Vers une économie suisse plus dynamique Exposé de Jean

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Vers une économie suisse plus dynamique
Exposé de
Jean-Daniel Gerber
Secrétaire d’Etat
devant la
Société Neuchâteloise des Sciences
Economiques et Sociales
Neuchâtel, le 3 novembre 2005
La version orale fait foi
1. Comment évolue notre économie ?
1.1 Survol conjoncturel 2004-2005
L’année 2004 a été bonne pour l’économie suisse.
Après trois années difficiles marquées par une
quasi-stagnation, le produit intérieur brut réel a
augmenté de 2,1%. La reprise conjoncturelle a été
portée sur une large base: les exportations de
marchandises
et
de
services
ont
progressé
vigoureusement, les dépenses de consommation
des ménages, malgré les incertitudes économiques
et la situation sur le marché du travail, étaient en
hausse, de même que les investissements, en
particulier ceux dans le bâtiment, qui ont été
stimulés par une très forte hausse de la construction
de logements.
2
En fin d'année 2004, la situation s'est dégradée
quelque peu. Le moteur de la conjoncture suisse
s’est mis à hoqueter au dernier trimestre 2004, suite
au ralentissement ou à l'arrêt de la croissance chez
nos voisins européens, et sans doute également
suite à la baisse du dollar.
En 2004, malgré le retour de la croissance
économique, le marché du travail n'a pas encore
connu d'embellie sensible. Confrontées à une
conjoncture encore hésitante, les entreprises ont
montré
une
certaine
prudence
en
matière
d’embauche. En moyenne annuelle, le taux de
chômage en 2004 était de 3,9%, cette année 2005 il
sera de 3,8%.
Dans
le
indicateurs
courant
de
l'année
conjoncturels
ont
2005,
plusieurs
progressé
plus
fortement que prévu. D'une manière générale, la
3
bonne tenue de l'économie suisse en 2005 a surpris
beaucoup d'observateurs. Malgré la hausse qui s'est
poursuivie du prix du pétrole, la très faible
croissance dans plusieurs pays européens, la
conjoncture suisse a repris le sentier de croissance.
Le maintien à un très bas niveau des taux d'intérêt et
du
dynamisme
de
la
croissance
mondiale
contribuent en 2005 aux relativement bons résultats
de l'industrie suisse. Mais des facteurs particuliers,
notamment la spécialisation par produits de nos
exportations (pensons à l'industrie pharmaceutiques
et à l'horlogerie de luxe) expliquent aussi les bons
chiffres du commerce extérieur.
1.2 Les pronostics économiques 2006
Les perspectives à moyen terme confirment une
dynamique conjoncturelle plutôt modeste, si l'on tient
4
compte du cadre général, qui devrait permettre une
expansion plus solide.
L'économie suisse terminera l'année 2005 dans les
chiffres noirs. Les chiffres publiés vendredi dernier
par le groupe d'experts de Confédération confirment
l'amélioration modeste de la tendance, la croissance
du PIB pour 2006 passant à 1,7 pour cent (contre
1,5% à la prévision de juin) . En Suisse, la Banque
nationale suisse (BNS), qui a amorcé à la mi-2004 la
normalisation du niveau des taux d’intérêt, n’a pas
modifié fondamentalement jusqu'en automne 2005
l'orientation générale de sa politique monétaire qui
reste expansive. Pour 2006, le niveau du prix du
pétrole, les répercussions des coûts de l'énergie sur
l'inflation et le degré de resserrement monétaire, qui
sera
nécessaire,
représentent
des
facteurs
d'incertitude importants. Les grands instituts de
prévisions internationaux (OCDE, FMI, UE) prévoient
5
pour 2006 une légère accélération de l'expansion sur
le contient européen. La Suisse pourra également
en profiter.
