« En quoi la seconde guerre mondiale accélère-t-elle le déclin de l’Europe ? »
Le premier conflit mondial avait déjà affaibli la vieille Europe, mais celle-ci
conservant encore une réelle domination géopolitique ne voyait pas son déclin se profiler.
La seconde guerre mondiale accéléra son déclin par le biais des destructions matérielles
et du lourd bilan humain associé aux crimes contre l’humanité, mais aussi par le Nouvel
Ordre Mondial dominé par les Etats-Unis et l’URSS, qu’elle engendra.
L’Europe fut, durant près de six années, le terrain d’affrontement entre les
puissances totalitaires de l’Axe (Allemagne nazie et Italie fasciste) ; les fronts militaires,
mais aussi les bombardements, les actes de résistances et les terribles répressions qu’ils
généraient furent autant de causes qui affaiblirent la vieille Europe. Les voies de
communications sont coupées (lignes ferroviaires, routes), les ports endommagés ou
détruits. Les villes de Normandie qui ont particulièrement été touchées par les
bombardements sont anéanties (Saint-Lô et Le Havre à plus de 80%) ; au Royaume-Uni
la ville de Londres visée par les V2 allemands est elle aussi partiellement en ruine. En
Allemagne, les bombardements américains et britanniques de 1944-45 ont rasé des villes
entières (Düsseldorf, Hambourg …). Les Etats européens sortent anéantis et ruinés de
cette guerre, leur suprématie économique est remise en question.
L’image insoutenable d’un charnier dans le camp d’Auschwitz illustre une autre face
du déclin européen. Le racisme nazi a provoqué la mort de plus de 5 millions de juifs
dans les camps de concentration et d’extermination (holocauste ou shoah), mais il a
aussi entraîné de terribles pertes humaines chez les tziganes et parmi les peuples slaves
(20 millions de soviétiques). L’extermination délibérée de civils par les nazis rend
l’Allemagne responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, puisque
avec la complicité ou la passivité du plus grand nombre, des millions d’êtres humains ont
été humiliés, torturés et exécutés durant près de cinq ans. Alors que la civilisation
occidentale européenne incarnait le progrès et la réussite, son « modèle de
développement » pour le reste du monde est remis en question (à l’image des
existentialistes comme Sartre).
Economiquement détruite, financièrement ruinée, et bouleversée
psychologiquement, les vieilles puissances européennes (Royaume-Uni, France,
Allemagne, Italie) allait voir leur hégémonie s’effacer au profit de nouvelles grandes
puissances qui devaient incarner le Nouvel Ordre Mondial : les Etats-Unis et l’URSS.
Enrichie par la guerre et disposant de la suprématie militaire, les Etats-Unis allaient
se poser comme les grands organisateurs de la reconstruction européenne ; à leurs
côtés, l’URSS de Staline bien qu’affaiblie (destructions et pertes humaines), bénéficiait
d’un énorme prestige lié aux victoires de l’Armée Rouge sur la Wehrmacht en Europe de
l’Est. Ainsi lors des conférences de 1944 et 1945, ces deux nouveaux Grands, allaient
s’imposer sur l’Europe.
Lors de la Conférence de Bretton Woods, les Américains profitent de leur avantage
financier pour imposer un Système Monétaire International qui leur conférait une
hégémonie sur le commerce international ($ as good as gold).
En février 1945, à Yalta, Roosevelt (USA), Staline (URSS), mais aussi Churchill
(R.U.) décident du sort de l’Europe: s’ils se mettent d’accord sur l’anéantissement de
l’Allemagne nazie (dénazification, démilitarisation et décartellisation) responsable de la
guerre, ils vont plus loin en décidant seuls de l’avenir de la Pologne et du devenir de
l’Europe libérée. Certes les « trois grands » agissent dans le but de restaurer la
démocratie, mais c’est sous leur autorité que l’Europe doit se reconstruire. Les zones
d’occupations en Allemagne et en Autriche permettent aux Américains et aux Soviétiques
de conserver une présence militaire en Europe une fois le conflit achevé. Rappelons enfin
qu’après la conférence de Potsdam, Staline a su s’imposer sur l’Europe orientale en
conservant les annexions de 1940 (Etats baltes, Moldavie…) et conserver une sphère
d’influence en Europe centrale, tandis que les Américains disposaient d’une sphère
d’influence en Europe Occidentale (Cf doc.5).
La seconde guerre mondiale a accéléré un déclin européen qui s’amorçait depuis
près de 20 ans. Les grandes puissances comme le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne
allaient s’effacer devant de nouveaux Grands, tandis que la décolonisation allait donner le
« coup de grâce » aux vieux empires d’Europe occidentale.