DOI : 10.1684/med.2014.1117
STRATÉGIES
Jean-Arthur
Micoulaud-Franchi1, 2, 3
Céline Balzani1, 2, 3
Olivier Pallanca3, 4, 5
Sébastien Tassy6, 7
AgnèsBrion3, 8
Jean Vion-Dury 1, 2, 3
1Hôpital
Sainte-Marguerite,
Pôle de Psychiatrie
Universitaire, Unité
de Neurophysiologie,
Psychophysiologie et
Neurophénoménologie
(UNPN), Solaris, 270 Bd
de Sainte-Marguerite,
13009 Marseille, France
2Laboratoire
de Neurosciences
Cognitives (LNC), UMR
CNRS 7291, 31
Aix-Marseille
Université, Site St
Charles, 3 place Victor
Hugo, 13331 Marseille
cedex 3, France
3Association Française
d’Enseignement
et d’Étude de la
Psychophysiologie
Appliquée
et du Biofeedback,
AFEEPAB.
4Centre Médical
Veille-Sommeil,
SCMVS, 10 rue
Édouard Detaille,
75017 Paris, France
5CHU Pitié-Salpétrière,
Service
de Neurophysiologie
Clinique, 48, Boulevard
de l’Hôpital, 75013
Paris, France
6Hôpital
Sainte-Marguerite,
Pôle de Psychiatrie
Universitaire, Solaris,
270 Bd de
Sainte-Marguerite,
13009 Marseille, France
7Faculté de Médecine,
Institut
de Neurosciences
de la Timone (INT), 27,
boulevard Jean Moulin,
13005 Marseille, France
8CHU Pitié-Salpétrière,
Service
des Pathologies
du Sommeil, 47-81,
Boulevard de l’Hopital,
75013 Paris, France
jarthur.micoulaud
@gmail.com
Mots clés :
neurophysiologie ;
psychologie
médicale ; thérapie
par rétrocontrôle
biologique
Stratégies thérapeutiques
Le biofeedback (ou thérapie par rétrocontrôle biologique) est un procédé psychophysio-
logique d’enregistrement informant en temps réel sur le niveau de fonctionnement d’un
système physiologique donné. Il permet de développer diverses stratégies d’ajustement
perceptivo-cognitives, affectives et comportementales. Il augmente le sentiment de
contrôle perçu du patient par la boucle psychophysiologique rétroactive que cette tech-
nique met en place. Ce sentiment de contrôle perçu est une variable importante en
psychologie de la santé, qui s’intègre dans le nécessaire développement de la prescrip-
tion de thérapeutiques non médicamenteuses validées dans le contexte des maladies
chroniques et dans le modèle intégratif de la maladie et de la santé. Nous proposons
ici une synthèse des niveaux de preuve d’efficacité du biofeedback, dans les différents
domaines de la médecine.
Abstract: Biofeedback: Evidence 2014
Biofeedback (or biological therapy feedback) is a psychophysiological recording method for providing real-time
information on the level of functioning of a given physiological system. This technique is at the confluence of
psychophysiology and health psychology: the myofeedback can be used in the protocols of rehabilitation physio-
therapy, the cardiofeedback can act on perceived stress and develop cognitive and emotional strategies of ad-
justment with stress. Neuro-feedback can be used as a supplementary means for the treatment of Attention
Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD) and drug-resistant epilepsy. The biofeedback cannot be considered as an
isolated therapy. Its level of evidence of efficiency must be reinforced by double-blind randomized controlled
additional studies. Clinical efficiency requires an appropriate training of therapists.
Key words: Biofeedback, Psychology; Neurophysiology; Psychology, Medical
Biofeedback : données
factuelles 2014
Le modèle intégratif de la maladie issu des concepts
de la psychologie de la santé souligne l’importance de
l’interaction entre l’individu et son environnement sur
l’évolution d’un processus pathogène chronique [1] : le
sujet ne subit pas passivement une situation aversive
mais adopte pour lui faire face diverses stratégies per-
ceptivo-cognitives, affectives et comportementales qui
peuvent en améliorer le pronostic. Parmi ces proces-
sus de transaction, deux variables importantes sont à
prendre en compte : le contrôle perçu et les stratégies
d’ajustement.
