L’ÉTONNANTE FAIBLESSE DE L’EURO
À la veille de son lancement en janvier 1999, la plupart des analystes et des opérateurs de
marché anticipaient une appréciation de l’euro. On craignait même qu’un euro excessive-
ment fort n’accentue le ralentissement que traversait alors la zone euro. En réalité, la nou-
velle devise s’est dépréciée, de manière quasi ininterrompue, en 1999 et 2000, donnant un
coup de fouet aux exportations et contribuant à faire de l’année 2000 le meilleur cru pour la
croissance en une décennie (OCDE, 2001). Pendant un temps, la dépréciation fut saluée
comme un ajustement cyclique bienvenu, mais sa persistance en 2000 commença à alimenter
des inquiétudes quant aux perspectives d’inflation. Le sentiment s’installa progressivement
que le taux de change s’était déconnecté des fondamentaux, au point que, à l’automne
2000, les autorités monétaires intervinrent pour soutenir l’euro.
La présente étude explore la question d’un éventuel mésalignement de l’euro. Sa trajectoire
anticipée et effective sur le marché des changes est d’abord rappelée, et fait apparaître une
“déception” récurrente. Le cheminement concomitant des taux d’intérêt, reflétant les déci-
sions de politique monétaire et les anticipations du marché, est lui aussi brièvement résumé.
Dans ce contexte, l’efficacité des interventions sur le marché des changes est évaluée.
L’étude passe ensuite en revue les multiples explications avancées pour comprendre la fai-
blesse de l’euro et note qu’aucune d’entre elles n’apparaît pleinement convaincante à elle
seule. Certains travaux économétriques prenant en compte simultanément plusieurs facteurs
explicatifs potentiels rendent mieux compte de la trajectoire de l’euro, même si la plupart
conduisent à penser que l’euro est entré peu après sa naissance dans une phase de sous-éva-
luation. Ce constat est aussi celui auquel aboutit l’analyse économétrique d’inspiration éclec-
tique menée dans la dernière partie de cette étude, qui se concentre sur la période
1999-2000.
ÉVOLUTION ANTICIPÉE ET OBSERVÉE DU CHANGE
La faiblesse de l’euro en 1999 n’avait généralement pas été escomptée, même si ex post il
fut reconnu que l’euro avait peut-être démarré à un niveau relativement élevé. La poursuite
de la dépréciation en 2000 (
GRAPHIQUE
1) a surpris davantage encore. La prévision moyenne
fin 1999 était une appréciation sensible par rapport au dollar des États-Unis, de 4 % à un
horizon de 3 mois, de 11 % sur 12 mois et de 13 % à fin 2001 (selon les données de
Consensus Economics). Tout au long de 2000, on a continué de s’attendre à un rebond, mais
cette attente s’est systématiquement révélée trop optimiste (
GRAPHIQUE
2). En définitive, le
taux de change bilatéral de l’euro a terminé l’année à 0,93 $, c’est-à-dire environ 7 % au-
dessous du niveau de fin 1999 et quelque 21 % au-dessous du niveau de départ deux ans
auparavant, nonobstant un gain de 13 % par rapport au point bas de fin octobre 2000. La
dépréciation par rapport au yen a été elle aussi très marquée en 1999-2000, totalisant 19 %
malgré une remontée de 20 % de l’euro durant les deux derniers mois de 2000. Au cours de
78 Koen, Boone, de Serres et Fuchs-Schündeln / Économie internationale 88 (2001), p. 77-106.