Consultez les actes - Collectif des entreprises d`insertion du Québec

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Première Rencontre internationale
des entreprises d’insertion des pays francophones
MONTRÉAL • DU 18 AU 22 OCTOBRE 2004
REMERCIEMENTS
Un tel événement requiert des fonds importants et nous tenons à souligner la collaboration de nos
partenaires financiers sans qui un tel événement n’aurait pu avoir lieu :
Pour le financement de la rencontre :
• Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille ;
• Emploi-Québec ;
• Ministère du Développement économique régional et de la Recherche ;
• Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration ;
• Ministère des Relations internationales ;
• Ministère des Affaires municipales, du Sport et du Loisir ;
• Fonds jeunesse Québec ;
• Secrétariat à la Jeunesse - Bureau du Premier ministre du Québec ;
• Agence Québec Wallonie Bruxelles pour la Jeunesse ;
• Fondation Lucie et André Chagnon ;
• Communauté française et de la Région Wallonne de Belgique ;
• Délégation Wallonie-Bruxelles au Québec
Pour le financement de la recherche comparative :
• Programme d’aide technique en développement économique communautaire (PATDEC)
• Chaire pour l’insertion socio-économique des personnes sans emploi (INSÉ)
• Alliance recherche université communauté (ARUC)
Pour la publication des actes :
• Caisse d'économie solidaire Desjardins
• Réseau d’investissement social du Québec
• Filaction,
• Fonds de financement coopératif (FFC)
• Fondaction
• Investissement-Québec
DES REMERCIEMENTS À CEUX ET CELLES QUI ONT FAIT DE CET ÉVÉNEMENT UN SUCCÈS.
Les membres du comité organisateur
• Chantal Aznavourian, Collectif des entreprises d’insertion du Québec
• Jacques Bertrand, La Relance Outaouais
• Natalie Larose, Restaurant le Piolet
• Claudine Lefebvre, Collectif des entreprises d’insertion du Québec
• Darllie Pierre-Louis, Buffet Accès Emploi
• André Trudel, D-Trois-Pierres
• Isabelle Vallée, Petites-Mains
Les partenaires européens
• Christophe Dunand, Réalise (Suisse),
• Joël Gillaux, Daniel Térasse, Interfédération des organismes de formation et d’insertion
Wallonie-Bruxelles (Belgique),
• Gabriel Maissain, Fédération bruxelloise des opérateurs d’insertion socioprofessionnelle (Belgique),
• Brigitte Ogée, Comité national des entreprises d’insertion (France),
• Jean-Claude Pittet, Association du Relais (Suisse)
• Salvatore Vetro, Réseau des entreprises sociales (Belgique)
Rencontre internationale
des entreprises d’insertion
MONTRÉAL • DU 18 AU 22 OCTOBRE 2004
Annick Van Campenhout, Barbara Rufo et Pierre Montreuil de la coopérative de travail Interface ont
préparé ce document à partir des différents documents fournis par les conférenciers et les animateurs
d’ateliers. Lorsque les documents écrits n’étaient pas disponibles, nous nous sommes référés aux
enregistrements sonores fournis par C.A.F.É. Paradoxe. Afin d’alléger la lecture du document, l’utilisation du
masculin englobe le féminin.
Photos © Michael Hogan
Présentations
des actes
Du 18 au 22 octobre 2004, s'est tenue, à Montréal, la première Rencontre internationale des entreprises
d’insertion. L’événement visait à ce que des hommes et des femmes qui œuvrent à la réinsertion sociale et
professionnelle des populations marginalisées aient la possibilité d’échanger sur leurs pratiques, leurs
valeurs, leurs spécificités et leurs convergences.
Quelques mois plus tard, force est d’admettre que rencontre il y a eu. Les personnes présentes qui, pour
l’immense majorité, ne se connaissaient pas, ont profité de l’opportunité pour créer des liens, pour se parler
et peut-être même, l’avenir nous le dira, pour jeter les bases d'un réseau international des entreprises
d’insertion.
Le présent document se veut la mémoire de cette rencontre et de la volonté de ces milliers de personnes
qui, à travers la francophonie, livrent un combat quotidien à l’exclusion sociale et économique de leurs
concitoyens. D’ailleurs, par delà la symbolique du geste, la Déclaration de Montréal, adoptée au terme de
la Rencontre internationale, se veut un rappel de ce combat et de cet engagement.
J’adresse mes remerciements les plus chaleureux à tous ceux et celles qui ont contribué au succès de cette
première Rencontre internationale : les membres du Comité organisateur, les organismes financeurs ainsi
que la quarantaine de personnes qui ont bénévolement accepté d’animer les ateliers.
J’ai cru remarquer tout au long de cette Rencontre internationale que, si certains éprouvent des inquiétudes
et de la colère face aux réalités économiques, sociales et politiques qui sont de plus en plus excluantes,
l’humour et la notion de plaisir semblent, encore et toujours, être des outils à la fois sains et indispensables
à la lutte contre les exclusions.
Le succès de la première Rencontre internationale permet d’affirmer qu’il y en aura une deuxième. Nous
avons déjà choisi l’endroit, la Belgique, et le moment, le printemps 2007. C’est avec plaisir que nous
passons le flambeau à nos camarades belges pour l’organisation de la deuxième Rencontre internationale
des entreprises d’insertion des pays francophones.
Bonne lecture et on se revoit tous en Belgique !
André Trudel
Président, Collectif des entreprises d’insertion du Québec
Les commanditaires
La production des Actes de la première Rencontre internationale des entreprises d’insertion des pays
francophones a été rendue possible grâce à la généreuse contribution des organismes suivants :
« Faire ensemble, Faire autrement »
Fondée en 1971, La Caisse d’économie Desjardins des Travailleuses et des Travailleurs (Québec) porte
depuis le 1er octobre 2004 un nouveau nom : Caisse d’économie solidaire Desjardins. Elle est une
institution financière opérant dans le cadre québécois des coopératives de services financiers.
Offrant une gamme complète de produits et de services financiers tant aux personnes qu’aux organisations
et entreprises collectives, la Caisse se distingue par sa mission et l’accompagnement de ses membres. Elle
fait de la banque avec le souci d’introduire de la solidarité dans l’économie par une participation au
développement des communautés et de leur capacité d’innover et d’entreprendre ensemble. Au critère de
la viabilité économique, elle ajoute la rentabilité sociale et le dynamisme des collectivités.
La Caisse propose de renouveler les rapports avec l’argent en conjuguant une pluralité de valeurs dans une
perspective de développement solidaire et durable. Elle présente des produits innovateurs comme l’épargne
solidaire, le capital solidaire, le prêt solidarité et un programme de soutien pour les coopératives d’habitation. Reconnue comme l’institution financière de l’économie sociale et solidaire au Québec, elle œuvre
particulièrement au sein des réseaux coopératif, communautaire, culturel et syndical. Elle constitue un outil
privilégié pour celles et ceux qui veulent gérer leurs besoins financiers de manière socialement responsable.
Avec une équipe de près de 80 personnes, réparties sur 3 centres de services (Québec, Montréal et Joliette),
la Caisse intervient sur tout le territoire du Québec. Au 31 mars 2003, elle accompagnait plus de 2 800
associations et entreprises collectives et plus de 7 300 personnes. Son actif s’établissait à 337 millions $.
Le Fonds de financement coopératif est le fruit d’un partenariat entre Fondaction CSN et le Réseau
d’investissement social du Québec. Il vient s'ajouter à un ensemble d'outils de financement socialement
responsables, afin de développer l'économie du Québec à l'image de nos valeurs et de nos besoins. Le Fonds
de financement coopératif investit exclusivement dans des entreprises collectives dont la gestion collective,
les principes démocratiques et les finalités sociales respectent le cadre exposé dans le manifeste du Conseil
de la coopération du Québec, (États généraux de la coopération du 1er mai 1992), pour ce qui est particulier
aux coopératives, et à la définition d'une entreprise d'économie sociale telle que définie par le Chantier de
l'économie sociale du Québec (Sommet sur l’économie et l’emploi, octobre 1996, rapport «Osons la solidarité»).
Il couvre les besoins de financement en capitalisation des entreprises d'économie sociale pour des montants
se situant entre 100 000 $ et 250 000 $, et plus en cas de réinvestissement. C'est FILACTION qui est chargé
d'en assurer la gestion.
« Tout un monde à bâtir »
Créé en 1996, FONDACTION, le Fonds de développement de la CSN pour la coopération et l’emploi, fait partie
d’un réseau d’institutions mis sur pied à l’initiative de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).
La cueillette d’épargne-retraite et l’investissement en constituent les deux grands volets d’activité. En plus
de veiller à la rentabilité et à la sécurité de l’épargne qui lui est confiée, FONDACTION participe au maintien
et à la création d’emplois au Québec. Il concourt également au développement de pratiques financières plus
responsables en intégrant des critères éthiques, sociaux et environnementaux à ses choix d’investissement.
Partenaire de l’économie sociale, FONDACTION favorise les entreprises inscrites dans un processus de
gestion participative, les OBNL, les coopératives et celles dont les décisions ou les activités contribuent à la
protection ou à l’amélioration de la qualité de l’environnement. FONDACTION privilégie les investissements
se situant entre 1 et 3 millions de dollars et peut continuer à accompagner les entreprises dans leurs phases
de financement ultérieures. Le Fonds peut aussi intervenir à compter de 250 000 $. Afin d’encourager les
entreprises d’économie sociale dont les besoins sont inférieurs à ceux auxquels il peut répondre directement,
FONDACTION a participé à la création de deux fonds partenaires, FILACTION et le Fonds de financement
coopératif.
« Du capital de développement à valeur ajoutée sociale »
FILACTION s’est donné pour mission de contribuer à préserver et maintenir des emplois de qualité dans la
société québécoise. FILACTION apporte aux entreprises et aux fonds de micro-crédit du Québec une partie
de la capitalisation requise pour l’atteinte de leurs objectifs de développement économique et social.
FILACTION est le fruit d’un double partenariat avec FONDACTION. Ses capitaux investis proviennent d’un
financement de FONDACTION. Ce sont donc indirectement les épargnes des travailleuses et des travailleurs
qui lui permettent de mener à bien sa mission. Il est également responsable de la gestion du Fonds de
financement coopératif dédié aux entreprises d’économie sociale du Québec dont FONDACTION est le
principal commanditaire. Il appuie plus particulièrement :
•
les entreprises qui encouragent la participation des travailleurs aux décisions qui les concernent,
quelle que soit leur forme juridique.
•
les entreprises de l’économie sociale et solidaire.
•
les fonds de développement local, qui donnent accès à du micro-crédit et apportent conseils et soutien
à des personnes et des groupes, en vue de favoriser leur autonomie économique.
Le Réseau d’investissement social du Québec (RISQ) a été fondé en 1997 suite à un engagement du
milieu des affaires et du Chantier de l’économie sociale. Ensemble, nous avons choisi de relever le défi
d’entreprendre autrement.
Le RISQ est un organisme privé, à but non lucratif, dont la mission est de rendre accessible un financement
adapté à la réalité des entreprises d’économie sociale. Il vise le soutien au développement des collectivités
en favorisant l’essor des entreprises collectives par l’injection de capital de connivence ou via une aide
technique contribuant à la réalisation de projets créateurs d’emplois durables et de qualité.
Le RISQ a également pour objet de :
•
favoriser le développement d’un modèle québécois d’économie sociale, qui se mesure par la rentabilité
sociale qu’elle engendre et qui contribue à une augmentation nette de la richesse collective ;
•
favoriser la concertation des intervenants financiers à l’égard des projets des entreprises d’économie
sociale ;
•
développer et diffuser des méthodes d’analyse financière adaptées aux réalités des entreprises
d’économie sociale ;
•
favoriser la reconnaissance des pratiques de gestion originales et efficaces de ces entreprises, notamment
auprès des intervenants financiers.
À ce jour, le RISQ a investi plus de 680 000 $ dans 21 projets d’entreprises d’insertion permettant ainsi des
investissements totaux de près de 9 M$.
« Soutenir les entreprises à tous les stades de développement »
Quels que soient leur nature ou leur stade de développement, Investissement Québec aide les entreprises
à réaliser leurs projets en leur offrant des produits financiers adaptés à leurs besoins.
La Vice-présidence aux coopératives et autres entreprises de l’économie sociale est spécialement mandatée
pour offrir les services d’Investissement Québec aux entreprises coopératives et à but non lucratif. Elles
peuvent ainsi avoir un meilleur accès au financement offert par les institutions financières ou même
améliorer leur équité de façon à présenter une structure financière plus équilibrée.
Au 31 mars 2003, Investissement Québec était en relation d’affaires avec près de 500 entreprises de
l’économie sociale pour des engagements financiers de l’ordre de 230 millions de dollars.
Active auprès des entreprises de l’économie sociale depuis plus de 25 ans, Investissement Québec est en
mesure de contribuer à leur développement en élaborant, en partenariat avec les institutions financières,
des solutions financières adaptées à leurs besoins.
Table des matières
Présentations des actes
Les commanditaires
Historique de la Rencontre internationale
Convergences et différences
9
11
Ouverture de la Rencontre internationale des entreprises d’insertion
Objectifs et enjeux
Discours d’ouverture
Présentation de la recherche comparative
13
13
17
24
Conférence : les rapports avec les acteurs du milieu
Présentation de Monsieur Jean-Paul Héliot, France
Présentation de Madame Chantal Aznavourian, Québec
Présentation de Monsieur Gabriel Maissin, Belgique
Présentation de Madame Esther Widmer, Suisse
Synthèse des interventions des participant et discussions
35
35
38
41
45
47
Les ateliers
Le développement social et professionnel des participants
La vie démocratique
La formation du personnel
Le portrait des problématiques des participants
49
50
54
58
61
Conférence :
La naissance et le développement des entreprises d’insertion
Présentation de Monsieur Salvatore Vetro, Belgique
Présentation de Monsieur Christian Jacquot, France.
Présentation de Monsieur Jacques Bertrand, Québec
Présentation de Monsieur Christophe Dunand, Suisse
Synthèse de Monsieur Frédéric Lesemann,
Synthèse des intervention des participants et discussions
Conclusions et perspectives
65
65
68
72
76
83
86
89
Annexes
Annexe I :
Annexe II :
Annexe III :
La déclaration de Montréal
Liste des participants
Liste et coordonnées des associations nationales
Historique de la Rencontre
internationale des entreprises
d’insertion
L’idée d’organiser une Rencontre internationale des entreprises d’insertion a germé dans la tête de quelques
personnes en 2002. Charles Fillion, qui assumait à l’époque la fonction de directeur général du Collectif des
entreprises d’insertion du Québec, en fut l’un des principaux promoteurs. C’est le 13 mars 2002, 30 mois
avant l’événement, qu’il est fait mention pour la première fois d’une rencontre dans un procès-verbal du
conseil d’administration du Collectif.
Quelques mois plus tard, le conseil autorise l’engagement d’une personne, Madame Sophie Gélinas, qui sera
plus tard remplacée par Madame Claudine Lefebvre, pour voir à l’organisation de cette rencontre. Monsieur
Fillion quitte ses fonctions en juillet 2003 et est remplacé par Madame Chantal Aznavourian qui a avait fait
sa marque dans le milieu des entreprises d’insertion au Québec alors qu’elle assurait la direction du
Resto-Plateau.
En préparation à cette rencontre, trois missions ont eu lieu : deux fois les Québécois sont allés en Europe,
une fois les Belges sont venus au Québec.
Mission en Wallonie-Bruxelles (du 26 avril au 10 mai 2003)
Concrètement, cette mission a permis d’observer sur le terrain, en Wallonie-Bruxelles, ce qui se fait en
matière d’insertion par l’économique, de rencontrer des travailleurs permanents et en formation, de voir les
produits et services offerts par les entreprises. Ainsi, les personnes envoyées en mission ont consolidé les
contacts existants avec les partenaires et en ont créé de nouveaux. Des partenariats ont été établis entre
le Collectif et des regroupements de la Wallonie et de Bruxelles afin de réaliser la Rencontre internationale.
Les enjeux reliés à l’élaboration des chantiers de discussions, le financement, les objectifs, les résultats, le
public visé par la Rencontre internationale ont été discutés.
Accueil d’une mission de Bruxelles (du 24 au 28 novembre 2003)
Le comité organisateur avait programmé des sessions de travail avec les représentants de l’Interfédération
(regroupement de cinq fédérations d’entreprises en insertion socioprofessionnelle) et les représentants du
FOREM. Cette mission a permis de préparer la Rencontre internationale, mais aussi de comprendre de
manière approfondie les mécanismes de l’insertion sociale et professionnelle dans les deux sociétés. Des
visites d’entreprises d’insertion du Québec étaient à l’horaire.
Historique
Cette mission a été possible grâce au soutien de l’Agence Québec Wallonie Bruxelles pour la Jeunesse et la
Commission mixte permanente Québec Wallonie-Bruxelles et a atteint ses objectifs soit d’établir des contacts
privilégiés, d’obtenir des engagements et des partenariats clairs et de constater les ressemblances et les
différences par rapport aux entreprises d’insertion québécoises. Ces observations enrichiront la partie contenu
de la rencontre.
9
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Mission en Belgique, en France et en Suisse
(Du 18 au 24 avril 2004)
Des membres du comité scientifique de la Rencontre internationale sont allés valider les données de la
recherche comparative auprès des partenaires européens. Cette visite leur a permis d’échanger sur
différentes réalités dans le but d’enrichir la partie « contenu » de l’événement, de visiter des entreprises
d’insertion et de consolider les contacts déjà existants. Les monographies de chaque pays ont été présentées
aux partenaires afin qu’ils puissent donner leurs commentaires sur la recherche.
Cette visite a fait en sorte d’enrichir la recherche comparative intitulée « Un portrait des initiatives de
formation par le travail et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie belge » réalisée dans le
cadre de la Rencontre internationale par le Collectif et des chercheurs de la Chaire sur l’insertion
socio-économique des personnes sans emploi (Insé) de l’UQAM. Cette mission a été soutenue en partie par
la Chaire Insé et le PATDEC.
Téléconférences
Plusieurs téléconférences ont eu lieu avec le comité international qui a été mis en place dans le cadre de
l’organisation de la Rencontre internationale. Ces téléconférences ont réuni des représentants de la
Belgique, de la France, de la Suisse et du Québec. Elles ont permis d’établir un contact solide, de s’entendre
sur le type d’événement, d’élaborer les chantiers de discussions et de parler des différentes étapes à suivre
dans la réalisation de la Rencontre internationale.
Du renfort
En janvier 2004, le Collectif des entreprises d’insertion retient les services d’une entreprise d’économie
sociale de consultants, la Coopérative de travail Interface, dont les responsabilité seront de voir à l’élaboration
et la gestion des contenus, de fournir le soutien logistique que requiert l’organisation d’un tel événement et
d’assurer la production des Actes.
Historique
La première Rencontre internationale des entreprises d’insertion des pays francophones s’est déroulé du 18
au 22 octobre 2004, à l’Hôtel Crowne Plazza, en plein cœur de Montréal.
10
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Convergences et différences
Entreprises d’insertion d’ici et d’ailleurs
Entreprise d’insertion : une contradiction ? Un paradoxe ? Depuis de nombreuses années, en Belgique, en
France, au Québec ou en Suisse, les entreprises d’insertion non seulement endossent, mais revendiquent,
comme étant la base de leur identité propre, cette étrangeté qui ressemble à une antinomie. Derrière cette
apparente incompatibilité se trouve le fondement même de cette intervention atypique et originale :
mettre l’économique au service du social.
Le choix des mots
Par-delà ce modèle théorique fondateur, on trouve, en fonction des réalités locales, régionales ou
nationales, des structures un peu différentes. En effet, les entreprises d’insertion sont, avant tout, le reflet
de leur milieu et, en cela, elles sont teintées de l’Histoire de leur territoire. Histoire et histoires qui donnent
à la réalité des entreprises d’insertion des couleurs très différentes :
•
histoire des institutions (rôle de l’État, des financeurs, des politiques…) ;
•
histoires économiques et sociales (rapport au travail, législations, représentations de l’entrepreunariat,
place du travail social…) ;
•
histoires locales et singulières (partenariats, jeux d’acteurs, parcours de vie…).
Il va de soi que ces différences recouvrent des pratiques linguistiques qui témoignent de localismes ou de
l’évolution du français, mais ne sont-elles pas, également, révélatrices d’une certaine hétérogénéité des
structures ? Ainsi, pour revenir aux termes employés pour désigner les personnes en difficulté d’insertion
sociale et professionnelle : on peut émettre l’hypothèse que les variétés d’usages révèlent des pratiques et
des réalités différentes. Ainsi, l’emploi du mot stagiaire indique, en l’occurrence, que la personne ne
bénéficie pas d’un salaire, le terme de participant témoigne de traces anciennes d’un système lié à des
programmes, et le terme de salarié en insertion distingue les salariés « de passage » dans l’entreprise des
permanents.
Dans la même logique, les termes qui désignent le personnel permanent sont des indicateurs des modes
d’intervention des entreprises d’insertion. En effet, en fonction des pays, mais également, parfois à
l’intérieur d’une même réalité nationale, l’usage des différents termes indique tantôt une prépondérance de
l’économique sur le social, tantôt l’inverse, ou encore, par exemple, une vision de l’intervention où la
formation technique prédomine sur l’accompagnement social.
Convergences et différences
La variété des termes utilisés pour décrire une même réalité constitue notre première différence Ainsi, pour
désigner les personnes accueillies en entreprise d’insertion, on parle tour à tour de public, de clientèle, de
participant, de salarié en insertion, de bénéficiaire, de stagiaire… Il en est de même pour le personnel
permanent nommé, selon les lieux et circonstances tantôt encadrant, formateur, accompagnateur,
intervenant technique, travailleur social, intervenant psychosocial, tuteur, conseiller…
11
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
De la pratique aux valeurs
On notera d’abord des différences liées aux statuts des entreprises d’insertion (structures à but non lucratif
ou pas) qui influent sur le type de gestion et sur les formes de démocratie interne adoptées. La participation
des bailleurs de fonds au système de l’insertion par l’activité économique dans son ensemble est aussi très
variable. Ici on rencontre des accords pluriannuels alors, qu’ailleurs, seules des ententes à l’année sont signées,
sans parler du taux de financement pour les postes d’insertion sur l’ensemble du budget des structures. Les
stratégies d’intervention auprès des clientèles, dont il est impossible de faire ici la nomenclature, sont
riches, variées, prometteuses et révélatrices de leur milieu.
Mais, au-delà des pratiques, on retrouve des valeurs communes à tous les pays. La première serait celle qui,
malgré la diversité des modèles théoriques, centrerait toutes les préoccupations autour de la personne. C’est
l’individu au prise avec des difficultés d’insertion sociale et professionnelle et la prise en compte de ses
besoins qui donne sens, partout, à tous les modes d’intervention.
Par ailleurs, certaines valeurs sont également partagées : celles de l’engagement, du déploiement de toutes
les énergies au service d’une cause commune, la volonté de comprendre, le désir de partager des
expériences et expertises, la croyance en un système « en mouvement » qui nécessite des adaptations
permanentes…
Vers un langage commun
La Rencontre internationale aura permis de constater qu’il y a des écarts, parfois importants, dans la façon
de nommer les réalités, mais que, pour l’essentiel, Européens et Québécois se comprennent très bien.
Convergences et différences
Un lexique a été préparé par les chercheurs qui ont réalisé la recherche comparative. Il permet de situer le
langage utilisé dans les différents pays en fonction des niveaux et des types d’intervention et d’intervenants.
12
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Ouverture de la Rencontre internationale
des entreprises d’insertion
18 octobre 2004
Objectifs et enjeux
Extraits de la présentation de Madame Madeleine Poulin, journaliste, Maître de cérémonie de la
Rencontre internationale
LES OBJECTIFS
•
Confronter nos pratiques respectives pour améliorer nos services auprès des personnes éprouvant des
difficultés d’intégration au marché du travail ;
•
« Réseauter » le personnel des entreprises d’insertion des pays francophones et établir des contacts
solides afin de poursuivre les échanges après la rencontre ;
•
Identifier des pistes d’actions et des actions mobilisatrices sur la scène internationale portant sur
l’exclusion économique et sociale des personnes, la lutte à la pauvreté et l’économie sociale ;
•
Créer un observatoire des pays francophones sur les entreprises d’insertion où des lieux de discussions
poutront être créés, des ressources mises en commun et des recherches effectuées ;
•
Produire un texte portant sur chacun des enjeux de la Rencontre internationale et en assurer le suivi
s’il y a lieu ;
•
Publier une analyse comparative sur les situations en matière d’insertion et sur la question de
l’évaluation des entreprises d’insertion en Belgique, au Québec, en France et en Suisse suite aux
recherches effectuées par le Comité scientifique de la Rencontre internationale, composé de
chercheurs issus des pays participants.
LES ENJEUX
Les enjeux de la Rencontre internationale sont à 3 niveaux :
Donc une rencontre… Pour qui ? Pour ceux et celles qui interviennent, travaillent, administrent, dirigent des
entreprises d’insertion ainsi que ceux et celles qui collaborent avec elles. Pour y faire quoi ? ÉCHANGER, SE
CONNAITRE, PARTAGER.
À quel sujet ?
•
notre vécu,
•
nos expériences,
•
nos analyses,
•
nos visions.
Objectifs et enjeux
Le premier niveau est lié à la nature de l’événement : une rencontre : pas un colloque, pas un forum, pas un
séminaire, pas un congrès, pas un symposium, pas une conférence ; une rencontre. L’appellation « rencontre »
n’est pas innocente. Parmi les définitions du mot « rencontre » que suggère Le Petit Larousse, il y a celle-ci :
« entrevue, conversation organisée entre deux ou plusieurs personnes. »
13
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Le deuxième niveau d’enjeux réfère au sens même de la démarche d’insertion. Dans la mesure où, comme
le disait Maître Pierre Marois, « la pauvreté est un déni de droit », le travail de l’entreprise d’insertion est un
acte de rétablissement des droits de ceux et celles qui vivent des situations d’exclusion économique et
sociale. L’entreprise d’insertion est au travail ce que l’enseignement public est à l’éducation : un exercice de
démocratisation, un exercice qui vise une meilleure égalité des chances et une meilleure répartition des
richesses collectives.
Les valeurs de l’entreprise d’insertion sont en porte-à-faux de celles qui dominent actuellement la société
occidentale. À beauté, force, productivité et profit (presque à tout prix), les entreprises d’insertion opposent
lutte à l’exclusion des moins beaux, des moins forts, des moins productifs et des moins profitables.
Maintenir ce cap en dépit des efforts déployés pour restreindre l’intervention de l’État, est un soi un enjeu.
Dans chacun des pays, des entreprises vouées à l’insertion sociale et professionnelle ont développé une
approche et une expertise, un savoir-faire et un savoir-être. Ces entreprises sont aux prises avec des
problématiques de plus en plus complexes qui exigent davantage des expertises nouvelles, des savoir-faire
nouveaux. À maints égards, il faut continuellement réinventer la roue pour maintenir le cap.
Cet état de fait permet de formuler deux enjeux qui mettent en lien la démarche d’insertion et la Rencontre
internationale :
•
Offrir l’opportunité à des personnes partageant des horizons professionnels communs, dans un
contexte géographique très différent, d’échanger sur leur façon de faire, de voir, de penser, bref de
jeter les bases de ce qui pourraient devenir un réseau international des entreprises d’insertion ;
•
Situer un cadre de réflexion social, économique et politique qui permettra de positionner la
problématique d’intégration sociale et professionnelle des personnes marginalisées dans un contexte
de mondialisation des marchés et surtout des solidarités et de dégager des perspectives d’avenir.
Enfin, le troisième niveau d’enjeux réfère aux thèmes que l’on soumet à votre réflexion dans le cadre de
cette rencontre. Si l’appellation « rencontre » n’est pas anodine, le choix des thèmes ne l’est guère moins.
