La victime

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ŒUVRE DE JUSTICE
ET VICTIMES
1
Collection Sciences criminelles
dirigée par Robert Cario
La collection Sciences criminelles se destine à la publication de travaux consacrés à l'analyse complexe du phénomène criminel. Multidisciplinaire par
définition, elle a vocation à promouvoir les réflexions critiques portées par les
disciplines impliquées, dont l'angle d'approche spécifique enrichit la connaissance globale du crime, tant en ce qui concerne les protagonistes (infracteur,
victime, société) que les stratégies d'intervention sociale (prévention, répression, traitement). En France comme à l'étranger.
Les contributions, émanant de chercheurs, de praticiens de la justice ou du
travail social, empruntent la forme d'ouvrages de doctrine, de recherches
collectives ou d'actes de rencontres scientifiques.
La Collection s'enrichit par la publication d'un « Traité de sciences criminelles », multi-auteurs, qui présente sous la forme de manuels les principales
disciplines qui composent les sciences criminelles: philosophie criminelle,
criminologie, politique criminelle, droit criminel, procédure pénale, criminalistique, médecine légale et victimologie.
A paraître
J.P. Céré (Dir.), Panorama européen de la prison
L.M. Villerbu (Dir.), Dangerosité et vulnérabilité
Ouvrages parus
R. Cario (Dir.), La médiation pénale: entre répression et réparation
R. Nérac-Croisier (Dir.), Le mineur et le droit pénal
R. Cario, J.C. Héraut (Dir.), Les abuseurs sexuels: quel(s) traitement(s) ?
J.P. Céré, Le contentieux disciplinaire dans les prisons françaises et le droit européen
R. Cario, Les femmes résistent au crime
M. Vaillant, A. Vulbeau, Action éducative spécialisée en placement familial
L. Ouvrard, La prostitution
R. Cario, Jeunes délinquants. A la recherche de la socialisation perdue
P. Mbanzoulou, La réinsertion sociale des détenus
C. Cardet, Le contrôle judiciaire socio-éducatif
R. Nérac, J. Castaignède (Dir.), La protection judiciaire du mineur en danger
A. Bernard, R. Cario (Dir.), Les politiques publiques d'aide aux victimes
M. Vaillant, J.P. Leblanc (Di.r.), Nouvel1es problématiques adolescentes
M. Born, P. Thys (Dir.), Délinquance juvénile et familIe
« Traité
de sciences criminelles
))
1. C. Lazerges, Introduction à la politique criminelle
2. R. Caria, Victimologie
3. J. Pinatel, Histoire des sciences de l'homme et de la criminologie
4. R. Cario, Introduction aux sciences criminelles
5. J.P. Céré, Droit disciplinaire en prison
6. J.P. Allinne, Histoire des politiques pénales, à paraître
7. J. Castaignède, La procédure pénale et la victime, à paraître
ŒUVRE DE JUSTICE
ET VICTIMES
1
sous la direction de
Robert Cario
et Denis Salas
L'Harmattan
5-7, rue de l'École-Polytechnique
75005 Paris
FRANCE
L'Harmattan
Inc.
55, rue Saint-Jacques
Montréal (Qc) CANADA
H2Y lK9
L'Harmattan Hongrie
Hargita u. 3
1026 Budapest
HONGRIE
L'Harmattan Italia
Via Bava, 37
10214 Torino
ITALlE
Ont collaboré à cet ouvrage:
Jean-Pierre Allinne, Professeur d'Histoire du droit, Université de
Pau et des pays de l'Adour
Alain Boulay, Président de l'Association « Aide aux parents d'enfants
victimes» (APEV), Paris
Robert Cario, Maître de Conférences, Codirecteur du DESS Droit
des Victimes, Université de Pau et des Pays de l'Adour
Louis Crocq, Médecin Général (Cr), psychiatre des Armées, professeur associé honoraire à l'Université de Paris V, créateur du réseau des
Cellules d'Urgence Médico-Psychologiques
Carole Damiani, Psychologue, Association « Paris Aide aux victimes », Chargée de mission à l'INA VEM
Ezzat A. Fattah, Professeur Emérite de Criminologie, Ecole de Criminologie, Université Simon Fraser, Vancouver
Jürgen Frieberger, Docteur en droit, Administrateur à la Commission européenne, Direction Générale Justice et Affaires Intérieures,
Unité de Coopération judiciaire en matière pénale
Benoît Garnot, Professeur d'Histoire moderne, Université de Dijon
Arlène Gaudreault, Professeure de Victimologie, Présidente de
l'Association Québecoise Plaidoyer-Victimes, Montréal
François Lebigot, Professeur, Chef du Service de Psychiatrie
d'instruction des armées, Hôpital Percy, Clamart
Claude Lienhard, Professeur, Directeur du Centre européen de recherche sur le droit des accidents collectifs et des catastrophes (Cerdace-Université de Haute-Alsace), Ancien Président de l'Inavem,
Avocat au barreau de Strasbourg
Paul Michel, Procureur de la République près le Tribunal de Grande
Instance de Saint-Etienne
Tony Peters, Professeur de Victimologie, Université de Leuven
(KUL)
Denis Salas, Maître de Conférences à l'Ecole Nationale de la Magistrature, Ancien Membre de l'IREJ, Paris
~L'Hannattan,2001
ISBN: 2-7475-1225-8
Avaut-propos
par Robert Cario et Denis Salas
« L'irruption des victimes dans les sociétés contemporaines
a des racines profondes. Le traumatisme de la Shoah et ses conséquences à long terme s'exprime à travers les grands procès
« historiques» que sont Barbie, Touvier, Papon. Aujourd'hui,
on constate partout dans le monde une croissance exponentielle
de la demande de justice à travers les phénomènes de repentance et réconciliation où se mêlent inextricablement les enjeux
politiques et les histoires individuelles douloureuses. Il suffit de
songer aux commissions de réconciliation en Afrique du Sud,
aux procès faits à Pinochet un peu partout en Europe, au mouvement de mondialisation du droit et à la création de la cour
pénale internationale. Il faut évidemment avoir à l'esprit le procès du sang contaminé.