Un autre signe encourageant est que, malgré
l’augmentation des prix du pétrole, l’inflation reste
modeste. La hausse des prix de l'énergie est
compensée par la baisse d'autres prix, notamment
ceux de l'électronique (ordinateurs et machines de
bureau, électronique de loisir par exemple). Le gain
de
concurrence
sur
les
marchés
mondiaux
impliquent déjà aujourd'hui des ajustements vers le
bas de certains prix.
Ainsi, même si la conjoncture actuellement hésitante
dans la zone euro – en Allemagne en particulier –
s’avère
préoccupante,
la
croissance
mondiale
restera élevée en 2006 et des opportunités sont à
6
rechercher à ce niveau, plus qu'au niveau européen.
Nos entreprises l'ont en grande partie déjà compris.
Quant aux entrepreneurs suisses, ils ont tendance à
être pessimistes sur la croissance économique:
Quand la récession est en cours, ils disent "cela va
mal, la conjoncture s'enfonce dans une crise
majeure". Quand l'économie croît à un rythme
moyen, ils disent "cela ne peut qu'aller plus mal" et
quand l'économie croît fortement, "il ne fait pas de
doutes que les chiffres sont faux". Les enquêtes
conjoncturelles du KOF le démontrent: Si les
entreprises jugent que la situation est équilibrée,
alors cela indique que la conjoncture est plutôt
bonne, alors qu'il faut que l'indice soit plus de 10
points en dessous de l'équilibre pour que cela
devienne un indicateur de mauvaise conjoncture.
Une raison qui explique ce "scepticisme" réside
7
également, sans doute, dans le caractère encore
fragile de la conjoncture sur le continent européen,
Les évolutions conjoncturelles de ces dernières
années nous apportent plusieurs enseignements
pour la politique économique:
- Premièrement, une fois de plus, on s'aperçoit à
quel point l'économie suisse est dépendante de
l'évolution économique en Europe. Cela n'a rien
d'étonnant: Notre économie est très fortement
imbriquée à celle de l’UE (60% de nos
exportations vont dans l’UE, 80% de nos
importations en proviennent, et nous avons avec
cette zone économique un record de plus de 150
accords). Cette intégration si favorable à notre
croissance économique dans le long terme doit
être consolidée et garantie. Pour cela, nous
venons de faire deux pas importants : le 5 juin,
8
avec la votation sur Schengen/Dublin, et le 25
septembre, avec la votation sur l'extension de la
libre circulation des personnes.
- Deuxièmement, la croissance mondiale en
dehors
de
l'UE
prend
de
plus
en
plus
d'importance. Il nous faut donc nous assurer
d'un accès non discriminatoire à ces économies
dynamiques pour que les entreprises suisses
puissent
aussi
profiter,
à
l'égal
de
leurs
concurrentes, des nombreuses opportunités qui
se présentent sur ces marchés d'outre-mer.
- Troisièmement, le marché intérieur a confirmé
qu'il était trop sclérosé pour être capable de
fournir par lui-même les impulsions positives
nécessaires à la stabilisation de l'emploi en
Suisse ou à la relance de la conjoncture. Face à
cette
situation,
pour
9
obtenir
un
marché
domestique auto-porteur, un programme de
marché intérieur complet est une contribution
essentielle à la dynamisation de l'économie
suisse.
Ces trois thèmes méritent d'être approfondis les uns
après les autres. C'est ce que je vais faire
maintenant,
en
abordant
tout
d'abord
notre
intégration à l'UE, puis les accords de libre-échange
avec des pays en dehors de l'UE et enfin le
programme de réformes économiques du Conseil
fédéral.
10
2. La Suisse et l'Europe
Avec les deux victoires du 5 juin et du 25 septembre,
la Suisse a fait deux pas très importants dans sa
coopération avec l'Europe.
Rappelons rapidement ce qui a été obtenu le 5 juin
avec Schengen/Dublin : Schengen signifie tout
d'abord un gain de sécurité du fait du raccordement
au système SIS (plus de 12 mio de données sur des
personnes et objets recherchés en Europe). Ensuite,
Schengen signifie un gain économique pour deux
raisons:
• L'une d'elles, et non des moindres, est qu'avec
Schengen la garantie du secret bancaire est
inscrite dans un accord international pour tout
ce qui a trait aux impôts directs.
