Corpus économique vs corpus écologique : le

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Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
Corpus économique vs corpus écologique : le problème de
l’expertise dans le domaine du développement durable
Arnaud Diemer, Didier Mulnet
Université Blaise Pascal, TRIANGLE, Lyon, CERDI, Université d’Auvergne
Opposées dans les faits, mais étymologiquement très proches, les relations
qu’entretiennent l’économie (l’administration de la maison) et l’écologie (étymologiquement
le discours ou la science de la maison ou habitat…implicitement des organismes) sont à la
fois, complexes et ambigus. L’histoire de l’économie est fondée sur la volonté de s’émanciper
des champs du politique et de la morale afin de se rapprocher des sciences dures. Bien
qu’étant fortement imprégnée d’idéologie, la science économique préfère insister sur
l’utilisation des mathématiques et de la modélisation (discours scientifique reposant sur des
hypothèses) afin de se forger une boîte à outils susceptible de répondre aux demandes des
décideurs politiques ou de la société civile. Cette évolution engendre un changement radical
dans la manière de penser le monde, nous assistons ni plus ni moins à une véritable crise de
vocation. A défaut d’apporter leur contribution à de nouvelles représentations du monde (une
tradition pourtant fortement ancrée chez Adam Smith, Léon Walras, Joseph Schumpeter,
Nicholas Georgescu-Roegen, Maurice Allais…), les économistes auraient choisi une voie plus
simple et plus tranquille, ils seraient devenus des techniciens au service de la société (ils
répondent à des questions qui leur sont posées), rôle qu’ils remplissent plus ou moins bien si
l’on tient compte des récents évènements liés à la crise financière (subprimes, dette publique)
ou écologique (réchauffement climatique, disparition de la biodiversité…). Dans ce dernier
cas, on peut considérer que l’acte économique ayant nécessairement une dimension
écologique (activités de production et de consommation provoquant une transformation de la
nature), l’économiste ne pouvait pas faire autrement que d’avoir un discours sur la nature.
L’histoire de l’écologie est différente (Matagne, 2002). L’écologie apparaît sous la forme
d’un discours scientifique traitant de l’interaction du vivant avec son milieu naturel. En 1864,
G.P. Marsh fut l’un des premiers à développer une analyse détaillée de l’impact destructeur de
l’homme sur l’environnement. Sa réflexion scientifique servira de base durant le début du
XXe siècle aux courants préservationnistes (vision romantique et non utilitariste de la nature)
de John Muir (1865-1946) et au courant conservationniste (perspective utilitariste de la
conservation des ressources naturelles) de Gifford Pinchot (1838-1914). Ces deux paradigmes
continuent d’être actifs au sein de l’écologie et pèsent sur son positionnement vis-à-vis du
développement durable. En France comme en Angleterre, les écoles naturalistes non
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protectionnistes fleurissent. Parallèlement à ces courants de pensée, E. Haeckel introduit en
1866 le mot écologie et J.E.B. Warming publie en 1895, le premier ouvrage d’écologie
scientifique. A la suite des travaux de Malthus, Verhulst (1838) publie la courbe logistique
qui ne sera redécouverte qu’en 1920 par des démographes américains à l’origine de l’écologie
des populations. L’écologie mathématique prend son essor, même si ce formalisme
mathématique rebute la majorité des écologistes naturalistes de cette première moitié du
XXème siècle. La deuxième moitié du XXème voit apparaitre l’écologie des écosystèmes
(Odum dès 1961) et des flux de matière et d’énergie dans des études synthétiques
(Duvigneaud, 1980). Progressivement deux tendances caractérisèrent l’évolution de
l’écologie : le réductionniste et le recours aux modèles face à la complexité des systèmes
étudiés. Mais l’écologie apparaît également sous les traits d’une idéologie s’opposant au
développement anarchique de la société industrielle (mouvements conservationnistes au début
du XXe siècle aux Etats-Unis contre l’exploitation du pétrole), à l’extension des valeurs
occidentales (utilitarisme, individualisme, …) à l’ensemble de la planète et à l’hégémonie du
discours économique (rationalité économique, ordre économique, autorégulation des
marchés…).
Ces quelques lignes sont symptomatiques des trajectoires suivies par ces deux sciences.
Elles buttent tous les deux sur la complexité des faits étudiés (l’étude du vivant et la crise
financière en sont des illustrations). Elles sont obligées de faire des va et viens entre holisme
et réductionnisme (individualisme dans le jargon de l’économie), entre vision naturaliste
(l’économie politique) et les mathématiques (économie mathématique), entre l’éthique et la
tentation utilitariste. Cette mise en perspective des deux sciences nous permet d’introduire un
élément clé du discours scientifique, le cadre méthodologique. Au cours des années 70, Joël
de Rosnay insistait sur le fait que nos sociétés devenant infiniment plus complexes, il fallait
nous doter d’un nouvel outil pour comprendre la variété des relations et le jeu des
interdépendances caractérisant le monde moderne. A côté du microscope qui nous ouvre le
champ de l’infiniment petit et du télescope qui nous introduit dans l’infiniment grand, il
conviendrait de donner une place au « macroscope », destiné à comprendre l’infiniment
complexe. Symbolisant une nouvelle manière de voir, de comprendre et d’agir, le macroscope
permettrait « de porter un regard neuf sur la nature, la société et l’homme » (Rosnay, 1975, p.
10). L’émergence du concept de développement durable, illustrée par la réunion des trois
sphères (économique, écologique et sociale) s’inscrit indéniablement dans cette démarche. Il
s’agit de formuler une nouvelle théorie « écologico-socio-économique » posant la complexité
comme approche méthodologique. Notre éducation universitaire ne nous prépare pas à cette
vision d’ensemble (la méthode analytique reste cantonnée aux limites posées par chaque
discipline). Cependant, c’est à ce prix que nous serons capables d’apporter une contribution
originale aux grands problèmes du monde. Le développement durable appelle de profonds
changements dans nos sociétés, ces changements concernent à la fois notre grille de lecture et
notre degré d’expertise. La contribution que nous proposons, entend faire de la complexité,
une méthode scientifique susceptible d’apporter des éclairages en matière d’expertise, qui
plus est, dans le domaine du développement durable.
Pour ce faire, nous procéderons en deux temps. Dans un premier temps, nous préciserons ce
que l’on entend par complexité. Cette notion nous invite à superposer trois niveaux : la
complexité scientifique, la complexité transdisciplinaire et la complexité des valeurs. Sans
pour autant constituer une méthode universelle, l’analyse systémique suggère de recentrer
notre attention sur une approche globale des problèmes étudiés. Il s’agit de dégager les grands
principes et les invariants qui relient les différents éléments d’un système. Dans un second
temps, nous utiliserons cette approche par la complexité afin de poser les bases d’une
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véritable expertise dans le cadre du développement durable. La question des biocarburants
constituera le terrain d’application de l’analyse systémique.
I. Ecologie et économie : comment penser la complexité ?
Il y a encore quelques années, pour tenter de percer les mystères de la complexité, il
suffisait de rechercher les unités les plus simples qui permettaient de l’expliquer. Que ce soit
en biologie, en physique, en économie…, l’approche analytique consistait à isoler les
éléments pour les étudier un par un (molécule, atome, particules élémentaires, producteur,
consommateur…). De nos jours, il s’agit plutôt de porter notre regard sur les systèmes qui
nous englobent et de faire un effort de synthèse. Cette vision globale, que nous qualifions
d’approche par la complexité, s’appuie sur deux notions importantes (la variété des éléments
observés et l’interaction entre ces éléments) et une révolution, la dynamique des systèmes,
plus connue sous le nom d’analyse systémique.
A. Différentes approches de la complexité
L’approche par la complexité comporte trois niveaux qui se superposent : la complexité
scientifique (il s’agit d’une approche globale des problèmes au niveau de chaque discipline),
la complexité transdisciplinaire (il s’agit de faire appel aux autres sciences pour se forger une
représentation pertinente du monde dans lequel nous vivons) et la complexité par les valeurs
(la recherche d’une vision globale du monde doit être compatible avec une éthique
personnelle, une action individuelle et collective).
1. La complexité scientifique
Dés l’origine, l’écologie s’est heurtée à la complexité tant de l’objet d’étude que des
méthodes employées. En 1866, E. Haeckel crée le mot écologie en faisant référence à la
biogéographie. En 1877, le zoologiste Karl Moebius crée à son tour le concept de biocénose.
En 1895, c’est le géographe botaniste, J.E.B. Warming, qui publie le premier ouvrage
d’écologie scientifique. Progressivement la notion d’écosystème intégrera au XXème siècle,
les concepts de biocénose et de biotope, eux-mêmes décomposés en sous systèmes (phyto,
zoo et micro biocénoses, facteurs climatiques et édaphique). Ceci a conduit les écologues sur
la voie de l’autoécologie (relation entre les êtres vivants et le milieu physique) avec des
approches quantitatives et l’intégration d’outils techniques de mesure des paramètres physicochimiques. Les approches synécologiques (relations au sein de la biocénose) étaient
initialement plus proches du monde naturaliste avec des méthodes proches à l’éthologie
mobilisant à l’origine les concepts de prédation et compétition. Dans tous les ouvrages
d’écologie générale à partir des années 1980 ces notions sont récurrentes (Ramade, 2009 ;
Barbault, 2008 ; Frontier, Pichod-Viale, 1991 ; Fischesser, Dupuis-Tate, 1996 ; Couvet,
Teyssèdre-Couvet, 2010). A la suite des travaux de Malthus, Verhulst présente la courbe
logistique en 1838. Celle-ci ne sera redécouverte qu’en 1920 par des démographes américains
et sera alors à l’origine de l’écologie des populations (Dajoz, 1974 ; Barbault, 1992). Les
courbes historiques de Volterra (Volterra, D’Anconna, 1935 ; Volterra, 1937) sur les relations
proies prédateur ont été à la base de l’écologie mathématique, mais ce formalisme
mathématique rebute une partie des écologues naturalistes de cette première moitié du
XXème siècle. Les différents auteurs (Viera da Silva, 1979 ; Dajoz, 1974) intègrent
progressivement de nouveaux modèles plus fiables portant sur les autres relations
synécologiques, les mesures de niche écologique et qui poussent le formalisme mathématique
beaucoup plus loin (Couvet, 2010). Dans la seconde moitié du XXème siècle, les études
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structurales ont pris deux directions complémentaires : spatiale et temporelles. Sur le plan
spatial, le problème posé était celui de la structure continue ou discontinue des écosystèmes,
des zones de frontière entre les différents écosystèmes (écotones) (Barbault, 1992 ; Couver,
2010), des entités écologiques non perceptibles de visu telles les unités phytosociologiques
(Ozenda, 2000). Cette complexité liée à l’imbrication des échelles spatiales a imposé une
mathématisation des méthodes (Coquillard, Hill, 1997). L’intégration de la dimension
temporelle s’est faite dans plusieurs directions : le suivi de l’évolution par des études
diachroniques pour les petites échelles de temps et par des études synchroniques comparatives
pour certaines échelles plus longues (Blondel, 1995). La complexité gagne encore par la prise
en compte des évolutions à l’échelle des continents et des temps géologiques, des données
biogéographiques aux données paléontologiques. (cf complexité transdisciplinaire). La
complexité des techniques s’est accrue lorsque la description des systèmes complexes a
nécessité l’utilisation de statistiques performantes lors des plans d’échantillonnage (Frontier,
1983), des analyses multi-variées pour déterminer les facteurs de causalité (méthodes
d’analyse multifactorielles) (Legendre, Legendre, 1984), des modèles de type Preston,
Motomura ou Mandelbrot (Daget, 1979) pour décrire les structures et leurs évolutions.
Par la suite, les études empiriques qualitatives du début du XXe siècle sur le fonctionnement
des écosystèmes, ont laissé place aux études synthétiques quantitatives mobilisant de grosses
équipes de recherche sur des temps d’étude longs. Les mesures de biomasse ont laissé place à
l’estimation des flux de matière et d’énergie aux différentes échelles de temps avec des
techniques complexes renouvelées, souvent indirectes. A ces études globales des années
1960-70 (Lamotte, Bourlière, 1967), (Duvigneaud, 1980), ont succédé des études du
fonctionnement de sous-parties (réductionnisme qui permet d’affiner le fonctionnement, mais
fait parfois perdre de vue le fonctionnement global en raison des interactions de l’éco
complexe à l’écosystème, aux peuplements et populations….jusqu’aux individus et flux de
gènes (mutations, sélection naturelle, fardeau et dérive génétique, interactions et équilibre
entre ces facteurs) (Couvet, 2010). L’une des difficultés majeures de l’Ecologie est
l’intrication et l’interdépendance des échelles de temps et d’espace des systèmes étudiés, ainsi
que la multi-factorialité des facteurs qui rendent nécessaires la modélisation et le recours aux
mathématiques et statistiques pour conceptualiser ou visualiser les phénomènes. L’éthologie a
apporté une importante contribution complémentaire des études écologiques via
l’écoéthologie (Gauthier & al, 1978) aussi bien pour décrire les déterminants individuels
(individus, espèces ou entités écologiques) et collectifs (relations entre espèces).
L’écologie a comme toutes les autres sciences été tiraillée par le foisonnement conceptuel qui
la caractérise mais peut être plus encore par l’antagonisme entre holisme et réductionnisme.
(Gunnell, 2009). Le réductionnisme prétend qu’il est possible d’expliquer le fonctionnement
des systèmes complexes en étudiant les différentes parties de ce système. Le holisme qui
s’attache à étudier le système dans son intégralité a pris différentes formes, notamment lors
des débats sur l’hypothèse Gaia où la solidarité entre les différentes composantes de la terre
est mise en avant pour expliquer la stabilité terrestre. Le cœur du débat est ici de savoir si les
écosystèmes sont des entités ontologiques discrètes avec des propriétés fondamentales et des
assemblages spécifiques, ou s’il s’agit au contraire d’assemblages aléatoires. Si le
réductionnisme semble peu applicable à l’écologie. Le concept de climax est issu de Clément
qui en 1916 décrivait les écosystèmes comme des super organismes. Le glissement entre les
propriétés homéostatiques et la dérive téléologique est emprunte d’une certaine vision
religieuse.
