Vers une économie suisse plus dynamique Exposé de Jean-Daniel Gerber Secrétaire d’Etat devant la Société Neuchâteloise des Sciences Economiques et Sociales Neuchâtel, le 3 novembre 2005 La version orale fait foi 1. Comment évolue notre économie ? 1.1 Survol conjoncturel 2004-2005 L’année 2004 a été bonne pour l’économie suisse. Après trois années difficiles marquées par une quasi-stagnation, le produit intérieur brut réel a augmenté de 2,1%. La reprise conjoncturelle a été portée sur une large base: les exportations de marchandises et de services ont progressé vigoureusement, les dépenses de consommation des ménages, malgré les incertitudes économiques et la situation sur le marché du travail, étaient en hausse, de même que les investissements, en particulier ceux dans le bâtiment, qui ont été stimulés par une très forte hausse de la construction de logements. 2 En fin d'année 2004, la situation s'est dégradée quelque peu. Le moteur de la conjoncture suisse s’est mis à hoqueter au dernier trimestre 2004, suite au ralentissement ou à l'arrêt de la croissance chez nos voisins européens, et sans doute également suite à la baisse du dollar. En 2004, malgré le retour de la croissance économique, le marché du travail n'a pas encore connu d'embellie sensible. Confrontées à une conjoncture encore hésitante, les entreprises ont montré une certaine prudence en matière d’embauche. En moyenne annuelle, le taux de chômage en 2004 était de 3,9%, cette année 2005 il sera de 3,8%. Dans le indicateurs courant de l'année conjoncturels ont 2005, plusieurs progressé plus fortement que prévu. D'une manière générale, la 3 bonne tenue de l'économie suisse en 2005 a surpris beaucoup d'observateurs. Malgré la hausse qui s'est poursuivie du prix du pétrole, la très faible croissance dans plusieurs pays européens, la conjoncture suisse a repris le sentier de croissance. Le maintien à un très bas niveau des taux d'intérêt et du dynamisme de la croissance mondiale contribuent en 2005 aux relativement bons résultats de l'industrie suisse. Mais des facteurs particuliers, notamment la spécialisation par produits de nos exportations (pensons à l'industrie pharmaceutiques et à l'horlogerie de luxe) expliquent aussi les bons chiffres du commerce extérieur. 1.2 Les pronostics économiques 2006 Les perspectives à moyen terme confirment une dynamique conjoncturelle plutôt modeste, si l'on tient 4 compte du cadre général, qui devrait permettre une expansion plus solide. L'économie suisse terminera l'année 2005 dans les chiffres noirs. Les chiffres publiés vendredi dernier par le groupe d'experts de Confédération confirment l'amélioration modeste de la tendance, la croissance du PIB pour 2006 passant à 1,7 pour cent (contre 1,5% à la prévision de juin) . En Suisse, la Banque nationale suisse (BNS), qui a amorcé à la mi-2004 la normalisation du niveau des taux d’intérêt, n’a pas modifié fondamentalement jusqu'en automne 2005 l'orientation générale de sa politique monétaire qui reste expansive. Pour 2006, le niveau du prix du pétrole, les répercussions des coûts de l'énergie sur l'inflation et le degré de resserrement monétaire, qui sera nécessaire, représentent des facteurs d'incertitude importants. Les grands instituts de prévisions internationaux (OCDE, FMI, UE) prévoient 5 pour 2006 une légère accélération de l'expansion sur le contient européen. La Suisse pourra également en profiter. Un autre signe encourageant est que, malgré l’augmentation des prix du pétrole, l’inflation reste modeste. La hausse des prix de l'énergie est compensée par la baisse d'autres prix, notamment ceux de l'électronique (ordinateurs et machines de bureau, électronique de loisir par exemple). Le gain de concurrence sur les marchés mondiaux impliquent déjà aujourd'hui des ajustements vers le bas de certains prix. Ainsi, même si la conjoncture actuellement hésitante dans la zone euro – en Allemagne en particulier – s’avère préoccupante, la croissance mondiale restera élevée en 2006 et des opportunités sont à 6 rechercher à ce niveau, plus qu'au niveau européen. Nos entreprises l'ont en grande partie déjà compris. Quant aux entrepreneurs suisses, ils ont tendance à être pessimistes sur la croissance économique: Quand la récession est en cours, ils disent "cela va mal, la conjoncture s'enfonce dans une crise majeure". Quand