• Le visa Schengen représente un plus pour le
tourisme,
car
le
nombre
11
grandissant
de
touristes en provenance de pays en dehors de
l'UE, comme la Chine, l'Inde ou la Russie,
peuvent bénéficier d'un visa unique, valable
pour toute la zone Schengen.
Enfin, grâce à l’accord de Dublin, nous pouvons à la
fois mieux aligner notre politique d’asile sur l’UE et
par la même alléger le système d’asile suisse en
empêchant les demandes multiples.
La victoire du 25 septembre est encore plus
importante car elle confirme une attitude très ouverte
des partenaires sociaux. Notamment les syndicats
en Suisse voient aussi, dans l’ouverture du marché
de l’emploi, une chance pour l’économie suisse. Ils
pensent peut-être à l’exemple de l’Allemagne et de
la France, qui montre combien il est illusoire de
croire que l’on peut créer des emplois en mettant sur
12
pied des programmes d’occupation décrétés par
l’Etat.
La situation de l’emploi a au contraire connu une
évolution positive dans les pays européens qui ont
de nouveau accordé plus de place au libre
déploiement des forces productives. L’Irlande, la
Suède et la Grande-Bretagne en sont de bons
exemples : depuis des années, elles suivent la
stratégie dite « de Lisbonne », c’est-à-dire l’agenda
de réformes économiques et sociales de l’Union
européenne1.
Elles
connaissent
des
taux
de
croissance supérieurs à la moyenne2 et des taux de
chômage modérés3 – tout en étant les seules, parmi
les Quinze, à avoir étendu sans délai transitoire la
libre circulation des personnes aux nouveaux Etats
membres. Cela ne leur a nui en rien, comme le
1
Suède : 1er rang ; Grande-Bretagne : 3e rang ; Irlande : 11e rang (source : The Lisbon Scorecard IV,
Centre de la réforme européenne, 2005).
2
Taux de croissance annuel moyen du PIB en termes réels 1995-2004 : Irlande : 8,0 % ; GrandeBretagne : 2,9 % ; Suède : 2,8 % ; UE-15 : 2,2 % (source : Eurostat). En comparaison : Suisse : 1,3 %
(source : BNS).
3
Irlande : 4,5 % ; Grande-Bretagne : 4,7 % ; Suède : 6,3 % ; UE-15 : 8,1 % (source : Eurostat).
13
montre
l’année
écoulée :
il
n’y
a
pas
eu
d’immigration massive en provenance d’Europe de
l’Est. L’ouverture des marchés de l’emploi a
manifestement créé une situation win-win dans
l’Europe élargie – une situation dont profitent et les
anciens et les nouveaux membres.
Cela ne veut pas dire que le réseau d’accords
bilatéraux qui nous lie à l’Union européenne est fixé
une fois pour toutes. Même si la votation du 25
septembre s'est soldée par un succès, une autre
possibilité de référendum viendra ! Au plus tard lors
du prochain élargissement de l’Union européenne,
avec l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. Il
faudra adapter de nouveau l’accord sur la libre
circulation des personnes. Et en 2009, le peuple
suisse – selon les termes de l’accord – pourra voter
une nouvelle fois, s'il le désire, sur le maintien de la
libre circulation avec l’UE. La donne ne sera pas
14
fondamentalement différente de la situation actuelle.
La voie bilatérale est, en d’autres termes, tout sauf
assurée. Elle est semée d’obstacles qui demandent
que nous avancions d’un pas ferme.
Mais comme je l’ai dit au début : la voie bilatérale n’a
jamais été facile et elle restera ardue. Nous devons
nous accommoder du fait qu’elle est, pour l’instant,
la seule voie possible pour la politique d’intégration
de la Suisse et la seule qui puisse nous promettre
quelque succès.