Comment comprendre ce phénomène? Jusqu'à quel point la
justice peut-elle répondre à une demande de réparation potentiellement sans limite? Que recherchent les victimes: une stigmatisation vindicative? La réparation d'un traumatisme? Une
démarche plus collective de réconciliation?
Mais les victimes ne recherchent-elles pas dans l'œuvre de
justice, autant que la sanction: 1) le fait que la vérité soit affirmée dans sa complexité et publiquement? 2) que le contradictoire et le temps permettent une maturation des acteurs du procès et de la collectivité de nature à dépasser leur souffrance
? » 1.
1. V. Catalogue des Formations proposées par l'Ecole Nationale
de la Magistrature, 8, rue Chanoinesse, 75004 Paris; V. également le
6
Œuvre de justice et victimes
C'est à ces interrogations fondamentales, notamment, qu'une
Session de formation continue - inédite à ce jour pour la Justice - à l'intention de magistrats en poste auprès de diverses
juridictions, auxquels ont été associés avocats, professionnels de
la protection judiciaire de la jeunesse et de l'aide aux victimes,
tente de répondre en interrogeant les meilleurs spécialistes,
français et étrangers, de la prise en charge judiciaire et de
l'accompagnement psychologique et social des victimes.
Pour juguler et traiter les violences protéiformes et éclatées
qui accompagnent l'évolution de nos sociétés continentales
fortement pénalisées 2, cultivant un individualisme exacerbé, il
importe de (ré)introduire, à côté des réparations indemnitaires
assez abouties dans notre pays, des modes nettement plus symboliques de régulation des conflits. La victimologie naissante a
bien mis en évidence les souffrances aussi diverses que profondes que les victimes doivent affronter à la suite de graves victimisations. Elles demeurent malheureusement, aujourd'hui encore, bien abandonnées par le système de justice pénale, au sens
large.
L'émergence de la «justice restaurative », dans la droite ligne des justices vindicatoires primitives 3, offre de réelles possibilités de restauration du lien social meurtri par l'acte criminel. Mais cette justice doit combiner la dimension rétributive
avec le respect de la dignité des personnes impliquées dans ce
conflit intersubjectif et de la promotion de leurs droits fondamentaux. Tel est le paradoxe autour duquel gravitent les contributions présentées dans ce volume 4.
site de cette Ecole: http://\V\V,v.justice.fr/enro. Ce séminaire bénéficiant d'un
public élargi est reconduit en 2001 et donnera lieu à une seconde publication.
2. V. not. A. Garapon, D. Salas, La République pénalisée, Ed. Hachette,
1997, 144 p.
3. V. not. M. Hénaff, La dette de sang et l'exigence de justice, ln P. Dumouchel (Dir.), Comprendre pour agir: violences, victimes et vengeance,
P.U. Laval/Ed. L'Harmattan, 2000, pp. 31 et s.
4. V. not. R. Cario, Victimologie. De l'effraction du lien intersubjectif à la
restauration sociale, Ed. L'Harmattan, Traité de Sciences criminelles, 2000-4,
p. 187 et s.
1
La victime:
définition(s) et enjeux
par Robert Cario
La définition de la victime comme son rôle dans le procès
pénal ont profondément évolué tout au long de l'histoire de
l'humanité: de la vengeance à la réparation, en passant par le
sacrifice pour schématiser. Longtemps, la victime ajoué un rôle
actif dans la répression de l'infracteur et la réparation des préjudices subis. Pour des raisons politiques diverses, l'Etat l'a progressivement exclue de son propre procès (V. Infra les contributions de J.P. Allinne et de B. Garnot). Pour être très convoitée
à l'heure actuelle, la victime n'a obtenu la reconnaissance formelle de ses droits que très récemment. Cependant, la réalité de
leur mise en œuvre, notamment au regard de l'accompagnement psychologique et social que leur victimisation rend
insdispensable, indique qu'un long chemin reste à parcourir 1
(V. Infra les contributions de J. Alègre, P. Michel et E. Fattah).