Après Lindeman (qui avait établi le principe selon lequel 10% de l’énergie est transmise d’un
niveau trophique au suivant), la vision d’Odun (avec les mots de productivité, d’efficience et
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de rendement empruntés à la physique) qui présentait la nature comme un gisement de
ressources triomphait grâce à la respectabilité des sciences exactes. Cette interprétation des
faits scientifique a maintes fois été critiquée. La courbe aire espèce (Mac Arthur, Wilson,
1967) est un bon exemple de cette opposition entre holisme et réductionnisme. En effet cette
théorie qui permet de prévoir le nombre d’espèces sur une surface donnée insulaire est par
essence holiste mais des études réductionnistes ont permis d’en valider certains éléments (par
exemple la relation avec la présence ou absence simultanée de certaines espèces). Transposées
en milieu non insulaire, les conclusions sont très discutables, mais la mathématisation tend a
rendre indiscutable cette théorie et peut servir certaines idéologies.
La théorie de la niche écologique est issue de la compétition de Lotka-Volterra et d’une
lecture partielle de la théorie de Darwin. Une relecture plus attentive de Darwin montre qu’il
avait lui-même évoqué déjà de nombreuses interactions positives, qui ont été redéveloppées
(Lecointre, 2009) en insistant sur le fait que le succès reproductif d’une espèce dépend certes
de son aptitude à capter plus de ressources (compétition), mais aussi à échapper aux
prédateurs (mimétisme), se reproduire plus (sélection sexuelle), profiter des autres
(parasitisme), coopérer entre espèces (symbioses) ou au sein de l’espèce (entraide ou
compassion). Le réductionnisme est ici à la fois cause et conséquence d’une dérive
idéologique. Une dérive de nature proche est rencontrée avec l’exemple des espèces à
stratégies r (qui maximisent la survie de leur espèce en produisant un grand nombre de
descendants à faible espérance de vie) opposées aux stratèges K (qui produisent moins de
jeunes mais en maximisent la survie). Le problème ne réside pas dans les faits mais dans
l’interprétation qui en faite. Donner une finalité, une intentionnalité à ces stratégies témoigne
d’une certaine emprise finaliste et donc d’une dérive idélogique.
Contrairement à l’écologie qui au-delà de l’aspect purement disciplinaire, est un « concept
intégrateur, un mode de pensée global qui matérialise aujourd'hui l'irruption de la systémique
dans l'éducation, l'industrie et la politique » (Rosnay, 1994, p. 1), l’économie a mis plus de
temps à intégrer la complexité en tant qu’approche méthodologique. Elle s’est davantage
tournée vers la microéconomie et la macroéconomie.
La microéconomie1 s’intéresse à l’affectation des ressources rares à travers un système de prix
de marché. Elle met l’accent sur les choix individuels et la notion d’individualisme
méthodologique. Parmi les individus (les microéconomistes utilisent le terme d’agents), le
producteur et le consommateur occupent une place privilégiée. La démarche
microéconomique procède généralement en deux étapes. Dans un premier temps, on décrit les
caractéristiques des unités de base (agents) de l’économie. Le producteur, sous la contrainte
de sa fonction de production, cherche à maximiser ses profits. Le consommateur, sous la
contrainte de son revenu, cherche à maximiser son utilité. Les deux agents doivent faire des
choix rationnels, c'est-à-dire mettre en balance les coûts et les bénéfices d’une décision (le
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Si la microéconomie s’est progressivement imposée dans l’enseignement de l’économie, quatre raisons peuvent
expliquer ce succès. La première renvoie au contenu scientifique de la démarche. La microéconomique se prête
au calcul mathématique. La deuxième réside dans sa simplicité. En concurrence parfaite, tous les agents
économiques (consommateurs et producteurs) sont des preneurs de prix. Les prix concernent toute la durée de
vie de l’économie (existence de marchés complets et absence d’incertitude). Les conjectures des agents sont
également naïves, quels que soient les prix affichés, ils font comme s’ils étaient en équilibre. La troisième
renvoie au caractère normatif du modèle. Il est généralement admis, à tord ou à raison, que le modèle de
concurrence parfaite doit conduire à un relâchement des hypothèses, c'est-à-dire à un certain réalisme du modèle.
La quatrième raison tient à la sophistication et à la diversité des modèles. Plusieurs évolutions (prise en compte
de la nature de la firme, analyse des acteurs à l’intérieur de l’entreprise, analyse des stratégies des concurrents…)
ont donné un contenu opérationnel à la microéconomie. La dernière en date, la théorie des jeux, a amené les
microéconomistes à se pencher sur les croyances des agents économiques.
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consommateur doit acquérir tel ou tel bien ; l’entreprise devra produire tel ou tel bien). Tout
choix impose un sacrifice (le consommateur qui achète un bien, renoncera à un autre bien). Ce
sacrifice porte le nom de coût d’opportunité. Il correspond « à la meilleure option à laquelle
on a dû renoncer » (Sloman, 2008, p. 14). En matière de choix rationnel, les
microéconomistes font souvent référence aux coûts marginaux et aux bénéfices marginaux.
On parle également de calcul à la marge. La production d’une voiture supplémentaire vautelle la peine de sacrifier d’autres produits qu’il aurait été possible de produire ? Ainsi si le
bénéfice marginal excède le coût marginal, il sera rationnel pour une entreprise de continuer à
produire ce bien. Dans un second temps, on précise le cadre dans lequel les unités de base
(agents) interagissent, c'est-à-dire le cadre dans lequel les décisions sont prises et les
transactions effectuées. Si le nombre d’agents est important, si les agents sont libres et
autonomes et si les échanges se font à partir d’un système de prix, alors le cadre identifié sera
le marché.
La macroéconomie, d’inspiration keynésienne, consiste à analyser l’économie d’un pays
d’un point de vue global, à travers les relations qui peuvent exister entre ses agrégats. Edmond
Alphandéry (1976, p. XIII) précise que « les phénomènes économiques qui intéressent la
collectivité nationale… sont essentiellement au nombre de cinq » : le chômage, l’inflation, le
déséquilibre des échanges extérieurs, les fluctuations de l’activité économique et la croissance
économique. Certaines relations sont de type comptable. Tel est le cas de l’égalité entre les
ressources et les emplois d’une économie nationale (PIB + importations = consommation +
investissement +- variation de stocks + exportations). D’autres décrivent des comportements
(demande de monnaie keynésienne). Les modèles macroéconomiques tentent de rendre
compte des niveaux d’équilibre des différents agrégats en s’appuyant sur les données
statistiques (chômage, inflation) et l’économétrie (modèles de prévision, de projection et de
simulation). A partir des années 70, les économistes ont accordé une place croissante aux
modèles qui recherchaient les fondements microéconomiques de la macroéconomie. Afin de
contourner le problème du No Bridge, ces modèles ont la particularité de comporter très peu
d’agents (on parle d’agents représentatifs) et d’étudier des phénomènes typiquement
macroéconomiques (inflation, chômage…).
A côté de ces deux approches, on trouve la mésoéconomie et l’approche systémique. La
mésoéconomie est « un domaine intermédiaire entre l'entreprise et un ensemble national ou
international, intermédiaire aussi entre le secteur et la branche au sens de la Comptabilité
Nationale. C'est en effet le champ d'action de la grande entre prise nationale ou
multinationale dont on sait aujourd'hui l'importance » (Bauchet, 1977, p. 32). D’une certaine
manière, la mésoéconomie analyse les groupes qui détiennent suffisamment de pouvoir pour
peser sur la destinée de l’économie nationale. L’analyse systémique que nous aborderons plus
tard, oblige l’économiste à construire un schéma relationnel intégrant des flux, des causalités
multiples et des rétroactions (voire des causalités circulaires). Ainsi l’étude d’une économie
fermée à deux agents (les ménages et les entreprises) ne suffit pas pour comprendre le
fonctionnement du système économique. Il est nécessaire de complexifier ce système (voir
figure page suivante) en y intégrant les institutions financières (banque centrale, banques
commerciales…), les administrations (Etat, Collectivités locales, Sécurité sociale), les
marchés du travail et de la monnaie, les échanges extérieurs (exportations, exportations), le
marché financier…. La mondialisation ou/et la globalisation de l’économie (Aglietta,
Brender, 1990) insistent sur le fait suivant : l’économie nationale et le reste du monde sont
étroitement corrélés (hausse du commerce international, développement des marchés
financiers internationaux, connexions entre institutions financières). L’interdépendance entre
diverses économies sera donc de nature très différente selon que les échanges sont des
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produits, des services, des capitaux… Par ailleurs, si la finalité de l’économie est bien la
satisfaction des besoins des individus vivant en société, l’économie n’est alors qu’un soussystème dont le niveau hiérarchique supérieur est la société. La complexité scientifique prend
ainsi la forme d’un modèle dynamique dans lequel les changements sont étudiés pour
appréhender l’organisation du sous-système. Il existe en effet, à l’intérieur du sous-système
économique, une multitude de sous-systèmes : système productif (filière, secteur, branche…),
système d’informations, système d’information mercatique… Les activités économiques
peuvent elles-mêmes générées des sous-systèmes, autant d’espaces différents du système
économique. Odile Castel (2010, p.1) évoque ainsi les interactions entre les activités
capitalistes dominées par la maximisation du profit, l’intérêt individuel et le recours au
marché ; les activités étatiques associés à l’intérêt général, aux services publics et à une forme
de planification indicative, les activités solidaires et sociales comme réponse à des besoins
tant sociaux qu’environnementaux non satisfaits par le marché ou la puissance publique
(Maréchal, 2001).
Achats de biens et services : Consommation
Achats de titres français
ou étrangers
Vente de titres
(actions, obligations...)
(actions, obligations)
Marché
Vente de titres
Financier
(obligations, actions)
Crédits
Institutions
Epargne
Investissement
Financières
Intérêts
Autofinancement
Intérêts
Ménages
Dépôts
Crédits
Le Reste du
Monde
Versement de revenus
Exportations
Importations
Versement de revenus
Distribution de salaires, dividendes, intérêts
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Entreprises
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Mais la complexité scientifique ne se limite pas à une approche méthodologique. Elle cherche
également à importer les notions, les outils et les corpus développés par les sciences du
vivant. C’est le cas de la neuroéconomie. Les résultats des recherches dans les neurosciences
conduisent à réviser plusieurs concepts clés en économie, notamment les actions rationnelles
(Schmidt, 2010). L’imagerie cérébrale tend à montrer que l’émotion est aussi importante que
la rationalité dans la prise de décisions. Le hasard, la surprise, le regret, l’ambiguïté, la
rancune…trouvent ainsi leur place dans l’analyse économique (il s’agit de répondre aux trois
questions suivantes : comment effectuons-nous nos choix ? Comment évaluons-nous les
risques de nos décisions ? Comment interagissons-nous avec les autres ?).
2. La complexité transdisciplinaire
Le but de l’approche transdisciplinaire est de permettre la résolution de problèmes complexes
en tirant profit de l’éclairage de plusieurs disciplines, de la complémentarité de leurs
méthodes et de leurs techniques. La transdisciplinarité s’appuie sur le besoin de connaissance
unitaire (Dedru, 2011), elle consiste à raisonner à la fois « entre les disciplines, à travers les
différentes disciplines et au-delà de toute discipline » (Nicolescu, 1996, p.7). Il s’agit de créer
des ponts mais également de prendre conscience des marges, de nature épistémologique et
méthodologique, qui relient et séparent les disciplines entre elles (Paul, Pineau, 2005). La
transdisciplinarité nous emmène dans différents niveaux de réalité (espaces sortants du cadre
disciplinaire), nous oblige à recherche une certaine cohérence (mis en relation des espaces)
tout en s’inscrivant dans le cadre de la complexité.
Dès l’origine, l’écologie comme l’économie ont été amenées à se tourner vers d’autres
disciplines. L’écologie a ainsi profité des apports de la pédologie, de l’hydrologie, de
l’écologie des populations, de la génétique, de la bioénergétique, de l’éthologie…mais a
franchi un nouveau pas en intégrant l’environnement dans son ensemble avec des disciplines
nouvelles (climatologie, glaciologie, agronomie…) mais surtout des façons de voir nouvelles
intégrant l’homme comme composante majeure (écologie industrielle, des villes, des
marchés..). L’économie se décompose aujourd’hui en de nombreuses branches dont les
qualificatifs renvoient directement aux autres sciences, citons l’économie politique,
l’économie sociale, l’économie mathématique, l’économie expérimentale, l’économétrie…
Ces différentes disciplines sont issues de champs scientifiques très différents (physique,
chimie, mathématiques, statistiques, biologie, géologie, sociologie, psychologie…), dotés
d’une épistémologie propre. Penser la complexité2 transdisciplinaire revient à mobiliser des
champs conjointement pour poser des problèmes qui ne sont pas la somme des sous
problèmes posés dans les différentes disciplines. Il ne s’agit pas de juxtaposer certaines
disciplines (mélanger des chercheurs de disciplines différentes pour les amener à collaborer
ensemble), mais bien de créer un système fonctionnel susceptible d’intégrer les contributions
respectives de chaque discipline. La résolution de problèmes complexes doit finalement se
traduire par la création d’une organisation finalisée, susceptible de faire émerger de nouvelles
valeurs, de nouvelles approches, des représentations du monde (Passet, 2011).
Le paradigme bioéconomique issu des travaux Nicholas Georgescu Roegen (1975) et de
René Passet (1979), fournit une excellente illustration de la complexité transdisciplinaire et du
souhait de leurs auteurs d’entraîner une véritable refondation de la science. La bioéconomie se
situe au carrefour de la vision thermodynamique et biologique du monde, « la
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La complexité à réunir de telles mosaïques notionnelles et didactiques est encore amplifiée par le statut
nouveau des faits étudiés qui intègrent couramment des controverses scientifiques.
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thermodynamique parce qu’elle nous démontre que les ressources naturelles s’épuisent
irrévocablement, la Biologie parce qu’elle nous révèle la vraie nature du processus
économique » (Georgescu-Roegen, 1978, p. 353).
