dossier d`introduction - exil

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C O L L È G E
I N T E R N A T I O N A L de P H I L O S O P H I E
COLLÈGE INTERNATIONAL DE PHILOSOPHIE (CIPh), PARIS
Programme :
EXIL, CRÉATION PHILOSOPHIQUE ET POLITIQUE
PHILOSOPHIE ET CITOYENNETÉ CONTEMPORAINE 2010 – 2016
Suisse - Amérique latine - Méditerranée - Paris
Prof. Marie-Claire CALOZ-TSCHOPP
Direction du programme
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REPENSER L’EXIL
Premier cours-séminaire UOG 2011, Genève
DOSSIER D’INTRODUCTION
« Et la mer rugit et rugit, elle ne s’occupe pas des fatigues de l’homme, qui voudrait
rugir avec elle et qui perd patience, car elle n’a pas de limites et n’offre jamais de
récompense ».
Ludwig Hohl, Impression, Nante, Le passeur, 1996.
« Le châtiment – la mort mise à part – c’est la privation de liberté. Le reste
appartient aux barbares ».
Robert Antelme, Vengeance ? (1945) Lignes no. 21, 1994, p. 98.
«Penser n’est pas construire des cathédrales ou composer des symphonies. La
symphonie s’il y a, le lecteur doit la créer dans ses propres oreilles ».
Castoriadis Cornelius, L’institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975, p. 6.
« Ne suis pas les traces des anciens, cherche ce qu’ils ont cherché »,
Matsuo Bashoo, cité par le poète uruguyen Mario Benedetti.
Genève, février 2011
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Que suis-je sans exil ?
Etranger comme le fleuve au bord du fleuve… L’eau
M’attache à ton nom. Rien ne me ramène de mon
lointain
A mon palmier : Ni la paix ni la guerre. Rien
Ne m’incorpore aux Evangiles. Rien…
Rien ne scintille dans le sac
Et le ressac entre le Tigre et le Nil. Rien
Ne me débarque des vaisseaux de Pharaon. Rien
Ne me porte ou me fait porter une idée : Ni le désir
Ni la promesse. Que faire ? Que
Faire sans exil et sans une longue nuit
Qui scrute l’eau ?
L’eau
M’attache
Mahmoud Darwich, Anthologie (1992-2005),
éd. bilingue, Babel
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Partir
Issa Makhklouf
Nous partons pour nous éloigner du lieu qui nous a vu naître et voir l’autre versant du matin.
Nous partons à la recherche de nos naissances improbables. Pour compléter nos alphabets. Pour charger
l’adieu de promesses. Pour aller aussi loin que l’horizon, d’échirant nos destins, éparpillant leurs pages
avant de tomber, quelquefois, sur notre propre histoire dans d’autres livres.
Nous partons vers des destinées inconnues. Pour dire à ceux que nous avons croisés que nous
reviendrons et que nous referons connaissance. Nous partons pour apprendre la langue aux arbres qui,
eux, ne partent guère. Pour lustrer le tintement des cloches dans les vallées saintes. A la recherche de
dieux plus misécordieux. Pour retirer aux étranger le masque de l’exil. Pour confier aux passants que nous
sommes, nous aussi, des passants, et que notre séjour est éphémère dans la mémoire et dans l’oubli. Loin
des mères qui allument les cierges et réduisent la couche du temps qu’elles lèvenet les mains vers le ciel.
Nous partons pour ne pas voir vieillir nos parents et ne pas lire leur jours sur leur visage. Nous
partons dans la distraction de vies gaspillées d’avance. Nous partons pour annoncer à ceux que nous
aimons que nous aimons toujours, que notre émerveillement est plus fort que la distance et que les exils
sont aussi doux et frais que les patries. Nous partons pour que, de retour chez nous un jour, nous nous
rendions compte que nous sommes des exilés de nature, partout où nous sommes.
Nous partons pour abolir la nuance entre air et air, eau et eau, ciel et enfer. Riant du temps, nous
contemplons désormais l’immensité. Devant nous, comme des enfants dissipés, les vagues sautillent
pendant que la mer file entre deux bateaux. L’un en partance, l’autre en papier dans la main d’un petit.
Nous partons comme les clowns qui s’en vont de village en village, emmenant les animaux qui
donnent aux enfant leur première leçon d’ennu. Nous partons pour tromper la mort, la laissant nous
poursuivre de lieu en lieu. Et nous continuerons ainsi jusqu’à nous perdre, jusqu’à ne plus nous retrouver
nous-mêmes là où nous allons, afin que jamais personne ne nous retrouve.
In, Les Poètes de la Méditerranée. Anthologie, Poésie/Gallimard, 2010, p. 248-249.
“L’exil intérieur”
« L’exil n’est pas le départ, un départ parmi d’autres possibles, dont on saura seulement plus tard
qu’il est devenu la marque dans le temps individuel, d’une coupure, d’une cassure et le début d’un vide,
un cavité pâle où seule la porte est visible, parfois aveuglante, alors qu’autre chose peut-être a déjà
commencé.
L’exil n’est pas le voyage. Il peut être bref, le voyage, quelques heures d’avion ou de train
rapide, et n’équivaut pas à l’errance – les experts mondiaux en savent quelque chose, qui ne se meuvent
jamais sans garder les contacts activés avec leurs repères terrestres et on incorporé le jet Lag dans leur
horloge biologique, toujours nageurs, jamais perdus. Pourtant, le voyage peut devenir interminable, à
bord de camions chaotiques ou marchant dans le désert, parcours scandés par les arrêts intempestifs et les
attentes imprévues sous les cartons ou les carcasses de voitures lorsqu’arrivent les traques urbaines ou
aériennes des polices, leurs chiens et leur « chasseurs » aux frontières, ou leurs drones dans les aire. Alors
le voyage lui-même, qui ne trouve pas son lieu d’arrivée, devient le hors-lieu où commence l’exil.
L’hétérotopie angoissante aux yeux et au ventre de ceux qui ont une place quelque part (et qui se
rassurent en pensant « s’ils sont dans ce trou noir si proche, ils ne peuvent pas être pareils à nous »).
Agier Michel, Le couloir des exilés. Etre étranger dans un monde commun, Marseille, Le Croquant, 2011,
p. 21.
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Esclavage, pensée, liberté
« J’ai découvert que, pour rendre un esclave satisfait, il faut le rendre sans pensée. Il faut
obscurcir sa vision morale et mentale et, autant que possible, anéantir la force de la raison ».
Douglass F., 1980, 94.
Qu’est-ce qu’être esclave?
« Pourquoi suis-je esclave? Pourquoi certaines personnes sont-elles esclaves et d’autres maîtres? Y a-t-il
jamais eu une époque où il en était autrement? Une fois mon investigation commencée, il ne me fallut pas
longtemps pour trouver la vraie solution du problème. Ce n’était pas la couleur mais le crime, ce n’était pas Dieu
mais l’homme qui fournissait la véritable explication de l’existence de l’esclavage; je ne mis pas longtemps non
plus à découvrir une autre vérité importante : ce que l’homme peut faire, l’homme peut le défaire(...).
Je me souviens distinctement avoir été alors profondément impressionné à l’idée d’être un jour un homme libre.
Cette assurance réjouissante devint un rêve inné de ma nature - une menace constante contre l’esclavage -, un
rêve que tous les pouvoirs de l’esclavage ont été incapables de réduire au silence ou de détruire (Douglass, 1980,
8).
Le désir de la liberté en tant qu’équivalent général
« Tandis que je me débattais dans ces affres, il m’arrivait de penser qu’apprendre à lire avait été une
malédiction plutôt qu’une bénédiction. Cela m’avait fait voir ma misérable condition sans m’en donner le
remède. Cela m’ouvrait les yeux sur l’horrible gouffre, mais sur aucune échelle avec laquelle sortir. Dans mes
moments de souffrance, j’enviais la stupidité de mes compagnons d’esclavage. J’ai souvent souhaité être un
animal. Je préférais la condition du plus misérable reptile à la mienne. N’importe quoi, peu importe, pourvu que
je cesse de penser! C’était cette éternelle pensée de ma condition qui me torturait; il n’y avait aucun moyen de
m’en débarrasser. Elle s’imposait à moi à travers chaque chose que je pouvais voir ou entendre animée ou
inanimée. La trompette d’argent de la liberté avait suscité dans mon âme une vigilance éternelle. Désormais, la
liberté était apparue pour ne plus jamais disparaître. Je l’entendais dans chaque son et la voyais en chaque chose.
