Les origines du parlementarisme européen ? – Les cortes de León

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L’union du peuple pour rétablir la démocratie, en libérant la France de la prétendue union européenne, de l'OTAN et de l'euro
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Les origines du parlementarisme européen ? – Les cortes de León de
1188
La longue conquête des droits individuels et collectifs
Le 15 juin dernier, l’Union populaire républicaine publiait sur son site officiel un article à l’occasion du huit-
centième anniversaire de la Magna Carta Libertatum, document signé le 12 juin 1215 par le roi d’Angleterre Jean
sans Terre [1]. Sous la pression de son aristocratie, le souverain assurait par ce texte un certain nombre de libertés
fondamentales, tant d’un point de vue individuel que collectif, et permettait d’éviter, au moins en théorie, les abus
royaux et l’arbitraire du pouvoir central à l’égard des villes et des hommes libres du royaume. François Asselineau
s’interrogeait également sur la postérité de ce texte, à l’heure où l’actuel premier ministre britannique, David
Cameron, en célébrait l’anniversaire en compagnie de la reine Élisabeth II dans la localité de Runnymede, dans le
Surrey.
Alors même que le chef du gouvernement, réélu en mai 2015, a promis à ses électeurs un référendum sur le
maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne, la situation des droits politiques fondamentaux dans
nos pays est plus que jamais d’actualité. Sous couvert de sécurité et de lutte contre le terrorisme, les instances
européennes bafouent en effet chaque jour un peu plus les libertés individuelles des citoyens dont elles ont la
charge :
favorisant par exemple la multiplication des caméras de surveillance ;
collaborant systématiquement avec les services secrets américains dans l’espionnage des communications
et des correspondances ;
persécutant ou menaçant d’arrestation tous ceux qui osent s’opposer à Washington et en révéler les
pratiques les moins avouables (à l’image d’Edward Snowden ou Julian Assange) ;
conduisant des politiques liberticides qui pourront aboutir, à terme, au puçage des êtres humains ou à la
mise en place de mandats d’arrêt internationaux au pouvoir étendu, etc.
C’est ce que rappelle François Asselineau dans sa conférence sur l’Europe sécuritaire [2].
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Le premier ministre britannique, David Cameron, en compagnie de la reine du Royaume-Uni, Élisabeth II, et de
l’archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, à Runnymede, pour le 800e anniversaire de la Grande Charte des
Libertés d’Angleterre
Il rappelle au passage que ce détricotage patient et inquiétant des libertés publiques en Europe va à l’encontre des
évolutions historiques qui, dans de nombreux pays, ont contribué à l’établissement et au renforcement desdites
libertés.
Cette histoire a été semée d’embûches et les progrès faits en matière de protection de droits tels que le secret des
correspondances, une justice équitable ou l’inviolabilité du domicile ont souvent été lents, inégaux ou défaits avant
d’être repris et consolidés. La Magna Carta n’est ainsi que l’aboutissement d’une histoire entamée sous le règne
de Guillaume Ier le Conquérant (1066-1087), contrariée sous celui de Guillaume II le Roux (1087-1100), poursuivie
sous celui d’Henri Ier Beauclerc (1100-1135), etc.
De la même façon, d’autres pays européens ont, eux aussi, connu une amélioration progressive des libertés
publiques, tant individuelles que collectives, la plupart du temps par à-coups et dans des circonstances
particulières. C’est le cas d’un pays dont l’histoire est souvent méconnue des Français, l’Espagne, où, avant
même la fameuse Magna Carta anglaise, des droits importants furent accordés aux hommes libres dans le cadre
d’une institution promise à un grand avenir. C’est au sein du royaume de León, situé dans le Nord-Ouest du pays,
que cette innovation vit le jour au cours de l’année 1188.
Un contexte particulier : l’Espagne de la Reconquête
À cette époque, l’Espagne est encore fragmentée en une série de territoires chrétiens qui ont engagé, à partir de
722, la reconquête (Reconquista) du territoire ibérique sur les musulmans. Au Sud, l’empire almohade, dont la
capitale est installée à Marrakech, contrôle toute l’Andalousie actuelle mais aussi l’Estrémadure, les îles Baléares
et l’essentiel de la région de Valence. Les Portugais, déjà parvenus à Lisbonne, n’ont pas achevé l’unité de leur
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territoire. À l’Est du pays, la Couronne d’Aragon s’étend de Calatayud à Barcelone, tandis que la Castille et le
León se partagent l’Ouest du pays, la Navarre ne disposant que de la portion congrue, à la frontière avec la
France.