- Nicholas Georgescu-Roegen (NGR) a été amené à porter son attention sur la fonction de
production. Cette dernière habituellement représentée par une relation technique
(combinaison des facteurs de production) ne décrirait selon lui aucune réalité physique. Afin
de rompre avec cette approche, NGR introduira la notion de processus, à savoir de
transformation contrôlée de la nature qui se déroule dans un certain contexte organisationnel,
lui-même inscrit dans un contexte socio-historique particulier (Dannequin, Diemer, 1998). Le
processus économique, appréhendé à partir d’une relation entre la physique et l’économie, est
conçu sur une base matérielle, laquelle se trouve assujettie à une série de contraintes (NGR,
1976). Un processus matériel ne produit ni ne consomme de la matière énergie, il se limite à
l’absorber pour la rejeter continuellement. Dès lors, ce qui entre dans le processus
économique consiste en des ressources naturelles de valeur, et ce qui en sort prend la forme de
déchets sans valeur. Cette transformation qualitative, précise NGR, ne peut être appréhendée
que par la thermodynamique, une branche de la physique.
La thermodynamique est née d’un mémoire de Sadi Carnot sur l’efficacité des machines à
vapeur (1824). Un des résultats importants de ce mémoire a été d’obliger la physique à
reconnaître pour scientifique un fait élémentaire reconnu depuis longtemps, à savoir que la
chaleur se déplace toujours d’elle-même des corps chauds aux corps froids. Comme les lois de
la mécanique ne peuvent expliquer un phénomène unidirectionnel et irréversible, il a fallu
créer une nouvelle branche de la physique utilisant des explications non mécanistes. NGR
s’appuiera sur la thermodynamique, et plus précisément sur la loi de l’entropie, afin de
pourfendre le dogme mécanique et reconstruire la théorie économique. Le premier principe de
la thermodynamique nous enseigne que lors de toute transformation, l’énergie est conservée
(conservation quantitative). Toutefois sa forme et sa disponibilité (dissipation qualitative) ont
changé. L’énergie libre et utilisable par l’homme se dissipe jusqu’à se transformer en chaleur
– la forme la plus dégradée de l’énergie – cette énergie liée devient si diffuse qu’elle ne peut
plus être utilisée par l’homme (Vivien, 1994). Ce deuxième principe de la thermodynamique,
principe dit de Carnot-Clausius, est encore appelé loi d’entropie. En établissant
l’irréversibilité des phénomènes physiques, en particulier lors des échanges thermiques, la loi
de l’entropie décrit une loi à laquelle on ne peut échapper, d’où l’insistance de NGR sur le
caractère irrévocable de cette évolution : « La loi de l’entropie occupe une place unique dans
les sciences de la nature, c’est la seule loi physique qui reconnaisse que l’univers matériel
lui-même est soumis à un changement qualitatif irréversible, à un processus évolutif » (NGR,
1995, p. 83).
A la suite de ces phénomènes thermodynamiques, NGR sera amené à tirer plusieurs
conclusions. Tout d’abord, le processus économique est par nature entropique. La
transformation des ressources naturelles en déchets traduirait le passage d’un état de basse
entropie à un état de haute entropie. La lutte économique de l’homme se concentrerait ainsi
sur la basse entropie de son environnement. Tous les êtres vivants luttent contre l'entropie :
« The first lesson is that man’s economic struggle centers on environnemental low entropy »
(NGR, 1971, p 56). Ils sont, pour reprendre l'image d'Erwin Schrödinger (1945), des sortes de
démons de Maxwell qui, au travers de leur métabolisme, capturent de la basse entropie pour
produire de la néguentropie (Brillouin, 1956). Ensuite, la basse entropie de l’environnement
est rare et sa destruction est irrévocable. Dans ces conditions, le processus économique,
généralement associé à la multiplication des utilités rares, oblige les hommes à inventer les
moyens susceptibles de mieux capter la basse entropie. Grâce à sa maîtrise de l’énergie,
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Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
l’homme est capable de faire croître sa puissance productive. Jacques Grinevald (1993, p. 13)
parle de « révolution thermo-industrielle ». Finalement, NGR tirera les conséquences à la fois
économiques, sociales et techniques des caractéristiques de la dot de l’humanité en basse
entropie. D’une part, le fait de puiser constamment dans les ressources naturelles n’est pas
sans incidence sur l’histoire, il constituerait même l’élément le plus important du destin de
l’humanité. Les guerres, les explorations et les migrations ont souvent été liées à la richesse
de la dotation des différents peuples en ressources naturelles. Il serait ainsi possible de
s’interroger sur la possible substitution de la lutte des classes par la loi de l’entropie et
l’exploitation des matières premières comme moteur de l’Histoire. D’autre part, le rythme de
prélèvement des ressources naturelles dépend exclusivement du choix des individus. C’est
cette liberté qu’a l’individu d’utiliser à volonté les ressources naturelles, qui serait responsable
du spectaculaire progrès de la technologie. Il existerait ainsi une relation de cause à effet entre
l’exploitation intensive de la basse entropie et l’essor des innovations technologiques.
- Si les lois de la thermodynamique constituent chez NGR des « méta lois » auxquelles les
hommes ne peuvent échapper (De Gleria, 1995), celles de la biologie vont s’avérer
déterminantes sans être déterministes. En effet, comme toutes les autres espèces naturelles,
l’homme a toujours utilisé ses organes biologiques afin de puiser de la basse entropie dans
l’environnement. De tels organes propres à chaque espèce vivante, sont selon la terminologie
d’Alfred Lotka (1945), des organes endosomatiques. Mais progressivement, les êtres humains
se sont distingués de la plupart des animaux en faisant appel à d’autres instruments qualifiés
d’exosomatiques : « The one outstanding exception is the human species. Here evolution,
especially in more recent times, has followed an entirely new path. In place of slow
adaptation of anatomical structure and physiological function in successive generations by
selective survival, increased adaptation has been achieved by the incomparably more rapid
development of « artificial » aids to our native receptor-effector apparatus, in a process that
might be termed exosomatic evolution » (Lotka, 1945, p. 188). Avec ces organes détachables,
principalement des outils et des équipements techniques, l’espèce humaine est parvenue à
accomplir de nombreuses réalisations. Les organes exosomatiques sont même devenus aussi
vitaux que les organes endosomatiques ; les hommes en sont largement dépendants voire
intoxiqués. Le processus économique apparaît ainsi comme une extension de l’évolution
endosomatique, en d’autres termes, comme la continuation de l’évolution biologique. Ce
point est fondamental car il est à l’origine de l’approche bioéconomique du processus
économique. En nous révélant la vraie nature du processus économique (le processus
économique serait une continuation du processus biologique), la biologie permet de tirer une
série de conséquences plus ou moins fâcheuses et irrémédiables pour l’humanité :
La première souligne l’état de dépendance du genre humain vis à vis du confort offert par les
organes exosomatiques, mais également vis à vis du plaisir relatif à la consommation de
masse « the pleasure derived from extravagant gadgetry and mammoth contraptions" (NGR,
1977b, p. 363). Cette évolution exosomatique de l’espèce humaine, déjà évoquée par Alfred
Lotka (1945, p. 190) - « People’s appetite for food is limited. Their appetite for automobiles,
radios, fur coats, jewelry, actually seems to follow the rule of the French proverb l’appétit
vient en mangeant » - se révèle particulièrement dangereuse étant donné qu’elle
s’accompagne d’une production croissante de technologies à partir de quantités d’énergie et
de matières premières puisées dans les entrailles de la terre.
La deuxième conséquence souligne, que comme toute évolution organique, l’évolution
exosomatique a divisé l’humanité en espèces exosomatiques aussi différentes que les espèces
biologiques. Cependant, contrairement aux espèces biologiques qui peuvent fusionner sans le
moindre obstacle, le cas des espèces exosomatiques est plus problématique. La distinction
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entre l’Homo Indicus et l’Homo Americanus, nous explique NGR est beaucoup plus profonde
et plus solide que celle qui sépare les espèces biologiques. Ainsi si l’Europe et le Japon ont
connu un redressement aussi spectaculaire après la seconde guerre mondiale, c’est qu’ils
appartenaient à la même espèce exosomatique que les Etats Unis, leur principal fournisseur
d’équipements. La plupart des pays en développement appartiennent quant à eux à des
espèces exosomatiques différentes. En d’autres termes, notre compréhension étroite du
processus économique aurait quelque peu biaisé l’amélioration des instruments
exosomatiques déjà en usage dans ces pays : «Un Homo Indicus criait à l’aide après que son
âne soit tombé dans un fossé et se soit cassé une patte. Suivant, le conseil de ses autorités
économiques, l’Homo americanus se précipita avec un pneu à carcasse radiale pour réparer
la panne du véhicule » (NGR, 1978, p. 343).
La troisième conséquence insiste sur les conflits sociaux engendrés par l’évolution
exosomatique. Un oiseau souligne NGR vole de ses propres ailes, attrape des insectes avec
son propre bec.... c’est à dire avec ses organes endosomatiques. Comme ces derniers sont la
propriété privée de chaque individu, ils ne peuvent faire l’objet d’un véritable conflit.
L’espèce humaine échappe cependant à ce principe. L’homme a en effet utilisé les organes
endosomatiques de ses congénères (esclavage, servage..) ainsi que domestiqué certains
animaux (boeufs, chevaux...) afin de se libérer des contraintes de la nature. Ces actes, rappelle
NGR, ont débouché sur des conflits, mais pas nécessairement des conflits sociaux. Les
conflits sociaux apparurent d’une part, à partir du moment où les moyens de production furent
séparés du corps de l’homme (existence d’organes exosomatiques), d’autre part lorsque leur
production et leur utilisation ne furent plus confinées au cercle de la famille ou d’un clan
familial3. A ce moment là note NGR, « les instincts de l’homme, d’habileté professionnelle ou
de curiosité gratuite, ont peu à peu mis au point des instruments exosomatiques capables de
produire davantage que ce dont le clan familial avait besoin. En outre, ces nouveaux
instruments, par exemple un grand bateau de pêche ou un moulin, demandaient aussi bien
pour leur construction que pour leur fonctionnement, plus de bras qu’un seul clan familial ne
pouvait en fournir. C’est à cette époque que la production pris la forme d’une activité sociale
plutôt qu’une activité de clan » (NGR, 1969, p. 101). Dans le même temps, la division du
travail, nécessaire pour organiser la production ne fût réalisée, ni en fonction d’un quelconque
rôle déterminé dès la naissance pour chacun de ses membres, comme c’est le cas dans la ruche
ou la fourmilière, ni en fonction des divers talents de chacun, mais en accord avec les rôles
requis par l’organisation sociale : « Production thus became a social enterprise, which has to
be well planned, set in motion at the opportune moment, and directed and closely supervised
thereafter. These new tasks created a division not of labour in the sense of Adam Smith4
(which certainly was already at work), but a role in the production process and the social
organization" (NGR, 1986, p. 250). Cette division sociale reposerait sur la distinction entre
deux catégories de membres de la société : les gouvernés et les gouvernants, encore appelés
« élite privilégiée ». La première catégorie fournit des services ayant une mesure objective
(les maçons peuvent en effet compter combien de briques ont été posées). La seconde
catégorie regroupe des services sans mesure objective (on ne peut en effet mesurer le travail
physique des juristes, des avocats...). Dans ce contexte, souligne Nicholas Georgescù-Roegen
(1977), il est toujours possible pour les gouvernants d’exagérer l’importance de leur travail et
de s’en servir pour affirmer leur supériorité et leur domination sur les autres membres de la
3
NGR aborde ce problème dans le cadre de l’économie paysanne et des travaux de Tchayanov.
NGR ne partage pas la conception que Smith a de l’origine de la division du travail. En effet, alors que pour
Adam Smith, la division du travail a pour origine "un certain penchant naturel à tous les hommes", pour NGR,
elle a pour fondement « les instincts de l’homme, d’habileté professionnelle ou de curiosité gratuite » (NGR,
1969, p. 101),
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Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
société. On voit ainsi, que le conflit social (lui-même issu de la division du travail) dans les
sociétés humaines n’existe que parce que l’espèce humaine en est arrivée à vivre en société
par évolution exosomatique et non endosomatique. Un conflit social qui fera
malheureusement partie du lot de l’humanité aussi longtemps que le mode de vie des sociétés
humaines (capitalistes) dépendra de
la production à grande échelle d’instruments
exosomatiques.
A côté de ce paradigme bioéconomique, l’écologie a cherché à analyser et à repenser les
liens qui l’unissaient à l’environnement. Des champs jusqu’alors en limite de l’écologie se
sont trouvés intégrés par le simple fait de l’extension du domaine d’étude intégrant les plus
grandes échelles spatiales et temporelles, les phénomènes globaux tout autant que les
phénomènes locaux ou régionaux aussi bien pour l’hydrosphère, que l’atmosphère, la
lithosphère ou la biosphère. Cette complexité accrue par les changements d’échelles et de
nouveaux régimes d’interactions a nécessité de passer à une vision systémique d’ordre
supérieur. Mais la révolution la plus importante a été d’intégrer les actions humaines en
écologie à toutes les échelles de perception. La vision de la Terre dans sa globalité (vue de la
mission Apollo) a paradoxalement mis en évidence son unicité mais aussi sa fragilité avec
l’émergence d’actions de l’homme sur l’environnement. Historiquement les effets de la
bombe atomique (guerre de 1939-45) ont provoqué une prise de conscience que l’homme
pouvait avoir un impact sur son environnement. Ceci a été confirmé par certaines catastrophes
anthropiques avec des effets immédiats (Bhopal, Seveso) ou des impacts humains plus lents
(effet des pluies acides, réduction de la couche d’ozone…). Un sentiment nouveau est né :
l’homme par ses actions peut fragiliser la planète. Cette prise de conscience née de la
civilisation industrielle n’a cessé de croitre durant la fin du XXe.