Elle était toujours présente pour me torturer par la conscience de ma condition misérable. Je ne voyais rien sans
la voir, n’entendais rien sans l’entendre, ne sentais rien sans la sentir. Elle regardait chaque étoile, souriait dans
tout ce qui était serein, respirait dans chaque brise et s’agitait dans chaque orage.
Je me surpris souvent à regretter ma propre existence et à souhaiter être mort, et, n’eût été l’espoir d’être libre, je
ne doute pas que je me serais tué ou que j’aurais fait une chose, pour laquelle j’aurais été tué » (Douglass, 1980,
48).
Le désir d’apprendre
« Ce que mon maître redoutait le plus était ce que je désirais le plus. Ce qu’il aimait le plus était ce que
je haïssais le plus. Ce qui pour lui, était un grand malheur à éviter prudemment, était, pour moi, un grand bien à
rechercher avec application; et l’argument qu’il fit valoir si vivement contre le fait que j’apprenne à lire ne servit
qu’à m’inspirer le désir et la résolution d’apprendre (Douglass, 1980, 8).
La victoire ne s’obtient que par la lutte (1849)
« Laissez-moi vous dire un mot à propos de la philosophie des réformes. Toute l’histoire du progrès des
libertés humaines montre que toutes les concessions faites à ses augustes revendications sont sorties de la lutte.
S’il n’y a pas de lutte, il n’y a pas de progrès. Ceux qui prétendent défendre la liberté et déprécient l’agitation
sont des hommes qui veulent des récoltes sans labourer le sol. Ils veulent la pluie sans le tonnerre et les éclairs.
Ils veulent l’océan sans les terribles rugissements de ses eaux profondes. La lutte peut être morale, ou elle peut
être physique, ou elle peut être à la fois morale et physique, mais ce soit être une lutte. Le pouvoir ne cède rien si
on ne l’exige pas. Il ne l’a jamais fait et ne le fera jamais ».
Deux principes de la lutte
« C’est essentiellement notre bataille; personne d’autre ne peut la mener pour nous (...). Nos rapports
avec le mouvement anti-esclavagiste doivent changer. Au lieu de dépendre de lui, nous devons le diriger ».
« Les esclaves émancipés ne seront pas vraiment libres s’ils oppriment eux-mêmes d’autres personnes :
leurs femmes », (Douglass, 1980, 13).
Douglass F., Mémoires d’un esclave américain, Paris, François Maspéro, 1980. Autobiographie d’un esclave
américain terminée en 1847, au moment où il s’enfuit et construit avec d’autres le mouvement abolutionniste.
Réédité en français en 2004 (existe en anglais).
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1. CITATIONS, EXTRAITS
« … la vie moderne commence avec l’esclavage (…). Du point de vue d’une femme, affrontant
les problèmes du positionnement actuel du monde, les femmes noires ont été confrontées à des problèmes
postmodernes dès le XIXe siècle et même auparavant. Ces questions ont été abordées par les Noirs il y a
bien longtemps : certains genres de dissolution, la perte de certains types de stabilité et le besoin de
reconstruire. Certains genres de folie, de folie volontaire pour, comme le dit l’un des personnages du
livres « que tu ne perdes pas la tête ». Ces stratégies de survie ont constitué l’individu vraiment moderne.
Ils représentent une réponse aux phénomènes prédateurs de l’Occident. Vous pouvez appeler ça de
l’idéologie ou de l’économie c’est en fait une pathologie. L’esclavage a coupé le monde en deux, il l’a
brisé sur tous les plans. Il a cassé l’Europe. Il a transformé les Européens, il en a fait des maîtres
d’esclaves, il les a rendus fous. Vous ne pouvez pas faire ça pendant des centaines d’années sans que rien
ne se passe. Ils ont dû se déshumaniser, et je ne parle pas seulement des esclaves eux-mêmes. Ils ont dû
tout reconstruire pour que ce système ait l’air vrai. C’est ce qui a rendu possible tout ce qui s’est passé
pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est ce qui a rendu la Première Guerre mondiale nécessaire. Le
racisme est le mot que nous employons pour recouvrir toutes ces expériences »,
Toni Morrison, Beloved, cité par Gilroy P., L’Atlantique noir. Modernité et double conscience
(l’esclavage et ses conséquences), Paris, Kargo, p, 289.
°°°
« … il n’y a pas de « question de l’immigration ». Qui grandit encore là où il est né ? Qui habite
là où il a grandi ? Qui travaille là où il habite ? Qui vit là où vivaient ses ancêtres ? Et de qui sont-ils, les
enfants de cette époque, de la télé ou de leurs parents ? La vérité, c’est que nous avons été arrachés en
masse à tout appartenance, que nous ne sommes plus de nulle part, et qu’il résulte de cela, en même
temps qu’une inédite disposition au tourisme, une indéniable souffrance. Notre histoire est celle des
colonisations, des migrations, des guerres, des exils, de la destruction de tous les enracinements. C’est
l’histoire de tout ce qui fait de nous des étrangers dans ce monde, des invités dans notre propre famille.
Nous avons été expropriés de notre langue par l’enseignement, de nos chansons par la variété, de nos
chairs par la pornographie de masse, de notre ville par la police, de nos amis par le salariat ».
Comité invisible, L’insurrection qui vient, Paris, éd. La Fabrique, 2007, p 19-20 (le salariat globalisé).
°°°
L’exilé.e un.e a-topos (hors-lieu)
“Avec Abdelmalek SAYAD (sociologue algérien), le sociologue se fait écrivain public. Il donne
la parole à ceux qui en sont le plus cruellement dépossédés, les aidant parfois, autant par ses silences que
par ses questions, à trouver leurs mots, à retrouver, pour dire une expérience qui la contredit en tout, les
dires et les dictons de la sagesse ancestrale, les “mots de la tribu” qui décrivent leur exil, alghorba,
comme un occident, une chute dans les ténèbres, un désastre obscur.
(…)
Les principes de l’épistémologie et les préceptes de la méthode sont de peu de secours, en ce cas
(pour témoigner de ce que nous avons vu et entendu), s’ils ne peuvent s’appuyer sur des dispositions plus
profondes, liées, pour une part, à une expérience et à une trajectoire sociale. (…) Dans un article paru
dans Actes de la recherche dès 1975, c’est-à-dire bien avant l’entrée de “l’immigration” dans le débat
public, Abdelmalek Sayad déchire le voile d’illusion qui dissimulait la condition des “immigrés”, et
révoque le mythe rassurant du travailleur importé qui, une fois nanti d’un pécule, repartirait au pays pour
laisser place à un autre. Mais surtout, en regardant de près les détails les plus infimes et les plus intimes
de la condition des “immigrés”, en nous introduisant par exemple au plus secret des souffrances liées à la
séparation à travers une description des moyens qu’ils emploient pour communiquer avec le pays, ou en
nous menant au cours de la contradiction constitutive d’une vie impossible et inévitable au travers une
évocation des mensonges innocents par qui se reproduisent les illusions à propos de la terre d’exil, il
dessine à petites touches un portrait saisissant de ces “personnes déplacées”, dépourvues de place
appropriée dans l’espace social et de lieu assigné dans les classements sociaux. Comme Socrate,
l’immigré est atopos sans lieu, déplacé, inclassable. Rapprochement qui n’est pas là seulement pour
ennoblir, par la vertu de la référence. Ni citoyen ni étranger, ni vraiment du côté du Même, ni totalement
du côté de l’Autre, “l’immigré” se situe en ce lieu “bâtard” dont parle aussi Platon, la frontière de l’être et
du non-être social. Déplacé au sens d’incongru et d’importun, il suscite l’embarras; et la difficulté que
l’on éprouve à le penser – jusque dans la science, qui reprend souvent, sans le savoir, les présupposés ou
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les omissions de la vision officielle – ne fait que reproduire l’embarras que crée son inexistence
encombrante. De trop partout, et autant, désormais, dans sa société d’origine que dans sa société
d’accueil, il oblige à repenser de fond en comble la questions des fondements légitimes de la citoyenneté
et de la relation entre l’Etat et la Nation ou la nationalité. Présence absente, il nous oblige à mettre en
question non seulement les réactions de rejet qui, tenant l’Etat pour expression de la Nation, se justifient
en prétendant fonder la citoyenneté sur la communauté de langue et de culture (sinon de “race”), mais
aussi de la “générosité” assimilationniste qui, confiante que l’Etat, armé de l’éducation, saura produire la
Nation, pourrait dissimuler un chauvinisme de l’universel. Entre les mains d’un tel analyste, “l’immigré”
fonctionne, on le voit, comme un extraordinaire analyseur des régions les plus obscures de l’inconscient”.
