Introduction :
Pour une répétition des Grundlinien
Il n'est jamais simple de savoir par où commencer lorsque l'on prétend à aborder
Hegel, celui-ci dont on a tôt fait d'avoir à l'esprit, par une sorte d'anticipation indue du
philosopher lui-même qui est l'autre nom de son renoncement, que l'ensemble de sa pensée
n'exprimerait, en dernière instance, qu'un même tout, dans ses différences. On ne sait
jamais trop à quel point, par importe peu quelle porte l'on y rentre, cet Aigle de la pensée
ne nous survole pas encore, tournant en cercles, là-haut, comme dans le dos de notre
conscience, apprentie philosophante. Il nous faut donc décider d'une stratégie d'entrée
pour n'avoir pas à ressentir le poids de cette absence sur ce mode inadéquat et trop
emphatique de l'atermoiement ; il nous faut donc philosopher !
C'est alors au Phénix plutôt qu'à l'Aigle qu'il pourrait être utile de recourir afin
d'apprécier desquelles de ses cendres le philosophe allemand pourrait renaître ; ce qui
revient, pour le dire selon l'expression fameuse de Benedetto Croce1, à démêler « ce qui
est vivant » de « ce qui est mort » dans la philosophie hégélienne. Dans cette perspective,
c'est l'entrée politique qui nous ouvrira le terrain essentiel de notre enquête, dont les deux
grandes balises – comme il sera plus tard précisé – seront les notions d'institution et
d'esprit objectif. Terrain essentiellement politique et non exclusivement tant on ne pourrait
absolument ignorer combien « la pleine compréhension de la philosophie politique de
Hegel exige la compréhension de toute sa philosophie »2. La première difficulté tient par
1 CROCE, Ciò che è vivo e ciò che è morto della filosofia di Hegel: studio critico seguito da un saggio di
bibliografia hegeliana, éd. G. Laterza & figli, 1907.
2 BOURGEOIS, La pensée politique de Hegel (1969), éd. PUF, 2e éd, 1992, p. 7.
5