Paradoxalement la résolution du problème de la couche d’ozone, en substituant aux composés
qui la détruisaient (PCB) des composés moins destructeurs, a fait naitre le sentiment que
l’homme peut et pourra toujours corriger les effets de ses actions négatives. Des axes
nouveaux de recherche ont été initiés en ce sens : restauration des écosystèmes, piégeage du
dioxyde de carbone dans les couches géologiques, modification de l’albédo dans les régions
où la fonte des glaciers est possible (bâches blanches en limite des glaciers, enduits clairs sur
les roches sombres d’altitude..).
Intégrant l’homme dans ses processus d’étude l’écologie a renouvelé l’angle de vue qu’elle
portait sur les systèmes en prenant en compte ses dynamiques démographiques ou
économiques mais aussi ses mutations sociales, faisant entrer l’écologie dans une science
porteuse de valeurs.
L’une des évolutions les plus significatives de cette intégration est la prise en compte de
facteurs tels le hasard, le possible, le probable le flou l’aléatoire ou le déterminé, pour
résumer : l’incertitude. Le relativisme en a été la rançon : face à cette complexité grandissante
de la science écologique (comme d’autres) les non écologues ont commencé à remettre en
question certaines de ses conclusions. Certains se sont tournés vers des visions plus
naturalistes plus accessibles, d’autres vers des « explications » plus métaphysiques voire
religieuses.
3. La complexité des valeurs
La notion de complexité souligne l’existence de multiples sous-systèmes en interaction
dynamique, le sous-système économique, le sous-système écologique, le sous système social,
le sous-système juridique… L’ensemble de ces sous-systèmes évolue dans une structure
dominée par le système société. Au sein de ce système, les sous-systèmes sont profondément
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Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
influencés par l’ensemble des valeurs (justice sociale, morale, équité, éthique…) constituant
le projet de société. L’émergence de nouveaux objets sociaux, tel que le développement
durable, peut être à l’origine de l’émergence de nouvelles valeurs (autorité par les
compétences), visant à remettre en cause ou à compléter les valeurs traditionnelles (autorité
par le pouvoir).
La place de l’éthique
Une analyse des relations homme-nature (Fagot-Largeault, Acot, 2000 ; Larrère, Larrère,
1997) avait montré que l’homme pouvait se positionner : (i) au centre de la nature en position
d’observation. C’est typiquement la position qu’avaient adoptée les grecs qui prônaient un
naturalisme savant et tentaient d’analyser les relations entre physique et éthique, entre nature
et humanisme. (ii) à l’extérieur de la nature, en position d’expérimentateur et de maitrise. Il
s’agit de la vision qualifiée de « moderne ». Elle sépare le sujet de l’objet. (iii) dans la nature,
mais sans position privilégiée. Cette position plus récente postule que nous faisons partie de la
nature tout en insistant sur l’importance de la connaissance et de la technique pour la gérer au
mieux. Les deux premières positions sont anthropocentrées. La troisième vision est
écocentrée. Il existe aussi une position biocentrée accordant à l’animal une valeur individuelle
propre. Il semblerait que même si ces différents positionnements sont respectables, dans
l’objectif d’un « bon usage » de la nature, la vision éco-centrée serait la plus adaptée, mais ce
point pourrait être débattu. Une vision objective de la nature, éclairée par la science semble
nécessaire pour en envisager la gestion (Lévêque, Sander, 2003).
Concernant les valeurs de l’EDD (éducation aux choix, à la complexité, développement de
valeurs positives, culture du risque sans déni ni catastrophisme), l’existence des différents
types de représentations et la prise en compte des différents positionnements éthiques est
nécessaire à la mise en place d’une démarche éducative. L’attitude que pourrait développer
l’éducateur (Rogers, 1966) pourrait s’articuler autour de trois concepts : (i) La congruence où
l’on fait le choix d’être authentique et transparent par rapport à l’autre. (ii) L’empathie qui
consiste à comprendre l’autre en se mettant à sa place et en tentant de vivre la situation selon
son point de vue. (iii) L’acceptation de la position de l’autre, comme étant à priori
fondamentalement digne de confiance.
Quelles sont les relations entre éthiques environnementale et économique ? L’économie est
régie par des règles d’éthique parfaitement codifiées. Si ces principes se complètent dans le
domaine économique, ils ne suffisent pas à envisager la complexité environnementale
(Burgenmeier, 2005). L’auteur cite comme principales caractéristiques du pilier social,
l’équité et la responsabilité intergénérationnelle ; du pilier économique, la précaution, la
valeur intrinsèque de l’environnement et l’évaluation non monétaire ; du pilier écologique, la
complexité, l’horizon temporel élargi et l’incertitude !! Cette vision un peu descriptive des
principes éthiques est un peu réductrice car elle met en opposition de façon caricaturale ces
principes. En économie, la notion d’éthique est encore plus délicate à appréhender car elle ne
concerne plus seulement l’homme mais l’entreprise et que d’autre part la recherche de profit
peut mener à ne plus respecter certaines règles de conduite. L’éthique d’entreprise est
globalement plus proche d’un pacte de bonne conduite (pacte mondial lancé par Kofi Annan
en 2000 : élimination des formes de travail forcé, de discrimination…). Certains auteurs
(Diemer A., 2009) opposent deux types d’éthique : l’éthique latine et anglo-saxonne.
L’éthique latine fait référence à des valeurs morales (honnêteté, vérité, confiance, charité,
solidarité..) tout en privilégiant l’intérêt social de l’entreprise. L’éthique anglo-saxonne
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Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
privilégie le profit et les intérêts des actionnaires plutôt que celui de l’entreprise. L’éthique
doit elle être opérationnelle ou est-ce le rôle de la politique que de l’être? C’est la
gouvernance qui doit être opérationnelle en prenant en compte les différentes éthiques et les
choix politiques. A défaut il faudrait s’en remettre à la décision d’experts, et même si l’on
peut accorder à l’expertise collégiale d’être souvent opérationnelle, son acceptabilité par la
population est souvent faible, d’où le recours aux différentes éthiques.
Economique
Principes d’éthique
Environnemental
Rationalité économique
Précaution
Droit des contrats
Concurrence
Justice distributive
Droits de la nature
Coopération
Justice procédurale
Ecologie de la conservation, de la restauration, de la réconciliation de la
reconnexion au prisme du système de valeurs
On peut définir l’écologie de la conservation comme l’étude des mécanismes écologiques,
économiques et sociologiques affectant la dynamique de la biodiversité appliquée à la
préservation des espèces et s’appuyant sur cinq principes (Couvet, Teyssèdre-Couvet, 2010).
La résolution du problème passe par la prise en compte des aspects biologiques, économiques
et sociaux, quels que soient leur importance relative. Quelle que soit l’option choisie, l’un des
buts sera de maintenir la diversité biologique (infra et interspécifique, génétique et
écosystémique). L’utilisation des ressources naturelles doit tenir compte de la dynamique de
l’écosystème à produire, mais pas uniquement. Il faut tenir compte aussi des mécanismes
écologiques et socio-économiques affectés par cette utilisation.Toute stratégie efficace doit
tenir compte des motivations, intérêts et valeurs de tous les acteurs (ce qui n’est pas une
simple moyenne de ces trois positions). Une stratégie de conservation efficace exige une
communication interactive, réciproque et continue entre les acteurs car il s’agit de comprendre
les valeurs et la logique de chacun.
L’écologie de la préservation et de la restauration cherche à mettre à l’abri de l’extinction ou
d’un déclin irréversible des espèces menacées en les plaçant dans des espaces protégés. Cette
stratégie est limitée concernant les espèces en raison des contraintes liées aux espèces elles
même, à la disponibilité d’espaces adaptés et à l’évolution climatique par exemple. Il s’agit
d’une stratégie à court terme. La conservation peut avoir lieu in situ ou dans un espace
protégé. A l’échelle mondiale, ces espaces présentent 10% des espaces (Réseau Natura 2000
en France). Cette préservation passe par l’acceptabilité par les populations. Pour cela il est
judicieux que cette mise à l’abri profite aux peuples résidents ; il s’agit donc d’un travail de
conciliation. L’installation ailleurs d’une zone de préservation, reporte plus loin les effets de
l’empreinte écologique (écotourisme dans le parc du Serengeti). Cette écologie nécessite une
attention toute particulière aux corridors entre les parcelles sans quoi la diversité chuterait. En
termes d’espèces, toutes n’ont pas la même valeur : il existe des espèces : (i) clé de voute,
faible effectif mais rôle écologique prépondérant, (ii) sentinelles, leur déclin précède celui
d’autres espèces, (iii) parapluie, espèces dépendant de très nombreux facteurs, composants de
la biodiversité mais aussi du contexte socio-culturel…
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Dans l’écologie de la réconciliation, la mise en place d’espaces protégés (surface de 10%) ne
pourrait permettre la protection que de 10% des espèces inféodées à ces territoires. Il est donc
indispensable de s’intéresser au devenir des espèces, mais aussi des sociétés humaines qui en
dépendent (Rosenzweig, 2001). Il s’agit de concilier les activités humaines et la présence des
espèces sauvages dans des espaces anthropisés. Ceci passe par des techniques d’ingénierie
écologique qui visent à s’appuyer le plus possible sur les services écosystémiques. L’écologie
industrielle s’inspire elle d’actions basées sur le fonctionnement (ville de Kalundborg).
L’économie écologique prend place dans ce contexte. L’économie basée sur des ressources
qui deviennent limitantes laisse place à une économie fonctionnelle rémunérant l’utilisation
d’un produit plutôt que son achat. Afin de limiter l’extraction des ressource naturelles, des
mesures fiscales sont mises en place : régulation de l’accès a des biens communs et
redéfinition des conditions d’aide publique. Enfin, une gestion des externalités est
nécessaire. On parle d’externalité lorsque les effets de l’action d’un agent économique sur un
autre agent ne font pas l’objet d’une transaction sociale ou économique (l’eutrophisation d’un
lac par des fertilisants est une externalité négative, alors que la protection d’un bassin versant
par des zones boisées est une externalité positive). Il s’agit alors de rémunérer les externalités
positives (paiement pour services écologiques) par exemple une société des eaux qui paye les
agriculteurs du bassin versant et de taxer les externalités négatives (principe pollueur payeur,
fiscalité verte). Dans le domaine agricole, il s’agit des scénarios globaux où l’agriculture joue
un rôle majeur (occupe 50 à 70% des terres émergées) : l’agro-écologie (minimisation des
intrants engrais pesticides et énergie), l’éloignement des modes de production standardisés.
Enfin, l’écologie de la reconnexion part du principe que la majorité des humains vit
maintenant en ville, dans des zones où la biodiversité n’est que peu prégnante. De l’empreinte
écologique (même si le concept est critiquable) dépend la biodiversité aux alentours du site
étudié. Cette écologie s’intéresse à la relation entre mode de vie et empreinte écologique. Par
extension, elle s’intéresse à la relation nature culture (Lévêque, Sander, 2003). Elle prend
donc en compte les aspects anthropologiques et sociaux, avec comme but le découplage entre
IDH et empreinte écologique de l’homme. Tenir compte de la diversité sociale signifie
s’intéresser aux populations pauvres (solidarité intergénérationnelle, démocratie prônée « pas
de famine dans les démocraties », Sen, 1999).
La diversité des valeurs attribuées à la nature par les différents acteurs, leurs comportements,
la dynamique de ces valeurs et les comportements en relation avec la dynamique des
écosystèmes sont prépondérants. Les changements culturels et la dynamique des écosystèmes
étant en constantes interactions, il s’agira de concilier la liberté individuelle, l’esprit
d’entreprise, la régulation environnementale, l’appétence pour la technologie et le principe de
précaution (Janssen, De Vries, 1998).
Pour tenir compte de la diversité des valeurs, la typologie de Thompson positionne les
personnes en fonction de deux critères : le sentiment d’appartenance à un groupe et l’adhésion
aux hiérarchies sociales. En fonction de leur répartition selon ces axes il est possible de
déterminer quatre profils : fataliste/individualiste/ hiérarchiste ou égalitariste. Dans cette
représentation, d’après (Thompson et al, 1990), la position de la boule atteste de la typologie
et de la stabilité dans cette typologie. Il existe une relation forte entre ces types et les manières
de gérer les besoins et ressources, les gouts et les préférences des personnes. Ceci entraine une
coadaptation entre ces différents types culturels et le type d’activité pratiquée.
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La typologie de Gunderson et Holling, 2002 (ci-dessous), formalise l’influence des
perceptions sur les politiques mises en place en fonction de l’économie et du climat. Les
indicateurs qui permettent l’adaptation des représentations sont fondamentaux. La diversité
des représentations favorise l’adaptation alors que leur réduction conduit à une forte
discordance entre représentation et réalité. Cette typologie fournit une grille d’analyse des
controverses environnementales en proposant une logique des préférences et des aversions,
ceci pour chacun des arguments éthiques ou utilitaristes, le fait de considérer le temps proche
ou lointain et enfin l’affinité pour différents outils et approches.
En analysant la diversité anthropologique des sociétés, de leurs conceptions sur la nature et de
leurs choix individuels, nous serions susceptibles de mieux comprendre les mécanismes et les
contraintes amenant à la diversité des comportements observés. La perception de la
biodiversité intègre donc de multiples dimensions, en fonction des intérêts, des usages et des
valeurs de chaque individu. L’écologie se définit donc plus encore comme une discipline à la
croisée des sciences de la nature et des sciences humaines.
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B. La méthode systémique
L’approche systémique ne renvoie pas à une science, une théorie ou une discipline, mais bien
à une méthodologie « permettant de rassembler et d’organiser les connaissances en vue d’une
plus grande efficacité de l’action » (Rosnay, 1975, p. 91). Elle est née du rapprochement de
plusieurs disciplines dont la cybernétique (Wiener, 1948), la théorie de l’information
(Shannon et Weaver, 1949), la théorie des systèmes (Von Bertalanffy, 1954)… L’approche
systémique s’appuie sur la notion de système. Un système est un ensemble d'éléments en
interaction dynamique, organisés en fonction d’un but. C’est également un outil de
modélisation permettant de représenter et d'analyser des complexes d'éléments caractérisés
par leur nombre élevé et un réseau de relations imbriquées (Forrester, 1965). La notion de
système n’est pas réellement novatrice en soi, la biologie et les sciences de l’environnement
ont été les premières à s’y référer (l’écosystème étudie l’environnement dans sa globalité, le
corps humain est mieux compris grâce à l’étude des relations entre les différentes parties du
corps). C’est cependant son application à l’économie, au monde de l’entreprise et aux
phénomènes de structuration sociale qui est nouvelle. L’analyse des systèmes complexes nous
a conduit à rejeter le concept d’équilibre ou à le dépasser tout simplement. On raisonne sur
des quantités en mouvement (et non plus dans un univers statique), il s'agit ici de comprendre
la cohérence et la persistance du système à travers le temps.
