M E T H O D E Le Biofeedback en pratique quotidienne et son application en uro-gynécologie GILLES BARETTE ENSEIGNANT PARIS SANDRINE GALLIAC ALANBARI PÉRINÉOLOGUE PARIS AUTEUR DE "RÉÉDUCATION PÉRINÉALE FÉMININE MODE D'EMPLOI" EDITIONS ROBERT JAUZE Le biofeedback (BFB) peut être défini comme un phénomène modifiant un système en fonction des informations qu’il reçoit. Il permet un autocontrôle qui va utiliser l’EMG de surface, une technique d’analyse musculaire. Très utilisé aux USA, certains auteurs (Basmajan) ont utilisé le BFB comme moyen d’autocontrôle instantané en thérapeutique. C’est une technique grâce à laquelle on va acquérir un contrôle conscient et volontaire d’informations relatives à une fonction du corps, normalement inconsciente, dans le but d’y apporter des modifications. Appareil Biofeedback autonome à courbes A l’aide de témoins sonores et visuels, le biofeedback rendra perceptible un état physiologique dans lequel le sujet est installé. Cette méthode instrumentale va lui permettre de mesurer cette évidence et de rendre compréhensible l’état musculaire dans lequel il se trouve, afin qu’il modifie cet état. I - Rétroaction biologique musculaire A > L’appareil Appareil Biofeedback autonome à leds 12 PROFESSION KINÉSITHÉRAPEUTE - N°24 La contraction musculaire se traduit par une différence de potentiel qui est recueillie par deux électrodes de surface. Cette activité électrique est comparée avec celle d’une troisième électrode neutre. Sa valeur est de l’ordre du microvolt (un millionième de volt) et doit donc être amplifiée. D’autres signaux non liés à la contraction musculaire peuvent interférer sur l’acquisition du signal biofeedback EMG : bruit de fond créé par les appareils de l’environnement branchés sur le secteur, téléphone portable, table métallique, etc. Attention, pour une bonne acquisition du signal biofeedback EMG, il est nécessaire d’utiliser des électrodes d’acquisition et non des électrodes de stimulation. En effet, les électrodes dédiées à l’acquisition EMG ont des senseurs argent ou carbone qui leur confèrent d’excellentes qualités de conductivité. Les électrodes de stimulation sont, quant à elles, optimisées pour le confort et l’adhésivité sur la peau. La plupart du temps, ce sont les électrodes de détection qui sont utilisées : des élastomères, par conséquent, de bonne qualité, surchargés en substance conductrice et de structure souple sont nécessaires afin de pouvoir s’adapter aux reliefs, tout comme les pâtes de contact. Si l’on utilise un gel, ce dernier doit être conducteur. Un appareil de bonne qualité peut donner de mauvais résultats de par l’utilisation d’électrodes et de gel de mauvaise qualité. Electrodes d'acquisition Biofeedback Electrode de stimulation Ces ondes parasites imposent la présence d’un filtre de bande d’une très grande précision afin que seule la différence de potentiel témoin de la contraction ne soit enregistrée. En effet, en cas de filtrage trop faible, le signal peut être perturbé à n’importe quel moment sans que l’utilisateur ne puisse intervenir. A l’inverse, si le filtrage est trop important, le signal biofeedback EMG ne correspond pas à la réalité et son interprétation par le praticien et le patient est tout simplement faussée, ce qui est le cas dans la majorité des appareils vendus actuellement. Dans ce cas, il existe un temps de latence entre l’activité musculaire du patient et son affichage. Par conséquent, le travail ne peut plus être corrigé par le patient en temps réel. Cette méthode est souvent utilisée par les fabricants afin de pallier un manque de haute technologie dans la conception des différents filtres. Le signal électrique est ensuite redressé, puis mesuré et enfin restitué sous forme d’une information sensorielle quantifiée. La restitution du signal va se faire sous deux formes : ≥S oit sous forme visuelle comme le déplacement d’une aiguille sur le cadran d’un voltmètre. Cette information va permettre la lecture directe de l’activité musculaire et donc d’initier un bilan. Il est également possible d’utiliser des colonnes lumineuses qui vont s’allumer progressivement en fonction de l’activité musculaire. D’autres formes visuelles existent comme le déplacement de points lumineux, ou d’images plus ludiques dans le cadre de l’utilisation du biofeedback pour les enfants ou les adultes. Dans les appareils les plus sophistiqués, l’enregistrement EMG C > Composition d’un BFB-EMG …la contraction musculaire Il doit comporter deux voies qui vont permettre d’utiliser une voie en BFB positif pour demander une activité musculaire que l’on veut augmenter (contraction) et l’autre voie en BFB négatif afin d’inhiber une autre activité musculaire (relâchement). se traduit par une différence de potentiel qui est recueillie par deux électrodes de surface… qui apparaît sur l’écran d’ordinateur est toujours possible et permet de conserver une trace de l’activité ponctuelle du patient afin de la comparer avec les séances suivantes (historique des séances). ≥S oit sous forme auditive : l’activité