l'économie croît à un rythme moyen, ils disent "cela ne peut qu'aller plus mal" et quand l'économie croît fortement, "il ne fait pas de doutes que les chiffres sont faux". Les enquêtes conjoncturelles du KOF le démontrent: Si les entreprises jugent que la situation est équilibrée, alors cela indique que la conjoncture est plutôt bonne, alors qu'il faut que l'indice soit plus de 10 points en dessous de l'équilibre pour que cela devienne un indicateur de mauvaise conjoncture. Une raison qui explique ce "scepticisme" réside 7 également, sans doute, dans le caractère encore fragile de la conjoncture sur le continent européen, Les évolutions conjoncturelles de ces dernières années nous apportent plusieurs enseignements pour la politique économique: - Premièrement, une fois de plus, on s'aperçoit à quel point l'économie suisse est dépendante de l'évolution économique en Europe. Cela n'a rien d'étonnant: Notre économie est très fortement imbriquée à celle de l’UE (60% de nos exportations vont dans l’UE, 80% de nos importations en proviennent, et nous avons avec cette zone économique un record de plus de 150 accords). Cette intégration si favorable à notre croissance économique dans le long terme doit être consolidée et garantie. Pour cela, nous venons de faire deux pas importants : le 5 juin, 8 avec la votation sur Schengen/Dublin, et le 25 septembre, avec la votation sur l'extension de la libre circulation des personnes. - Deuxièmement, la croissance mondiale en dehors de l'UE prend de plus en plus d'importance. Il nous faut donc nous assurer d'un accès non discriminatoire à ces économies dynamiques pour que les entreprises suisses puissent aussi profiter, à l'égal de leurs concurrentes, des nombreuses opportunités qui se présentent sur ces marchés d'outre-mer. - Troisièmement, le marché intérieur a confirmé qu'il était trop sclérosé pour être capable de fournir par lui-même les impulsions positives nécessaires à la stabilisation de l'emploi en Suisse ou à la relance de la conjoncture. Face à cette situation, pour 9 obtenir un marché domestique auto-porteur, un programme de marché intérieur complet est une contribution essentielle à la dynamisation de l'économie suisse. Ces trois thèmes méritent d'être approfondis les uns après les autres. C'est ce que je vais faire maintenant, en abordant tout d'abord notre intégration à l'UE, puis les accords de libre-échange avec des pays en dehors de l'UE et enfin le programme de réformes économiques du Conseil fédéral. 10 2. La Suisse et l'Europe Avec les deux victoires du 5 juin et du 25 septembre, la Suisse a fait deux pas très importants dans sa coopération avec l'Europe. Rappelons rapidement ce qui a été obtenu le 5 juin avec Schengen/Dublin : Schengen signifie tout d'abord un gain de sécurité du fait du raccordement au système SIS (plus de 12 mio de données sur des personnes et objets recherchés en Europe). Ensuite, Schengen signifie un gain économique pour deux raisons: • L'une d'elles, et non des moindres, est qu'avec Schengen la garantie du secret bancaire est inscrite dans un accord international pour tout ce qui a trait aux impôts directs. • Le visa Schengen représente un plus pour le tourisme, car le nombre 11 grandissant de touristes en provenance de pays en dehors de l'UE, comme la Chine, l'Inde ou la Russie, peuvent bénéficier d'un visa unique, valable pour toute la zone Schengen. Enfin, grâce à l’accord de Dublin, nous pouvons à la fois mieux aligner notre politique d’asile sur l’UE et par la même alléger le système d’asile suisse en empêchant les demandes multiples. La victoire du 25 septembre est encore plus importante car elle confirme une attitude très ouverte des partenaires sociaux. Notamment les syndicats en Suisse voient aussi, dans l’ouverture du marché de l’emploi, une chance pour l’économie suisse. Ils pensent peut-être à l’exemple de l’Allemagne et de la France, qui montre combien il est illusoire de croire que l’on peut créer des emplois en mettant sur 12 pied des programmes d’occupation décrétés par l’Etat. La situation de l’emploi a au contraire connu une évolution positive dans les pays européens qui ont de nouveau accordé plus de place au libre déploiement des forces productives. L’Irlande, la Suède et la Grande-Bretagne en sont de bons exemples : depuis des années, elles suivent la stratégie dite « de Lisbonne », c’est-à-dire l’agenda de réformes économiques et sociales de l’Union européenne1. Elles connaissent des taux de croissance supérieurs à la moyenne2 et des taux de chômage modérés3 – tout en étant les seules, parmi les Quinze, à avoir étendu sans délai transitoire la libre circulation des personnes aux nouveaux Etats membres. Cela ne leur a nui en rien, comme le 1 Suède : 1er rang ; Grande-Bretagne : 3e rang ; Irlande : 11e rang (source : The Lisbon Scorecard IV, Centre de la réforme européenne, 2005). 