Le contrôle perçu correspond à l’évaluation par le pa-
tient de ses ressources personnelles et de sa capacité
à contrôler la situation à laquelle il est confronté. Il est
généralement protecteur pour la santé, alors qu’un
sentiment de perte de contrôle est plutôt délétère. En
fonction notamment de ce contrôle perçu, le patient
élabore un ensemble de stratégies d’ajustement ou de
coping qu’il interpose entre lui et l’événement afin de
maîtriser, réduire ou tolérer l’impact de celui-ci sur son
bien-être physique et psychologique [1].
Le biofeedback s’intègre dans le développement de
la prescription de thérapeutiques non médicamenteu-
ses validées dans le contexte des maladies chroni-
ques [2] et dans le modèle intégratif de la maladie et
de la santé [3]. Les techniques de biofeedback ont ce-
pendant l’avantage théorique par rapport aux autres
thérapies d’ordre psychologique (par exemple les
techniques d’acceptation et d’engagement ou de
pleine conscience) de créer un sentiment d’auto-effi-
cacité de manière très rapide, souvent dès la première
séance, et en temps réel par le renforcement positif
physiologique [4]. Leur originalité est d’être des thé-
rapies d’ordre psychophysiologique et pas simple-
ment psychologique. Pourtant, et bien que le biofeed-
back soit utilisé depuis plus de 30 ans, il reste très
peu connu en France, où son utilité est largement
sous-estimée. Aucun article de synthèse sur cette
256 MÉDECINE juin 2014
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technique n’a été réalisé depuis le remarquable livre de Ré-
mond [5].
Définition du biofeedback
L’AAPB (Association for Applied Psychophysiology and Bio-
feedback) définit le biofeedback comme « un procédé psy-
chophysiologique d’enregistrement permettant de fournir une
information en temps réel sur le niveau de fonctionnement
d’un système physiologique donné ». Rémond propose une
définition complémentaire, les techniques de biofeedback
étant un « groupe de procédés thérapeutiques qui utilise une
instrumentation électronique ou électromécanique. Cette der-
nière permet de mesurer avec précision, traiter et
représenter, sous forme analogique ou numérique, une infor-
mation aux propriétés renforcées, sur l’activité neuro-muscu-
laire ou l’activité autonome (normale ou anormale) des indivi-
dus au moyen de signaux sonores ou optiques. Ses objectifs
d’autant mieux atteints qu’ils sont effectués sous l’égide
d’un professionnel compétent dans le domaine du biofeed-
back sont d’aider les individus à développer une meilleure
conscience et un contrôle volontaire plus intense de leurs
processus physiologiques, processus pratiquement incons-
cients (c’est-à-dire peu indépendants a priori, ou indépendants
d’un contrôle volontaire), ceci en contrôlant d’abord le signal
externe, puis finalement en utilisant des moyens psychophy-
siologiques internes » [6]. Le biofeedback met donc en place
une boucle psychophysiologique rétroactive qui ne s’avère
complète que lorsque le patient dirige son intentionnalité vers
l’information issue de l’enregistrement réalisé afin de cher-
cher à la contrôler [4].
Figure 1. Dispositif technique et thérapeutique utilisant le biofeedback. D’après [4].
Développement du biofeedback
Des expériences animales puis humaines ont montré dans
les années 1950-1960 que des paramètres électrophysiologi-
ques viscéraux, musculaires ou cérébraux pouvaient être sou-
mis à un protocole de conditionnement opérant. Il s’agit d’un
concept d’apprentissage fondamental en psychologie expéri-
mentale, postulant que le comportement d’un animal ou d’un
humain présente une probabilité d’apparition modulable par
la manipulation des contingences de renforcement positive
ou négative (apprentissage). Un comportement (ou « opé-
rant ») peut par exemple être renforcé par la délivrance de
nourriture. Le conditionnement opérant se distingue du condi-
tionnement classique (« réflexe ») qui consiste à transformer
un stimulus qui ne provoque habituellement pas de réaction
physiologique (dit stimulus faible/inefficace/conditionnel,
comme le son d’une clochette, qui ne provoque pas la sali-
vation) en un stimulus qui déclenche une réaction physiolo-
gique (dit alors stimulus conditionné) lors d’une phase d’ap-
prentissage où le stimulus faible est associé à un stimulus dit
fort/absolu/inconditionnel (comme la délivrance de nourriture
associé au son d’une clochette).