Si l'apparition du concept de système peut être expliquée en grande partie par la complexité
croissante des phénomènes biologiques, sociologiques, économiques… et la multiplication
des interactions entre ces différents phénomènes, il convient de rappeler que les approches
traditionnelles (on pense surtout à la logique cartésienne) se sont révélées insuffisantes pour
maîtriser cette double évolution. Il devenait donc nécessaire de construire une nouvelle
approche scientifique qui ait une vision plus globale des phénomènes. Une application de
l’analyse systémique aux phénomènes économiques et sociaux, est présente dans le rapport
Meadows, Halte à la croissance.
1. Les caractéristiques de l’approche systémique
L’analyse systémique se présente comme une approche alternative et complémentaire à la
logique cartésienne. Elle rappelle également que tout système repose sur un ensemble de
caractéristiques, susceptibles d’établir une typologie des systèmes. On peut présenter les
caractéristiques de l'approche systémique, en établissant une comparaison avec la logique
cartésienne.
- Le principe d'évidence et de pertinence : à travers le principe d’évidence et de pertinence, la
logique cartésienne considérait que l’on pouvait tout connaître et tout démontrer par l'analyse
scientifique. Les systémistes considèrent que la connaissance n'est pas évidente, il faut
construire une représentation qui ne soit pas absolue, mais plus ou moins pertinente. On
connaît quelques objectifs. On avance l'idée de la pertinence des modèles.
- Le réductionnisme et le globalisme : l’approche cartésienne s’appuie sur le réductionnisme.
La connaissance et la science procèdent par décomposition. On réduit en divers éléments, puis
on reconstruit. C’est une opération conceptuelle du même type qu'une opération matérielle.
Les systémistes insistent sur le globalisme. On ne peut pas procéder par agrégation, les
différents éléments ne sont que des éléments d'un tout.
- Le causalisme et le finalisme : l’approche cartésienne retenait le causalisme. Il était ainsi
toujours possible de remonter jusqu'à une cause ou des causes finales. La logique systémique
considère qu’un système est efficace en mécanique lorsque l'on a quelques variables. Lorsque
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Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
les variables sont nombreuses et que les complexes sont organisés, le causalisme n'est plus
d’aucune utilité (il y a trop d'interdépendances). Il est nécessaire de raisonner à partir des
structures. Il existe des relations stables entre les éléments. Les systèmes sont finalisés, et
fonctionnent comme s'ils avaient un but. Il y a existence d'un véritable projet.
- L’exhaustivité et l’agrégativité : La démarche cartésienne repose sur l’exhaustivité. On peut
comprendre et percer tous les secrets du monde, c'est juste un effort scientifique. Les
systémistes considèrent que l'on ne peut pas tout prendre en compte. La science est obligée de
simplifier. Toute représentation doit simplifier et sélectionner un certain nombre de variables.
On peut toujours discuter une théorie, un modèle.
Au-delà de ces distinctions d’ordre méthodologique, il convient de rappeler qu’un système
est caractérisé par (i) différents éléments qui le composent (avec les particularités suivantes :
une grande diversité et une grande complexité). Il peut s'agir d'éléments corporels, d'éléments
incorporels, d'éléments humains... (ii) des limites qui le séparent de son environnement ; (iii)
un réseau d'interactions qui permet les échanges (flux d’énergie, d’informations, de matières)
et contribue à la régulation du système. On distingue deux catégories d'interactions : les
relations internes et les relations externes ; (iv) son état, c'est-à-dire l'ensemble des valeurs
prises à une date donnée par les éléments qui le composent ; (v) sa diversité, il existe en effet
un ensemble d'états possibles du système ; (vi) sa finalité, le système est en effet organisé
autour d’un ou plusieurs objectifs (ce ou ces derniers varieront en fonction de sa situation). Il
est également possible d'établir une typologie des systèmes sur la base de certaines propriétés.
Un système peut être concret (existence matérielle) ou abstrait (les éléments de ce système
sont des concepts ou des procédures) ; finalisé (il est alors affecté d'un ou plusieurs objectifs
précis) ou non finalisé ; ouvert (il a des relations avec son environnement) ou fermé (isolé du
monde ambiant). Dans cette configuration du système, l’entreprise en tant qu’organisme
vivant (ou cellule sociale) pourrait être associée à système organisé (car doté d’une
structure), dynamique (elle évolue en permanence), finalisé (existence d’objectifs), ouvert
(l’entreprise est en relation avec son environnement), et régulé (elle s’adapte en permanence
pour atteindre ses objectifs.
2. Le rapport Meadows, un cas d’école de l’approche systémique
Le Club de Rome a demandé en août 1970 au Groupe d’étude de dynamique des systèmes
du MIT d’entreprendre l’étude des tendances d’un certain nombre de facteurs qui déréglaient
la société. Ce groupe a ainsi cherché à définir les limites matérielles qui s’opposent à la
multiplication des hommes et les contraintes résultant de leurs activités sur la planète : « Dans
ce contexte, partout les hommes sont confrontés à des théories de problèmes étrangement
irréductibles et tout aussi insaisissables : détérioration de l’environnement, crise des
institutions, bureaucratie, extension incontrôlable des villes, insécurité de l’emploi, aliénation
de la jeunesse, refus de plus en plus fréquent des systèmes de valeurs reconnus par nos
sociétés, inflation et autres dérèglements monétaires et économiques…Ces problèmes en
apparence différents ont en commun, trois caractéristiques. Premièrement, ils s’étendent à
toute la planète et y apparaissent à partir d’un certain seuil de développement quels que
soient les systèmes sociaux ou politiques dominants. Deuxièmement, ils sont complexes et
varient en fonction d’éléments techniques, sociaux, économiques et politiques. Finalement, ils
agissent fortement les uns sur les autres et cela d'une manière que nous ne comprenons pas
encore » (1972, p 139).
L’objectif principal des auteurs du Rapport Meadows était la reconnaissance dans un
contexte mondial des interdépendances et interactions de 5 facteurs critiques : explosion
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démographique, production alimentaire, industrialisation, épuisement des ressources
naturelles et pollution. Partant du constat que la quasi-totalité des activités humaines obéissent
à une loi de nature exponentielle (les cinq variables évolueraient selon une progression
géométrique5), l’équipe du MIT utilisa une méthode analytique mise au point par J.W
Forrester (1971), à savoir la dynamique des systèmes. Cette dernière devait mettre « en
évidence les nombreuses relations entre éléments, formant des boucles avec couplage, et pour
certaines à effets décalés dans le temps » (1972, p. 153). Ainsi une boucle positive (boucle
d’amplification) apparaît à chaque fois que l’on rencontre une quantité variant
exponentiellement. Cette boucle positive est en quelque sorte un cercle vicieux (exemple bien
connu de la boucle prix-salaires). Dans une boucle positive, toute séquence de relations de
cause à effet aboutit fatalement à son point de départ : tout accroissement donné à l’un des
éléments quelconque de la boucle amorcera une suite logique de modifications dont le résultat
final se traduira par une augmentation encore plus grande de l’élément de départ. Une boucle
négative a un rôle régulateur. Elle vise à maintenir à un niveau constant une fonction qui tend
à croître ou à décroître. Elle agit donc en sens inverse de la variation de la fonction
Illustration : La croissance de la population humaine obéit à une loi exponentielle (suite
géométrique selon Malthus). La structure du système qui traduit la dynamique de la
croissance de la population est schématisée ci-dessous.
Fig : boucle régissant la population
Naissance
par an
Taux de
natalité
(+)
Population
(-)
Décès/an
Taux de
mortalité
Ce système a deux boucles. Celle de gauche est positive, elle représente ce que l’on
peut déduire de la courbe de croissance exponentielle observée. Etant donnée une population
à taux de natalité constant, plus cette population est élevée, plus le nombre de naissances
annuelles sera élevé. La boucle de droite est négative, l’évolution d’une population est
fonction du taux moyen de mortalité lequel reflète l’état global de santé d’une population. La
mortalité tend à réduire l’accroissement de population. A taux de mortalité constant, un
accroissement de la population tend à accroître la mortalité annuelle en valeur absolue. Un
nombre accru de décès diminue la population ce qui – toujours à taux de mortalité constant –
provoquera l’année suivante, un nombre de décès inférieur à l’année précédente.
En généralisant cette méthode aux cinq variables étudiées (explosion démographique,
production alimentaire, industrialisation, épuisement des ressources naturelles et pollution),
les auteurs du rapport ont pu bâtir un modèle systémique faisant interagir un ensemble de
boucles. A l’aide de ce modèle et de différentes simulations, les auteurs du rapport sont
5
Une quantité croît exponentiellement si elle augmente d’un % constant au cours d’un intervalle de temps
donné.
19
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arrivés à la conclusion que le système global tendrait inéluctablement vers une surchauffe
suivie d’un effondrement. La cause de cet effondrement était la disparition des matières
premières. A partir du moment où les investissements nécessaires pour maintenir un certain
niveau de production ne peuvent plus compenser la dépréciation du capital, tout le système de
la production industrielle s’effondre et entraîne l’effondrement des activités agricoles et des
services dépendant de la production industrielle. Pendant un certain temps, la situation est
extrêmement dramatique, car la population, compte tenu du temps de réponse relativement
long, continue à croître. Un réajustement progressif, mais vraisemblablement à un niveau plus
bas ne pourra se produire qu’après une période de recrudescence de la mortalité par suite de
carence alimentaire et de détérioration des conditions d’hygiène et de prophylaxie : « Cela
nous permet d’affirmer avec une quasi-certitude que, au cas où aucun changement
n’interviendrait dans notre système actuel, l’expansion démographique et l’expansion
économique s’arrêteraient au plus tard au cours du siècle prochain (avant l’an 2100,
précisera le rapport) » (1972, p 232). Mais qu’adviendrait-il si le stock des matières premières
avait été sous-évalué ? Les auteurs du rapport sont formels : c’est le niveau de la pollution
qui serait la cause essentielle de l’arrêt de la croissance. Le taux de mortalité monterait
rapidement sous l’action conjointe des polluants et du manque de nourriture.
Fig : Boucles régissant la population, le capital, la production agricole et la pollution
Naissances
annuelles
Population
(+)
(-)
Quota alimentaire
individuel
Natalité
Décès annuels
(-)
Mortalité
(-)
Quota alimentaire
souhaité
Superficie cultivée
Capital
agricole
Réserves de
ressources
Ressources
naturelles non
renouvelables
Nourriture
produite
Rendement du
capital
Investissements
Pollution
Production
industrielle
(-)
(+)
Dépréciation
Capital industriel
(-)
Durée
moyenne du
capital
Taux d’investissement
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II. La question de l’expertise
Lorsque l’économiste et l’écologue ont clairement définis leur posture scientifique (c’est la
relation aux savoirs) et les représentations véhiculées par l’objet « développement durable »,
il est possible de procéder à une expertise scientifique, c'est-à-dire de mobiliser des
connaissances scientifiques en vue d’éclairer la décision publique. L’expertise doit se
dissocier de la recherche à proprement parler. Cette dernière a pour objet « d’accroître des
connaissances scientifiques » tout en s’inscrivant dans le temps long des découvertes
scientifiques alors que l’expert mobilise des connaissances en vue de répondre à une question
précise dans des délais très courts. Par ailleurs, ce recours à l’expertise scientifique répond à
une véritable attente du corps social (la société civile) tout en s’inscrivant au cœur des
législations européenne et nationale (Le Maho, Boucher, 2011). Ainsi, en matière de
biodiversité, l’article L.122-1 du code de l’environnement mentionne l’obligation de réaliser
des études d’impact préalablement à la mise en œuvre « de projets de travaux, d’ouvrages ou
d’aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation
sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ». La Directive
européenne du 21 mai 1992 dite « directive habitats » impose le recours à l’expertise pour
l’établissement de la liste des sites à protéger sur la base d’informations scientifiques
pertinentes (art 4), pour l’évaluation des incidences sur les sites des projets susceptibles de les
affecter (art 6), pour la surveillance de l’état de conservation des espèces et des habitats
naturels (art 11). En matière d’OGM, l’article L 531-2-1 du code de l’environnement précise
que « les décisions d’autorisation les concernant… ne peuvent intervenir qu’après une
évaluation préalable indépendante et transparente des risques pour l’environnement et la santé
publique » laquelle « est assurée par une expertise collective menée selon des principes de
compétence, pluralité, transparence et impartialité ».
Le message est donc clair. Des compétences pluridisciplinaires associées à l’objectivité
scientifique sont requises pour lever le voile de l’ignorance. Reste à préciser les enjeux en
matière scientifique et les termes d’une collaboration pluridisciplinaire (notamment entre
l’écologue et l’économiste).
A. Les enjeux scientifiques
La question des enjeux scientifiques tient en quelques mots. Si l’écologie a trouvé sa place
dans les débats de société, elle reste encore une discipline mineure auprès de bon nombres de
scientifiques. Plusieurs explications peuvent être avancées :
(i) Le cloisonnement des disciplines reste encore une réalité qui fait obstacle aux démarches
interdisciplinaires, pourtant fondamentales dans le domaine de l’écologie.
(ii) L’écologie est présentée comme une discipline complexe, nécessitant des approches
pluridisciplinaires. Cet investissement nécessite, de la part de ceux qui s’y livrent, un
élargissement de leur domaine culturel que tous ne sont pas enclins à consentir.
(iii) Enfin, l’écologie est considérée par certains comme une discipline moins sérieuse en
raison d’une certaine confusion entre l’écologie politique et l’écologie scientifique.