Pierre Bourdieu, Préface, in Sayad Abdelmalek, L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, Bruxelles,
éd. De Boeck, 1991, p. 5-8.
°°°
Qui exilé ? L’exilé, un héros, mais quel héros ?
«L'histoire vraie dans laquelle nous sommes engagés tant que nous vivons n'a pas d'auteur,
visible ni invisible, parce qu'elle n'est pas fabriquée. Le seul "quelqu'un" qu'elle révèle, c'est son héros, et
c'est le seul médium dans lequel la manifestation originellement intangible d'un "qui" unique et distinct
peut devenir tangible ex post facto par l'action et la parole. Qui est ou qui fut quelqu'un, nous ne le
saurons qu'en connaissant l'histoire dont il est lui-même le héros – autrement dit sa biographie; tout le
reste de ce que nous savons de lui, y compris l'œuvre qu'il peut avoir laissée, nous dit seulement ce qu'il
est ou ce qu'il était. C'est ainsi que, beaucoup moins renseignés sur Socrate, qui n'écrivit pas une ligne et
ne laissa aucune œuvre, que sur Platon ou sur Aristote, nous savons mieux et de manière plus intime qui il
fut, parce que nous connaissons son histoire, que nous ne savons qui était Aristote dont les thèses nous
sont parfaitement connues.
Le héros qui dévoile l'histoire n'a pas besoin de qualités héroïques; le mot héros à l'origine, c'està-dire dans Homère, n'était pas un nom donné à chacun des hommes libres qui avaient pris part à l'épopée
troyenne et de qui l'on pouvait conter une histoire. L'idée de courage, qualité qu'aujourd'hui nous jugeons
indispensable au héros, se trouve déjà en fait dans le consentement à agir et à parler, à s'insérer dans le
monde et à commencer une histoire à soi. Et ce courage n'est pas nécessairement, ni même
principalement, lié à l'acceptation des conséquences; il y a déjà du courage, de la hardiesse, à quitter son
abri privé et à faire valoir qui l'on est, à se dévoiler, à s'exposer. Ce courage originel, sans lequel ne
seraient possibles ni l'action ni la parole, ni par conséquent, selon les Grecs, la liberté, ne sera pas
moindre, peut-être même sera-t-il supérieur, au cas où par hasard le héros est un lâche.
[…] … la qualité spécifique de révélation de l'action et de la parole, la manifestation implicite au
sujet qui agit et qui parle, est si indissolublement liée aux flux vivant de l'agir et du parler qu'elle ne peut
être représentée et "réifiée" qu'au moyen d'une sorte de répétition, l'imitation ou mimèsis qui, selon
Aristote, règne dans tous les arts, mais qui ne convient vraiment qu'au drame dont le nom même (du
verbe grec dran, "agir") indique que le jeu dramatique n'est en fait qu'une imitation de l'action1. Or
l'élément d'imitation comme Aristote le dit justement, dans la composition ou l'écriture de la pièce, dans
la mesure du moins où le drame ne s'épanouit que lorsqu'il est représenté sur le théâtre. Seuls les acteurs
qui représentent l'intrigue peuvent exprimer pleinement le sens non pas tant de l'histoire elle-même que
des "héros" qui s'y révèlent2 . Dans la tragédie grecque cela voudrait dire que la signification, immédiate
aussi bien qu'universelle, de l'histoire est révélée par le chœur qui m'imite pas et dont les commentaires
sont purement poétiques, tandis que les identités intangibles des agents de l'histoire, échappant à toute
généralisation et par conséquent à toute réification, ne sont exprimables que par une imitation de leurs
manières d'agir. C'est aussi pourquoi le théâtre est l'art politique par excellence; nulle part ailleurs la
sphère politique de la vie humaine n'est transposée en art. De même, c'est le seul art qui ait pour unique
sujet l'homme dans ses relations avec autrui».
Arendt H., Condition de l'homme moderne, Agora, Paris, 1983, p. 244-246.
1
«Aristote dit déjà que le mot drama fut choisi parce que les drontes (les "agissants") sont imités (Poétique, 1448 a
28). D'après le traité, on voit que le modèle de l'"imitation" en art est pris dans le drame; la généralisation du concept
pour l'appliquer à tous les arts paraît forcée»
2
«Aussi Aristote parle-t-il habituellement de l'imitation non de l'action (praxis) mais des agents (prattontes) (cf.
Poétique, 1448 a 1 sq., 1448 b 25, 1449 b 24, sq.). Toutefois cet emploi n'est pas constant (cf. 145 à 29, 1447 à 28).
La question décisive est que la tragédie ne traite pas des qualités des hommes, de leur poiotès, mais de ce qui est
arrivé les concernant, de leurs actions, de leur vie, de leur bonne ou mauvaise fortune (1450 a 15-18). Le contenu de
la tragédie n'est donc pas de ce nous nommerions caractères, mais l'action, l'intrigue».
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L’exil des Suisses pauvres
« Etre assis dans le ventre de la baleine. Attendre le jour où l’on sera recraché à terre. L’Autre
monde, Barbara. Attends que ces gens soient-là-bas. Qu’ils aient un sol sous leurs pieds. Un toit sur leurs
têtes… Quelque chose de nouveau germera dans ces gens quand ils ne s’épuiseront plus à se procurer le
nécessaire »,
Hasler Eveline, Ibicaba. Le paradis dans la tête, (émigration des Suisses au Brésil en 1885 une année de
famine), Genève, éd. Zoé, 1985. p. 9.
°°°
L’exil des paysans pauvres vers la Californie
« La Nationale 66 est la grande route des migrations. 66… le long ruban de ciment qui traverse
tout le pays, ondule doucement sur la carte, du Mississippi jusqu’à Bakersfield…. A travers les terres
rouges et les terres grises, serpente dans les montagnes, traverse la ligne de partage des eaux, descend
dans le désert terrible et lumineux d’où il ressort pour de nouveau gravir les montagnes avant de pénétrer
dans les riches vallées de la Californie.
La 66 est la route des réfugiés, de ceux qui fuient le sable et les terres réduites, le tonnerre des
tracteurs, les propriétés rognées, la lente invasion du désert vers le nord, les tornades qui hurlent à travers
le Texas, les inondations qui ne fertilisent pas la terre et détruisent le peu de richesses qu’on y pourrait
trouver. C’est tout cela qui fait fuir les gens, et par le canal des routes adjacentes, les chemins tracés par
les charrettes et les chemins vicinaux creusés d’ornières les déversent sur la 66. La 66 est la route-mère, la
route de la fuite (…).
Les fugitifs se pressaient sur la 66, parfois en voitures isolées, parfois en petites caravanes. Tout
le jour ils roulaient lentement sur la route, et la nuit ils s’arrêtaient à proximité de l’eau. Pendant la
journée, des colonnes de vapeur giclaient des vieux radiateurs percés, les bielles cognaient avec entrain.
Et les hommes qui conduisaient les camions et les voitures trop chargés, écoutaient, inquiets.
Quelle distance sépare les villes ? La terreur règne entre les villes. Si on casse quelque chose…
eh bien, si on casse quelque chose, on campera où on se trouvera et Jim ira à pied jusqu’à la ville et en
rapportera une pièce de rechange et… qu’est-ce qu’on a comme provision ? (…)
- J’ai parcouru tout le pays. Tout le monde se pose la même question. Où allons-nous ? Réfléchissent-ils
pas à tout ça ? Tout est en mouvement, aujourd’hui. Les gens se déplacent. Nous savons pourquoi et nous
savons comment. Ils se déplacent parce qu’ils veulent quelque chose de meilleur que ce qu’ils ont. Et
c’est le seul moyen de l’avoir. Du moment qu’ils en veulent et qu’ils en ont besoin, ils iront le chercher.