2 Taux de croissance annuel moyen du PIB en termes réels 1995-2004 : Irlande : 8,0 % ; GrandeBretagne : 2,9 % ; Suède : 2,8 % ; UE-15 : 2,2 % (source : Eurostat). En comparaison : Suisse : 1,3 % (source : BNS). 3 Irlande : 4,5 % ; Grande-Bretagne : 4,7 % ; Suède : 6,3 % ; UE-15 : 8,1 % (source : Eurostat). 13 montre l’année écoulée : il n’y a pas eu d’immigration massive en provenance d’Europe de l’Est. L’ouverture des marchés de l’emploi a manifestement créé une situation win-win dans l’Europe élargie – une situation dont profitent et les anciens et les nouveaux membres. Cela ne veut pas dire que le réseau d’accords bilatéraux qui nous lie à l’Union européenne est fixé une fois pour toutes. Même si la votation du 25 septembre s'est soldée par un succès, une autre possibilité de référendum viendra ! Au plus tard lors du prochain élargissement de l’Union européenne, avec l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. Il faudra adapter de nouveau l’accord sur la libre circulation des personnes. Et en 2009, le peuple suisse – selon les termes de l’accord – pourra voter une nouvelle fois, s'il le désire, sur le maintien de la libre circulation avec l’UE. La donne ne sera pas 14 fondamentalement différente de la situation actuelle. La voie bilatérale est, en d’autres termes, tout sauf assurée. Elle est semée d’obstacles qui demandent que nous avancions d’un pas ferme. Mais comme je l’ai dit au début : la voie bilatérale n’a jamais été facile et elle restera ardue. Nous devons nous accommoder du fait qu’elle est, pour l’instant, la seule voie possible pour la politique d’intégration de la Suisse et la seule qui puisse nous promettre quelque succès. Il serait faux pour autant d’en déduire que nous devons renoncer à envisager toute alternative. Le Conseil fédéral doit présenter un nouveau rapport sur l’intégration avant la fin de la présente législature, un rapport dans lequel il analysera et évaluera sans a priori les avantages et les inconvénients des diverses options de la politique européenne – y compris l’adhésion à l’Union européenne. Ce rapport déterminera quelle est, de 15 l’avis du Conseil fédéral, la manière la plus raisonnable de concevoir à l’avenir les relations de la Suisse avec l’UE. Je n’entends pas anticiper sur les résultats de ces réflexions. Mais il ne faut pas être un grand prophète pour prédire que l’adaptation des lois et des ordonnances suisses au droit communautaire – ou comme on dit si bien la « reprise autonome » de la législation européenne – restera un élément essentiel de la stratégie future de la Suisse. En effet, sans une harmonisation toujours plus grande avec les règles du marché unique européen, la Suisse perdrait inexorablement de sa compétitivité sur le plan international. J’y reviendrai. 16 3. La Suisse et le reste du monde Faire cavalier seul ouvre d’ailleurs à la Suisse des possibilités qu’elle n’aurait pas si elle était membre de l’Union européenne. Ainsi, elle peut mener une politique monétaire indépendante, adaptée à sa situation, ou encore défendre une position autonome et conforme à ses besoins au sein de l’OMC. Mais avant tout, elle est libre de conclure des accords commerciaux avec des partenaires de son choix et servant les intérêts des deux parties. J’aime à nommer cette liberté de conclure des conventions notre treaty making power. Quant à sa valeur, elle dépend principalement de notre habileté à l’employer. Ne pas appartenir au bloc commercial de l’UE signifie d’abord pour la Suisse qu’elle est tributaire d’un système d’échanges multilatéral efficace, qui protège les intérêts des petits pays face aux exigences des grandes puissances. Il importe pour 17 nous, en premier lieu, que l’OMC conserve son rôle de plate-forme mondiale de régulation des échanges internationaux