Ce dernier point cristallise à nos yeux, les enjeux du développement durable. Deux
orientations semblent ainsi se dessiner. La première orientation considère que l’homme fait
partie de la nature, laquelle, loin d’être donnée, est un construit. Par son activité (notamment
industrielle), l’homme fût cependant amener à transformer et à détruire son environnement.
C’est pourquoi
l’écologie industrielle prône une remise en cause du modèle de
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Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
développement des économies industrielles en s’appuyant sur la notion d’écosystème. La
seconde orientation condamne les méfaits de l’action humaine sur la nature et milite, sous la
bannière de l’écologie politique, pour une croissance zéro, voire une décroissance.
1. L’écologie industrielle
La notion « d’écologie industrielle » a été définie en 1989, dans un numéro spécial de la
revue « Scientific American » (Pour la Science en français) consacrée à la « gestion de la
planète Terre ». Dans un article intitulé « Des stratégies industrielles viables », Robert Frosch
et Nicolas Gallopoulos, tous deux responsables de la Recherche chez General Motors6,
développent l’idée selon laquelle il devient nécessaire de recycler les biens usagés,
d’économiser les ressources et de rechercher des matières premières de remplacement7.
L’accumulation des déchets et la pollution générée par le progrès technique les conduisent à
remettre en cause le modèle de développement des économies industrielles et à formuler la
notion d’écosystème industriel : « Ainsi dans un système industriel traditionnel, chaque
opération de transformation, indépendamment des autres, consomme des matières premières,
fournit des produits que l’on vend et des déchets que l’on stocke. On doit remplacer cette
méthode simpliste par un modèle plus intégré : un écosystème industriel » (1989, p. 106). Un
écosystème industriel qui pourrait fonctionner comme un écosystème biologique. Selon Suren
Erhman (1998, p. 22), l’article de Frosch et Gallopoulos a joué « le rôle de catalyseur », de
sorte que la plupart des auteurs (Schulze, Frosch, Risser 1996, Lifset 1998, Ehrenfeld 2004,
Erkman 2006…) qui se réclament de ce courant de pensée, ont cherché à préciser les contours
de ce nouveau paradigme.
- L’écologie industrielle fait ainsi appel en priorité à l’écologie scientifique, aux sciences
naturelles (le monde biophysique) et aux sciences de l’ingénieur (Schulze 1996)8. Par
écologie scientifique, Suren Erkman (1998, p. 10) entend opposer la démarche du chercheur à
la contestation politique : « contrairement à la plupart des discussions actuelles sur les
questions d’environnement, l’écologie industrielle ne s’aventure pas sur le terrain de
l’écologisme politique : elle ne fait preuve ni de catastrophisme, ni de son symétrique inverse,
l’optimisme technologique à outrance ». L’écologie serait devenue une véritable science suite
à la progression de la thermodynamique9 des phénomènes irréversibles de Prigogine (1968), à
la présentation d’une typologie10 des écosystèmes par Eugène Odum (1983) et à l’évocation
de lois11 « scientifiquement » vérifiées par Kenneth Watt (1973). L’art de l’ingénieur consiste
6
De par ses relations avec le monde industriel et plus particulièrement l’industrie automobile (Tukker et Cohen
2004 ont analysé le concept d’écologie industrielle chez Ford).
7
L’écologie industrielle ne se limite pas au secteur automobile. Elle touche toute la communauté des ingénieurs.
On peut ainsi citer l’ouvrage de Graedel et Allenby (1995), Industrial Ecology. L’un est « membre distingué »
du staff technique, l’autre est vice-président de la recherche « Technology and Environment » de la société
AT & T Bell Laboratories.
8
Tilley (2003) distingue deux disciplines qu’il nomme « Industrial ecology » et « Ecological Engineering ».
9
Les 4 principes de la thermodynamique (Vivien, 1994, p. 34) ont joué un rôle fondamental dans la construction
de l’écologie.
10
Ce qui caractérise la typologie des écosystèmes d’Eugène Odum, c’est l’alternative entre l’énergie solaire et
l’énergie d’origine humaine. On distingue les écosystèmes naturels « non subventionnés » alimentés par
l’énergie solaire ; les écosystèmes alimentés par l’énergie solaire et « subventionnés » par d’autres écosystèmes ;
les écosystèmes alimentés par l’énergie solaire mais subventionnés par l’homme (exemple des agroécosystèmes) ; les écosystèmes urbano-industriels alimentés par les combustibles.
11
Les écosystèmes sont soumis à 40 principes. Le principe 0 correspond à une description, une analyse et une
gestion possible des écosystèmes en fonction des paramètres ressources (dans une vision classique, le
fonctionnement est assuré par la matière, l’énergie, l’espace, le temps, la diversité). Les principes I et II sont
rattachés à deux lois de la thermodynamique…
22
Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
« to produce a solution that works in the real world, with all the contraints that task entails.
Such contraints may be competitive, ergonomic, regulatory, economic and temporal »
(Allenby, Allen, Davidson 2007, p. 8). Il s’agit de résoudre des problèmes environnementaux
en mettant en place des procédés industriels optimisés : la transformation des dérivés du
pétrole en matériaux polymères, la transformation du minerai de fer en acier, le raffinage des
métaux de la famille du platine (Frosch, Gallopoulos 1989).
- Si un système industriel peut fonctionner comme un écosystème biologique, il ne faut pas
prendre cette analogie « au pied de la lettre ». Frosch et Gallopoulos (1989, p. 106) ont ainsi
souligné que « l’on ne parviendra jamais à établir un écosystème industriel parfait12 ». Ayres
(1995) précise qu’il existe des différences importantes entre les organismes biologiques et les
unités élémentaires du système industriel, en l’occurrence les entreprises. Si les organismes
biologiques sont capables de se reproduire, les firmes ne produisent que des produits ou des
services, elles ne produisent que rarement d’autres entreprises. Par ailleurs, contrairement aux
organismes vivants qui évoluent selon un processus temporel long et lent, les entreprises
peuvent modifier rapidement leur activité ou/et leurs produits. Levine (2003, p. 33) note une
différence fondamentale entre le système biologique et le système industriel : « Products, that
is, goods and services exchanged for something of value, are characteristic of industrial
systems, but relatively rare in the ecological system ». Ainsi pour reprendre les termes de
Suren Erkman (1998, p. 9), on peut décrire le système industriel comme « une certaine
configuration de flux et de stocks de matière, d’énergie et d’information, tout comme les
systèmes biologiques». Braden Allenby (1994) a exploré le champ de l’écologie industrielle
en s’appuyant sur les connaissances propres à l’évolution de la vie sur Terre. La terminologie
suggérée par Allenby renvoie à la présence d’écosystèmes de type I, II et III. L’écosystème de
type I s’appuie sur un processus linéaire dans lequel les matières premières et les déchets sont
illimités. Il n’y aucune activité de recyclage. Les produits industriels sont utilisés de façon
frivole, puis rejetés dans l’environnement. Dans l’écosystème de type II, les organismes
vivants sont interdépendants et forment des réseaux d’interactions complexes. Cet écosystème
est plus efficace que celui du type I, cependant il n’est pas viable à long terme : la diminution
des ressources (matières premières) contraste avec l’augmentation inexorable des déchets
(Jelinski et alii, 1992). L’écosystème de type III a évolué jusqu’à fonctionner de manière
entièrement cyclique. Seule l’énergie solaire constitue un intrant. La société industrielle
« devrait s’approcher autant que possible d’un écosystème de type III » (Erkman 1998, p. 36).
- L’écologie industrielle doit mobiliser des disciplines diverses, telles que les sciences
économiques, juridiques et sociales. Boons et Roome (2000) insistent sur le fait que l’écologie
industrielle étant devenue un phénomène culturel, elle ne peut plus se contenter d’un discours
scientifique (l’objectivité du chercheur et de l’ingénieur), elle doit prendre des positions
normatives. Ils proposent ainsi « an agenda of research on the cultural and ideological
aspects of industrial ecology” (2000, p. 49).
Au-delà de ces spécificités, rappelons que l’écologie industrielle doit relever un quadruple
défi : valoriser les déchets (passer des « bads » aux « goods ») ; boucler les cycles en
minimisant les rejets ; dématérialiser les produits (accroître la productivité des ressources) et
procéder à la décarbonisation de l’énergie (évolution vers un système industriel moins
gourmand en énergie fossile).
12
Dans un écosystème parfait, le seul input est l’énergie solaire. Toutes les autres matières sont recyclées
biologiquement dans le sens où les déchets de chaque espèce sont la nourriture d’une autre espèce.
23
Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
Fondements, thèmes, outils et application de l’écologie industrielle
Disciplines fondamentales
Eléments fondamentaux
- Biologie/Ecologie
- Science de l’Environnement
- Ingénierie
- Economie/ Management
- Sciences des systèmes
- Sciences politiques
- Métaphore biologique
- Perspectives systémiques
- Changement technologique
- Rôle des firmes
- Dématérialisation
-Eco-efficience
Applications structurelles
Outils
- MFA, SFA
- LCA
- DfE
- Méthode d’évaluation
Analyse
systémique,
modélisation, analyse des scénarii
- Systèmes d’information
Applications en termes de produits
- Symbiose industrielle, parcs éco-industriels
- ISO 14001, EMS, EMAS
- Prévention pollution
- Développement organisation durable de
l’urbanisation
- Chaîne « verte » de la logistique intégrée
- Responsabilité du producteur étendue
- Eco – labels, labels « Energie »
- L’acquisition verte
Source : Lifset (2006, p. 3)
2. L’écologie politique
Contrairement à l’écologie industrielle, l’écologie politique insiste sur les méfaits de l’action
humaine sur la nature et milite pour une croissance zéro, voire une décroissance. Bien que
Jean-Marie Harribey (2007, p. 23) précise "qu'il n'existe pas un corpus unique et cohérent
théorisant la décroissance", il est possible de déterminer les contours d'un cadre théorique
(Diemer, 2009) à partir des travaux de René Passet, Nicholas Georgescu-Roegen, Ivan Illich,
André Gorz et Serge Latouche… Réunis sous la bannière de la dissidence ou d'une approche
hétérodoxe du développement (soutenable), ces tenants de l'écologie politique ont forgé une
véritable science de la décroissance, soucieuse de réconcilier l'écologie et l'économie. Bon
nombre de travaux ont permis de formuler de véritables programmes, rompant avec la logique
productiviste du capitalisme moderne. La convivialité d'Ivan Illich (1973), le programme de
bioéconomie de Nicholas Georgescu-Roegen (1975), le programme de restructuration
écologique d'André Gorz (1991) ou le programme des 8 R (réévaluer, reconceptualiser,
restructurer, redistribuer, relocaliser, réduire, réutiliser, recycler) de Serge Latouche (2006) se
proposent tous de réagir à la "surcroissance économique", incompatible avec les ressources
finies de la planète.
- Selon Jacques Grinevald (2005, p. 51), Nicholas Georgescù-Roegen a été « le premier
économiste et pratiquement le seul (depuis Malthus) à poser sérieusement le problème de
l’économie de l’espèce humaine dans son contexte écologique global, c'est-à-dire à l’échelle
de la planète toute entière » (Grinevald, 2005, p. 51). Sa bioéconomie, et plus précisément
son programme bioéconomique minimal, appelle à repenser complètement le
développement de l’ensemble de l’humanité en établissant une étroite corrélation entre les
sciences économiques et sociales, et les sciences de la vie et de la terre. Ce ré-encastrement de
l’économie dans l’écologie est aujourd’hui symbolisé par le concept de la décroissance, dont
NGR est le père fondateur (Clémentin, Cheynet, 2005). Par ce terme, NGR entendait procéder
à une réorientation structurelle du processus de production et du mode de consommation. Il
s’agissait avant tout d’une décroissance physique des activités humaines.
24
Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
Le programme bioéconomique suggéré par NGR repose sur huit points : (1) l’interdiction
de la guerre et de la production de tous les instruments de guerre ; (2) l’aide aux nations sousdéveloppées pour qu’elles puissent parvenir aussi vite que possible à une existence digne
d’être vécue mais dénuée de luxe ; (3) la diminution de la population jusqu’à un niveau où
une agriculture organique suffirait à la nourrir convenablement ; (4) une réglementation
destinée à éviter tout gaspillage d’énergie (excès de chauffage, de climatisation, de vitesse,
d’éclairage…) ; (5) une désintoxication de « notre soif morbide de gadgets extravagants, si
bien illustrés par cet article contradictoire qu’est la voiture de golf, et de splendides
mammouths telles les grosses voitures » (NGR, 1995, p. 133) ; (6) l’abandon des effets de la
mode (« C’est… un crime bioéconomique que d’acheter une nouvelle voiture chaque année et
de réaménager sa maison tous les deux ans », 1995, p. 134) ; (7) la nécessité que les
marchandises restent durables et réparables ; (8) la guérison du cyclondrome du rasoir
électrique qui « consiste à se raser plus vite afin d’avoir plus de temps pour travailler à un
appareil qui rase plus vite encore, et ainsi de suite à l’infini » (ibid).
Cette nouvelle orientation éthique s’avère toutefois difficile. En effet, ce programme se fonde
sur une véritable modification des valeurs au niveau universel13. Or dans le domaine
écologique, seule la pollution, mal le plus visible, retient l’attention. Ceci explique pourquoi
NGR était très pessimiste sur les chances de réussite d’un programme bioéconomique :
« L’humanité voudra t’elle prêter attention à un quelconque programme impliquant des
entraves à son attachement au confort exosomatique ? Peut être le destin de l’homme est-il
d’avoir une vie brève mais fiévreuse, excitante et extravagante, plutôt qu’une existence
longue, végétative et monotone » (NGR, 1995, p. 135). Tous ses espoirs sont contenus dans
la fusion de l’économie et de l’écologie (c’est toutefois l’économie qui devra être absorbée
par l’écologie) : « l’un des principaux problèmes écologiques posé à l’humanité est celui des
rapports entre la qualité de la vie d’une génération à l’autre et plus particulièrement celui de
la répartition de la dot de l’humanité entre toutes les générations. La science économique ne
peut même pas songer à traiter ce problème. Son objet, comme cela a souvent été expliqué,
est l’administration des ressources rares; mais pour être plus exact, nous devrions ajouter
que cette administration ne concerne qu’une seule génération » (NGR, 1979, p. 95).
