Cie Après-midi Piscine 41 rue Ramus 75020 Paris 01 41 71 52 09 06 72 76 49 73 ACCORD DANS L'IMPULSION INITIALE hhhk ©Charles Rousselin Dʼaprès Franz Kafka Conception et mise en scène Géraldine Bourgue Diffusion / Nacéra Lahbib / 06 28 28 86 04 / [email protected] Imaginons un homme au seuil de la mort. En cet instant aussi précis qu'incertain, imaginons que le temps se dilate et que ce qui a constitué la part la plus vive, la plus réelle, de l'existence de cet homme à présent à l'agonie, peuple une dernière fois son esprit. Imaginons que cette part, essentielle, se présente sous la forme même des figures récurrentes de ses rêves, des motifs de son imagination, des récits inachevés qui hantent son journal : Un homme sonne chez son voisin tous les soirs pour venir se battre avec lui. Une souris chante son agonie sur un air d'Opéra. Un cheval traverse une ville, comme guidé par un invisible cavalier. Un père fait claquer ses bretelles en répétant : "je vais te déchirer comme un poisson ". Une gouvernante terrorise un enfant sur le chemin de l'école en le menaçant de dénoncer ses méfaits au professeur. Un singe discute de la condition humaine avec un journaliste. Une chasse à l'Homme, dans une famille : le père tient le rôle du chasseur, la mère sert de rabatteur, le fils est la proie. Et puis aussi : Un homme-choucas sort d'un cercueil et croasse : "kaafkaaa, kaafkaaa, kaafkaaa ... " Des soldats-fonctionnaires ou fonctionnaires-soldats. Une mariée sans marié qui tourne sous la neige comme dans une boule de cristal. Des berceaux vides. Et bien d'autres images. Imaginons que cet homme succombe d'une tuberculose du larynx dans le sanatorium de Kierling, le 24 juin 1924, n'ayant pas atteint l'âge de 41 ans. Imaginons que cet homme soit Frantz Kafka. Imaginons que son dernier souffle, le temps d'un spectacle, devienne aussi le nôtre. Kafka : genèse du projet " Le trou que l'oeuvre géniale a creusé par le feu dans ce qui nous entoure nous offre une bonne place où poser notre petit flambeau. C'est pourquoi l'oeuvre de génie est une source d'encouragement, d'un encouragement qui s'exerce d'une manière générale et ne pousse pas seulement à l'imitation. " Le journal 15 septembre 1914 À lʼorigine de ce projet, il y eut d'abord l'idée de travailler à une adaptation très libre et pour plusieurs comédiens, de La Lettre au Père, texte qui m'avait bouleversée. À cette occasion, je me suis replongée dans l'univers de Kafka, redécouvrant ses oeuvres majeures et découvrant également d'autres récits. Mais, la lecture des écrits autobiographiques (notamment la correspondance puis le Journal ) m'a fait dévier de mon projet initial. Peu à peu, j'ai été engloutie par la " machine" Kafka. L'aspect fragmentaire et prolifique, pour ne pas dire proliférant, de l'oeuvre, rhizomatique, selon Deuleuze-Guattari, m'a fascinée. Deux aspects, surtout, m'ont frappée : l'utilisation par Kafka de la parabole comme forme de narration mais sous une forme dénaturée, en quelque sorte, et l'inachèvement quasi systématique de ses récits. La parabole, pour reprendre une définition de Jean-Pierre Sarrazac dans La parabole ou l'enfance du théâtre est une comparaison en récit, elle aborde donc la vie par le détour d'une fable. Mais chez Kafka, la relation analogique est détruite, la parabole y glisse du statut de " similitude persuasive " à celui de " similitude énigmatique” . Au lieu de suivre sa première vocation qui est de nous éclairer, la parabole chez Kafka nous égare, nous déconcerte. Par ailleurs, bien que Max Brod se soit appliqué à construire après la mort de Kafka, une oeuvre cohérente, la plupart des grands récits de l'auteur sont marqués au sceau de l'inachèvement. Ils s'interrompent, restent inaboutis, en suspens. Heureusement, aujourd'hui, en ce qui concerne l'oeuvre kafkaïenne, la conception classique de l'inachèvement comme imperfection, manquement, s'est effacée, au profit d'une vision plus contemporaine d'un inachèvement qui devient une marque stylistique, presque un procédé. Les minuscules récits du Journal et des Cahiers in octavo sont, de ce point de vue, particulièrement significatifs. Ainsi, tour à tour carnet de notes et véritable laboratoire d'écriture, Le Journal est traversé par tous les thèmes, par tous les motifs, par toutes les figures et toutes les formes qui peuplent le reste de l'oeuvre. Tout cela m'a amenée à imaginer de travailler à une écriture scénique, en considérant cette source littéraire, non plus comme un texte à adapter, mais comme un matériau, une matrice. Toute proportion gardée, ma démarche s'apparente assez,(je l'ai découvert en chemin) avec celle de Félix Guattari qui projetait de faire un film (comme il l'explique dans Soixante Cinq Rêves de Frantz Kafka) non pas "sur" mais "de" Kafka. Il note, à propos de ce projet : {...} Il (Kafka) nous a laissé une oeuvre d'échec, une oeuvre éclatée. Il ne reconnaissait comme valables que quelques nouvelles comme Le Verdict ou La Métamorphose, et, pour l'essentiel, il a renié son oeuvre. Mais d'un autre côté, implicitement, il la reconnaît : certaines remarques nous montrent que ce qui l'intéresse, ce sont de toutes petites phrases, de toutes petites séquences." Puis plus loin : " Si nous voulons respecter ce qui nous semble être l'inspiration profonde du kafkaïsme, nous devons nous attacher à saisir les éléments moléculaires de l'oeuvre et à les traiter de toutes les manières dʼexpressions possibles ". Abandonnant tout espoir d'une adaptation théâtrale au sens traditionnel du terme, et partant du principe que toute tentative de représentation sera inévitablement une trahison, j'opte pour une démarche axée autour du processus, de la tentative. Car il me semble que ce qui affleure sans cesse à la conscience du lecteur de Kafka, c'est cette impossibilité à trancher, à déterminer une et une seule grille de lecture. Une lecture interprétative de ses textes, pour valable qu'elle soit, reste toujours en -deçà des possibles que nous ouvrent ses écrits. Dès lors, il semble bien que l'idée même d'une translation lecture-scène soit vouée à l'échec ; et c'est paradoxalement à la source de ce constat que je vais puiser un surcroît de liberté. Kafka en scène : la question esthétique " ... j'ai fermement accepté le côté négatif de mon époque qui m'est très proche, que je n'ai jamais eu le droit de combattre mais que j'ai eu le droit de représenter d'une certaine façon ; par ma naissance, je n'ai eu aucune part au peu de positif existant ni au négatif extrême qui bascule dans le positif. Je n'ai pas été conduit dans la vie par la main déjà bien déclinante il est vrai du christianisme, comme Kierkegaard, et je n'ai pu agripper, comme les sionistes, le dernier pan du vêtement de prière juif qui filait dans le vent. Je suis fin ou commencement." Les Cahiers in-octavo La nature énigmatique de ses récits (inachevés pour la plupart), la reconstitution posthume de son oeuvre, par Max Brod, le fait que l'écrivain Kafka ait été reconnu, d'abord, par les traductions qu'on a faites de ses oeuvres, tout cela, a permis une multiplication des interprétations, même les plus hasardeuses. Annexé par la plupart des grands courants de pensée du XXème siècle, au gré de toutes les lectures possibles (psychanalytique, métaphysique, religieuse, philosophique), on a fait de lui le visionnaire des bureaucraties politiques, des grands procès, des exterminations. Sur le plan littéraire, nombreux sont ceux qui se réclament de lui (Les Surréalistes, Sartre, Camus, Blanchot). Peut-être, le héros kafkaïen, avec son nom réduit à un simple K, inapte, de par sa subjectivité décalée et ayant pleinement embrassé lʼabsurdité du monde, incarne-t-il, pour l'éternité, l'anti-héros contemporain. Celui qui inaugure dans l'angoisse, les arcanes de la modernité. La liste des formes explorées par Kafka est immense : des récits, des contes, des nouvelles, des fictions animalières, des fables, des romans, des lettres. Et, rien que dans Le Journal et Les Cahiers in-octavo : des instantanés quasi photographiques, des sortes de Haikus, des aphorismes, des dialogues abstraits, des récits presque sous forme de problèmes arithmétiques, des récits interrompus, des notes introspectives, des notes biographiques, des récits de rêves, des récits qui s'apparentent au rêve. Mais la forme théâtrale à proprement parler (excepté quelques fragments et des projets de pièce) est absente. Pourtant, nombreux sont les hommes de théâtre à avoir lié leur travail à l'oeuvre de Kafka : Philippe Adrien avec Rêves, Dominique Pithoiset avec son Procès, Jean-luc Lagarce, bien sûr, qui a recyclé, en les intégrant à son procédé d'écriture, des passages du Journal, dans Nous les héros, et encore récemment Krzysztof Warlikowski, avec La Fin, présenté cette saison à l'Odéon. Je me souviens également d'un spectacle d'Isabelle Pousseur, Le géomètre et le messager, au Festival d' Avignon, en 1988, qui ne comportait presque pas de texte et naviguait dans l'univers du château. Il faut dire que l'oeuvre de Kafka est saturée de théâtre : rêves, références obsédantes, dialogues ... Force de conviction dirigée contre le lecteur Les Cahiers in-octavo Pour ma part, c'est sans doute l'aspect paradoxal, l'opacité d'une narration qui contraint le lecteur à déchiffrer une énigme dont les termes lui échappent sans cesse, et ce glissement permanent de l'Effrayant au Monstrueux et du Monstrueux au Grotesque qui me fascine. Mais structurellement, c'est la multiplicité des formes courtes qu'on peut déceler dans l'oeuvre, qui m'est apparue comme " familière ". C'est par cela que je me suis sentie invitée à tisser mon travail dans la trame de l'écriture Kafkaïenne. Héritier de Kleist, Flaubert et Dostoïevski, Kafka avait un idéal esthétique très rigoureux. La beauté de sa prose, repose en partie, sur le dépouillement de son vocabulaire. S'y développent « un imaginaire métaphorique animé par la volonté de saisir le sens de lʼaction des personnages » et qui n'est pas mis au service dʼune « lyrisation » de la prose romanesque, le recours fréquent à des répétitions à l'intérieur d'une phrase ou d'un paragraphe, ainsi que l'analyse Milan Kundéra dans Les testaments trahis. Par ailleurs, même si son désir d'être publié reste très ambigu, Kafka semble avoir une conscience aiguë des effets qu'il désirait produire sur le lecteur et du rapport qu'il entretenait avec lui ; un rapport de force, la volonté de déjouer le fil naturel des attentes de celui-ci, attentes qu'il devance, pour mieux les décevoir et affirmer par ce biais la singularité de sa propre subjectivité, son étrangeté au monde et aux autres. Traversant l'oeuvre à la recherche d'un matériau à métaboliser, mais considérant aussi certains passages comme de véritables didascalies, de véritables pistes dramaturgiques, j'ai commencé à sélectionner un choix de textes qui nous guideront dans notre recherche.1 Dans le travail, ce corpus (Les lettres à Félice et à Miléna, La Lettre au Père, Le Journal, Les cahiers in octavo) sera considéré non pas comme texte à dire, matière à proférer, (même si certains passages, sans doute, garderont cette forme) mais comme un matériau à transcrire scéniquement, afin de restituer ce qui nous semble être, au-delà de l'anecdote, des images primordiales, des séquences, des cellules. Nous chercherons alors à nouer entre-elles des rapports de continuité ou de discontinuité, et nous pourrons y associer également des images ou des références plus personnelles. 