désigne le comportement lui-même et l’impulsivité la suscepti-
bilité individuelle de leur surgissement. L’impulsivité est un
symptôme peu localisateur puisqu’il traverse la nosographie
psychiatrique
[16]
: les troubles du contrôle pulsionnel (jeu
pathologique, trouble explosif intermittent, pyromanie, klepto-
manie, trichotillomanie), certains troubles de la personnalité
(borderline, antisociale, histrionique, narcissique), les troubles
bipolaires particulièrement en phase maniaque et mixte, les
troubles des conduites alimentaires, l’hyperactivité avec déficit
attentionnel, l’abus de substance ou certains troubles neurolo-
giques à l’origine d’une désinhibition.
La recherche de sensations fortes, les prises de risque et les
conduites addictives sont des manifestations fréquentes de cette
impulsivité.
Il semblerait que l’impulsivité ne soit pas un ensemble
symptomatique homogène mais qu’elle s’organise autour de
deux pôles, mis en évidence par plusieurs analyses factorielles
des échelles d’impulsivité
[17]
. Il est ainsi possible d’isoler d’un
côté des traits impulsifs liés à une hypersensibilité à la récom-
pense et qui s’associerait préférentiellement à la recherche de
sensation et à la prise de toxique. D’un autre côté, existerait une
tendance à l’engagement spontané de comportement sans
considération pour leurs conséquences. Ces deux ensembles
symptomatiques pourraient être sous-tendus par des mécanis-
mes neurobiologiques différents : d’un côté des systèmes à
médiation dopaminergique des zones mésolimbiques et du
noyau accumbens impliqués dans la recherche de récompense,
de l’autre une altération de certains circuits inhibiteurs
orbitofrontaux.
Il faut différencier une impulsivité-trait, présente de façon
permanente pour un individu (par exemple personnalité limite),
d’une impulsivité-état, variable, contemporaine par exemple
d’un état dépressif, maniaque ou d’une intoxication éthylique.
■Parakinésies et dyskinésies
Maniérisme
Reboul-Lachaux définissait dans sa thèse le maniérisme
comme les manifestations motrices traduisant l’affectation (cité
par Tatossian
[18]
,Phénoménologie des psychoses, page 30). Être
maniéré, c’est avant tout paraître ce que l’on n’est pas. Cette
affectation peut être décidée par le sujet qui veut paraître tel
qu’il n’est pas (maniérisme « normal ») ou subie par celui-ci
(maniérisme pathologique ou schizophrénique). Binswanger fait
du maniérisme plus qu’un symptôme, une forme d’existence. Il
considère l’existence maniérée comme l’une des trois formes de
la présence manquée du schizophrène aux côtés de la présomp-
tion et de la distorsion
[19]
. Comme le souligne Tatossian
[18]
,
pour comprendre le geste maniéré mieux vaut se référer au
synonyme français « guinder » ou « se guinder ». Guinder, c’est
hisser sa voile au prix d’un effort d’élévation qui porte aussi sur
soi (se guinder) et à l’aide d’un instrument (le guindeau). C’est
cette action d’élévation de soi, artificielle et instrumentale, qui
caractérise l’existence maniérée du schizophrène. Il ne s’agit pas
ici de faire bonne impression mais bien de trouver le sol d’un
impossible déploiement de soi chez autre que soi (en emprun-
tant par exemple le masque de la distinction sociale ou plus
généralement la forme d’existence inauthentique de l’Être-On
Heideggerrien).
Tics
Les tics sont définis comme une production verbale ou
motrice involontaire, stéréotypée, d’apparition soudaine et qui
implique un nombre restreint de muscles. Les tics peuvent
s’envisager avec quelque utilité comme des fragments normaux
d’activité motrice ou verbale mais surgissant hors de propos et
dénués d’une finalité qui pourrait leur donner sens. C’est cette
singularité qui confère au tic son caractère éminemment
imitable, ce que repèrent très vite les enfants.