Depuis les années 1960-1970, les techniques de biofeedback
sont appliquées à la pathologie humaine, notamment dans le
champ de l’épilepsie par l’enregistrement de l’activité élec-
tro-encéphalographique (biofeedback appelé neurofeedback)
et dans le champ de la rééducation des troubles de la motri-
cité et des fonctions sphinctériennes (biofeedback appelé
myofeedback). Le biofeedback est ainsi devenu une techni-
que dépassant le seul paradigme du conditionnement opérant
pour intégrer les prises en charge de thérapie cogni-
tivo-comportementale, de remédiation cognitive ou de réédu-
cation kinési-thérapeutique.
Des sociétés savantes ont alors promu la recherche, la diffu-
sion et la formation aux applications thérapeutiques du bio-
feedback. L’AAPB (Association for Applied Psychophysiology
and Biofeedback) a ainsi été créée en 1969 ; en son sein, le
neurofeedback a pris une telle importance dans le début des
années 90, que la SSNR (Society for the Study of Neuronal
Regulation) s’en est détachée ; elle est devenue en 2000
l’ISNR (International Society for Neurofeedback and Re-
search). En Europe, la BFE (Biofeedback Foundation of Eu-
rope) a été créée en 1997. En France, l’AFEEPAB (Association
Française pour l’Enseignement et l’Étude de la Psychophy-
siologie Appliquée et du Biofeedback) a été créée en 2012.
Cette association est rattachée à l’AAPB et certains de ces
membres sont également rattachés au BFE.
Techniques de biofeedback
Les techniques de biofeedback peuvent traiter divers para-
mètres physiologiques : électroencéphalogramme (EEG),
257juin 2014MÉDECINE
STRATÉGIES
Stratégies thérapeutiques
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électrodermogramme (EDG), électrocardiogramme (ECG),
fréquence respiratoire (RESP), électromyogramme (EMG),
thermogramme (TEMP), et oxygénation (O2 et CO2). Plus ra-
rement, l’imagerie par spectroscopie proche infrarouge céré-
brale (Near Infrared Spectroscopic Imaging, NIRSI) et l’ima-
gerie par résonance magnétique fonctionnelle cérébrale
(IRMf) peuvent être utilisées pour mesurer le niveau d’oxy-
génation d’une zone du cerveau [7].
Quels que soient le protocole de biofeedback et le type des
paramètres physiologiques mesurés, traités et objectivés
par l’interface technique, la participation active et la moti-
vation du sujet sont indispensables. La durée et la fré-
quence des séances varient en fonction des études, géné-
ralement entre 30 et 60 minutes, une à trois fois par
semaine sur une période de plusieurs semaines. Les pro-
tocoles de biofeedback peuvent être proposés pendant
toute la séance de manière continue, le sujet recevant alors
un feedback positif chaque fois que l’évolution du signal se
fait dans le sens désiré. Pour favoriser les capacités d’ap-
prentissage, la séance peut se décliner en plusieurs sé-
quences de feedback (d’une durée de quelques minutes
chacune) entrecoupées de phases de repos pendant les-
quels le praticien explicite les stratégies cognitives de ré-
gulation mises en place [4]. Quel que soit le type de pro-
tocole, il est important que le patient soit encouragé à la fin
des séances à transposer dans la vie quotidienne les stra-
tégies cognitives développées.
À la fin de chaque séance le patient regarde avec le théra-
peute sa courbe d’entraînement pour analyser l’évolution du
paramètre physiologique pendant la séance (l’évolution sur
plusieurs séances traduit une courbe d’apprentissage). Les
courbes d’entrainement et d’apprentissage sont importantes
pour renforcer le sentiment de contrôle perçu des patients
en transformant progressivement un lieu de contrôle externe
(croyance dans le fait que les événements ultérieurs dépen-
dent de facteurs externes comme le destin ou le hasard sur
lequel on ne peut agir que difficilement) en lieu de contrôle
interne (croyance dans le fait que les événements ultérieurs
dépendent de facteurs internes comme des stratégies cogni-
tives, des actions, des efforts).