Les plénières
Deux thèmes seront abordés en plénière : les rapports avec le acteurs du milieu et la naissance et le
développement des entreprises d’insertion.
Objectifs et enjeux
LES RAPPORTS AVEC LES ACTEURS DU MILIEU
Dans leur milieu respectif, les entreprises d’insertion (EI) entretiennent des rapports de différentes natures
avec les acteurs socio-économiques que sont les entreprises privées, la société civile et les organismes
communautaires. En raison de leur activité économique, elles se reconnaissent comme partie prenante des
réseaux de l’économie sociale et solidaire. Leur mission d’insertion sociale et professionnelle interpelle, de
façon différente mais non moins tangible, plusieurs instances gouvernementales et les syndicats. Le même
interlocuteur peut selon les circonstances être un partenaire, un client, un fournisseur ou un mandataire.
Plusieurs EI tirent leur origine du travail d’organismes communautaires préoccupés par les situations
d’exclusion sociale et professionnelle.
Ces préoccupations témoignent d’une vision plus large du développement local qui s’oppose au néolibéralisme,
producteur d’exclusion, essentiellement centré sur la performance économique. Les enjeux liés à ce thème
sont :
•
l’implication de la société civile à la réalisation de la mission de EI ;
•
le rôle de l’État, partenaire ou bailleur de fonds ;
•
la consolidation des rapports des EI avec les milieux d’affaires .
14
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
LA NAISSANCE ET LE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES D’INSERTION
Par leur mission, les EI doivent arriver à marier deux dimensions habituellement étanches : l’une sociale et
l’autre économique. Elles doivent conserver un équilibre entre l’insertion et le marchand. Tout en
satisfaisant aux exigences du marché, elles doivent réaliser leur mission de reconduire des personnes loin
du marché du travail dans des emplois conventionnels.
Le développement des EI doit passer par une reconnaissance de leur apport au marché du travail, d’une
évaluation adéquate de leur action et du rôle de régulation qu’elles jouent dans une perspective de
raréfaction annoncée de main-d’œuvre. Cette évaluation passe par la définition de critères adaptés aux
deux dimensions économique et sociale. Les enjeux liés à ce thème sont :
•
les facteurs guidant les choix sociaux de l’entreprise ;
•
l’évaluation de la pertinence des choix sociaux ;
•
la rentabilité comme étant le seul facteur guidant les choix économiques ;
•
l’évaluation de la performance économique en lien avec sa mission sociale.
Les ateliers
Il est important d’abord de rappeler les objectifs poursuivis en atelier : les discussions en atelier permettront
de distinguer ce qui est commun de ce qui est spécifique et ce en fonction de trois dimensions
•
un partage sur les pratiques (le comment et le quoi) ;
•
les fondements idéologiques que sous-tendent ces pratiques (le pour qui et le pourquoi) ;
•
les perspectives, la vision à long terme (le vers quoi).
LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL ET PROFESSIONNEL DES PARTICIPANTeS
Le développement social et professionnel des participantEs est centré sur les besoins des individus. Il lie
autant les aspects personnels et sociaux que professionnels. Il est intégré au parcours d’insertion et vise
l’amélioration du savoir-faire technique, du savoir-être au travail et dans la société. Ainsi, les aptitudes et
les attitudes acquises permettent d’exercer pleinement sa citoyenneté et de favoriser l’affirmation de soi.
•
la compréhension des réalités vécues par les participantEs en fonction des milieux (en l’occurrence
vos dynamiques nationales) ;
•
le processus de reconnaissance ;
•
l’identification des obstacles rencontrés et les pièges à éviter .
LA VIE DÉMOCRATIQUE
En faisant en sorte que les populations les plus marginalisées d’une collectivité donnée développent les
compétences personnelles et les habiletés professionnelles leur permettant d’occuper un emploi, comme
n’importe quel autre citoyen, l’EI contribue à la démocratisation du travail, donc de la richesse. L’EI exprime
la volonté d’un milieu, qu’il soit géographique (ville ou quartier) ou d’intérêts (jeunes, immigrants, etc.) de
venir en aide aux populations les plus démunies en leur donnant l’occasion d’occuper un emploi valorisant
qui permet de « gagner sa vie ».
Objectifs et enjeux
La formation globale est d’une grande importance pour obtenir une insertion durable et ainsi répondre à la
mission des entreprises d’insertion. La formation est relativement facile à réaliser lorsqu’il s’agit du domaine
technique, tant du côté des éléments à transférer que de l’intérêt des personnes en insertion. Par contre,
elle est plus complexe lorsqu’il s’agit d’aborder la dimension personnelle. Les enjeux liés à ce thème sont :
15
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
L’assemblée générale et le conseil d’administration sont les porteurs de cette volonté ; l’assemblée générale
parce qu’elle est le chien de garde des orientations et du choix des administrateurs, le conseil d’administration
parce qu’il porte la responsabilité politique de la philosophie de gestion de l’EI, du plan d’action et de sa
mise en œuvre. L’EI se doit d’être arrimée aux préoccupations sociales du milieu dont elle est issue. Les
enjeux liés à ce thème sont :
•
la responsabilité des EI en regard à l’éducation des participants à la vie démocratique, donc à l’exercice
d’une citoyenneté responsable ;
•
la gestion participative : une piste de travail ou une utopie ;
•
le caractère démocratique des entreprises comme point d’ancrage des relations qu’elles entretiennent
entre elles.
LA FORMATION DU PERSONNEL PERMANENT
La formation du personnel permanent est un enjeu d’adaptation continue des entreprises à leur environnement
(qui est de plus en plus changeant), et donc de développement. Les entreprises d’insertion sont encore plus
confrontées à cette réalité du fait de leur mission d’insertion. Cette autre dimension doit être prise en
compte car elle soulève bien des défis humains et impose, notamment, au personnel technique d’avoir un
minimum de compétences complémentaires dans le domaine psychosocial (développement humain,
développement social, développement des compétences techniques et transversales). Par ailleurs, les valeurs
humanistes portées par les EI amènent des principes de gestion participative, de démocratie au travail, de
partenariats.
Ces principes ont besoin d’être outillés car ils ne sont pas universellement enseignés et le personnel des
entreprises d’insertion provient de différents mondes professionnels, parfois très éloignés des valeurs
véhiculées dans les EI. Les enjeux liés à ce thème sont :
•
les types de formation utilisés ;
•
l’identification des pratiques gagnantes ;
•
la formation par les pairs comme une piste à explorer.
L’AGGRAVATION DES PROBLÉMATIQUES DES PARTICIPANTeS
Objectifs et enjeux
Les EI constatent depuis quelques années que les clientèles qui leur sont référées ou qui font appel à leurs
services présentent des problématiques de plus en plus complexes : problèmes de santé mentale, problèmes
de comportement, toxicomanie, sans domicile, déficience intellectuelle, etc. Non seulement les problématiques
sont-elles plus complexes, mais il est de plus en plus fréquent de voir arriver des individus qui présentent
des problématiques cumulées qui sont l’émergence de difficultés personnelles, sociales et économiques
particulièrement importantes, voire envahissantes. Les enjeux liés à ce thème sont :
•
aggravation ou manque de ressources des EI ;
•
la (ou les) responsabilitéS des EI en regard de cette réalité ;
•
la place de la pré-insertion dans le processus de développement des compétences personnelles et
sociales.
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Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Discours d’ouverture
Extraits de l’allocution prononcée par Maître Pierre Marois, Président de la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse (Québec) à l’occasion de l’ouverture de la Rencontre
internationale
Vous me permettrez, en premier lieu, de vous féliciter pour l’à-propos et la pertinence de cette Rencontre
internationale des entreprises d’insertion. En premier lieu, parce que ce que vous accomplissez notamment,
en France, en Belgique, en Suisse, au Québec et ailleurs, mérite, et je dirais même, doit être davantage su
et connu partout. En second lieu, parce que, vous aussi, durant ces journées de Rencontre internationale,
désirez tenter d’identifier des pistes de solution et des actions mobilisatrices portant sur « l’exclusion
économique et sociale des personnes et la lutte à la pauvreté ».
Partout dans le monde, les Protecteurs des Citoyens, les Ombudsmans, les Médiateurs de la République et
les Commissions nationales des droits de la personne, en lien avec les ONG, travaillons à accompagner les
mêmes clientèles de citoyens, et faisons les mêmes constats que vous.
C’est pourquoi je vous le dis très clairement, tant à titre de Président de la Commission québécoise des
droits de la personne et des droits de la jeunesse, qu’à titre de Vice-président de l’Association francophone
des Commissions nationales des droits de l’Homme (un des réseaux de l’Organisation internationale de la
Francophonie), il nous faut toutes et tous tisser entre nous des liens constants, un réseau « tricoté serré ».
Et je souhaite que ma présence ici – et je tiens à vous en remercier très chaleureusement – en soit le début.
Dès lors, nous ne pouvons plus, vous le savez bien, traiter la problématique de l’INSERTION sans aborder
celle, plus large, plus englobante de la PAUVRETÉ et de L’EXCLUSION SOCIALE qui explique, notamment, la
nécessité de nos actions complémentaires.
À cet égard, j’entends simplement saisir l’opportunité qui m’est offerte, sans prétendre et surtout, sans
vouloir faire acte d’autorité, joindre ma voix à celles, Dieu merci de plus en plus nombreuses, de celles et
ceux qui nous interpellent partout à travers le monde et ce, presque tous les jours (grâce notamment aux
moyens modernes et rapides de communication), celles des « SANS VOIX » et de toutes celles et ceux qui
cherchent à leur en donner une. Et d’entrée de jeu, j’ajoute qu’à mon avis nous devons TOUTES ET TOUS
HAUSSER LE TON. (…)
Le trait frappant de notre civilisation, mondialisée autour d’une ambition de prospérité sans précédent, est
la persistance, et même l’aggravation, de la pauvreté. C’est un fait massif : il frappe environ une personne
sur deux. C’est une réalité qui s’étend : l’immense majorité des 2 à 3 milliards d’êtres humains qui
s’ajouteront à la population mondiale avant la fin du siècle y sera exposée. C’est une réalité qui pèse sur
l’environnement et les équilibres du globe d’une manière dont beaucoup s’inquiètent.
Ainsi, la communauté internationale s’est-elle fixée comme premier objectif, dit « du millénaire »
(Millennium Development Goals, MDG), de réduire de moitié en quinze ans le nombre de personnes
vivant en situation d’extrême pauvreté. Cette approche, extrêmement louable en elle-même,
n’épuise pas la question. D’une part, le but fixé ne sera pas facilement atteint. D’autre part, le
serait-il qu’il laisserait entier le problème initial : peut-on tolérer la persistance de la pauvreté (…)
(…) Tant qu’on abordera la pauvreté comme un déficit quantitatif naturel, voire qualitatif, à
combler, la volonté politique de la réduire ne sera pas galvanisée. Le paupérisme ne cessera que
du jour OÙ LA PAUVRETÉ AURA ÉTÉ RECONNUE COMME UNE VIOLATION DES DROITS HUMAINS
ET, À CE TITRE, ABOLIE… (nos soulignés).
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Discours d’ouverture
Dans un texte percutant, paru dans le journal Le Monde (sélection hebdomadaire du 19 octobre 2002),
M. Pierre Sané, Sous-directeur pour les Sciences sociales et humaines de l’UNESCO, nous invite, s’agissant
de la PAUVRETÉ, à « UN CHANGEMENT D’APPROCHE RADICAL ».
17
(…) Ce qui caractérise à la racine la pauvreté n’est pas un niveau de revenu ni même certaines
conditions de vie, c’est le déni de tout ou partie des droits humains dont elle est à la fois cause
et effet.
Des cinq familles de droits humains fondamentaux, droits civils, politiques, culturels,
économiques et sociaux, proclamés par la Déclaration universelle des droits de l’homme comme
inhérents à la personne humaine, la pauvreté viole toujours la dernière, généralement l’avantdernière, souvent la troisième, parfois la deuxième, voire la première.
Réciproquement, la violation systématique de l’un quelconque de ces droits dégénère rapidement
en pauvreté. Comme l’a reconnu la Conférence internationale de Vienne sur les droits de
l’homme en 1993, il y a un lien organique entre la pauvreté et la violation des droits humains. Or
ces droits sont imprescriptibles et indissociables. Leur violation est une atteinte fondamentale à
la dignité humaine dans son ensemble, et non un inconvénient regrettable. Elle doit donc cesser,
et cet impératif prend une forme simple : LA PAUVRETÉ DOIT ÊTRE ABOLIE. (nos soulignés).
Je sais bien moi aussi qu’une
(…) telle formule prête à sourire, comme naïve. Cette ironie serait une erreur de forme et de fond.
De forme, que la matière ne prête pas du tout à sourire : les détresses, la misère, la déréliction, la
mort qui font cortège au paupérisme devraient bien plutôt nous faire honte. Mais surtout de
fond, que l’abolition de la pauvreté est, en vérité, l’unique point d’appui possible du levier sans
lequel le paupérisme ne sera jamais vaincu.
Ce levier, ce sont les investissements, les réformes, les actions requises pour résorber les manques
de toute sorte qui forment le cadre de la pauvreté. Par bonheur, l’humanité dispose aujourd’hui
des moyens nécessaires pour ce faire. Mais, faute de point d’appui solide, ces forces ne fonctionnent
pas comme le levier qu’il faudrait.
Discours d’ouverture
Arrêtons-nous un instant quant à l’aspect strictement monétaire de ces « moyens nécessaires dont nous
disposons ». Selon James Wolfensohn, Président de la Banque Mondiale, il y a un « déséquilibre fondamental »
entre les 900 milliards de dollars dépensés dans le monde pour la défense, les 325 milliards de dollars
utilisés pour des subsides agricoles et seulement 60 milliards de dollars consacrés à l’aide.
En 2002, les livraisons d’armes à l’Asie, au Moyen-Orient, à l’Amérique latine et à l’Afrique
constituaient 66,7 % de la valeur de toutes les armes livrées dans le monde, avec une valeur de
près de 17 milliards de dollars ; les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations
Unies étaient responsables de 90 % de ces livraisons. Au même moment, les pays en développement
de ces régions luttent pour atteindre leurs Objectifs du Millénaire pour le Développement :
-
plus d’un milliard de personnes luttaient pour survivre avec moins d’un dollar par jour ;
-
un enfant sur cinq n’a pas terminé l’école primaire ;
-
plus de 14 millions d’enfants ont perdu un de leurs parents ou les deux suites du Sida en 2001 ;
-
plus de 800 millions de personnes souffraient de malnutrition chronique ;
-
un demi-million de femmes sont mortes en couches ou durant leur grossesse.1
Si, au contraire, enchaîne Pierre Sané, la pauvreté était proclamée abolie, comme elle doit l’être
en tant qu’elle est une violation systématique et continue des droits de l’homme, sa persistance
passerait du statut de séquelle déplorable de l’ordre des choses à celui de déni de justice. La
charge de la preuve s’inverserait. Les pauvres, reconnus lésés, deviendraient détenteurs d’un droit
à réparation, dont les gouvernements, la communauté internationale et, en définitive, chaque
citoyen deviendraient aussitôt solidairement comptables…
(…) Créditant les pauvres de droits, l’abolition de la pauvreté ne ferait évidemment pas
disparaître la pauvreté par un coup de baguette magique, mais elle créerait les conditions d’une
érection de cette cause au rang de toute première priorité, en tant qu’intérêt commun de tous –
et non plus en tant que souci subsidiaire d’esprits éclairés ou simplement charitables.
18
1
Extrait de « Armer ou développer ? » Résumé du Rapport, Campagne Control Arms, juin 2004
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Le principe de justice ainsi mis en œuvre et la contrainte du droit mobilisé à son service sont
d’une extrême puissance. C’est ainsi, d’ailleurs, qu’il a été mis fin à l’esclavage, au colonialisme
et à l’apartheid. Mais alors qu’esclavage et apartheid étaient rejetés et combattus, la pauvreté
déshumanise la moitié des habitants de notre planète dans la plus totale indifférence.
En fin de compte, le choix est simple. Il n’est pas entre une approche « pragmatique », fondée sur
l’aide consentie par les riches aux pauvres, et l’approche proposée ici. Il est entre cette dernière
et la seule autre manière de créditer les pauvres de droits, qui consiste pour eux à les prendre au
moyen de révoltes. Or on sait que cette dernière solution a souvent eu pour résultat d’aggraver
la misère. C’est pourtant celle qui deviendra, au fil du temps, la plus probable si l’on ne fait rien,
ou trop peu, comme c’est le cas avec la première approche, si méritoire qu’elle soit.
La double alternative se réduit donc à un seul et unique choix, seul conforme à l’impératif
catégorique de respect des droits humains : abolir la pauvreté et tirer de ce principe toutes les
conséquences sous la contrainte librement consentie qui en découle. Aucun grand programme ne
procurera l’éradication de la pauvreté. C’est son abolition proclamée qui, en créant des droits et
des devoirs, mobilisera les véritables forces capables de rectifier l’état d’un monde en proie au
paupérisme. Par le simple fait de fixer une priorité effective et contraignante, elle change la
donne et concourt à façonner un monde différent. Donner un visage humain à la mondialisation
est à ce prix et constitue au surplus la plus grande chance de développement durable à notre
portée.
La nouvelle Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Me Louise Arbour, lançait récemment le
même type de message et d’appel. Elle a insisté sur « l’importance de travailler sur la relation existant entre
pauvreté extrême et droits de l’homme ».
Elle a, le 27 juillet 2004, abordé plusieurs questions clés touchant la « lutte contre l’extrême pauvreté ». Elle
s’est dite convaincue de la nécessité de traiter les difficultés chroniques auxquelles sont confrontées des
milliers de personnes, en particulier celles qui vivent dans les zones isolées ou dans les communautés
rurales.
Se référant aux nombreuses violations des droits de l’homme qui alimentent l’actualité, le terrorisme et les
conflits ainsi qu’à la pauvreté, l’inégalité, la discrimination, la violence contre les femmes, les enfants, le
trafic d’êtres humains, les personnes déplacées, l’injustice et l’impunité, elle a affirmé qu’il n’était pas
possible de « rester indifférent face à ces violations ». (nos soulignés).
Aux États-Unis, pays pourtant privilégié sur le plan économique mondial, on considère que déjà
15 % d'Américains vivent en dessous du seuil de la pauvreté et que le tiers des Américains ont un
revenu inférieur à ce qu'il était en 1966. On calcule que, présentement, à l'échelle mondiale, le
nombre de pauvres s'accroît au rythme effarant de 2 % annuellement, ce qui équivaut pratiquement
à l'augmentation démographique du globe.
À ce rythme, le nombre de pauvres devrait doubler en 30 ans. Les annuaires des Nations unies
nous apprennent de plus qu'un milliard et demi d'êtres humains se situent à peine au seuil de la
survie, et ce, malgré le fait qu'à peine 20 % des habitants de la planète se partagent convivialement
entre eux plus de 80 % du PIB mondial !
Chez nous, au Québec, les chiffres ne sont guère plus encourageants ; ceux-ci nous apprennent
que 16,5 % des Québécois vivent au seuil de la pauvreté... Les plus âgés vivent dans un sentiment
mélangé de peur et de totale impuissance. Mais c'est, disons-le, définitivement chez les « nouveaux
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Discours d’ouverture
Mais parlant des « EXCLUS », de quoi et de qui concrètement parlons-nous ? Dans un texte publié dans le
journal Le Devoir (édition du 1er août 2000), le professeur Pierre Desjardins nous en jette la réalité en plein
visage :
Depuis les 30 dernières années, la situation de la pauvreté en Amérique n'a jamais été aussi étendue
qu'actuellement. Il faut en effet remonter aussi loin qu'en 1962 pour retrouver une année où la
situation a été similaire.
19
pauvres » issus de la classe moyenne et broyés par les progrès technologiques que la situation est
plus difficile à vivre. Alors qu'à la fin des années 70, la pauvreté avait presque disparu en
Occident, elle revient en force aujourd'hui (…)
Au passage, je vous signale qu’au Canada, selon Statistiques Canada, 13,8 % des enfants de moins de
18 ans en 1998 vivaient au-dessous du seuil de pauvreté, soit nettement plus qu’en 1989. Pour l’ensemble
des familles canadiennes, le revenu, avant impôts et transferts, du quintile supérieur était 14,5 fois plus
élevé que celui du quintile inférieur en 1998 contre seulement 11,4 fois plus élevé en 1989.
Les deux tiers des personnes qui s’adressent à la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse pour déposer une plainte, sont sans emploi et 50 % d’entre eux vivent de la sécurité du revenu.
Écoutons encore le professeur Desjardins :
En Grande-Bretagne, les pauvres sont passés de cinq millions, en 1979, à 14 millions, en 1992.
Alors que 10 % des plus riches de la planète ont, dans l'ensemble, vu leur revenu monter de 62 %,
les pauvres ont vu le leur baisser de 17 %. De plus en plus, dans les pays occidentaux, s'installe
donc une « underclass » où le chômage, la drogue et la criminalité règnent. Selon les dernières
statistiques, quatre à cinq millions d'Américains vivraient présentement dans la rue. Cela
commence à faire pas mal de sans-abri...
Discours d’ouverture
Si le pauvre peut encore éventuellement posséder une utilité quelconque pour ce système, ne
serait-ce que comme main-d’œuvre bon marché occasionnelle, on ne voit pas trop bien qu'elle
pourrait être celle du sans-abri. On ne sait plus trop quoi en faire. Et encore, disent certains
dirigeants, faut-il les nourrir ! On pourrait, par ailleurs, se demander si la classe de pauvres, de
chômeurs et d'exclus, sans cesse grandissante dans nos sociétés, ne pourrait pas en venir à un
moment donné à exercer un certain pouvoir politique. N'était-ce pas la révolte des pauvres et des
exploités qui, en Russie lors de l'époque du marxisme-léninisme, avait provoqué la révolution ?
Mais, disons-le loin de se regrouper ou de s'unir, les pauvres ont plutôt tendance à suivre la
grande vague individualiste promue par le système économique. Ainsi optent-ils plutôt pour la
formule opportuniste du « sauve-qui-peut » : non solidaires des autres, chacun d'entre eux tente
de survivre du mieux qu'il peut et comme il le peut. La lutte des classes est, de nos jours,
complètement obsolète. Le système du libéralisme économique, par son fulgurant pouvoir de
persuasion auprès des masses, réussit facilement à endiguer toute révolte.
Le clivage social qu'opèrent les différences de classes, bien qu'il soit de plus en plus marqué, n'a
donc plus les effets révolutionnaires d'antan. Dispersées de par le monde, les différences sociales
deviennent de moins en moins perceptibles et visibles, c'est-à-dire aussi de moins en moins
repérables et attaquables. Car ce clivage entre les classes ne se situe plus comme autrefois au
niveau national mais bien au niveau international : d'une part, il existe à l'échelle de la planète
une classe d'élites reliées entre elles par de puissants réseaux de communication et qui, grâce à
un système d'alliances économiques, gardent le contrôle sur l'économie et, d'autre part, il y a la
masse de citoyens, « dressés » par les médias de masse à vouloir consommer toujours plus et
perdus dans un monde dont le sens leur échappe complètement.
Par ailleurs, plusieurs sociologues et notamment Bernard Laffargue et Thierry Godefroy établissent un lien
entre récession économique et inflation carcérale. Loïc Wacquant considère que nous passons « de l'État
social à l'État carcéral ».
Écoutons des extraits d’un texte de Raphaël Meyssan intitulé : « L’emprisonnement des exclus » ; en premier,
nous le verrons, il interroge :
Dans les dictatures, on enferme les opposants politiques. Dans nos démocraties, enferme-t-on les
exclus, ceux qui ne profitent pas du système ?
Au départ de l'étude évoquée de Bernard Laffargue et Thierry Godefroy, un constat : les prisons sont
principalement peuplées par des personnes pauvres.
20
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Puis ils enchaînent en nous disant :
« La plupart des personnes arrêtées et condamnées à l'emprisonnement pour des infractions
"traditionnelles" (vols, violences, et maintenant stupéfiants) sont issues des milieux touchés par
la pauvreté et le chômage. Les détenus se distinguent nettement de l'ensemble de la population
par leur situation socio-économique et leur place sur le marché du travail (chômeur ou sans
profession définie). »
Les deux chercheurs ont réalisé un parallèle entre le taux de criminalité et celui d'incarcération. Ils ont
observé que l'augmentation du nombre des détenus est sans relation avec le nombre de crimes commis.
Ils ont alors introduit une autre donnée : le taux de chômage. « La relation chômage-incarcération est
vérifiée indépendamment des niveaux de criminalité enregistrée », expliquent-ils.
Loïc Wacquant, professeur à l'université de Berkeley en Californie, ne se contente pas de constater le lien
entre une situation économique médiocre et l'expansion des prisons. Il souligne aussi le rôle majeur de la
politique :
« L'État a choisi, dit-il, de se désengager de son rôle social et de privilégier le système carcéral…
(…) En Californie, leader national, il y a peu en matière d'éducation et de santé publique,
reconverti depuis dans le tout pénal, le nombre de détenus consignés dans les seules prisons
d'État est passé de 17 300 en 1975 à 48 000 en 1985, avant de franchir le cap des 130 000, dix
ans plus tard." (1995).
En période de pénurie fiscale, l'augmentation des budgets et des personnels consacrés à
l'emprisonnement n'a été possible qu'en amputant les sommes vouées aux aides sociales, à la
santé et à l'éducation. Les États-Unis ont, de facto, choisi de construire pour leurs pauvres des
maisons d'arrêt et de peine plutôt que des dispensaires, des garderies et des écoles. »
Le professeur observe que le système pénal s'exerce :
« (…) prioritairement sur les familles et les quartiers déshérités, et particulièrement sur les
enclaves noires des métropoles.
En témoigne [cette] tendance maîtresse de l'évolution carcérale des États-Unis : un
"noircissement" continu de la population détenue qui fait que, depuis 1989 et pour la première
fois de l'histoire, les Afro-Américains sont majoritaires au sein des établissements de détention,
bien qu'ils ne pèsent guère que 12 % de la population du pays.
Ainsi, un homme noir a presque une "chance" sur trois de purger au moins un an de prison, et un
hispanophone une chance sur dix, contre une chance sur vingt-trois pour un Blanc. »
Le 22 juillet 2003, le membre du Congrès des États-Unis, Directeur du Comité du Congrès sur les Droits
Humains, Frank Wolf de la Virginie, a écrit dans sa déclaration de soutien au Rallie de Washington, DC, que :
« L’Amérique doit être un pays qui défend la décence fondamentale et les droits humains.
L’Amérique doit parler franchement pour ceux qui ne peuvent parler pour eux-mêmes – hommes
et femmes qui sont persécutés pour leurs croyances religieuses ou politiques. Notre politique
étrangère doit être une politique qui aide à promouvoir les droits humains et la liberté. Pas une
politique qui se range du côté des dictateurs qui oppriment leurs propres citoyens dans le but
d’améliorer notre prospérité commerciale. »
Il a terminé sa déclaration avec une citation du discours d’acceptation d’Elie Weisel2, en 1986, lorsqu’il a
reçu le Prix Nobel de la Paix :
Discours d’ouverture
Bernard Laffargue et Thierry Godefroy font le même constat en France :
« On peut parler de "population cible" de la justice dans son circuit le plus répressif : un sousprolétariat et la population la plus fragile sur le marché du travail (jeunes et étrangers). »
21
2
NDLR Écrivain juif rescapé des camps nazis
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
« Le monde savait et il est resté silencieux (…) Nous devons toujours choisir. La neutralité aide
l’oppresseur, jamais la victime. Le silence encourage le persécuteur, jamais le persécuté (…)
partout où les hommes et les femmes sont persécutés à cause de leur race, religion ou points de
vue politiques, l’endroit doit, à ce moment devenir, le centre de l’univers. »
Pour le sociologue français Alain Touraine il est impossible de parler d’un phénomène de société –
l’urbanisation croissante dans son cas – sans le replacer dans un contexte plus large, celui de la globalisation
de l’économie qui est le moteur de notre époque transformant la planète en un seul monde (« one world »).