de marchandises au profit de tous les participants. Le succès du cycle de négociations de Doha est essentiel pour notre pays. En règle générale, les positions défendues par la Suisse et par l’Union européenne dans ces négociations ne diffèrent pas fondamentalement – mais elles divergent tout de même assez souvent sur les détails. La Suisse est libre de mettre les priorités où bon lui semble et, parfois, de servir d’intermédiaire entre les intérêts opposés des grandes nations dans la recherche de compromis. Bien entendu, le succès des négociations a toujours pour prix une concession parfois douloureuse. Je suis cependant tout disposé à la concéder, car je sais qu’un échec du cycle de Doha nous reviendrait beaucoup plus cher à long terme. En tant que petite économie ouverte et dépendante des échanges internationaux, 18 la Suisse ne pourrait tout simplement pas supporter les conséquences d’un affaiblissement durable de l’OMC. Même si l’OMC demeure dans un avenir prévisible la base d’un système économique mondial efficace, ses règles ne sont en général que le plus petit dénominateur commun sur lequel ses membres ont pu s’entendre à l’issue d’âpres discussions. Il lui est impossible de satisfaire aux exigences de tous, d’autant moins lorsque ces exigences sont ambitieuses. Lorsque deux nations décident de commercer entre elles à un niveau supérieur au standard de l’OMC, elle peuvent conclure à cet effet un accord de libre-échange bilatéral ou plurilatéral. Longtemps, le libre-échange avec l’Union européenne et à l’intérieur de l’AELE a dominé la politique économique extérieure de la Suisse. Depuis les années 90, la Suisse a toutefois commencé, ensemble avec ses partenaires dans 19 l’AELE, à établir un réseau d’accord de libreéchange avec des partenaires hors UE. Dans un premier temps, l’AELE a essayé d'éviter toute discrimination par rapport à son concurrent principal – l’UE – sur les marchés des pays tiers. En d’autres termes, en parallèle avec l’UE qui négocie un accord de libre-échange avec un Etat tiers, la Suisse et ses partenaires de l’AELE n’hésitent pas à tenter de conclure de leur côté un accord avec cet Etat. C’est le cas avec une douzaine de partenaires, la plupart d’entre eux des pays de l’Europe de l’Est et du Sud-ouest est des partenaires du bassin Méditerranéen, mais aussi avec le Mexique et le Chili. l’AELE a commencé à viser la conclusion d’accords de libre-échange importants avec d’outre-mer, discriminations vis-à-vis d’autres afin d’autres partenaires d’éviter des concurrents majeurs, tels que les USA et le Japon. En même 20 temps elle peut obtenir un avantage concurrentiel par rapport à l’UE qui ne bénéficie pas, elle, d’un accord de ce type avec certains de ces partenaires. Font partie de cette catégorie l’accord de l’AELE avec Singapour, qui est déjà en vigueur, et celui avec la Corée du Sud, accord qui vient d’être conclu sur le fond récemment. Des accords avec la Thaïlande négociation, et le Canada tandis que sont des en cours de discussions exploratoires ont lieu avec l’Indonésie et le Conseil de Coopération des pays Arabes du Golfe. Les intérêts de la Suisse et ceux de ses partenaires de l’AELE ne se recouvrent cependant pas toujours. Dans ce cas-là, la Suisse procède d’une manière bilatérale. La Suisse a ainsi pris des contacts exploratoires avec les Etats-Unis et le Japon, en dehors du cadre de l’AELE, dans la perspective d’examiner la faisabilité d’un accord de libreéchange. 21 Si nous renforçons l’axe des accords préférentiels au sein de notre politique économique extérieure, c’est dans l’intention de diversifier nos relations économiques. Les Etats-Unis et le Japon sont nos débouchés les plus importants après l’Union européenne ; ils absorbent respectivement 10 % et 3,8 % de nos exportations. La Suisse réalise, avec ces deux pays, des excédents de la balance commerciale considérables, atteignant respectivement 8,5 et 2,5 milliards de francs (2004). La Suisse ne pourra tirer le meilleur bénéfice de la division internationale du travail que si elle réussit à créer un équilibre délicat entre les trois piliers de sa politique économique extérieure ; à combiner avec justesse une intégration raisonnable dans le marché communautaire, un renforcement de l’ordre économique mondial et un développement ciblé de l’accès préférentiel à des marchés importants en dehors de l’UE. Naturellement, cela requiert des 22 concessions. Il peut arriver que les concessions nécessaires dans le domaine des accords préférentiels soient incompatibles avec une plus grande intégration dans le marché communautaire. Il faut alors soigneusement peser les intérêts en présence. Ce n’est pas toujours facile. Mais dans l’ensemble, je crois qu’une économie diversifiée et ouverte comme la nôtre n’a pas intérêt à mettre tous ses œufs dans le même panier. 