Applications cliniques
psychophysiologiques
démontrées
L’AAPB, l’ISNR et le BFE se sont attachés, selon des recom-
mandations proche de celle de la HAS [8], à regrouper et gra-
der les données factuelles concernant le biofeedback [9, 10]
selon 5 niveaux.
À l’inverse du système utilisé par la HAS, le grade 5 est le
niveau de preuve le plus élevé, correspondant à une seule
indication thérapeutique : l’incontinence urinaire chez la
femme (la rééducation périnéale est d’ailleurs la seule indica-
tion où des séances de biofeedback peuvent être rembour-
sées en tant que telles par la Sécurité sociale en France).
Les indications de grade 4 sont : les troubles anxieux, le trou-
ble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), l’épilepsie,
le syndrome algo-dysfonctionnel de l’appareil manducateur
(SADAM), la constipation chez l’adulte, la douleur chronique,
les céphalées et l’hypertension artérielle. Nous proposons de
présenter ces différentes indications en fonction de leurs lo-
giques psychophysiologiques en lien avec le principe du bio-
feedback.
Figure 2. Classement des techniques de biofeedback selon leurs logiques psychophysiologiques et principales indications reconnues par
l’AAPB.
EMG : électromyogramme ; SADAM : syndrome algo-dysfonctionnel de l’appareil manducateur ; RESP : fréquence respiratoire ; VFC : Varia-
bilité de la fréquence cardiaque ; EDG : électrodermogramme ; EEG : électroencéphalogramme ; SCP : slow cortical potential ; TDAH : trouble
déficit de l’attention avec hyperactivité.
258 MÉDECINE juin 2014
STRATÉGIES
Stratégies thérapeutiques
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Myofeedback et psychophysiologie
des activités musculaires
L’enregistrement de l’EMG informe le patient sur le niveau
de contraction de certains muscles, lui faisant prendre
conscience d’activités musculaires dont il n’a pas ou difficile-
ment conscience. Dans le cadre de la rééducation de kinési-
thérapie, le myofeedback permet de mieux intégrer la phy-
siologie des muscles sollicités et par conséquent d’envisager
une rééducation mieux comprise, plus précise, plus ciblée et
plus adaptée à un objectif fixé [11].
– Rééducation périnéale de l’incontinence urinaire chez la
femme (grade 5) : le myofeedback permet à la patiente d’ap-
prendre à percevoir la contraction volontaire analytique de
ses muscles périnéaux, de renforcer la contraction volon-
taire des muscles impliqués dans le système de clôture, de
diminuer la contraction instable du détrusor, de diminuer les
contractions parasites abdominales et de transférer cet ap-
prentissage dans le cadre de la vie quotidienne en particu-
lier en situation d’effort [11]. Il y a amélioration symptoma-
tique dans environ 70 % des cas [9], plus qu’avec les
techniques rééducatives sans biofeedback, les techniques
d’électrostimulation, ou les techniques pharmacologiques
(Oxybutynin®) [12]. Le biofeedback par sonde manométrique
est également utilisé mais s’avère moins efficace que le
myofeedback [12].
SADAM (grade 4) [9]. Le myofeedback permet l’apprentis-
sage de l’allongement de la durée du repos physiologique des
muscles manducateurs et de la réduction des mouvements
parasites inutiles à la fonction masticatrice [13].
Dans d’autres domaines de la rééducation kinésithérapeu-
tique, le niveau de preuve reste faible [9]. L’enregistrement
EMG pourrait permettre de cibler spécifiquement la réédu-
cation des fibres musculaires de type 1 (« lentes », « rou-
ges », « aérobiques ») ou de type 2 (« rapides », « blan-
ches », « anaérobiques »). Ainsi le myofeedback peut être
utilisé dans la rééducation périnéale de la constipation (en
particulier distale ou terminale) [14] et des incontinences uri-
naires de l’homme, dans la rééducation de l’appareil loco-
moteur, dans la rééducation neurologique à la fois centrale
pour l’inhibition de la spasticité et périphérique pour renfor-
cer les premières ébauches de contraction, et dans la réé-
ducation respiratoire des syndromes obstructifs ou restrictifs
(le myofeedback pouvant alors être associé au biofeedback
RESP) [15].