1 * Voir sélection de textes à la fin du dossier Accord dans l'impulsion initiale : projet de spectacle L'aspect de la scène très simple qui aussi muette que nous attend les acteurs. Comme elle devra suffire à tous les événements, avec ses trois murs, sa chaise et sa table, nous n'attendons rien d'elle ; au contraire, nous attendons les acteurs de toutes nos forces et c'est pourquoi nous sommes irrésistiblement attirés par les chants qui derrière les murs vides, préludent à la représentation. Le Journal, 6 octobre 1911 Certains aspects de l'oeuvre de Kafka (l'importance du fragment, le recours à la parabole, la récurrence de certains thèmes, etc.) m'ont donc semblé ouvrir un champ de réflexion particulièrement fertile autour d'un matériau propice à la pratique de formes théâtrales auxquelles je suis sensible. Celles qui s'appuient sur l'improvisation, le travail de groupe, la transversalité et l'exploration de figures stylistiques telles que, l'abolition de la fable, la déconstruction, la répétition, la variation, l'ellipse, le collage, le sampling, etc. ... C'est donc ainsi qu'est née l'idée de travailler sur de simples fragments, de les " travailler " au sens littéral, de rendre compte, par leur juxtaposition, de ruptures et de continuités présentes dans l'oeuvre de Kafka et qui peuvent se développer à l'infini. De part la nature du projet, j'ai choisi de diversifier les formes d'expression mises en jeu sur scène, en convoquant danse, vidéo, musique et jeu. Premièrement cela nous permet de multiplier les approches autour de différentes dimensions de l'oeuvre, deuxièmement, la question du dispositif - celui-ci considéré comme vecteur d'une représentation scénique de l'oeuvre de Kafka - devient centrale. Je ferai donc appel à un vidéaste, un danseur-chorégraphe et un ingénieur du son. Chaque discipline sera d'abord considérée comme un espace clos. Un univers étanche dont nous allons délimiter le territoire. Nous allons d'abord constituer une sorte de "palette" d'images, de sons, de gestes, de mots en référence et en associations aux textes que j'ai déjà sélectionnés. Puis nous créerons des interférences, des dialogues, des passerelles. L'essentiel étant que le Théâtre soit le point de fusion de ces différentes disciplines. L'objectif est de créer des glissements d'une scène à une autre, d'un personnage à un autre, d'une scène à une séquence vidéo, d'un élément sonore à une mélodie, d'une mélodie à une phrase etc... des collusions, des récurrences, des variations, des échos. Mais des relais aussi, une même unité narrative, pouvant être prise en charge, de manière éclatée, par plusieurs disciplines. Ainsi, convoquer un mode de création et des outils qui sʼaffirment clairement dans une perspective esthétique d'aujourd'hui, pour les mettre en rapport avec lʼunivers de Kafka, cʼest faire le pari dʼun traitement théâtral et contemporain de l'écrit kafkaïen. Or, Kafka, en dehors de très brefs récits dialogués, nʼa jamais écrit une seule ligne de théâtre et se réclamait dʼune tradition littéraire plongeant ses racines dans la littérature du XIXème. Considérant donc ces paradoxes liés, tout autant, à la place particulière qu'occupe Kafka dans l'histoire de la littérature qu'à certains mécanismes en jeu dans les pratiques contemporaines, Accord dans l'impulsion initiale, dans son aboutissement, portera la marque de nos choix et du chemin que nous emprunterons au cours du travail : restituer certains aspects essentiels de l'oeuvre, ou se laisser engloutir par le dispositif. Hypothèses de travail Séquence I Scène vide, noir Bande son : une série de coups de marteau répétés à des intervalles irréguliers (sons extraits de Pour en finir avec le jugement de Dieu, A. Artaud) se fait entendre, par moments. Puis, le silence. Alternativement. La voix d'un homme demande en allemand " c'est fait ? " (Son extrait d'un enregistrement de l'opéra de quat'sous) "Gemacht ?" La série de coups de marteau s'interrompt et reprend. Cet enchaînement sonore (coups de marteau - silence- coups de marteau -voix d'homme silence - coups de marteau) continue jusqu'au son suivant. Projetée sur le mur du fond, l'image floue d'un grand bâtiment qui peut évoquer un château, une pension de famille ou un hôpital à flanc de montagne, entouré de sapins, se précise, peu à peu. Il s'agit d'un cliché en noir et blanc, filmé. Le film, offre un montage d'angles et prises de vue différentes qui vont s'accélérant par moments. Une comédienne entre en scène, lentement, se dirige vers l'avant scène. Elle entend les coups de marteau, elle regarde un moment l'image sur l'écran. Elle n'est éclairée que par la projection de l'image ... Très émue, la comédienne annonce la mort du Dr Kafka (d'après l'article de Miléna qui annonce la mort de Kafka) Son qui évoque un train qui passe à vive allure (Son travaillé, non réaliste) Noir Séquence II Boucle au violon (sample) Un cercueil au centre du plateau. La mère, le père, la Soeur autour. La soeur prononce une phrase en Yiddish. La mère fait comme si elle n'avait rien entendu. Colère du père qui fait claquer ses bretelles. Pendant toute la scène qui suit, en plus de la boucle jouée au violon, vont successivement se rajouter d'autres sons et boucles : un motif joué au piano en direct et sur la bande deux accords joués par un pupitre de violons. La phrase en allemand " Gemacht ? " Un son vocalisé chanté par une chanteuse lyrique et finalement, une boucle rythmique. Deux comédiens incarnent deux personnages (inspirés des Aides du Château) entrent en scène et se chamaillent pour lire le premier testament de Kafka destiné à Max Brod, dans lequel il lui demande de brûler tout ce qu'il a écrit. Ils se chamailleront ensuite sur la manière de mettre en oeuvre cet autodafé. Apportant des piles de manuscrits sur scène et tentant de les faire flamber. La soeur émue recommence à parler en Yiddish. La mère essaie de la faire taire, elle est toujours un peu crispée. Le cercueil s'ouvre, un homme avec une tête de choucas, sort du cercueil. Le père très en colère : « qu'est ce qu'elle a cette grosse dondon ? Pas de jargon, ici ! Moi qui me suis saigné aux quatre veines pour mes enfants, voilà la récopense ! » Extraits nspirés d'extraits de la lettre au Père Le choucas traverse la scène de part en part, agitant ses bras comme des ailes et crie « Kafka ! Kafka ! Kafka ! » en imitant le croassement d'un corbeau. Assez longtemps, suffisamment pour qu'on s'en lasse. Le père hurle à son fils : « Je vais te déchirer comme un poisson ! » (Cette menace sera reprise très souvent à l'encontre du fils par le père, au cours du spectacle, jusqu'à ce que le fils crache un filet de sang, signe qu'il est effectivement déchiré). III Lʼentrepôt (Voir le texte où Hans et Amalia les enfants du boucher jouent aux billes devant un entrepôt) Un homme seul sur le plateau vide, il fume peut-être. Grand manteau genre cache poussière, on distingue mal son visage. Sur l'écran, les images d'une déambulation subjective dans un jeu vidéo, ambiance d'entrepôt, glauque, montées avec d'autres images de jeux vidéos "innocents" de type jeux d'adresse ou jeu de niveau (ex : Mario Bross). Au son, tout d'abord le dialogue de deux jeunes enfants qui jouent aux billes, paroles parfois chuchotées, ou éclats de voix, parfois aussi. Puis l'homme s'adresse depuis la scène aux enfants et dialogue avec la bande son. La chronologie du dialogue écrit par Kafka ne sera sans doute pas respectée et des répétitions, des inversions, auront lieu par rapport au texte initial. A partir d'un moment, même la voix du comédien sera présente dans la bande son et le comédien sur scène écoute la scène avec satisfaction. « - Venez, enfants, venez. Avez-vous déjà vu un entrepôt ? - Non! - Mais maintenant, venez, il est grand temps. - Comment allons-nous entrer ? - Je vous montrerai la porte. Vous n'aurez qu'à me suivre, je m'en vais maintenant vers la droite et je cognerai à chaque fenêtre. Voici la porte. Attendez un instant, je vais ouvrir les portes intérieures. - Connaissez-vous notre père ? - Les portes sont ouvertes, allons, venez ! Vite, vite ! - Connaissez-vous notre père ? - Non, mais venez, venez donc. Je n'ai pas le droit de laisser les portes ouvertes aussi longtemps. - Il ne connaît pas notre père. - Mais je le connais tout de même, bien sûr que je le connais, le boucher, le grand boucher près du pont, je vais parfois chercher moi-même ma viande chez lui, croyez vous donc que je vous laisserais pénétrer dans l'entrepôt si je ne connaissais pas votre famille ? - Pourquoi as-tu dit d'abord que tu ne le connaissais pas ? - Parce que je n'ai pas envie de faire de longs discours ici, dans cette position. Venez d'abord, ensuite nous pourrons parler de tout. Du reste, toi, petit, tu n'es pas du tout obligé d'entrer, au contraire, j'aimerais mieux te voir rester dehors, mal élevé que tu es. Mais ta soeur est plus raisonnable, elle viendra et elle sera la bienvenue. - Hans, pourquoi ne veux-tu pas entrer ? - Il siffle tellement. - Pourquoi siffles-tu ? - A toi, Amalia, je te répondrai. J'ai de la difficulté à respirer, cela vient de mon séjour continuel dans cet entrepôt humide ; du reste, je ne vous conseillerai pas non plus de rester longtemps ici, mais pour peu de temps, c'est vraiment extraordinaire. - J'y vais! Mais il faut que Hans vienne aussi. - Naturellement ! Par ici, mon cher Hans ... - Mali ! Mali, va chercher mon père, va chercher mon père, je ne peux plus ressortir, il me tire trop fort. En même temps, pendant toute la séquence, on entend successivement et cycliquement le sifflement d'une respiration, des sons travaillés à partir de chocs de verres, des sons de vitres qu'on essuie, des sons de serrures et de portes en tôle qui s'ouvrent les unes après les autres et qu'on entend de plus en plus distinctement, un vêtement qui se déchire, des cris aigus d'enfants. Tous ces sons ne sont encore une fois pas vraiment identifiables ou du moins se déforment- ils au cours de leur répétition. Pendant toute la scène, quelques silhouettes traversent le plateau au lointain ou à l'avant-scène et saluent l'homme, ignorant le drame qui se joue pour nous. A la fin de la séquence, dans le silence, l'homme laisse échapper, une poignée de billes qu'il tenait en main. Fracas... IV Petite séquence de la souris qui siffle Une souris-cantatrice se poste à l'avant scène pour siffler son chant. Visiblement, elle est bléssée. Elle meurt en chantant-sifflant.. On ne sait pas très bien si elle meurt en sifflant ou si elle chante-siffle qu'elle meure, comme à l'Opéra, mais quoi qu'il en soit, ça dure et c'est suffisamment grotesque pour être drôle. Entre une autre souris en bleu de technicien qui, tout en évacuant la souris artiste, s'adresse au public : - On a tort de sourire du héros qui gît en scène, blessé à mort, et qui chante son air au théâtre. Nous passons des années à chanter en gisant. Distribution (en cours) Conception et mise en scène Géraldine Bourgue Assistanat à la mise en scène Jeanne Louvard Dramaturgie Jean-Baptiste Goureau Avec Elsa Cogan, Olga Grumberg, Natasha Mashkevich, Nicolas Piot, Rainer Sievert Scénographie et costumes Laurence Bruley Son et musique Mouloud Choutri et Géraldine Bourgue Vidéo Fabienne Breitman Lumière Pierre Peyronnet GERALDINE BOURGUE Metteur en scène, comédienne et musicienne, elle se forme à lʼEcole de la rue Blanche, ENSATT, avec Michel Boy, Jean-Christian Grinevald, Stuart Seide, Marcel Bozonnet ; puis au CNSAD dans les classes de Viviane Théophilides, Pierre Vial, Mario Gonzalez, JeanPierre Vincent et Daniel Mesguish. Parallèlement, elle poursuit un apprentissage musical et pratique le chant lyrique et le violon classique. Dès sa sortie du Conservatoire en 1991, elle participe activement à la création de Spectacles à vendre, un collectif de jeunes acteurs et metteurs en scène issus du Cnsad et du TNS, qui défend la création collective et lʼexploration formelle. Son travail de mise en scène et dʼécriture se poursuivra dans cette perspective jusquʼà aujourdʼhui. Cʼest dans ce contexte quʼelle écrit et met en scène Vive la mariée au Théâtre Paris-Villette en 1992. Lʼannée suivante, toujours au Théâtre Paris - Villette, elle crée S.D.F.