C’est à force de recevoir des coups que les gens sentent l’envie de se battre. J’ai parcouru tout le
pays et j’ai entendu les gens parler comme vous (…).
- Oui, mais où ça nous conduira-t-il tout ça ? C’est ce que je voudrais savoir.
- Eh bien vous ne le saurez jamais. Casy essaie de vous l’expliquer et vous vous contentez de répéter
toujours la même chose. Vous êtes pas le premier que je vois comme ça. Vous ne demandez rien, vous
vous contentez de chanter une espèce de rengaine. « Où allons-nous ? » Vous ne voulez pas le savoir.
Tout le pays se déplace, s’en va ailleurs. Les gens meurent de tous côtés. Vous mourrez peut-être bientôt
vous-même, mais vous ne saurez rien. Je n’en ai que trop vu, des gens comme vous. Vous ne voulez rien
savoir. Vous vous contentez de vous bercer avec votre éternelle rengaine… « Où allons-nous »»,
Steinbeck John, Les raisins de la colère (petits paysans pauvres en Californie dans les années 1930),
Paris, Folio, 1939, p. 164-165 et 177.
°°°
Exil, démocratie apatride, nomadisme prolétarien
« Les luttes dans sans papiers indiquent selon moi quelque chose de fondamental: la demande
d’un droit de citoyenneté, la revendication d’une présence sur le territoire d’intensité biopolitique. Une
demande radicale de droit de citoyenneté pour ceux qui se déplacent, qui représente un élément subversif
pour l’ordre national du droit, dans la mesure où elle est la première transcription en termes politiques
d’une situation devenue désormais générale. Cela équivaut vraiment à demander la loi, à réclamer un
droit de citoyenneté parce qu’on travail, parce qu’on s’est déplacé à l’intérieur du marché mondial du
travail désormais intégré. Il s’agit donc d’une rupture politique du nouvel ordre productif mondial et un
processus de recomposition de mouvements qui en sortent. Il faudrait réussir à imaginer le fait d’être des
citoyens du monde au sens plein du terme, et à réaliser non plus l’internationale des travailleurs mais une
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communauté de tous les hommes qui veulent être libres. Comme le dit Sergio Bologna, les luttes des sans
papiers préfigurent une «démocratie apatride».
(…)
« L’exil et le nomadisme prolétarien sont deux choses profondément différentes. (...).
Aujourd’hui, la thématique de l’exil se confond, au contraire, avec celles du nomadisme et du métissage:
il s’agit de prendre au sérieux tout à la fois la présence du prolétariat sur le marché mondial de la force de
travail, et le fait qu’elle se confond avec le métissage des savoirs et par conséquent avec cette flexibilité
qui augmente à travail le travail matériel-immatériel, avec cette nouvelle forme d’action et de coopération
dans le travail.
Je dirais par conséquent que notre exil a été le paradigme littéraire de phénomènes réels. Mais
aussi que chacun d’entre nous est passé par le chantier, par le café, par le travail dans les lieux les plus
étranges, avant d’arriver à la reconquête d’une position intellectuelle plus ou moins forte, à la possibilité
d’une circulation dans les nouveaux bassins de la force de travail immatériel».
Negri Toni, Exil, Ed. Mille et une Nuits, 1998, p. 44-45 et 46-47.
°°°
Ce que c’est que l’exil
Victor Hugo
1875, après 20 ans d’exil entre 40 et 60 ans
«I
Le droit incarné, c’est le citoyen ; le droit couronné, c’est le législateur. Les républiques
anciennes se représentaient le droit assis dans la chaise curule, ayant en main ce sceptre, la loi, et vêtu de
cette pourpre, l’autorité. Cette figure était vraie, et l’idéal n’est pas autre aujourd’hui. Toute société
régulière doit avoir à son sommet le droit sacré et armé, sacré par la justice, armé par la liberté.
Dans ce qui vient d’être dit, le mot force n’a pas été prononcé. La force existe pourtant ; mais
elle n’existe pas hors du droit ; elle existe dans le droit.
Qui dit droit dit force.
Qu’y-a-t-il donc hors du droit ?
La violence.
Il n’y a qu’une nécessité, la vérité ; c’est pourquoi il n’y a qu’une force, le droit. Le succès en
dehors de la vérité et du droit est une apparence. La courte vie des tyrans s’y trompe ; un guet-apens
réussi leur fait l’effet d’une victoire ; mais cette victoire est pleine de cendre ; le criminel croit que son
crime est son complice ; erreur ; son crime est son punisseur ; toujours l’assassin se coupe à son couteau ;
toujours la trahison trahit le traître ; les délinquants, sans qu’ils s’en doutent, sont tenus au collet par leur
forfait, spectre invisible ; jamais une mauvaise action ne vous lâche ; et fatalement, par un itinéraire
inexorable, aboutissant aux cloaques de sang pour la gloire et aux abîmes de boue pour la honte, sans
rémission pour les coupables, les Dix-huit de Brumaire conduisent les grands à Waterloo et les DeuxDécembre traînent les petits à Sedan.
Quand ils dépouillent et découronnent le droit, les hommes de violene et les traîtres d’Etat ne
savent pas ce qu’ils font.
II
L’exil, c’est la nudité du droit. Rien de plus terrible. Pour qui ? Pour celui qui subit l’exil ?
Non, pour celui qui l’inflige. Le supplice se retourne et mord le bourreau.
Un rêveur qui se promène seul sur une grève, un désert autour d’un songeur, une tête vieillie et
tranquille autour de laquelle tournent les oiseaux de tempête, étonnés, l’assiduité d’un philosophe au lever
rassurant du matin, Dieu prix à témoin de temps en temps en présence des rochers et des arbres, un roseau
qui non seulement pense, mais médite, des cheveux qui de noirs deviennent gris et de gris deviennent
blancs dans la solitude, un homme qui se sent de plus en plus devenir une ombre, le long passage des
années sur celui qui est absent, mais qui n’est pas mort, la gravité de ce déshérité, la nostalgie de cet
innocent, rien de plus redoutable pour les malfaiteurs couronnées.
Quoi que fassent les tout-puissants momentanés, l’éternel fond leur résiste. Ils n’ont que la
surface de la certitude, le dessous appartient aux penseurs. Vous exilez un homme. Soit. Et après ? Vous
pouvez arracher un arbre de ses racines, vous n’arracherez pas leur jour du ciel. Demain, l’aurore.
Pourtant, rendons cette justice aux proscripteurs ; ils sont logiques, parfaits, abominables. Ils font
tout ce qu’ils peuvent pour anéantir le proscrit.
Parviennent-ils à leur but ? réussissent-ils ? sans doute.
Un homme tellement ruiné qu’il n’a plus que son honneur, tellement dépouillé qu’il n’a plus que
sa conscience, tellement isolé qu’il n’a plus près de lui que l’équité, tellement renié qu’il n’a plus avec lui
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que la vérité, tellement jeté aux ténèbres qu’il ne lui reste plus que le soleil, voilà ce que c’est qu’un
proscrit.
(…)
« Un homme (…) tellement dépouillé qu’il n’a plus sa conscience, tellement isolé qu’il n’a plus
près de lui que l’équité, tellement renié qu’il n’a plus avec lui que la vérité, tellement jeté aux ténèbres
qu’il ne lui reste plus que le soleil, voilà ce que c’est qu’un proscrit. (…) votre pouvoir et votre richesse
sont souvent un obstacle : quand cela vous quitte, vous êtes débarrassé, et vous vous sentez libre et
maître ; rien ne vous gêne désormais ; en vous retirant tout, on vous a tout donné ; tout est permis à qui
tout est défendu ; vous n’êtes plus contraint d’être académique et parlementaire ; vous avez la redoutable
aisance du vrai, sauvagement superbe. (…) La plus inexpugnable des positions résulte du plus profond
des écoulements ; il suffit que l’homme écroulé soit un homme juste ; (…) il est bon qu’il soit accablé,
ruiné, spolié, expatrié, bafoué, insulté, renié, calomnié, et qu’il résume en lui toutes les formes de la
défaite et de la faiblesse, alors il est tout-puissance (…). Quelle force que ceci : n’être rien ».
Hugo Victor, Ce que c’est que l’exil, éd. des Equateurs, 2008, p. 37-42.
