L’empire ottoman a la veille de la grande guerre: une moyenne puissance ?
souvent inquantifiables, et impliquent des choix laissant la place à une certaine
dose d’incertitudes : les choix stratégiques, les clivages idéologiques, le degré de
cohésion sociale ou nationale, le moral, le rapport à l’environnement interna-
tional, etc, entrent en jeu dans l’appréciation de la force déployée. Ce n’est
pourtant que par la combinaison des deux éléments que l’on peut espérer ap-
procher une réponse à la question posée plus haut, en situant le poids et la
place réelle de l’Empire ottoman par rapport à ses partenaires mondiaux.
Pour ce qui est de la puissance installée de l’Empire ottoman en 1914,
nous prendrons en considération deux paramètres, celui de l’indice de puis-
sance selon la recette proposée par l’historien français René Girault4 ; celui de
l’appréciation de la diminution de la superficie contrôlée par l’Empire depuis
l’époque de son apogée.
L’indice de puissance utilisée sera naturellement considéré, ainsi que
le fait le promoteur du système lui-même, avec toutes les réserves souhaitables,
mais il permet, malgré ses imperfections, de situer les pays les uns par rapport
aux autres, en privilégiant les données qui, à l’époque considérée, jouaient u rôle
primordial dans la définition de la puissance. Cinq critères sont retenus, avec
une pondération de chacun dans l’indice global ainsi conçue : chiffre de la po-
pulation totale 25%, production de charbon 20%, production de fonte 10%,
production de blé 25%, commerce total 20%. Les statistiques utilisées
n’intègrent pas le phénomène colonial et s’entendent uniquement dans le cadre
européen. L’indice de puissance qui en ressort en 1914 fait apparaître quatre
grands : l’Allemagne 63,7, la Russie 57,6, la Grande-Bretagne 57,3, la France
46,5. Sous cet aspect, deux pays peuvent être qualifiés de moyens, l’Autriche-
Hongrie avec 27,8 et l’Italie avec 18,5. Enfin, avec 14,1 pour la Belgique, sans
doute passe-t-on à la petite puissance. L’Empire ottoman vient encore loin
derrière, avec 10,6, mais néanmoins devant l’Espagne qui ne dépasse pas 8,4. SI
l’on veut bien observer que l’Empire ottoman atteint son indice grâce à deux
seuls paramètres, sa population et sa production de blé, on ne tirera naturelle-
ment pas de conclusion péremptoire de ces quelques points de repère chiffrés.
Ceux-ci laissent entendre que, dans la hiérarchie ainsi dégagée, l’Empire otto-
man se situe plutôt à la frange des moyens et des petits.
Un autre élément doit être pris en compte dans l’appréciation de la
position de l’Empire en liaison avec son déclin : la contraction de sa superficie.
A l’apogée, disons au XVIIè siècle, l’Empire ottoman contrôle environ 7 173
000 km² ; cette superficie se trouve réduite, vers 1875, à 5 550 000 km² ; en
1913-1914, l’Empire ne compte plus que 2 171 000 km², superficie qui repré-
sente 30% de celle de la belle époque, et 39% de celle du début des années
4 R. Girault, Diplomatie européenne et impérialismes 1871-1914, Masson, Paris, 1979, p. 66-67.