1.
V. not. R. Cario, Victimologie. De l'effraction du lien intersubjectif
à la restauration sociale, Ed. L'Harmattan, ColI. Traité de Sciences criminelles, Vol. 2, 2000, 256 p.
8
Œuvre dejustice et victimes
C'est vers la fin des années cinquante que les victimes
(l'envers du crime comme se plaisait à le souligner Micheline
Baril 2) ont fait l'objet d'attentions spécifiques, distinctes des
connaissances et des pratiques accumulées et développées à
l'endroit du crime et, particulièrement, du criminel. Dans le
bouillonnement idéologique de ces années de crise et sous
l'impulsion déterminante des mouvements féministes, la prise
en compte des victimes a fortement progressé.
Les enquêtes de victimisation ont confirmé le faible taux de
reportabilité des infractions réellement commises, notamment
en milieu familial, où se perpétuent pourtant la plupart des
agressions graves contre les personnes. Elles ont encore mis
l'accent sur la diversité et l'ampleur des traumatismes subis par
les victimes de violences interpersonnelles. Elles ont surtout
démontré l'insuffisance et l'incohérence de leur prise en charge
conduisant à une véritable victimisation secondaire. C'est de
ces constats que sont nées les structures d'aide aux victimes un
peu partout dans le monde, initialement anglo-saxon. Il faudra
attendre les années 80 pour que de telles structures se mettent
en place en France (V. Infra, les contributions de A. Gaudreault
et J. Frieberger).
Parallèlement, le législateur consolidait ces initiatives, sous
la pression souvent des événements criminels collectifs et des
associations de victimes, en construisant le « statut légal» de la
victime d'infraction, dont le dernier jalon provient de la fameuse Loi du 15 juin 2000 (V. Infra les contributions de C.
Lienhard et d'A. Boulay) 3.
Il va sans dire qu'une telle évolution (si rapide mais si tardive) dans la reconnaissance de la victime doit être corrélée à
l'accroissement significatif du contentieux pénal, étroitement
dépendant lui-même de l'explosion des précarités et des exclu2.
M. Baril, L'envers du crime, Centre International de Criminologie
Comparée, Multigraph., Montréal, 1984, ColI. Cahiers de Recherches Criminologiques, p. 271 et s.
3.
V. not. A. Bernard, R. Cario (Dir.), Les politiques publiques interministérielles d'aide aux victimes, Ed. L'Harmattan, ColI. Sciences criminelles, 2001, 286 p. ; V. http://\V\v\v.colmar.uha.fr/cerdacc ; http://apev.org.
La victime: définition(s) et enjeux
9
sions sociales caratéristiques des 30 glorieuses et, davantage
encore, des 30 piteuses, selon le mot de Nicolas Blaverez 4, que
nous vivons actuellement.
Pour être massivement constitutifs d'atteintes aux biens, plus
exceptionnellement d'atteintes aux personnes (les crimes, toutes
catégories confondues, ne représentant que 0,5% des condamnations prononcées chaque année par les juridictions répressives), ces faits de petite délinquance alimentent un sentiment
d'insécurité, diffus et persistant, dans la population.
Débordé de toutes parts, l'Etat se trouve ainsi comme pris au
piège du monopole sans partage qu'il a mis de longs siècles à
péniblement s'arroger. Par facilité autant que par idéologie, la
croyance déraisonnable qu'il a placée dans les vertus intimidatrices de la norme l'a conduit à privilégier les réponses pénales.
Délaissant le temps des « questions» relatives à l'émergence, à
la consolidation et à la répétition des transgressions comme des
victimisations, il peine à donner un véritable sens à son intervention. Répondre, toujours répondre, en temps réel, au risque
de confondre célérité et efficacité, vitesse et précipitation.
Mais l'inflation pénale, au-delà de l'incertitude à distinguer
le bien du mal, facteur d'anomie, produit un tel dysfonctionnement dans le système que dans 8 cas sur 10, il y a classement
sans suite, dans 8 cas sur 10 la plainte est écartée, dans 8 cas sur
10 la souffrance est considérée comme n'ayant jamais existé!
Aubaine pour l'infracteur, lâcheté et irrespect pour la victime.
En effet, nombre d'auteurs, en demeurant ainsi inconnus, désarment le système pénal et privent souvent les victimes de la
réparation qui leur est pourtant due. Quand les poursuites ont
lieu, les victimes ne sont pas toujours convoquées, notamment
au cas de citation directe ou de comparution immédiate. Quand
la condamnation intervient, les victimes ne sont pas toujours
indemnisées, non seulement à cause des faibles moyens des
condamnés (y compris lorsqu'ils effectuent un travail en prison)
mais aussi de l'absence de cohérence dans la mise en place du
versement des indemnités accordées. Et l'explosion de la so4.