23 4. Le programme de marché intérieur Finalement, l’évolution économique à long terme démontre qu'on ne peut plus compter sur nos seules exportations pour créer une dynamique économique suffisante pour la Suisse. Afin de stimuler la croissance, nous devons réformer notre marché intérieur, ce qui permettra également de créer de nouvelles places de travail et de soutenir la conjoncture de notre pays. Les secteurs proches de l'Etat sont particulièrement visés. Il est paradoxal qu'au moment même où nos accords de libre-échange s’étendent au-delà des frontières du continent, le morcellement du marché suisse subsiste. Le défi va au-delà de la simple révision de la loi sur le marché intérieur, car de nombreuses pratiques segmentent les marchés dans bien d’autres domaines encore. Je ne citerai que le cas 24 d'un monopole d’approvisionnement pour l’électricité, nouvellement introduit dans un canton romand, ou la liberté de contracter, toujours largement absente dans le domaine de la santé. C'est pour cela que le Conseil fédéral a lancé un premier programme de marché intérieur qui inclut, non seulement une révision de la loi sur le marché intérieur, mais aussi une révision de la loi sur les marchés publics, la nouvelle politique agricole, une loi sur l'approvisionnement en électricité, des réformes dans l'assurance-maladie et l'assuranceinvalidité, un allégement administratif, une cure d'amaigrissement pour la Confédération, des réformes continues dans le domaine de l'éducation, et d’autres encore. L'objectif du train de mesures du Conseil fédéral en faveur de la croissance est clairement d'augmenter 25 le taux de croissance de la productivité, en particulier du marché domestique. La nécessité d'un tel programme ne fait aucun doute face aux défis importants qui nous attendent pour financer les assurances sociales. Sans ces réformes, il est à craindre que les scénarios du seco, qui anticipent que la Suisse rétrogradera encore dans le classement selon le revenu par d’habitant, se réaliseront. Les économistes suisses ont largement confirmé les priorités données par le Conseil fédéral dans ce train de mesures. Selon un sondage d'Avenir Suisse auprès de 35 économistes spécialisés dans la croissance, la révision de la loi sur le marché intérieur, la nouvelle politique agricole et les réformes dans l'assurance-maladie viennent juste après l'élimination du déficit structurel de la Confédération et la stabilisation de la quote-part de 26 l'Etat comme étant les mesures les plus importantes capables de relancer la dynamique économique en Suisse. Je me plais à reconnaître que trois réformes importantes allant dans ce sens ont déjà été acceptées par le Parlement ou le peuple suisse: la nouvelle loi sur les cartels, le frein à l’endettement et la péréquation financière. Continuons sur cette lancée! Pour conclure, j’aimerais revenir brièvement sur mes pas et examiner une question: pourquoi ces réformes incessantes, faut-il vraiment accroître continuellement la concurrence ? Personne ne se frotte de son plein gré à une compétition impitoyable. Ni les individus, ni les entreprises n’en réclament davantage de gaîté de cœur. Un marché où règne la compétition est un marché difficile. Cela veut dire que, sur ce marché, il 27 y a aussi des concurrents, et que ces concurrents pourraient bien s’avérer meilleurs que nous et nous éliminer de la course. On comprend bien que, dans cette perspective, l’accroissement de la compétition n’entre pas dans les intérêts immédiats des entreprises, considérées individuellement. Gardons-nous cependant des jugements hâtifs ! Ce que je viens de vous exposer ne représente qu’un aspect de la question. Sans compétition, il n’y a pas d’économie performante et innovatrice. Souvenonsnous de l’Union soviétique : par manque de concurrence, son économie s’est sclérosée