Il serait faux pour autant d’en déduire que nous
devons renoncer à envisager toute alternative. Le
Conseil fédéral doit présenter un nouveau rapport
sur l’intégration avant la fin de la présente
législature, un rapport dans lequel il analysera et
évaluera sans a priori les avantages et les
inconvénients des diverses options de la politique
européenne – y compris l’adhésion à l’Union
européenne. Ce rapport déterminera quelle est, de
15
l’avis du Conseil fédéral, la manière la plus
raisonnable de concevoir à l’avenir les relations de la
Suisse avec l’UE. Je n’entends pas anticiper sur les
résultats de ces réflexions. Mais il ne faut pas être
un grand prophète pour prédire que l’adaptation des
lois
et
des
ordonnances
suisses
au
droit
communautaire – ou comme on dit si bien la
« reprise autonome » de la législation européenne –
restera un élément essentiel de la stratégie future de
la Suisse. En effet, sans une harmonisation toujours
plus grande avec les règles du marché unique
européen, la Suisse perdrait inexorablement de sa
compétitivité sur le plan international. J’y reviendrai.
16
3. La Suisse et le reste du monde
Faire cavalier seul ouvre d’ailleurs à la Suisse des
possibilités qu’elle n’aurait pas si elle était membre
de l’Union européenne. Ainsi, elle peut mener une
politique monétaire indépendante, adaptée à sa
situation, ou encore défendre une position autonome
et conforme à ses besoins au sein de l’OMC. Mais
avant tout, elle est libre de conclure des accords
commerciaux avec des partenaires de son choix et
servant les intérêts des deux parties. J’aime à
nommer cette liberté de conclure des conventions
notre treaty making power. Quant à sa valeur, elle
dépend
principalement
de
notre
habileté
à
l’employer.
Ne pas appartenir au bloc commercial de l’UE
signifie d’abord pour la Suisse qu’elle est tributaire
d’un système d’échanges multilatéral efficace, qui
protège les intérêts des petits pays face aux
exigences des grandes puissances. Il importe pour
17
nous, en premier lieu, que l’OMC conserve son rôle
de plate-forme mondiale de régulation des échanges
internationaux de marchandises au profit de tous les
participants. Le succès du cycle de négociations de
Doha est essentiel pour notre pays. En règle
générale, les positions défendues par la Suisse et
par l’Union européenne dans ces négociations ne
diffèrent
pas
fondamentalement
–
mais
elles
divergent tout de même assez souvent sur les
détails. La Suisse est libre de mettre les priorités où
bon lui semble et, parfois, de servir d’intermédiaire
entre les intérêts opposés des grandes nations dans
la recherche de compromis. Bien entendu, le succès
des
négociations
a
toujours
pour
prix
une
concession parfois douloureuse. Je suis cependant
tout disposé à la concéder, car je sais qu’un échec
du cycle de Doha nous reviendrait beaucoup plus
cher à long terme. En tant que petite économie
ouverte et dépendante des échanges internationaux,
18
la Suisse ne pourrait tout simplement pas supporter
les conséquences d’un affaiblissement durable de
l’OMC.
Même si l’OMC demeure dans un avenir prévisible la
base d’un système économique mondial efficace,
ses règles ne sont en général que le plus petit
dénominateur commun sur lequel ses membres ont
pu s’entendre à l’issue d’âpres discussions. Il lui est
impossible de satisfaire aux exigences de tous,
d’autant
moins
lorsque
ces
exigences
sont
ambitieuses. Lorsque deux nations décident de
commercer entre elles à un niveau supérieur au
standard de l’OMC, elle peuvent conclure à cet effet
un accord de libre-échange bilatéral ou plurilatéral.
Longtemps,
le
libre-échange
avec
l’Union
européenne et à l’intérieur de l’AELE a dominé la
politique économique extérieure de la Suisse.