Les trente piteuses, Ed. Flammarion, 1998, 288 p.
10
Œuvre dejustice et victimes
ciété assurantielle, soucieuse de couvrir tous les risques à « tout
prix» 5, comme celle du marché privé de la sécurité investissant
le crime comme une rentable industrie 6, nous écartent encore
davantage de cette réflexion, pourtant inévitable, sur les raisons
de l'émergence et de la consolidation des passages à l'acte criminels et, par conséquent, des victimisations.
C'est dans un tel contexte qu'évoluent les victimes et la
science victimologique qui leur est désormais consacrée... sans
que l'unanimité se fasse sur la définition - et donc sur le domaine - des unes comme de l'autre. Est-ce à cause des enjeux
multiples et contradictoires qui caractérisent l'aide aux victimes
que les textes disponibles comme les politiques mises en place
apparaissent nettement insuffisants, pour le moins d'application
très confidentielle?
A - La victime: à la recherche d'une définition
Quelques points de repères notionnels peuvent être néanmoins relevés. Préalablement à toute définition, quand bien
même la démarche apparaîtra inhabituelle, il importe de se souvenir que la morphologie du phénomène criminel est stable
depuis plusieurs décennies et caractérisée par une petite délinquance d'appropriation, de dégradations diverses. Ces incivilités, abusivement criminalisées, sont la cause principale des
dysfonctionnements du système pénal, surencombré. Seules les
atteintes aux valeurs sociales essentielles (crimes au sens juridique et délits graves, représentant ensemble environ 15 % des
faits aujourd'hui condamnés) devraient être maintenues dans le
circuit pénal. Le traitement des incivilités, même s'il doit effectivement intervenir, est de résolution civile, administrative ou
sociale, exclusivement. Cette remarque préalable influence di5.
V. par ex. la création symptomatique de la « Garantie des accidents
de la vie », Http://ffsa.fr, Assurer hebdo, 2000-116, 2 p. ;
6.
V. not. N. Christie, Crime control as industry. Towards gulags,
Western style?, Routledge Pub., 1993, 208 p. ; M. McMahon, La répression
comme entreprise: quelques tendances récentes en matière de privatisation et
de justice criminelle, ln Déviance et Société, 1996-20, pp. 103-118 ; M. Cusson, Criminologie actuelle, PUF/Sociologies, 1998, pp. 206-226.
La victime: définition(s) et enjeux
Il
rectement la définition des victimes et, par conséquent, le domaine de la victimologie. Et sur ces points, les désaccords sont
profonds, davantage pour des questions de pouvoirs qu'à cause
d'obstacles conceptuels, facilement surmontables.
De forte connotation sacrificielle 7, le mot victime est d'un
emploi rare avant la fin du XVème siècle. A l'époque contemporaine, la plupart des encyclopédies et dictionnaires réservent
l'expression aux personnes ayant subi un grave dommage corporel, souvent mortel. Par abus de langage, le sens commun a
banalisé le concept à l'ensemble des personnes subissant un
préjudice (par extension, un dommage), soit une atteinte portée
aux droits, aux intérêts, au bien-être de quelqu'un.
Dans les textes juridiques, on cherchera en vain une défini-
tion de la victime- comme du crime 8 - Ycompris dans le Code
pénal, qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale, d'une
atteinte individuelle ou collective. Sans autre précision, la victime est synonyme de partie lésée, de plaignant, de partie civile,
de personne ayant subi un préjudice ou ayant personnellement
souffert du dommage causé par l'infraction. Le mot même de
victime n'apparaîtra, semble-t-il, qu'en 1970 dans le Code de
procédure pénale à propos du contrôle judiciaire et peine à s'y
inscrire aujourd'hui encore. La généralisation de l'expression
sera plus tardive en droit pénal, au travers des dispositions générales et spéciales du nouveau Code pénal institué par les Lois
du 22 juillet 1992. C'est donc le critère légal de l'infraction qui
institue en victime la personne atteinte dans son corps, son honneur ou ses biens.
Malheureusement, les chercheurs en victimologie ne définissent pas non plus très nettement leur objet d'étude. En ce sens,
les victimes d'actes criminels graves côtoient les victimes de
7.
V. not. R. Girard, La violence et le sacré, Ed. Grasset, 1972, ColI.
Pluriel, 534 p. ; G. Rosolato, Le sacrifice: repères psychanalytiques, PUF,
1987, 192 p.
8.
Il en va de même pour le crime au sens large, V. en ce sens, R. Cario, Introduction aux sciences criminelles. Pour une approche globale et
intégrée du phénomène criminel, Ed. L'Harmattan, ColI. Traité de Sciences
criminelles, Vol. 4, 3éd. 2001, p. 115 et s.