- S.M.B. - S.O.S. qui sera notamment repris au Festival Off d'Avignon puis en tournée en France en 1995, La Carpe et le Lapin, dont elle compose aussi les chansons, présenté au Théâtre de la Commune d'Aubervilliers puis au Théâtre 140 à Bruxelles. Pour chacune de ses créations, elle organise un laboratoire dʼécriture axé autour de lʼimprovisation. Gentil nʼa quʼun Œil, crée aux Ateliers du Sapajou à Montreuil et Cadavres Exquis à la Mousson d'Eté, d'après Plate-Bande de Philippe Minyana, sont nés dʼexpériences similaires, menées avec de jeunes professionnels dans le cadre de son activité dʼenseignement, ou avec des comédiens amateurs. Jusquʼen 2009 et tout continuant sa carrière de comédienne, elle est assistante à la mise en scène et conseiller musical pour Le Mariage de Figaro de Beaumarchais mis en scène par Pierre Vial aux Rencontres Internationales de Haute Corse, Yacobi et Leidenthal de Anoch Levin mis en scène par Michel Didym au Festival dʼAvignon en Juillet 2000. Elle écrit, compose et interprète Dame X, spectacle musical qui sera présenté au Théâtre Paris - Villette. Elle met aussi en scène d'autres artistes : Rachida Khalil dans L'Odyssée de ta race rau Théâtre des Mathurins et Célia Réggiani et Frédéric Davério dans Ceci n'est pas un Tango, spectacle musical au Kiron Espace en 2010. En tant que comédienne, Géraldine Bourgue a joué au Théâtre, sous la direction de MarieJeanne Laurent, Mohamed Rouabhi, Michel Dydim, Pierre Vial, Laurent Vacher, Véronique Bellegarde, Claude Yersin, Philippe Honoré, Frédéric Constant, Gérard Desarthe, Guy Louret, Christophe Lutringer. Entre 2008 et 2010 et afin dʼenrichir ses compétences et son exploration en termes de recherche artistique, elle suit une formation musicale à lʼEcole Atla dont elle obtient le diplôme, au titre de La Formation Professionnelle aux Métiers des Musiques Actuelles en chant et en violon. Elle est également titulaire du certificat F.N.E.I.J.M.A. pour le titre de Musicien Interprète des Musiques Actuelles en chant. JEANNE LOUVARD, assistante à la mise en scène Elle intègre dès le début de ses études la compagnie universitaire Erynnies et participe à plusieurs créations collectives. Elle travaille sur des textes de Vaclav Havel, Eugène Durif, Jean-Michel Ribes, Joel Jouanneau, Delphine Padovan, Mohamed Rouabhi, Laurent Gaudé. Diplômée dʼun Master 2 Arts du spectacle mention études théâtrales en 2005 , elle rend un Mémoire portant sur la création du spectacle Le Tigre Bleu de lʼEuphrate mis en scène par Mohamed Rouabhi. Depuis elle a été son assistante sur Vive la France 1 et 2, dont elle a assuré la régie vidéo sur la tournée ainsi que sur la création de Darwich, joué à la Maison de la Poésie. En 2010 elle est assistante à la mise en scène pour la tournée du spectacle Stuff Happens de David Hare, mis en scène de William Nadylam et Bruno Freyssinet au Théâtre National Populaire de Villeurbanne et au Centre Culturel Boris Vian des Ulis. JEAN-BAPTISTE GOUREAU, dramaturge Né en 1963, ancien élève de lʼÉcole normale supérieure de Fontenay/Saint-Cloud, agrégé des Lettres, professeur en classe préparatoire littéraire, a été de 1994 à 2004 membre de la rédaction de la revue littéraire dirigée par Jean-Michel Maulpoix Le Nouveau Recueil (éditions Champ Vallon), où il a dirigé la rubrique consacrée aux arts et tenu une chronique de théâtre. Celle-ci a abouti à la publication dʼun essai de fiction critique sous le titre de Rappels / demiroman (Champ Vallon, 2001) qui porte sur les rapports du théâtre et de la mémoire au travers dʼune expérience de spectateur et de lecteur. À la suite de cette parution, il a participé au Bureau des lecteurs de la Comédie-Française entre 2001 à 2006, sous lʼadministration de Marcel Bozonnet. À cela sʼajoutent quatre éditions préfacées dʼœuvres dramatiques, ainsi que divers articles et contributions, tous liés au théâtre. OLGA GRUMBERG, comédienne Après une première formation au sein de lʼécole Pierre Debauche, Olga Grumberg poursuit sa formation de comédienne au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique dans les classes de Madeleine Marion, Catherine Hiegel et Jacques Lassalle. Elle joue au théâtre sous la direction de Georges Lavaudant (La Cour des comédiens, Cour d'honneur d'Avignon, Ulysse matériaux, Cabane de l'Odéon au quartz, Un fil à la patte de Georges Feydeau au Théâtre de l'Odéon) ; Laurent Gutmann (Œdipe roi de Sophocle), Bernard Sobel( La Fameuse Tragédie du riche juif de Malte de Christopher Marlowe), Jean-Michel Ribes (L'Enfant Do de Jean-Claude Grumberg et Jacques Rosner, et Souvenirs fantômes dʼArnold Wesker), Gloria Paris (Les Femmes savantes de Molière, La Fausse Suivante de Marivaux). Dernièrement elle a joué dans H.H de Jean-Claude Grumberg, et au Théâtre de Bussang lʼété 2008 dans Le Ravissement dʼAdèle de Rémi de Vos, mis en scène par Pierre Guillois. Parallèlement au Théâtre, Olga Grumberg joue au cinéma, dans Zone libre (2006) de Christophe Malavoy, dans Mon colonel (2006) de Laurent Herbiet, Je me fais rare (2006) de Dante Desarthe, ou encore Le Couperet (2004) de Costa-Gavras. NATASHA MASHKEVICH, comédienne Formée Conservatoire Royal de Bruxelles par Bernard Marbaix, Daniela Bisconti, Christine Delmotte et Hélène Theunissen ; Natasha Mashkevich pratique aussi la danse, le chant et lʼescrime. Elle parle et joue en français, anglais,russe, hébreu, espagnol et brésilien. Elle a joué notamment dans Récitals en russe et en français avec A. Von Siever et Ce nʼest pas moi cʼest donc ton frère de R. Cooney mis en scène par Jean-Paul Clerbois. Elle participe en 2007 aux « Rencontres à la cartoucherie créations collectives » au Théâtre de la Tempête. En 2007 elle se met en scène dans Les trois sœurs de A. Tchekhov au Vingtième ThéâtreParis. Plus récemment elle joue un monologue en Anglais dans The Moonshop Tape de Lanford Wilson dans une mise en scène Jordan Beswick et dans Deep Wivses /Shallow Animals de H. Barker, dans une mise en scène de Patrick Verchueren, en Anglais et en Français à lʼ English Theater à Berlin, à La Fabrique Ephéméride et Gare au Théâtre. Au cinéma, elle joue le rôle de Mme Starzynski avec Kristin Scott Thomas, dans Elle sʼappelait Sarah, de Gilles Paquet-Brenner. Elle joue également dans des courts-métrages et des téléfilms. NICOLAS PIOT, comédien Il se forme au Conservatoire dʼArt Dramatique dʼAubagne dans la classe de Michel Lebert, puis ,dans le cadre dʼune année de formation professionnelle au Théâtre des Ateliers Alain Simon à Aix -en -Provence. Il intègre en 2003 les classes de Jacques Bellay et Thierry Vincent au Théâtre National de Nice. Il a joué notamment dans Dernière extrémités, texte choisi, dʼaprès La plus grande pièce du monde (Théâtre du Rond-Point – Paris) de Jean Michel Ribes & les Ecrivains Associés de Théâtre, dans une mise en scène Heyliett Brian. Il joue Marius dans Fanny de Marcel Pagnol, mise en scène René Narval, puis, intègre la compagnie Voix Silence, dirigée par Didier Dupuis. Il jouera les rôles dʼOctave dans Les fourberies de Scapin de Molière, Monsieur Robert et Léandre dans Le médecin malgré lui de Molière, Maître Simon, Maître Jacques et Seigneur Anselme dans LʼAvare de Molière. Il quitte récemment la région Paca pour sʼinstaller en région parisienne où il rencontre la compagnie Théâtre de la Forêt, dirigée par Marc Debono. Il a joué récemment le rôle de Louis dans Partance de Stefan Zweig, d'après la nouvelle Le voyage dans le passé mise en scène Marc Debono au Théâtre de Ménilmontant à Paris et participe en tant que comédien aux Cabarets-Lectures dirigés par Marc Debono. RAINER SIEVERT, comédien Après une formation à l'Ecole internationale de mimodrame Marcel Marceau à Paris en 1987 et un diplôme d'acteur de la Hochschule für Musik und Theater à Hannovre en Allemagne obtenu en 1993 , Rainer Sievert sʼinstalle en France. Il travaille avec Ariane Mnouchkine (La ville parjure ), Serge Noyelle (Rêves de gare, Les Cerbères), Christophe Rauck (Comme il vous plaira de W. Shakespeare) , François Kergourlay (Le tour du monde en 80 jours de P. Kohout, dʼaprès J. Verne) , Jean Maisonnave ( Les trompettes de la mort de Tilly) ; et plus récemment avec Matthew Jocelyn ( Dans lʼintérêt du pays de T. Wertenbaker) et Paul Golub (La puce à l'oreille de G. Feydeau). Parallèlement, il collabore avec l'auteur Marc Wels et met en scène France-Allemagne, Les Aventures de François Berrone de et avec M.Wels, Les derniers jours de l'humanité de K.Kraus. Au cinéma il a notamment joué dans plusieurs longs-métrages, Hallai police dʼEtat de Rachid Dhibou, Les femmes de lʼombre de Jean-Paul Salomé, L'armée du crime de R o b e r t Guédiguian. LAURENCE BRULEY, scénographe et créatrice de costumes Elle intègre en 1981 lʼÉcole Supérieure dʼArt Dramatique du T.N.S. en section Scénographie Création de Costumes, associant ainsi ses deux intérêts majeurs, le dessin et le théâtre. À lʼissue de ses études en 1983, elle débute son activité professionnelle. Sa rencontre avec Susan Buirge, chorégraphe américaine donne lieu à une fidèle collaboration (Des Sites 1984, Parcelle de Ciel 1985, Artémis 1988, Grand Éxil 1990, Le Jour dʼaprès 2001, l'Oeil de la forêt 2002, Soli 2005, A l'abri des vents, At a cloud gathering 2006). Mais son activité s'exerce surtout au Théâtre, elle signe à la fois les décors et les costumes notamment pour : Philippe Adrien (Rêves de Kafka 1985), LʼAttroupement 2 (La Résistible Ascension dʼArturo Ui 1986), Jean-Paul Wenzel (Le Théâtre Ambulant Chopalovitch 1992) , Sylvie Mongin-Algan (Le chien du jardinier 1988, Le Chandelier 1989, Pardaillan 1990, Fuente Ovejuna 1999), Slimane Benaissa (Les confessions d' un musulman de mauvaise foi 2004). Les costumes pour Jean-Louis Benoit (Le Procès de Jeanne dʼarc, veuve de Mao Tsé Toung 1986), Alain Milianti (Le Festin 1999), Eric Lacascade (Platonov 2002, Hedda Gabler 2005), Ahmed Madani (L'amante anglaise 2010). La scénographie pour Guy Freixe (Danser à Lughnasa 2003, Don Juan, Aprés la pluie, 2005, Kroum l'ectoplasme, 2008), Lisa Wurmser (La bonne Ame du Setchouan 2004, La Mouette 2006) et Benoit Lavigne (Adultères 2006, Baby Doll, nomination 2009 pour le Molière de la scénographie, Grand Ecart, 2010) PIERRE PEYRONNET, création lumière Diplômé de l'ENSATT