et avoué de la colonisation, c’est de faire du colonisé un instrument au service du
colonisateur… ». Aimé Césaire renchérissait sur ce propos de Codjo en rétorquant aux
humanistes chrétiens que la colonisation « n’est point : ni évangélisation, ni entreprise
philanthropique, ni volonté de reculer les frontières de l’ignorance, de la maladie, de la
tyrannie, ni élargissement de Dieu, ni extension du droit. »
Les trois mouvements intellectuels avaient en commun de dénoncer les méfaits de la
colonisation, le racisme chez bon nombre d’Européens qui restaient influencés par les
conceptions de la hiérarchie des cultures et qui considéraient que ceux qui n’avaient pas
d’écriture n’avaient ni culture ni histoire. Joseph Ki-Zerbo fit ses études dans ce contexte.
Diplômé de l’Institut d’Etudes politiques de Paris en 1954, et agrégé d’histoire en 1956, il
était au cours des années 1950 en France, un combattant politique et intellectuel dans les
milieux estudiantins africains. Il était nationaliste, opiniâtre partisan de la libération de
l’Afrique du joug colonial et socialiste. Il croyait au socialisme africain, mais pas au
socialisme scientifique défendu par les marxistes-léninistes. Et pour cause, il est catholique,
admirateur de Francis Kwame Nkrumah, lui-même catholique, un farouche combattant pour
la libération de l’Afrique, même s’il avait entretemps troqué foi chrétienne contre le
marxisme-léninisme. Ki-Zerbo fut tenté d’écrire un livre sur le mode de production africain
pour justifier le socialisme africain. Mais le combat pour l’Afrique et pour l’histoire africaine,
pour répondre aux racistes qui déniaient à l’Afrique toute histoire, l’obligea à privilégier le
combat pour l’histoire dans le combat pour l’Afrique. Il ne se mêla pas de la controverse
contre le mouvement de Conscience chrétienne engagé par les nationalistes africains. Pour lui
le combat pour l’Afrique se trouvait ailleurs, dans sa libération et la construction de son
identité à travers la connaissance historique.
Il partageait avec Cheik Anta Diop, une vision commune sur l’histoire africaine. Les
deux historiens étaient à la fois anticolonialistes et nationalistes. Dans leurs travaux, ils étaient
enclins à l’héroïsation du passé, mais s’attachaient surtout à montrer la négation des apports
de la métropole. Ils avaient une vision globale et totale de l’histoire africaine. Cheik Anta
Diop en l’occurrence, publiait en 1958 un ouvrage intitulé L’unité culturelle de l’Afrique
noire dans lequel il montre que les dirigeants africains doivent créer un Etat fédéral à la
grandeur historiquement fondée sur la brillante civilisation égyptienne, commune à toute
l'Afrique. Cet Etat devrait promouvoir une langue véhiculaire, utilisée comme langue
nationale en remplacement des langues des colonisateurs, projet d'autant plus réalisable
politiquement que toutes les langues africaines se rattachent à l'égyptien ancien. Pour
construire cet Etat, la connaissance de l’histoire est indispensable.
En 1961, les Etats africains vivent dans l’euphorie de l’indépendance. Joseph Ki-Zerbo,
comme pour orienter la construction de l’Etat-nation insiste sur le rôle de l’histoire : il publie
dans Présence Africaine nº 37 un article intitulée « Histoire : levier fondamental » dans lequel
il indique le rôle combien incontournable de l’histoire dans la construction nationale et surtout
dans la construction d’un Etat fort et prospère. Il montre que la connaissance du passé
introduit à la connaissance de son identité et est indispensable à la culture de la citoyenneté. Il
rejoignait ainsi C.A. Diop qui pensait que le facteur historique est le ciment de l’unité
culturelle de l’Afrique. Ce qui comptait pour les deux historiens africains, c’était l’Afrique
dans sa globalité comme objet d’histoire. Joseph Ki-Zerbo dès 1964, présente d’abord Le