Œuvre dejustice et victimes
12
faits délictuels de faible gravité, voire même les victimes de
déviance, d'incivilités (par définition non pénalisables mais
néanmoins parfois abusivement pénalisées). L'attention a été
plus récemment attirée sur les victimes d'attentats ou de catastrophes collectives, naturelles ou écologiques, dont certaines ne
sont pas d'origine infractionnelle. Et ces victimes psychiques
(atteintes directement dans leur corps, ou simples spectateurs
miraculeusement épargnés) nécessitent, quel que soit leur état
de stress (aigu ou post traumatique), une prise en charge appro-
priée, en complément avec les autres modalités d'intervention 9
(V. Infra les contributions de F. Lebigot, C. Damiani et L.
Crocq).
Quelques victimologues incluent encore dans leur population d'étude non seulement la parole des victimes ou celle de
leurs proches mais encore les discours sur les représentations
sociales du crime, sur le sentiment d'être victime, en provenance aussi bien de professionnels du travail social dans le
champ pénal que de simples citoyens n'ayant jamais été victimes de violences. La relative jeunesse de la victimologie, explique sans doute l'hésitation à circonscrire son domaine dans un
cadre légaliste spécifique. Pour compréhensible que puisse paraître une telle attitude, il n'empêche que tout chercheur a
l'obligation de baliser son propre champ d'intervention. Ce
n'est guère le cas.
Ces deux conceptions de la notion de victime, étroite et
large, semblent dominer aujourd'hui. La première, étroite, voire
réductrice pour certains, en tout cas objective, renvoie à
l'infraction, à la loi pénale. C'est la position des victimologues
et pénalistes classiques. La définition la plus élaborée en ce sens
provient de la Résolution 40/34 du Il décembre 1985 de
l'Assemblée Générale des Nations Unies, portant Déclaration
des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de
la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, « ...on entend
par victimes [de la criminalité] des personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une
atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance
9.
V. également http://\V\V\'A/.sos-attentats.org.
La victime: définition(s) et enjeux
13
morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs droits
fondamentaux, en raison d'actes ou d'omissions qui enfreignent
les lois pénales en vigueur dans un Etat membre, y compris
celles qui proscrivent les abus criminels de pouvoir... ; on entend par victimes [d'abus de pouvoir] des personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi des préjudices, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs
droits fondamentaux, en raison d'actes ou d'omissions qui ne
constituent pas encore une violation de la législation pénale
nationale, mais qui représentent des violations des normes internationalement reconnues en matière de droits de l'homme... ». Quand bien même l'inflation pénale offre un champ
vaste à cette définition (des comportements de déviance étant
toujours abusivement pénalisés), elle demeure trop étroite car
elle exclut notamment les violences psychologiques (comme le
harcèlement conjugal, familial ou professionnel). L'extension
aux victimes ayant subi un préjudice au regard des normes internationales garantissant les droits des individus, souvent relayées par le droit pénal international, est par contre très opportune.
Dans le même sens mais de manière plus restrictive, la très
récente Décision-cadre du Conseil de l'Union européenne, en
date du 15 mars 2001, définit - ce qui constitue un réel progrès
en soi -, la victime comme « la personne qui a subi un préjudice, y compris une atteinte à son intégrité physique ou mentale,
une souffrance morale ou une perte matérielle, directement
causé par des actes ou des omissions qui enfreignent la législation pénale d'un Etat membre» 10.
La seconde définition est, à l'inverse, très large, en tout cas
nettement subjective et bien plus extensive que la précédente.
La définition de B. Mendelsohn, l'un des fondateurs de la victimologie, en est l'archétype: la victime est « ... une personne
se situant individuellement ou faisant partie d'une collectivité,
qui subirait les conséquences douloureuses déterminées par des
facteurs de diverses origines: physiques, psychologiques, éco10.
V. JO.C.E. du 22 mars 2001 ; http://\v\v\v.europa.eu.int/eur-lex
14
Œuvre dejustice et victimes
nomiques, politiques et sociales, mais aussi naturelles (catastrophes) ». C'est globalement la définition adoptée par les victimologues de la première Société Française de Victimologie :
«Une victime est un individu qui reconnaît avoir été atteint
dans son intégrité personnelle par un agent causal externe ayant
entraîné un dommage évident, identifié comme tel par la majorité du corps social» Il. C'est le sujet victimisé qui domine, peu
importe l'origine de sa victimisation. Une telle définition
n'exclut donc pas ceux qui « s'estiment» victime, provoquant
par là une lourde confusion entre victimisation réelle et sentiment d'insécurité. Il y a là un risque de banalisation des victimisations au détriment des victimes d'authentiques actes criminels, risque susceptible d'être aggravé par la prolifération des
associations de victimes qui, par la mise en œuvre de procédures collectives, confisquent parfois la parole individuelle.