Depuis les années 90, la Suisse a toutefois
commencé, ensemble avec ses partenaires dans
19
l’AELE, à établir un réseau d’accord de libreéchange avec des partenaires hors UE.
Dans un premier temps, l’AELE a essayé d'éviter
toute discrimination par rapport à son concurrent
principal – l’UE – sur les marchés des pays tiers. En
d’autres termes, en parallèle avec l’UE qui négocie
un accord de libre-échange avec un Etat tiers, la
Suisse et ses partenaires de l’AELE n’hésitent pas à
tenter de conclure de leur côté un accord avec cet
Etat. C’est le cas avec une douzaine de partenaires,
la plupart d’entre eux des pays de l’Europe de l’Est
et du Sud-ouest est des partenaires du bassin
Méditerranéen, mais aussi avec le Mexique et le
Chili.
l’AELE a commencé à viser la conclusion d’accords
de
libre-échange
importants
avec
d’outre-mer,
discriminations
vis-à-vis
d’autres
afin
d’autres
partenaires
d’éviter
des
concurrents
majeurs, tels que les USA et le Japon. En même
20
temps elle peut obtenir un avantage concurrentiel
par rapport à l’UE qui ne bénéficie pas, elle, d’un
accord de ce type avec certains de ces partenaires.
Font partie de cette catégorie l’accord de l’AELE
avec Singapour, qui est déjà en vigueur, et celui
avec la Corée du Sud, accord qui vient d’être conclu
sur le fond récemment. Des accords avec la
Thaïlande
négociation,
et
le
Canada
tandis
que
sont
des
en
cours
de
discussions
exploratoires ont lieu avec l’Indonésie et le Conseil
de Coopération des pays Arabes du Golfe.
Les intérêts de la Suisse et ceux de ses partenaires
de l’AELE ne se recouvrent cependant pas toujours.
Dans ce cas-là, la Suisse procède d’une manière
bilatérale. La Suisse a ainsi pris des contacts
exploratoires avec les Etats-Unis et le Japon, en
dehors du cadre de l’AELE, dans la perspective
d’examiner la faisabilité d’un accord de libreéchange.
21
Si nous renforçons l’axe des accords préférentiels
au sein de notre politique économique extérieure,
c’est dans l’intention de diversifier nos relations
économiques. Les Etats-Unis et le Japon sont nos
débouchés
les
plus
importants
après
l’Union
européenne ; ils absorbent respectivement 10 % et
3,8 % de nos exportations. La Suisse réalise, avec
ces deux pays, des excédents de la balance
commerciale
considérables,
atteignant
respectivement 8,5 et 2,5 milliards de francs (2004).
La Suisse ne pourra tirer le meilleur bénéfice de la
division internationale du travail que si elle réussit à
créer un équilibre délicat entre les trois piliers de sa
politique économique extérieure ; à combiner avec
justesse une intégration raisonnable dans le marché
communautaire,
un
renforcement
de
l’ordre
économique mondial et un développement ciblé de
l’accès préférentiel à des marchés importants en
dehors de l’UE. Naturellement, cela requiert des
22
concessions. Il peut arriver que les concessions
nécessaires
dans
le
domaine
des
accords
préférentiels soient incompatibles avec une plus
grande intégration dans le marché communautaire. Il
faut alors soigneusement peser les intérêts en
présence. Ce n’est pas toujours facile. Mais dans
l’ensemble, je crois qu’une économie diversifiée et
ouverte comme la nôtre n’a pas intérêt à mettre tous
ses œufs dans le même panier.
23
4. Le programme de marché intérieur
Finalement, l’évolution économique à long terme
démontre qu'on ne peut plus compter sur nos seules
exportations pour créer une dynamique économique
suffisante pour la Suisse. Afin de stimuler la
croissance, nous devons réformer notre marché
intérieur, ce qui permettra également de créer de
nouvelles places de travail et de soutenir la
conjoncture de notre pays. Les secteurs proches de
l'Etat sont particulièrement visés.