°°°
Exil, départs, la mélancolie des paquebots
« … étudier comment une suite incroyable et croissante de départs avait pu déstabiliser ma vie
depuis sont tout début. Pour moi, rien n’a marqué mon existence de manière plus douloureuse et,
paradoxalement, ne m’a autant enthousiasmé que les nombreux changements de pays, de villes, de
domiciles, de langues, d’environnements qui m’ont gardé en mouvement tout au long de ces années.
J’écrivais il y a treize ans, dans mon livre After the last sky, que je ne surcharge toujours de bagages
lorsque je pars en voyage et que même pour un déplacement en ville il me faut remplir mon attaché-case
d’objet d’une taille et d’un nombre disproportionnés par rapport à la durée réelle de la sortie. En analysant
cela, j’en ai conclu que j’avais la peur secrète mais inextinguible de ne jamais revenir. J’ai découvert
depuis que, malgré cette peur, je me fabrique des occasions de départs, que je la provoque donc
volontairement. Ces deux sentiments ambivalents semblent absolument nécessaires à mon rythme de vie
et se sont terriblement intensifiés depuis ma maladie. Je me dis : si tu ne fais pas ce voyage, si tu ne
prouves pas ta mobilité et que tu te laisses gagner par la peur d’être perdu, si tu ne bouleverses pas le
rythme habituel de ta vie domestique maintenant, tu ne seras certainement pas capable de le faire plus
tard. Il m’arrive aussi de ressentir l’anxieuse mélancolie des voyages (ce que Flaubert appelait la
mélancolie des paquebots, et en allemand Bahnhoffstimming) et d’envier ceux qui restent, que je vois à
mon retour, le visage lisse, sans trace de bouleversement ou de fatigue occasionnée par ces déplacements
apparemment forcés, heureux avec leur famille, bien au chaud dans leur costume et leur imperméable,
bien visibles de tous. Quelque chose dans l’invisibilité de celui qui s’en va, dans le fait que les autres lui
manquent ou qu’il va leur manquer, et aussi dans l’expression intense et systématique qu’il a de s’exiler
loin de toute chose connue et rassurante, fait naître en vous le besoin de partir en vertu d’une logique
suprême créée de toute pièce par vous-même, et vous plonge dans une forme d’extase. Quoi qu’il arrive
pourtant, la grande peur reste qu’en partant, vous êtes abandonné, même si c’est vous qui partez ».
Said E.W.,A contre-voie. Mémoires, Paris, Le serpent à plumes, 2002, p. 320-321.
°°°
Conscience intellectuelle, conscience nationale, conscience tribale
« Ce fut au cours de ces discussions à Washington que l’incompatibilité inhérente entre les
convictions intellectuelles et la loyauté passionnée à une tribu, une secte ou un pays ne m’apparut
clairement et est toujours restée aussi claire dans mon esprit. Je n’ai jamais ressenti le besoin de combler
ce fossé, j’ai préféré garder cette opposition, mais ma priorité a toujours été celle de la conscience
intellectuelle plutôt que la conscience nationale ou tribale, malgré la solitude qu’in tel choix risque
d’imposer. Il m’était difficile de formuler une telle idée à cette époque, même si elle commençait à
m’habiter. Je n’avais ni le vocabulaire ni les outils conceptuels nécessaires et j’étais trop souvent envahi
par des émotions et des désirs – que la vie sociale sauvage de Princeton laissait inassouvis – pour parvenir
à clarifier ces distinctions qui allaient devenir par la suite essentielles dans ma vie et dans mon travail ».
Said E., A contre-voix. Mémoires, Paris, Serpent à plumes, 2002, p. 408.
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Vivre en exil de soi
« Vivre en exil, en exil de soi, de la création, du Royaume – de son royaume le plus intime : il y
a là une grandeur amère qu’on peut supporter un certain temps; puis on finit par oublier d’où on a été
exilé et on reste un simple exilé – c’est le commencement de la mort. Donc, si on veut vivre malgré l’exil,
on n’a pas le droit de cesser de penser à la patrie, au Royaume».
Kertész Imre, Journal de galère, Paris, Actes Sud, 2010, p. 201.
°°°
L’exil intérieur
«L’exil intérieur devient la condition de chacun; les relations fantasmatiques l’emportent sur les
relations réelles; l’espace intérieur sur l’espace extérieur; l’imaginaire individuel sur le social et le
collectif. Absents du monde, nous vivons dans une rêverie ininterrompue où les êtres et les choses
acquièrent une dimension qu’ils ont perdue dans la réalité; le dialogue ne s’engage plus avec autrui dans
son être physique, matériel, mais avec autrui tel que le désir le modèle, le construit dans nos fantasmes;
schizoïdes hors des murs de l’hôpital psychiâtrique, comment ne serions-nous pas schizophrènes à
l’intérieur de ces murs? ».
Albert Jaccard, L’exil intérieur, Paris, PUF, (1975) 2010, p. 78.
°°°
L’exilé partout est seul
« Il s’en allait errant sur la terre. Que Dieu guide le pauvre exilé!
J’ai passé à travers les peuples et ils m’ont regardé. Je les ai regardés et nous ne nous sommes point
reconnus. L’exilé partout est seul.
Lorsque je voyais au déclin du jour s’élever du creux du vallon la fumée de quelque chaumière,
je me disais : Heureux celui qui retrouve le soir le foyer domestique et s’y assied au milieu des siens.
L’exilé partout est seul!
Où vont ces nuages que chasse la tempête? Elle me chasse comme eux, et qu’importe où?
L’exilé partout est seul!
Ces arbres sont beaux, ces fleures sont belles; mais ce ne sont point les fleures ni les arbres de
mon pays. Ils ne me disent rien. L’exilé partout est seul!
Ce ruisseau coule mollement dans la plaine, mais son murmure n’est pas celui qu’entendit mon
enfance; il ne rappelle à mon âme aucun souvenir. L’exilé partout est seul!
Ces chants sont doux, mais les tristesses et les joies qu’ils réveillent ne sont ni mes tristesses ni
mes joies. L’exilé partout est seul!
J’ai vu des vieillards entourés d’enfants, comme l’olivier de ses rejetons; mais aucun de ces
vieillards ne m’appelaient son fils, aucun de ces enfants ne m’appelait son frère. L’exilé partout est seul!
J’ai vu des jeunes filles sourire, d’un sourire aussi pur que la brise du matin, à celui que leur
amour s’était choisi pour époux; mais aucune ne m’a souri. L’exilé partout est seul!
J’ai vu des jeunes hommes, poitrine contre poitrine, s’étreindre comme s’ils avaient voulu de
deux vies ne faire qu’un vie; mais pas un ne m’a serré la main. L’exilé partout est seul!
Il n’y a pas d’amis, d’épouse, de mère, de frère, que dans la patrie. L’exilé partout est seul!
Pauvre exilé, cesse de gémir; tous sont bannis comme toi. Tous voient passer et s’évanouir pères,
frères, épouses, amis.
La patrie n’est point ici-bas; l’homme vainement l’y cherche; ce qu’il prend pour elle n’est qu’un
gîte d’une nuit.
Il s’en va errant sur la terre. Que Dieu bénisse le pauvre exilé! »
Lamennais (1782-1854), Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Larousse, Genève-Paris, 1982, pp.
1192-1193.
