Mécanismes
"Cette étude procure de nouveaux éléments sur les différents mécanismes par lesquels le
tabac provoque un cancer", précise Ludmil Alexandrov du Los Alamos National Laboratory,
un des principaux co-auteurs de ces travaux. "Nous disposions déjà d'un grand nombre de
données épidémiologiques établissant un lien entre le tabac et le cancer mais désormais
nous pouvons observer et déterminer le nombre de changements moléculaires dans l'ADN
qui résultent du tabagisme", poursuit le scientifique.
"Nous avons découvert que les personnes fumant un paquet par jour ont en moyenne 150
mutations génétiques supplémentaires chaque année dans leurs poumons, ce qui explique
pourquoi les fumeurs ont un risque élevé de développer un cancer pulmonaire."
Pour cette première analyse étendue de l'ADN cancéreuse liée au tabac, ces chercheurs ont
scruté 5.243 génomes, représentant treize localisations de cancers potentiellement favorisés
par le tabagisme. Ils ont comparé les cancers de fumeurs avec des cancers similaires de
personnes n'ayant jamais fumé.
Ils ont constaté des caractéristiques moléculaires spécifiques dans l'ADN des poumons des
fumeurs et en ont déterminé le nombre dans les différentes tumeurs.
6 millions de décès par an
Les chercheurs ont conclu que le tabac provoque un grand nombre de mutations génétiques
supplémentaires dans les cellules pulmonaires.
Dans les autres organes, l'étude révèle qu'un paquet de cigarettes par jour entraîne en
moyenne 97 mutations de plus par an dans l'ADN du larynx, 39 dans le pharynx, 23 dans la
bouche, 18 dans la vessie et 6 dans le foie.
L'étude montre au moins cinq processus distincts par lesquels l'ADN est endommagé par le
tabac, dont le plus répandu est trouvé dans la plupart des types de cancers. Il s'agit d'une
accélération de la pendule cellulaire qui entraîne une mutation prématurée des cellules,
expliquent ces généticiens.
Pour le professeur Mike Stratton du Wellcome Trust Sanger Institute, "cette étude indique
également que le processus par lequel la cigarette provoque un cancer est plus complexe
qu'on ne le pensait". "En fait nous ne comprenons pas totalement les origines sous-jacentes
d'un grand nombre de cancers", poursuit-il pointant d'autres causes encore peu comprises,
comme l'obésité.
Mieux prévenir
Mais ces travaux sur l'ADN des tumeurs cancéreuses pourraient faire avancer la recherche
et aider à mieux prévenir toute forme de cancer, selon le professeur Stratton. "Séquencer le
génome de chaque cancer fournit ainsi une sorte de mémoire archéologique" dans l'ADN,
exposé aux différents facteurs qui ont contribué à des mutations génétiques responsables
d'une tumeur cancéreuse, explique-t-il.
Le tabagisme, la plus grande cause évitable de mortalité, est responsable d'au moins six
millions de morts annuellement dans le monde. Et si les tendances actuelles persistent, ce
sont plus d'un milliard de décès qui résulteront de la cigarette au 21e siècle, selon
l'Organisation Mondiale de la Santé.