Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 1, janvier-février 2002
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vient l’étape ultime des troubles cognitifs,
pouvant conduire la personne âgée à une
véritable démence ou en accélérer le cours
évolutif.
Conséquences spécifiques
●Les troubles digestifs
Si la fonction de digestion intestinale reste la
mieux préservée en cas de malnutrition, la
réduction de l’hydratation – qui accompagne
de manière quasi systématique la MPE – crée
un ralentissement du bol intestinal, provoquant
un véritable fécalome. Ce dernier est à l’origi-
ne d’un état subocclusif et d’une anorexie avec
perte hydrique par la muqueuse intestinale. La
pullulation microbienne qui accompagne la
stase fécale est à l’origine de diarrhées
chroniques et d’une déficience en vitamines et
oligoéléments. La baisse du taux sérique de
l’albumine peut être la conséquence d’un
défaut de synthèse hépatique de l’albumine en
cas de MPE, ou lors de l’inversion de synthèse
par le foie en cas d’inflammation ou, enfin, par
des pertes rénales ou vasculaires. La biodispo-
nibilité des médicaments fortement liée à
l’albumine ou à d’autres protéines en est
modifiée dans le sens d’une plus grande
biodisponibilité et donc d’un risque notable de
taux toxique.
●Les conséquences hormonales
Un faux diabète paraît être une conséquence
constante de la malnutrition par carence et de
la malnutrition endogène ; la stimulation du
cortisol et des catécholamines est à l’origine
d’une hyperglycémie par libération musculai-
re et d’une réduction de la synthèse de l’insu-
line, associée à une insulinorésistance. Les
cytokines déclenchent et entretiennent les
phénomènes hormonaux dont le passage à la
chronicité épuise les réserves et se traduit par
un syndrome de réponse sénile chronique
inflammatoire systémique.
●Les conséquences liées aux carences en
micronutriments
Les carences en vitamines du groupe B
(folates, B6) sont sans doute les plus impor-
tantes par leurs impacts sur le système
hématologique (anémie) et nerveux (périphé-
rique et central) : troubles neuropsychiques,
encéphalopathies ou polynévrites. La carence
en vitamine D est directement liée à la perte
d’autonomie, entraînant un défaut d’exposi-
tion solaire et elle détermine une augmenta-
tion de la synthèse de l’hormone parathyroï-
dienne, contribuant à accroître la fragilité de
l’os. La carence protéique associée à la
carence vitamino-calcique contribue à
majorer le risque de fracture lors d’une chute.
La carence en zinc est également fréquem-
ment retrouvée dans les dénutritions : elle
provoque une anorexie par atteinte des
bougeons du goût et une immunodéficience
car le zinc, métallo-enzyme, participe à de
nombreuses réactions du métabolisme cellu-
laire.
Conséquences sociales
Avec l’accumulation des maladies, la malnu-
trition contribue à la réduction de l’espérance
de vie et à sa qualité. La perte d’autonomie
induite aboutit souvent à une entrée en insti-
tution, facteur de risque encore trop fréquent
de désinsertion sociale par isolement, de
dépression, voire de syndrome de régression
psychomotrice et de décès prématuré. En
termes de santé publique, l’incidence de la
MPE sur la morbidité et sur la mortalité est
maintenant bien établie. La morbidité, c’est-
à-dire ici le risque de contracter une maladie
infectieuse, est multipliée par un facteur 2 à 6.
La mortalité est, quant à elle, accrue d’un
facteur 2 à 4. Lorsque le patient âgé est
malnutri, la durée d’une hospitalisation se
prolonge de 2 à 4 fois, la consommation
médicamenteuse augmente et le risque
d’entrée définitive en institution s’accroît.
Diagnostic de la dénutrition
Le dépistage permet d’agir plus tôt, d’éviter
la survenue de complications, et cela pour un
moindre coût. Pour dépister, il est possible
d’utiliser l’autoquestionnaire simplifié de
Brocker et al. qui permet, grâce à une série de
10 questions à réponse binaire (oui/non), de
détecter un seuil de risque. Au-delà de 3, le
dépistage est positif et implique la mise en
œuvre d’une évaluation plus complète, puis
d’une réponse thérapeutique.
Les 18 items du Mini Nutritional Assessment
(MNA) de B. Vellas et al. (4) permettent, au
prix de mesures cliniques anthropométriques
simples, d’une évaluation globale de l’état de
santé, d’indices diététiques et d’une évaluation
de la perception de sa santé par la personne,
d’améliorer la prédiction du risque (risque
élevé pour un score inférieur à 17, risque
modéré pour un score de 17 à 23,5, risque
absent pour un score au-delà de 24, maximum
30). Cet outil est plus particulièrement destiné
aux institutions d’hébergement des personnes
âgées. Une nouvelle version simplifiée est
maintenant disponible. Elle permet, avec
5items et 14 points maximum, d’assurer un
dépistage sur les questions suivantes : “existen-
ce d’une anorexie, perte récente de poids,
capacité motrice, maladies aiguës ou stress
psychologique, problèmes neurophysiolo-
giques, et BMI”. La réalisation du test complet
(qui dure une dizaine de minutes) devient
nécessaire si le score au dépistage est égal à 11.
Le diagnostic :pour évaluer, c’est-à-dire
qualifier et quantifier une malnutrition
protéino-énergétique avérée, il faut utiliser
plusieurs instruments, aucun n’étant à lui seul
suffisamment sensible ou spécifique pour
permettre un diagnostic de certitude. Les
instruments utilisables sont de trois types (5).
Les instruments d’interrogation
et d’observation
L’interrogatoire des habitudes alimentaires
de la vie passée, les rythmes et le nombre des
repas, les régimes observés constituent une
première approche qualitative. La quantifica-
tion, quant à elle, requiert des outils plus ou
moins sophistiqués selon le degré de préci-
sion souhaitée. On peut ainsi faire appel à des
techniques d’enquêtes diététiques lourdes et
coûteuses, tels le rappel des ingesta des
24 heures passées ou le semainier, voire la
pesée des restes de repas préalablement
calibrés, sur une période de 1 à 3 jours. De
manière plus simple, avec cependant un degré
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