°°°
Devant la loi
«Devant la Loi se tient un gardien. Un homme de la campagne vient un jour trouver ce gardien et
le prie de le laisser entrer dans la Loi. Mais le gardien lui dit qu'il ne peut pas en ce moment lui accorder
le droit d'entrer. L'homme réfléchit et lui demande alors s'il aura donc plus tard le droit d'entrer. "C'est
possible", dit le gardien de la porte, "mais pas maintenant". Comme la porte qui mène à la Loi est ouverte
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comme toujours et que le gardien s'efface sur le côté, l'homme se penche pour regarder à l'intérieur à
travers le portail. Quand le gardien s'en aperçoit, il se met à rire et lui dit: "Si tu en as envie, essaye donc
d'entrer malgré mon interdiction. Mais fais attention: je suis puissant. Et je suis seulement le gardien d'en
bas. Mais, de salle en salle, il y a d'autres gardiens, plus puissants les uns que les autres. Même moi, je ne
suis pas capable de supporter la vue du troisième". L'homme de la campagne ne s'attendait pas à des
difficultés de ce genre. la Loi, pense-t-il, doit pourtant être accessible à tout le monde et en tout temps;
mais, quand il regarde mieux maintenant le gardien de la porte dans sa pelisse de fourrure, qu'il voit son
nez pointu, sa barbe longue et rare, une barbe noire de Tartare, il se résout malgré tout à attendre plutôt le
moment où il aura l'autorisation d'entrer. Le gardien lui donne un tabouret et le laisse s'asseoir à côté de la
porte. Il reste assis là des jours et des années. Il fait de nombreuses tentatives pour être admis et il fatigue
le gardien par les prières qu'il lui adresse. Le gardien lui fait subir parfois de petits interrogatoires, il
l'interroge sur son pays natal et sur beaucoup d'autres choses, mais ce sont des questions posées avec
indifférence, comme font les grands seigneurs; en conclusion desquelles il lui dit à chaque fois qu'il ne
peut pas encore le laisser entrer. L'homme, qui s'est soigneusement équipé pour son voyage, utilise tous
ses biens, même les plus précieux, pour soudoyer le gardien. Celui-ci accepte tout, mais en disant: "Je le
prends seulement pour que tu ne croies pas avoir rien négligé". Pendant toutes ces années, l'homme ne
cesse presque jamais de considérer le gardien du regard. Il en oublie les autres gardiens et celui-ci lui
paraît être le seul obstacle à son entrée dans la Loi. Il maudit le hasard malheureux; dans les premières
années à voix haute et sans se gêner; plus tard, à mesure qu'il vieillit, il se contente de marmonner. Il
tombe en enfance et comme, au cours des longues années où il a étudié le gardien il a fini par connaître
aussi les puces dans son col de fourrure, il supplie également les puces de l'aider et de fléchir le gardien.
A la fin, sa vue baisse et il ne sait plus si c'est la lumière autour de lui qui est tombée ou si seulement ses
yeux l'ont trompé. Mais il reconnaît maintenant dans l'obscurité une lumière qui perce à travers la porte
de la Loi, une lumière inextinguible. Il ne lui reste plus longtemps à vivre désormais. Avant sa mort,
toutes les expériences qu'il a faites au cours des années se pressent dans sa tête et s'unissent en une
question, qu'il n'a pas encore posée au gardien. Il lui fait un signe, car il ne peut plus maintenant redresser
son corps presque paralysé. Le gardien doit se pencher très bas vers lui, car leur différence de taille s'est
beaucoup modifiée au détriment de l'homme de la campagne. "Que veux-tu donc encore savoir?", lui
demande le gardien, "tu es insatiable". "Tout le monde cherche à atteindre la Loi", dit l'homme, "d'où
vient qu'au cours de toutes ces années, personne d'autre que moi n'ait demandé à entrer?" Le gardien
comprend que l'homme est près de sa fin et, pour accéder encore à son oreille, qui est devenue faible, il se
met à hurler: "Ici personne d'autre que toi ne pouvait avoir droit d'accueil car cette entrée n'était destinée
qu'à toi seul. Je m'en vais maintenant fermer cette porte"».
Kafka F., «Devant la Loi», Un artiste de la faim. A la colonie pénitentiaire et autres récits, Folio, 1980,
p. 124-127
2. TRAVAIL PHLOSOPHIQUE
S’étonner pour réfléchir et inventer (Socrate)
« Thaumazein, l’étonnement pour ce qui est en tant que c’est, est, selon Platon, un pathos, quelque
chose qui est enduré et qui, comme tel, est tout à fait distinct de doxadzein, de la formation d’une opinion au
sujet de quelque chose. L’étonnement que l’homme endure ou qui lui arrive ne peut pas être rapporté en mots
parce qu’il est trop général pour les mots. Cet étonnement ne peut donc être exprimé adéquatement. Platon doit
l’avoir vu dans ces états traumatiques, souvent rapportés, dans lesquels tombait Socrate quand, comme saisi de
ravissement, il devenait complètement immobile, regardant sans voir et entendre. Cet étonnement envers toute
chose, ce qui est en tant que c’est, n’est lié à aucune chose spécifique et c’est pourquoi Kierkegaard l’a interprété
en termes de no-thing, de rien. De là vient la généralité spécifique de l’affirmation philosophique qui la distingue
des affirmations des sciences. La philosophie, comme discipline spéciale, est fondée sur cette expérience. Pour
autant que l’état d’étonnement sans paroles puisse se traduire en mots, il commencera par formuler les variations
infinies de ce que nous nommons les questions ultimes – qu’est-ce que l’Être ? Qui est l’homme ? Que signifie
la Vie ? Qu’est-ce que la mort ?, etc. – toutes ayant en commun de ne pouvoir être résolues scientifiquement. Le
« Je sais que je ne sais pas » de Socrate exprime en termes de connaissance ce manque de réponse scientifique.
Mais dans l’état d’étonnement, cette affirmation perd sa saveur sèchement négative ; le résultat laissé dans
l’esprit de la personne qui a enduré le pathos de l’étonnement peut seulement être exprimé par : maintenant je
sais ce que signifie ne pas connaître, maintenant je sais que je ne sais pas. C’est de cette expérience réelle de non
savoir dans laquelle un des aspects humains fondamentaux de la condition humaine sur terre se révèle,
qu’affleurent les questions ultimes, non du fait rationnellement démontrable qu’il y a certaines choses que
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l’homme ne connaît pas, un fait qu’on peut espérer démentir un jour par une progression obstinée, ou que le
positivisme peut écarter comme non pertinent.
En posant des questions ultimes, les questions sans réponse, l’homme se constitue comme un être
questionnant, et en ce sens il est vrai que, comme l’affirme Aristote, la science trouve son origine dans la
philosophie (non pas nécessairement son origine historique mais cette origine qui demeure sa source
permanente à travers les générations). Une chose, je pense, est certaine : si l’homme perdait la faculté de
poser des questions ultimes, il perdrait du même coup sa faculté de répondre aux questions auxquelles on peut
répondre, il cesserait d’être un être questionnant et ce serait la fin non seulement de la philosophie mais aussi de
la science. Aussi loin que la philosophie est concernée, s’il est vrai qu’elle commence avec le thaumazein et finit
avec l’absence de parole, alors elle finit d’une certaine manière là, où elle avait commencé. Le commencement et
la fin sont ici le même, et c’est le plus fondamental de ce qu’on appelle les cercles vicieux qu’on peut trouver
dans tant d’arguments philosophiques.
C’est ce choc philosophique dont parle Platon qui traverse toutes les grandes philosophies et sépare le
philosophe qui l’endure de ceux avec qui il vit. Et la différence entre les philosophes, qui sont en petit nombre, et
la multitude n’est d’aucune manière, comme Platon l’avait indiqué, que la majorité ne sait rien du pathos de
l’étonnement, mais bien plutôt qu’elle refuse de l’endurer. Ce refus est exprimé par le doxadzein, en formulant,
comme nous pouvons maintenant le dire, des opinions sur des matières à propos desquelles l’homme ne peut pas
avoir d’opinions parce que les standards communs et communément acceptés du sens commun ne s’y appliquent
pas. La doxa, en d’autres mots, n’est pas tant l’opposé de la vérité, que le doxadzein n’est l’opposé du
thaumazein. Avoir des opinions conduit à l’erreur quand il s’agit de ces matières que nous pouvons connaître en
nous étonnant de leur être (...).
Dans ce choc, l’homme au singulier, pour ainsi dire, est confronté pour un moment fugitif avec le tout de
l’univers, comme il le sera à nouveau seulement au moment de sa mort (...).
Le pathos de l’étonnement n’est pas étranger aux hommes : au contraire, il est l’une des
caractéristiques les plus générales de la condition humaine. Cependant beaucoup y échappent, en ayant des
opinions sur ces sujets comme sur d’autres, par le doxadzein. ».
Arendt H., « Philosophie et politique », Les Cahiers du GRIF, (1954), 1986, no. 33, p. 92.