Une définition commune aux victimes traumatisées par des
actes ou situations graves, provenant d'actes infractionnels ou
d'événements catastrophiques apparaît délicate. Il est néanmoins possible de considérer, à titre principal, que la victime
s'entend de toute personne ou groupe de personnes ayant souffert, directement ou indirectement, d'un acte prohibé par la loi
pénale. A titre complémentaire, dans la mesure où leurs conséquences traumatiques comme leur prise en charge sont généralement proches, il convient d'y inclure les événements catastrophiques de nature exceptionnelle. Une telle définition, d'inspiration onusienne, apparaîtra à d'aucuns comme encore très
(trop) large. Elle couvre en effet plus de treize mille interdits,
allant du crime de sang crapuleux à la contravention de première classe. Une telle définition semblera à d'autres trop
étroite, à juste titre, car elle exclut, en l'état actuel de notre droit
pénal, les violences psychologiques, aux conséquences pourtant
si graves qu'elles mériteraient d'être incriminées. Une telle
définition conduira d'autres encore à refuser l'arbitraire de la
détermination d'un événement catastrophique exceptionnel.
11. V. G. Lopez, Victimologie, Ed. Dalloz, 1998, p. 3 et s. ; J.F. Katz
Précis de victimologie générale, Ed. Dunod, 1999, p. 1 et s.
La victime: définition(s) et enjeux
15
Une certitude pour sortir de l'impasse notionnelle: doit être
considérée comme victime toute personne en souffrance(s). De
telles souffrances doivent être personnelles (que la victimisation
soit directe ou indirecte) ; réelles (c'est à dire se traduire par des
traumatismes psychiques ou psychologiques et/ou des dommages matériels avérés), socialement reconnues comme inacceptables et de nature à justifier une prise en charge des personnes
concernées, passant, selon les cas, par la nomination de l'acte
ou de l'événement par l'autorité judiciaire, administrative, médicale ou civile, par l'accompagnement psychologique et social
de laCdes) victime( s) et par son/leur indemnisation.
La définition victimologique ainsi retenue se cristallise sur
les traumatismes et les souffrances de toutes origines, intensités
et durées infligés de manière totalement illégitime et injuste aux
victimes dans leur corps, leur dignité, leurs droits et leurs biens.
Elle inclut les proches des victimes dont les souffrances sont
consécutives à l'acte infractionnel (disparition d'un être cher,
enfant témoin de violences familiales, manques à gagner, pertes
matérielles diverses, notamment) 12. Comme l'a souligné la
Déclaration de l'O.N.U., peu importe que l'auteur soit ou non
identifié, arrêté, poursuivi ou déclaré coupable, peu importe le
lien de parenté éventuel avec l'auteur. Semblent ainsi privilégiées les personnes physiques, mais sans exclusive pour autant
des atteintes aux personnes morales, au premier rang desquelles
se situent les atteintes à l'autorité de l'Etat démocratique, dont
certaines manifestations sont gravement préjudiciables à
l'ensemble des citoyens (terrorisme, blanchiment de produits
d'origine criminelle, par exemple).
La définition victimologique proposée exclut, par définition,
les simples manquements à la discipline sociale, les incivilités
et les insécurités mineures qui relèvent d'autres domaines et
stratégies d'intervention et, par conséquent, encombrent excessivement le système de justice pénale. Finalement, l'adoption
d'une définition victimologique est seule de nature à permettre
12. La Déclaration de l'O.N.D. inclut opportunément les personnes qui
ont subi un préjudice en intervenant pour venir en aide aux victimes en détresse ou pour empêcher la victimisation.
16
Œuvre de justice et victimes
de comprendre et assumer les enjeux de l'aide aux victimes qui
doivent tendre, pour l'essentiel, vers la consolidation, voire le
rétablissement, en cas de graves victimisations, de I'harmonie
sociale.
B - Les enjeux de l'aide aux victimes
Les enjeux républicains 13de l'aide aux victimes sont essentiels et multiformes. L'enjeu humain de l'aide aux victimes est
d'une évidence dramatiquement banale. Le crime éprouvé,
comme résultat d'un conflit inter-humain la plupart du temps,
cristallise les souffrances de la victime et de ses proches, mais
aussi celles de l'auteur de l'acte. Si le conflit grave doit être
dénoué sur la scène pénale, selon des rôles spécifiques à chacun
(victime, infracteur, procureur et juge), les protocoles mis en
place ne doivent pas conduire à aggraver encore la situation des
principaux intéressés (victimisation secondaire pour l'une, rétribution classique pour l'autre), à les opposer davantage encore. L'équité commande la juste appréciation des faits, la reconnaissance et le respect des droits de chacun, la réparation de
tous. Les traumatismes subis par les victimes sont en effet souvent à la hauteur des précarités qui accablent l'auteur de l'acte
criminel. Il importe donc d'offrir à la victime la réparation la
plus globale et durable possible, au condamné la (re)socialisation la plus globale et durable possible, à la société la
restauration la plus globale et durable possible du lien social.
C'est à un enjeu politique que l'on se trouve alors confronté.