en 1985, Pierre Peyronnet crée des éclairages aussi bien pour le Théâtre que pour l'opéra. A l'opéra de Bordeaux il réalise les lumières de Don Carlos et de Tristan et Iseult mis en en scène par Daniel Ogier et Cosi fan tutti par Jean- Louis Thamin. A Lausane, il participe à la création de La Flûte Enchantée sous la direction d'Armin Jordan mis en scène de Moshé Leiser et Patrice Caurier. Depuis 1998 il collabore étroitement avec Matthiew Jocelyn pour plusieurs spectacles : La Cecchina de Piccini, Reigen de Boesmans , La Clémence de Titus de Gluck , La Carmencita de Bizet. Au théâtre : Nightingale, Filsnat, Dans l'intérêt du pays, Macbeth, l' Architecte. A la Comédie Française, il travaille avec Pierre Vial ( Naïves hirondelles) et Nicolas Lormeau (L'Anne et le ruisseau, La tueuse, Le client sérieux). Il rencontre d'autres metteurs en scène avec qui il signe plusieurs créations : Armand Gatti, René Loyon, Jacques Kraemer, Michel Didym, Sophie Rappeneau, Olivier Cruveiller, Laurence Mayor, Catherine Anne. Dernièrement il a créé les éclairages de Julie, opéra en un acte de Philippe Boesmans d'après Mademoiselle Julie d'August Strindberg, mis en scène par Matthew Jocelyn et créé à la Scène Nationale dʼOrléans. MOULOUD CHOUTRI, musicien arrangeur Bassiste, contrebassiste, guitariste, il étudie lʼharmonie et lʼarrangement dans la classe dʼYvan Julien et la programmation musicale informatique à LʼIRCAM. Il suit parallèlement une formation en Mathématiques Générales au Conservatoire National des Arts et Métiers puis une formation d'informatique Java et sound-design, au sein d'un Master Multimédia. Il collabore avec Pierre-Marie Bonafos (P-mb Saxtet); Mohamed Rouabhi ( Vive la France), Géraldine Bourgue( Dame X), Edith Roux (Little B ; installation video) ; Patrick Coutin, Djizz et Peggy Ngo Yanga (Ginsburg, comédie musicale). Il a travaillé en tant que bassiste sur lʼalbum et les tournées du groupe Ragga et reaggé Legalizik ; et sur lʼalbum slam de Ucoc. `Il réalise par ailleurs des « jingles » pour France Culture et Radio Nova, et a collaboré en tant que sound-designer sur le CD-Rom : E=M6. A partir de 1998 il enseigne l'informatique Musicale au CRD de Pontault -Combault . Il est formateur et responsable pédagogique à Canal 93 à partir de 2002. SELECTION DE TEXTES (provisoire et non exhaustive) Franz ne peut pas vivre. Franz n'a pas la capacité de vivre. Franz ne sera jamais en bonne santé. Franz va bientôt mourir. Il est certain que la chose se présente ainsi : nous sommes tous en apparence capables de vivre parce que nous avons eu un jour ou l'autre recours au mensonge, à l'aveuglement, à l'enthousiasme, à l'optimisme, à une conviction ou à une autre, au pessimisme ou à quoi que ce soit. Mais lui est incapable de mentir, tout comme il est incapable de s'enivrer. Il est sans le moindre refuge, sans asile. C'est pourquoi il est exposé là où nous sommes protégés. Il est comme un homme nu au milieu des gens habillés. Ce qu'il dit, ce qu'il est, ce qu'il vit n'est même pas la vérité. C'est une manière d'être qui est déterminée, qui existe en elle-même, débarrassée de tout l'accessoire, de tout ce qui pourrait l'aider à qualifier la vie –beauté ou misère, peu importe. Et son ascétisme est totalement dépourvu d'héroïsme, ce qui le rend, à vrai dire, plus grand et plus noble. Ce n'est pas un homme qui construit son ascétisme comme un moyen d'accéder à un but, c'est un homme qui est contraint à l'ascétisme par sa terrible lucidité, par sa pureté, par son incapacité à accepter le compromis. Extrait d'une lettre adressée par Milena Jesenska à Max Brod en août 1920 Le Dr Kafka, écrivain de langue allemande qui vivait à Prague, est mort avant-hier au sanatorium de Kierling, près de Klosterneuburg, dans les environs de Vienne. Ici, peu de gens le connaissaient, car c'était un homme qui savait et qui était épouvanté par la vie ; pendant des années, il a souffert d'une maladie des poumons et, bien qu'il la soignât, il l'alimentait aussi sciemment et l'entretenait dans ses pensées. " Lorsque l'âme et le coeur ne supportent plus le fardeau, alors les poumons en assument la moitié pour qu'au moins la charge soit à peu près également répartie ", a-t-il dit un jour dans une lettre, et c'est bien ainsi qu'il faut considérer sa maladie. Elle lui prodiguait un raffinement presque miraculeux et une subtilité presque effrayante à force d'intransigeance ; par contre l'homme lui-même cherchait à arrimer sur les épaules de la maladie tout l'effroi intellectuel que lui inspirait la vie. Il était timide, scrupuleux, paisible et bon, mais il écrivait des livres cruels et douloureux. Son monde grouillait de démons invisibles qui détruisent et déchirent l'homme sans défense. Il était trop clairvoyant, trop sage pour être capable de vivre, trop faible pour se battre comme le font les êtres nobles et beaux, ne se refusant pas au combat par crainte des malentendus, des méchancetés, du mensonge intellectuel, persuadés par avance, cependant, qu'il sont impuissants et se soumettant enfin de manière à faire honte au vainqueur. Il connaissait les hommes comme seuls en sont capables des êtres affectés d'une grande sensibilité nerveuse, ces solitaires, ces voyants qui touchent à la prophétie et qui percent à jour un visage à peine entrevu. Sa connaissance du monde était insolite et profonde, lui qui, à lui seul était un monde insolite et profond. Il est l'auteur des livres les plus remarquables de la jeune littérature allemande ; on y lit la lutte de la génération actuelle dans le monde, mais sans déformation. Ils sont vrais, nus et douloureux, de sorte que même là où ils s'expriment par symboles, ils sont presque naturalistes. Il sont pleins de la moquerie sèche et de l'étonnement sensible d'un homme qui a vu le monde avec tant de clairvoyance qu'il n'a pu le supporter, qu'il dût mourir, ne voulant pas battre en retraite et chercher, comme d'autres l'ont fait, le salut dans je ne sais quelles erreurs intellectuelles inconscientes, si nobles fussent-elles ... ... Tous {ses} livres décrivent les horreurs de secrets malentendus et de culpabilités involontaires entre les êtres. C'était un homme et un artiste doué d'une conscience si aiguisée qu'il entendait même là où les autres, les sourds, se sentent en sécurité. Extrait de Vivre de Milena Jesenska ed Lieu Commun Mon très cher Max, ma dernière volonté : tout ce qui se trouve dans ce que je laisse derrière moi (donc dans la bibliothèque, l'armoire à linge, la table de travail, chez moi et au bureau ou bien dans quelque lieu où cela aurait été transporté et tomberait sous tes yeux), tout, qu'il s'agisse de journaux intimes, de manuscrits, de lettres (écrites par moi ou par d'autres), de dessins, etc., doit être totalement brûlé sans être lu, de même tous les textes et tous les dessins que toi ou toute autre personne à qui tu devras les demander en mon nom pouvez détenir. S'il est des lettres qu'on refuse de te remettre, il faudra au moins qu'on s'engage à les brûler. Ton Franz Kafka Mon cher Max, peut-être ne me relèverai-je plus cette fois; il est fort probable qu'après ce mois de fièvre pulmonaire une pneumonie se déclarera ; et même le fait que je l'annonce par écrit ne pourra pas l'empêcher, encore que cela ait quelque pouvoir. Voici donc dans cette éventualité ma dernière volonté au sujet de tout ce que j'ai écrit : De tout ce que j'ai écrit, seuls les livres "Verdict", "Soutier", "Métamorphose", "Colonie pénitentiaire", "Médecin de campagne" et le récit "Un artiste de la faim" sont valables (les quelques exemplaires de "Regard" peuvent rester, je ne veux donner à personne la peine de les mettre au pilon, mais rien ne doit être réimprimé). Quand je dis que ces cinq livres et ce récit sont valables, cela ne signifie pas que je souhaite qu'ils soient réimprimés et transmis aux temps futurs ; s'ils pouvaient au contraire être entièrement perdus, cela correspondrait entièrement à mon désir. Simplement, puisqu'ils existent, je n'empêche personne de les avoir, si quelqu'un en a envie. En revanche, tout le reste de ce que j'ai écrit (les textes imprimés dans des revues, les manuscrits, les lettres), dans la mesure où on peut mettre la main dessus ou les obtenir des destinataires (tu connais la plupart d'entre eux, il s'agit pour l'essentiel de [Milena], n'oublie surtout pas les quelques cahiers que [Milena] détient), tout cela, sans exception, doit être détruit, de préférence sans le lire (je ne t'empêche pas cependant d'y jeter un coup d'oeil, mais je préférerais toutefois que cela n'eût pas lieu; si tu ne le fais pas, personne en tous cas n'a le droit d'en prendre connaissance) - tout cela sans exception doit être brûlé, ce que je te prie de faire le plus tôt possible. Franz Testaments trouvés par Max Brod dans un tiroir après la mort de Kafka -1924) Rêves Rêve infrangible. Elle marchait sur la grand-route, je ne la voyais pas, j'étais assis au bord du champ à contempler l'eau du petit ruisseau. Elle traversait les villages, sur le seuil des maisons des enfants la regardaient venir puis la suivaient de yeux. Les cahiers In-octavo, page 19 Rêve déchiré. Un ancien souverain avait décidé par caprice qu'il fallait poster un gardien à côté des sarcophages dans le mausolée. Des hommes raisonnables avaient manifesté leur désaccord mais on avait fini par laisser faire le souverain sur ce point de détail, vu que ses prérogatives étaient ordinairement soumises à de multiples restrictions. Un invalide rescapé d'une guerre du siècle précédent, veuf et père de trois fils qui étaient tous morts au cours de la dernière guerre, se porta candidat. Il fut retenu et accompagné dans le mausolée par un vieux dignitaire. Une lingère les accompagnait, les bras chargés de différentes choses destinées au gardien. Jusqu'à l'allée qui conduisait directement au mausolée, l'invalide parvint à régler son pas sur celui du dignitaire en dépit de sa jambe de bois. Mais il se mit ensuite à peiner, toussota et commença à se frotter la jambe gauche. " Alors, Friedrich ! " dit le dignitaire qui avait pris un peu d'avance avec la lingère et s'était retourné. " J'ai la jambe qui me lance ", dit l'invalide en faisant une grimace, " un instant, ça va passer. " Les cahiers In-octavo, page 19 Au grenier Les enfants avaient un secret. Au grenier, dans un recoin au milieu du bric-à-brac accumulé depuis un siècle, un endroit où plus aucun adulte ne pouvait s'aventurer, Hans, le fils de l'avocat, avait découvert un inconnu. Il était assis sur une caisse appuyée contre le mur dans le sens de la longueur. Lorsqu'il aperçut Hans, son visage ne révéla ni frayeur ni étonnement mais simplement de l'apathie et il répondit au regard de Hans en posant sur lui ses yeux très clairs. Un grand bonnet rond en astrakan était enfoncé sur sa tête. Une grosse moustache barrait son visage. Il était habillé d'un grand manteau marron retenu par une large courroie qui rappelait le harnais d'un cheval. Sur ses genoux était posé un sabre court et recourbé, pris dans un fourreau qui brillait d'un éclat mat. Il était chaussé de bottes munies d'éperons, un pied était posé sur une bouteille renversée, l'autre était un peu tourné vers le haut, talon et éperon enfoncés dans le bois. " Va-t'en ", cria Hans lorsque l'homme avança lentement la main vers lui pour l'attraper, et