La distinction Nord-Sud est dépassée. Il y a le Tiers-Monde dans les pays du Nord – « New York est une ville
du Tiers-Monde » – dit-il – et des « Premiers Mondes » dans certaines villes du Sud (ou pays). Cette économie
globalisante crée partout, de fait, une dualisation des sociétés.
Et pour lutter pour l’éradication de la pauvreté, il nous faudra contribuer à abattre un autre paradigme bien
décrit par Pierre Fortin, Andrew Sharpe et France St-Hilaire3, dans un texte publié dans le journal La Presse
du 24 janvier 2001.
« Jusqu’à récemment, bien des gens étaient encore d’avis que les inégalités de revenu favorisaient
la croissance et qu’il existait un conflit entre la croissance économique et la recherche de
l’équité. Selon ce point de vue, la relance de la croissance passait obligatoirement par la réduction
des impôts pour les contribuables à revenu élevé.
On considérait que cela était nécessaire pour les encourager à travailler, à investir et à demeurer
au Canada.
Mais la recherche récente a montré que les choses ne sont pas si simples. En fait, les inégalités
peuvent avoir des conséquences négatives sur la productivité, et la mise en œuvre de politiques
propres à réduire ces inégalités est de nature à favoriser la croissance. Contrairement à autrefois,
on pense aujourd’hui qu’efficacité et équité vont de pair.
Discours d’ouverture
On reconnaît généralement que la richesse de notre société repose en grande partie sur le talent
de ses membres et que le développement des ressources humaines est la clé de notre croissance
économique. Mais les inégalités gênent ce développement : comparées aux personnes qui jouissent
de revenus élevés, les personnes à faible revenu ont évidemment moins de moyens financiers, un
accès plus limité au crédit et, par conséquent, moins de chances d’atteindre un niveau élevé de
scolarisation. Une répartition moins inégale du revenu pourrait donc faciliter l’accumulation de
capital humain chez les moins nantis et avoir un effet positif sur la croissance. On reconnaît
même que le rendement économique d’un investissement accru en éducation est plus élevé pour
les groupes moins fortunés que pour les plus instruits.
22
Les inégalités peuvent également être néfastes à la cohésion sociale. Au sein d’une société,
l’existence d’écarts importants sur le plan du revenu, de la richesse et des chances de réussite
peut être source de ressentiment chez les moins nantis et saper leur volonté de participer à la vie
économique et sociale. À l’inverse, la réduction des inégalités peut développer la solidarité et la
cohésion sociales, accroître la motivation de tous et favoriser la croissance. »
Le professeur Philippe Aghion, économiste de l’Université Harvard, l’un des chefs de file dans les nouvelles
recherches sur l’inégalité et la croissance, a récemment déclaré à ce sujet :
« Au total, l’inégalité s’avère souvent néfaste pour la croissance. La redistribution, au contraire,
favorise la croissance en donnant à chacun sa chance, en motivant les emprunteurs, en réduisant
l’instabilité économique ou en faisant tout cela à la fois. Dans de telles circonstances, il n’y a pas
contradiction entre les objectifs d’équité et d’efficacité. Les politiques conçues pour améliorer
l’une ont alors un effet positif sur l’autre. (…) »
3
Pierre Fortin est professeur d’économie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Andrew Sharpe est directeur général du
Centre d’études sur le niveau de vie (CENV) et France St-Hilaire est vice-présidente à la recherche à l’Institut de recherche en
politiques publiques (IRPP).
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
(…) Pour revenir aux propos de Pierre Sané, la Commission québécoise des droits de la personne et des droits
de la jeunesse ne cesse de redire que la PAUVRETÉ constitue un déni des droits fondamentaux contenus
dans la Charte québécoise des droits et libertés, loi prépondérante sur toutes les autres lois. L’heure est
venue de :
•
donner aux droits économiques et sociaux la même prépondérance que celle dont jouissent déjà les
autres droits, de sorte que le « contenu essentiel » des ces droits devra être respecté, et
•
de les renforcer (droit au logement, à l’éducation, à la santé, au travail, c’est-à-dire, le droit d’avoir
accès à un ensemble de mesures et de programmes favorisant le plus haut niveau d’emploi, l’accès à
l’emploi et la réinsertion professionnelle…).
Il s’agit là de recommandations contenues dans le Bilan des 25 ans de la Charte québécoise, rendu public
le 20 novembre 2003, recommandations remises à tous les membres de l’Assemblée nationale du Québec.
En début d’exposé, je vous disais qu’à mon avis, il NOUS FAUDRA HAUSSER LE TON. Oui, il nous faudra OSER
en ayant en tête cette terrible parole de Camus : « Je les méprisais, car, alors qu’ils pouvaient tant, ils ont
osé si peu. »
Il est utile de rappeler ces mots d’Eleanor Roosevelt, cette grande dame américaine qui a tant fait pour
l’obtention de la Déclaration universelle des droits de l’homme :
« Où commencent les droits de la personne ? Tout près de nous, en des lieux si près et si petits
qu’ils ne figurent sur aucune carte du monde. Pourtant, c’est le monde d’une personne : le quartier
où elle vit, l’école qu’elle fréquente, l’usine, la ferme ou le bureau où elle travaille. Là où tout
homme, toute femme et tout enfant cherche la justice, des chances égales, une dignité
universelle sans discrimination. Si ces droits ne veulent rien dire dans ces lieux, ils ne veulent rien
dire nulle part. Sans une action des citoyens pour les préserver près de nous, nous chercherons en
vain le progrès sur la planète. ».
Je terminerai par cette citation de Michel Blum, représentant des ONG lors du 40e anniversaire de la
Déclaration universelle des droits de l’homme, qui nous appelle à l’action et à un engagement renouvelé :
« Il y a 40 ans, en ces lieux, fut proclamée la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Désormais, il faut choisir son camp.
Être dans le droit des hommes ou bien choisir de s’en exclure.
Les délégués des Nations Unies furent de grands esprits mais aussi des hommes à qui les siècles
ont enseigné à se méfier d’eux-mêmes.
Et la Déclaration universelle proclamée « idéal commun » sera à compléter par des pactes et des
conventions.
Progressivement seraient mis en place comités de surveillance et tribunaux supranationaux.
(…)
Ne sentons-nous pas que justice, solidarité, partage sont les conditions de la survie collective et
que maintenant le temps presse.
Les droits de l’homme…ou ne pas être.
Utopie que tout cela : n’en croyez pas un mot.
(…)
Nous avons un devoir d’optimisme lucide.
Écoutez ce proverbe chilien :
« On entend le bruit du mur qui s’écroule mais jamais le bruit du blé qui pousse. »
Discours d’ouverture
Nous y pouvons tous quelque chose. Gardons en mémoire cette parole de l’anthropologue américaine,
Margaret Mead :
« Ne doutez jamais qu’un petit groupe de citoyens réfléchis et déterminés puisse changer le
monde ; en fait, c’est de cette seule façon qu’on a jamais pu le changer. »
23
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Présentation de la recherche comparative
Un portrait des initiatives de formation par le travail
et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie
Extraits du document présenté par Messieurs Jean-Marc Fontan, Gérald Larose, Marco Sylvestro et
Yanick Noiseux
(…) L’OBJET DE LA RECHERCHE
L’objet de cette recherche est l’action sociale/l’action communautaire qui prend la forme particulière de
l’insertion (ou de la réinsertion) socioprofessionnelle des personnes marginalisées, par une formation qui
s’insère dans la pratique d’une activité économique réelle. En d’autres mots, elle concerne les initiatives de
formation par l’exercice d’un métier ou d’une activité en entreprise commerciale (c’est-à-dire qui produit
des biens et/ou des services, lesquels sont le plus souvent commercialisés). Ainsi, la monographie s’intéresse
surtout aux initiatives d’insertion par l’activité économique ancrées dans le secteur marchand de
l’économie.
Les mots-clés pour comprendre ces initiatives sont donc les suivants :
•
Personnes marginalisées – Personnes exclues du marché du travail.
•
Insertion (ou réinsertion) socioprofessionnelle – Insertion économique
•
Formation par l’activité économique – Formation par le travail.
Présentation de la recherche comparative
Il convient d’introduire immédiatement des précisions quant à ces mots-clés qui balisent le champ
d’intervention des associations/organismes/entreprises :
•
Les personnes marginalisées ou exclues du marché de l’emploi sont des citoyens qui, pour de multiples
raisons, ne possèdent que de faibles compétences qui leur permettraient de s’insérer de façon
autonome sur le marché de l’emploi. Elles traînent souvent une biographie difficile qui se caractérise
par des échecs scolaires répétés, des difficultés sur le plan familial, des problèmes de santé mentale
ou de toxicomanie, un déficit d’insertion dû à une immigration récente, peu ou pas de formation et
d’expérience professionnelle, etc.
•
L’insertion ou la réinsertion socioprofessionnelle (insertion économique au Québec) consiste à faire
en sorte que ces personnes puissent devenir autonomes d’abord sur le plan social, c’est-à-dire quant
à leurs droits et devoirs de citoyen et quant à leurs relations sociales. Ensuite, sur le plan professionnel,
c’est-à-dire quant à l’obtention et à la conservation d’un emploi qui leur permet de vivre dans des
conditions décentes. En ce sens, les organismes qui dispensent une formation à ces personnes agissent
selon une philosophie qui pose comme complémentaires les aspects professionnels et sociaux. De
même, le projet pédagogique est un mélange d’apprentissages collectifs et de suivi individuel.
•
La formation par le travail ou formation par l’activité économique consiste à placer les stagiaires en
situation réelle de travail (production de biens ou de services) afin de faire alterner les aspects
pratiques de l’emploi (techniques de production, relations de travail, vie en entreprise) et les aspects
plus théoriques assurés en classe. Les stages en entreprises sont aussi privilégiés dans ce projet
pédagogique.
24
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
Les objectifs de cette recherche-action sont d’offrir un portrait comparatif des initiatives d’insertion socioprofessionnelle par l’activité économique dans quatre pays de la francophonie (Belgique, France, Québec,
Suisse) en vue d’une meilleure compréhension du secteur et d’une Rencontre internationale des acteurs de
l’insertion socioprofessionnelle par l’activité économique (IAE). Plus précisément, la recherche poursuit les
objectifs suivants :
•
Définir le concept de « système national d’insertion par l’économique ».
•
Présenter le champ sémantique de l’insertion par l’économique dans les quatre lieux de la francophonie
(établir un glossaire, établir les équivalences et les nuances entre les différents termes utilisés).
•
Documenter les contextes d’intervention de l’insertion par l’économique en fonction des enjeux
majeurs pour l’action des organismes, tels que définis par le CEIQ et ses partenaires internationaux.
•
Identifier les éléments innovants (mécanismes, mesures, politiques, pratiques, etc.) pouvant être
l’objet de modalités de transfert d’un contexte national à un autre.
•
Analyser les données collectées, dégager des constats et des pistes d’action en vue de stimuler les
activités de recherche et développement, de veille, de formation et de transfert en matière d’insertion
par l’économique.
La recherche a été réalisée sur une période d’une année et demie par l’analyse de documents pertinents. Les
textes de loi, les politiques relatives à l’insertion par l’activité économique, les documents des institutions
nationales, de même que ceux des acteurs impliqués dans l’insertion par l’activité économique ont été utilisés.
Beaucoup d’information provient de sites Internet. Afin d’aller chercher des informations complémentaires
et de valider notre interprétation des données recueillies, une correspondance par courriel a été entretenue
avec des chercheurs et des acteurs des quatre pays concernés. De plus, un processus de validation des résultats
de la recherche a été effectué au Québec et lors d’une mission réalisée en Belgique, France et Suisse au
printemps 2004. Cette mission a permis de compléter les informations à notre disposition.
La recherche que nous avons réalisée est donc limitée sur le plan des résultats et de l’analyse. À titre indicatif,
les dynamiques concrètes présentes dans le secteur de l’insertion sociale et professionnelle n’ont pu être
abordées, de même qu’un portrait fin et détaillé des modalités d’intervention pratiquées par les intervenants
de l’insertion des quatre pays étudiés n’a pas été réalisé. Il est bien évident que les moyens limités de cette
recherche n’ont pas permis la tenue d’entrevues avec des représentants de chacune des composantes du
système d’intervention en insertion socioprofessionnelle. Seule une recherche plus approfondie pourrait
nous renseigner sur les rapports concrets qu’entretiennent les acteurs entre eux ou sur les méthodes
d’intervention mises en oeuvre. Cependant, comme l’objet de la recherche est de décrire le cadre institutionnel
de l’insertion par l’activité économique, la méthodologie privilégiée permet d’atteindre l’objectif général que
nous nous étions fixé.
Au plan de l’analyse, les limites tiennent principalement au fait que l’équipe de recherche vient tout juste
de compléter la phase de collecte et de validation des données. Le travail d’éditique a été réalisé de façon
sommaire de façon à rendre les documents disponibles pour la tenue du Forum et la correction linguistique
sur plus de 600 pages a été faite très rapidement pour les besoins de la cause. Enfin, tout un travail
d’analyse des données reste à accomplir, tant en ce qui a trait aux informations concernant chaque espace
national qu’à la nécessité de conduire une analyse comparative.
Lorsque nous avons lancé le projet de recherche, il y a un peu moins de deux années, nous croyions
pouvoir réaliser rapidement le portrait pour chacun des espaces nationaux, c’était sans compter sur la
complexité de l’objet étudié et surtout sans prendre en considération l’ensemble de difficultés qui découlent
d’une recherche disposant de peu de ressources et devant à la fois tenir compte du cadre universitaire et
d’une situation de recherche tributaire de données et d’informations demandant la coopération de
répondants internationaux très occupés par leurs activités professionnelles.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Présentation de la recherche comparative
MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
25
Après coup, nous sommes conscients qu’une telle aventure demande une mobilisation plus grande de
ressources, mais aussi un consensus et une implication plus forte sur l’objet même de la recherche de la
part des parties prenantes nationales concernées. Somme toute, nous sommes non seulement convaincus
de la pertinence de conduire une telle opération de recherche pan nationale sur l’insertion par l’activité
économique, mais aussi de l’importance qu’il y a d’élargir le champ des observations à d’autres dimensions,
dont celle de l’intervention en considérant le point de vue d’autres acteurs, tant les représentants des
législateurs que les bénéficiaires ou les gens d’affaires, et d’élargir aussi le travail de présentation de
situations nationales en répertoriant les dispositifs présents dans d’autres pays non seulement européens
(Grande-Bretagne, Italie, pays scandinaves, pays d’Europe de l’Est, Espagne, Grèce, etc.), mais aussi des
Amériques (Canada hors Québec et États-Unis) et surtout de pays ayant des traditions d’intervention en la
matière très différentes, nous pensons plus particulièrement aux pays de l’hémisphère Sud (Amérique latine
et Afrique).
LA SYNTHÈSE – UN SURVOL
Le présent document reprend deux éléments des quatre monographies produites, à savoir le texte introductif
au contexte national et les enjeux identifiés par les acteurs nationaux.
Présentation de la recherche comparative
Le texte introductif au contexte national est reproduit intégralement. Par contre, les enjeux sont présentés
sous le format de points de forme résumant les idées centrales qui se dégagent des propos des acteurs de
l’intervention ou de documents officiels. Ces propos sont principalement ceux des intervenants directs de
l’activité d'insertion. Les enjeux dégagés pourraient varier considérablement si nous avions tenu compte des
points de vue des législateurs, des gens du milieu des affaires, d’autres organisations de la société civile et,
bien entendu, des bénéficiaires ou des usagers qui fréquentent les dispositifs « insertifs » considérés dans
cette recherche.
Le présent document contient deux sections. Une première fait un bref survol des contextes nationaux de
la Belgique, de la France, du Québec et de la Suisse. Une deuxième partie présente les principaux enjeux en
matière d’insertion par l’activité économique tels qu’ils se dégagent pour chacun des espaces nationaux
décrits.
Contextes nationaux en matière d’insertion
par l’activité économique
LA BELGIQUE : une fédération décentralisée à la configuration institutionnelle unique
Le découpage politique et administratif de la Belgique est le suivant : le pays est une monarchie
constitutionnelle qui est passée, en 1970, d’État unitaire à État fédératif, et qui a amorcé un processus de
décentralisation échelonné sur plusieurs années (1970, 1980, 1988-89, 1993). Il en résulte aujourd’hui, en
plus du pouvoir fédéral exercé par le roi et le Parlement fédéral, d’une part, trois Communautés culturelles
et langagières : la communauté francophone qui se retrouve en Wallonie et à Bruxelles, la communauté
néerlandophone qui habite la Flandre et enfin une petite communauté germanophone qui se regroupe
surtout au sud-est du pays. D’autre part, trois régions : la Wallonie, la Flandre et Bruxelles-Capitale. Les
compétences en matière d’insertion socioprofessionnelle et de formation des adultes sont surtout le fait des
trois régions.
La monographie produite sur la Belgique se concentre sur la communauté francophone, soit sur les régions
wallonne et bruxelloise. À l’intérieur de ce découpage géographique, les instances politiques et les administrations publiques pertinentes sont celles de la Région Wallonne, du Collège de la Commission communautaire
française de Bruxelles-Capitale (Cocof) et, dans une moindre mesure, celles de la Communauté française de
Belgique et de l’État fédéral. L’étude réalisée a surtout concerné les actions des membres de trois grands
réseaux : l’Interfédération des EFT et OISP de Wallonie (l’Interfédération), la Fédération bruxelloise des
opérateurs de l’insertion socioprofessionnelle (FéBISP) et le Réseau d’économie sociale (RES) (ce dernier n’étant
26
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
qu’un des multiples réseaux qui regroupent des entreprises d’insertion). Ces trois réseaux regroupent plus
de 220 organismes qui s’occupent d’insertion et de réinsertion socioprofessionnelle et de création d’emplois
pour les personnes les plus éloignées du marché de l’emploi. De tous ces acteurs locaux, près de 70 sont des
entreprises de formation par le travail (EFT) ou des ateliers de formation par le travail (AFT) à Bruxelles.
La monographie sur la Belgique se décline en quatre parties. Comme la compétence en matière d’insertion
socioprofessionnelle est dévolue aux régions, nous avons constaté qu’il était plus simple de présenter
alternativement la situation dans les deux régions qui nous intéressent. La première partie concerne la
région wallonne. Elle débute par un historique des actions locales et une définition de l’insertion
socioprofessionnelle. On présente ensuite le cadre de reconnaissance des organismes. En troisième lieu, on
fait le tour des institutions publiques pertinentes pour ensuite se pencher sur le dispositif d’insertion. La
première partie se termine par la présentation détaillée des caractéristiques des acteurs locaux que sont les
EFT, OISP et EI. C’est alors l’occasion de se pencher sur leur nombre et sur leurs filières d’activités, sur leur
projet pédagogique ainsi que sur leurs organes fédératifs. La seconde partie concerne la région de Bruxelles
et elle se divise comme la première (historique, cadre de reconnaissance, institutions, parcours d’insertion,
acteurs locaux). La troisième partie se penche sur les caractéristiques des stagiaires qui utilisent les services
des organismes d’insertion socioprofessionnelle. La clientèle des organismes d’insertion socioprofessionnelle
en est une qui cumule souvent plusieurs déficits sociaux. La dernière partie expose les enjeux actuels pour
le secteur de l’insertion socioprofessionnelle en Belgique.
La France est un État unitaire qui a amorcé au début des années 1980 un processus de déconcentration des
pouvoirs publics et de décentralisation des administrations publiques (prenant la forme des « services
déconcentrés » de l’État). En substance, cela signifie que les politiques sont encore définies à l’échelon
national, mais que les pouvoirs départementaux et locaux ont de plus en plus de marge de manœuvre dans
leur mise en œuvre locale. En ce qui concerne l’insertion par l’activité économique, son orientation générale
est donnée par la Loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions. C’est le
ministère du Travail qui est responsable de son application.
À l’échelon national, ce sont plus spécifiquement la Délégation générale à l'emploi et à la formation
professionnelle (DGEFP) et la Direction générale de l’action sanitaire et sociale (DGASS) qui sont responsables
de l’application de la Loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions. L’ensemble
du dispositif relatif à l’insertion par l’activité économique en France est administré par le Service public de
l’emploi (SPE). Le Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE), sous la tutelle du ministère
du Travail, a un rôle consultatif auprès des décideurs, notamment concernant le conventionnement des
structures d’IAE (insertion par l'activité économique). Le CNIAE réunit des élus, des administrateurs et des
représentants des différents réseaux de l’IAE en France.
À l’échelon régional, la Direction générale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP)
est responsable de la mise en œuvre des mesures de formation professionnelle des chômeurs (à l’exception
des mesures destinées aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) dont la responsabilité
incombe aux administrations départementales), notamment ceux intégrant une structure d’insertion par
l’activité économique. Le Conseil régional est responsable du développement économique, de la formation
professionnelle et, depuis 2003, des missions locales pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes.
À l’échelon départemental, ce sont la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle (DDTEFP), la Direction départementale de l’action sanitaire et sociale (DDASS) et la préfecture
qui sont responsables du conventionnement des acteurs de l’insertion par l’activité économique. Les
Conseils départementaux de l’insertion par l’activité économique (CDIAE), qui rassemblent les acteurs
locaux concernés, tiennent un rôle consultatif. À l’échelon local (communes), les maires et les autres acteurs
peuvent être rassemblés dans des « Plans Locaux pour l'insertion et l'emploi » (PLIE).
Présentation de la recherche comparative
LA FRANCE : un État unitaire en décentralisation administrative
27
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Fin 2002, on dénombrait en France 948 (980 en 2001) associations intermédiaires (AI), 856 (869 en 2001)
entreprises d’insertion (EI) et 263 (279 en 2001) entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI). Ainsi,
plus de 2 067 structures ont été conventionnées par les préfets (Dares, 2003). Ces différentes structures —
AI, EI et ETTI — ont employé 227 700 salariés au cours de l'année 2001, soit environ 38 000 emplois en
équivalents temps plein (Céalis, 2002). Ces trois types de structures se situent dans le secteur marchand de
l’insertion par l’activité économique, toutes trois s’inscrivent dans l’économie de marché tout en mettant
de l’avant un projet social d’insertion de personnes marginalisées. Ces entreprises et associations se sont
regroupées en fédérations régionales et nationales. Le Comité national des entreprises d’insertion (CNEI) est
la fédération des Unions régionales d’entreprises d’insertion (UREI) et des Unions régionales des structures
d’insertion par l’économique (URSIE). Le CNEI représente plus de 550 acteurs locaux (SIAE). Une autre
fédération, la Fédération COORACE représente aussi près de 500 membres, dont plus du tiers des AI conventionnées. COORACE représente autant des structures d’IAE du secteur marchand que du secteur des
travaux d’utilité publique.
Présentation de la recherche comparative
Cette recherche est donc limitée sur le plan des dynamiques concrètes, microsociologiques, qui régissent le
secteur de l’insertion socioprofessionnelle. Seuls des entretiens approfondis pourraient nous renseigner sur
les rapports concrets qu’entretiennent les acteurs entre eux. Cependant, l’objet de la recherche est de
décrire le cadre institutionnel de l’insertion par l’activité économique et la méthodologie privilégiée permet
d’atteindre les objectifs fixés.
28
La monographie sur la France est divisée en quatre parties. La première balise le secteur de l’IAE en France.
On y présente d’abord son historique, puis les définitions qu’on lui a données, à travers l’environnement
législatif et le cadre institutionnel mis en place par l’État français et, enfin, les principales aides et les
subventions disponibles. La seconde partie présente les acteurs locaux (EI, ETTI, AI, chantiers-écoles), les
regroupements d’acteurs (CNEI, UREI, COORACE, FNARS, CNLRQ, chantiers-écoles), les institutions
publiques liées à l’IAE (DGEFP, DRTEFP, DDTEFP, Préfecture, ANPE, ALE) et les différentes instances de
concertation (CNIAE, CDIAE, PLIE). La troisième partie concerne les « parcours d’insertion » ainsi que les
caractéristiques socio-économiques des publics qui utilisent les structures de l’insertion par l’activité
économique. On y expose, entre autres, certaines statistiques sur les activités des différentes structures
d’insertion (EI, AI, ETTI). Enfin, la quatrième partie concerne les enjeux politiques actuels de l’insertion par
l’activité économique en France.
LE QUÉBEC : L’insertion par l’activité économique au Québec, gestion provinciale et
financement fédéral
Le Québec est l’une des dix provinces de la fédération canadienne. Au Canada, les politiques concernant
l’assurance-chômage, devenue assurance-emploi, relèvent du gouvernement fédéral alors que le secteur de
l’éducation est de compétence provinciale. Ainsi, en vertu de l'entente Canada-Québec relative au marché
du travail, intervenue en avril 1997 et entrée en vigueur le 1er janvier 1998, le Québec est responsable des
mesures actives d'emploi dont bénéficient les participants de l'assurance-emploi ainsi que de certaines
fonctions du Service national de placement auxquelles peuvent avoir recours les usagers de l'assuranceemploi. Ces mesures et fonctions sont financées par le Compte d'assurance-emploi dont le Canada est
responsable.
Au Québec, c’est donc Emploi-Québec, agence (unité autonome) au sein du ministère de l'Emploi, de la
Solidarité sociale et de la Famille du gouvernement du Québec (MESSF), qui est responsable de gérer la
politique liée à l’insertion par l’activité économique. Cette agence est née de la fusion, en 1998, de
différents services d'emploi et de main-d'œuvre. La fusion avait alors comme objectif de faire converger
l'ensemble des efforts et des ressources en cette matière vers les grands objectifs du Québec. Ce sont les
instances régionales d’Emploi-Québec qui sont aujourd’hui responsables de l’accréditation et du financement
des entreprises d’insertion. En mai 2003, Emploi-Québec avait accrédité 29 entreprises d’insertion. Pour leur
part, les Centres locaux d’emploi (CLE) administrent les « ententes de service » entre les entreprises d’insertion
et Emploi-Québec.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
En mars 1998, le Cadre de reconnaissance et de financement des entreprises d’insertion est signé par le
ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Ce cadre décrit les modalités opérationnelles menant à
l'établissement de la reconnaissance des entreprises d’insertion dont la grande majorité est regroupée au
sein du Collectif des entreprises d’insertion du Québec (CEIQ). Le CEIQ est le seul regroupement provincial
d’entreprises d’insertion au Québec. Il n’a pas d’antenne régionale. Le CEIQ regroupe 42 des 51 entreprises
d’insertion au Québec (38 en 2001). Celles-ci sont présentes dans 11 régions administratives différentes.
C’est à Montréal que l’on en retrouve le plus grand nombre — dix-neuf —, soit près de la moitié. Plus de 66
activités d’apprentissage distinctes sont offertes à travers le réseau des EI. Le réseau a accueilli plus de 2
600 participants-travailleurs en 2002. Près de 600 personnes sont employées de façon permanente dans les
EI (responsables de l’accompagnement, de la production, directeur, personnel administratif, etc.). La vente
de produits et services par ces entreprises génère plus de 20 millions de dollars dans l’économie québécoise.
La monographie sur le Québec est divisée en quatre parties. La première balise le secteur de l’insertion par
l’activité économique au Québec. On y présente d’abord l’historique de l’IAE, puis les définitions qu’on lui a
données, l’environnement législatif et le cadre institutionnel mis en place par le gouvernement du Québec
ainsi que les principales aides et le financement disponible. La seconde partie présente en détail les différents
acteurs locaux (EI), le regroupement d’acteurs (CEIQ), les institutions publiques liées à l’IAE (MSSS, EmploiQuébec, CLE, etc.) et les différentes instances de concertation (Comité du suivi du cadre de reconnaissance
et de financement, Comité consultatif régional-Accréditation des entreprises d’insertion, etc.). La troisième
partie concerne les « parcours d’insertion » ainsi que les caractéristiques socio-économiques des
participants-travailleurs qui travaillent dans les structures de l’insertion par l’activité économique. Enfin, la
quatrième partie concerne les enjeux politiques actuels de l’insertion par l’activité économique au Québec.