Une carte de la péninsule ibérique vers 1188.
Si tous ces royaumes ont conscience d’appartenir à la même patrie (le sentiment de « perte de l’Espagne » après
l’invasion arabo-musulmane étant patent), ils n’hésitent pas à guerroyer régulièrement les uns contre les autres. Ils
espèrent en effet obtenir la prééminence pour poursuivre la Reconquête à leur avantage et réaliser l’unité du pays
à leur bénéfice.
Les royaumes de León et de Castille [3] se fondent ainsi en une seule entité sous le règne de Ferdinand ier, en
1037, avant d’être à nouveau divisés, de 1065 à 1072. Les périodes d’union (1072-1157) et de séparation
(1157-1230) se succèdent jusqu’au mariage définitif des deux « frères ennemis », au XIII
e siècle. Tandis que
l’Espagne poursuit progressivement son unification, qui aboutira avec le règne des Rois catholiques (1474-1516) et
l’annexion de la Navarre (définitivement assurée dans les années 1520), la Reconquista offre un cadre
paradoxalement propice au développement de libertés individuelles et collectives.
Le système des fors
Afin de consolider et défendre les territoires repris aux musulmans, les souverains chrétiens sont en effet contraints
d’accorder des avantages à tous les hommes qui acceptent de repeupler ces terres et de les mettre en valeur.
C’est la grande époque des fueros, ou « fors », documents qui offrent aux nouveaux arrivants dans une zone
fraîchement reconquise la garantie de la propriété des terres exploitées. Ils définissent les relations entre ces
hommes libres et les seigneurs locaux mais aussi les modalités par lesquelles le souverain exerce son autorité sur
les régions qu’ils ont repeuplées. Les privilèges qu’ils promettent et établissent attirent nombre de paysans et
combattants hardis et ambitieux.
Ces derniers y voient l’occasion d’améliorer leur sort, de se débarrasser de pesantes créances ou même de se
voir pardonner des crimes en échange de l’occupation effective d’une exploitation. Les fueros accordés varient
beaucoup dans leur contenu, leur extension et leur régime juridique selon les époques et les royaumes. Les fueros
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du xve siècle ont ainsi peu à voir avec les cartas pueblas (chartes de repeuplement) des années 800.
Toutefois, tous ces textes ont en commun l’idée selon laquelle le pouvoir royal est le fruit de pactes avec sa
population et que lesdits pactes ne peuvent être violés impunément. Ils limitent aussi l’installation d’un système
féodal homologable au reste de l’Europe chrétienne, quand ils n’en empêchent tout simplement pas la constitution.
De fait, en Espagne, seuls les comtés catalans connaissent véritablement, au cours de leur histoire, la féodalité, le
pouvoir seigneurial étant partout ailleurs imparfait ou contrarié. Ces fueros assurent aussi la liberté des villes, qui se
constituent en communes aux droits étendus, de manière précoce par rapport aux autres pays européens. Ils
donnent également la possibilité à tout homme libre qui en aurait les moyens d’acheter un destrier et l’armement
lourd d’un chevalier pour devenir ce que l’historiographie espagnole nomme un caballero villano (« chevalier
roturier »).
Cette situation contraste avec celle de la France médiévale, par exemple, où seule la noblesse avait le privilège de
monter à cheval et de manier l’épée
Le système des fueros se maintient, avec d’importantes évolutions, même à l’époque de l’absolutisme, sous la
forme, par exemple, de « chartes royales de privilège » (cartas de privilegio reales). C’est ce que montre par
exemple cette charte accordée à la commune de Pegalajar, aujourd’hui située en Andalousie, par le roi Philippe II
en juin 1559.
À l’époque moderne, la survivance de ces fueros fait obstacle à l’unification du pays et à la promotion de l’égalité
des sujets puis des citoyens devant la loi et le roi. Partiellement abolis par les Décrets de Nueva Planta (1707),
sous le règne de Philippe V, ils sont définitivement abrogés au XIXe siècle – en 1841 pour la Navarre et en 1876
pour le Pays basque. Ils sont finalement repris sous une forme moderne avec la Constitution de 1978, actuellement
en vigueur, qui prévoit un régime spécial (dit « régime foral ») pour ces deux régions, dont les particularités
historiques sont reconnues.