musculaire est traduite par un crépitement ou un souffle qui varie en fonction de la contraction musculaire. Ce bruit musculaire va se distinguer du bruit de fond et est parfaitement perçu par le patient. Il peut être modulé sous forme de “bips” qui accélèrent ou ralentissent. Ce type de signal est mieux perçu par le patient. Il est aussi possible de régler l’appareil de manière à ce que les sons musculaires ne soient entendus qu’à partir d’un certain seuil de contraction. A l’inverse, le relâchement musculaire est obtenu en laissant l’appareil silencieux. B > Différents types d’électrodes utilisées Les électrodes autocollantes, pré-gélifiées sont utilisées pour une analyse fine (marche ou mouvement), pour des petits muscles, sous plâtre, dans l’eau, sur les mains, mais leur coût élevé les réserve davantage aux cas particuliers. Chacune des voies comporte deux conducteurs blindés. L’appareil peut fonctionner avec une ou deux voies. Cependant, l’utilisation d’appareils à deux voies permet des combinaisons agonistes-antagonistes tout à fait intéressantes. Un appareil avec quatre voies en simultané permet de voir l’activité musculaire de 4 muscles différents et de comparer, par exemple, deux parties symétriques du corps. D > Installation ≥ La peau : elle doit être dégraissée. La peau étant un écran, si l’appareil n’est pas assez sensible, l’enregistrement n’est pas de bonne qualité. Il faut éviter les zones pileuses et parfois raser la peau afin d’avoir le moins de résistance cutanée. Il est plus simple d’utiliser des électrodes autocollantes à la condition qu’elles soient en excellent état. Dans le cadre de la rééducation de la main, on utilise des électrodes spéciales dites de Palmer. Nous verrons plus bas que les techniques sont différentes dans le cadre de l’uro-gynécologie mais les principes d’application et de fonctionnement restent les mêmes. ≥L es électrodes : elles sont placées de manière à être proche du point moteur du muscle étudié, et séparées d’environ deux centimètres. N°24 - PROFESSION KINÉSITHÉRAPEUTE 13 methode Le Biofeedback en pratique quotidienne et son application en uro-gynécologie musculaire soit montrée sans ambiguïté. Nous décrivons plus bas les modalités appliquées à l’uro-gynécologie qui approfondit ces réglages. ≥P récautions d’enregistrement : les électrodes et les câbles doivent être bien fixés afin d’éviter les mécanogrammes. Le biofeedback doit être attractif afin que le patient s’investisse dans la séance. II - Applications Le biofeedback peut être utilisé dans différents domaines de rééducation et sous des formes variées. Position des électrodes : Sidération du quadriceps 1 (2 voies) Après une immobilisation ou une intervention, lorsqu’il existe une sidération musculaire, le biofeedback aide à sa levée. Il peut être associé avec une électrostimulation musculaire. Cette dernière peut soit compléter la contraction volontaire du patient, en lui permettant de terminer le mouvement, soit initier le mouvement en ayant un rôle incitatif auprès du patient et lui permettre de participer activement à la séance. Elle est progressivement diminuée puis supprimée en fonction de la récupération du sujet. L’électrode neutre : la qualité de l’analyse d’un biofeedback passe aussi par la qualité de l’électrode neutre. Une troisième électrode ou électrode indifférente ou électrode de référence est utilisée. Elle n’est pas placée sur le muscle mais sur une surface osseuse ou non contractile. Certains appareils autorisent un placement sur le membre opposé. Cette électrode doit être stable. La taille des électrodes est adaptée en fonction des muscles sur lesquels on travaille et elles ne doivent surtout pas déborder sur les muscles avoisinants car le praticien s’expose au recueil des activités des muscles avoisinants. ≥ La sensibilité ou tarage de l’appareil : il est fonction du nombre d’unités motrices qui entrent en jeu. Le patient doit pouvoir observer les modifications existant entre le potentiel de repos et le potentiel d’action. Il est nécessaire que la pathologie de la contraction 14 PROFESSION KINÉSITHÉRAPEUTE - N°24 Ecran de Biofeedback De nombreuses autres pathologies telles que la crampe des écrivains, le torticolis spasmodique, les céphalées de tension, le bruxisme, etc. peuvent être traitées par biofeedback. A > Contrôle des appuis Utilisé en traumatologie pour le contrôle du non-dépassement d’un appui limité, le barobiofeedback fait appel à des capteurs de pression. L’existence de douleurs rend impossible le conditionnement (phénomène d’inhibition maximale) et constitue une contre-indication. B > Utilisation en neurologie centrale C’est dans la rééducation de l’hémiplégique que le biofeedback a été le plus utilisé. Plusieurs objectifs sont recherchés : rééducation de la commande motrice, rééducation des troubles cognitifs, lutte contre la spasticité. Dans la rééducation de la commande motrice, le biofeedback permet de révéler puis de renforcer certains mouvements ; il favorise aussi l’intégration de feedback externe, visuel