LA SUISSE ROMANDE : L’insertion par l’activité économique, un secteur d’intervention en
émergence
La Suisse est une nation multiculturelle et multiconfessionnelle régie par une constitution fédérale. Le
terme Confédération désigne l’état fédéral en Suisse et ses compétences sont fixées par la constitution. La
Confédération est notamment compétente en matière de politique étrangère, de politique de sécurité, de
douanes, de monnaie et de la législation de la Confédération; lorsque celle-ci s'applique à tout le territoire
national. Elle est généralement compétente dans tous les domaines qui touchent à l'intérêt général. Les
tâches qui ne relèvent pas expressément de sa compétence sont du ressort des cantons ou des communes.
Le territoire suisse est divisé en 23 cantons. Le canton le plus récent, le Jura, a été créé en 1978. Les
cantons sont des États qui se sont réunis petit à petit dès 1291 pour donner naissance à la Confédération
(1848) en lui transférant ainsi une partie de leur souveraineté. Chaque canton ou demi-canton a sa propre
Présentation de la recherche comparative
L’activité des entreprises d’insertion au Québec se situe dans le secteur marchand de l’économie. Toutes
s’inscrivent dans l’économie de marché tout en mettant de l’avant un projet social d’insertion de personnes
marginalisées. Dans le cadre de cette monographie, comme il a été stipulé par les directives de recherche,
nous limiterons notre analyse de l’IAE au Québec aux entreprises d’insertion membres du CEIQ. Cependant,
étant donné les relations étroites qu’entretiennent les acteurs du secteur de l’insertion par l’activité
économique avec d’autres organismes dont la mission se situe en périphérie de l’IEA, ces derniers seront
aussi mentionnés à l’occasion. En amont des initiatives d’insertion par l’économique qui prennent la forme
d’une « entreprise d’insertion » se trouvent, par exemple, des organismes qui proposent des services d’accueil,
de « counselling » (organismes communautaires, les CDEC, etc.) ou encore des services de francisation
(éducation aux adultes dans le réseau public, organismes communautaires, etc.). D’autre part, en aval,
s’adressant à des personnes en fin de parcours, il y aussi des organismes qui offrent des services de référence
auprès des employeurs, des services de placement, du « suivi en emploi » ou encore un soutien à la création
d’entreprises ou au travail autonome. Soulignons enfin qu’à l’intérieur même de l’entreprise d’insertion, ce
type de service est bien souvent rendu disponible.
29
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
constitution, son parlement, son gouvernement et ses tribunaux. Les parlements cantonaux comptent de 58
à 200 sièges, et les gouvernements cantonaux cinq, sept ou neuf personnes.
En ce qui a trait aux « portes d’entrée » de l’IAE en Suisse, soulignons que les personnes bénéficiant de
l’assurance-chômage ou de l’aide sociale peuvent consulter les Offices d’Orientation et Formation
Professionnelle (OOFT) (dans les cantons), qui, dans certains cas, ont développé des prestations dans
l’évaluation des acquis, des portfolios voire de certification. D’autre part, les Offices régionaux de placement
(ORP) gèrent les mesures actives et le placement des chômeurs. Dans ce dernier cas, c’est le gouvernement
fédéral qui finance la prestation des services qui, par ailleurs, sont gérés au niveau cantonal.
Cette courte présentation de l’organisation politique de la Suisse met en relief les structures différenciées
ainsi que les fortes variations en ce qui concerne les champs de compétences entre les paliers fédéral,
cantonal et communal. Il semble que ce type d’organisation rend difficile l’établissement d’une ou des
définitions gouvernementales de l’insertion par l’activité économique. Ainsi, on constatera qu’en Suisse,
contrairement aux cas français, belge et québécois, les entreprises sociales d’insertion par l’économique ne
correspondent à aucune définition précise. Pour plusieurs, cette absence de définition constitue un frein au
développement des structures d’IAE. De plus, ceci constitue également un frein à l'organisation en
fédération ou en réseau.
Présentation de la recherche comparative
Il semble d’ailleurs que cette absence de définition se répercute sur l’organisation en association
professionnelle nationale des entreprises sociales d’insertion par l’économique qui demeure encore très
partielle en Suisse. Certains réseaux, parfois éphémères, se sont constitués, notamment le réseau genevois
Réinsertion où va-t-on. Ce réseau informel comprenait plusieurs entreprises sociales d’insertion, notamment :
Réalise (Genève), l’Orangerie (Genève), SOS Femmes (Genève), La Thune (Valais), Emploi et Solidarité
(Fribourg) et Caritas-Jura (Jura). Bien que le réseau « Réinsertion où va-t-on » n'existe plus, ce fut le
premier pas vers la constitution du RÉSOL. Pour cette raison, il nous a paru important d’en relever
l’existence, bien qu’elle fut éphémère.
30
Ainsi, au niveau régional, le RÉSOL, Réseau alémanique économie solidaire/entreprises sociales, a été
constitué récemment et a pour ambition de fédérer des organisations de l'économie sociale (et pas
seulement des ESIE). Face aux difficultés de fédérer les organisations de l'économie sociale directement au
niveau romand, il a été décidé que le RÉSOL deviendrait un groupe de travail francophone de l'AOMAS. Dans
le canton de Genève, l'association APRES a été créée fin 2003, pour réseauter au niveau de la région
genevoise les organisations de l'économie sociale et solidaire, dont les ESIE.
Dans le cadre de cette monographie, comme il a été stipulé par les directives de recherche, l’analyse de l’IAE
en Suisse portera surtout sur les entreprises sociales d’insertion relevant du secteur marchand. Cependant,
les relations étroites qu’entretiennent les acteurs du secteur de l’insertion par l’activité économique font en
sorte que les activités en périphérie de l’IAE seront aussi mentionnées à l’occasion.
En Suisse, l’absence de définition institutionnelle de l’insertion par l’activité économique fait en sorte que
les entreprises sociales d’insertion par l’économique ne sont pas circonscrites à un secteur précis de
l’économie. Ainsi, parmi les entreprises se qualifiant d’entreprises sociales d’insertion, on trouvera, à la fois,
des entreprises opérant dans le secteur marchand de l’économique et dans le secteur qu’on a appelé le
secteur de l’utilité publique. De plus, dans le cas suisse, la distinction entre les entreprises s’adressant à des
personnes exclues du marché du travail et celles employant des « personnes handicapées » au sens de la loi
sur l’assurance-invalidité n’est pas aussi tranchée que dans les cas français, québécois ou belge.
Cette précision étant faite, il faut aussi souligner qu’il existe différents types de structures et de services se
situant en amont des initiatives d’insertion par l’économique qui prennent la forme d’une « entreprise
sociale d’insertion », notamment les ateliers pour personnes handicapées (bénéficiaires de l'AI), qui font de
« l'économique », mais sans perspective de réinsertion (ou de manière très partielle).
D’autre part, en aval de l’IAE, notamment pour des personnes ayant complété leurs parcours en ESIE (mais
non exclusivement, car les services sont généralement ouverts à tous), de nombreux services ont été mis en
place. Certains cantons ont prévu des mesures d’accompagnement pour les personnes bénéficiant de l’aide
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
sociale ou des mesures de type revenu minimum pour retrouver un emploi. Les cantons peuvent ainsi
financer aussi certaines institutions qui offrent du travail avec des rémunérations minimums. D’autre part,
la LACI (Loi fédérale sur l'Assurance-Chômage et Insolvabilité) prévoit des « aide au démarrage d’entreprise »
aux personnes ayant droit aux indemnités chômage et voulant exercer une activité à titre de travailleur
indépendant.
Dans l’ensemble, ces services se situent à la périphérie de l’IAE, ils ne seront pas abordés directement dans
la monographie. Comme il a été stipulé par les directives de recherche, l’analyse de l’IAE en Suisse porte sur
les entreprises sociales d’insertion (ESIE) relevant du secteur marchand. Cependant, les relations étroites
qu’entretiennent les acteurs du secteur de l’insertion par l’activité économique font en sorte que les
activités en périphérie de l’IAE seront aussi mentionnées à l’occasion. Quant à eux, les « entreprises sociales
d’insertion par l’économique » (ESIE) produisent des biens et/ou des services, tout en mettant de l’avant un
projet social d’insertion de personnes marginalisées, ce qui correspond à la définition de l’IAE utilisée dans
le cadre de la recherche.
En terminant, soulignons qu’il n’existe pas de recensement national ou cantonal des ESIE en Suisse qui nous
permettrait d’en présenter un portrait global (nombre d’ESIE, leur taille, nombre d’accompagnateurs, nombre
de collaborateurs, etc.).
Les défis et enjeux politiques actuels
BELGIQUE
Enjeux perçus en Belgique (FéBISP) :
•
Défi de la consolidation,
•
Application de l’accord non-marchand,
•
Vers une meilleure définition du partenariat associatif,
•
Défi de l’évolution,
•
Face au marché de l’emploi et à son évolution,
•
Penser en termes de parcours d’insertion dits de socialisation,
•
Développer une formation qualifiante,
•
Défi d’une intervention citoyenne : l’insertion comme un des maillons de l’intervention sociale.
Enjeux perçus en Belgique (RES) :
•
Une position de renforcement de la dynamique de croissance du secteur des entreprises sociales,
•
Des actions pour faciliter les interventions auprès des demandeurs d’emploi particulièrement difficile
à placer,
•
Développer des « ressourceries » et des « serviceries »,
•
Développer un chantier SFS,
•
Mettre en place des cellules d’économie sociale au niveau régional.
Présentation de la recherche comparative
La monographie sur la Suisse est divisée en trois parties. La première balise le secteur de l’insertion par
l’activité économique en Suisse. On y présente d’abord l’historique de l’IAE, puis les définitions qu’on lui a
données, l’environnement législatif et le cadre institutionnel mis en place par les différents paliers de
gouvernements ainsi que les principales aides et les subventions disponibles. La seconde partie présente en
détail les différents acteurs locaux (ESI), le regroupement d’acteurs (Réinsertion où va-t-on, RÉSOL, APRES,
AOMAS), les institutions publiques liées à l’IAE (SECO, ORP, OOFP, cantons et communes) et la seule instance
de concertation (Conférence suisse des institutions d’actions sociales). Enfin, la troisième partie concerne
les enjeux politiques actuels de l’insertion par l’activité économique en Suisse.
31
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
FRANCE
Enjeux perçus par le CNEI
•
Enjeux concernant le public : dans une situation de multiplication des dispositifs, il s’agit de contrer
la distanciation et la perte de confiance entre les publics et les professionnels ;
•
Les rapports de l’IAE aux politiques publiques et aux acteurs locaux : inscrire l’IAE comme une
démarche de développement local, ce qui implique des partenariats et des alliances ;
•
Enjeu de la communication pour bien dégager la spécificité et l’identité des IAE ;
•
Les enjeux de la reconnaissance et du rapprochement entre réseaux au niveau européen ;
•
Enjeux liés au Contrat d’insertion revenu minimum d’activité (CI-RMA) ;
•
Une certaine levée de boucliers contre une mesure qui favorise une intégration forcée et précarisée
des publics de l’insertion dans le marché du travail.
Présentation de la recherche comparative
QUÉBEC
•
Le défi de l’aggravation des problématiques des participants : des populations plus lourdement affectées
que par le passé ;
•
L’enjeu de la formation globale : favoriser une reconnaissance du modèle de formation et
d’apprentissage réalisé en cours d’insertion par le ou la participant(e);
•
Le défi de la vie démocratique : l’entreprise d’insertion est un espace démocratique à développer et
à protéger contre certaines tentatives externes visant à amoindrir la vie démocratique qu’on y
rencontre ;
•
La question du développement des entreprises d’insertion par l’adoption de critères d’évaluation et de
productivité sociale et économique adaptés à leur spécificité ;
•
Les rapports avec le milieu : des développements sont à faire en fonction des différents types
d’acteurs avec lesquels les EI du Québec interagissent :
-
le milieu communautaire,
-
le secteur privé,
-
la société civile,
-
l’État,
-
les syndicats.
SUISSE
•
•
•
Une situation spécifique d’un secteur en émergence : tout est en démarrage, dès lors :
-
la question de la reconnaissance,
-
carence au plan de formes juridiques adaptées,
-
problèmes généraux d’intervention spécifiques à l’insertion par l’économique dans un contexte
faiblement institutionnalisé.
Des enjeux politiques particuliers en termes :
-
de manque de cohérence dans les politiques publiques ;
-
d’absence de mesures actives.
Les débats liés à la substitution d’emploi : l’insertion qui substitue des emplois qui relevaient du
secteur public ou qui colonisent le domaine du marché.
32
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
CONCLUSION
La réalisation de cette recherche nous a permis de dégager quelques constats.
Premièrement, force est de constater que les contextes politiques, économiques, associatifs ou civiques de
chaque entité nationale pèsent lourdement sur la nature et la structuration des dispositifs en matière
d’insertion par l’activité économique. S’il y a une convergence dans la problématisation de la question
sociale de l’exclusion et un consensus sur la mise à l’écart de certaines populations, les façons d’agir pour
répondre à cette question se teintent d’une culturalité qui permet certes d’identifier des racines communes
ou une parenté d’action, mais aussi une diversité de pratiques. Au-delà d’une certaine langue commune,
nous sommes confrontés à la présence de quatre dialectes bien distincts. D’où l’importance du travail que
nous avons fait pour dégager les champs sémantiques et les réalités institutionnelles propres à ces quatre
univers. Sans cette compréhension, il devient difficile d’établir des échanges et de s’inspirer réciproquement
en favorisant des activités de transfert et de mise en proximité.
Troisièmement, les contextes institutionnels sur l’insertion par l’activité économique nous ont révélé une
forte imbrication entre les dispositifs associatifs (Europe) et communautaire (Québec) et l’appareil public.
En fait, les quatre monographies mettent en scène deux acteurs fortement liés et dépendants l’un de l’autre,
mais pas avec le même type de dépendance et de pouvoir. Ce constat nous renvoit au cadre fordiste et
keynésien de structuration du devenir sociétal à un moment où ce cadre perd de son acuité pour expliquer
et mobiliser les acteurs sociaux. En d’autres mots, le cadre relationnel de l’insertion par l’activité
économique donne l’impression d’être resté figé dans un mode de gestion fordiste et keynésien des rapports
sociaux. Cette situation fait en sorte que les cadres d’intervention se définissent principalement en
fonction de paramètres nationaux, sans tenir compte de la mondialisation, de l’évolution des situations
économiques, des transformations identitaires. Ceci nous amène à formuler un questionnement sur le
renouvellement de la capacité d’innovation sociale et économique des structures ou des dispositifs
d’insertion par l’activité économique. En étant trop collé par rapport à chaque réalité nationale, tant sous
son l’angle des politiques publiques que de la configuration du marché du travail, la capacité d’innovation
des acteurs sociaux de l’insertion ne se trouve-t-elle pas « cadenassée » par une certaine rationalité de
gestion en douceur d’une forme de marginalité socio-économique ? En étant centré sur des réponses très
adaptées à des spécificités nationales, est-on en mesure de réfléchir et d’agir plus politiquement sur les
causes et la remise en question des processus producteurs d’exclusion socio-économique ? N’en arrive-t-on
pas à faire une bonne ou une très bonne intervention professionnelle et paradoxalement à réaliser une
faible intervention citoyenne ? N’en arrive-t-on pas à agir uniquement en amont du marché du travail pour
préparer une population à ce dernier sans responsabiliser les gens d’affaires et les syndicats sur leurs
responsabilités eu égard à l’adaptation de l’entreprise à une main-d’œuvre « culturellement » diversifiée dans
sa prédisposition à entrer dans le moule d’un « bon type de comportement au travail » ?
Ce questionnement, nous pouvons le retrouver en filigrane dans les enjeux identifiés par les acteurs de
l’insertion par l’activité économique. Il propose de questionner les politiques publiques et le marché du
travail (Suisse), de ne pas s’asseoir sur les acquis d’une reconnaissance publique et de se commettre par rapport
à de nouveaux enjeux (France), de travailler à faire reconnaître l’expertise formatrice des entreprises
d’insertion (Québec), de penser l’insertion comme un maillon de l’intervention sociale (Belgique).
Présentation de la recherche comparative
Deuxièmement, nous avions l’intention d’identifier et de caractériser les systèmes d’acteurs. Les résultats
de cette recherche permettent de déceler des systèmes d’acteurs. Elle permet moins de définir les cadres
d’intervention spécifiques relevant d’acteurs autres que ceux de l’insertion ou des agences publiques. Cette
recherche dit peu de chose sur l’acteur privé, sur l’acteur syndical et sur les populations en situation
d’insertion. Nous avons abordé ce qui est au centre apparent, reste à identifier ce qui relève d’une autre
« centralisé », à savoir les populations visées, les bénéficiaires ou les usagers, et surtout les populations
silencieuses, les gens d’affaires, sans qui il est difficile d’avoir une action intégrée en matière d’insertion.
Ces acteurs occupent une fonction clé tant en ce qui concerne les causes de l’exclusion que les résultats de
l’intégration au marché du travail.
33
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
En fait, on décèle une volonté de renouer avec la capacité innovante du mouvement social que représente
l’insertion par l’activité économique, mais aussi une difficulté à sortir du moule confortant découlant des
gains ou des acquis en termes de reconnaissance publique. Lorsqu’il est question de réfléchir à la grande
question de la démocratisation de l’activité socio-économique par et dans l’activité insertive (Québec) ; de
dénouer le problème de l’intervention auprès des demandeurs d’emploi difficile à placer (Belgique) ; de se
rapprocher des publics en court-circuitant l’effet de distanciation découlant d’une professionnalisation de
l’intervention (France) ; de trouver des formes juridiques appropriées aux besoins portés par les organisations
insertives (Suisse).
Présentation de la recherche comparative
Si les enjeux sont variés, ils portent faiblement sur la production d’outils collectifs au niveau national.
Est-ce à dire que les dispositifs sont bien nantis ? Qu’il n’y a plus de besoins à cet effet ? Nous lançons la
question. Nous y joignons aussi une autre question ; est-il nécessaire de développer des outils collectifs à
l’échelle internationale de façon à faciliter les transferts, les échanges, les mises en proximité et des actions
conjointes auprès des législateurs et des grands acteurs économiques ?
34
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Conférence :
les rapports avec les acteurs du milieu
19 octobre 2004
Quatre conférenciers ont tenté de cerner les enjeux à la fois très complexes et variés du rapport des
entreprises d’insertion avec leur milieu respectif. Ce sont Jean-Paul Héliot de France, Gabriel Maissin de
Belgique, Esther Widmer de la Suisse et Chantal Aznavourian du Québec. Leurs présentations se sont
inscrites dans la continuité des conférences prononcées la veille par les chercheurs de l’Insé.
Le positionnement des entreprises d’insertion :
un mode d’action sociale développé au cœur de l’économie
marchande concurrentielle
Allocution de monsieur Jean-Paul Héliot,
Président du Comité national des entreprises d’insertion
RAPPEL HISTORIQUE DE L’ÉVOLUTION DU POSITIONNEMENT DES ENTREPRISES D’INSERTION
Nées dans la fin des années 70 des initiatives de travailleurs sociaux, les entreprises d’insertion constituent
une des importantes innovations de l’action sociale des 25 dernières années. Dans leur sillage se
développeront progressivement d’autres formes d’interventions recourant à l’activité économique comme
moyen d’action destiné à favoriser l’insertion sociale et professionnelle de personnes cumulant des
difficultés particulières d’emploi.
Les entreprises d’insertion trouvent leur premier appui réglementaire dans la circulaire du 10 septembre
1979, dite circulaire 44, qui pose les premières bases de « l’insertion dans la vie économique pour les
personnes en difficulté ». Cette circulaire prend acte des expériences développées visant à sortir des
pratiques institutionnelles et individuelles de l’assistanat, inverser les flux économiques, activer les dépenses
sociales passives en abondant la création de plus value générée par la production.
Aujourd’hui, les entreprises d’insertion ce sont, 950 entreprises de production, 240 entreprises de travail
temporaire, environ 35 000 salariés, plus de 30 métiers développés au service de l’insertion. En 25 ans, les
initiatives individuelles de travailleurs sociaux ont installé au cœur du champ économique marchand
concurrentiel un outil d’action sociale qui a modifié de fait les rapports traditionnels avec les décideurs
politiques et la puissance publique, le monde de l’entreprise et des organisations professionnelles et le
champ de l’action sociale lui-même. Cette démarche des entreprises d’insertion est en permanence active
et en tension sur trois enjeux majeurs qui conditionnent leur réussite et leur pérennisation.
Conférence
Elles intègrent peu à peu les textes législatifs, le Code du travail, les politiques publiques de l’action sociale,
de l’emploi, de la lutte contre les exclusions puis de la cohésion sociale. C’est la Loi de lutte contre les
exclusions de Martine Aubry, en 1998, qui définit un nouveau cadre juridique et organisationnel à l’Insertion
par l’activité économique, renforce l’accompagnement financier et la territorialisation dans le cadre de la
lutte contre les exclusions.
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Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
UN ENJEU POLITIQUE : Créer de la valeur ajoutée humaine en s’appuyant sur l’espace de l’entreprise.
L’énoncé peut-être un peu provocateur si l’on considère qu’en terme économique, la valeur ajoutée est la
différence entre la valeur de production et la valeur des consommations intermédiaires nécessitées par cette
production. Il s’est donc agi de démontrer comment les entreprises d’insertion créent cette richesse, en
plaçant l’homme au centre de leur démarche entrepreneuriale, comment elles garantissent l’insertion
sociale et professionnelle des personnes en situation d’exclusion et comment elles effectuent les arbitrages
au niveau organisationnel, de gestion, y compris financière, en matière de fonctionnement d’entreprise.
Partant du postulat que nul n’est à priori inemployable, bâties dès le départ sur la mise en œuvre et la
promotion du contrat de travail salarié de droit commun, les entreprises d’insertion se sont placées dans
une culture de l’exigence, de l’engagement réciproque fourni par le contrat de travail d’échange, de la
reconnaissance. Cette pédagogie développée dans les entreprises d’insertion n’a cessé de se renforcer au fil
des années et s’appuie aujourd’hui sur deux piliers : le centre de formation spécialisé du CNEI, destiné aux
permanents des entreprises adhérentes, la démarche Qualité mise en place à travers le Label QUALIREI, le
Label Qualité des pratiques sociales mises en œuvres.
Peut-on parler alors d’une véritable fonction sociétale à travers les entreprises d’insertion ? Certainement,
les voies mêmes modestes qu’elles ouvrent, montrent qu’on peut être performant avec des personnes
réputées « sans compétences ».
L’intensification des contacts avec les syndicats salariés et employeurs, les partenaires sociaux en général,
objectif et enjeu d’importance, montre bien que dans le débat essentiel qui se situe au niveau des instruments
de régulation de la société, (…) les entreprises d’insertion contribuent très fortement à y participer.
UN ENJEU D’INTÉGRATION ÉCONOMIQUE : l’inscription dans les marchés concurrentiels
Partant du postulat qu’elles ne sont insérantes que lorsque leur propre insertion est réussie au sein des
entreprises et du champ économique, les entreprises d’insertion font face aux mêmes défis que rencontrent
quotidiennement les autres entreprises.
Inscrites dans un marché concurrentiel, elles sont dans l’obligation d’être à la fois professionnelles,
modernes, attractives et performantes, de se situer avec pertinence et en autonomie sur leurs métiers et
dans leur filière. Une position qui place les entrepreneurs d’insertion devant nombre de responsabilités : être
des manageurs professionnels compétents, novateurs et solidaires, développant une haute qualité technique
et sociale.
Conférence
Dans quelle mesure le marché, environnement naturel des entreprises d’insertion, peut-il optimiser leur
finalité ? Autrement dit, cette exposition aux contraintes de la logique économique et aux exigences du
marché constitue-t-elle un frein, représente-t-elle un atout ou tout simplement une condition de la mise
en œuvre du projet social ?
36
On peut penser que le fait d’embaucher un public éloigné de l’emploi représente un frein dans le cadre de
la concurrence. L’évaluation du coût de la mise en œuvre du projet social et sa prise en compte par la
collectivité, deviennent indispensables pour éviter la mise en péril de l’entreprise. Une des priorités du CNEI
a (…) été d’obtenir des négociations avec la puissance publique, un mode et un niveau de financement
concordant avec les engagements sociaux de l’entreprise d’insertion et ses contraintes économiques.
L’équilibre fragile sur lequel repose l’alchimie de l’EI n’apparaît pas immédiatement comme un atout au sein
du marché au sens d’avantage concurrentiel. À l’inverse, le marché ne peut se résumer en un milieu hostile,
antinomique au concept d’entreprise d’insertion.
Entreprendre autrement est un défi et un stimulant, un challenge qui la tire vers le haut, la pousse à se
professionnaliser, à tenter le pari de l’excellence, du double impératif qui est le sien. C’est en définissant des
procédures de fonctionnement que l’EI va trouver le moyen de répondre à l’exigence de son double métier.
C’est vrai pour la mise en œuvre de la prestation sociale, c’est vrai pour les règles du marché. J’évoquais
tout à l’heure la démarche QUALIREI. On constate désormais que de plus en plus d’entreprises d’insertion
sont engagées ou certifiées dans les normes ISO.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Suspectés autrefois de concurrence déloyale, les entrepreneurs d’insertion sont désormais acteurs de
coopérations partenariales avec des entreprises, des organisations et des syndicats professionnels, se
concertent et contractent des alliances avec les partenaires sociaux.
Je citerai deux exemples emblématiques conclus l’un, avec le Syndicat des entreprises de travail temporaire,
l’autre avec la Fédération des entreprises de la récupération, qui illustrent des coopérations économiques et
sociales. Ces deux accords prennent acte des complémentarités réciproques, organisent la cohérence de la
représentation et établissent les passerelles nécessaires entre l’insertion et la profession en perspective des
besoins et des évolutions de la branche professionnelle. Je citerai encore la démarche de lobbying en
direction des pouvoirs publics menée récemment avec la confédération CFDT et les grandes organisations
sociales et caritatives pour faire évoluer le cadre législatif du projet de loi de cohésion sociale.
UN ENJEU ÉTHIQUE : des investissements citoyens porteurs d’avenir
La notion d’investissement productif est le plus souvent assimilée à un apport de moyens, essentiellement
financiers, qui vont eux-mêmes générer de la richesse, du retour sur investissement.
D’une manière usuelle, au sens large des politiques sociales, cette approche s’arrête le plus souvent à
l’inventaire des coûts, à la principale correspondance entre les budgets alloués et consommés et le niveau
des dépenses publiques. La règle admise est de collecter une partie des richesses produites pour les affecter,
par redistribution, à des missions d’aides. Dans ce cas, c’est d’avantage le niveau que le principe qui est
débattu.
Quand on connaît les conséquences destructrices de l’exclusion sous toutes ses formes, pour la personne
qui la subit, comme pour la collectivité, n’est-il pas probant, à contrario, que les moyens mis en œuvre
constituent l’une et l’autre un investissement productif, dans ses dimensions sociales et économiques ?
Combien cela rapporte-t-il (actuellement NDLR) et combien cela coûterait-il si ce n’était pas fait ? Former
un salarié doté de savoir-faire et de qualifications, qui redevient autonome financièrement et qui prétend
ensuite au marché concurrentiel, signifie que nous avons concouru au développement économique d’une
branche professionnelle.
Dans un contexte où beaucoup d’acteurs dans le champ de l’économie solidaire se réfèrent désormais à
cette notion d’investissement productif, on assimile souvent les entreprises d’insertion à une alternative à
l’économie de marché, mais il est plus juste de considérer qu’elles revendiquent une place à part entière
dans cette même économie de marché. La crédibilité des entreprises d’insertion tient, entre autres, au fait
qu’elles ont choisi le marché avec toutes ses contraintes pour exercer leur mission sociale.