°°°
Ce que nous imaginons
« La volonté et l’entendement sont une seule et même chose. (…)
Je commence donc par le premier point, et je prie les lecteurs de distinguer soigneusement entre une idée,
autrement dit le concept de l’esprit (conceptum Mentis), et les images des choses que nous imaginons. Il est
nécessaire aussi de bien faire la distinction entre les idées et les mots pour lesquels nous désignons les choses. En
effet, pour avoir confondu totalement entre eux, mots, images et idées ou pour ne les avoir pas distingués avec
assez de soin, ou enfin avec assez de prudence (caute) beaucoup ont complètement ignoré cette théorie de la
volonté cependant indispensable à connaître, tant pour la spéculation que pour ordonner sagement sa vie. Ceux
qui pensent que les idées consistent en images qui se forment en nous par la rencontre des corps se persuadent
que ces idées des choses dont nous ne pouvons former aucune image qui leur ressemble ne sont pas des idées,
mais seulement des fictions que nous nous représentons (fingimus) d’après le libre arbitre de la volonté ; ils
considèrent donc que les idées comme des peintures muettes sur un tableau et, obnubilés par ce préjugé, ils ne
voient pas qu’une idée, en tant qu’elle est idée, enveloppe une affirmation ou une négation. »
Spinoza, L’éthique. Nature et origine de l’esprit, in, Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, 1954, p. 405.
°°°
S’appuyer sur des faits et des textes
« … partout la réflexion philosophique a été amorcée à partir de contes, mythes, croyances, pratiques,
coutumes qui font la trame de l’existence quotidienne. Pourquoi d’ailleurs ne s’appuyerait-elle que sur
des textes plutôt que sur des faits ».
Meinrad Hebga, philosophe camerounais. Voir Ethnophilosophie, in Encyclopédie philosophique
universelle, Les notions philosophiques, vol. 1, Paris, PUF, 1990, p. 883
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L’ancrage dans le réel des concepts
« L’analyse d’un concept ne peut en rester à sa définition formelle – pour autant qu’une telle définition
soit disponible, ce qui n’a rien d’évident en ce qui concerne de nombreux concepts. Il faut nécessairement
qu’elle entre dans les conditions concrètes, effectives de sa mise en œuvre. Car, si elle veut comprendre
réellement le concept, il faut qu’elle interroge sa suture même avec la réalité, le type de pacte constitutif
qu’il passe avec celle-ci et la façon dont il émerge, comme un certain type de partage possible, d’un
certain nombre de conduites, d’attitudes et de dispositifs réels, dans lesquels un espace de jeu est créé par
ce partage. Cela ne veut pas dire que le concept se réduise à cette « niche » écologique particulière qui est
la sienne dans le contexte au sein duquel, aujourd’hui, nous le voyons œuvrer. Il est tout à fait possible, et
probable, qu’il soit en mesure de supporterr des conditions écologiques assez différentes – dans certaines
limites. Cependant, les raisons de son adaptabilité à celles-ci ne sont à trouver nulle par ailleurs que dans
son adaptation même à ces conditions actuelles : ce sont dans ces liens déjà noués avec le monde qu’il
trouve les ressources de s’y relier là où certaines connexions vitales ne sont pas rompues bien que, à ces
fils, d’autres nouveaux, viennent s’entrelacer.
Le principe de l’analyse est donc le suivant : il faut rendre leur réalité aux concepts, et c’est donc dans la
réalité qu’il faut les étudier (…). Il faut qu’il y ait déjà contact avec la réalité pour qu’il y ait pensées, et
c’est ce contact, dans des formes définies, qu’il y a au fond de chacune d’entre elles».
Benoist Jocelyn, Concepts, Introduction à l’analyse, Paris, Cerf,2010, p.187-188.
°°°
Liens entre la politique et la philosophie
« Pour ce qui est des liens entre politique et philosophie, on sait qu’ils sont, historiqument très
anciens : philosophie, pensée politique et même action politique au sens vrai du terme (comme action
visant l’institution de la société, non pas comme intrigue de cour) naissent ensemble et traduisent le
même mouvement, de mise en question interne par la société de son propre imaginaire social
institué.
Mais très rapidement, les liens entre philosophie et pensée politique acquièrent un caractère
particulier, qu’ils gardent encore (bien entendu aussi chez Marx) : celui de la subordination de la pensée
politique à une théorie, donc, en dernière analyse, à une philosophie – la philosophie elle-même étant
toujours conçue comme essentiellement théorique, ou théorie par excellence, même lorsqu’elle s’appelle
philosophie pratique, philosophie de l’art, etc.
Cette théorie prétend posséder – ou pouvoir accéder à – un savoir sur l’être de l’histoire, sur
l’être de la société, sur l’être de l’homme. Ce savoir déterminerait et fonderait ce qui est à faire,
politiquement. (Et c’est rigoureusement de cette même attitude spéculative que restent prisonniers ceux
qui aujourd’hui disent : de l’impossibilité d’un tel savoir découle l’impossibilité d’une politique
révolutionnaire, d’une révolution, d’une société qui s’auto-institue explicitement. Dans les deux cas, la
maîtrise est accordée au savoir, positivement ou négativement).
Or une nouvelle vue, conception et position de la politique à la fois va de pair avec une rupture
dans la pensée philosophique et ontologique héritée, et implique une nouvelle conception du rapport
entre pensée philosophique et politique ».
Castoriadis Cornélius, « L’exigence révolutionnaire », Esprit, février 1977, repris dans Le contenu du
socialisme, Paris, 10-18, p. 325-326.
°°°
« Ma fascination précoce pour la complexité et l’imprévisibilité – en particulier, et ceci pour
longtemps, pour les complexités et les ambiguïtés multiples de l’écriture et du discours…. ».
Said E., A contre-voie, Paris, Le Serpent à plumes, 2002, p. 404.
3. NOTIONS, « DEFINITIONS »…
Entrée en matière
Exil
EXIL (Exill, 1080); lat. Exsilum). ° 1. Expulsion de quelqu’un hors de sa patrie, avec défense d’y
rentrer; situation de la personne ainsi expulsée; V. Ban, banissement, déportation, expatriation,
expulsion, proscription, relégation, transportation. Condamner qq’un à l’exil. Envoyer en exil; aller,
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être en exil. Lieu, terre d’exil. “L’exil est quelquefois, pour les caractères vifs et sensibles, un supplice
beaucoup plus cruel que la mort” (Staël). “L’exil n’est pas une chose matérielle, c’est une chose morale.
Tous les coins de la terre se valent” (Victor Hugo). Exil volontaire qu’on s’impose selon les
circonstances, le danger. Roi en exil. ° Rare. Lieu où qq’un est exilé. “Le pape traîné d’exil en exil, et
toujours durement traité par l’empereur” (Bossuet). ° 2. Par ext. Obligation de séjourner hors d’un lieu,
loin d’une personne qu’on regrette. V. Eloignement, séparation. Vivre loin d’elle est pour lui un dur exil
– Relig. Terre d’exil, exil, la terre, la vie terrestre (opposée au ciel). “La vie présente n’est qu’un exil;
tournons nos regards vers la patrie terrestre” (Taine). ANT. Rappel; retour.
EXILE, EE. Adj. (V. exiler). °1. Qui est en exil. V. Banni, expatrié, expulsé. Opposant politique exilé.
Subst. Un exilé, une exilée. V. Banni, proscrit; émigré. Rappeler les exiléspolitiques. °2. Par ext. Retiré
très loin. “Les prêtres missionnaires exilés au bout du monde” (Baudel). Fig. Notes exilées dans un coin
de journal. V. Perdu, relégué.
EXILER, v. tr. (Essiler, fin Xie; de exil). °1. Envoyer qqun en exil. V. Bannir, déporter, expatrier,
expulser, proscrire. “On mit en prison un conseiller, on en exila quelques autres” (Voltaire). “J’ai été exilé
de France pour avoir combattu le guet-apens de décembre… je suis exilé de Belgique pour avoir fait
Napoléon le Petit” (Victor Hugo) °2. Par ext. Eloigner qqun d’un lieu et lui interdire d’y revenir. V.
chasser, éloigner, reléguer. “Le marquis de Villeroi a eu l’ordre de se retirer de la cour pour sa mauvaise
conduite… C’est à Lyon qu’il est exilé” (Sév.) °3. S’exiler. Verbe réflexif. Se condamner à un exil
volontaire. V. Fuir. – Familièrement, s’installer très loin de son pays. Il ne veut pas s’installer en
Australie. °Ant. Rappeler.