La montée irrésistible (?) des pauvretés ne doit en aucun cas
conduire à pénaliser systématiquement les conflits intersubjectifs, groupaux ou sociétaux qui en découlent inéluctablement. Si
la voie pénale apparaît la moins aléatoire (quant à la reconnaissance de la faute personnelle du coupable, au regard de la dilution de la faute civile ou administrative), elle conduit néanmoins à une multiplication inacceptable des contentieux. Elle
n'est surtout pas la seule voie et la réappropriation communau13. V. Rapport M.N. Lienemann, Pour une nouvelle politique publique
d'aide aux victimes, La Documentation française, 1999, p. 19 et s.
La victime: définition(s) et enjeux
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taire des dérégulations sociales est urgente. Le système de justice pénale est actuellement condamné à répondre, tous azimuts
et souvent dans la précipitation, aux demandes, pas toujours
fondées en fait comme en droit il est vrai, des victimes. Abandonnées par les stratégies néo-libérales à l'œuvre dans les pays
continentaux, les victimes d'infractions perdent de plus en plus
confiance en la justice qui peine à relégitimer sa mission démocratique de pacification sociale.
Or, de ce point de vue, quand bien même la commission de
l'infraction en signe l'échec, avec ses conséquences humaines
et matérielles, la prévention des victimisations ne doit jamais
être oubliée pour autant. Cet enjeu de politique criminelle harmonieuse est souvent effacé par la seule répression des comportements et des actes criminels. Or, la prévention est la première fonction, sinon la seule, des sciences criminelles. Elle
souffre de deux handicaps aux yeux de ses détracteurs: elle est
par définition invisible lorsqu'elle fonctionne; elle coûte apparemment très cher à la collectivité. Traditionnellement multiforme (pénale, sociale, situationnelle), elle offre pourtant
d'incontestables résultats, surtout lorsqu'elle est précoce. Des
recherches scientifiques, de plus en plus nombreuses, soulignent
qu'il est possible de réduire les comportements criminels en
accordant un soutien, le plus tôt et le plus massivement possible, aux enfants à risque, à leur famille et à leur entourage immédiat. Le sens commun rétorquera que de tels programmes
visent encore à éviter le passage à l'acte criminel. Mais la solidarité citoyenne suppose que la recherche de l'intégration sociale de tous les citoyens, sans discrimination, soit le but ultime
de nos sociétés démocratiques. D'autant plus que la recherche
scientifique confirme que la prévention des situations à risque
profite indistinctement aux auteurs potentiels et à leurs victimes
potentielles, les passages fréquents d'un état à l'autre en fournissant d'irréfutables preuves, a posteriori.
Par conséquent, cet enjeu de politique criminelle s'inscrit
dans une harmonisation plus aboutie des politiques sociales de
lutte contre les exclusions et précarités en amont et des politiques pénales en aval. Il faut réinvestir, dans le bon ordre, le
triple objet des sciences criminelles, et ce véritable enjeu scien-
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Œuvre de justice et victimes
tifique criminaliste est essentiel: prévenir et, en cas d'échec,
réprimer pour mettre en place un traitement de resocialisation
des intéressés. 1) En premier lieu, prévenir les conditions défavorables au bien-être social par la promotion de politiques nationales de santé publique, de logement, d'emploi, d'éducation
et de formation professionnelle, d'intégration pluri-culturelle
notamment (prévention sociale primaire). Prévenir encore, le
plus tôt possible, les risques de comportements criminels, ou de
victimisation, par le soutien des enfants comme des familles
confrontées à des difficultés d'ordre affectif, éducatif ou scolaire (prévention sociale secondaire). 2) Prendre en charge, en
second lieu, les conflits en les répartissant harmonieusement,
selon leur gravité, entre les contentieux civil ou administratif
(prévention sociale tertiaire) ou pénal, ce qui nécessite une
réelle redistribution des atteintes aux valeurs sociales essentielles et des simples manquements à la discipline sociale 14.Relativement aux infractions, c'est dans le cadre de la procédure
pénale (de l'intervention de la police judiciaire au jugement)
que la répression est mise en œuvre, en ce sens qu'elle
« arrête» le crime et rend possible le jugement de son auteur.
3) Les caractéristiques de la sanction prononcée comme les
modalités de la réparation accordée aux victimes doivent
s'inscrire, en dernier lieu, dans une même dynamique: prévenir
la récidive par la resocialisation des condamnés (prévention
pénale spéciale), prévenir la (re)victimisation par l' accompagnement psychosocial des victimes.
L'état des victimisations (cachées et reportées) semble indiquer que, pour le moins, la prévention n'est guère efficace. La
répression non plus. Avant d'affirmer de manière péremptoire
que « rien ne marche », il importe de s'assurer que les moyens
nécessaires ont été mis à la disposition de ceux qui ont la charge
de prévenir, réprimer et traiter le phénomène criminel, quel que
soit l'angle d'approche. Or, de ce point de vue, le compte est
loin d'être bon, /' enjeu économique de l'aide aux victimes apparaissant comme l'un des plus sérieux. Sans aucun doute, des
14. Sur les conditions d'une telle répartition, V. R. Cario, op. cil., 2001,
p. 119 et s. et références citées.
