
2 Bulletin de la Banque de France • N° 184 • 2e trimestre 2011
ÉTUDES
Les répercussions du séisme du 11 mars sur l’économie japonaise et l’économie mondiale
Le séisme de grande ampleur qui a affecté l’est
du Japon le 11 mars 2011 est le plus fort qui
ait été récemment enregistré dans le pays.
Sa magnitude de 8,9 sur l’échelle de Richter est
très largement supérieure à celle de 7,2 enregistrée
lors du séisme de Kobé en 1995. Son bilan humain
est très élevé : 15 000 victimes, 10 000 disparus,
115 000 personnes sinistrées. La région de Tohoku,
qui contribue au PIB japonais à hauteur de 6 %,
a été fortement affectée par le tsunami qui a suivi le
séisme. Le montant des dommages au stock de capital
est estimé entre 16 000 et 25 000 milliards de yens,
soit entre 3 % et 5 % du PIB. Mais outre le choc dû
à cette catastrophe naturelle, l’économie est à présent
confrontée à une crise nucléaire, essentiellement
circonscrite autour de la centrale de Fukushima,
faisant peser des risques à la baisse sur l’économie
mondiale qui ne peuvent pas être évalués à ce stade.
Les répercussions sur l’activité économique prennent
des formes multiples : des coupures et des pénuries
d’électricité, qui pourraient se poursuivre cet été,
affectent la consommation des ménages, les processus
de production et les chaînes d’approvisionnement.
L’incidence économique la moins mesurable pourrait
découler de pertes de confi ance, en particulier en
raison de l’incident nucléaire et des nombreux séismes
ultérieurs. Dans cette note, les auteurs
1
cherchent
à couvrir un grand nombre de risques associés à la
situation actuelle en vue d’évaluer les conséquences
pour le Japon et les autres économies ainsi que pour
les marchés fi nanciers.
1| Les conséquences
pour l’économie japonaise
1|1 Révisions des prévisions :
à la baisse pour 2011,
rebond en 2012
L’économie japonaise était sur le point d’entamer une
phase de reprise lente mais soutenue à partir de 2011,
après un fort rebond de la croissance du PIB à 3,9 %
en 2010. Le séisme de Tohoku et le tsunami qui a suivi
modifi ent à présent les perspectives à court et à moyen
termes et réduisent les prévisions de croissance
pour 2011. Au vu des informations actuellement
disponibles, les destructions de capital se situeraient
entre 15 000 et 26 000 milliards de yens (3 % à 5 % du
PIB), ce qui pourrait donner lieu à un rebond rapide
de l’activité dans le secteur de la construction.
Les auteurs n’anticipent pas une reprise rapide
après cette nouvelle crise. L’activité devrait
décroître aux deuxième et troisième trimestres 2011,
essentiellement sous l’effet d’un recul prononcé de
la consommation privée et des exportations, et d’une
forte augmentation des importations dans les secteurs
des matières premières et des denrées alimentaires.
L’investissement devrait apporter une contribution
positive sur l’horizon de prévision grâce aux efforts
immédiats de reconstruction dans le secteur privé,
puis dans le secteur public à la fin de l’année,
lorsque les obstacles administratifs auront été levés.
L’hypothèse retenue est celle d’un programme de
reconstruction sur cinq ans, avec une concentration de
l’investissement en 2012. Toutefois, l’investissement
ne devrait pas se révéler plus dynamique que ne
l’exigent les efforts de reconstruction. Les exportations
nettes pourraient contribuer négativement à la
croissance sur l’horizon de prévision. Compte tenu
de la pénurie de ressources naturelles au Japon,
les importations de matières premières destinées
à la reconstruction ou devant servir de ressources
énergétiques de substitution devraient augmenter
fortement. Les pertes de capacités de production dans
l’agriculture (et les pertes éventuelles de denrées
produites localement en raison de l’élévation des
mesures de radioactivité) devraient en outre se
traduire par une hausse des importations de denrées
alimentaires. Ainsi, la balance commerciale du Japon
pourrait devenir négative, malgré une croissance des
exportations supérieure à sa moyenne de long terme,
amputant la croissance du PIB en 2011 et en 2012.
Fin 2010, la demande intérieure était atone.
La consommation privée en 2010 avait été
essentiellement dopée par des mesures publiques
de relance. De plus, la situation du marché du travail
est restée morose. Même si les chiffres du chômage
se sont améliorés, les salaires réels et nominaux ainsi
que le revenu disponible des ménages n’ont guère
augmenté. L’investissement privé n’a pas rebondi
1 Guillaume Adamczyk (Ambassade de France au Japon), Karim Barhoumi, Simona Delle Chiaie, Christian Glocker, Claude Lopez, Lisa Sica de Moraes (DGEI-DERIE), Guillaume Gaulier
(DGEI-DEMS), Sophie Haincourt (DGEI-DIACONJ), Sophie Perez (DGO-DOM), Jean-Baptiste Haquin (SGACP-DERI) ont contribué au dossier qui a fourni la matière de cet article,
ainsi que Laurent Ferrara et Evelyn Herrmann (DGEI-DERIE) qui en ont assuré la coordination.
BDF184_001_014_Japon.indd 2BDF184_001_014_Japon.indd 2 23/06/2011 14:13:5723/06/2011 14:13:57