Ce qui ne veut pas dire qu’elles oublient que c’est en partie lui qui exclut et qu’il soit le seul à pouvoir
résoudre la crise ; en revanche, c’est bien le moyen le plus productif de faire de l’insertion. La forme
entrepreneuriale est la condition pour mettre pleinement en œuvre ce motif qu’est le projet d’insertion.
Sur les questions sociales, de la lutte contre les exclusions à la gestion prévisionnelle de l’emploi, les
investisseurs privés ou institutionnels peuvent trouver ici une des formes concrètes du développement
durable. Sur cet enjeu essentiel, les contractualisations qui se développent fortement avec des opérateurs
publics et privés, révèlent un véritable mouvement dynamique dans ce sens, précurseur d’une montée en
puissance capable de soutenir et d’accompagner les entreprises d’insertion dans leur développement. Encore
faut-il que des entrepreneurs de plus en plus nombreux s’investissent sur ces enjeux. C’est bien sûr en tout
premier lieu de la responsabilité de notre Fédération que de leur en donner envie et quelques clés de leur
réussite.
Conférence
Alors peut-on parler de « capital-risqueurs » de l’humain ? Un capital risque qui prendrait ici deux dimensions :
l’une, d’avantage immatérielle, qui se traduit au figuré par l’initiative d’entrepreneurs sociaux qui s’investissent,
avec des risques humains, professionnels, sociaux dans des entreprises dont l’objet sera d’apporter des
réponses à des personnes et à la collectivité ; l’autre matérialisée par des apports, notamment financiers,
qui formalisent un engagement dans la durée, auprès et avec les entreprises d’insertion.
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Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Dans quel environnement les entreprises d’insertion
du Québec ont pris naissance et se sont développées
Extrait de la présentation de Madame Chantal Aznavourian,
Directrice générale du Collectif des entreprises d’insertion
Suite à la crise économique des années 70 (déstructuration, faillites, relocalisations industrielles et coup
d’envoi de la mondialisation de la pauvreté = restructuration du capital), le monde occidental a vu
apparaître de nouvelles formes de pauvreté et de précarité : chômage, faibles salaires, travail temporaire et
intérimaire…
Alors que les gouvernements abandonnent l’État providence, tendent à miser sur la responsabilité individuelle
et mettent en place des programmes d’employabilité pour adapter la main-d’œuvre au besoin du marché
du travail, les milieux s’organisent afin d’offrir de nouveaux services, contrer le chômage et la perte de
qualification, combler les besoins de formation, mais aussi en allant plus loin, en développant l’éducation
populaire.
Ainsi, au début des années 80, face à la décomposition du tissu social et de l’économie, de nouvelles stratégies
de développement se mettent en place sous différentes formes, en Europe, comme en Amérique du Nord.
Ces stratégies prennent ancrage dans ce que l’on va appeler revitalisation économique et sociale des
territoires, développement local et développement économique communautaire. Des initiatives
économiques à caractère social et communautaire voient le jour misant, elles, sur la responsabilité collective
et la concertation des acteurs locaux.
Afin d’harmoniser les interventions, des pratiques partenariales se développent sur le terrain. Les premières
expériences d’entreprises d’insertion voient le jour au milieu des années 80. Par la suite au début des années
90, c’est de déploiement de l’insertion par l’économique qui donne naissance à la plupart des entreprises
d’insertion d’aujourd’hui.
Bien que certains voient à ce moment là une nouvelle forme d’exploitation appelée « cheap labor » soit
« main-d’œuvre bon marché », les entreprises d’insertion du Québec se structurent, se donnent sept critères
de définition et s’organisent autour du Collectif. Elles démontrent que les dispositifs qu’elles mettent en
place, les structures d’encadrement et les modes d’interventions qu’elles développent, mettent le travailleur
en formation au cœur de leur mission. Elles travaillent au développement des personnes dans un objectif
de lutte contre la pauvreté et contre l’exclusion. Elles utilisent l’économique comme un outil d’intervention.
Dans le courant des années 90, de nombreuses entreprises d’insertion voient le jour. Elles sont généralement
le fruit d’un partenariat et d’une volonté collective qui cherche à trouver des solutions durables à la
précarité, à la pauvreté et à l’exclusion. Pour nombre d’entre elles, notamment dans la région de Montréal,
leur développement se fait en concertation avec les Corporations de développement économique
communautaire et, dans d’autres régions, avec les Corporations de développement communautaire.
Conférence
En 1998, avec l’adoption du Cadre de reconnaissance et de financement, elles font désormais pleinement
partie de l’infrastructure sociale que le Québec s’est donné en matière d’insertion sociale et professionnelle.
De plus, leurs activités économiques (sans cesse grandissante) et les emplois permanents qu’elles génèrent
en font un partenaire de choix de l’économie sociale.
Actuellement il y a 51 entreprises d’insertion au Québec. Trente-neuf (39) sont membres du Collectif. Elles
œuvrent dans 12 régions du Québec. Quarante pour-cent (40 %) sont situées dans la région de Montréal.
La participation d’Emploi Québec est d’environ 33 000 000 $.
Elles accueillent près 2 500 personnes par année, génèrent cette année près de 25 000 000 $ de revenus
par la vente de produits et services et créent 600 emplois permanents directs. On dénombre 66 domaines
d’apprentissage différents.
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Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
LES LIENS AVEC L’ENVIRONNEMENT
À cause de leur mission, des problématiques rencontrées par les travailleurs en formation, des secteurs
d’apprentissage, (…), les entreprises d’insertion entretiennent avec leur environnement des liens de
différentes natures selon :
•
l’historique de création de l’entreprise,
•
la région et/ou le territoire dans lequel elles prennent ancrage,
•
le secteur d’activité de l’entreprise,
•
l’organisation et les processus qu’elles mettent en place ; par exemple, leur capacité à mettre en place
des stratégies de communication construites en fonction des acteurs à qui elles s’adressent.
Quels sont ces liens ?
•
Liens avec la société civile: il s’agit des personnes constituant les conseils d’administration, de bénévoles,
de donateurs, de la population en général…
•
Liens de proximité : les organismes communautaires du milieu avec lesquels l’entreprise développe des
partenariats qui vont du recrutement jusqu’à la référence des travailleurs en formation. C’est aussi
des liens de collaboration autour d’une problématique particulière ou des clientèles.
•
Liens d’affaires : fournisseurs, clients, institutions financières…
•
Liens institutionnels et gouvernementaux : financement, ententes de services avec différentes
institutions : Emploi Québec, évidemment, mais aussi le monde de l’éducation, de la santé et des
services sociaux, du juridique…
•
Liens stratégiques : tables de concertation locales, regroupements locaux, régionaux, provincial et
national, concertations sectorielles, groupes sociaux…
•
Lien de solidarité : avec d’autres causes, par exemple, au niveau international.
LES LIENS TRANSVERSAUX
Mais la construction de liens transversaux, c'est-à-dire des alliances ou des solidarités est complexe et
fragile. Elle évolue dans un contexte néolibéral où l’État providence a rendu l’âme. Il préfère partager la
responsabilité sociale du bien-être des personnes jouant le rôle d’État partenaire, accompagnateur et
animateur tout en décidant, en vase clos, des coupures budgétaires et des priorités en ce qui concerne les
politiques sociales. On ne parle plus que d’efficacité et d’efficience, de reddition des comptes et règles de
conformité, laissant une société civile perplexe qui se questionne sur sa place et son droit de cité. L’État
passe le relais au niveau régional et local. Mais sur le terrain, de fait, les patineurs sont nombreux et la
patinoire fait peau de chagrin. Comme dirait Monsieur Parazelli, « à défaut de ressources nécessaires le
partenariat pourrait devenir le « déversoir »du trop plein de problèmes sociaux que l’État ne pourrait traiter. »
Ainsi les alliances stratégiques et les solidarités risquent de se traduire ou de se réduire à une simple gestion
des pots cassés.
Par ailleurs, force est de constater que les partenaires n’ont pas tous les mêmes intérêts et les mêmes objectifs.
Ils ne sont pas tous organisés de la même façon et ne disposent pas toujours des outils organisationnels et
financiers nécessaires pour s’investir pleinement. De plus, dans la lutte contre la pauvreté et contre l’exclusion,
les entreprises d’insertion ne sont évidemment pas les seuls acteurs. Et les partenaires font des choix
stratégiques, eux aussi.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Conférence
Collée à sa réalité, aucune entreprise ne peut faire l’impasse sur l’un de ces liens. En effet, l’existence des
entreprises d’insertion au Québec présuppose une légitimité et une crédibilité de l’entreprise sur le territoire.
Le défi est donc de créer et de maintenir autour et dans l’entreprise non seulement des liens de partenariats,
mais une alliance d’acteurs qui contribuent collectivement à la mission d’insertion sociale et professionnelle.
Fortes de ces alliances, les entreprises pourraient augmenter l’efficacité de leur structure mise au service
des personnes et des collectivités. Tout en sachant, bien sûr, qu’en amont, pendant ou en aval du parcours,
chacun des partenaires a sa place.
39
Ceci dit, il reste encore des stratégies transversales gagnantes et l’exemple du Comité d’harmonisation de
Montréal illustre bien mon propos. Réunis par Emploi Québec, différents partenaires impliqués, de près ou
de loin, dans l’action des entreprises d’insertion et les entreprises d’insertion elles-mêmes ont entrepris de
travailler ensemble faisant de l’insertion un enjeu commun. Les résultats de cette mise en commun sont fort
intéressants et ont permis de mettre en interaction des acteurs qui, jusqu’à maintenant, intervenaient de
façon cloisonnée. (Ex : projet intégration, recherche sur le cumul des problématiques, reconnaissance des
formations, formation des gestionnaires).
Conférence
Malheureusement le comité d’harmonisation, prévu dans le Cadre de reconnaissance et de financement,
n’existe encore que pour la région de Montréal. Notre défi, au Québec, est de le transporter dans toutes les
régions où il y a des entreprises d’insertion.
40
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
De la longue marche du secteur de l’économie sociale
d’insertion pour sa reconnaissance…
et de quelques pièges qui lui sont tendus !
Extraits de l’allocution de Monsieur Gabriel Maissin,
administrateur délégué de la Fédération bruxelloise de l’insertion socioprofessionnelle.
(…) Le Royaume de Belgique est un état fédéral. Cette caractéristique n’a rien d’original, puisque de
nombreux pays la partage de par le monde. Dans le cas belge, ce fédéralisme - ou ce confédéralisme - est
encore dans une phase instable, évolutive, le système étant loin d’avoir achevé sa mutation.
Certaines matières comme l’enseignement, la formation professionnelle, sont réparties sur une base
« communautaire » c’est-à-dire sur la langue parlée4, d’autres matières comme l’emploi, l’économie le sont
sur une base « territoriale »5. Ce système engendre une complexité d’institutions et de dispositifs qui, pour
un pays de dix millions d’habitants et de 34 000 km2, laissent parfois pantois les politologues et
constitutionnalistes les plus aguerris. Je choisirai délibérément de laisser cet aspect de côté aujourd’hui,
bien qu’il y ait beaucoup à dire sur les implications de cette architecture institutionnelle pour l’économie
sociale et l’insertion socioprofessionnelle…
Je me focaliserai davantage sur un autre aspect de la réalité belge en rapport avec le sujet de cette table
ronde : « les rapports avec les acteurs du milieu ». On attend de nous, en effet, que nous examinions les
rapports du secteur de l’économie sociale d’insertion et les acteurs politiques, économiques et sociaux.
Pour se faire, il convient d’abord de situer les rapports particuliers – assez originaux – qu’entretiennent ceux
que l’on appelle chez nous « les partenaires sociaux6 », d’une part, et la « puissance publique », d’autre part.
On peut dire que, depuis la seconde guerre mondiale, fonctionne chez nous un système de concertation
sociale tout à fait particulier, basé sur des négociations et des accords sociaux à différents niveaux entre
représentants des employeurs réunis dans la très efficace Fédération des entreprises de Belgique7 et des
travailleurs organisés dans deux puissants syndicats (FGTB et CSC)8.
Ces accords, une fois transformés en conventions collectives de travail (CCT), constituent une véritable
source de droit, dans la mesure où ils acquièrent force de loi et sont donc applicables à l’ensemble du pays,
à un secteur économique ou à certaines entreprises ou institutions.
De cet accord entre « acteurs privés » découle une très grande partie des dispositions législatives et
réglementaires qui régissent aussi bien les relations de travail que la santé, la sécurité sociale, les normes
de qualifications, etc. Dans ce mécanisme, l’état joue tantôt le rôle d’un simple notaire entérinant les
conventions, tantôt un rôle d’arbitre en cas de désaccord persistant9.
4
Les Communautés flamande, française et allemande.
5
Les Régions : Flandre, Wallonie et Bruxelles-Capitale.
6
Certains milieux syndicaux préfèrent le terme moins consensuel « d’interlocuteurs sociaux ».
7
À laquelle il faut ajouter les représentants des « Classes moyennes », c’est-à-dire les petites entreprises artisanales, commerciales
et les professions libérales.
8
Fédération générale du travail de Belgique (socialiste), un million de membres et la Confédération des syndicats chrétiens,
1,3 millions de membres. Il existe aussi un syndicat libéral représentant 10 % des effectifs. La Belgique est un pays à haut taux
de syndicalisation de l’ordre de 75 %. Que se soit chez les ouvriers, employés ou fonctionnaires.
9
Dans des situations de crises aiguës, il est arrivé que le gouvernement décide de légiférer directement ou d’imposer un cadre
contraignant aux partenaires sociaux. Ces épisodes – assez rares - sont toujours des moments de tensions sociales et politiques
importants.
10
Que l’on désigne en Belgique par le terme « parastatal »
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Conférence
Ce système particulier a une autre caractéristique importante pour le thème de ce matin. La concertation
sociale systématique est aussi une gestion paritaire systématique. En effet, de nombreux organes d’avis,
mais aussi de gestion, sont composés par ce binôme « employeurs-travailleurs ». De grandes institutions10
41
dans le domaine de l’emploi, de la formation, de la sécurité sociale, … sont gérées paritairement. Tout un
système d’avis et de recommandations est mis en place, allant du Conseil national du travail et du Comité
économique et social au plan fédéral aux très influents Conseils économiques et sociaux des régions11.
Si je me permets d’attirer votre attention sur ce système de gestion paritaire, c’est pour montrer l’importance
qu’il revêt dans les matières qui nous intéressent : celles de l’économie sociale et de l’insertion. En effet,
exemple emblématique, c’est bien le Conseil économique et social de la région wallonne (CESRW) qui a produit
la définition de l’économie sociale, largement admise aujourd’hui12.
Où est le problème, me direz-vous ? C’est simple, les acteurs de l’économie sociale d’insertion ne siégeaient
pas dans ce conseil au moment où le dossier a été traité. Depuis, la fédération des entreprises du non
marchand a obtenu un siège d’observateur, mais l’ensemble des employeurs associatifs et du non marchand
n’est toujours pas membre à part entière de ce type d’institution.
Voici donc une caractéristique clef des relations entre « acteurs du milieu » : l’absence ou la faible
représentation dans les organes de décision ou d’avis des employeurs non marchands et associatifs en
général et de l’économie sociale en particulier. Évidemment, je suis entré par la grande porte, par les
vénérables institutions de notre système, et je suis donc un peu injuste.
Il est vrai qu’il existe de nombreuses instances où nous sommes présents en tant que porte-parole des
acteurs de l’économie sociale d’insertion. Il existe aussi de nombreuses commissions consultatives thématiques
où il est tout à fait possible de faire entendre son point de vue. Sans oublier notre capacité, plus ou moins
grande, à être entendus par des gestionnaires ou responsables politiques. Le lobbying (pardon pour l’anglicisme)
ne nous est pas inconnu… Mais il s’agit d’un système distinct du système général de concertation sociale à
la belge.
Quelles sont les raisons de cette situation ? Outre le fait que notre secteur et celui de l’ensemble du non
marchand en général sont encore en voie de structuration et commence seulement depuis quelques années
à fonctionner avec des fédérations professionnelles et des regroupements d’employeurs, les raisons lourdes
sont à chercher du côté du positionnement des partenaires les plus anciens et fondateurs du système.
Les employeurs (privés) estiment que notre secteur et nos associations, dans la mesure où ils sont
subventionnés et agissent souvent dans des créneaux réservés jusqu’ici aux services publics, s’apparentent
à des entreprises quasi-publiques. Dans le cas de l’économie sociale – en particulier – s’y ajoute la suspicion
de concurrence « déloyale ».
Les représentants des travailleurs estiment, pour leur part, que non seulement ils parlent et agissent au nom
de leurs affiliés, mais qu’étant donné l’ampleur de la syndicalisation et sa structuration interprofessionnelle,
ils sont tout à fait aptes à représenter une part majoritaire de la population. À ce titre, ils ont vocation à
prendre position sur les matières qui nous concernent.
Conférence
Étant donné l’extension constante du secteur non marchand, cette situation est intenable à terme et elle
appelle une transformation du système. Il est trop tôt pour dire quel en sera l’aboutissement. Une adjonction
d’une troisième composante « non marchande » au système de concertation sociale « à la belge » n’est sans
doute pas pour demain, ce serait trop simple… Mais les choses bougent.
42
11
Sauf pour Bruxelles, où cette instance n’est pas encore parvenue à s’imposer réellement.
12
D’après le CESRW, « l’économie sociale regroupe les activités économiques exercées par des sociétés, principalement coopératives
des mutualités et des associations dont l’éthique se traduit par les principes suivants :
- Finalité de services aux membres ou à la collectivité plutôt que le profit ;
- Autonomie de gestion ;
- Processus de décision démocratique ;
- Primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus. »
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Identifions quelques peu ces modifications :
•
D’abord dans le champ des entreprises et des associations de l’économie sociale, la volonté de se
structurer et la disposition à s’exprimer collectivement sur des enjeux aussi bien sociétaux, transversaux
que sectoriels progressent13. Ce mouvement touche tous les secteurs du non-marchand (à titre
d’exemple, la création toute récente de l’Union bruxelloise des entreprises du non-marchand).
•
Ensuite, la nécessité face à une croissance de nos secteurs qui nous impose de nous organiser en tant
qu’employeurs et donc de nous situer dans des relations sociales avec les syndicats. Cette confrontation
aboutit à créer un terrain commun qui modifie les représentations des uns et des autres et clarifie les
enjeux (exemple : les accords sociaux du non marchand de 2000-2001).
•
La modification du rôle de l’État, depuis une vingtaine d’années, et une privatisation croissante pousse
celui-ci à redéfinir plus clairement la place qu’il veut assigner aux associations non marchandes et les
missions qu’il veut (ou doit) leur confier. Une forme particulière de cette relation – que l’on qualifiera
de « partenariale » est en train de naître (exemple : la « gestion mixte » du marché du travail à
Bruxelles).
•
Les entrepreneurs privés, eux-mêmes, infléchissent progressivement leurs attitudes. Intéressés par les
questions liées au développement durable, à la cohésion sociale, au développement local, … et avec
leur logique commerciale, ils cherchent (de manière tout à fait limitée bien sûr) des formes de
collaboration ou de partenariat (exemple : les agences de travail intérimaires et l’insertion
socioprofessionnelle).
On pourrait poursuivre le diagnostic, mais, faute de temps, contentons-nous d’acter que ces lentes
modifications aboutiront immanquablement à des modifications structurelles. D’autant plus, qu’au
mouvement propre du secteur non marchand et associatif, s’ajoutent les contradictions inhérentes à notre
système de concertation sociale, qui donne, lui aussi, des signes de fatigue dans un contexte dominé par
des tendances lourdes comme :
•
Les nouvelles normes européennes de l’Union européenne (la question de l’Europe sociale reste à ce
stade la grande faiblesse et la grande inconnue de ce processus politique, économique et culturel
gigantesque) ;
•
La mondialisation, qui avance essentiellement sous son trait néolibéral et qui façonne « les cœurs et
les esprits ». N’oublions pas l’AGCS…
Dans un dossier de la revue Politique14, nous avons essayé de dresser une typologie de ces relations en
pleine évolution. De manière schématique, il nous semble qu’il faut s’éloigner autant que faire se peut d’une
simple logique « sociale-étatiste » qui ne fonctionne que dans une logique de « sous-traitance » entre l’État
et les associations et repousser la tentation « néolibérale » où les associations deviennent un simple vecteur
de la privatisation. Le modèle « partenarial », qui a notre faveur, est effectivement très exigeant tant pour
les pouvoirs publics que pour les entrepreneurs associatifs15. Nous pourrons y revenir plus avant dans le débat.
13
La consultation des sites des fédérations et réseaux est instructive à ce niveau. Au départ du site www.febisp.be, vous pourrez
avoir un aperçu de cette structuration et de ces ramifications.
14
G. Maissin, La nouvelle frontière de l’action associative, in « État - associations : thérapie de couple » Revue Politique
n° 32/décembre 2003. Texte disponible sur www.politique.eu.org
15
Voir G. Vincent, Responsabilités associatives et espace public, in « Une seule solution, l’association », Paris, La Découverte, 1998.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Conférence
Je voudrais, pour terminer, évoquer une autre dimension qui est de l’ordre du culturel. En effet, par quelque
bout qu’on prenne cette question de nos « rapports avec les acteurs du milieu », nous aboutissons toujours à
une question : quel est le modèle culturel qui est véhiculé par cet engagement de la part des entrepreneurs
associatifs et d’économie sociale et par les professionnels du secteur ? Et comment ce modèle se réfractet-il au travers des publics concernés ?
43
En effet, dans le domaine plus spécifique qui est le nôtre, celui de l’insertion socioprofessionnelle et de
l’économie sociale d’insertion, une tendance lourde (presque une mutation de paradigme culturel) est à
l’œuvre depuis quelques années. L’ancienne logique d’insertion des demandeurs d’emplois (disons grosso
modo celle qui a survécu aux trente glorieuses et s’est prolongée jusqu’au début des années nonante, chez
nous) était basée sur une combinaison étroite entre émancipation individuelle et transformation sociale.
Elle n’était pas sans rappeler celle du mouvement ouvrier social-démocrate. En tout cas, nous étions dans
un modèle de type « action collective ».
La nouvelle logique, celle de l’activation propre à l’État social actif (cher à Antony Giddens) induit des effets
particuliers. Poussant jusqu’au bout la logique du « projet individuel », les nouvelles politiques de l’action
sociale visent à rendre le demandeur d’emploi responsable de son implication dans des dispositifs davantage
conditionnés. Progressivement, certaines allocations, certains droits, sont soumis à des obligations de type
contractuel en matière de formation ou de recherche d’emploi. La logique individuelle est ainsi couronnée
par cette obligation supplémentaire de se prendre en charge, voire d’accepter telle formation, tel stage ou
emploi... Ce modèle de l’activation n’est pas sans poser de redoutables questions à nos associations.
Par exemple, les politiques d’activation des chômeurs et des jeunes en parcours d’insertion incitent les
opérateurs à rechercher, de plus en plus, des méthodes et des objectifs de formation susceptibles de répondre
à des critères de performance venant du monde économique et de l’entreprise. Au détriment des aspects
liés à une réflexion et à une formation qui valorisent la dimension citoyenne, l’appréhension critique de la
société de ses structures et de sa culture. C’est la fameuse « employabilité ». Certes, les dispositifs d’insertion
plus que d’autres (comme l’école par exemple) sont orientés vers la mise à l’emploi. Mais on ne peut les
réduire à cette dimension, ni leur faire supporter le poids de l’échec final que constitue la persistance d’un
chômage massif, avec dans certains endroits des niveaux intolérables.
Or, le monde de l’entreprise privée est - sauf exception - insensible à ce qui se passe hors de ses murs, ce
n’est pas son problème ! Et le monde politique et syndical manifestent régulièrement une méfiance à l’égard
de ces aspects. D’où une difficulté à nouer de véritables partenariats et à accepter que soient incluses, dans
les formations, les dimensions sociales et culturelles que ces publics n’ont pas acquises par les voies de
l’enseignement ou de l’activité sociale et professionnelle.
La conséquence de cette évolution peut aboutir, dans certains cas, à un véritable retournement de
situation. Afin de garantir un taux maximum de mise à l’emploi en fin de cycle, des opérateurs sont tentés
par la suppression pure et simple de tous ces moments d’éducation permanente et par une forme larvée de
discrimination à l’entrée en formation qui consiste à n’engager que des stagiaires dont le profil offre le
maximum de chances de succès.
Conférence
Par contre, certaines évolutions poussent à renforcer cette logique d’éducation permanente en la rendant
nécessaire, voire irremplaçable. Épinglons (…) la multiculturalité et la dimension de genre. Au départ, il
s’agit de prendre à bras le corps les phénomènes de discriminations raciales ou sexuelles et d’offrir des outils
d’insertion spécifiques. Mais, peu à peu, ces thématiques, déclinées au sein de certaines associations comme
partie intégrante de leur processus de formation, interpellent l’ensemble des acteurs associatifs par leur
dimension transversale.
44
L’insertion socioprofessionnelle, pas plus que d’autres secteurs de l’action sociale, ne peuvent échapper à
l’influence des mouvements sociaux et des évolutions culturelles en cours. La seule question est de savoir
si ce secteur, à la croisée du social, de l’économique et du culturel, est capable de s’en saisir. Constater que
les évolutions des modes d’action qui nous sont proposées sont marquées par le moment « culturel » présent,
devrait nous pousser à ne pas accepter d’emblée les discours et justifications qui accompagnent les
inflexions et les nouvelles orientations politiques, à les resituer dans leur contexte et à prendre position.
Certes, notre secteur, pas moins que d’autres qui remplissent des missions d’utilité publique, se doit de
répondre aux injonctions du politique et d’accomplir les missions pour lesquelles il est subventionné. C’est
la règle démocratique. Mais cette dernière comporte un autre versant qui est le droit d’agir en tant
qu’acteurs sociaux et de faire valoir l’expérience acquise en termes de propositions, de revendications et de
changement. Bref, de faire vivre la tension persistante entre conformité sociale et innovation.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Les mesures de réinsertion professionnelle en Suisse
Compte rendu de l’allocution de Madame Esther Widmer,
Cheffe des mesures de formation, Secrétariat d’État à l’économie, Suisse
Alors qu’avant l’approche helvétique en matière de soutien aux chômeurs se limitait au versement de
prestations, l’année 1996 a vu apparaître les Mesures du marché du travail, une approche active visant la
réintégration professionnelle. Cette nouvelle approche de soutien aux chômeurs comporte la formulation
d’attentes précises à leur endroit : ils doivent s’inscrire et participer activement aux mesures qui leur sont
proposées. Ces mesures sont de plusieurs ordres.
•
Elles comprennent des formations collectives et individualisées qui permettent de répondre à
certaines exigences du marché du travail tels l’informatique, la connaissance des langues, les
techniques de recherche d’emploi. Les formations individuelles permettent de répondre aux besoins
des individus en fonction de leur profil et de leurs intérêts professionnels.
•
Des formules telles les emplois temporaires pour une durée maximale de 6 mois, les stages en
entreprises et les entreprises d’entraînement (une quarantaine d’unités) permettent aux chômeurs de
bénéficier des conditions d’expérimentation afin de tester leur capacité à occuper un emploi
compétitif sur le marché régulier du travail.
•
Une mesure, l’allocation de formation, donne des résultats particulièrement intéressants. Cette
mesure permet, destinée aux chômeurs de plus de 30 ans sans formation professionnelle, de faire un
apprentissage et d’acquérir un diplôme. L’assurance-chômage défraie une partie du salaire.
•
L’allocation d’initiation au travail est une mesure destinée aux employeurs qui permet de financer une
partie du salaire d’une personne qui n’est pas compétitive pendant une période qui lui permet de
développer les habilités qui lui manquent pour le devenir.