Il est d’usage de caractériser les tics moteurs par leur situation
anatomique, leur fréquence, leur intensité et leur complexité
(clignement d’yeux ou geste obscène élaboré). De façon simi-
laire, les tics verbaux sont identifiés par leur fréquence, leur
volume, leur durée et leur complexité (bruits, syllabes, mots,
phrases). La répétition immédiate de mots ou de phrases
complètes est classique chez certains patients : que ces propos
émanent d’eux-mêmes (palilalie) ou d’un tiers (écholalie). Les
raclements de gorges, grognements, aboiements et reniflements
sont généralement considérés comme des tics phoniques. Les
tics vocaux complexes s’accompagnent très systématiquement
de phénomènes phoniques ou moteurs plus élémentaires
[20]
.
Les tics doivent être différenciés de mouvements anormaux, tels
que les mouvements athétosiques, choréiformes, les tremble-
ments cérébelleux, les myoclonies, les spasmes.
Les patients les plus sévèrement atteints peuvent associer
simultanément tics phoniques et moteurs ou produire des
séquences stéréotypées de tics différents. Les manifestations les
plus invalidantes peuvent comporter des actes d’automutilations
(coups, morsures), des paroles ordurières (coprolalie), insultantes
ou des gestes obscènes.
Si les tics correspondent à des mouvements involontaires,
leur apparition peut être réprimée au prix d’un effort de
concentration forcément transitoire. Cet effort, générateur de
tension psychique, se solde généralement par une augmentation
des tics après la période de répression. La mobilisation des
ressources attentionnelles sur une tâche complexe, diminue
également les tics. Ils disparaissent généralement pendant le
sommeil.
Le caractère suggestible des tics est également un trait
sémiologique. Ainsi, il n’est pas rare d’observer une augmenta-
tion des tics lorsque l’on invite la personne à les décrire.
Certaines situations sensorielles, très variables d’un individu à
l’autre mais stéréotypées pour une personne, sont susceptibles
d’activer le tic (toux, mot, forme visuelle...). L’état émotionnel
module également la survenue des tics. Ainsi, l’anxiété et la
peur sont des facteurs aggravants.
Les patients rapportent également des phénomènes sensoriels
qui précèdent le surgissement du tic. Il peut s’agir d’un senti-
ment d’urgence à faire tel ou tel geste et qui précède sa
réalisation. Le sujet peut tenter de réprimer ce sentiment. Cette
lutte s’avère plus épuisante que le tic lui-même. Ce dernier trait
n’est pas sans rappeler la disposition subjective de certains
patients atteints de troubles obsessionnels à l’égard de leurs
compulsions. Cette proximité sémiologique et la comorbidité
fréquente de ces deux troubles laissent supposer une certaine
communauté pathogénique
[21-23]
.
Les tics moteurs commencent généralement entre 3 et 8 ans
par des mouvements faciaux. Les tics phoniques apparaissent la
plupart du temps plusieurs années après. Néanmoins, les formes
les plus sévères s’installent souvent à l’âge adulte.
Chez les enfants, la survenue de tics faciaux simples transi-
toires (de quelques semaines à quelques mois) est fréquente. Ils
sont souvent contemporains de périodes de tension, mais ils
évoluent aussi en fonction du contexte psychologique et
familial, selon l’intolérance ou l’inquiétude parentale. Plus
rarement, lorsqu’ils ont tendance à s’enrichir ou à se fixer, ils
peuvent faire redouter la survenue d’une maladie de Gilles de
la Tourette.
La maladie de Gilles de la Tourette associe tics vocaux et
moteurs
[24]
. L’âge moyen d’apparition se situe vers 7 à 8 ans, il
s’agit souvent au début d’un tic facial isolé, puis d’autres tics
moteurs et des tics vocaux (souvent raclements de gorge)
apparaissent. C’est la « maladie des tics » parfois spectaculaire
mais cependant d’intensité et d’évolution variable. Il y a
environ trois garçons atteints pour une fille. La coprolalie est
l’élément le plus connu de cette maladie et le plus caractéristi-
que. Elle n’est cependant pas systématique (4 % à 60 % selon
les études et selon les cultures). Une association avec le trouble
déficit attentionnel-hyperactivité est souvent notée. De 30 à
40 % des sujets atteints de ce syndrome présentent aussi un
trouble obsessionnel compulsif.
Ce syndrome répond vraisemblablement à une étiologie
complexe : prédisposition génétique, substratum neurobiologi-
que avec l’altération possible des ganglions de la base et du
corps calleux, rôle des systèmes dopaminergiques, intrication à
Sémiologie des troubles psychomoteurs
¶
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5Psychiatrie