DIMENSION
09
@HOME
table lutte de David contre Goliath à tous les égards. Marie
Moignot: “Comme le chantier n’était pas terminé, nous ne
disposions pour notre présentation que de photos montrant
des grues et un espace extérieur inachevé et enneigé. Nos
concurrents, en revanche, ont montré une vidéo en accéléré
où l’on voyait la tour s’ériger à toute allure.”
Le prix a attiré l’attention des promoteurs sur le jeune bu-
reau, mais il a également eu un revers. Gilles Debrun: “Du
jour au lendemain, certains cercles vous collent l’étiquette
de bureau commercial. C’est pourquoi notre nomination, la
même année, pour le Mies van der Rohe Award, qui est à
l’autre extrémité du débat architectural, m’a fait d’autant
plus plaisir.
L’adrénaline des concours
DEn plus d’être un départ idéal, la savonnerie Heymans ca-
drait parfaitement avec la vision de MDW Architecture. Gilles
Debrun: “Au lieu de viser le marché des maisons quatre fa-
çades, nous nous sommes d’emblée orientés délibérément
vers les projets présentant une certaine ampleur et complexi-
té, avec une dimension urbanistique et une utilisation cor-
recte de l’espace. La savonnerie Heymans en est un parfait
exemple. Le projet inclut rénovation, construction neuve,
espace public et programme mixte. Cela nous a pour ainsi
dire forcés à faire de la micro-urbanisation. Comment cou-
ler le programme dans une forme donnée? Comment répartir
de manière adéquate les mètres cubes sur le site? Comment
combiner volumes et vides? Nous travaillons ainsi volontai-
rement sur une ville compacte recyclée. La savonnerie nous
a donné l’occasion d’appliquer directement cette vision dans
une réalisation concrète.
Les deux architectes confirment que le projet a joué le rôle
d’accélérateur pour leur bureau. Marie Moignot: “Aupara-
vant, j’étais réticente vis-à-vis des concours, que je considé-
rais surtout comme une affaire de copinage. Mais là, nous
avions goûté à l’adrénaline, au plaisir et à l’intensité qui
accompagnent un concours, et cela nous a convaincus. Pen-
dant cette période, nous avons participé à plusieurs concours
architecturaux. Quand le concours pour le Résidence Palace
- futur siège du Conseil européen et du Conseil de l’Union
européenne a été annoncé, j’ai absolument voulu participer.
Comme nous n’avions pratiquement pas de références et
principalement des chantiers en cours, une association s’im-
posait. J’ai pris mon courage à deux mains, j’ai cherché le
2016 s’annonce comme une année passionnante
pour MCW Architecture. En association
avec V+, ce bureau est en effet l’un des cinq
candidats retenus pour Reyers 2020, le projet
de réaménagement du site de la RTFB à
Bruxelles. Avec les Atelier Jean Nouvel, CFE et
Cofinimmo, il participe à NEO II, le futur centre
international de congrès avec hôtel du Heysel.
A La Hulpe, ils travaillent sur Les Berges de
l’Argentine, un projet de quartier mixte (affaires
et résidentiel) écologique dans un parc longeant
la rivière Argentine. Au milieu de toute cette
agitation, ils déménagent leur bureau, qui se
trouve actuellement dans un immeuble anonyme
non loin du Bois de la Cambre, vers une
maison de maître avec ancien atelier de mode à
Etterbeek. Autant de raisons de donner un éclat
particulier à leur quinzième anniversaire.
»
L’histoire de MDW Architecture est une success sto-
ry dont tous les jeunes bureaux pourraient rêver. En
2005, jeunes trentenaires, ils sont invités au bureau
d’Yvan Mayeur, alors président du CPAS. Le regard perçant,
celui-ci leur signale qu’il a pris des risques et qu’ils ont inté-
rêt à ne pas lésiner sur leurs efforts. Motif de l’entretien: ils
viennent de remporter le concours européen d’architecture
pour la transformation de l’ancienne savonnerie Heymans en
complexe de 42 logements sociaux économes en énergie avec
crèche. “Un fameux défi pour un petit bureau récent”, avoue
Marie Moignot, co-fondatrice du bureau avec Xavier De Wil.
“Nous avons eu de la chance, car Yvan Mayeur voulait un
projet-modèle, et il avait libéré les ressources nécessaires.
Le concours était bien organisé, le jury professionnel incluait
aussi des architectes expérimentés externes, et le cadre fi-
nancier offrait un peu plus de possibilités que ce qui est habi-
tuel dans la construction de logements sociaux.”
Le projet de reconversion sera mené à bien de la conception
à la livraison par Gilles Debrun, qui rejoint le bureau en 2004
après avoir suivi, tout comme Marie et Xavier, une formation
à Saint-Luc. Dès sa réalisation, la savonnerie Heymans fait
beaucoup de bruit et attire des intéressés qui viennent de loin
pour la découvrir. En 2011, un an avant la livraison, c’est la
cerise sur le gâteau: le projet public de logement social est le
tout premier de sa catégorie (immeubles résidentiels) à re-
cevoir un prix au salon de l’immobilier MIPIM à Cannes. Il
dame ainsi le pion au Burj Khalifa, entre autres - une véri-
“L’architecture demande tant d’efforts que
ce serait dommage de l’utiliser pour produire
quelque chose de médiocre.”