Les fueros témoignent dans tous les cas de la vitalité des libertés individuelles et collectives dans l’Espagne
médiévale. Ils n’en constituent cependant pas la seule preuve. En 1188, près de trente ans avant la Carta Magna
anglaise, le royaume de León consacre par écrit une série de droits dont la plupart des citoyens européens
devraient pleinement jouir aujourd’hui mais qui sont limités, de jure et de facto, par les instances européennes.
L’innovation parlementaire de León
Lors de son couronnement, le roi Alphonse VII de Castille et du León (1126-1157), dit « l’Empereur », décide de
faire directement participer les représentants du peuple, notamment des bourgeois, aux cérémonies et aux
réjouissances, ce qui est une première dans l’histoire espagnole.
Son petit-fils, Alphonse ix du León (1188-1230), va aller encore plus loin, en particulier parce que les circonstances
vont l’y pousser. Le pouvoir royal léonais ou castillan est, à cette époque, nettement moins contesté que celui de
Jean sans Terre en Angleterre une trentaine d’années plus tard : les souverains des différents royaumes espagnols
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s’appuient sur la légitimité que leur donne la reconquête du territoire face aux musulmans. Le nouveau monarque,
toutefois, doit faire face à une situation instable sur ses frontières car il est en conflit avec son cousin Alphonse VIII
de Castille (1158-1214), lequel parvient à lui arracher plusieurs places fortes, comme Valencia de San Juan ou
Valderas. Alphonse ix se voit alors contraint de passer le pacte défensif de Huesca avec le Portugal, l’Aragon et la
Navarre. Il continue à mener en parallèle le combat contre l’Empire almohade dans le centre et le sud de la
péninsule ibérique mais subit une lourde défaite en juillet 1195 à Alarcos, dans l’actuelle Castille-La Manche.
Une miniature de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle représentant le roi Alphonse IX du León.
Les circonstances sont donc complexes pour Alphonse IX dès le début de son règne et le roi sait pertinemment
qu’il devra compter sur le soutien sans faille des élites, mais aussi de ses autres sujets. Il a notamment besoin de
renflouer les caisses du royaume et donc d’accentuer la pression fiscale sur les couches non privilégiées de la
population.
Par conséquent, il convoque lors de la première quinzaine du mois d’avril 1188, à la basilique Saint-Isidore de
León, le conseil royal (curia regia) afin d’obtenir de nouvelles levées d’impôts. La grande nouveauté de ce conseil
tient dans le fait qu’il est composé non seulement de la noblesse et de tous les évêques du royaume (dont celui de
Saint-Jacques-de-Compostelle, principale autorité religieuse du León), mais aussi des représentants des
principales villes concernées (León, Oviedo, Salamanque, Ciudad Rodrigo, Zamora, Astorga, Toro, Benavente,
etc.)
Ces bourgs jouissent à l’époque d’une grande prospérité grâce au réseau de foires dont ils constituent les nœuds
centraux, et le roi compte en profiter. Il doit toutefois composer avec les exigences des représentants du monde
urbain, auquel il accorde en premier lieu un élargissement des fueros octroyés en son temps par le roi Alphonse v
(999-1028).
Plus important encore, il reconnaît aux secteurs non privilégiés de la société léonaise un important nombre de
libertés individuelles et collectives. Il promet par ailleurs de respecter l’inviolabilité du domicile privé et le secret des
correspondances, dans un geste extrêmement avant-gardiste. Les bourgeois obtiennent aussi du roi qu’il ne puisse
déclarer la guerre ou signer la paix sans l’accord de son conseil et qu’il fasse systématiquement arbitrer par une
justice équitable et objective les différends entre représentants des trois ordres.
L’ensemble de ces droits sont couchés sur papier dans un embryon de « constitution » surnommé Magna Carta
léonaise (Magna Carta leonesa) et ils sont confirmés par des décrets royaux. Ces derniers trouvent leur
aboutissement dans la « constitution » accordée à la Galice en 1194.
Ce conseil royal de 1188 est généralement désigné sous le nom de « parlement de León » (Cortes de León) [4]. Il
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