•
Enfin, il y a une mesure qui permet aux chômeurs d’acquérir le statut d’indépendant.
En 2000, nous avons apporté une modification en profondeur dans la façon de mesurer la portée de ces
différentes mesures. Alors que dans les années 90 nous évaluions l’effort de réinsertion par le nombre de
mesures effectivement actives, depuis 2000 nous sommes davantage préoccupés par la qualité des
interventions. Ainsi, la convention conclue entre la fédération et les cantons, responsables de l’exécution de
la loi sur l’assurance-chômage, prévoit qu’on évalue les effets des mesures ciblées (durée moyenne des
périodes de chômage) et non plus le nombre de mesures actives.
Pour les programmes d’emploi temporaire, la loi postule une clause de non concurrence qui stipule que les
programmes ne doivent pas concurrencer le secteur privé.
Près de 130 000 des 147 000 chômeurs que compte la Suisse sont inscrits dans une ou plusieurs mesures
visant leur réinsertion professionnelle. Le financement de ces mesures, près de 600 000 000 francs suisses
en 2004, provient du fonds de l’assurance-chômage.
Les modifications apportées à la législation sur l’assurance-chômage ont introduit la notion de
Collaboration inter-institutionnelle appelée CII. L’instauration de ce concept fait suite au constat que les
différents systèmes mis en place pour soutenir les populations démunies fonctionnent en parallèle, ils ne
sont pas assez coordonnés. Il est important de souligner que ces différents systèmes ont chacun leur cadre
législatif et réglementaire, ils ont aussi leur culture organisationnelle.
Les principaux acteurs de cette collaboration inter-institutionnelle sont l’assurance-chômage, l’assurance
invalidité et l’aide sociale, mais de nombreux autres joueurs sont appelés à s’y impliquer activement.
L’objectif poursuivi est de favoriser l’échange de données entre les différents systèmes, permettre la consultation des dossiers, harmoniser les lois et définir les meilleures stratégies d’intégration.
Conférence
LA COLLABORATION INTER-INSTITUTIONNELLE
45
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Les travaux menés à date ont permis de faire les constats suivants :
•
10 % de la population active recourt aux services de l’assurance-chômage, de l’assurance-invalidité
et de l’aide sociale ;
•
la demande d’emploi surpasse l’offre de façon significative ce qui défavorise les chercheurs d’emplois ;
•
les exigences du marché du travail sont à la hausse, ce qui le rend encore plus compétitif et laisse
présager des problèmes durables de réinsertion professionnelle ;
•
les systèmes ne sont pas assez coordonnés.
Conférence
Les solutions envisagées s’orientent vers le dépistage précoce des populations les plus à risque de façon à
mettre en place des interventions préventives et l’accroissement de la coopération inter-institutionnelle
impliquant les employeurs. À long terme, on vise une prise en charge globale qui prendra en considération
les dimensions sociales, médicales et celles liées à l’employabilité. On s’oriente donc vers des modèles
d’intervention de type « case management » que l’on gèrera à partir de « guichets uniques ».
46
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Synthèse des interventions des participants et discussions
Au terme de ces présentations, plusieurs participants se sont ouvertement interrogés sur la place
qu’occupent les entreprises d’insertion sur l’échiquier économique dominé par un capitalisme débridé qui
exige impérativement une rentabilité et qui exclut les plus faibles. Les clauses de non-concurrence auxquelles sont contraintes les entreprises d’insertion dans certains pays, l’indifférence des entreprises privées
à l’endroit de ceux qui, en fin de parcours, sont à la recherche d’un emploi (que dire de l’attitude de ces
mêmes entreprises à l’égard de ceux qui ont des difficultés et qui ne transitent pas par une entreprise d’insertion), la quasi impossibilité de responsabiliser socialement les entreprises pour qu’elles assument une
part plus importante des charges liées à l’insertion professionnelle des publics marginalisés, autant de
constats qui ont animé le débat.
La mondialisation des économies, et les exigences de productivité qui en découlent, ont une telle incidence
sur les phénomènes d’exclusion et de marginalisation que certains se sont demandés si le rôle des entreprises d’insertion ne serait pas aussi de défendre les droits de ceux que ce système économique repousse et
appauvrit. En contrepartie, certains se sont positionnés comme le modèle que les entreprises dites traditionnelles auraient avantage à plagier : ainsi sont suggérés les concepts d’« entrepreneuriat différent » et
d’« entreprise à valeur sociale ajoutée ».
Autres préoccupations que teintent certaines réalités nationales : la place de l’entreprise d’insertion dans
la famille de l’économie sociale et solidaire et, de là, les nécessaires distinctions entre le marchand et le
non-marchand, le solvable et le non-solvable, l’occupationnel - au mieux il est formateur - et l’activité
économique d’insertion.
Au final, les participants sont donc interpellés à affirmer haut et fort leur identité.
Synthèse des interventions des participants et discussions
Et dans ce contexte plutôt précaire, sur quelle base peut-on affirmer d’un parcours d’insertion qu’il est
réussi ? Ne doit-on pas considérer que le simple fait de s’inscrire dans un parcours d’insertion constitue en
soi une victoire sur un système, dont l’un des nombreux dommages collatéraux est de produire de
l’exclusion, et ce, même si ledit parcours d’insertion ne mène à aucune insertion socioprofessionnelle. Les
attentes à l’endroit de tous les offreurs d’emplois, qu’ils soient privés ou publics, sont très élevées.
47
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Les ateliers
Les ateliers ont été organisés sous forme de « tables rondes » de 8 à 12 personnes. À chaque table, les
échanges étaient structurés autour d’une grille, conduite par un animateur, dont l’objectif majeur était de
faire dialoguer les participants, en veillant à ce qu’une prise de parole soit possible par tous. L’écueil
essentiel que les organisateurs ont souhaité éviter était celui de « la liste d’épicerie » que chaque entreprise
d’insertion, en fonction de son pays d’appartenance, aurait pu dresser aboutissant, au final, plus à une
superposition de pratiques qu’à un échange réel. C’est pourquoi, pour chaque atelier, des affirmations
étaient proposées, autour desquelles les débats s’articulaient et une certaine hétérogénéité était recherchée
à chaque table: représentation des quatre pays francophones, participation d’entreprises d’insertion ainsi
que de structures partenaires (institutionnels, bailleurs de fonds, autres organismes…).
Cette démarche a permis une certaine harmonisation de tous les ateliers et de toutes les tables dans chaque
atelier. Les synthèses des quatre ateliers ont été effectuées parfois dans le respect de cette logique et ont
parfois répondu à une logique propre au déroulement de l’atelier. Les deux éléments qui ont fait l’objet
d’une vigilance particulière sont :
•
la fidélité aux propos tenus par les participants lors de la Rencontre internationale,
•
la facilité de lecture des actes.
Ateliers
Enfin, les synthèses ne sont pas exhaustives et elles n’ont pas fait l’objet d’une recherche systématique du
consensus. Au contraire, la diversité des opinions et des propos a été retenue comme un critère de richesse
des échanges. Cependant, elle peut faire apparaître, parfois, des contradictions, résultat des débats ayant
eu lieu aux différentes tables.
49
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
19 octobre 2004
Le développement social
et professionnel des participants
Rédaction de la synthèse des discussions en atelier : Barbara Rufo
Le texte qui suit s’articule autour de trois questionnements essentiels : quel est le rôle de la formation dans
le processus global d’insertion sociale et professionnelle ? Quelle est la spécificité propre aux entreprises
d’insertion ? Et comment s’accommodent-elles des différentes pressions de l’environnement ?
ENTREPRISE D’INSERTION ET FORMATION
Le rôle de l’entreprise d’insertion est, avant tout, d’amener des personnes, exclues du marché du travail, vers
l’emploi durable. Placer le salarié dans une position favorable (statutairement et financièrement) à son
adaptation à l’emploi serait la mission prioritaire des entreprises d’insertion. S’il est important de garder ce
cap, plusieurs questions se posent en matière d’intégration professionnelle et d’acquisitions de savoir. Entre
autres :
•
comment et faut-il « réparer » les nombreux échecs scolaires ?
•
comment évaluer l’acquisition de savoir-faire et de savoir être ?
•
qu’est-ce qu’un parcours réussi ?
L’entreprise d’insertion est née de la conviction que les modes d’apprentissage classiques et le travail social
traditionnel ne fonctionnaient pas avec toutes les clientèles. Cependant, de ce constat commun, d’un bord
et de l’autre de l’Atlantique les positions divergent : les Européens ont majoritairement tendance à penser
que la formation n’est pas l’affaire des entreprises d’insertion alors que les Québécois parlent de formation
globale et insistent sur cette fonction. Les différentes constructions des systèmes scolaires et de formation
professionnelle viennent, d’évidence, impacter ces prises de position. Si tous sont d’accord qu’on ne forme
pas à un métier mais bien au travail lui-même, reste entière la question de la reconnaissance des acquis et
de la validation de ces derniers.
En effet, à l’issu du parcours de formation, le jeune ou l’adulte, a acquis un certain nombre de techniques,
de savoir-faire et de savoir-être qui mériteraient, peut-être, de faire l’objet d’une reconnaissance. Cette
reconnaissance aurait plusieurs fonctions : valoriser le salarié-participant, permettre à un futur employeur
d’avoir un état précis des acquis de la personne, utiliser le parcours en entreprise d’insertion comme base
et tremplin pour un retour aux études (accords avec les commission scolaires, l’éducation nationale…),
faciliter des accords de branche ou de filière et du coup, pour certains métiers (cuisine, bâtiment,
horticulture…), faciliter le rôle de passerelle entre l’entreprise d’insertion et l’entreprise dite classique, etc.
Ateliers
Dans tous les cas, cela pose la question de l’évaluation en entreprise d’insertion: évaluer quoi? (les techniques,
le comportement) ; Pour qui (l’estime du salarié-participant, l’encadrant, le financeur, le futur employeur) ?
Comment, selon quels critères ? Peut-être l’entreprise d’insertion éprouve-t-elle le besoin de participer à un
certain travail de réparation, on part du postulat que les personnes en insertion ont déjà vécu de nombreux
échecs scolaires et on se demande comment faire pour que leur parcours n’aboutisse pas à rien. Bien sûr,
chacun sait que le vécu, d’un coté, et l’emploi en fin de parcours, de l’autre, sont des éléments marquants,
mais l’attestation, le certificat, le module… ne sont-ils pas des marques de réussite dont le salarié en
insertion pourrait bénéficier ? Mais ne risque-t-on pas, pour ceux qui n’auront rien obtenu, de perpétuer un
système excluant ?
Il semblerait qu’un consensus se fasse autour des points suivants : les entreprises d’insertion peuvent inventer
un système de reconnaissance qui ait une fonction essentiellement tournée vers le bien-être du salariéparticipant. Dans ce contexte le rôle de l’entreprise d’insertion est d’équiper et d’outiller au mieux les
clientèles pour qu’elles trouvent un travail et qu’elles aient acquis les savoir-faire et savoir-être nécessaires
pour le conserver. Au-delà, on préconise plutôt la lettre de référence qui s’adresse à un employeur en
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Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
particulier et qui donne tout son sens à l’entreprise d’insertion et puisqu’on ne peut (ou ne veut) véritablement
parler de formation qualifiante. La perspective d’une réflexion sur la validation d’acquis d’expérience est un
chantier ou tout reste à construire.
OCCUPER UN EMPLOI OU... DEVENIR CITOYEN RESPONSABLE
Certains aimeraient pousser plus loin la mission de l’entreprise d’insertion et positionner cette dernière dans
un rôle de lutte contre les exclusions. On parle souvent de la notion de passerelle pour évoquer le passage
du monde de l’exclusion à celui de l’entreprise classique, mais ne peut-on aussi utiliser cette expression
dans son sens métaphorique pour évoquer le passage de l’échec à celui de « petites réussites » qui serait un
des savoir-faire important de l’entreprise d’insertion ? Si l’on regarde l’entreprise d’insertion dans sa fonction
quotidienne d’accueil de personnes en situation de précarité, les exemples ne manquent pas pour illustrer
le fait que la formation globale va bien au-delà de l’acquisition des aptitudes et attitudes requises pour
occuper un emploi. L’entreprise d’insertion tente de donner ou de redonner le goût d’apprendre, elle facilite
un travail de projection dans l’avenir, elle est tantôt garante vis-à-vis d’un banquier, porte-parole en
matière de justice, lieu de domiciliation, elle met en place des processus permettant la prise en charge,
l’autonomie, la responsabilisation individuelle… Et, dans ce contexte, les entreprises d’insertion, confrontées
à des règles administratives parfois rigides, souhaiteraient pouvoir adapter les parcours, prendre plus de
temps pour être centrées sur les besoins de la personne et aborder, justement, des aspects beaucoup plus
personnels que professionnels.
DIS MOI D’OÙ TU VIENS, JE TE DIRAI QUELLE ENTREPRISE D’INSERTION TU ES…
S’il semble, donc, se dégager un consensus sur la notion de socialisation et de responsabilisation, des
différences apparaissent sur la notion même de citoyenneté. En effet, au delà de prises de positions
personnelles (opinion, histoires singulières, idéologie…) une partie des différences exprimées se comprennent
par l’Histoire même des pays dans lesquels évoluent les entreprises d’insertion. Ici, être citoyen c’est lire le
journal ou participer aux activités scolaires du petit dernier, là c’est voter ou défendre ses droits, ailleurs
encore c’est se sensibiliser à l’environnement ou se préoccuper de la vie de son quartier… De fait, les
entreprises d’insertion sont marquées par l’histoire des institutions : quel impact l’Histoire a-t-elle sur la
notion d’intervention sociale, quel influence le syndicalisme a-t-il sur les relations de travail, et la notion
de salariat recouvre-t-elle les mêmes réalités en Belgique, en France, au Québec ou en Suisse ? C’est sans
compter sur l’histoire des entreprises d’insertion, elles-mêmes, dans chaque pays : leur origine, leur ancienneté,
leur statut (à but non lucratif ou pas), celui des personnes en insertion (salariées ou non) sont autant de
facteurs qui viennent encore influer les variantes sur la notion de citoyenneté et sur la façon de se l’approprier.
Une part, donc, du travail effectué par l’entreprise d’insertion est l’autonomisation du salarié-participant,
mais, en fonction des continents, cette autonomie se décline de façon différente.
Des deux cotés de l’Atlantique, qu’il s’agisse de lutter contre le chômage ou contre l’exclusion, les entreprises
d’insertion sont là, avant tout, pour outiller, accompagner, voire sensibiliser les salariés-participants mais
une double vigilance doit, en permanence, s’opérer :
•
ne pas se substituer aux clients, publics, salariés ou participants qui doivent, en bout de ligne,
défendre eux-mêmes leurs droits ;
•
effectuer un travail de sensibilisation également vers « le milieu » : les partenaires financiers, l’entreprise
classique, la société civile et les politiques, grâce auxquels, par des maillages et constructions de
partenariats locaux, une prise en charge globale de la personne est possible.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Ateliers
Former des travailleurs responsables serait, pour tous, offrir de bonnes conditions de travail et une image
de l’entreprise qui permette, secondairement, au participant de prendre conscience de son état de
travailleur, puis de citoyen. Enfin, certains voudraient, qu’au-delà des individus, les entreprises d’insertion,
elles-mêmes, soient citoyennes. Diriger autrement, être un lieu d’expérimentation d’un mode de travail
transformé… seraient autant de défis de l’entreprise d’insertion qui, marquée du sceau d’un entrepreunariat
différent, permettrait aux salariés-participants de prendre d’abord des initiatives, puis, toute leur place.
51
JE TRAVAILLE, TU « CITOYENNES », NOUS INSÉRONS… ELLES SE REGROUPENT.
Ainsi, la mission des entreprises d’insertion est bien de former à l’emploi par l’emploi et de veiller, dans un
premier temps, à ce que les besoins primaires soient couverts. Dans un deuxième temps, il s’agit d’apprendre
à conjuguer rentabilité avec dignité et production avec socialisation. Dans tous les cas, le rôle de l’entreprise
d’insertion prend pleinement son sens, dans la notion de regroupement. Travailler en partenariat, être actif
en matière de développement local, mais également acteur sur la scène politique.
En effet, on attend des entreprises d’insertion qu’elles agissent également en tant que regroupement
(Collectif, Comité, Fédérations…) auprès des instances décisionnelles et politiques. Le devoir des entreprises
d’insertion est de faire connaître la réalité de ces structures et des personnes qui la composent et c’est là
que la notion de citoyenneté prend le plus de sens : lutter pour les changements de politiques sociales,
négocier des améliorations dans les conditions de travail, faire avancer les droits des personnes en difficulté,
sensibiliser à une autre économie, résister à la normalisation par le bas… Bien sûr, un peu partout les
entreprises d’insertion ont acquis une certaine notoriété et sont, de fait, consultées, mais ne sont-elles pas,
finalement, assez souvent mises sur le fait accompli et ne servent-elles pas, parfois de caution aux
politiques, qu’elles soient nationales, régionales ou locales ? Une des difficultés relationnelles évoquée,
notamment avec les bailleurs de fonds c’est que les entreprises d’insertion sont parfois tributaires de la
personnalité de tel ou tel fonctionnaire. Cela est vécu à la fois comme un élément positif (souplesse de
l’interprétation individuelle) mais parfois cela donne des blocages importants (entêtement, résistances, jeux
de pouvoir). Dans le cadre de la décentralisation, aussi bien en Europe qu’au Québec, ce phénomène
s’accentue car il surcharge les administrations locales qui font « comme elles peuvent » pour pallier au
déficit de ressources.
L’entreprise d’insertion doit effectuer un travail de veille, en permanence, pour éviter ou freiner les
phénomènes bureaucratiques. Elle doit participer à l’évolution des textes législatifs et impulser de véritables
politiques empreintes à la fois de rigueur mais aussi de souplesse. C’est seulement collectivement que les
entreprises d’insertion pourront faire pression et veiller à ce que toutes les structures, quelle que soit leur
implantation, aient les mêmes traitements et que tous les individus, où qu’ils habitent, aient les mêmes
droits. L’importance des échanges, y compris au niveau international (ENSIE en Europe, la Rencontre
internationale des entreprises d’insertion au Québec..), est de plus en plus évidente et tous espèrent que ces
initiatives perdurent et se renouvèlent.
VOUS AVEZ DIT « AGENT DE RÉGULATION » ?
Nous l’avons vu, les entreprises d’insertion jouent un rôle à l’égard des personnes en difficulté mais également
vis-à vis des politiques, qu’en est-il d’une fonction de régulation sociale que ces dernières auraient, bon gré
mal gré, dans un système de productivité et de consommation de plus en plus excluant ?
Ateliers
L’entreprise d’insertion subit toutes sortes de pressions : la première d’entre elle pourrait venir de sa
structuration même qui fait qu’elle est tiraillée, en permanence, entre des objectifs de production et une
mission sociale. Même si cela constitue son identité propre, des questionnements réguliers la traverse dans
les choix qu’elle opère : comment sélectionner sans écrémer ou exclure ? Comment recruter des individus aux
prises avec de réelles difficultés sociales et professionnelles tout en atteignant des objectifs de productivité ?
L’insertion se conjugue-t-elle prioritairement avec l’économique, le social ou le professionnel ?
Le deuxième type de pression découle de la relation aux bailleurs de fonds. En effet, ces derniers ont
tendance à produire des ententes normées qui ne tiennent pas compte des cheminements individuels,
directement ou indirectement ils menacent de coupures ceux qui n’intègreraient pas l’entreprise d’insertion.
Ils ont, de plus en plus, tendance à s’inscrire dans un double langage : d’un coté, ils souhaitent que les
entreprises d’insertion prennent en charge des clientèles qui ont des problématiques importantes dans une
perspective d’intégration sociale au sens large, et de l’autre ils mettent en place des systèmes d’évaluation
qui sont essentiellement basés sur la question du placement en emploi.
52
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Si tout le monde reconnaît la légitimité de la reddition de compte, on s’inquiète des procédures
administratives qui s’alourdissent, des ententes pluriannuelles qui restent d’éternelles promesses, et on
s’interroge sur la notion de partenariat avec les financeurs. En effet, la relation entre les acteurs de terrain
que sont les entreprises d’insertion et les administrations pourrait être qualifiée de duale. Tantôt, il existe
un objectif partagé : l’insertion sociale et professionnelles de personnes en situations d’exclusion et tantôt
l’entreprise d’insertion devient un instrument, qui n’a d’autre choix que de se plier à la courbe croissante
des exigences (en qualité et quantité) et à celle, proportionnellement descendante, des financements.
Aussi, les entreprises d’insertion souhaiteraient que le partenariat s’harmonise et que soit, également, pris
en compte des éléments constitutifs de l’entreprise d’insertion : besoin de parcours réellement personnalisés
pour accueillir une clientèle diversifiée, prise en considération du cheminement de l’individu dans les
critères de réussite de l’entreprise, facilité d’accès à des dérogations sur la durée des parcours, financement
pluriannuel… Si les bailleurs de fonds sont considérés comme l’outil technique des politiques, c’est
probablement dans le cadre de ces dernières que la pression majeure s’exerce sur l’entreprise d’insertion :
volonté croissante de diminuer les chiffres du chômage (toutes prestations et aides confondues),
employeurs qui cherchent à faire des bénéfices grandissants dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre,
conflits mondiaux et globalisation qui entraînent de nombreux déplacements de populations, facteur aggravant
d’appauvrissement…
Dans ce contexte de triple pression, on a conscience de jouer une fonction de régulateur (économique et
social) de l’État tout en s’inscrivant dans une relation d’aide. Certains se demandent, dans quelle mesure
lutter réellement contre l’exclusion ne serait pas de laisser éclater le système plutôt que de le contenir ?
Ateliers
En conclusion, les entreprises d’insertion ne forment pas à un métier mais bien au travail lui-même. Elles
sont suffisamment souples pour adapter la question l’insertion sociale en fonction des réalités individuelles,
locales, régionales ou nationales. Elles aspirent, diversement, à être des agents de changement, mais sont
encore, probablement, des agents de régulation. Enfin, si elles ont des contradictions (endogènes ou
exogènes), elles auraient tendance à considérer que c’est une force de les assumer et une originalité de les
revendiquer comme une spécificité.
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Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
La vie démocratique
Rédaction de la synthèse des discussions en atelier : Annick Van Campenhout
Ce thème abordé sous forme d’atelier de discussion est, comme les autres sujets, organisé autour de trois
affirmations. Le compte-rendu que voici considère l’ensemble du contenu des échanges autour des énoncés
et des questions sous tendues.
Avant d’aborder les échanges proprement dits, une précision est apportée quant à la notion « d’acteur du
milieu ». Les discussions ont permis de dissocier, sans les désunir, deux groupes d’acteurs :
A.
Le groupe des acteurs « participants » à un programme d’insertion (client, bénéficiaire, jeune en
formation, etc.) ;
B.
Le groupe « des autres » soit les gestionnaires (administrateurs et directions), les partenaires (bailleurs
de fonds, gouvernements, etc.), les employés permanents.
PREMIER ÉNONCÉ :
Les administrateurs sont le reflet de leur milieu. La vie démocratique des entreprises d’insertion
ne prend son sens que dans la mesure où les administrateurs ont les marges de manœuvre
nécessaires pour définir les orientations de l’EI et prendre les décisions en conséquence
(autonomie de gestion et imputabilité).
Cet énoncé a suscité les débats au regard du groupe « des autres », les gestionnaires et les partenaires. Ce
groupe est définitivement au premier niveau du processus organisationnel et décisionnel dans les pays
présents (à ce stade, il est important de noter que l’envergure des EI, calculée en nombre d’employés
permanents, est souvent plus importante en Europe et que cela aura une influence sur l’approche ou plutôt
sur la pratique démocratique).
Il faut savoir que, pour la majorité, les EI ont été mises sur pied par « des militants », des acteurs de terrain
soucieux de répondre aux besoins d’une communauté locale. Ceci n’est pas une grande nouvelle en soit,
mais peut évidemment avoir une incidence dans le processus de relève des administrateurs et donc sur la
pérennité de la mission.
D’ailleurs, plusieurs échanges se font autour de la définition des mots «vie démocratique» ou «démocratie».
Tous s’accordent à dire que la démocratie et la vie démocratique en EI comprennent inévitablement une aire
de discussion, une zone de «libre échange», un processus de consultation où chacun peut exprimer, revendiquer
et verbaliser son opinion, ses idées. Tous sont également d’accord pour charger les administrateurs et les
instances décisionnelles de la garantie d’un processus démocratique au sein de EI. C’est ce qui nous
distingue et ce qui nous anime même. Mais ne devrait-on pas parler de « pratiques humanistes » plutôt que
de « vie démocratique » ? Nous suggère un débatteur…
Ateliers
Là où les avis divergent, c’est dans la dimension, dans la proportion et dans l’application surtout que doit
prendre le processus, compte tenu de tous les facteurs qui nous différencient d’une entreprise «traditionnelle».
Car n’oublions pas que les attentes des bailleurs de fonds en terme de résultats sont généralement plus
quantitatifs que qualitatifs. Cependant qu’un collègue suisse signalait notre devoir de vigilance par rapport
aux EI, « sparadrap d’une société néo-libéraliste », soutenu dans son propos par un « échangiste » français qui
ajoute que notre rôle ne doit en aucun cas être un « palliatif » pour la bonne conscience sociale voire
gouvernementale.
Dès lors, il est facile de comprendre que les « rencontristes » ont souhaité dissocier, dans la vie démocratique,
le pouvoir participatif donc consultatif et l’éducation à la citoyenneté responsable, du pouvoir décisionnel.
Car si le pouvoir participatif et l’éducation à la citoyenneté accommode tout le monde dans la motivation
de trouver des moyens et des solutions, il n’en va pas de même pour le pouvoir décisionnel. Il est donc
internationalement reconnu qu’en matière de vie démocratique :
54
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
•
la vie démocratique dans les entreprises d’insertion est colorée par les instances de premier niveau ;
•
gérer n’est pas administrer ;
•
le partage réel du pouvoir est codifié par les lois respectives ;
•
il faut distinguer la gestion politique et la gestion comptable entre-autre gestion ;
•
il faut envisager le pouvoir avec des échanges constructifs et non comme un rapport de force ;
•
la vie démocratique sera aussi teintée par l’équilibre fragile de la durée des parcours et par la réalité
financière de l’EI ;
•
il ne faut pas se satisfaire d’un rôle de fournisseur de main-d’œuvre « bon marché » mais revendiquer
notre incontournable responsabilité de passerelle, de tremplin social ;
•
il faut prioriser la participation des participants en formation plutôt que celle des bailleurs de fonds…
Ce qui amène naturellement les échanges vers la composition des conseils d’administration. Car nos
entreprises – du moins celles qui ont une structure avec conseil d’administration - ont besoin d’une
représentation équilibrée (représentant du secteur marchand, du secteur communautaire, etc.) qui passe
indéniablement par la recherche d’experts ou à tout le moins de compétences particulières (juristes,
fiscalistes, etc.). Idéalement, en plus, il faudrait que « équilibré et expert » ait également un réseau de
contacts exhaustifs. Alors évidemment, cela pose le problème de la convergence dans les décisions (absence
de vision partagée parfois) et même de la solidarité entre les acteurs, de la disponibilité aussi.
Force est de constater que les besoins sont criants et l’offre timide. Car il y a de plus en plus de désintérêt
pour ces postes hautement imputables et à statut bénévole de surcroît. Désintérêt qui peut être engendré
aussi par le manque de temps et l’essoufflement. Ajoutez à cela une relative autonomie de gestion
dépendant des relations partenariales parfois difficiles avec les bailleurs de fonds.
Dans ce groupe d’acteurs est également souligné, consensuellement, la difficulté de l’équilibre et de la compréhension des pouvoirs entre la direction et les administrateurs. En effet, beaucoup ont soulevé la place «
d’interface » qu’occupe la direction dans les entreprises. Alors, comme le disait un collègue suisse : « s’il est
facile de bien partager ce qui est bien défini encore faut-il que la compréhension de la définition soit
unanime et que l’application du partage soit respectée ».