il partit en courant vers les parties récentes du grenier, ne s'arrêtant qu'au moment où il sentit le linge mouillé étendu à sécher se plaquer contre son visage. Mais il ne tarda pas à revenir sur ses pas. La lèvre inférieure légèrement retroussée dans un signe de dédain, l'inconnu était toujours assis à la même place et ne bougeait pas. Hans s'avança prudemment pour essayer de voir si cette immobilité n'était pas une ruse. Mais l'inconnu ne semblait vraiment pas avoir de mauvaises pensées, il restait assis sans bouger, un peu apathique, dodelinant imperceptiblement de la tête. Hans s'enhardit alors à écarter un vieux pare-feu troué qui le séparait encore de l'inconnu et il s'approcha tout près de lui jusqu'à le toucher. " Tu es tout poussiéreux ! " dit-il étonné en retirant sa main noircie. " Oui, tout poussiéreux ", dit l'inconnu, rien de plus. Il avait une façon étrange de parler, si bien que Hans ne comprit les mots qu'après coup. " Je m'appelle Hans ", dit-il, " le fils de l'avocat, et toi tu es qui ? " " Ah ! " dit l'inconnu, " je m'appelle aussi Hans, je suis Hans Schlag, je suis un chasseur du pays de Bade et je viens de Kossgarten sur le Neckar. Vieilles histoires. " Les cahiers In-octavo, page 24 Hans et Amalia, les deux enfants du boucher, jouaient aux billes près du mur de l'entrepôt. Une grande bâtisse de pierre décrépite semblable à une forteresse qui, avec ses deux rangées de fenêtres pourvues de grosses grilles, s'étendait à grande distance sur la rive du fleuve. Hans visait prudemment, passait en revue la bille, le chemin et le trou avant de procéder au lancer, Amalia était accroupie près du trou et frappait impatiemment le sol de son petit poing. Mais soudain, tous deux laissèrent leurs billes, se levèrent lentement et regardèrent la plus proche fenêtre de l'entrepôt. On entendit un bruit, comme si quelqu'un voulait nettoyer l'un des nombreux petits carreaux, sombres et brouillés, qui composaient les fenêtres, mais l'essai ne réussit pas et la vitre fut brisée ; un visage maigre, souriant apparemment sans raison, se montra dans le petit rectangle avec des contours indistincts, ce devait être un homme, et dit : - Venez, enfants, venez. Avez vous déjà vu un entrepôt ? Les enfants secouèrent la tête, Amalia, toute animée, regarda l'homme tandis que Hans se retournait pour voir s'il y avait des gens dans les parages ; mais il ne vit qu'un homme qui, le dos courbé et indifférent à tout, poussait une carriole lourdement chargée le long du quai. -Dans ce cas, ce sera vraiment une surprise pour vous, dit l'homme avec ardeur, comme s'il lui fallait triompher par l'ardeur des circonstances défavorables qui mettaient entre lui et les enfants un mur, une grille, des fenêtres. - Mais maintenant, venez, il est grand temps. - Comment allons-nous entrer ? dit Amalia. - Je vous montrerai la porte, dit l'homme, vous n'aurez qu'à me suivre, je m'en vais maintenant vers la droite et je cognerai à chaque fenêtre. Amalia inclina la tête et courut à la fenêtre la plus proche, quelqu'un cognait réellement au carreau et continuait aux fenêtres suivantes. Mais tendis qu'Amalia obéissait à l'étranger et courait derrière lui sans y penser, un peu comme on court derrière un cerceau, Hans, lui emboîtait le pas lentement. Il n'était pas à l'aise, cet entrepôt qu'il n'avait jamais eu l'idée de visiter jusqu'à présent était sans doute tout à fait digne d'être vu, mais quand à savoir s'il était vraiment permis d'y entrer, l'invitation d'un quelconque inconnu n'en était pas une preuve suffisante. C'était même plutôt improbable, car si cela avait été permis, son père l'y eût certainement déjà conduit une fois, lui qui non seulement habitait tout à côté, mais encore connaissait tous les gens dans un rayon très étendu, était salué et bien considéré par tout le monde. Et l'idée lui vint soudain que cela devait s'appliquer aussi à l'inconnu ; il courut derrière Amalia pour s'en assurer et la rejoignit au moment où elle s'arrêtait - et l'homme avec elle - devant une petite porte de tôle pratiquée juste au-dessus du sol. C'était comme une grande porte de poêle. Une fois de plus, l'homme frappa sur une petite vitre à la dernière fenêtre, et dit : - Voici la porte. Attendez un instant, je vais ouvrir les portes intérieures. - Connaissez-vous notre père ? dit Hans aussitôt, mais le visage avait déjà disparu, et Hans dut remettre sa question à plus tard. On entendit alors quelqu'un ouvrir effectivement les portes intérieures. La clé grinça d'abord de façon à peine perceptible, puis de plus en plus fort à mesure qu'elle ouvrait des portes plus proches. L'épaisse muraille, qui ici était trouée, paraissait remplacée par de nombreuses portes serrées les unes contre les autres. Enfin, la dernière s'ouvrit à son tour en dedans, les enfants se couchèrent par terre pour pouvoir voir à l'intérieur et de là, ils aperçurent le visage de l'homme dans la pénombre. - Les portes sont ouvertes, allons, venez ! Vite, vite ! D'un bras, il maintenait toutes les portes de tôle contre le mur. Comme si d'avoir attendu à la porte l'avait fait un peu réfléchir, Amalia se faufilait maintenant derrière Hans, tout en le poussant en avant, car avec lui, elle aurait bien aimé entrer dans l'entrepôt. Hans était tout près de l'ouverture, il sentait le souffle froid qui en sortait, il ne voulait pas entrer, pas aux côtés de cet inconnu derrières toutes ces portes qui pouvaient être refermées, pas dans cette vieille maison immense et froide. Mais puisque déjà il était devant l'ouverture, il demanda : - Connaissez-vous notre père ? - Non, répondit l'homme, mais venez, venez donc. Je n'ai pas le droit de laisser les portes ouvertes aussi longtemps. - Il ne connaît pas notre père, dit Hans à Amalia, et il se releva ; il était comme soulagé, il n'entrerait sûrement plus maintenant. - Mais je le connais tout de même, dit l'homme en avançant encore un peu la tête dans l'ouverture, bien sûr que je le connais, le boucher, le grand boucher près du pont, je vais parfois chercher moi-même ma viande chez lui, croyez vous donc que je vous laisserais pénétrer dans l'entrepôt si je ne connaissais pas votre famille ? - Pourquoi as-tu dit d'abord que tu ne le connaissais pas ? demanda Hans qui, les mains dans les poches, s'était déjà tout à fait détourné de l'entrepôt. - Parce que je n'ai pas envie de faire de longs discours ici, dans cette position. Venez d'abord, ensuite nous pourrons parler de tout. Du reste, toi, petit, tu n'es pas du tout obligé d'entrer, au contraire, j'aimerais mieux te voir rester dehors, mal élevé que tu es. Mais ta soeur est plus raisonnable, elle viendra et elle sera la bienvenue. Et il tendit la main vers Amalia. - Hans, dit Amalia, tandis qu'elle approchait sa main de celle de l'étranger, pourquoi ne veux-tu pas entrer ? Comme Hans, après la dernière réponse de l'homme, ne pouvait plus alléguer de raison plausible pour expliquer son refus, il se contenta de dire tout bas à Amalia : " Il siffle tellement. " Et de fait, l'inconnu sifflait, et non seulement en parlant, mais même quand il se taisait. - Pourquoi siffles-tu ? demanda Amalia qui voulait servir d'intermédiaire entre Hans et l'étranger. - A toi, Amalia, je te répondrai. J'ai de la difficulté à respirer, cela vient de mon séjour continuel dans cet entrepôt humide ; du reste, je ne vous conseillerai pas non plus de rester longtemps ici, mais pour peu de temps, c'est vraiment extraordinaire. - J'y vais, dit Amalia, et elle se mit à rire, déjà tout à fait gagnée. Puis elle ajouta, plus lentement cette fois : - Mais il faut que Hans vienne aussi. - Naturellement, dit l'inconnu, il se trémoussa pour dégager son buste, se jeta sur Hans complètement pris au dépourvu, lui saisit les mains de façon à le faire tomber sur-lechamp et l'attira de toutes ses forces à l'intérieur du trou. - Par ici, mon cher Hans, dit-il, et il entraîna le garçon qui se débattait et criait à pleins poumons, sans égard pour la veste de Hans dont une manche s'en allait en lambeaux, déchirée par les arrêtes tranchantes des portes. - Mali, cria brusquement Hans - il avait déjà les pieds dans le trou, tant l'opération se faisait vite, en dépit de toute résistance - Mali, va chercher mon père, va chercher mon père, je ne peux plus ressortir, il me tire trop fort. Mais Mali, tout à fait déconcertée par l'attaque brutale de l'inconnu, un peu consciente aussi d'être coupable, car c'était bien elle qui avait provoqué le forfait jusqu'à un certain point, pleine de curiosité toutefois comme elle l'avait été dès le début, ne se sauva pas et s'accrocha aux pieds de Hans ... Le journal 20 avril 1916, page 459 Une erreur. Ce n'était pas ma porte que j'avais ouverte au bout du couloir. " C'est une erreur ", dis-je et je voulus repartir. Je vis alors l'occupant de l'appartement, un homme maigre et sans barbe, la bouche crispée, assis à une petite table où se trouvait seulement une lampe à pétrole. Les cahiers in-octavo page 64 Dans notre maison, cet infâme immeuble de banlieue, cage à lapin mâtinée d'indestructibles ruines médiévales, on a diffusé aujourd'hui, par ce froid et brumeux matin d'hiver, la proclamation suivante A tous mes colocataires. Je possède cinq fusils d'enfants qui sont accrochés dans mon placard, chacun à un clou. Le premier est à moi, pour les autres tout le monde peut venir s'inscrire ; si vous êtes plus de quatre, il faudra que les autres amènent leur propre fusil et le laisse dans mon placard. Car il faut de l'unité, sans unité on ne peut avancer. Du reste, je n'ai que des fusils impropres à tout usage, le mécanisme est cassé, le bouchon est arraché, et seuls les chiens claquent encore. Il ne sera donc pas difficile de se procurer d'autres fusils en cas de besoin. Mais au fond, je suis près, dans un premier temps, à accueillir même les gens sans fusil ; nous qui avons des fusils les protégerons, en les mettant derrière nous au moment décisif. Une tactique de combat qui s'est avérée payante face aux Indiens chez les premiers fermiers américains ; elle peut être tout aussi payante ici, vu que les conditions sont identiques. On pourra donc renoncer aux fusils avec le temps. D'ailleurs même les cinq fusils ne sont pas absolument nécessaires, et c'est uniquement parce qu'ils sont là qu'on les utilisera. Mais si vous ne voulez pas prendre les quatre autres, ils peuvent rester où ils sont. Dans ce cas je serai le seul à en porter, en tant que chef. Mais il est inutile qu'il y ait un chef, je vais donc aussi casser mon fusil ou le mettre de côté. Telle était la teneur de la première proclamation. Dans notre immeuble on n'a ni le temps ni l'envie de lire des proclamations et encore moins d'y réfléchir. Les petits papiers ne tardèrent pas à être emportés par le flot d'ordures qui, partant du grenier et enflé par tous les couloirs, dégringolent les escaliers, avant de venir heurter un courant en sens inverse venu d'en bas. Mais une semaine plus tard, parut une seconde proclamation. Colocataires ! Personne ne s'est encore manifesté. Je suis toujours resté chez moi, pour autant que me le permettait mon activité ; et lorsque j'étais absent, la porte de ma chambre était toujours ouverte et il y avait une feuille sur ma table sur laquelle tout le monde pouvait venir s'inscrire. Personne ne l'a fait. Les cahiers