Il est paradoxal qu'au moment même où nos accords
de libre-échange s’étendent au-delà des frontières
du continent, le morcellement du marché suisse
subsiste. Le défi va au-delà de la simple révision de
la loi sur le marché intérieur, car de nombreuses
pratiques
segmentent
les
marchés
dans
bien
d’autres domaines encore. Je ne citerai que le cas
24
d'un
monopole
d’approvisionnement
pour
l’électricité, nouvellement introduit dans un canton
romand, ou la liberté de contracter, toujours
largement absente dans le domaine de la santé.
C'est pour cela que le Conseil fédéral a lancé un
premier programme de marché intérieur qui inclut,
non seulement une révision de la loi sur le marché
intérieur, mais aussi une révision de la loi sur les
marchés publics, la nouvelle politique agricole, une
loi
sur
l'approvisionnement
en
électricité,
des
réformes dans l'assurance-maladie et l'assuranceinvalidité, un allégement administratif, une cure
d'amaigrissement
pour
la
Confédération,
des
réformes continues dans le domaine de l'éducation,
et d’autres encore.
L'objectif du train de mesures du Conseil fédéral en
faveur de la croissance est clairement d'augmenter
25
le taux de croissance de la productivité, en
particulier du marché domestique. La nécessité d'un
tel programme ne fait aucun doute face aux défis
importants qui nous attendent pour financer les
assurances sociales. Sans ces réformes, il est à
craindre que les scénarios du seco, qui anticipent
que
la
Suisse
rétrogradera
encore
dans
le
classement selon le revenu par d’habitant, se
réaliseront.
Les économistes suisses ont largement confirmé les
priorités données par le Conseil fédéral dans ce train
de mesures. Selon un sondage d'Avenir Suisse
auprès de 35 économistes spécialisés dans la
croissance, la révision de la loi sur le marché
intérieur, la nouvelle politique agricole et les
réformes dans l'assurance-maladie viennent juste
après
l'élimination
du
déficit
structurel
de
la
Confédération et la stabilisation de la quote-part de
26
l'Etat comme étant les mesures les plus importantes
capables de relancer la dynamique économique en
Suisse. Je me plais à reconnaître que trois réformes
importantes allant dans ce sens ont déjà été
acceptées par le Parlement ou le peuple suisse: la
nouvelle loi sur les cartels, le frein à l’endettement et
la péréquation financière. Continuons sur cette
lancée!
Pour conclure, j’aimerais revenir brièvement sur mes
pas et examiner une question: pourquoi ces
réformes incessantes, faut-il vraiment accroître
continuellement la concurrence ?
Personne ne se frotte de son plein gré à une
compétition impitoyable. Ni les individus, ni les
entreprises n’en réclament davantage de gaîté de
cœur. Un marché où règne la compétition est un
marché difficile. Cela veut dire que, sur ce marché, il
27
y a aussi des concurrents, et que ces concurrents
pourraient bien s’avérer meilleurs que nous et nous
éliminer de la course. On comprend bien que, dans
cette perspective, l’accroissement de la compétition
n’entre pas dans les intérêts immédiats des
entreprises, considérées individuellement.
Gardons-nous cependant des jugements hâtifs ! Ce
que je viens de vous exposer ne représente qu’un
aspect de la question. Sans compétition, il n’y a pas
d’économie performante et innovatrice. Souvenonsnous de l’Union soviétique : par manque de
concurrence, son économie s’est sclérosée et a
cessé d’innover. La suite est connue : le système a
fini par s’écrouler de lui-même.
L’autre aspect, c’est le fait que chacun d’entre nous
profite de la concurrence, tous les jours et en toutes
circonstances. Vous n’êtes pas seulement des
28
entrepreneurs, vous êtes aussi des clients. Et en
tant que clients, grâce à la compétition et à la
concurrence, vous recevez des produits et des
services moins chers et de meilleure qualité.