La victime: définition(s) et enjeux
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sommes importantes sont dégagées chaque année pour la lutte
contre le crime: approximativement 400 milliards de francs
dans notre pays, l'essentiel étant consacré à la répression publique, aux actions de prévention sociale tertiaire, aux investissements privés de sécurité... la part réservée à la prévention précoce demeurant congrue, tout comme les sommes octroyées aux
Services d'aide aux victimes, tout comme les investissements
dérisoires consacrés aux services multidisciplinaires compétents
pour connaître de la personnalité des infracteurs. Dans le même
esprit, d'autres fonds, difficilement évaluables, sont réservés à
l'indemnisation des conséquences néfastes du crime: indemnisation matérielle directe, soins de santé, rééducation fonctionnelle, prise en charge psychologique, manque à gagner professionnel, dépendance de l'assistance sociale, principalement.
Pour le moins, une cohérence d'ensemble dans l'engagement
des sommes correspondant à ces actions de terrain, quand elles
arrivent sur le terrain, fait manifestement défaut: éparpillement,
saupoudrage, empilement sont fréquemment dénoncés. La tâche
est certes d'autant plus complexe que les bénéficiaires sont des
êtres humains. Il ne s'agit pourtant que de rationalisation budgétaire, fondée sur une politique transversale d'aide aux victimes nettement identifiable; la concertation devrait en être la clé
stratégique. Il importe d'ajouter à ce constat qu'une partie non
négligeable de ces sommes aurait pu être épargnée par une prévention psychosociale précoce, dont la rentabilité est certaine à
très long terme: gains financiers pour la collectivité non seulement dans le domaine de la justice pénale, mais aussi relativement aux coûts sociaux de l'exclusion et, principalement, aux
dépenses de santé publique... sans omettre les souffrances potentiellement épargnées 15.Le gaspillage ainsi observé apparaît
totalement indigne d'une société démocratique, où sévit la volonté du peuple citoyen par l'instrument de la représentation.
15. V. J. Graham, What works in preventing criminality, In Reducing
offending: an assessment of research on way of dealing with offending behavior, Home Office pub., Research Study, 1997-187, pp. 7-22; R. Cario,
L'intervention psychosociale précoce dans la prévention des comportements
criminels, ln M. Vaillant, J.P. Leblanc (Dir.), Nouvelles problématiques adolescentes, Ed. L'Harmattan, ColI. Sciences criminelles, 2001, pp. 107-126.
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Œuvre dejustice et victimes
Une telle réorientation de la stratégie de lutte contre le phénomène criminel (comportements criminels et actes criminels)
suppose des compétences professionnelles précises et adaptées.
Ce n'est pas le moindre des enjeux de l'aide aux victimes que
de promouvoir la professionnalisation et/ou la spécialisation
des intervenants de l'aide aux victimes. Or de ce point de vue, il
est patent de constater qu'il manque, dans notre système de
justice pénale, un corps professionnel spécialisé: celui de criminologue. Les textes ministériels les plus récents insistent sur
cette inévitable spécialisation et envisagent, comme toujours,
des formations « adaptées », généralement complémentaires à la
formation de base des personnels intéressés. Ce n'est pas suffisant au regard de la complexité du phénomène criminel, humain
par définition. Quand la décision sera-t-elle prise, au plus haut
niveau de l'Etat, de mettre en place des filières universitaires
conduisant au métier de criminologue (englobant celui de victimologue) ? La connaissance élargie des problématiques de la
prévention, de la répression et du traitement du phénomène
criminel ferait de ce professionnel en sciences criminelles
l'interlocuteur privilégié du juge, à qui la décision ne cessera
jamais d'appartenir: interface entre les savoirs techniques des
experts ou des spécialistes de l'aide aux victimes d'une part,
coordonnateur de l'exécution et de l'évaluation des décisions
prononcées, de l'autre, sous le contrôle du juge.
Pareille évolution, à l'instar de la situation observable au
Canada ou en Belgique notamment, consacrant la professionnalisation de criminologues « généralistes» comme la spécialisation aux questions criminologiques classiques (générale et clinique) dans la formation initiale ou continue des divers intervenants du champ de la criminalité, favoriserait grandement les
collaborations partenariales futures, chacun pouvant comprendre les préoccupations de l'autre, tous ayant en commun la recherche des moyens les meilleurs pour favoriser la réparation
des victimes au même titre que la (re)socialisation des condam-
nés 16. Leur situation personnelle et sociale est trop préoccu16. Compo M. Gabel, L'impossible partenariat des professionnels: une
maltraitance institutionnelle indirecte?, ln Les cahiers de l'actif, 1997, 248249, pp. 31-36.
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