in-octavo page 64 Mon affaire repose entièrement sur mes épaules. Deux secrétaires avec machines à écrire et livres de compte dans l'entrée ; mon bureau avec une table, une caisse, une autre table pour les délibérations, un fauteuil club et un téléphone, voilà tout mon arsenal de travail. Facile à superviser, facile à diriger. Je suis jeune, les affaires arrivent toutes seules, je ne me plains pas. Je ne me plains pas. Depuis le nouvel an un jeune homme a loué sans crier gare le petit appartement adjacent qui était vide et que j'avais eu la maladresse de ne pas louer tout de suite. Même chose qu'ici, une pièce, et une grande entrée mais avec, en plus, une petite cuisine. J'aurais bien eu de quoi utiliser la pièce et l'entrée, mes secrétaires se sentant parfois un peu à l'étroit - mais qu'aurais-je fait de la cuisine ? C'est cette petite hésitation qui fit que l'appartement m'est passé sous le nez. Et maintenant il est occupé par ce jeune homme. Il s'appelle Harras. Ce qu'il fait là, je n'en sais rien. Sur la porte est marqué " Harras, bureau ". J'ai pris des renseignements, on m'a dit que c'était une affaire comparable à la mienne, qu'on ne pouvait pas vraiment déconseiller de lui octroyer un crédit, car c'était un jeune homme plein d'ambition dont l'affaire avait peut-être de l'avenir, mais en même temps on ne pouvait pas vraiment conseiller de lui faire crédit car pour l'instant, et selon toute apparence, il n'y avait pas là la moindre trace de fonds propres. Le genre de renseignements habituels que l'on donne quand on ne sait rien. Je rencontre parfois Harras dans les escaliers et il doit être chaque fois formidablement pressé car il file littéralement quand il me croise ; je ne l'ai encore jamais vraiment vu, il tient toujours sa clé prête dans la main et il a sitôt fait d'ouvrir sa porte et de se glisser à l'intérieur comme la queue d'un rat ; et moi je me retrouve devant cette plaque " Harras, bureau " que j'ai déjà lue bien plus souvent qu'elle ne le mérite. Et ces cloisons si peu épaisses qu'elles trahissent le travailleur honnête et couvre le malhonnête ! Mon téléphone est fixé sur la paroi qui me sépare de mon voisin ; si je souligne ce détail, c'est uniquement de façon ironique, car même s'il était sur le mur opposé, on n'entendrait tout dans l'appartement voisin. J'ai pris l'habitude de ne plus dire le nom de mes clients au téléphone, mais il ne faut pas être grand clerc pour deviner à qui je parle en entendant les tournures caractéristiques mais inévitables de la conversation. Parfois je sautille autour de l'appareil, le combiné pressé contre l'oreille, tourmenté par l'inquiétude, mais ça ne peut empêcher que des secrets soient divulgués. Evidemment tout cela fait que je suis moins sûr de moi au téléphone dans mes décisions commerciales et que ma voix est parfois hésitante. Que fait Harras pendant que je téléphone ? Si je voulais exagérer, mais on est parfois obligé de le faire pour que les choses soient claires, je pourrais dire : Harras n'a pas besoin de téléphone, il utilise le mien ; il a poussé son canapé contre la cloison et il écoute, alors que moi, quand ça sonne, je suis obligé de courir vers le téléphone d'écouter les desiderata du client, de prendre des décisions importantes, de développer tout un art de la persuasion - mais surtout, pendant toute la conversation, je renseigne malgré moi Harras sur mes activités. Peutêtre n'attend-il même pas la fin de la conversation, il se lève après avoir entendu les mots qui lui donnent suffisamment de renseignement et file comme à son habitude à travers la ville ; et avant même que j'ai reposé le combiné, il est peut-être déjà en train de travailler contre moi. Cahiers in-octavo, page 105 Je priais en rêve la danseuse Eduardowa de bien vouloir danser encore une fois la czàrdàs. Une large bande d'ombre ou de lumière lui coupait le visage entre le bord inférieur du front et le milieu du menton. Juste à ce moment, quelqu'un s'approcha d'elle avec les gestes répugnants de l'intriguant qui s'ignore, pour lui dire que le train partait tout de suite. A la manière dont elle accueillit cette information, j'eus la terrible certitude qu'elle ne danserait plus. " Je suis une méchante, une mauvaise femme, n'est-ce pas ? dit-elle . - Oh non, dis-je, pas cela ", et je me disposai à partir dans n'importe quelle direction. Auparavant, je l'avais questionnée sur le grand nombre de fleurs qu'elle portait piquées dans sa ceinture. " Elle viennent de tous les princes d'Europe ", dit-elle. Je me demandai ce que pouvait bien signifier le fait que ces fleurs, piquées toutes fraîches dans sa ceinture, avaient été données à la danseuse Eduardowa par tous les princes de l'Europe. La danseuse Eduardowa, fervente de musique, circule, en tramway comme partout, accompagnée de deux violonnistes qu'elle fait jouer souvent. Car on ne voit pas pour quelle raison il serait interdit de jouer dans un tramway, si toutefois la musique est bonne, agréable aux voyageurs et gratuite, c'est à dire si elle n'est pas suivie de quête. Il faut avouer qu'au début, cela ne laisse pas de surprendre un peu et, pendant un petit moment, tout le monde juge cela déplacé. Mais en pleine marche, quand il y a un fort courant d'air et que la rue est silencieuse, l'effet est charmant. Le journal 1910, pages 1,2. J'étais allongé devant un mur, me tordant de douleur, et je voulais m'enfoncer dans la terre humide. Le chasseur était debout à côté de moi et il appuya légèrement son pied sur mes reins. Belle pièce, dit-il à son rabatteur qui, d'un coup de couteau, ouvrit mon col et ma redingote pour me tâter. Las de me pourchasser et déjà avide de nouvelles actions, les chiens venaient se cogner contre le mur de façon absurde. La calèche arriva, on m'attacha les mains et les jambes et l'on me jeta sur la banquette arrière à côté du maître, si bien que ma tête et mes bras dépassaient de la voiture. On roulait à vive allure et, bouche ouverte, j'aspirais les tourbillons de poussière ; de temps en temps je sentais la poigne du maître qui pressait joyeusement mes mollets Cahiers in-octavo, page 158 Chaque soir, depuis une semaine, mon voisin de chambre vient lutter avec moi. Je ne le connaissais pas et, d'ailleurs, je ne lui ai pas encore parlé jusqu'à présent. Nous n'échangeons que quelques exclamations qu'on ne peut pas appeler " paroles ". C'est " Allons-y " qui ouvre le combat, " Canaille " gémit parfois l'un de nous sous l'étreinte de l'autre, " Ca y est " accompagne un coup inattendu, " Cessez " signifie la fin, mais on continue un petit moment à se battre. Le plus souvent, il fait même encore un bond de la porte dans la chambre, et me donne un tel coup que je tombe. Puis il me souhaite le bonsoir de chez lui, à travers la cloison. Si je voulais renoncer définitivement à mes rapports avec lui, il me faudrait donner congé, car fermer la porte ne sert à rien. Un jour que j'avais fermé la porte parce que j'avais envie de lire, mon voisin l'a fendue à la hache, et comme il abandonne difficilement une décision prise, la hache devenait même un danger pour moi. Je sais m'adapter. Comme il vient toujours à heure fixe, j'entreprends un travail facile que je puis interrompre sur-le-champ si c'est nécessaire. Par exemple, je range une armoire, ou bien j'écris quelque chose, ou bien je lis un livre sans intérêt. Je suis bien obligé de m'arranger de cette façon puisque, dès qu'il se montre à la porte, il me faut tout laisser là, fermer sans délai l'armoire, laisser tomber le porte-plume, jeter le livre, il veut uniquement se battre, rien que cela. Si je me sens fort, je l'excite un peu en commençant par essayer de lui échapper. Je passe sous la table en rampant, je lui jette des chaises dans les jambes, je lui fais des clins d'oeil de loin, bien qu'il soit évidemment de mauvais goût de se livrer à de pareilles plaisanteries qui, avec une personne étrangère, restent absolument unilatérales. Mais le plus souvent, nos corps se joignent pour la lutte. C'est visiblement un étudiant qui travaille toute la journée et désire se donner un peu de mouvement en hâte avant d'aller se coucher. Mais il trouve en moi un bon adversaire et, en dehors d'un revirement de fortune, je suis peut-être le plus fort et le plus habile des deux. Mais c'est lui le plus tenace. Journal 1914 - 27 mai, page 348 Un jour, il a amené une jeune fille. Tandis que je la salue sans faire attention à lui, il bondit sur moi et m'arrache du sol. " Je proteste, criai-je en levant le bras. - Tais-toi ", me dit-il tout bas à l'oreille. Je voyais qu'il voulait vaincre à tout prix pour briller devant la jeune fille, fût-ce grâce à des coups honteux. - Il m'a dit " Tais-toi ", m'écriai-je donc, la tête tournée vers la jeune fille. - Oh, l'ignoble personnage, gémit l'homme à voix basse. Toutes ses forces s'usaient sur moi. Il parvint néanmoins à me traîner vers le canapé, me coucha, s'agenouilla sur mon dos, attendit de retrouver son souffle pour parler et dit : - Enfin, le voilà étendu. - Qu'il essaie donc encore une fois, voulus-je dire, mais il m'enfonça si violemment la tête dans le matelas dès le premier mot que force me fût de me taire. - Eh bien, dit la jeune fille, elle s'était assise à ma table et parcourait des yeux une lettre que j'avais commencée et laissée là, si nous partions tout de suite ? Il vient juste de commencer une lettre. - Il ne la continuera pas, même une fois que nous serons partis. Viens ici. Prends-le là, par exemple, à la cuisse, tu vois, il tremble comme un animal malade. - Je te dis de le laisser et de venir. De très mauvaise grâce, l'homme descendit de mon dos en rampant. J'aurais pu le rouer de coups à ce moment, j'étais complètement reposé, tandis qu'il avait dû contracter tous ses muscles pour me maintenir sur le dos. Il avait tremblé et avait cru que c'était moi. Il tremblait même encore. Mais je le laissai tranquille, parce que la jeune fille était là. - Je suppose que vous vous êtes déjà fait une opinion sur ce combat, dis-je à la jeune fille, je m'inclinai devant elle en passant et m'assis à la table pour continuer ma lettre. Eh bien, quel est celui qui tremble ? dis-je avant de commencer à écrire, tenant mon porteplume droit en l'air pour prouver que ce n'était pas moi. Quand ils furent à la porte, je leur criai un bref adieu tout en continuant à écrire, ce qui ne m'empêcha pas de lancer une petite ruade, afin d'esquisser, au moins pour moi, le genre de congé qu'ils eussent probablement mérité tous les deux. Journal 1914 - 28 mai, page 350 C'était par une chaude journée d'été. Je rentrais à la maison avec ma soeur et passais devant la porte d'une ferme. Je ne sais pas si elle a frappé à la porte par caprice ou distraction, ou si elle a simplement menacé de le faire - peut-être même n'a-t-elle pas frappé du tout? Une centaine de pas plus loin, le long de la grand-route qui tournait à gauche, commençait un village. Nous ne le connaissions pas, mais aussitôt les gens de la première maison sortirent pour nous faire des signes amicaux mais aussi de mise en garde, véritablement effrayés et courbés sous l'effet de la peur. Ils montraient la ferme devant laquelle nous venions de passer et nous rappelaient que nous avions frappé. Les propriétaires allaient nous accuser et une procédure allait être engagée. J'étais très calme et