Si nous considérons les choses sous cet aspect,
force est de constater que la concurrence est
d’intérêt général. Or, il n’existe pas de lobby de
l’intérêt général ! La collectivité n’a pas de groupes
de pression pour défendre ses intérêts. C’est donc la
tâche de l’Etat, et en particulier du seco, de veiller à
ce que l’économie suisse soit confrontée à la
concurrence, pour le bien de tous. Une fois les
conditions mises en place, la concurrence peut
déployer ses effets positifs pour l’ensemble de la
population et pour chacun d’entre nous.
29
Pour terminer mon exposé j’aimerais revenir sur une
autre facette de la concurrence, celle qui existe entre
les régions et les territoires. Je sais que votre canton
est particulièrement sensible à ce thème. Je
reviendrai d’ailleurs en parler le 11 novembre à
Neuchâtel
dans
le
cadre
d’une
manifestation
organisée par le réseau des villes de l’Arc jurassien
et par la CTJ, si bien que je resterai très bref ce soir.
Je crois qu’on peut constater, qu’à peu de choses
près, les même facteurs de compétitivité sont
valables pour les nations et les régions et que par
conséquent des recettes comparables peuvent
s’appliquer. Neuchâtel comme les autres cantons
pourra profiter de l’ouverture du marché intérieur,
mais je n’ignore pas que vous êtes plus que
quiconque orientés vers les marchés lointains. Là,
c’est la politique de la Banque nationale qui joue un
rôle très important ; Monsieur Hayek ne manque pas
de nous le rappeler régulièrement ! Vous avez donc
30
aussi un intérêt marqué pour la conclusion d’accord
de libre échange avec ces pays plus éloignés et je
peux
aussi
l’Horlogerie
constater
suisse
que
nous
la
Fédération
accompagne
de
très
régulièrement lors de nos missions à l’étranger.
Le seco est aussi responsable de la politique
régionale. Suite à l’introduction prochaine de la
nouvelle péréquation et de la nouvelle répartition des
tâches entre les cantons et la Confédération, cette
politique régionale est fortement remise en question,
notamment par les cantons qui seront amenés à
payer beaucoup plus au pot commun de la
péréquation.
Le Conseil fédéral a pris récemment la décision
d’aller de l’avant et a chargé le Département fédéral
de l’économie de lui soumettre un projet de message
aux Chambres jusqu’à fin octobre. Ce message sera
donc bientôt discuté par le Parlement. En substance,
31
la Nouvelle politique régionale met d’avantage
l’accent sur le potentiel de développement des
régions
et
moins
sur
les
infrastructures.
En
l’occurrence, cela se traduit par un soutien marqué à
la mise en réseaux et par une priorité à l’innovation.
Dans le cas de Neuchâtel, cela veut dire que la
Confédération soutient des projets comme Neode ou
le réseau urbain, qui sont pour nous exemplaires.
Pour moi, la question la plus importante au niveau
des
débats
politiques
est
de
savoir
si
les
représentants des différentes régions au Parlement
arriveront ou non à définir un consensus autour de
cette nouvelle politique régionale. Un des éléments
controversés est celui des allégements fiscaux, qui,
selon la décision du Conseil fédéral, devraient être
maintenus
pour
les
zones
qui
bénéficient
actuellement de ce qu’on appelle l’arrêté « Bonny ».
Vous pouvez vous en douter : après avoir suivi cet
exposé : je ne suis pas un défenseur des mesures
32
étatistes. Je suis même d’avis que de telles
interventions ne servent pas à grand chose si les
conditions-cadres ne jouent pas ! Mais je suis aussi
un pragmatique et il me paraîtrait notamment
intéressant que tous les cantons et la Confédération
se mettent d’accord sur la manière d’évaluer ces
politiques et leurs instruments. Cela permettrait de
mettre un peu plus de clarté dans un débat qui est
surtout marqué par les croyances et par les
passions. Nous nous devons de définir une politique
pragmatique qui nous amène au but visé : celui de
retour à la croissance de notre économie.
33
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