principalement, en automatisant certaines compensations. anale) est chargé de récupérer des signaux de l’activité électrique des muscles élévateurs. Ces signaux sont traités par l’appareil biofeedback et sont transformés en informations visuelles et/ou auditives, envoyées vers l’ordinateur afin d’en analyser le comportement musculaire et la façon dont le corps en appréhende le mouvement selon les principes que nous avons vus au-dessus. Ainsi la contraction que nous allons demander au patient pourra faire appel aux différents types de fibres musculaires que nous voulons faire travailler ; sachant que le muscle elevator ani est composé de 70% de fibres lentes et 30% de fibres rapides, il sera intéressant de travailler les différentes composantes de ces caractéristiques. Ecran de Biofeedback C > Dans le domaine de l’urogynécologie Les muscles cibles seront les élévateurs de l’anus, et l’on demandera au patient de réaliser différents exercices sur un mode contractile en favorisant soit un travail d’endurance, soit un travail en rapidité, et cela avec des intensités de force musculaire variable en fonction de ce que l’on cherche à développer sur l’acquisition volontaire musculaire. Nous travaillerons sur des temps longs (12 à 15 s.) afin de faire intervenir ces fibres lentes et par la même occasion le réflexe n° 3 de Mahony périnéo detrusorien inhibiteur avec une force contractile à environ 50% de ses possibilités. Le capteur placé dans le vagin (sonde endo-vaginale) ou l’anus (sonde endo- Nous utiliserons cette technique particulièrement sur des vessies instables. N°24 - PROFESSION KINÉSITHÉRAPEUTE 15 methode Le Biofeedback en pratique quotidienne et son application en uro-gynécologie …les signaux sont traités par l'appareil biofeedback et sont transformés en informations visuelles et/ou auditives, envoyées vers l'ordinateur … Nous pourrons faire travailler les fibres rapides sur des contractions rapides avec un temps de décontraction immédiat sur une force maximale. Il va donc être très important que la réactivité du biofeedback soit immédiate afin de bien comprendre la commande rapide musculaire visualisée sur l’écran. Nous utiliserons ce mode de travail plus particulièrement pour des pathologies à type d’incontinence urinaire d’effort. Il s’agit d’une technique qui ne doit rien avoir de subjectif ; les signaux de l’activité électrique correspondent au nombre d’unités motrices en activité au niveau de la musculature pelvienne. Au fur et à mesure de l’augmentation de la force développée, le nombre d’unités motrices en activité augmente progressivement, et inversement le relâchement musculaire est caractérisé par une réduction des décharges électriques de ces mêmes unités motrices. Cette activité est mesurée en microvolt. Comme nous l’avons décrit au-dessus, le calibrage peut être effectué de manière automatique et/ou manuelle. En fonction des patients et du type de travail demandé, un tarage doit être fait en cours de séance. Ce tarage doit être possible sans arrêter la séance et en un seul clic de souris. Un amortissement des courbes doit pouvoir être choisi par le thérapeute (formes de travail). Le matériel doit rester également stable quel que soit l’environnement, aucun parasite provenant de l’extérieur ne doit interférer l’acquisition biofeedback en cours (téléphone portable, table métallique, lampes halogènes, installation électrique, etc.). 16 PROFESSION KINÉSITHÉRAPEUTE - N°24 Conclusion Pour ces raisons, le matériel utilisé doit être parfaitement adapté d’autant que le milieu vaginal est un milieu difficile à traiter puisqu’il présente une impédancemétrie avec une hormono-dépendance. Le recueil des informations doit se faire en temps réel. La qualité d’un EMG repose sur l’absence de temps de latence entre la contraction musculaire, son enregistrement et sa restitution à l’écran. Un appareil informatisé ou non qui montrerait une contraction alors que le sujet est déjà en situation de relâchement perdrait son intérêt auprès du patient (voir explication au début sur le filtre de bande, paragraphe I/ A). Il est aussi important de pouvoir réaliser un tarage respectant l’activité électrique du muscle, avec l’obtention d’un zéro électrique proche du potentiel de repos et ne variant pas au cours de la séance. L’obtention de ce type de résultats repose sur une qualité de conception et de fabrication avec des composants fiables et performants. Il est donc essentiel que le physiothérapeute teste lui-même les paramètres précédemment cités avant d’investir dans un matériel de ce type. Aujourd’hui, sur le marché il n’y a qu’un fabriquant qui en soit capable… ■ Bibliographie indicative ≥A NDRE JM, BRUGEROLLE B, CHELLIG L : Le biofeedback en rééducation motrice. Ann Readapt Med Phys 1986 ; 29 : 289-310. ≥A NDRE JM, BRUGEROLLE B, CHELLIG L : Le biofeedback dans le traitement de l’hémiplégique. Concilia Medica 1987 ; 1 : 148-158. ≥B ASMAJIAN JV. : Biofeedback. Principles and practice for clinicians. Williams and Wilkins. 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