
Colloque international francophone, « Le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand. 
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de  rendement  empruntés  à  la  physique)  qui  présentait  la  nature  comme  un  gisement  de 
ressources triomphait grâce à la respectabilité des sciences exactes. Cette interprétation des 
faits scientifique a maintes fois été critiquée. La courbe aire espèce (Mac Arthur, Wilson, 
1967) est un bon exemple de cette opposition entre holisme et réductionnisme. En effet cette 
théorie qui permet de prévoir le nombre d’espèces sur une surface donnée insulaire est par 
essence holiste mais des études réductionnistes ont permis d’en valider certains éléments (par 
exemple la relation avec la présence ou absence simultanée de certaines espèces). Transposées 
en milieu non insulaire, les conclusions sont très discutables, mais la mathématisation tend a 
rendre indiscutable cette théorie et peut servir certaines idéologies. 
La  théorie  de  la  niche  écologique  est  issue  de  la  compétition  de  Lotka-Volterra  et  d’une 
lecture partielle de la théorie de Darwin. Une relecture plus attentive de Darwin montre qu’il 
avait lui-même évoqué déjà de nombreuses interactions positives, qui ont été redéveloppées 
(Lecointre, 2009) en insistant sur le fait que le succès reproductif d’une espèce dépend certes 
de  son  aptitude  à  capter  plus  de  ressources  (compétition),  mais  aussi  à  échapper  aux 
prédateurs  (mimétisme),  se  reproduire  plus  (sélection  sexuelle),  profiter  des  autres 
(parasitisme),  coopérer  entre  espèces  (symbioses)  ou  au  sein  de  l’espèce  (entraide  ou 
compassion).  Le  réductionnisme  est  ici  à  la  fois  cause  et  conséquence  d’une  dérive 
idéologique.  Une  dérive  de  nature  proche  est  rencontrée  avec  l’exemple  des  espèces  à 
stratégies  r  (qui  maximisent  la  survie  de  leur  espèce  en  produisant  un  grand  nombre  de 
descendants à faible espérance de vie) opposées aux stratèges K (qui produisent moins de 
jeunes mais en maximisent la survie). Le problème ne réside pas dans les faits mais dans 
l’interprétation qui en faite. Donner une finalité, une intentionnalité à ces stratégies témoigne 
d’une certaine emprise finaliste et donc d’une dérive idélogique. 
  Contrairement à l’écologie qui au-delà de l’aspect purement disciplinaire, est un « concept 
intégrateur, un mode de pensée global qui matérialise aujourd'hui l'irruption de la systémique 
dans l'éducation, l'industrie et la politique » (Rosnay, 1994, p. 1), l’économie a mis plus de 
temps  à  intégrer  la  complexité  en  tant  qu’approche  méthodologique.  Elle  s’est  davantage 
tournée vers la microéconomie et la macroéconomie.  
La microéconomie
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 s’intéresse à l’affectation des ressources rares à travers un système de prix 
de  marché.  Elle  met  l’accent  sur  les  choix  individuels  et  la  notion  d’individualisme 
méthodologique. Parmi  les individus (les  microéconomistes utilisent le  terme d’agents), le 
producteur  et  le  consommateur  occupent  une  place  privilégiée.  La  démarche 
microéconomique procède généralement en deux étapes. Dans un premier temps, on décrit les 
caractéristiques des unités de base (agents) de l’économie. Le producteur, sous la contrainte 
de sa fonction de production,  cherche  à maximiser ses profits.  Le consommateur,  sous la 
contrainte de son revenu, cherche à maximiser son utilité. Les deux agents doivent faire des 
choix rationnels, c'est-à-dire mettre en balance les coûts et les bénéfices d’une décision (le 
                                                           
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 Si la microéconomie s’est progressivement imposée dans l’enseignement de l’économie, quatre raisons peuvent 
expliquer ce succès. La première renvoie au contenu scientifique de la démarche. La microéconomique se prête 
au  calcul  mathématique.  La  deuxième  réside  dans  sa  simplicité.  En  concurrence  parfaite,  tous  les  agents 
économiques (consommateurs et producteurs) sont des preneurs de prix. Les prix concernent toute la durée de 
vie de l’économie (existence de marchés complets et absence d’incertitude). Les conjectures des agents sont 
également  naïves,  quels  que  soient  les  prix  affichés,  ils  font comme  s’ils  étaient  en  équilibre.  La  troisième 
renvoie  au  caractère  normatif  du  modèle.  Il  est  généralement  admis,  à  tord  ou  à  raison,  que  le  modèle  de 
concurrence parfaite doit conduire à un relâchement des hypothèses, c'est-à-dire à un certain réalisme du modèle. 
La quatrième raison tient à la sophistication et à la diversité des modèles. Plusieurs évolutions (prise en compte 
de la nature de la firme, analyse des acteurs à l’intérieur de l’entreprise, analyse des stratégies des concurrents…) 
ont donné un contenu opérationnel à la microéconomie. La dernière en date, la théorie des jeux, a amené les 
microéconomistes à se pencher sur les croyances des agents économiques.