Il faut terminer ce groupe d’acteurs en soulignant qu’il n’y a pas uniformité dans l’application du transfert
de savoirs pour préparer la relève et que les enjeux de la présence des syndicats dans nos entreprises n’ont
pas vraiment été débattus.
DEUXIÈME ÉNONCÉ :
La conciliation des impératifs économiques et de la mission sociale d’entreprises d’économie
sociale, dont font partie les EI, constitue un enjeu démocratique majeur. Les « affaires » sont
souvent questions d’opportunités, de capacité à les saisir et de rapidité d’intervention. Il arrive
parfois que cet opportunisme semble mal s’accommoder des processus décisionnels basés sur la
consultation.
Il est difficile de sortir le débat propre à cette affirmation tant elle est teintée, inévitablement, par les deux
autres. Cependant, quelques réflexions colorent cet énoncé.
•
Force est de constater que plus la contrainte économique est forte, plus il est difficile de promouvoir
ou d’organiser la vie démocratique dans nos entreprises.
À ce moment des débats, certaines références à la présence des syndicats comme garant de la vie
démocratique sont faites par les Européens.
•
Les problèmes de roulement de personnel sont discutés. Tant au niveau du personnel permanent qu’au
niveau des clientèles. Assurer la pérennité d’un processus démocratique avec un délai aussi court que
6 mois (pour le Québec) semble une tâche plus ardue.
Ateliers
-
•
L’opportunité des affaires peut être conjuguée avec participation aux résultats… Encore faut-il connaître
et reconnaître ses limites et bien penser la participation.
55
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
•
La Suisse cite l’exemple d’un projet sous l’enseigne de « groupe de progrès » qui par une méthode de
concertation organise une gestion « par la base ».
•
La relation avec les partenaires d’affaires est aussi soulignée. Les milieux associatifs et les milieux
privés sont autant de joueurs qui peuvent aussi bien servir que détraquer nos entreprises.
TROISIÈME ÉNONCÉ :
En lien avec leur mission, les entreprises d’insertion mettent en place des pratiques
démocratiques qui font une place aux participants : le style de gestion, un processus de
consultation des participants, un siège au conseil d’administration, etc.
Pour cette affirmation, c’est le groupe des « participants » qui est plus particulièrement au centre des débats
dont le résumé donne ceci :
•
Il y a une limite au pouvoir décisionnel à donner cependant qu’aucune barrière, ou presque, n’est
envisageable dans le pouvoir participatif.
•
Il y a des impératifs à l’inclusion :
-
Temporelles : réalistement, même si la volonté est là, avons-nous le temps ?
-
Financiers : réalistement, avons-nous les moyens ?
-
D’incidence sur le capital humain : un processus mal adapté peut avoir un impact dévastateur sur les
individus.
•
Il y a un passage obligé par la formation, l’information et l’apprentissage du processus démocratique.
De plus, il est impératif que ce mouvement soit effectué sur une base volontaire de la part des
participants.
•
Il faut organiser la vie démocratique par niveau et par champs de compétence.
•
Il faut préparer les personnes à penser par elles-mêmes en brisant la dimension individuelle par l’éveil
du sens critique positif.
•
Il faut penser le processus démocratique en deux temps : le temps réactif et le temps réflexif (recul).
•
Il faut surtout se rappeler que nous avons un devoir d’exemple dans notre mission et éviter de tomber
dans le piège de l’illusion et du reflet d’un miroir déformant la réalité du marché du travail.
Ateliers
Pour compléter ces affirmations généralement consensuelles, les avis sont extrêmement partagés sur les
faits suivants :
56
•
En logeant un processus démocratique au sein de nos entreprises, reflétons-nous vraiment le marché
du travail ? Dans quelle mesure ne risquons-nous pas de biaiser la perception de nos participants sur
une fausse image de l’entreprise ? N’y a-t-il pas un danger pour nos « clientèles » ?
Ce à quoi, il est répondu : oui, mais nous pouvons être les initiateurs d’un mouvement. Si
nous, comme EI, n’agissons pas comme précurseurs, qui d’autre dans ce créneau partira le
feu ? On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs !
•
En logeant un processus démocratique au sein de nos entreprises, n’y a-t-il pas danger de glissement
vers un militantisme surplombant ?
Ce à quoi il est répondu : toutes nouvelles pratiques présentent un danger de déraillement.
D’où l’importance d’un partage bien défini dans un projet concret, pensé et revisité en
cours d’application. D’où le besoin de réfléchir sur les pouvoirs (participatifs, décisionnels…).
•
En logeant un processus démocratique au sein de nos entreprises par une participation d’un « client
ou bénéficiaire » au conseil d’administration, ne risquons-nous pas un déséquilibre de connaissances
pouvant affecter l’élan du participant en démarche de changement ?
Ce à quoi il est répondu : il y a définitivement danger, mais notre fer de lance n’est-il pas
la formation par le travail et dans le travail ? L’EI est aussi un lieu d’apprentissage social,
un milieu de conciliation des savoirs et de conscientisation, un endroit où le participant
apprend à identifier sa place comme citoyen responsable pour une intégration juste dans
la société civile. Indéniablement, pour palier aux problèmes possibles, il faut passer par la
formation !
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Ajoutons qu’on a soulevé le problème de l’imputabilité. S’il est possible d’envisager un processus
démocratique dans une perspective « gagnant-gagnant », il n’en reste pas moins que nous savons tous
combien l’état de « survie » à laquelle se trouve confronté notre participant n’induit pas pour lui une
assistance accrue au sein d’un conseil d’administration.
•
En logeant un processus démocratique au sein de nos entreprises, pouvons-nous rester rentable
financièrement ? Ne risquons-nous pas le déséquilibre ?
-
Ce à quoi il est répondu : oui manque de temps, oui manque de moyens, oui problèmes logistiques
importants, etc., mais enfin, minimalement, il faut une induction vers une conscience sociale dans
nos entreprises !
En résumé, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour un travail à tous les étages de la pyramide
si l’on considère qu’il y a pyramide… (Il n’y a pas eu consensus sur ce point, au contraire). Toutefois, il est
important de continuer à prôner la consultation et le débat au sein de nos entreprises; il est essentiel de ne
pas brûler les étapes du processus démocratique mais de l’envisager comme un processus d’installation à
long terme.
Ateliers
Nous avons tous des pas à faire, mais rappelons-nous cette réflexion d’une collaboratrice autour de la table :
« dans toute notre réflexion et notre planification demandons-nous à chaque instant si les arguments que
nous invoquons ne sont pas l’excuse qui sert à endiguer un processus démocratique qui pourrait nous
déranger… ».
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Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
20 octobre 2004
La formation du personnel
Rédaction de la synthèse des discussions en atelier : Barbara Rufo
L’ART DU RECRUTEMENT
Lorsqu’on évoque la question de la formation du personnel permanent des entreprises d’insertion, la
question du profil de ce dernier et du recrutement en général apparaît en premier lieu. En effet, l’entreprise
d’insertion, caractérisée par un mélange original entre le technique et le social a besoin, pour fonctionner,
de « moutons à 5 pattes » qui soient à la fois des professionnels techniques mais sensibilisés aux questions
sociales. Par ailleurs, en matière d’accompagnement social, les salaires proposés par les entreprises
d’insertion ne concurrencent pas toujours ceux d’autres type de structures, ce qui entraîne les travailleurs
sociaux ou autres intervenants psychosociaux éventuellement vers d’autres employeurs. Souvent, les
curriculum vitae du personnel encadrant des entreprises d’insertion révèlent des parcours atypiques et
lorsque ces professionnels intègrent les entreprises d’insertion, ces dernières sont dans un tel besoin de
ressources humaines, qu’il arrive que les étapes d’accueil et de formation nécessaires à une bonne intégration
en emploi soient trop rapidement effectuées.
La question de la formation du personnel permanent est donc, d’emblée, associée à des difficultés de
recrutement (conciliation de tous les critères) mais également à des questions de disponibilités du personnel,
aux prises entre nécessité de production, d’une part, et un encadrement technique, personnel et social
important, d’autre part.
LA FORMATION OU LES FORMATIONS
Toutes les entreprises d’insertion perçoivent la formation du personnel permanent comme étant indispensable,
lieu de répit et de ressourcement, outil de fidélisation du personnel. On entend par formation, aussi bien les
formations techniques (menuiserie, plomberie, cuisine…) qui permettent aux encadrants d’être en phase
avec les évolutions du métier, que les formations dites sociales (estime de soi, budget, gestion des conflits…)
qui permettent aux intervenants d’utiliser de nouvelles méthodes d’accompagnement. On pense également
à la formation du personnel administratif, à celle des dirigeants. Dans tous les cas, on évoque les formations
dites classiques mais également le management, le coaching, la supervision, la consultation, les séminaires,
les colloques, les rencontres…
D’un coté à l’autre de l’Atlantique, les réalités sont très différentes, notamment pour des raisons qui se
situent au carrefour de l’historique, du social et du législatif. Deux tendances globales se dessinent, ce qui
n’exclue pas les exceptions : au Québec, il y a peu de culture de la formation (aussi bien dans les entreprises
d’insertion que dans les entreprises classiques), par contre, quand on en fait, on a tendance à procéder à
l’interne et de façon informelle. De plus, le personnel des entreprises d’insertion est confronté à un roulement
assez important. En Europe, la formation est plus structurée, voire obligatoire, mais... pas toujours respectée
ni appliquée. Par contre, elle est plus généralement externalisée.
Ateliers
Dans plusieurs pays il existe des lois sur la formation professionnelle qui rendent obligatoire ce processus,
mais qui sont appliquées de façons très diverses : en France, les cotisations sont gérées par un fonds
d’assurance formation, en Belgique également, au Québec il y a une loi de 1% pour la formation, mais qui
n’est pas appliquée partout ni généralisée. Quant à la Suisse, elle n’a pas de norme sur la question de la
formation.
De façon opérationnelle, les entreprises d’insertion mettent rarement en place des systèmes d’évaluation
des besoins en formation (il faut dire que, sauf dans les grosses structures, il y a rarement de personnel
dédié à la gestion des ressources humaines). On a plutôt tendance à procéder « à la demande » ou « au cas
par cas » et à gérer au quotidien.
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Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
LA FORMATION « C’EST BIEN MAIS… »
Évoquer la formation du personnel permanent en entreprise d’insertion, c’est faire apparaître le spectre de
la si difficile conciliation entre formation et production. Le sentiment qui domine est celui de structures qui
semblent débordées en permanence et pas assez bien organisées pour pouvoir mettre la formation du
personnel en place. Ensuite, viennent les arguments monétaires comme frein à la formation : non seulement
ces dernières coûtent cher, mais il faut pouvoir remplacer le personnel dans sa fonction à la fois technique
et sociale (et on retourne en quelque sorte à la « case départ » du recrutement).
Par ailleurs, si les besoins se font de plus en plus ressentir pour la mise en place de formation permettant
d’appréhender les problématiques spécifiques des salariés-participants et surtout aussi de les traiter, en ce
qui concerne la formation du personnel technique il semble que, plus souvent, les techniciens considèrent
cela comme une perte de temps pour l’entreprise et ont l’impression que cela détourne l’entreprise de sa
mission première qui est de s’occuper des personnes en insertion. Un autre phénomène apparaît également :
le personnel qui ne reconnaît pas ses besoins et qui résiste à l’idée d’aller en formation. C’est alors une
multiplicité de facteurs qui vient freiner le départ éventuel d’un salarié en formation. Lorsque des formations
s’organisent, on tente de mettre en place des systèmes de transfert du savoir pour que le plus de personnes
possible puissent profiter des contenus transmis.
En Europe, c’est souvent pendant le rendez-vous annuel d’évaluation du personnel que la question de la
formation est traitée. C’est l’occasion de faire le point sur les compétences et les faiblesses et de laisser
s’exprimer le personnel sur d’éventuels besoins et envies de formation. C’est aussi lors de cette rencontre
que se discute la mise en adéquation entre les formulations du salarié et celles de sa hiérarchie. Mais au
Québec, les entreprises d’insertion sont peu nombreuses à effectuer des évaluations régulières et
formalisées de leur personnel.
Enfin, on constate que, parfois, la question de la formation sert de révélateur à un problème de structure
et permet de mettre en lumière des dysfonctionnements organisationnels ou des désaccords du personnel
permanent face aux directions.
FORMATION INTERNE OU FORMATION EXTERNE
UN CHANTIER EN CONSTRUCTION
Le rapport des entreprises d’insertion avec la formation du personnel permanent est, pour beaucoup, encore
à ses balbutiements. Cependant, de nombreuses initiatives sont aux prises et donnent l’image d’une capacité
à inventer ou trouver des méthodes « sur mesure » importante.
Ateliers
Le plus souvent, dans tous les pays représentés, ce sont les regroupements des entreprises d’insertion qui
ont pris en charge la question de la formation du personnel permanent. On fonctionne avec des questionnaires
ou par une analyse ponctuelle de besoins et les fédérations proposent des formations à la carte qui
correspondent aux besoins exprimés. L’avantage de cette méthode est qu’elle est au plus proche de la
réalité et des besoins des entreprises d’insertion. Le défaut majeur de ce type de formation est double : les
entreprises restent en vase clos et ont des échanges uniquement à l’interne sans aller chercher du
ressourcement extérieur. Par ailleurs, cela représente une contrainte organisationnelle car tout le monde
part en formation en même temps sans tenir compte des spécificités de chaque entreprise. En France,
particulièrement, on témoigne du rôle du réseau des entreprises d’insertion dans la mise en place de
formation de chefs d’équipe, système récent mais qui donne satisfaction. La notion de formation du personnel
est, parfois, cantonnée aux échanges en équipe : de la discussion à l’étude de cas, on évoque les problèmes
particuliers des uns et des autres. Tous mettent de l’avant les notions d’échanges réguliers, considérés
comme indispensables, entre formateurs, encadrants techniques et intervenants psychosociaux. Différentes
méthodes sont citées : analyse de pratique, régulation, supervision, lac à l’épaule… autant de formules qui
font appel, ou pas, à un professionnel externe, qui se déroulent ou pas dans les locaux habituels de travail
et dans lesquelles on se retrouve.
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Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Ainsi, l’idée de la formation à distance est considérée comme pouvant résoudre une partie des freins évoqués.
D’aucun estime que les bailleurs de fonds devraient aussi proposer des formations, et des propositions
apparaissent pour que des formations communes s’organisent entre intervenants de différentes structures
(y compris les structures qui réfèrent la clientèle) mais ce point ne semble pas partagé.
Finalement, on constate que le plus souvent, on répond aux besoins de formation dans l’urgence, que les
formateurs techniques profitent moins de formation que les intervenants sociaux, qui eux-mêmes, bénéficient
moins de moments privilégiés que les Directions et que la formation du personnel « colle » souvent de très
près aux difficultés des salariés-participants. Par ailleurs, le modèle classique et traditionnel de la formation
est très critiqué, car considéré comme étant peu adapté au modèle des entreprises d’insertion. Par contre il
apparaît urgent de développer une culture de l’importance de la formation du personnel permanent à
l’intérieur des entreprises d’insertion.
Les entreprises d’insertion soulignent leur devoir d’excellence dans leur branche professionnelle et indiquent
qu’elles devraient, plus encore que dans l’entreprise classique, mettre en œuvre des formations pour le
personnel encadrant. Elles posent la question d’une forme de reconnaissance spécifique au personnel
permanent des entreprises d’insertion et elles mettent en exergue le rôle des regroupements comme
d’importants pourvoyeurs de formation (recherche des besoins, formations appropriées).
Ateliers
En conclusion, tout le monde s’accorde à dire que : le ressourcement est essentiel, la formation un droit pour
tous, voire un devoir, le partage des connaissances est fondamental et le développement des compétences
primordial. Mais, en réalité, on s’accorde également à penser que le temps, l’argent et les moyens humains
manquent. Si de nombreuses entreprises d’insertion mettent, effectivement, des formations en place, se
pourrait-il qu’elles opèrent une priorisation en matière de ressources humaines qui voudrait que, parce que
les salariés en insertion sont en grande précarité, le personnel permanent devient secondaire ? Enfin, comme
s’interrogent certains participants, au-delà des réalités quotidiennes, la formation du personnel permanent
ferait-elle l’objet d’une résistance ou serait-elle le talon d’Achille des entreprises d’insertion ?
60
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Le portrait des problématiques des participants
Rédaction de la synthèse des discussions en atelier : Annick Van Campenhout
Avant d’élaborer autour des affirmations, constatons l’effet suivant. Comme on pouvait s’en douter, les
dispositifs administratifs (le financement et le recrutement par exemple) et les dispositifs d’accompagnement
(l’intervention psychosociale et la durée du parcours par exemple) sont différents dans chaque pays présent.
Les échanges seront teintés par ces éléments d’autant que la majorité des protagonistes autour des tables
n’étaient pas au fait des pratiques dans l’ensemble des pays présents. Car, même si les chercheurs ont abordé,
dans leur étude comparative, les problématiques des participants dans chaque pays, tous n’avaient pas pu
prendre connaissance des textes.
Alors, malgré ces différences, il faut souligner que l’ensemble des interventions permet de dégager une
philosophie, un fil conducteur commun à tous les intervenants des entreprises d’insertion à savoir un souci
permanent du développement global du participant dans un esprit d’individualisation de l’intervention.
PREMIER ÉNONCÉ :
L’entreprise d’insertion est la ressource de dernier recours en insertion au travail pour des
personnes qui rencontrent des difficultés importantes d’intégration sociale et professionnelle.
Cet énoncé a conduit les débats vers des comparaisons de problématiques. Il suggère aussi, un positionnement
de l’EI comme ressource. La première constatation évidente affirme consensuellement un problème nommé
« alourdissement des problématiques par cumul de celles-ci ». Ainsi, on constate chez la population plus
jeune, une rupture avec le système scolaire qui ne répond plus ou mal aux attentes et aux besoins des individus
et qui, souligne-t-on, ne satisfait plus aux besoins de main-d’œuvre du marché du travail, engendrant ainsi
le décrochage scolaire. Conséquemment, ajouter à cela l’éclatement des familles, la rupture d’un parcours
de vie linéaire (école – travail – famille – retraite), la perte de repères qui génère une dissolution des valeurs
et un phénomène intergénérationnel qui s’est enclenché par reproduction du modèle parental.
Chez les personnes plus âgées (à partir de 35 ans), la France et le Québec soulignent de concert, un taux
d’analphabétisme/illettrisme exorbitant pour ces pays. Mais sans aller jusque là, l’ensemble des nations
présentes accusent un taux élevé de sous scolarisation dans la population. Ce problème se retrouve,
évidemment, dans les milieux défavorisés (« poches » de pauvreté) et, principalement, chez les femmes de
ces milieux.
Il est également regrettable de constater le désespoir de vivre et l’associalisation chez les jeunes,
particulièrement chez les populations immigrantes, se traduisant par une violence comportementale ou par
une abnégation manifestée par une autodestruction de l’individu. Bien entendu, s’ajoute à cela la mouvance
sur le marché du travail générée par les nouvelles technologies et la mondialisation, entre autres, ainsi que
par les structures (administratives notamment) surchargées. Il est à noter l’intervention d’un « échangiste »
français qui souligne aussi, la présence, dans les EI, d’une clientèle de classe moyenne, donc relativement
instruite mais peu intégrée (intelligence sociale faible) ou socialement dysfonctionnelle.
Ici, les discussions s’animent ! L’un de dire : « …les EI ne sont pas le dernier recours, mais un outil
méthodologique particulier répondant très bien à des personnes qui ont une motivation pour l’emploi et pas
d’attente de formation. C’est une alternative pour des personnes qui ont connu des échecs répétitifs et qui
permet de construire un premier succès », L’autre d’exprimer : « …non, pas dernier recours, mais dernier
espoir pour intégrer le marché du travail parce que notre mission, par l’expérience d’une réussite positive
(la première parfois), consiste à rendre l’espoir, l’espérance, la foi ! »
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Ateliers
En résumé, nous parlons de problèmes de santé mentale, de dépendance (alcool, drogue, affect, etc.),
d’adaptation culturelle, de déséquilibre social qui engendrent des interventions tellement spécialisées,
parfois, que l’EI ne peut les résoudre seule. Cela amène naturellement les échanges sur la représentation
que les protagonistes présents se font de l’EI comme ressource.
61
Cependant qu’un tronc commun se dégage : il y a un préalable fondamental à l’insertion à l’emploi soit la
prise de conscience de son problème par l’individu. La motivation intrinsèque de la personne est cruciale.
La participation à un programme d’insertion en emploi doit émerger d’un choix et non d’une obligation
financière ou administrative. L’EI, en tant que ressource, doit :
•
favoriser le développement de compétences ;
•
accueillir la personne dans sa globalité, mais être consciente de ses limites d’intervention ;
•
croire foncièrement au potentiel de la personne.
L’EI ne peut répondre à tous les besoins des individus. Elle doit donc définir le niveau d’intervention qui est
le sien en fonction des besoins du milieu. Ce qui amène les débats vers la deuxième affirmation.
DEUXIÈME ÉNONCÉ :
Dans une perspective de continuum de services, les EI doivent s’impliquer auprès des organismes
et institutions de leur milieu qui oeuvrent dans le champ de la pré-insertion de telle sorte qu’elles
se donnent des moyens d’influer sur les références.
Cet énoncé pose la question du choix de l’intervention psychosociale : externalisation ou internalisation ?
Rappelons-nous, avant tout, qu’outre les différences « culturelles » autour des tables, la représentation
professionnelle est également très diversifiée : représentants des bailleurs de fond et des instances
gouvernementales, directions d’EI et employés des EI, notamment des intervenants psychosociaux (surtout
du Québec).
Ainsi, se dessinent deux grandes tendances (externalisation ou internalisation) cependant qu’il est difficile
de discerner si ces deux pôles sont le résultat de la diversité culturelle ou de la pluralité professionnelle.
Parions qu’il y a un peu des deux !
Tous insistent, généralement, sur l’importance d’un point d’ancrage, d’un « référent », d’une personne
ressource pour bâtir la confiance. Au Québec, la tendance, certainement influencée par la pratique, favorise
ce point d’ancrage à l’interne. À l’inverse, les Européens vont généralement privilégier une personne
ressource indépendante de l’EI. La Suisse se positionnant entre les deux pratiques. Et, pour étayer leur
pratique, les Européens émettent l’argument suivant : il faut dissocier ou différencier l’emploi/le travail et
par le fait même l’apprentissage d’une profession, de l’intervention sociale ou psychosociale qui n’induit pas
les mêmes personnes et pas les mêmes lieux.
Une autre illustration de leur pratique suggère d’aller chercher à l’externe toutes les compétences
spécialisées nécessaire à la réduction de problématiques pointues. Les EI du Québec, dans une philosophie
de décloisonnement des mesures et des pratiques, vont conduire leur fonctionnement de façon à prendre à
l’interne la responsabilité minimum de « référent » voire de créer une telle relation de confiance, dépassant
souvent le cadre des besoins professionnels, qu’elle crée un lieu d’appartenance, de référence, « un cordon
ombilical » qui perdure bien après la durée du parcours (plus courte, rappelons-le).
Ateliers
Les arguments avancés par le Québec indiquent un souci du danger que pourrait représenter l’exportation
du transfert de l’intervention psychosociale illustrée par l’expression « … Ils (sous entendu les participants)
pourraient tomber dans les craques du plancher », c’est à dire se perdre dans un dédale de démarches, dans
un labyrinthe de ressources pour finir par se décourager et abandonner. Mais plus que ces considérations
territoriales, on se rappelle mutuellement que nous faisons partie d’un processus ; nous reconnaissant ainsi
comme un tremplin, une passerelle.
Toutefois, quelle que soit notre option (externaliser ou internaliser), il est important pour l’EI, avant de faire
un choix, de reconnaître les valeurs fondamentales qui lui sont chères afin de définir ses champs de
compétences et ses pratiques. De savoir qu’il existe plusieurs niveaux vers l’insertion allant de l’occupationnel
à la rentabilité en passant par la production. Il est important également de connaître et de reconnaître les
réseaux « frères et sœurs » qui possèdent les compétences qui pourraient soutenir nos interventions.
62
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Le choix, en plus de dépendre de nos valeurs, sera également orienté par l’environnement (quartier, ville,
pays), les besoins de la population, le financement et le tissu l’industrie. Ces éléments étant fondamentaux
pour définir la « sélection » de nos participants. Gardons cependant, en toile de fond, un urgent besoin
d’enrayer un phénomène intergénérationnel et donc de ne pas préparer une nouvelle génération d’exclus.
Le dernier élément au moulin de cet énoncé concerne la reconnaissance du résultat de notre travail, non
pas en terme de financement ou de reddition de compte, mais sur le plan humain, pour l’individu qui a
évolué, changé. S’il est entendu que notre lien d’appartenance n’est pas au ministère de l’Éducation, ne
pourrions-nous pas obtenir une certification (voire un diplôme) pour souligner les efforts consentis par le
participant pour son développement, comme un étudiant dans le cadre d’une reconnaissance des acquis.
Mais, sur ce sujet, les avis divergent vraiment. Les uns argumentant l’inutilité de cette reconnaissance ; les
autres préconisant une reconnaissance « maison » ; les troisièmes complètement investis par cette idée et les
derniers réfutant même le concept.
TROISIÈME ÉNONCÉ :
Les EI doivent-elles développer les ressources humaines et financières qui leur permettent de
répondre adéquatement aux besoins spécifiques des participants ou alors faut-il développer des
liens avec des organismes et des institutions qui sont en mesure de répondre à ces besoins.
Nous sommes ici à discuter sur les besoins de mutualisation, formelle ou informelle, des forces de l’EI avec
celles de partenaires fussent-ils gouvernemental, privé, communautaire ou autre. Bien entendu, la première
épingle dans ce principe de mutualisation est le financement et nous ne pouvons pas éviter la discussion
sur ce sujet.
Considérant que le contrôle des bailleurs de fonds est différent selon les pays, il reste qu’« on nous demande
de faire du « sur mesure » et on nous paie pour du « prêt-à-porter » ». Alors, l’obligation de rentabilité amène
nécessairement un resserrement des critères de sélection et une recherche de clientèle plus productive. Mais
dans une optique de mise en commun de nos expertises, les instances gouvernementales sont citées comme
non-exemple : « …il faut que les ministères se parlent… »
•
le réseautage, avec les travailleurs de rue par exemple, pour le recrutement et la référence des
clientèles difficiles à rejoindre (très éloignées du marché du travail) ;
•
le réseautage pour les suivis post parcours et le maillage avec les acteurs pour les étapes
subséquentes au parcours afin d’assurer des résultats durables ;
•
le réseautage pour tenter d’inclure les familles dans le processus ; idéalement, la famille devrait être
partie prenante du réseau autour du participant ;
•
le réseautage aussi, mais de façon plus abstraite et à plus long terme, pour intégrer l’aspect social
des interventions de façon qualitative dans la reddition de compte pour faire ressortir les bénéfices
sociétaux d’une intervention mutualisée ;
•
le réseautage comme clé du succès dans la mesure ou il y a une réduction de la rigidité des structures,
une intelligence territoriale tenue en compte et une réelle intégration (par la fonctionnalité) des
services dans la communauté.
Cette intégration des services passe par une multitude d’actions qui peuvent commencer déjà par un
réseautage à l’intérieur de nos entreprises. Ainsi, plusieurs citent l’exemple du compagnonnage en milieu
de travail qui peut se faire sur la base du modèle maître d’apprentissage : l’individu possédant la connaissance
vers celui qui apprend; mais également en terme de pairage : deux participants à des étapes différentes du
parcours travaillent ensemble et échangent leurs connaissances mutuelles. C’est l’exercice du modèle à
imiter.