je tranquillisai aussi ma soeur. Elle n'avait probablement pas frappé ; et même si elle l'avait fait, nulle part dans le monde on n'entame un procès pour ça. Je cherchais à la faire comprendre aussi aux gens autour de nous ; ils nous écoutaient mais se gardaient de porter le moindre jugement. Ils dirent ensuite que non seulement ma soeur serait accusée, mais moi aussi en tant que frère. Je hochai la tête en souriant. Tous ensemble nous tournâmes nos regards vers la ferme, comme on observe un nuage de fumée au loin en attendant de voir les flammes. Effectivement, nous ne tardâmes pas à voir des cavaliers entrer par la grande porte de la ferme ; de la poussière s'éleva, enveloppant tout, seules les pointes des grandes lances brillaient. Et à peine la troupe avait-elle pénétré dans la cour de la ferme qu'elle sembla avoir tourné bride pour se diriger vers nous. Je poussai ma soeur un peu à l'écart en lui disant que je me chargeais de tout ; mais elle refusa de me laisser seul ; je lui dis alors qu'elle devait au moins changer de robe pour apparaître sous un meilleur jour devant ces messieurs. Elle finit par obtempérer et se mit en route pour notre lointaine maison. Les cavaliers étaient déjà à notre hauteur et, du haut de leur monture, ils demandèrent où était ma soeur ; je répondis avec quelque anxiété qu'elle n'était pas là pour l'instant mais qu'elle viendrait plus tard. Ils me donnèrent l'impression de se moquer de ma réponse, l'essentiel étant, semblait-il, qu'ils m'aient trouvé. Il y avait surtout là deux messieurs, un juge, jeune homme vif, et son commis, un individu calme qui ne disait mot et répondait au nom d' Assmann. On m'enjoignit d'entrer dans la grande pièce de la ferme. Lentement, dodelinant de la tête et tirant sur mes bretelles, je me mis en route sous le regard noir des cavaliers. Je croyais encore qu'il suffirait d'un mot pour qu'on me libère, et même avec les honneurs, moi le citadin, prisonnier de cette bande de paysans. Mais à peine avais-je franchi le seuil de la pièce que le juge, qui avait pris les devants et m'attendait déjà, dit : " Cet homme me fait de la peine. " Il ne faisait aucun doute que ses propos ne concernaient pas du tout ma situation présente mais le sort qui m'attendait. La pièce ressemblait plus à une cellule de prison qu'à une salle de ferme. De grandes dalles de pierre, un mur gris et nu avec un anneau de fer scellé à un endroit et, au milieu, quelque chose qui tenait du châlit et de la table d'opération. Cahiers in-octavo, page 97 Hier je suis allé pour la première fois dans les bureaux de la direction. Notre équipe de nuit m'a désigné comme homme de confiance et, la fabrication et le remplissage de nos lampes ne donnant pas satisfaction, je devais insister pour que l'on remédie à ces défauts. On me montra le bureau compétent, je frappai et entrai. Un jeune homme de constitution délicate, très pâle, m'adressa un sourire depuis son grand bureau. Il hochait beaucoup la tête, beaucoup trop. Je ne savais pas si je devais m'asseoir, il y avait bien là un fauteuil mais je me disais que pour ma première visite il ne fallait pas que je m'asseye tout de suite et je racontai donc mon histoire debout. Mais cette modestie mit manifestement ce jeune homme dans une position difficile, car il était obligé de tourner la tête vers le côté et vers le haut, s'il ne voulait pas tourner son fauteuil et il ne le voulait pas. Mais d'un autre côté, il n'arrivait pas à tourner complètement la tête en dépit de toute sa bonne volonté ; et c'est ainsi que, pendant tout le temps de mon récit, il garda les yeux à moitié fixés sur le plafond de la pièce tandis que je suivais son regard. Quand j'eus terminé, il se leva lentement, me tapota l'épaule et dit : Bon, bon - bon, bon, et il me poussa dans la pièce voisine où un homme avec une grande barbe en bataille nous avait manifestement attendus car on ne voyait aucune trace de travail sur son bureau ; par contre, une porte vitrée ouvrait sur un petit jardinet avec des fleurs et des buissons en abondance. Un bref rapport fait de quelques mots chuchotés par le jeune homme suffit à ce monsieur pour saisir nos multiples griefs. Il se leva aussitôt et dit : Eh bien mon cher - il s'arrêta, je crus qu'il voulait savoir mon nom et je m'apprêtais déjà à ouvrir la bouche pour me présenter une nouvelle fois quand il reprit : Oui, oui, c'est bon, c'est bon, je te connais très bien donc ta ou votre requête est certainement justifiée, moi et ces messieurs de la direction somme les derniers à ne pas nous en rendre compte. Crois-moi, le bien des gens nous tient plus à coeur que le bien de l'entreprise. Pourquoi en serait-il autrement d'ailleurs ? Une entreprise peut être remise sur pied, il suffit d'avoir de l'argent, au diable l'argent ; mais si un être humain trépasse, c'est un humain qui trépasse laissant derrière lui une veuve et des enfants. Ah, bonté divine ! Voilà pourquoi toute proposition visant à introduire de nouvelles mesures de sécurité, de nouveaux allègements, de nouvelles commodités et de nouveaux luxes est pour nous la bienvenue. Qui vient dans cette intention est notre homme. Tu vas donc nous laisser tes suggestions, nous allons les examiner en détail, si on peut y ajouter encore quelques brillantes nouveautés on ne va surtout pas l'enterrer ; et dès que tout sera terminé, vous aurez vos nouvelles lampes. Mais dis bien une chose à ceux d'en bas : tant que nous n'aurons pas fait de votre mine un salon, nous n'aurons pas de repos ici, et nous n'en aurons jamais si vous ne mourez pas à la fin en souliers vernis ! Et la dessus, bien le bonjour chez vous ! Cahiers in-Octavo, page 140 Un incident quotidien ; le supporter : un héroïsme quotidien : A. doit régler une affaire importante avec B. du village voisin H. Il se rend à H pour en discuter, fait le trajet aller retour en chaque fois dix minutes et, une fois rentré chez lui, se vante d'avoir été aussi rapide. Le lendemain il retourne à H, cette fois pour conclure l'affaire ; comme celle-ci va sûrement prendre plusieurs heures, A. part au petit matin ; or en dépit du fait que les contingences sont absolument identiques à celles de la veille, du moins à en croire A., il lui faut cette fois dix heures pour se rendre à H. Quand il arrive le soir, complètement épuisé, on lui dit que B., très en colère ne pas voir venir A., est parti il y a une demiheure pour aller retrouver A. dans son village ; ils auraient dû se croiser. On conseille à A. d'attendre, lui disant que B. ne va sûrement pas tarder. Mais A., craignant pour son affaire se remet aussitôt en route et rentre chez lui. Cette fois, et sans y prêter vraiment attention, il fait le trajet en un clin d'oeil. Une fois chez lui, il apprend que B. est arrivé très tôt, avant même le départ de A., qu'il a même rencontré A. à la porte de la maison, qu'il lui a rappelé l'affaire, mais que A. lui a dit qu'il n'avait pas le temps et qu'il était obligé de partir précipitamment. En dépit de cette incompréhensible attitude de A., B. était malgré tout resté ici pour attendre A. Heureux de pouvoir encore parler avec B. et de tout lui expliquer, A. monte les escaliers quatre à quatre. Il est presque arrivé en haut quand il trébuche, se fait une entorse et s'évanouit presque de douleur, incapable même de crier ; gémissant dans le noir, il entend et voit alors B. de façon indistincte - très loin ou tout près - descendre les escaliers, furieux, et disparaître à tout jamais. Cahiers in-octavo, page 166 C'est par un après- midi d'automne que le cheval blanc apparut pour la première fois à A., dans une grande rue peu fréquentée. Il sortit du couloir d'une maison dont la cour était occupée par les vastes entrepôts d'une entreprise de camionnage ; comme il arrivait souvent que des attelages, voire de temps à autre un cheval isolé, dussent sortir par le couloir, le cheval blanc n'attira pas spécialement l'attention. Mais il ne faisait pas partie de l'effectif des chevaux de l'entreprise. Un ouvrier qui était en train de serrer les cordes d'un ballot de marchandises devant le porche remarqua le cheval, leva les yeux, regarda dans la cour pour voir si le cocher ne venait pas le rejoindre. Mais personne ne vint, le cheval, en revanche, se cabra nerveusement dès qu'il eut mis les pieds sur le trottoir, fit jaillir quelques étincelles sur le pavé, fût un instant bien près de tomber, mais se reprit aussitôt et, ni rapide ni lent, se mit à monter au trot la rue presque déserte à cette heure du crépuscule. L'ouvrier pesta contre ce qu'il prenait pour une négligence du cocher, appela quelques noms dans la cour, et de fait, des gens sortirent, mais reconnaissant aussitôt que le cheval était étranger, ils se contentèrent de rester côte à côte sous le porche, un peu surpris. Ce n'est qu'au bout d'un instant que quelques-uns d'entre-eux se ravisèrent ; ils se lancèrent à la poursuite du cheval sur une bonne distance, mais, comme ils le perdaient de vue, ils ne tardèrent pas à rentrer. Entre temps, le cheval avait déjà atteint les dernières rues du faubourg sans avoir été arrêté. Il se conformait mieux à la vie de la rue que ne le fait d'ordinaire un cheval qui marche seul. Son pas lent ne pouvait effrayer personne, il ne quittait jamais la chaussée, jamais non plus le côté réglementaire de la rue ; s'il était nécessaire de s'arrêter à cause d'une voiture débouchant d'une rue transversale, il s'arrêtait ; le plus prudent des cochers qui l'eût mené par le licou n'eût pu faire moins de fautes. Il offrait néanmoins un spectacle surprenant ; de temps à autre, quelqu'un s'arrêtait et le suivait des yeux avec un sourire ; d'un camion de brasseur, un cocher lui donna un coup de fouet au passage pour plaisanter, il est vrai qu'il prit peur et se dressa sur ses pattes de devant, mais il n'accéléra pas le pas. C'est précisément cet incident qu'un agent de police avait remarqué, il alla vers le cheval qui tenta encore de prendre une autre direction au dernier moment, le saisit par la bride (bien qu'il ne fût pas très solidement bâti, il était bridé comme une bête de somme), et lui dit, très amicalement du reste : " Halte ! Où cours-tu donc ? " Il le maintint pendant quelques instants au beau milieu de la chaussée, pensant que son propriétaire ne tarderait pas à venir chercher l'animal échappé. Le journal 1914 - 27 mai, page 345 Je suis assis depuis des années au grand carrefour, mais je devrai quitter ma place demain, parce que le nouvel empereur arrive. Je ne me mêle à rien de ce qui se passe autour de moi, tant par principe que par répugnance. Il y a bien longtemps que j'ai cessé de mendier ; les vieux passants me donnent quelque chose par habitude, par fidélité, parce qu'ils me connaissent, les nouveaux venus suivent leur exemple. J'ai une petite corbeille, posée à côté de moi, dans laquelle chacun jette ce qu'il juge bon de donner. Mais c'est justement parce que je ne m'occupe de personne, parce que je garde une âme et un regard sereins au milieu du tapage et de l'absurdité de la rue, que je comprends mieux que quiconque tout ce qui concerne ma position, mes exigences justifiées. C'est pourquoi ce matin, quand un agent de police, qui me connaît naturellement, mais que, tout aussi naturellement, je n'avais encore jamais remarqué, quand cet agent de police s'est arrêté devant moi