Ce vœu pieu ne tombera pas dans l’oubli. En effet, certaines voix, réunies sous la bannière de
l’écologie politique (Dannequin, Diemer, Petit, Vivien, 1999) se sont élevées pour porter un
regard nouveau sur les activités économiques et revendiquer l’instauration d’un nouveau
paradigme de développement : la décroissance. Ivan Illich (1973) voit ainsi dans la crise
planétaire, l’échec de l’entreprise moderne, à savoir la substitution de la machine à l’homme.
Ce grand projet se serait métamorphosé « en un implacable procès d’asservissement du
producteur et d’intoxication du consommateur » (1973, p. 26). Aux yeux d’Illich, le dogme
de la croissance accélérée a justifié la sacralisation de la productivité industrielle. Or l’homme
a besoin d’un outil avec lequel travailler, non d’outillage qui travaille à sa place. Il a
également besoin d’une technologie qui tire le meilleur de l’énergie et de l’imagination
personnelle, non d’une technologie qui l’asservisse et le programme. Illich propose ainsi
d’inverser radicalement les institutions industrielles et de reconstruire la société de fond en
comble sur le principe de la convivialité : « J’entends par convivialité, l’inverse de la
productivité industrielle… Le passage de la productivité à la convivialité est le passage de la
répétition du manque à la spontanéité du don. La relation industrielle est réflexe conditionné,
réponse stéréotypée de l’individu aux messages émis par un autre usager, qu’il ne connaîtra
jamais, ou par un milieu artificiel, qu’il ne comprendra jamais. La relation conviviale,
toujours neuve, est le fait de personnes qui participent à la création de la vie sociale. Passer
13
Ce n’est pas un retour “à la bougie”, rappelle NGR, mais à l’âge du bois.
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de la productivité à la convivialité, c’est substituer à une valeur technique une valeur éthique,
à une valeur matérialisée une valeur réalisée. La convivialité est la liberté individuelle
réalisée dans la relation de production au sein d’une société dotée d’outils efficaces.
Lorsqu’une société, n’importe laquelle, refoule la convivialité en deçà d’un certain niveau,
elle devient la proie du manque, car aucune hypertrophie de la productivité ne parviendra
jamais à satisfaire les besoins créés et multipliés à l’envi » (1973, p. 28).
De son côté, André Gorz (1991) fera un appel d’urgence en faveur d’une restructuration
écologique de la société. Cette dernière exige que la rationalité économique soit subordonnée
à une rationalité éco-sociale. En effet, la restructuration écologique serait incompatible avec le
paradigme capitaliste de la maximisation du profit et de l’économie de marché, lequel
contraint les entreprises à renouveler et à différencier continuellement leur offre, à créer de
nouveaux désirs et à repousser sans cesse la satiété des consommateurs. Pour rompre avec
cette logique – qui n’est autre que celle du capital - et pour que s’opère une libération dans la
sphère de la consommation, il faut introduire du choix dans le travail des individus. Il faut que
le niveau des besoins et le niveau des efforts à consentir dans le domaine du travail soient
proportionnés et déterminés conjointement. « La décroissance de la production de
marchandises et de services marchands devra être réalisée grâce à une autolimitation des
besoins comprenant elle-même comme une requête de l’autonomie, c'est-à-dire grâce à une
réorientation démocratique du développement économique, avec réduction simultanée de la
durée du travail et extension, favorisée par des équipements collectifs ou communautaires,
des possibilités d’autoproduction coopératives ou associatives » (1991, p. 39). De manière
générale, il s’agit de redéfinir les frontières de la sphère de la rationalité économique et des
échanges marchands. Les activités économiques doivent décroître tandis que les activités non
régies par le rendement et le gain doivent se développer. Le sens de la rationalisation
écologique peut ainsi se résumer en la devise « moins mais mieux ». Son but est « une société
dans laquelle on vivra mieux en travaillant et en consommant moins. La modernisation
écologique exige que l’investissement ne serve plus à la croissance mais à la décroissance de
l’économie, c'est-à-dire au rétrécissement de la sphère régie par la rationalité économique au
sens moderne. Il ne peut y avoir de modernisation écologique sans restriction de la
dynamique de l’accumulation capitaliste et sans réduction par autolimitation de la
consommation » (1991, p. 93).
La convivialité d’Ivan Illich et la restructuration écologique d’André Gorz posent ainsi un
véritable défi à notre civilisation, celui de passer d’un modèle économique et social fondé sur
l’expansion régulière et continue (dont le symbole est l’augmentation du PIB) à une
civilisation plus sobre dont le modèle économique intègre les relations sociales et la finitude
de la planète. Cette entrée dans la décroissance est un véritable défi car elle oblige les pays
riches à modifier (diminuer) leur niveau de production et de consommation sans engendrer
une implosion de leur système social. Serge Latouche (2005) proposera d’entrer dans la
décroissance conviviale. La décroissance doit être organisée à la fois pour préserver
l’environnement et restaurer le minimum de justice sociale. Il s’agit plus précisément de
« renoncer à l’imaginaire économique, c'est-à-dire à la croyance que plus égale mieux », de
considérer que « le bien et le bonheur peuvent s’accomplir à moindre frais », de « redécouvrir
la vraie richesse dans l’épanouissement de relations sociales conviviales dans un monde
sain » (2005, p. 26). Serge Latouche (2006) reconnaît cependant qu’un tel changement
nécessite un programme plus systématique, plus radical et plus ambitieux. Les 8 R (réévaluer,
reconceptualiser, restructurer, redistribuer, relocaliser, réduire, réutiliser, recycler) constituent
huit objectifs interdépendants « susceptibles d’enclencher un cercle vertueux de la
décroissance sereine, conviviale et soutenable » (2006, p. 153). La réévaluation et la
26
Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
reconceptualisation doivent mettre un terme à l’imaginaire dominant, il s’agit d’une remise en
cause des valeurs actuelles (couple richesse – pauvreté, abondance – rareté, conception du
temps14 …) suscitées et stimulées par le système économique. L’éducation, la manipulation
médiatique et le mode de vie (consumérisme) sont à l’origine de la « colonisation des
esprits » (2006, p. 160). Pour s’en sortir, il convient de rompre les chaînes de cette drogue
(remettre en cause l’impérialisme de l’économie15, sortir de l’économie politique en tant que
discours dominant ; dénoncer l’agression publicitaire ; entamer une cure de désintoxication
par la baisse du temps de travail, renoncer collectivement et individuellement à une
consommation débridée…). La restructuration et la redistribution traduisent le passage dans
un autre ensemble de représentations du monde. Restructurer, c’est « adapter l’appareil de
production et les rapports sociaux en fonction du changement de valeurs » (2006, p. 182),
redistribuer, c’est « répartir [autrement] les richesses et l’accès au patrimoine entre le Nord
et le Sud, comme à l’intérieur de chaque société » (2006, p.191). Ce changement doit être
radical (redistribution de la terre, du travail, des revenus) pour ébranler les valeurs dominantes
du système en place. La relocalisation « constitue logiquement la première action et la base
du processus » (2006, p. 197) de décroissance. Le localisme tend à combattre les prétendus
mythes du globalisme, à savoir la mise en concurrence des territoires par la fiscalité, la
flexibilité du travail et la dérèglementation environnementale. Il s’agit de mettre un terme à la
dislocation du tissu social et d’encourager toute attitude pouvant renforcer les économies au
niveau local (Norberg-Hodge, 2005). La réduction, la réutilisation et le recyclage impliquent
un bouleversement des attitudes individuelles et collectives. La réduction de la
consommation, la réduction des déchets, la réduction de la durée du travail (Ellul, 1982 ;
Harribey, 1997)… ne peuvent qu’avoir un impact positif sur la société. Cette sobriété
citoyenne (Rabhi, 2005) doit être renforcée par la disparition du gaspillage, une amélioration
de la durabilité des objets, un renoncement au dernier cri technologique et au tout jetable. Le
recyclage des déchets de nos activités est « une forme de rachat de notre dette à l’égard de la
nature » (2006, p. 239).
Pour que ce programme frappe les consciences, Serge Latouche (2007) l’a érigé en véritable
« programme électoral ». Des mesures telles que la redécouverte de notre empreinte
écologique, l’intégration de certaines nuisances dans les coûts de transports, la relocalisation
des activités, la restauration de l’agriculture paysanne, la transformation des gains de
productivité en réduction du temps de travail et en création d’emplois, l’impulsion d’une
production de biens relationnels, la réduction du gaspillage d‘énergie, la pénalisation des
dépenses de publicité, la mise en place d’un moratoire sur l’innovation technoscientifique …
font partie de la pédagogie des catastrophes et du réenchantement du monde.
La décroissance n’est donc pas une fabulation de l’esprit, elle fait du développement durable,
un projet politique pour un renouveau des sociétés, « avec la responsabilité pour principe
essentiel » (Larrère, 1997 ; Heurgon, 2007). Pour mieux vivre, il s’agit désormais de produire
et de consommer autrement. Cette nouvelle manière de penser les liens entre économie et
écologie se heurte toutefois à trois mythes (Latouche, 2006), véhiculés par la pensée
orthodoxe : l’éternelle substituabilité des facteurs de production ; la dématérialisation et
l’arme absolue de l’éco-efficience (Dannequin, Diemer, 2008).
14
Paul Ariès (2005, p. 131) précise qu’il convient « de rompre avec le fétichisme du temps qui fait que nous
allons de plus en plus vite mais souffrons d’un manque de temps… La décroissance est l’inverse de la
néantification du passé et donc du futur ».
15
Vincent Cheynet (2005, p. 144) note que le concept de décroissance conduit à s’extraire de l’économisme,
« c'est-à-dire à replacer l’économie à sa juste place dans l’échelle des valeurs. Ce n’est pas à l’économie de
dicter sa logique à l’homme. Elle est un moyen non une fin ».
27
Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
B. L’expertise par la complexité
Lorsque l’on consulte les ouvrages concernés par le développement durable, force est de
constater que l’approche analytique (linéaire ou séquentielle, logique, rationnelle) est
largement utilisée par les scientifiques. L’expertise repose ainsi sur une méthodologie
scientifique qui s’appuie sur une discipline (rarement des disciplines, ou alors il s’agit d’une
juxtaposition de disciplines, exemple de l’ouvrage dirigé par Yvette Veyret, Le
développement durable, approche plurielle, 2005) pour comprendre l’objet étudié. Face à la
complexité des problèmes rencontrés, cette approche bute sur une contrainte qui s’avère de
plus en plus difficile à surmonter, en effet, les coûts d’entrée sont de plus en plus importants
(il y a beaucoup trop de choses à apprendre). Une manière de répondre à ce défi et de poser
les bases d’une véritable expertise, consisterait à utiliser des thèmes d’intégration verticale
(De Rosnay, 1975). Il s’agit de thèmes généraux permettant d’intégrer plusieurs disciplines et
plusieurs niveaux de complexité autour d’une question centrale. Dans ce qui suit, nous ne
chercherons pas à faire un inventaire des thématiques possibles (Bonhoure, 2005), mais plutôt
à présenter sous l’angle systémique, le cas des biocarburants. Ce dernier se prête très bien au
rapprochement disciplinaire et au jeu de l’expertise.
Le changement climatique étant devenu une priorité des agendas communautaires, la directive
EnR16 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie
produite à partir de sources renouvelables, a fixé des objectifs ambitieux pour 2020 : 20%
dans la consommation finale brute d’énergie et part minimale de 10 % de biocarburants dans
la consommation totale d’essence et de gazole destinés au transport. Si les biocarburants
représentent une alternative possible aux carburants fossiles dans la lutte contre le
changement climatique, les Etats membres ont cependant souhaité que ces derniers devaient
satisfaire obligatoirement aux critères de durabilité (art 65). Ces critères sont au nombre de
quatre, (i) la réduction d’au moins 35% des émissions de GES en 2010, puis 50% en 2017 ;
(ii) pas de production de biocarburants sur des terres de grande valeur en termes de
biodiversité ; (iii) des biocarburants devant être issus de productions agricoles respectant les
règles d’éco-conditionnalité de la PAC ; (iv) production de biocarburants par des opérateurs
pouvant justifier de mesures prises pour la protection des sols, de l’eau et la restauration des
terres dégradées. Par ailleurs, la loi n°2009-967 du 3 août 2009 relative à la mise en place du
Grenelle de l’environnement mentionne (article 18) que « la production en France des
biocarburants est subordonnée à des critères de performances énergétiques et
environnementales comprenant en particulier leurs effets sur les sols et les ressources en
eau ». Les opérateurs économiques concernés par la production de biocarburants devaient
donc à la fois respecter les critères de durabilité et en assurer un contrôle régulier. A défaut,
les biocarburants ne devaient plus apparaître dans les objectifs prioritaires et faire l’objet
d’aides publiques. Ce dernier point est particulièrement important car les biocarburants
développés à partir de ressources renouvelables issues de matières premières végétales ou
animales, ont suscité de nombreuses polémiques. Des rapports émanant d’ONG écologistes
(Greenpeace), des Nations-Unis, de l’OCDE, de l’ADEME, et plus récemment de l’AEE
(Agence européenne de l’environnement) ont notamment fait état de risques économiques
(volatilité accrue des prix des produits agricoles), de risques éthiques (bonne gestion des
ressources agricoles), de risques alimentaires (remplacement des surfaces dédiées à
16
La directive EnR fournit un cadre législatif précisant les objectifs associés à l’utilisation de chaque type
d’énergie. La part d’énergie produite à partir de sources renouvelables doit être au moins égale à 10% de la
consommation finale d’énergie dans le secteur des transports d’ici 2020. Deux conditions importantes sont
mentionnées : 1° la production de biocarburants doit respecter des critères de durabilité ; 2° la production de
biocarburants de 2nd génération doit être opérationnelle en 2020.
