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MINISTÈRE DE LA DÉFENSE
M. Jean-Yves Le Drian,
Ministre de la Défense
Eloge funèbre de Alain Gayet,
compagnon de la Libération
Aux Invalides, le lundi 24 avril 2016
Seul le prononcé fait foi
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Monsieur le gouverneur militaire de Paris,
Mesdames et Messieurs les officiers généraux,
Officiers, sous-officiers et soldats,
Mesdames et Messieurs, chers membres de la famille Gayet,
« Nous vous reconnaissons comme notre compagnon, dans l’honneur
et par la victoire ». C’est par ces mots que le chef de la France libre
distingua celui que la République salue aujourd’hui d’un adieu
solennel. Dans le silence laissé par Alain Gayet, disparu le 20 avril
dernier à 94 ans, c’est d’abord une évidence qui nous étreint: la France
est orpheline d’un homme d’exception. Entourant sa famille endeuillée
et ses derniers compagnons, dans cette cour d’honneur des Invalides
se rassemble l’histoire des armes de la France, nous rendons hommage
à celui qui, au jour terrible de la défaite, ramassa le tronçon du glaive
afin de poursuivre le combat. La paix retrouvée, il demeura fidèle sa vie
durant à l’idéal forgé dans le feu des combats de la France libre.
*
Le 18 juin 1940, quel est cet adolescent de 17 ans qui rôde sur les quais
de Brest, vêtu de son uniforme scout, à la recherche d’un embarquement
? Breton de Paris né aux lendemains du Premier conflit mondial, Alain
Gayet est l’aîné d’un couple de médecins. Le patriotisme de ses parents
n’a d’égal que leur commune passion de la recherche scientifique. Il
porte en lui le souvenir de la Grande guerre, que son père lui a transmis.
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Adolescent dévorant les livres, il apprend avec Charles Péguy l’amour
intransigeant de la Nation. Il sait qu’une nouvelle confrontation se
prépare.
A l’angoisse de l’entrée en guerre s’ajoute pour Alain Gayet un drame
personnel lorsque ce père admiré meurt accidentellement, en 1939, le
laissant avec sa mère responsable de ses cinq fres et urs. Le 11 juin,
alors que les troupes allemandes approchent de Paris, il les conduit sur
les routes de l’exode ver la propriété familiale de Ker-Aël, à
Landerneau. Le 18 juin, il est à Brest que les Allemands s’apprêtent à
investir. Trop jeune pour avoir porté les armes, il agit déjà comme un
soldat refusant la captivité. Mais à son arrivée sur le port, la rade est
vide. Il embarque finalement sur un chalutier, le « Moncousu ». Privé
de radio, son commandant n’a pas entendu l’ordre de revenir lancé à la
flotte par Pétain.
A bord du navire qui fait route vers l’Angleterre, à quoi pense-t-il, dans
cette nuit de désastre ? Il revoit les larmes de honte et de colère sur le
visage de son père, René, au soir de Munich, lui le médecin auxiliaire
héroïque qui interrompit ses études pour devancer l’appel en 1915. Il
ressent encore sa propre indignation, la veille, lorsqu’il a entendu le
message du Maréchal Pétain. Il pense au courage de sa mère, Thérèse,
qui a accepté de le laisser partir, et qui s’occupera seule de la famille
pendant toute la durée de la guerre.
« On n’est pas sérieux quand on a 17 ans » disait Rimbaud, l’homme
aux semelles de vent. Il fallait de l’audace bien sûr pour assumer un tel
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choix. Mais dans la fulgurance de la décision d’Alain Gayet partir
pour continuer le combat ! se concentre le patriotisme familial et les
expériences personnelles, lorsque son père l’a envoyé étudier outre-
Rhin, pour comprendre la guerre qui s’y préparait.
Lisant Mein Kampf, l’adolescent a vu de ses yeux les ravages de
l’idéologie nazie sur la jeunesse allemande. A 17 ans, il a déjà la lucidité
supérieure qui lui fait congédier l’évidence de la débâcle. Comme tant
de ses compagnons, sa liberté commence par un refus, capable de
donner à l’événement un sens que les faits les plus écrasants semblent
pourtant démentir. Cette éthique de la révolte contre le destin contraire,
c’est elle qui commande de désobéir au nom des intérêts supérieurs de
la Nation. Cet appel venu de Londres qu’il n’a pas entendu, il y répond
spontanément parce qu’il est l’appel de sa conscience et du devoir.
Débarqué à Falmouth, il est envoyé à Londres il rejoint les pionniers
de la France libre. Rescapés de Norvège, officiers, sous-officiers,
soldats de toutes les armes, aux côtés d’un millier de jeunes volontaires,
encore dépourvus d’uniforme mais qui s’exercent déjà, tous vibrent de
la me ferveur communicative, au rythme de La Marseillaise qu’ils
entonnent à pleins poumons. C’est qu’il aperçoit pour la première
fois le général de Gaulle venu leur dire ce qu’il attend d’eux.
Passionné de mécanique et de course automobile, Alain Gayet rêve,
comme tant de ses jeunes camarades, de devenir pilote de chasse. Mais
les avions manquent. Engagé dans les Forces françaises libres le 1er
juillet 1940, il est donc incorporé comme conducteur de camion à la 1ère
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compagnie du Train. Il participe alors, dès le mois de septembre à
l’expédition de Dakar, avant de suivre les cours d’élève-officier de
janvier à juillet 1941 au camp Colonna d’Ornano, à Brazzaville. La
France libre manque de cadres. Il appartient à ces très jeunes
volontaires, bacheliers, élèves des classes préparatoires, d’assumer des
responsabilités de chefs pour la libération de la patrie.
Devenu aspirant, il traverse le Congo, remonte le Nil jusqu’au Soudan
avant de prendre le train pour Le Caire puis Beyrouth et Damas. Quelle
extraordinaire odyssée pour un garçon de 18 ans ! La campagne
fratricide de Syrie vient de s’achever lorsqu’il rejoint en septembre les
spahis marocains. C’est avec eux, que l’on reconnaît à leurs calots
rouges, qu’il fera le reste de la guerre, toujours aux avant-postes, chef
d’une unité de reconnaissance. C’est qu’il retrouve d’autres jeunes
officiers, Fred Moore, André Rouxel, qui seront ses frères d’armes, et
les amis d’une vie.
Après bientôt deux années de périple et d’entraînement, il brûle de
combattre. Dès mai 1942, il prend part aux opérations dans le désert
d’Egypte, comme chef de peloton d’automitrailleuses. Son mètre
quatre-vingt-dix peine à tenir dans ce scarabée de métal. Cette
navigation à la boussole et aux étoiles fait des Français libres de
véritables corsaires des sables, patrouillant dans le désert en quête de
renseignement sur les troupes italiennes et l’Afrika Korps de Rommel.
Ce n’est pas pour déplaire à ce descendant de médecin de marine.
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