et m' a dit : " C'est demain l'arrivée de l'empereur, ne t'avise pas d'oser venir ici ", je lui ai répondu par cette question : " Quel âge as-tu ? ". Le journal 1916 - 3 août, page 489 Dans la forêt sombre, dans le sol détrempé, je ne retrouvais mon chemin que grâce au blanc de son faux col. Le journal 1910, page 1 La conque de mon oreille était fraîche au toucher, rugueuse, froide, pleine de sève comme une feuille. Le journal 1910 page 3 Je ne laisserai pas la fatigue s'emparer de moi. Je sauterai en plein dans ma nouvelle, et dussé-je en sautant me couper le visage. Le journal 1910 - 15 novembre, 10 heures, page 16 Si les Français étaient Allemands, de par leur nature, c'est pour lors que les Allemands les admireraient. Le journal 1910 - 17 décembre, page 19 Aujourd'hui, je n'ose pas même me faire de reproches, Criés à l'intérieur de ce jour vide, leur écho vous soulèveraient le coeur. Le journal 1910 - 22 décembre, page 22 L'espace d'un instant, je me suis senti revêtu d'une cuirasse. Le journal 1910 - 21 février 1911, page 36 Les joues lisses de Mme Tchissik sont frappantes à côté de sa bouche musculeuse. Sa petite fille un peu difforme. Le journal 1911 - 22 octobre, page 96 Ce matin, pour la première fois depuis longtemps, j'ai pris plaisir à imaginer un couteau qui se retournait dans mon coeur. Le journal 1911 - 2 novembre, page 117 Se réveiller par un froid matin d'automne, dans une lumière jaunâtre. Passer à travers la fenêtre presque fermée et, alors qu'on est encore devant les vitres, avant de tomber, planer les bras tendus, le ventre bombé, les jambes repliées en arrière comme les figures de proue sur les vaisseaux de jadis. Le journal 1911 - 14 novembre, page 138 Avec L. sur le quai. J'ai eu une syncope sans gravité qui a étouffé toute mon existence, je m'en suis remis et m'en suis souvenu au bout d'un court instant comme d'une chose depuis longtemps oubliée. Le journal 1911 - 8 décembre, vendredi page 161 Dans les périodes de transitions, parmi lesquelles je compte la semaine passée et, à tout le moins cet instant-ci, je suis souvent saisi d'un étonnement triste, mais tranquille, en constatant mon insensibilité. Je suis séparé de toute choses par un espace creux à la limite duquel je ne me presse même pas d'arriver. Le journal 1911 -16 décembre, page 169 Quand j'arrivais chez W. hier à midi, j'entendis la voix de sa soeur qui me disais bonjour, mais sans la voir elle-même, jusqu'au moment où sa frêle silhouette se détacha de la chaise à bascule qui était devant moi. Le journal 1911 - 24 décembre, page 179 Se lancer contre la fenêtre et, faible, comme on l'est maintenant après avoir employé toute sa force, franchir la barre d'appui en traversant les morceaux de bois et de verre qui ont volé en éclats. Le journal 1911 - 25 décembre, page 186 Liste des choses qu'on pourrait aisément peindre comme archaïques aujourd'hui : les infirmes qui mendient le long des promenades et lieux d'excursions, l'espace qui n'est pas éclairé la nuit. Le journal 1911 - 26 décembre, page 187 Depuis deux jours, je constate quand je le veux la froideur et l'indifférence qu'il y a en moi. Hier soir en me promenant, le moindre bruit de la rue, le moindre regard jeté sur moi, la moindre photographie dans une vitrine m'importaient plus que moi-même. Le Journal 1912- 5 janvier, page 205 Je dois poser nu en saint Sébastien pour le peintre Ascher. Le Journal 1912 - 7 janvier, page 214 Léger évanouissement hier au Café City où j'étais avec Löwy. Comment je me suis penché sur un journal pour le dissimuler. Le Journal 1912 - Lundi 5 février, page 218 Aujourd'hui, j'écris à Löwy. Je copie ici les lettres que je lui envoie, parce que j'espère pouvoir en tirer quelque chose. Cher ami. Le Journal 1912 - 26 février, page 225 Je n'ai pas le temps de recopier mes lettres. Le Journal 27 février, page 225 Qui me confirmera qu'il est vrai ou vraisemblable que c'est uniquement par suite de ma vocation littéraire que je ne m'intéresse à rien et suis par conséquent insensible . Le Journal 1912 - 2 mars, page 233 Avant-hier, essuyé des reproches à propos de l'usine. Après qui je suis resté une heure sur le canapé à réfléchir au saut-par-la-fenêtre. Le Journal 1912 - 8 mars, page 235 Le bruit du balai qu'on passe sur le tapis de la chambre d'à côté est perçu par l'oreille comme celui d'une traîne qui bouge par saccades. Le Journal 1912 - 25 mars, page 243 Le plaisir que me procure la salle de bains. - Connaissance progressive. Les après-midi passés en compagnie de mes cheveux. Le Journal 1912 - 29 mars, page 244 Désir d'un sommeil plus profond, plus dissolvant. Le besoin de métaphysique n'est que le besoin de la mort. Le Journal 1912 - 8 avril, page 244 Aujourd'hui, soirée familiale désespérante. Mon beau-frère a besoin d'argent pour l'usine, mon père est inquiet au sujet de ma soeur, de son commerce et de sa maladie de coeur, ma soeur cadette est malheureuse, ma mère est plus malheureuse que nous tous, et je suis là à écrivasser. Le Journal 1912 - 9 mai, page 246 Je m'ennuie tellement ce soir que je suis allé trois fois de suite dans la salle de bains pour me laver les mains. Le Journal 1912 - 23 mai, page 248 L'enfant avec ses deux petites tresses, sa tête nue, sa petite robe rouge à pois blancs qui flotte sur elle, ses pieds et ses jambes nus ; un petit panier dans une main, une petite caisse dans l'autre, elle traversait la chaussée en hésitant, près du"Landestheater. Le Journal 1912 - 23 mai, page 248 Nuit agitée. - Hier la bonne qui disait à un petit garçon dans l'escalier : " Tiens-toi à mes jupes. " Le Journal 1912 - 9 août page 251 Ce soir, ces gémissements de ma pauvre mère parce que je ne mange rien. Le Journal 1912 - 16 août page 254 Ce matin de bonne heure, le chariot vide avec un grand cheval maigre devant. Tout deux, faisant un ultime effort pour gravir une côte, extraordinairement étirés en longueur. Le spectateur les voit posés de travers. Le cheval, les pattes de devant légèrement levées, le cou tendu latéralement en hauteur. Au-dessus de lui, le fouet du cocher. Le Journal 1912 - 20 août, page 254 La terrible insécurité de mon existence intérieure. Le Journal 1913 - 3 mai, page 274 Sans cesse l'image d'un large couteau de charcutier qui, me prenant de côté, entre promptement en moi avec une régularité mécanique et détache de très minces tranches qui s'envolent, en s'enroulant presque sur elle-même tant le travail est rapide. Le Journal 1913 - 4 mai page 275 Le monde prodigieux que j'ai dans la tête. Mais comment me libérer et le libérer sans me déchirer. Et plutôt mille fois être déchiré que le retenir en moi ou l'enterrer. Je suis ici pour cela, je m'en rends parfaitement compte. Le Journal 1913 - 21 juin page 276 Je n'aurais jamais pu épouser une jeune fille avec laquelle j'aurais vécu toute une année dans la même ville. Le Journal 1913 - 2 juillet page 278 Un collier de petites boules d'or sur un cou bruni. Le Journal 1913 - 3 juillet page 278 Être tiré par une corde qu'on vous a mise autour du cou, passer par la fenêtre du rezde-chaussée d'une maison et être enlevé violemment, sans ménagements, comme par quelqu'un qui ne pense pas à ce qu'il fait, être enlevé, sanglant et en lambeaux, à travers les plafonds, les meubles, les murs, les greniers, jusqu'à ce qu'apparaisse sur le toit le noeud vide qui n'a d'ailleurs perdu mes restes qu'en perçant les tuiles. Le Journal 1913 - 21 juillet page 280 Être misérable que je suis ! Fouetter sérieusement le cheval ! Lui faire entrer lentement les éperons dans le corps, puis les retirer d'un seul coup, et cette fois, mettre toute sa force à les enfoncer dans la chair. Quelle détresse ! Le Journal 1913 - 21 juillet, page 282 Comme il paraît puéril, si on le regarde par la porte ouverte de sa boutique, le chaudronnier qui est attelé à son travail et donne continuellement des coups de marteaux. Le Journal 1913 - 23 juillet, page 284 Je m'isolerai de tous jusqu'à en perdre conscience. Je me ferai des ennemis de tout le monde, je ne parlerai à personne. Le Journal 1913 - 14 août, page 286 L'homme au regard sombre et sévère qui portait sur l'épaule un tas de vieux manteaux. Le Journal 1913 - 14 août, page 286 D'où me vient cette assurance soudaine ? Puisse-t-elle durer ! Puissé-je ainsi entrer et sortir par toutes les portes, en être humain se tenant à peu près droit. Mais je ne sais pas si c'est cela que je veux. Le Journal 1913 - 6 novembre, page 296 Dans une cour violemment éclairée par le soleil, deux chiens venant de directions opposées couraient à la rencontre l'un de l'autre. Le Journal 1913 - 18 novembre, page 298 La silhouette d'un homme qui, les bras à moitié levés dans un geste symétrique, se tourne vers le brouillard total pour s'y engager. Le Journal 1913 - 17 décembre, page 313 Qu'ai-je de commun avec les Juifs ? C'est à peine si j'ai quelque chose de commun avec moi-même et je devrais me tenir bien tranquille dans un coin, content de pouvoir respirer. Le Journal 1914 - 8 janvier, page 321 En rentrant chez moi, nuit claire, conscience nette de ce qui est pure insensibilité en moi et qui, dans cette même mesure, est doué d'une grande clarté qui se répand entièrement sans rencontrer d'obstacle. Le Journal 1914 - 12 janvier page 322 La porte s'entrebâilla. Un revolver apparut au bout d'un bras tendu. Le Journal 1914 - 2 février page 329 Goethe de Dilthey, feuilleté rapidement, impression violente, il vous emporte avec lui, pourquoi ne pourrait-on prendre feu et s'anéantir dans le feu. Ou bien encore obéir, même si l'on n'entend pas de commandement ? Être assis sur une chaise au milieu de sa chambre vide et contempler le parquet. Être dans un ravin, crier " En avant " et entendre les appels de quelques rares hommes qui surgissent entre les rochers, venant de tous les chemins de traverse. Le Journal 1914 - 11 février, page 329 Continuez à danser, vous autres porcs ; qu'est-ce que cela peut me faire ? Le Journal 1914 - 27 mai page 348 L'Allemagne a déclaré la guerre à la Russie. - Après-midi piscine. Le journal 1914 - 2 août, page 383 Toi devant, tiens haut la lampe ! Vous autres, sans bruit derrière moi ! Tous sur un rang ! Et silence ! Ce n'était rien. N'ayez pas peur . J'en porte la responsabilité. Je vous guiderai vers la sortie. Le Journal 1917 - 6 août, page 493 - Non, laisse-moi ! Non, laisse-moi ! criais-je sans interruption le long des rues, et sans cesse elle me saisissait, sans cesse les pattes griffues de la sirène s'abattaient sur ma poitrine, m'attaquant de côté ou par dessus l'épaule. Le Journal 1917 - 9 août, page 495 Tout déchirer. Le journal 1917 - 18 septembre, page 496 Dans la paix, tu n'avances pas, dans la guerre, tu perds ton sang jusqu'à la dernière goutte. Le Journal 1917 - 19 septembre, page 497. Rien. Le Journal 1917 - 22 septembre, page 500. On lui a découpé dans le derrière de la tête un morceau de crâne affectant la forme d'un segment. Avec le soleil, le monde entier regarde à l'intérieur. Cela le rend nerveux, le distrait de son travail et il se fâche de devoir, lui précisément, être exclu du spectacle. Le Journal 1920 - 9 janvier, pave 513 Quand j'ai le violent désir d'être un athlète léger, c'est probablement comme si je désirais entrer au ciel pour avoir le droit d'y être aussi désespéré qu'ici. Le Journal 1921 - 16 octobre, page 518.