28
Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
l’alimentation humaine par des surfaces consacrées aux lobbies industriels) et de risques
environnementaux. Sur ce dernier point, les biocarburants sont accusés de présenter des bilans
biaisés en matière de réduction de gaz à effet de serre et de consommation de ressources
fossiles. Afin de répondre à ces interrogations, les experts de l’ADEME ont utilisé le
paradigme de l’écologie industrielle en s’appuyant sur une étude du métabolisme industriel.
Le concept de « métabolisme » s’applique généralement à une plante ou un animal17. Ayres et
Simonis (1995, p. 1) le définissent comme “the totality of internal processes - both physical
and chemical - that supply the energy and nutrients required by an organism as the
conditions of life itself”. Ces processus peuvent être décrits en termes de transformations
d’inputs (énergie solaire, énergie chimique, eau, air) en biomasse (la substance de l’organisme
vivant) et en déchets. Par analogie, le métabolisme industriel18 est « l’étude des ensembles des
composants biophysiques du système industriel. Cette démarche, essentiellement analytique et
descriptive, vise à comprendre la dynamique des flux et des stocks de matière et d’énergie
liées aux activités humaines, depuis l’extraction et la production des ressources jusqu’à leur
retour inévitable, tôt ou tard, dans les processus biogéochimiques » (Erkman 1998, p. 10). En
d’autres termes, c’est tout simplement l’ensemble des transformations physico-chimiques qui
permet de passer des matières premières (biomasse, minéraux, métaux, pétrole) aux biens
manufacturés et aux déchets (Lynd, Wang, 2004). Les économistes parlent de processus de
production. La transformation des biens en services introduit cependant un second terme
économique, la consommation. De là, le métabolisme industriel comprend tous les flux de
matière et d’énergie qui permettent au système économique de fonctionner, c'est-à-dire de
produire et de consommer (Hertwich, 2005). La méthodologie du métabolisme industriel
consiste donc « à établir des bilans de masse, à estimer les flux et les stocks de matière, à
retracer leurs itinéraires et leur dynamique complexes, mais également à préciser leur état
physique et chimique » (Erkman 1998, p. 56). Au sein même des entreprises, cette
comptabilisation est réalisée sous la forme d’une matrice input-output (Leontief, 1936) et
d’une analyse en termes de cycle de vie (ACV). Ces « bilans environnementaux » permettent
de contrôler les échanges, de connaître le niveau auquel ils se produisent, de savoir comment
ils se structurent et comment ils déstructurent l’environnement (Esquissaud 1990).
L’ADEME s’est ainsi livrée à une analyse du cycle de vie des carburants fossiles et des
biocarburants, de manière à comparer les niveaux de réduction d’émission de gaz à effet de
serre dans les deux filières. Une première étude menée en 2007-2008, auprès de toutes les
parties prenantes (organisations de producteurs, industriels du secteur pétrolier et du secteur
automobile, associations environnementales) a permis la rédaction d’un référentiel définissant
les recommandations pour la réalisation d’une ACV (avec un ensemble d’indicateurs
environnementaux19) pour les biocarburants produits en France. C’est ce référentiel qui a été
utilisé en 2010 pour dresser un bilan exhaustif et actualisé des biocarburants afin d’éclairer les
décisions des pouvoirs publics. Il s’agit donc bien d’une demande d’expertise adressée par les
pouvoirs publics aux scientifiques de l’ADEME. Les filières étudiées recouvraient les
17
Fischer-Kowalski, Hüttler (1998, p. 107) ont proposé une classification du métabolisme en retenant trois
niveaux : le modèle de référence (écosystème biologique, écosystème socio-économique), le niveau du système
(global, national, régional, fonctionnel, temporel) et les types de flux (matières, énergies, substances).
18
Moll, Norman, Kok et alii (2005) ont analysé le concept de « Household metabolism » en l’introduisant dans
des modèles de consommation. L’analyse des différents types de ménages (citadins européens), à partir des
besoins (directs et indirects) d’énergie, permettrait de définir un modèle de consommation plus ‘soutenable’.
19
On peut citer le potentiel d’épuisement des ressources non renouvelables, le potentiel d’acidification, le
potentiel d’écotoxicité, le potentiel d’eutrophisation, l’écotoxicité aquatique, le potentiel de réchauffement
climatique, le potentiel de toxicité humaine, l’occupation des terres, le potentiel d’écotoxicité marine, le potentiel
d’oxydation photochimique, le potentiel d’épuisement de l’ozone, l’écotoxicité terrestre…).
29
Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
bioéthanols (blé, betteraves, maïs en France ; cannes à sucre importées ; ETBE obtenu à partir
d’éthanol de blé, betterave, maïs et canne à sucre) et les biodiesels (Esters méthyliques
d’huiles végétales de colza, tournesol, d’huiles alimentaires usagées et de graisses animales en
France ; Esters méthyliques d’huiles végétales de palme et de soja importées ; Huile végétale
pure de colza en filière courte) qu’il a fallu comparer aux carburants fossiles de référence :
l’essence sans plomb 95 et le gazole. Les impacts environnementaux et sanitaires ont été
évalués à partir de cinq indicateurs, retenus pour leur pertinence vis-à-vis des filières
carburants : (i) consommation d’énergie renouvelables, (ii) émission de gaz à effet de serre
(GES), (iii) potentiel d’eutrophisation aquatique, (iv) potentiel d’oxydation photochimique et
(v) potentiel de toxicité.
L’analyse systémique a pris les traits de bilans réalisés sur les étapes successives de
fabrication (du puits au réservoir) et d’utilisation (du réservoir à la roue) des biocarburants.
Les étapes du cycle de vie (voir schéma) incluent le système agricole (avec tous ses intrants),
le système industriel (comptabilité de tous les intrants et sortants), le système productif
(production de l’ETBE), le système logistique (transports et distribution des biocarburants), et
le système de consommation (utilisation des véhicules).
Fig : Approche systémique et analyse du cycle de vie (Ademe, 2010, p. 12)
INTRANTS
ETAPE DU CYCLE DE VIE
Du champ au réservoir
Graines
Engrais
Produits phytosanitaires
Gazole pour la mécanisation
Energie pour l’irrigation
COPRODUITS
ETAPE
AGRICOLE
Carburants et entretien
associés aux moyens de
transport utilisés
TRANSPORT DE
BIOMASSE
ETAPE
Energie (vapeur, électricité)
Produits chimiques
INDUSTRIELLE
Carburants associés aux
moyens de transport utilisés
ETAPE DE
Du réservoir à la roue
DISTRIBUTION
ETAPE DE
COMBUSTION
DANS LE MOTEUR
30
Coproduits
industriels
Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
Dans un premier temps, les résultats de cette étude ont montré que les biocarburants affichés
des bilans positifs par rapport aux carburants fossiles avec une réduction de la consommation
d’énergies non renouvelables et de gaz à effet de serre (GES). Les éthanols de betterave, de
blé et de maïs ont une consommation d’énergie non renouvelable (du puits à la roue)
inférieure à près de 50% (respectivement 53, 49 et 52%) à celle de l’énergie fossile. Cette
réduction atteint même 85% dans le cas de l’éthanol de canne à sucre. Dans le cas des
émissions de GES, les réductions oscillent entre 20 et 91%.
Tableau 1 : Réduction d’émission de Gaz à Effet de Serre pour les filières éthanols (en %)
bl é
d
em
é th
ano
a ïs
l ca
nne
à...
ET
BE
bet
tera
ve
ET
BE
blé
ET
BE
ET
ma
BE
ïs
Can
ne à
...
l de
ano
l
ano
Eth
é th
Eth
ano
l de
b e tt
...
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Source : ADEME (2010, p. 24)
Tableau 2 : Réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre pour les filières Esters (en %)
100
80
60
40
20
0
Colza
Tournesol
Soja
Palme
EMHAU
EMGA
HVP
Source : ADEME (2010, p. 25)
Les tableaux 1 et 2 révèlent que les réductions sont plus importantes pour les biodiesels que
pour les éthanols. Pour les bioéthanols, les baisses observées sont plus pertinentes pour les
carburants issus de plantes à sucre que pour ceux issus de céréales (la question des
rendements est ici déterminante). Pour les biodiesels, les baisses concernent l’ensemble les
produits, mais plus particulièrement les déchets (huiles alimentaires usagées, graisses
animales, soit EMHAU et EMGA). Ceci s’explique notamment par le fait que les déchets ne
prennent pas en compte les impacts environnementaux avant l’étape de collecte.
31
Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
Dans un second temps, ces résultats se sont révélés moins pertinents lorsque l’on prenait en
compte les changements d’affectation des sols (scénarii faible, moyen et fort20) ainsi que les
transferts possibles de pollution. Les changements d’affectation des sols, notamment pour les
filières telles que le biodiesel de soja (Brésil et dans une moindre mesure aux USA), de colza
et de betterave, jouent un rôle déterminant. La filière la plus affectée est le biodiesel de soja
dont le bilan devient défavorable dans le cas d’un scénario intermédiaire de changement
d’affectation des sols. Dans son dernier rapport de 2011, l’AEE (Agence Européenne de
l’Environnement) a précisé les deux conséquences négatives (directe et indirecte) liées à
l’essor des biocarburants: (i) les biocarburants conduiraient à de plus grandes émissions de
GES, à cause du défrichage et de la déforestation. La forêt stocke une quantité importante de
dioxyde de carbone, ce qui diminue la concentration atmosphérique des GES. Si l’on
remplace une forêt par une plantation de soja, la quantité de carbone n’étant pas séquestrée
par le soja, il conviendrait la faire entrer dans le bilan énergétique des biocarburants
(Searchinger, 2008, 2009, 2010). (ii) les cultures industrielles remplaçant les cultures
alimentaires, ceci engendre une volatilité très forte des prix et l’apparition de problèmes
alimentaires (comment nourrir une nation lorsque les prix du blé, du maïs, du colza et du soja
augmentent) (voir Fargone, 2008);
”The potential consequences of this bioenergy accounting error are immense…. Clearly or cutting forests for
bioenergy crops releases large stores of carbon into the atmosphere and may reduce ongoing carbon
sequestration if the forest continue to grow. Regrowing forests or planting bioenergy crops will absorb carbon
that offsets the emissions from their combustion over time, but it may takes decades for this carbon absorption to
reach the level of the lost carbon storage and foregone carbon sequestration of the forest. Using a food crop for
bioenergy replaces fossil emissions with emissions from biomass combustion and does not absorb any additional
carbon because the crop would be grown anyway. However, there may be indirect impacts… The loss of the
crop could spur price increases and additional market reactions that may include reduced overall crop
consumption, higher yields and therefore increased carbon absorption on existing farmland; or conversely cause
the conversion of news lands to crops, which may release more carbon. The final greenhouse gas balance
depends on the magnitude of each effect, but reduced food consumption may be an additional effect that must be
guarded against” (EEA, 2011, p. 1; 4-5).
De la même manière, les biocarburants renvoient à des transferts possibles de pollution que
l’on peut appréhender à partir de plusieurs indicateurs. Dans le cas du potentiel
d’eutrophisation (notamment l’apport excessif en nutriments et en matières organiques,
principalement des nitrates et des phosphates, issus de l’activité humaine, dans un milieu
aquatique), les biocarburants (éthanols et esters) présenteraient des niveaux 10 fois plus élevés
que les carburants fossiles. L’étape agricole et notamment le lissage des nitrates est la cause
première de la pollution. Dans le cas du potentiel d’oxydation photochimique (présence
d’ozone au niveau du sol, toxique pour les humains à forte concentration), les éthanols
présentent des bilans plus favorables que l’essence fossile (notamment durant l’étape de
combustion). Les biodiesels issus de végétaux produits sur le sol français sont plus émetteurs
de molécules photo-oxydantes que les carburants fossiles. Les esters produits à partir d’huiles
usagées présentent des niveaux inférieurs de pollution (pas d’hexane dans l’étape
industrielle). Enfin, dans le cas du potentiel de toxicité humaine (dommages potentiels pour la
santé des produits chimiques émis dans l’atmosphère et l’environnement), les éthanols et les
essences sont moins toxiques que les gazoles (étape combustion dans le moteur). L’étape
agricole (notamment sous la forme de pesticides, engrais) joue un rôle négligeable. Les
biodiesels présentent des bilans négatifs sur cet indicateur, les améliorations des émissions
grâce au mélange sont plus que compensées par la phase agricole.
20
Le scénario le plus pessimiste, appelé CAS maximal, correspondrait au remplacement d’un hectare de forêt
primaire tropicale humide par un hectare de canne à sucre ou de palmier à huile.
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Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
Au vu de ces différents résultats, l’EEA a sommé la Commission européenne de revoir sa
législation et ses objectifs de manière à ce que les cultures destinées à la production de
carburants n’entrent pas en conflit avec la sécurité alimentaire et le problème du
réchauffement climatique. Les biocarburants symbolisent à nos yeux, une démarche
d’expertise par la complexité à la fois scientifique (apports des sciences de la vie et la terre,
apports des sciences sociales, transdisciplinaire (sciences de l’ingénieur) et des valeurs
(définition de la durabilité). L’analyse systémique repose sur le modèle de l’écologie
industrielle et du métabolisme industriel (les bilans de matières et d’énergies apparaissent
dans l’analyse du cycle de vie, ACV).
Conclusion
Dans les années 70, Joël de Rosnay avait imaginé un nouvel instrument, le macroscope,
destiné à porter un regard neuf sur la nature, la société et l’homme. Cet instrument devait
nous amener à poser les bases d’un nouveau paradigme (représentations du monde au sens de
René Passet ?), l’approche par la complexité. Cette complexité s’inscrit dans une démarche
épistémologique. En effet, il s’agit de porter un regard critique sur la méthode scientifique, sur
les formes logiques et les modes d’interférence utilisés en science, sur les principes, les
concepts, les théories et les résultats des diverses sciences afin de déterminer leur valeur et
leur portée objective (Nadeau, 1999). La complexité, inscrite dans les savoirs
(transdisciplinarité) et dans les valeurs, peut nous apporter des éclairages en matière
d’expertise, qui plus est, dans le domaine du développement durable. Derrière les notions de
durabilité ou de soutenabilité, il s’agit de replacer l’homme au centre du triptyque :
environnement, société, économie.
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