et a cessé d’innover. La suite est connue : le système a fini par s’écrouler de lui-même. L’autre aspect, c’est le fait que chacun d’entre nous profite de la concurrence, tous les jours et en toutes circonstances. Vous n’êtes pas seulement des 28 entrepreneurs, vous êtes aussi des clients. Et en tant que clients, grâce à la compétition et à la concurrence, vous recevez des produits et des services moins chers et de meilleure qualité. Si nous considérons les choses sous cet aspect, force est de constater que la concurrence est d’intérêt général. Or, il n’existe pas de lobby de l’intérêt général ! La collectivité n’a pas de groupes de pression pour défendre ses intérêts. C’est donc la tâche de l’Etat, et en particulier du seco, de veiller à ce que l’économie suisse soit confrontée à la concurrence, pour le bien de tous. Une fois les conditions mises en place, la concurrence peut déployer ses effets positifs pour l’ensemble de la population et pour chacun d’entre nous. 29 Pour terminer mon exposé j’aimerais revenir sur une autre facette de la concurrence, celle qui existe entre les régions et les territoires. Je sais que votre canton est particulièrement sensible à ce thème. Je reviendrai d’ailleurs en parler le 11 novembre à Neuchâtel dans le cadre d’une manifestation organisée par le réseau des villes de l’Arc jurassien et par la CTJ, si bien que je resterai très bref ce soir. Je crois qu’on peut constater, qu’à peu de choses près, les même facteurs de compétitivité sont valables pour les nations et les régions et que par conséquent des recettes comparables peuvent s’appliquer. Neuchâtel comme les autres cantons pourra profiter de l’ouverture du marché intérieur, mais je n’ignore pas que vous êtes plus que quiconque orientés vers les marchés lointains. Là, c’est la politique de la Banque nationale qui joue un rôle très important ; Monsieur Hayek ne manque pas de nous le rappeler régulièrement ! Vous avez donc 30 aussi un intérêt marqué pour la conclusion d’accord de libre échange avec ces pays plus éloignés et je peux aussi l’Horlogerie constater suisse que nous la Fédération accompagne de très régulièrement lors de nos missions à l’étranger. Le seco est aussi responsable de la politique régionale. Suite à l’introduction prochaine de la nouvelle péréquation et de la nouvelle répartition des tâches entre les cantons et la Confédération, cette politique régionale est fortement remise en question, notamment par les cantons qui seront amenés à payer beaucoup plus au pot commun de la péréquation. Le Conseil fédéral a pris récemment la décision d’aller de l’avant et a chargé le Département fédéral de l’économie de lui soumettre un projet de message aux Chambres jusqu’à fin octobre. Ce message sera donc bientôt discuté par le Parlement. En substance, 31 la Nouvelle politique régionale met d’avantage l’accent sur le potentiel de développement des régions et moins sur les infrastructures. En l’occurrence, cela se traduit par un soutien marqué à la mise en réseaux et par une priorité à l’innovation. Dans le cas de Neuchâtel, cela veut dire que la Confédération soutient des projets comme Neode ou le réseau urbain, qui sont pour nous exemplaires. Pour moi, la question la plus importante au niveau des débats politiques est de savoir si les représentants des différentes régions au Parlement arriveront ou non à définir un consensus autour de cette nouvelle politique régionale. Un des éléments controversés est celui des allégements fiscaux, qui, selon la décision du Conseil fédéral, devraient être maintenus pour les zones qui bénéficient actuellement de ce qu’on appelle l’arrêté « Bonny ». Vous pouvez vous en douter : après avoir suivi cet exposé : je ne suis pas un défenseur des mesures 32 étatistes. Je suis même d’avis que de telles interventions ne servent pas à grand chose si les conditions-cadres ne jouent pas ! Mais je suis aussi un pragmatique et il me paraîtrait notamment intéressant que tous les cantons et la Confédération se mettent d’accord sur la manière d’évaluer ces politiques et leurs instruments. Cela permettrait de mettre un peu plus de clarté dans un débat qui est surtout marqué par les croyances et par les passions. Nous nous devons de définir une politique pragmatique qui nous amène au but visé : celui de retour à la croissance de notre économie. 33