Petit Robert, Dictionnaire de langue française, Paris, 1987.
°°°
« L’exil ne m’a pas seulement détaché de la France, il m’a presque détaché de la terre et il y a des
moments où je me sens comme mort et où il me semble que je vis déjà de la grande et sublime vie
ultérieure » (…). Je mourrai peut-être dans l’exil, mais je mourrai accru ».
Victor Hugo, Ce que c’est que l’exil, Paris, éd. Equateur, 2008, p. 12.
°°°
Cosmos
Ce terme – du grec kosmos – désigne 1) chez les Grecs, a) le monde (« ce monde, le même pour tous,
aucun des dieux, aucun des hommes ne l’a fait… » Héraclyte, frgt 30, trad. S.Weil) ; mais d’abord b)
l’ordre (cf. Parmenide 8, 50) ; d’où c) l’ordre du ciel (cf. Platon, Timée 28 b, Epinomis 987 b ; Aristote,
Du Ciel I, 9) et d) l’ordre de l’univers (cf. Pythagore, sel,on Platon, Gorgias 507, et Duhem, Système du
Monde I), univers non seulement ordonné mais hiérarchisé, harmonie du ciel, de la terre, des dieux et des
mortels (Platon, ibid). 2) Chez les Modernes, l’univers, ordonné ou non, sauf pour a) A. Loyré, qui
désigne ainsi l’univers tel qu’il était conçu depuis Pythagore (et el qu’il le redeviendrait avec Einstein, cf.
Et. Gal. p. 18, 1939) par opposition à l’univers tel qu’il est couramment conçu depuis G. Bruno (Du
Monde clos à l’Univers infini, p. 3, 1957 ; b) E. Fink qui désigne ainsi l’univers comme « totalité
unique » et « jeu de l’individuation » par opposition à la « représentation d’un tout obtenu par
sommation » (Le Jeu comme symbole du monde, p. 52, 1960)
Encyclopédie philosophique universelle, Les notions philosophiques, vol. 1, Paris, PUF, 1990, p. 500.
Pour les références des œuvres, voir les détails dans le dictionnaire cité.
°°°
Onw World – Un monde
« Le drame (trouble), c’est que cette catastrophe n’est pas née d’un manque de civilisation, d’un
état arriéré, ou tout simplement d’une tyrannie, mais qu’elle était au contraire inéluctable, parce qu’il n’y
avait plus un seul endroit « non civilisé » sur la terre, parce que bon gré mal gré nous avons vraiment
commencé à vivre dans un Monde (One World). Seule une humanité complètement organisée pouvait
faire que la perte de résidence (loss of home) et de statut politique (political status) revienne à être
expulsé de l’humanité entière ».
Arendt H., Les origines du totalitarisme. L’impérialisme (vol II), Paris, Point-essais,1972, p. 282
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Les humains superflus
«Les hommes, dans la mesure où ils sont plus que la réaction animale et que l’accomplissement
de fonctions, sont entièrement superflus pour les régimes totalitaires. Le totalitarisme ne tend pas vers un
règne despotique sur les hommes, mais vers un système dans lequel les hommes sont de trop.
Le pouvoir total ne peut être achevé et préservé que dans un mode de réflexes conditionnés, de
marionnettes ne présentant pas le moindre soupçon de spontanéité. Justement parce qu’il possède en lui
tant de ressources, l’homme ne peut être pleinement dominé qu’à condition de devenir un spécimen de
l’espèce animale homme».
Arendt H., Les origines du totalitarisme. Le système totalitaire (vol. III), Paris, Point-essais,1972, p.
197.
°°°
Le « droit d’avoir des droits ».
«Nous n’avons pris conscience de l’existence du droit d’avoir des droits (ce qui signifie: vivre dans
une structure où l’on est jugé en fonction de ses actes et de ses opinions) et du droit d’appartenir à une
certaine catégorie de communauté organisée que lorsque des millions de gens ont subitement perdu ces
droits sans espoir de retour par suite de la nouvelle situation politique globale».
Arendt H., Les origines du totalitarisme. L’impérialisme, Paris, Point-essais,1972, p. 281-282
°°°
Acosmie
Le terme a été utilisé par H. Arendt notamment aussi (par Hegel pour débattre avec Spinoza aussi, mais
dans un autre contexte) pour désigner un des effets de la domination totale de l’invention totalitaire après
la perte de l’appartenance politique : la perte de rapport au monde.
Voir, Arendt H., Les origines du totalitarisme, 3 vol. Paris, Poche, 1972.
Voir aussi les débats sur le terme de (dé)mondialisation qui renvoie au monde.
°°°
Fatalisme
« La notion de fatalisme ne reçoit de contenu philosophique qu’à travers des crtiques dont elle fut
toujours l’objet et c’est l’analyse des arguments antifatalistes les plus significatifs qui permet de dégager
les différents « moments » de l’élaboration polémique du concept de fatalisme. L’intention profonde de la
critique philosophique du fatalisme et de ses conséquences morales est bine, comme on l’a souvent dit, de
le refuser comme asile de l’ignorance, de la paresse, de l’immoralité. Mais l’examen philosophique précis
auquel il a été soumis lui accord plutôt le statut d’une « illusion transcendentale » de la raison que celui
d’une illusion de la doxa perennis. L’inconsistance finale du fatalisme que l’on dénonce trouve son
origine dans des principes logiques, dans des concepts éthiques et dans des principes de la science de la
nature généralement tenus pour valides. Cette critique fut ainsi l’occadsion de réélaborer ou de préciser le
sens et la fonction de grands principes rationnels (principe de raion suffisante, de bivalence et du tiers
exclu) et de concepts éthiques ou métaphysiques fondamentaux (liberté, d’indifférence, détermination de
la volonté, contingence, nécessité, causalité, finalité ».
Encyclopédie philosophique universelle, Les notions philosophiques, vol. 1, Paris, PUF, 1990, p. 957.
4. « PIECES A CONVICTION »
Cours-séminaire du 10 mars : Les NEM, les exilés du droit, le droit exilé, outil applicable à qui
(conséquences)Emile OUEDRAOGO, Giselle TOLEDO, assistants en droit, Université de Genève: Les
NEM, les exilés du droit, le droit exilé, outil applicable à qui (conséquences).
1. " […] no tener lugar en el mundo, ni geográfico, no social, ni político, ni – (…) – ontológico. No ser
nadie, ni un mendigo: no ser nada. Ser tan sólo lo que no puede dejarse ni perderse, y en el exiliado más
que en nadie.” María Zambrano, Los bienaventurados, Madrid, éd. Siruela, 1990, p. 36 (traduit par
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Giselle Toledo)
“ […] n’avoir aucune place dans le monde, ni géographique, ni sociale, ni politique, ni – (…) –
ontologique. N’être personne, pas même un mendiant : n’être rien. N’être que ce qui ne peut pas se laisser
ou se perdre, et en l’exilé plus qu’en personne d’autre.", traduction libre, María Zambrano, Los
bienaventurados, Madrid, éd. Siruela, 1990, p. 36.
2. "Par ailleurs, les sociétés pervertissent et détournent de leurs buts affichés leurs propres règles, et de
nos jours les échafaudages normatifs maintiennent pour un certain nombre d'humains, faisant figure de
privilégiés, les possibilités juridiques de l'humanisation, tandis que massivement d'autres humains
prennent le statut de déchets." Pierre Legendre, Leçon VII: Le désir politique de Dieu : Etude sur les
montages de l'Etat et du Droit, Paris, éd. Fayard, 2005, p. 57.
N.B. Les autres intervenant.e.s transmettront leur apport à ce niveau directement le jour du coursséminaire.
5. TRACES BIBLIOGRAPHIQUES
En introduction, partage de lectures, d’outils
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Films, reportages
En constitution (toute suggestion est bienvenue)
El exilio de Gardel….
Le troupeau, Guney
Patagonia Rebelde (en espagnol, en anglais seulement).
Dindo Richard, The Mars dreamers.
Bunuel, Las Hurdes (tierra sin pan)
Chaplin Charlie, The immigrant.
Lanzmann Claude, Shoah.
Seynave Didier et Cartiaux Christian, La guerre aux frontières.
Borel Jean-Denis, Poli Raffaele, 50 ans d’asile en Suisse (1956-2006).
Etat 11 février 2011.
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