Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 19 April 2017
- 2 -
le nord de l'océan Pacifique et vient se reproduire et muer sur les côtes américaines, en Californie ou en
Basse-Californie, au nord du Mexique. Seule cette dernière espèce est concernée par la présente étude, qui
se poursuit en parallèle par des investigations sur les phoques gris de l'Atlantique Nord.
Le dimorphisme sexuel est considérable chez l'éléphant de mer septentrional : les mâles, qui peuvent
atteindre cinq mètres de long, sont bien plus lourds que les femelles, dont la taille plafonne autour de
trois mètres. Ces animaux ont un système de reproduction très polygame : les grands mâles dominants
président de larges groupes de femelles, appelés « harem ». Un seul mâle dominant peut ainsi « séduire »
et féconder plus de cinquante femelles en une saison !
Dix centimètres de graisse : chance et malédiction
Comme tous les phoques, les éléphants de mer ont les membres postérieurs (l'équivalent de nos jambes)
atrophiés. Chaque « pied » reste néanmoins bien distinct et présente une palmure destinée à la propulsion
aquatique. En revanche, ils sont devenus impropres à toute locomotion terrestre. Mais les déplacements sur la
plage sont assurés par les membres antérieurs : bien que transformés également en nageoires, ces « bras »
leur permettent de prendre appui sur le sol et de propulser leur corps par bonds successifs. Ils sont ainsi
capables d'effectuer des déplacements assez rapides sur de courtes distances, que ce soit pour regagner la
mer, rattraper une femelle réticente ou chasser un intrus.
Les éléphants de mer possèdent, sous la peau, une épaisse couche de graisse qui les isole du froid, améliore
leur flottabilité et constitue une réserve énergétique très précieuse pour les périodes de jeûne à terre. Cette
graisse, dont l'épaisseur peut atteindre dix centimètres, est à l'origine d'une chasse intense qui a débuté au
XVIIIe siècle et a failli entraîner la disparition de l'espèce à la fin du XIXe siècle. Les phoquiers pourchassaient
alors les éléphants marins à terre, pendant la période de reproduction, les massacraient en grand nombre et
faisaient fondre leur graisse hypodermique pour la transformer en une huile de très bonne qualité, propice à
l'assouplissement des cuirs comme à la lubrification des machines aux débuts de la révolution industrielle. La
chasse ne s'est vraiment arrêtée que lorsque de nouveaux types d'huile, d'origine minérale, ont pris le relais de
la graisse fondue. Depuis le début du XXe siècle, les éléphants de mer septentrionaux sont protégés par les
lois américaines et mexicaines, ce qui a permis de faire remonter leur effectif total à plus de 120.000 individus,
alors que l'espèce avait frôlé l'extinction. Mais la population actuelle, reconstituée sur la base d'une diversité
génétique amoindrie, est probablement moins robuste et plus sensible aux épidémies comme aux pollutions.
Les éléphants de mer passent la plus grande partie de leur vie sous l'eau, ne remontant à la surface que le
temps strictement nécessaire pour faire le plein d'oxygène. Celui-ci est essentiellement stocké dans le sang,
dont il possède un volume bien supérieur à celui de l'homme, même en le rapportant à sa masse corporelle. Au
fil de longues plongées en solitaire, parfois jusqu'à 1.000 mètres de profondeur, Mirounga angustirostris traque
principalement des poissons et des calmars. Sa chasse est facilitée par sa morphologie très hydrodynamique,
propice à une nage rapide. Mais il est aidé aussi par une vue performante et par une paire de vibrisses, ces
« moustaches » qui perçoivent les vibrations de l'eau, lui permettant ainsi de repérer aisément ses proies. On
ne lui connaît pratiquement pas de prédateurs, à l'exception de l'orque et du requin blanc.
Sa grande aisance en milieu marin n'empêche pas l'éléphant de mer de figurer parmi les phoques les plus
« terrestres », puisqu'il passe, chaque année, plusieurs semaines consécutives sur la terre ferme.
La saison de reproduction débute en décembre avec l'arrivée des grands mâles sur les plages, les plus
costauds se constituent un harem pouvant compter plusieurs dizaines de femelles. Ceux qui prétendent les
leur disputer doivent affronter le dominant dans un combat précédé de puissantes éructations, à moins qu'ils ne