La Lettre du Cardiologue - n° 366 - juin 2003
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VOYAGES AÉRIENS : RÔLE DU CARDIOLOGUE
primordiale : insuffisance veineuse, pathologie cardiaque,
cancer, chirurgie récente, coagulopathie, estrogènes…
② Conseiller
✓Précautions pour tous : information sur le risque ; port de
vêtements amples, ceinture lâche, chaussures peu serrées ; hydra-
tation (un verre d’eau/heure) ; éviter alcool, boissons gazeuses ;
prévention de la stase (pas de jambes croisées, respiration ample
et profonde, déambulation dans l’avion, mouvements périodiques
des mollets).
☛Les futurs passagers peuvent trouver des conseils détaillés sur
certains sites Internet : www.quantas.com, www.airfrance.com
✓Précautions particulières si un risque est reconnu :
●Les bas de contention sont efficaces. Leur efficacité a été démon-
trée par l’étude rapportée par J.H. Scurr (6). Deux cent trente et
un volontaires de plus de 50 ans, sans antécédent d’ATE, ont été
testés sur des vols de plus de 8 heures. Le diagnostic d’accident
thrombotique des membres inférieurs a été étayé sur des argu-
ments échographiques et biologiques (D-dimères). Chez les sujets
portant des bas de contention, aucune phlébite n’a été dépistée,
alors que les sujets sans bas ont présenté 10 % de phlébites asymp-
tomatiques.
●Quel traitement préventif prescrire chez un sujet à risque ?
L’étude rapportée par M.R. Cesarone (7) répond bien à cette inter-
rogation. Elle porte sur 300 sujets à haut risque d’ATE testés pen-
dant un vol de longue durée. Trois groupes homogènes sont tirés
au sort, avec, pour chacun, une prophylaxie différente.
–Un groupe sans aucun traitement médical présente 4,8 % de
thromboses veineuses constituées à l’arrivée.
–Un groupe avec aspirine (400 mg/j pendant 3 jours, début
12 heures avant le vol) présente 3,6 % de thromboses veineuses.
–Un groupe sous héparines de bas poids moléculaire (HBPM)
(une injection à dose curative 2 à 4 heures avant le vol) est le seul
à prouver une efficacité (p = 0,002), avec 0,6 % de thromboses
veineuses constatées.
Notons que 60 % des thromboses veineuses constatées étaient
asymptomatiques, et que 85 % survenaient chez les passagers qui
n’étaient pas placés près des couloirs de circulation (et qui, de ce
fait, déambulaient plus difficilement dans l’avion).
PENDANT LE VOL
Comme tout médecin, le cardiologue peut être appelé à interve-
nir pendant un vol à la demande de l’équipage.
Quel est le taux de réponse à un appel à médecin dans un
avion de ligne ? Selon les statistiques d’Air France, dans 77,6 %
des cas, un médecin répond à l’appel de l’équipage : 89,8 % sur
vols long-courriers, 71,2 % sur vols moyen-courriers et 37,3 %
sur vols court-courriers.
Quels sont les devoirs et les responsabilités d’un médecin qui
est appelé à intervenir dans un avion ? La législation appli-
quée dans un avion est celle de l’État dans lequel l’avion est imma-
triculé (convention de Tokyo, 1963). Il faut savoir toutefois que,
si le diplôme médical du médecin qui intervient n’est pas reconnu
dans le pays d’immatriculation de l’avion, l’urgence prime et
l’intervention de ce médecin est licite.
Les médecins français sont tenus par la loi française de répondre
à un appel ; ils se mettent sinon dans la position de non-assis-
tance à personne en danger. Ils doivent savoir que la loi est appli-
cable à tout médecin français, même s’il vole sur un avion d’une
compagnie étrangère, même en dehors du territoire national, et
même si l’appel concerne un sujet étranger.
Quel est le statut du médecin qui intervient à l’appel de l’équi-
page ? Le médecin requis par le commandant de bord devient
“préposé occasionnel” du transporteur, qui devient alors lui-même
responsable des actes du médecin requis (sauf faute délibérée de
celui-ci). En Europe, il existe plusieurs conventions et, aux États-
Unis, ce type d’intervention est géré par le “Good Samaritan
Act”.
Le médecin qui intervient pour un transporteur européen ou amé-
ricain est systématiquement couvert par des assurances spéci-
fiques. D’autres compagnies ont également ce type d’assurance,
mais pas toutes. Une généralisation est souhaitée.
Il faut retenir que, dans les conditions habituelles d’exercice, le
Sou médical couvre uniquement les actes exercés en Commu-
nauté européenne. Dans une interview, un responsable du Sou
médical indiquait qu’en cas d’intervention en vol d’un de ses
membres affiliés, le Sou médical acceptait une dérogation à cette
règle et couvrait la responsabilité du médecin. Cela mériterait un
avenant écrit. Dans les faits, la responsabilité personnelle du
médecin intervenu à bord n’a jusqu’alors été qu’exceptionnelle-
ment mise en cause.
Quand le médecin est-il appelé à intervenir ? L’équipage com-
mercial est formé pour réaliser un diagnostic “secourisme”. Il
peut mettre en œuvre des boîtes de médicaments de premiers
secours (“boîtes hôtesses”) et de l’oxygène. S’il l’estime néces-
saire, il fait appel à un médecin passager (“médecin bon Sama-
ritain”).
Moyens du médecin à bord
L’intervention médicale à bord d’un avion est loin d’être
facile. Cela tient au confinement, à l’espace exigu, et il existe peu
d’endroits où allonger un patient. Des problèmes de confidentia-
lité peuvent se poser, et l’attitude des autres passagers est parfois
gênante. Les problèmes médicaux rencontrés sont de nature très
diverse, et le praticien qui intervient peut ne pas être compétent
dans le domaine à traiter.
Le médecin dispose de la trousse médicale d’urgence de bord
(“trousse docteur”), qui sera ouverte à sa demande après contrôle
de sa carte professionnelle (tableaux I et II). Sur Air France,
chaque médicament est accompagné d’une fiche d’utilisation en
français et en anglais.
Synthèse : sujet à risque thromboembolique veineux ➾ bas de conten-
tion + HBPM à dose curative avant le vol + certificat médical pour obte-
nir un siège près d’un couloir.