Cardiofeedback et psychophysiologie du stress
L’enregistrement du rythme cardiaque informe le patient sur
le niveau d’activation sympathico-vagal. Le cardiofeedback
consiste à calculer la variabilité de la fréquence cardiaque
(VFC) qui correspond à la variation de l’intervalle R-R (entre
deux battements du cœur) au cours du temps [16]. La VFC
serait un reflet d’activation et de régulation sympathico-va-
gale, variant également selon la respiration (arythmie sinu-
sale respiratoire) : la fréquence cardiaque augmente à l’ins-
piration (inhibition temporaire de l’influence du
parasympathique) et ralentit à l’expiration (stimulation du pa-
rasympathique) [17]. Le stress entraîne une diminution de la
VFC avec une alternance irrégulière, chaotique et de faible
amplitude. Le cardiofeedback permet au patient
d’augmenter la VFC en obtenant une alternance régulière et
de grande amplitude d’accélérations et de décélérations de
la fréquence cardiaque. L’augmentation de la VFC permet-
trait alors d’augmenter au niveau physiologique les capaci-
tés de régulation du système sympathico-vagal et au niveau
psychologique les stratégies d’ajustement cognitives et
émotionnelles face au stress. Le cardiofeedback peut être
couplé à un biofeedback RESP pour augmenter les straté-
gies d’apprentissage de régulation de la VFC par l’intermé-
diaire du contrôle respiratoire. Le cardiofeedback serait ce-
pendant une technique plus efficace que l’apprentissage du
contrôle respiratoire sans biofeedback dans le cadre d’un
programme de thérapie cognitive et comportementale de
gestion du stress [18].
L’application des techniques de biofeedback dans les troubles
anxieux est de grade 4 [9]. La technique de cardiofeedback
sur la VFC est la plus utilisée en France [16, 19]. D’autres
techniques de biofeedback (EDG, TEMP, RESP, EMG) peu-
vent être utilisées pour la relaxation [19, 20]. Le myofeedback
est également utilisé dans le cadre de l’apprentissage de la
relaxation, mais ses effets sur le niveau d’activation sympa-
thico-vagale restent moins établis [19].
Le biofeedback de gestion du stress semble utile dans la
prise en charge des troubles anxieux [17, 19], mais aussi
dans de nombreuses maladies chroniques [3, 21]. S’il existe
des différences psychosociales interindividuelles dans la ma-
nière de réagir au stress, il existe aussi des différences phy-
siologiques, et notamment de VFC. Ainsi, un niveau élevé
de VFC est associé à une meilleure régulation des émotions
et à l’utilisation de stratégies d’ajustement plus adaptées
[22]. L’apprentissage d’une augmentation de la VFC pourrait
permettre de renforcer les stratégies d’ajustement et amé-
liorer le pronostic du processus pathogène, la santé perçue
et les plaintes fonctionnelles [3, 21]. Les pathologies cardio-
vasculaires sont particulièrement sensibles au stress et une
diminution de la VFC est associée à un plus mauvais pro-
nostic [23]. L’indication du biofeedback dans l’hypertension
artérielle est de grade 4, mais seulement de grade 2 pour la
prévention des coronaropathies ou des accidents vasculaires
cérébraux. L’AAPB indique l’utilisation du biofeedback
(grade 4) dans les douleurs chroniques, en particulier les cé-
phalées. L’insomnie primaire pourrait aussi bénéficier de
cette technique (grade 3) [9], et parfois les maladies chroni-
ques respiratoires – asthme et broncho-pneumopathie chro-
nique obstructive – (grade 2).
Figure 3. Exemple d’enregistrement de la variabilité de la fréquence
cardiaque (VFC).
BPM : battement par minute. HRV : heart rate variability.
259juin 2014MÉDECINE
STRATÉGIES
Stratégies thérapeutiques
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Neurofeedback et psychophysiologie
de la vigilance et de l'attention
L’enregistrement EEG informe le patient assez grossièrement
sur son niveau d’activité cérébrale. Le nombre d’électrodes
EEG utilisées est plus faible qu’avec un EEG conventionnel.
Il existe deux types de traitement du signal EEG pour mesurer
une activation ou une inhibition des activités cérébrales.
