
BIBLIOGRAPHIE
DDASS et DRASS Rhône-Alpes, 1993, La carte
sanitaire en Rhône-Alpes, Document 1-1, mai,
53 p.
MACÉ J.-M., TROMBERT PAVIOT B., RODRIGUES
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(dir.), Carnet de santé de la France, Paris, Dunod,
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1999/2000, p. 108-127.
SALEM G., RICAN S., JOUGLA E., 1999, Atlas de la
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Paris, Ed. John Libbey Eurotext, p. 64-67.
COURAY-TARGE S. ef al., 2002, Les activités de
référence et de recours dans le PMSI, 6e séminaire
de l'Etude Nationale des Coûts, Grenoble, 28-29
novembre, 3 p.
Adresse de l'auteur :
Dr B. TROMBERT PAVIOT
DSPIM, Faculté de Médecine
15rueAmbroiseParé
42100 Saint-Étienne
E.mail : [email protected]
Les adresses des co-auteurs :
Caroline MARTIN
Service de Santé Publique et
de I Information Médicale
CHU de Saint-Étienne
42055 St Etienne cedex 1
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Paul VERCHERIN
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