
1. Responsabilité sociale inhérente au concept de commerce équitable
Tout d’abord, nous interrogeons le concept du commerce équitable quant à ses apports en
termes de responsabilité sociale. Si cet apport est parfois considéré comme évident par les
acteurs de terrain, il nous semble qu’il n’est pas inutile d’en étudier les contours, la teneur
ainsi que les limites. Etant donné que le concept de RSE recouvre une grande hétérogénéité
de notions et de pratiques (Pailot, 2005), il est nécessaire de le clarifier : nous envisagerons
la RSE comme l’ensemble des démarches volontaires dans lesquelles des entreprises
s'engagent afin de respecter, au-delà de leur objectif de rentabilité économique, des
exigences sociales et environnementales, et d’améliorer les relations avec toutes les parties
concernées par leurs activités (Bender et Pigeyre, 2003). Parmi les différentes approches
théoriques de la RSE, nous nous centrerons donc sur les pratiques concrètes des acteurs par
rapport à leurs différentes parties prenantes internes et externes, conformément aux
principes de la Stakeholder Theory (Carroll et Buchholtz, 2000 ; Donaldson, 2002).
Toutefois, il faut bien garder à l’esprit que, même pour l’étude d’un même secteur comme
le commerce équitable, nous ne disposons pas d’une définition précise de la RSE.
Deux éléments caractérisent la démarche de RSE proposée dans le cadre du commerce
équitable. Premièrement, la participation au commerce équitable ne constitue pas une
démarche auto-proclamée de responsabilité sociale, dans le sens où les entreprises qui s’y
intéressent acceptent de se soumettre à un cahier des charges émis et contrôlé par une
instance extérieure. Pour la production alimentaire, cette soumission prend la forme d’une
labellisation par un organisme membre de la coupole internationale FLO. En ce qui
concerne les produits artisanaux, s’il n’y a pas de système de labellisation obligatoire, on
peut considérer que la revendication de commerce équitable est implicitement conditionnée
par l’affiliation à des réseaux internationaux tels que l’IFAT. Toutefois, les moteurs de
cette démarche de RSE peuvent être de différentes natures selon les entreprises. A la suite
de Gond (2006), nous pouvons en effet distinguer les initiatives volontaristes
(« spontanées ») de dynamiques plus utilitaristes, ces dernières étant vues comme un besoin
d’adaptation ou une réponse à un stimulus externe (par exemple la dénonciation de
pratiques par des organisations d’économie sociale).
Ensuite, si l’on analyse la responsabilité sociale au regard des relations avec les différentes
parties prenantes, il apparaît que le commerce équitable ne formule un cadre normatif que
pour le lien avec les producteurs. S’il y a dans les critères toute une série d’exigences
organisationnelles concernant les organisations de producteurs au Sud, ce n’est
effectivement pas le cas pour les organisations d’importation, de transformation et/ou de
distribution au Nord.
Au niveau du contenu et des outils spécifiques du commerce équitable, les techniques
comme le prix juste et stable, le préfinancement, la relation à long terme et certains critères
de partenariat semblent porteuses de responsabilité sociale, non seulement entre les
organisations du Nord et du Sud, mais également à l’intérieur même de ces dernières. Il
convient toutefois de souligner que les partenariats sont extrêmement variés et que les
impacts sur les producteurs dépendent non seulement du degré d’investissement des
importateurs, mais également du projet de l’organisation de producteurs même (Ronchi,
2000). Le degré de responsabilité sociale générée dépend donc de l’ensemble des acteurs
de la filière.