Le premier protocole, le plus ancien, mesure la puissance
spectrale des rythmes EEG dans une bande fréquentielle don-
née : thêta (entre 4,5 et 8 Hz), alpha (entre 8 et 13 Hz), bêta
(entre 14 et 30 Hz). De manière schématique, plus la puis-
sance spectrale dans la bande bêta est augmentée relative-
ment à celle de la bande thêta, plus le patient présente un
état de vigilance accru (arousal) ; plus la puissance spectrale
dans la bande alpha est augmentée relativement celle de la
bande thêta, plus le patient est dans un état de relaxation.
Cette régulation de la vigilance fait intervenir la voie reticulo-
thalamo-corticale.
Le deuxième protocole, plus récent et plus précis que le pré-
cédent, consiste à mesurer l’amplitude d’un potentiel lent cor-
tical (Slow Cortical Potential SCP). Plus les SCP sont négatifs,
plus le patient présente une élévation de la vigilance associé
à des capacités d’allocation de ressource attentionnelle par-
tagée. À l’inverse, plus les SCP sont positifs, plus l’élévation
de la vigilance est associée à une attention focalisée. Cette
régulation attentionnelle ferait intervenir des boucles de ré-
gulation cortico-sous-corticales et cortico-corticales entrainant
la dépolarisation (SCP négative) ou hyperpolarisation (SCP po-
sitive) des dendrites apicales des neurones pyramidaux [27].
Le neurofeedback présente un intérêt (grade 4) pour deux pa-
thologies impliquant des modifications de la vigilance et/ou
de l’attention : le trouble déficit de l’attention avec hyperacti-
vité (TDAH) [24] et les épilepsies pharmacorésistantes [9, 25].
Il serait même équivalent au grade 5 pour le TDAH de l’enfant
selon l’American Academy of Pediatrics :ilyasurlescompo-
santes d’inattention et d’impulsivité une taille d’effet impor-
tante, respectivement de 1,02 (0,84-1,21) et 0,94 (0,76-1,12)
et, sur la composante d’hyperactivité, une taille d’effet mo-
dérée de 0,71 (0,54-0,87), comparativement à des groupes
contrôles recevant ou non un traitement conseillé pour le
TDAH [26]. Cette taille d’effet est similaire à celle de la mé-
dication par méthylphénidate seule. Dans les épilepsies phar-
macorésistantes, il y a réduction du nombre de de crises
d’épilepsie, avec une taille d’effet cependant modeste [9, 25].
Biofeedback : de l'efficacité
à l'efficience clinique
Les techniques de biofeedback sont intéressantes du point
de vue de la psychologie de la santé, permettant de modifier
le contrôle perçu et de renforcer les stratégies d’ajustement.
Cependant, le biofeedback ne peut pas être une thérapeuti-
que à envisager isolément. Il prend place dans une prise en
charge intégrative en médecine de type biopsychosocial où
les efforts cognitifs, émotionnels et comportementaux dé-
ployés par un individu pour s’ajuster à la situation nouvelle
que représente la maladie sont pris en compte.
Il reste d’une part à poursuivre les recherches permettant
d’établir de forts niveaux de preuves (essais randomisés
contrôlés), d’autre part à contrôler l’efficience clinique de ces
techniques, ce qui implique une formation adaptée des thé-
rapeutes sur la connaissance des bases techniques de l’élec-
trophysiologie et de la physiologie des maladies ciblées et
des processus psychophysiologiques mis en jeu. Cette for-
mation ne s’improvise pas ; l’AAPB et l’ISNR organisent au
sein de l’ICE (Institute for Credentialing Excellence) des for-
mations appelées BCIA (Biofeedback Certification Internatio-
nal Alliance anciennement Institute of America). La certifica-
tion BCIA associe des cours (sur la neurophysiologie
fondamentale et clinique et la conduite d’une thérapeutique)
à un contrôle des pratiques (avec nécessité de faire la preuve
du suivi d’un certain nombre de patients et présentation de
cas cliniques). Ce modèle de formation doit être appliqué en
France afin d’y permettre un développement contrôler et ri-
goureux de ces techniques originales.
Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien
d’intérêt en rapport avec l’article.
Remerciement à Jean-Loup Drouet pour ses commentaires
et pour ses sites internet d’information sur le biofeedback :
http://www.biofeedback.fr/
et http://www.biofeedback-relaxologie.info/
260 MÉDECINE juin 2014
STRATÉGIES
Stratégies thérapeutiques
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