Myofeedback et psychophysiologie
des activités musculaires
L’enregistrement de l’EMG informe le patient sur le niveau
de contraction de certains muscles, lui faisant prendre
conscience d’activités musculaires dont il n’a pas ou difficile-
ment conscience. Dans le cadre de la rééducation de kinési-
thérapie, le myofeedback permet de mieux intégrer la phy-
siologie des muscles sollicités et par conséquent d’envisager
une rééducation mieux comprise, plus précise, plus ciblée et
plus adaptée à un objectif fixé [11].
– Rééducation périnéale de l’incontinence urinaire chez la
femme (grade 5) : le myofeedback permet à la patiente d’ap-
prendre à percevoir la contraction volontaire analytique de
ses muscles périnéaux, de renforcer la contraction volon-
taire des muscles impliqués dans le système de clôture, de
diminuer la contraction instable du détrusor, de diminuer les
contractions parasites abdominales et de transférer cet ap-
prentissage dans le cadre de la vie quotidienne en particu-
lier en situation d’effort [11]. Il y a amélioration symptoma-
tique dans environ 70 % des cas [9], plus qu’avec les
techniques rééducatives sans biofeedback, les techniques
d’électrostimulation, ou les techniques pharmacologiques
(Oxybutynin®) [12]. Le biofeedback par sonde manométrique
est également utilisé mais s’avère moins efficace que le
myofeedback [12].
– SADAM (grade 4) [9]. Le myofeedback permet l’apprentis-
sage de l’allongement de la durée du repos physiologique des
muscles manducateurs et de la réduction des mouvements
parasites inutiles à la fonction masticatrice [13].
– Dans d’autres domaines de la rééducation kinésithérapeu-
tique, le niveau de preuve reste faible [9]. L’enregistrement
EMG pourrait permettre de cibler spécifiquement la réédu-
cation des fibres musculaires de type 1 (« lentes », « rou-
ges », « aérobiques ») ou de type 2 (« rapides », « blan-
ches », « anaérobiques »). Ainsi le myofeedback peut être
utilisé dans la rééducation périnéale de la constipation (en
particulier distale ou terminale) [14] et des incontinences uri-
naires de l’homme, dans la rééducation de l’appareil loco-
moteur, dans la rééducation neurologique à la fois centrale
pour l’inhibition de la spasticité et périphérique pour renfor-
cer les premières ébauches de contraction, et dans la réé-
ducation respiratoire des syndromes obstructifs ou restrictifs
(le myofeedback pouvant alors être associé au biofeedback
RESP) [15].
Cardiofeedback et psychophysiologie du stress
L’enregistrement du rythme cardiaque informe le patient sur
le niveau d’activation sympathico-vagal. Le cardiofeedback
consiste à calculer la variabilité de la fréquence cardiaque
(VFC) qui correspond à la variation de l’intervalle R-R (entre
deux battements du cœur) au cours du temps [16]. La VFC
serait un reflet d’activation et de régulation sympathico-va-
gale, variant également selon la respiration (arythmie sinu-
sale respiratoire) : la fréquence cardiaque augmente à l’ins-
piration (inhibition temporaire de l’influence du
parasympathique) et ralentit à l’expiration (stimulation du pa-
rasympathique) [17]. Le stress entraîne une diminution de la
VFC avec une alternance irrégulière, chaotique et de faible
amplitude. Le cardiofeedback permet au patient
d’augmenter la VFC en obtenant une alternance régulière et
de grande amplitude d’accélérations et de décélérations de
la fréquence cardiaque. L’augmentation de la VFC permet-
trait alors d’augmenter au niveau physiologique les capaci-
tés de régulation du système sympathico-vagal et au niveau
psychologique les stratégies d’ajustement cognitives et
émotionnelles face au stress. Le cardiofeedback peut être
couplé à un biofeedback RESP pour augmenter les straté-
gies d’apprentissage de régulation de la VFC par l’intermé-
diaire du contrôle respiratoire. Le cardiofeedback serait ce-
pendant une technique plus efficace que l’apprentissage du
contrôle respiratoire sans biofeedback dans le cadre d’un
programme de thérapie cognitive et comportementale de
gestion du stress [18].
L’application des techniques de biofeedback dans les troubles
anxieux est de grade 4 [9]. La technique de cardiofeedback
sur la VFC est la plus utilisée en France [16, 19]. D’autres
techniques de biofeedback (EDG, TEMP, RESP, EMG) peu-
vent être utilisées pour la relaxation [19, 20]. Le myofeedback
est également utilisé dans le cadre de l’apprentissage de la
relaxation, mais ses effets sur le niveau d’activation sympa-
thico-vagale restent moins établis [19].
Le biofeedback de gestion du stress semble utile dans la
prise en charge des troubles anxieux [17, 19], mais aussi
dans de nombreuses maladies chroniques [3, 21]. S’il existe
des différences psychosociales interindividuelles dans la ma-
nière de réagir au stress, il existe aussi des différences phy-
siologiques, et notamment de VFC. Ainsi, un niveau élevé
de VFC est associé à une meilleure régulation des émotions
et à l’utilisation de stratégies d’ajustement plus adaptées
[22]. L’apprentissage d’une augmentation de la VFC pourrait
permettre de renforcer les stratégies d’ajustement et amé-
liorer le pronostic du processus pathogène, la santé perçue
et les plaintes fonctionnelles [3, 21]. Les pathologies cardio-
vasculaires sont particulièrement sensibles au stress et une
diminution de la VFC est associée à un plus mauvais pro-
nostic [23]. L’indication du biofeedback dans l’hypertension
artérielle est de grade 4, mais seulement de grade 2 pour la
prévention des coronaropathies ou des accidents vasculaires
cérébraux. L’AAPB indique l’utilisation du biofeedback
(grade 4) dans les douleurs chroniques, en particulier les cé-
phalées. L’insomnie primaire pourrait aussi bénéficier de
cette technique (grade 3) [9], et parfois les maladies chroni-
ques respiratoires – asthme et broncho-pneumopathie chro-
nique obstructive – (grade 2).
Figure 3. Exemple d’enregistrement de la variabilité de la fréquence
cardiaque (VFC).
BPM : battement par minute. HRV : heart rate variability.
259juin 2014MÉDECINE
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