Ateliers
Pourtant, une énumération des raisons et des avantages du réseautage, sans forcément aller jusqu’à une
structure administrative de « mutuelle », permet de détacher une série d’arguments :
63
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Dans la pratique quotidienne, plusieurs obstacles au réseautage sont soulevés :
•
les problèmes de surcharge des structures mais surtout de débordement chez les intervenants à qui
on demande d’individualiser un parcours sans pour autant leur offrir les moyens et la formation
nécessaire (débat d’un autre atelier) à l’exercice de leur fonction;
•
les problèmes d’adaptation des méthodes de travail du personnel d’encadrement;
•
la nécessité, pour réseauter, de bien connaître son milieu pour savoir bien référer et ensuite
accompagner l’individu dans ses démarches.
Ateliers
Mais pour envisager le réseautage, il faut défaire la dualité entre les entreprises sociales et les entreprises
privées et il faut endiguer la croissance de l’élitisme. Afin de compléter fidèlement ce compte rendu,
citons cette réflexion : « … ne nous basons jamais sur nos acquis, visons toujours le meilleur pour nos
participants… ».
64
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Conférence :
La naissance et le développement
des entreprises d’insertion
20 octobre 2004
Ce thème, initialement intitulé « Le développement des entreprises d’insertion » a fait l’objet d’un quiproquo.
Certains ont compris le développement passé (comment l’entreprise s’est-elle développée), d’autres le
développement à venir (comment se développera-t-elle dans le futur).
Les présentations du Belge Salvatore Vetro, du Français Christian Jacquot, du Québécois Jacques Bertrand
et du Suisse Chistophe Dunand n’étaient donc pas toutes au diapason. Du coup, la synthèse demandée au
Québécois d’adoption Frédéric Lesemann s’est transformée en une présentation à part entière.
Les mesures d’insertion prévues en Wallonie
et à Bruxelles
Extraits de la présentation de Monsieur Salvatore Vetro,
Président et administrateur délégué, Réseau d’entreprises sociales, Belgique
(…) D’emblée nous remarquons que les pouvoirs publics (P.P.) se soucient du problème posé par l’exclusion
et des initiatives institutionnelles existent déjà dans ces régions de Belgique. Ainsi un dispositif intégré
d’insertion est en place mettant en relation des initiatives parastatales telles que les Missions régionales,
en Wallonie, et les Missions locales, à Bruxelles, les organismes pour l’emploi et la formation et les Centres
publics d’actions sociales et les initiatives issues de la société civile. Ce dispositif se concrétise par un
« Contrat crédit insertion » qui garantit au bénéficiaire : primes, avantages, suivi et soutien à l’insertion et
donne un cadre légal au « parcours d’insertion ».
Les Missions régionales/locales dépendent de P.P. et elles ont la particularité de s’adapter à la demande des
entreprises. Elles visent l’adéquation entre la demande et l’offre via des séquences d’ajustement. Des
dizaines de milliers de personnes sont aiguillées par ces institutions chaque année et des projets de formation
sont organisés dans des activités telles que câblage, rénovation de quartier, rénovation de façade…
La structure qui ressemble le plus à ce qui se fait au Québec s’appelle chez nous EFT en Wallonie et AFT à
Bruxelles. (Entreprise/Atelier de formation par le travail). Ces associations prodiguent une formation par le
travail dans leurs propres infrastructures de production ou de service. Immergés dans un milieu de travail
réel, les bénéficiaires alterneront les formations qualifiantes, théoriques et de resocialisation. Les stages
sont rémunérés à 1 €/h plus les frais de déplacement. Ici, le critère caractérisant le public cible est la très
faible qualification puisqu’il ne doit pas avoir obtenu un diplôme d’humanités inférieures (3 ans après les
primaires). Près de 2 500 stagiaires bénéficient chaque année de cette mesure.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Conférence
(…) Les Organismes d’Insertion Socio-Profesionnelle (OISP) ont une action formative et participative sur
base d’objectifs individualisés et visant l’accompagnement psychosocial et l’évaluation continue. Le public
cible est caractérisé par la faible qualification, pas de diplôme d’humanité supérieure et suivant la durée
d’inoccupation. Les bénéficiaires ont un statut de stagiaire percevant un défraiement de 1 €/heure. La durée
de la formation dépend des cours individualisés organisés par l’OISP ou de l’opérateur vers lequel la personne
aura été orientée. Sur les deux régions, près de 30 000 personnes sont orientées dont moins de 10 000
participent chaque année à des formations.
65
Ce que nous appelons les Entreprises d’Insertion (EI) chez nous, sont en fait des Sociétés commerciales à
finalité sociale (SFS), agréées par les régions respectives. Le statut de SFS existe en Belgique depuis 1995.
(...) Ils doivent contenir 9 articles supplémentaires définissant les objectifs sociaux de l’entreprise, les
conditions permettant aux travailleurs d’obtenir la qualité d’associé (…), les limites de distribution du profit,
la manière dont sera réparti le résultat économique etc. L’agrément comme EI est d’abord octroyé pour deux
ans, réévalué et reconduit d’abord 2 ans et puis 4 ans. Le public cible est défini par sa très faible qualification,
pas de diplôme d’humanités inférieures, et par la durée d’inoccupation (1 an). Les subsides varieront selon
ces deux critères et seront dégressifs sur 4 ans. Un quota de 50 % de ce public doit être atteint sur 4 ans.
Ils doivent être engagés avec un contrat à durée indéterminée (CDI).
Les entreprises d’insertion visent une réinsertion pérenne principalement dans l’entreprise elle-même, mais
le parcours vers une entreprise conventionnelle n’est pas exclu et une mesure adaptée permet aux EI de
financer un temps partiel pour un « accompagnateur social » destiné à suivre les personnes en interne et, si
elles le désirent, les accompagner vers un emploi dans l’économie conventionnelle. Cette mesure récente
concerne actuellement près de 500 travailleurs en Wallonie – Bruxelles.
Je dois également mentionner les associations d’insertion qui n’ont pas la possibilité d’intégrer ce dispositif et
qui actuellement n’ont qu’une reconnaissance provisoire fédérale et qui attendent un décret/ordonnance
régional afin d’avoir une existence légale définitive. Cela s’appellera ILDE (Initiative locale pour le
développement et l’emploi) à Bruxelles et devrait s’appeler « ressourcerie » en Wallonie. Ces associations ont
inséré près de 1000 travailleurs sous CDI dans des emplois pérennes. Le public cible est caractérisé par un
cumul de conditions les fragilisant sur le marché de l’emploi : famille monoparentale, travailleurs âgés,
dépendances, handicap, faible qualification… Les formations sont prodiguées « sur le tas » en favorisant le
tutorat. Plus de 50 % du personnel est composé de public cible.
Les entreprises de travail adapté (ETA) sont organisées sous statut d’association et sont spécifiques au
monde du Handicap. Le public cible est composé à 80 % du personnel et est engagé sous contrat à durée
indéterminée (CDI). Contrairement aux entreprises d’insertion, ces entreprises émargent à une Commission
Paritaire qui leur est propre et spécifique à la mission d’insertion socioprofessionnelle de personnes moins
valides. Ces entreprises regroupent 5300 travailleurs en Wallonie. Ces deux derniers types d’entreprises
s’avèrent être d’importants promoteurs de nouvelles structures d’insertion.
(…) LES OPPORTUNITÉS ET LES FREINS DANS LA CRÉATION ET LE DÉVELOPPEMENT DES EI
(…) Chez nous, le manque flagrant d’entrepreneurs est principalement dû à une culture du salariat induite
par le passé industriel de notre région. Nos pères, ouvriers d’usine, ne nous ont pas appris le goût d’entreprendre. L’éducation et la sensibilisation vers ce genre de culture sont nécessaires. Nous devons soigner nos
relations avec les écoles et les universités et y apporter notre expérience de terrain, notre enthousiasme,
nos satisfactions. Nous remarquons, en Belgique que le taux de réussite des entreprises sociales d’insertion
est bien plus élevé que les entreprises conventionnelles : 80 % au lieu de 50 %.
Conférence
Nous remarquons aussi que le rôle des structures porteuses est prépondérant. (…) L’avantage de ces structures
porteuses est évident : matelas financier au départ, carnet de commande à disposition de la nouvelle structure
d’insertion, jeunes employés qui peu à peu ont pris le « goût » de l’entreprise et qui désirent prendre des
responsabilités, vivier d’expériences pour jeunes étudiants stagiaires, et pour activités innovantes…
66
Une autre méthode émergente s’appelle « coopérative d’activité ». Il s’agit de structures proposant un contrat
de salarié au candidat entrepreneur et mettant à sa disposition : logistique, comptables, analystes, locaux…
Une partie de son salaire vient, bien sûr, de son activité naissante et le complément vient d’un subside destiné
à lui assurer un revenu minimum, le temps de se constituer un carnet de commandes suffisamment fourni.
Lorsqu’il est prêt, il constitue sa société et devient indépendant.
En Belgique, nous avons la chance que les différents ministres qui veulent tester une idée, lancent des
projets pilotes qu’ils soutiennent financièrement. Ces appels à projets réguliers permettent de faire des
essais réels sur de nombreux secteurs émergeants.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Il y a aussi des opportunités qui « boostent » le développement de nouvelles activités. Ainsi, les titres
services en Belgique sont en train de provoquer la naissance de nombreuses entreprises d’insertion. Ces
titres achetés 6,70 € et qui en valent 21 € permettent d’offrir des services d’aide ménagère au même prix
que l’économie informelle. Dans les EI les personnes obtiennent un vrai statut de salarié.
L’obligation de reprise des déchets, selon les règlements européens, permet maintenant de financer de
nombreuses activités de recyclage. Voilà une niche à ne pas laisser échapper. Malheureusement on remarque
souvent que lorsqu’un marché « marginal » devient solvable, le fantasme de la concurrence déloyale
réapparaît et il n’est pas toujours possible de se maintenir face aux monstres industriels qui apparaissent.
Pour finir, je mentionnerai trois pièges à éviter :
1)
Nous ne sommes pas le sparadrap de la société et nous n’avons pas à nous substituer aux pouvoirs
publics. L’économie sociale vise aussi à entreprendre autrement, favoriser une nouvelle forme de
démocratie économique.
2)
Nous ne devons pas nous cantonner dans des marchés à « surplus marginaux ».
(…)
3)
Le grand écart permanent que nous faisons pour concilier social et économique n’est pas nécessairement
une faiblesse. Il peut être une force.
Conférence
Nous développons de nouvelles formes de gestion, mettant l’être humain à la première place. Cette logique
de non-éviction du plus faible nous oblige à mettre au point des méthodes innovantes de gestion des
conflits, d’affectation de résultat, de participation et de motivation du personnel. Méthodes différentes
certes, mais qui s’avèrent souvent efficaces.
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Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Une histoire et un contexte
Extraits de l’allocution de Monsieur Christian Jacquot, Directeur de l'association "GARE-BTT"
(60 ETP d'insertion) Gérant de l'ETTI "BTTi" (22 ETP d'insertion) ; Président de l'UREI
et Vice-Président du CNEI et, à ce titre, Président d'ENSIE, réseau Européen.
Pour mieux appréhender ce qu’il y a de commun (ou de comparable) dans nos pratiques et dans nos réflexions,
il est nécessaire de tenir compte de l’histoire particulière de leur développement et des caractéristiques
d’environnement social, économique et, bien sûr législatif, de chacun de nos pays. En termes de contexte,
il y a au moins un élément qui nous est commun pour la majorité d’entre nous, c’est que nous vivons dans
des pays qui fonctionnent selon des modèles économiques, sociaux et culturels dominants très proches les
uns des autres et qui tendent, d’ailleurs de façon inquiétante, à se standardiser.
Pour tenir compte de ces observations, je donnerais quelques indications synthétiques sur le développement
des entreprises d’insertion en France et sur l’environnement dans lequel elles évoluent. Il y a, aujourd’hui,
près de 900 entreprises d’insertion, en France, qui génèrent environ 20 000 postes d’insertion et 35 000
postes de travail en totalité. L’entreprise d’insertion, comme toute entreprise, réalise son activité dans le
cadre du marché concurrentiel et dans les domaines les plus divers : bâtiment, sous-traitance industrielle,
blanchisserie, restauration collective, intérim, etc. En se développant au bénéfice exclusif d’une population
en situation de rupture et de rejet, cumulant difficultés personnelles et sociales, elle constitue une réponse
d’insertion à part entière qui utilise, comme support de sa pédagogie singulière, une activité économique
de production de biens ou de services.
Pour ma part, je travaille dans une entreprise d’insertion depuis 25 ans. Psychosociologue de formation, je
fais partie de ces acteurs du secteur social qui cherchaient à inventer des alternatives à une action sociale
traditionnelle trop enfermante et trop assistancielle. Au fur et à mesure des années, le développement de
la précarité, la radicalisation de l’exclusion ont fait surgir d’autres défis et ont poussé d’autres acteurs, issus
d’horizons professionnels les plus divers, à s’investir dans le développement de l’insertion par l’économique
et ainsi rejoindre militants associatifs et professionnels du social dans la longue construction de notre
mouvement.
En créant la fédération CNEI16, les entreprises d’insertion françaises se sont données les moyens de mutualiser leurs expériences, de professionnaliser leur démarche, de multiplier les coopérations avec le monde
économique et politique. Elles ont acquis une reconnaissance et une légitimité évidente, mais qui est cependant
à rediscuter et à consolider en permanence. Notre entreprenariat demeure une forme particulièrement
périlleuse d’entreprenariat qui doit bien sûr garantir une réelle performance économique, mais sans jamais
rien renier de son projet social qui est sa raison d’être.
Conférence
Il y a 20 ans, on s’occupait de gens qui s’étaient éloignés du monde du travail, aujourd’hui nous sommes
confrontés à des gens qui ne s’en sont jamais approchés. Voilà le type de défi à partir duquel nous devons
penser notre développement et envisager l’avenir des entreprises d’insertion dans une société où précarité
et exclusion se radicalisent, et même pire, se banalisent. Je me suis efforcé de réagir aux questions
proposées plus que d’y répondre, en veillant à organiser une réflexion en fonction de deux préoccupations
plus générales : « Où en sommes nous, pour aller où ? »
LES FACTEURS GUIDANT LES CHOIX SOCIAUX DE L’ENTREPRISE ET LA PERTINENCE
DE CES CHOIX
Je me permets de citer (et ainsi je n’engage que moi !) un court passage d’article que j’ai écrit en 1997 et
intitulé « L’entreprise l’insertion : un outil "atypique" de l’action sociale ». « Ce parti pris d’articulation d’une
activité d’insertion et d’une activité économique pour mieux prendre en compte la réalité des attentes d’une
population en rupture, déstabilisée par un cumul de handicaps d’existence, constitue, précisément, le
moteur de la pédagogie "atypique" mise en œuvre par l’entreprise d’insertion ».
68
16
Comité national des entreprises d’insertion.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
L’utilisation de l’entreprise comme outil de cette pédagogie particulière impose que le fonctionnement
d’une entreprise soit mis en œuvre de façon effective dans tous ses aspects : technicité, commercialisation,
gestion, droit du travail et dialogue social, et bien sûr développement… Et pourquoi pas bénéfice. En même
temps, cet entreprenariat est entièrement conçu et mobilisé au bénéfice exclusif d’une population
précarisée, mise à l’écart et stigmatisée socialement. S’il y a un élément qui détermine l’entreprise dans ses
choix de marché, d’organisation et de structuration ainsi que de partenariat, c’est cette nécessité de garantir
cette capacité de développement de son activité en direction exclusive des populations fragilisées, hors du
monde du travail et hors d’un monde où l’on travaille.
Un entreprenariat au service de l’Homme, certes, mais, en plus, au service des femmes et des hommes qui
n’intéressent pas l’entreprise et qui souvent lui rendent bien !!! Cette question du public ciblé est cruciale
et tout découle de la capacité de chaque entreprise à relever ce défi et à respecter cet engagement. Le défi
de l’entreprise d’insertion n’est donc pas tellement de trouver le bon équilibre entre l’insertion et le
marchand, mais plutôt d’inventer une démarche (et de la maintenir en permanence) qui permet à des
dimensions complètement antagonistes de se conjuguer positivement pour générer un développement
économique fiable, accessible à un public qui ne l’est pas (ou considéré comme ne l’étant pas) !
Au sein du réseau européen ENSIE, nous avons retenu trois «fondamentaux identitaires» de cet entreprenariat
contre l’exclusion et pour l’intégration :
1)
des entreprises dont le projet social est l’intégration sociale et la citoyenneté (la finalité) ;
2)
des entreprises positionnées au cœur du système économique (l’outil) ;
3)
des entreprises à forte dimension pédagogique (la méthode et la démarche).
L’enjeu de l’entreprise d’insertion est d’élaborer une démarche et des méthodes qui fassent fonctionner
l’outil ou le support au service de la réalisation de la finalité. L’enjeu déterminant c’est, bien sûr, que
l’entreprise d’insertion parvienne à vendre, à « son juste prix », le service d’insertion rendu à l’État, aux
collectivités locales ou, pour nous, à l’Europe. Le financement public de l’entreprise d’insertion doit, en effet,
être appréhendé comme la rémunération d’un service rendu à la collectivité.
RENTABILITÉ, PERFORMANCE ÉCONOMIQUE ET PERFORMANCE DES ENTREPRISES
D’INSERTION
Tout en garantissant sa rentabilité, à condition bien sûr que le service rendu à la collectivité soit justement
rémunéré, donc bien rendu, le défi et l’obligation pour l’entreprise d’insertion peuvent se résumer de la
façon suivante : la valeur ajoutée économique qu’elle produit est toujours le moyen de produire de la « valeur
ajoutée humaine ». En développant des postes de travail pour une population mise à l’écart socialement, dans
le cadre d’une activité pleinement inscrite sur le marché, l’entreprise d’insertion rend un service directement
à la population en question, mais aussi, de façon économiquement chiffrable, à l’ensemble du territoire et
à la collectivité.
Si je me base sur la réalité française, quand la collectivité investit 5 € dans une entreprise d’insertion, elle
crée au moins 10 €, et souvent plus. Comme ces entreprises assument l’ensemble des obligations d’une
entreprise, elles génèrent, par leur activité, de l’impôt, de la taxe professionnelle, du financement des caisses
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Conférence
En ce qui concerne les facteurs guidant les choix économiques, à l’évidence et en fonction du développement
précédent, ils ne se limitent pas à un critère de rentabilité, qui demeure cependant un critère indispensable.
L’exemple le plus parlant est le choix de l’activité. L’entreprise d’insertion doit choisir un secteur d’activité
solvable, mais aussi accessible, sans trop de pré-requis, à la population qu’elle veut embaucher. L’entreprise
doit donc choisir une activité génératrice de main-d’œuvre, qui ne suppose pas de formation (ou trop de
formation préalable) mais qui permette de véritables expérimentations, apprentissages et acquisitions. Elle
doit également choisir et organiser (c'est-à-dire professionnaliser) son activité (et donc son positionnement
sur le marché) pour qu’elle ait une dimension valorisante pour la personne vis-à-vis d’elle-même et de son
environnement : solvabiliser, professionnaliser, construire une image positive d’entreprise sur le secteur
géographique et économique pour valoriser le parcours d’insertion et apporter les meilleures chances
d’intégration.
69
de solidarité et de l’achat de matière pour les fournisseurs du bassin économique local. Ces résultats
s’ajoutent au fait, qu’en même temps, elles font vivre des familles qui paient leur loyer, consomment pour
leur existence, etc. Mais surtout elles le font avec des populations qui, jusque là, constituaient un coût pour
la collectivité (par exemple le RMI17 en France) et qui, par leur embauche en entreprise d’insertion, participent de façon concrète (et significative) aux financements des dépenses publiques, des caisses de solidarité et du développement local. Cette dimension d’activation des dépenses passives c'est-à-dire cette justification de notre action par la dignité retrouvée des personnes qui peuvent se revendiquer d’une existence
de citoyens à part entière, voilà une performance singulière de l’entreprise d’insertion. Mais, une nouvelle
fois, elle ne peut atteindre (et afficher) cette performance que s’il y a cohérence entre son positionnement
social et son positionnement économique, et qu’elle réalise l’ensemble de ses engagements sur ces deux
fronts d’intervention.
Ces conditions étant garanties, l’entreprise d’insertion est donc une expérience d’entrepreneuriat qui génère
de la richesse avec une population à laquelle il est reproché de surtout créer de la dépense et, de plus en
plus souvent, de vivre en parasite. Ce retour sur investissement pour la collectivité et les pouvoirs publics,
cette participation concrète au financement de la solidarité et du développement local constitue un des
éléments décisifs de détermination et de négociation de la rémunération « au juste prix » du service rendu.
Ensuite, il devient plus facile de faire appréhender et prendre en compte les « coûts évités », en termes
d’hospitalisation, d’incarcération, d’aides sociales diverses etc. Il y a beaucoup à dire sur ce thème, mais je
ne cherche pas à être complet, seulement à mettre en évidence la nécessité de produire une évaluation
globale de l’entreprise d’insertion, qui, non seulement, ne sépare pas l’appréciation des performances
sociales et économiques, mais en révèlent la cohérence et la complémentarité.
INTÉGRATION PAR LE TRAVAIL ET TRAVAIL D’INTÉGRATION
Conférence
L’évolution de la démographie des actifs va créer, dans nos sociétés, un besoin conséquent de main-d’œuvre
et donc, a priori, considérablement améliorer le marché de l’emploi. Nous avons connu entre 1998 et 2001,
en France, une embellie économique qui a permis, évidemment, de faire embaucher plus de personnes mais
qui nous a conduit à deux observations principales :
•
tout d’abord ce n’est pas l’insertion par l’économique qui crée l’offre d’emploi et donc pour qu’il y ait
accès à l’emploi encore faut-il qu’il y ait des emplois disponibles ;
•
par ailleurs, cette situation nous a confirmé que, lorsque le marché de l’emploi se dégrade, ce sont
les populations que nous prenons en charge qui sont les premières concernées et que lorsqu’il
s’améliore, elles sont les dernières à en profiter.
Si on tient compte de ces observations, les cinq années à venir nous conduisent, dès aujourd’hui, à réfléchir
à la fonction passerelle des entreprises d’insertion et au modèle d’intégration pour lequel elles se mobilisent.
En particulier, réfléchir à la fonction passerelle des entreprises d’insertion dans un contexte où le monde de
l’entreprise aura de nombreux besoins qu’il voudra satisfaire à ses conditions. Ainsi se développe, de la part
des entreprises une conception « intégriste » de l’employabilité qui s’appelle le « prêt à l’emploi ». Cette
attitude est d’ailleurs directement une conséquence d’une période où, le taux de chômage étant élevé,
l’entreprise avait l’embarras du choix et a pris l’habitude de se séparer des gens au gré de la moindre
fluctuation de sa rentabilité propre. Entre temps, elle s’est éloignée de son rôle d’intégration, de formation
et offre de moins en moins de réelles perspectives d’évolution à la personne. À ce mode de traitement, les
salariés ont répondu par le « nomadisme », n’hésitant pas à passer d’une entreprise à l’autre pour aller vers
le plus offrant (en fonction de leur conception du plus offrant). L’ensemble de ces évolutions doit être pris
en compte parce que si l’entreprise d’insertion préserve cette fonction passerelle, ce ne peut-être en étant
l’instrument d’un monde de l’entreprise qui ne reconsidère pas ses pratiques d’intégrations et ses
responsabilités sociales. Comment agir et réagir à ces types d’évolution ? Faut-il remettre en cause cette
logique de passerelle ? Il y a un certain nombre de pays européens qui développent déjà de façon
systématique de l’emploi durable (Belgique) ou qui mixe emploi durable et emploi passerelle (Italie). Il n’y a
70
17
Revenu minimum d’insertion.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
pas de réponse toute faite hors de celle que peut nous aider à inventer notre capacité collective à réfléchir
en nous appuyant sur ce que nous avons déjà expérimenté. Mais nous devrons faire évoluer notre
positionnement et notre démarche en prenant en compte ces transformations sans s’y soumettre ! Notre
mouvement doit conserver, absolument, un regard critique sur les transformations sociales et économiques
en cours et construire, en permanence, une véritable capacité d’influence pour ne pas subir ou se laisser
instrumenter.
RESTONS GROUPÉS ET OUVERTS !
Conférence
Cette capacité de mutualisation et de formalisation des acquis, cette force d’influence et de proposition,
nous ne pouvons la développer que si nous sommes impliqués dans une logique de réseaux nationaux et
transnationaux. « Entreprendre contre les exclusions, réalité et utopie au cœur de l’économie », était le
thème du dernier congrès du CNEI. Je pourrais ajouter « réalité et utopie au cœur de la société »… Notre
responsabilité, aujourd’hui, est d’affirmer la pertinence de notre entreprenariat et de ce qu’il produit, tout
en gardant la force d’un mouvement social critique qui mobilise une réelle volonté d’influence et se dote
des moyens de la rendre efficace. Je reste convaincu que nous n’avons pas à aider les personnes à s’intégrer
dans la société telle qu’elle est, mais telle qu’on la rêve. Nous devons continuer de partager et de faire
reconnaître notre réalité et nos rêves… Et de le faire collectivement.
71
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
De l’importance de la marge et de la marginalité
Extrait de l’allocution de Monsieur Jacques Bertrand,
directeur général de La Relance Outaouais Inc., membre du conseil d’administration
du Collectif des entreprises d’insertion du Québec
(…) Depuis leur existence, les entreprises d’insertion se sont développées pour des marginaux, bien souvent
par des marginaux et il n’est donc pas étonnant que leur façon de faire soit également un peu marginale.
Il ne faut pas se méprendre sur le mot « marginal » car, pour moi, il a plutôt une signification hautement
positive, plus proche « d’original ». Il y a quelques années, lors d’une rencontre similaire à celle-ci, au Mans
(en France)18, j’ai assisté à une allocution qui a laissé en moi une très belle image des « marginaux »19.
Je vous la résume ici en quelques mots. Notre société se comparait à un livre. Notre Histoire, nos coutumes,
nos normes s’écrivent, un peu à la manière d’une histoire, sur les pages d’un livre. Nos lois, nos règlements,
nos institutions y sont aussi inscrites, de même que notre économie, nos entreprises, etc. En fait, le livre
devient le reflet de notre société. Tout ce qui ne fait pas partie de ce que je viens de nommer se situe pour
ainsi dire en marge ou à la marge. Ce qui est merveilleux c’est que c’est grâce aux marges et paragraphes
que le texte devient plus clair, plus cohérent, plus accessible et plus aéré. Par ailleurs, un livre comporte
plusieurs pages et, encore une fois, c’est grâce à la marge que l’on peut les relier ensemble, et que l’histoire
peut suivre son cours et évoluer. Voilà donc notre métaphore : en est-il de même avec les marginaux et
n’est-ce pas grâce à eux que notre société se tient ensemble et évolue ?
Aujourd’hui je voudrais vous entretenir :
•
d’une vision transversale du développement des entreprises d’insertion, surtout avant 1995, et des
différentes tendances qui subsistent actuellement ;
•
sept critères québécois des entreprises d’insertion (depuis 1996) et de leurs impacts sur l’équilibre
toujours fragile entre l’économique et le social ;
•
quelques éléments dits de « normalisation » qui sont propres à l’organisation que je dirige.
Conférence
Rappelons que les entreprises d’insertion sont nées et se sont développées suite au besoin d’insérer, sur le
plan social et professionnel, des personnes qui étaient « exclues » du système. Exclues par qui ? Par l’éducation,
par l’entreprise marchande traditionnelle, par le système social, voire par la communauté. Comme si un mur
s’était construit entre le social et l’économique. Anciennement, il ne serait venu à l’idée de personne que,
par exemple sur une ferme, alors que tout le monde travaille, le fils de 22 ans reste à la maison, sous
prétexte que les tâches sont déjà réparties. Il aurait, d’une façon ou d’une autre, certainement apporté sa
contribution à l’ensemble des travaux de la ferme. De même, dans une communauté, dès qu’une personne
était disponible ou en âge de travailler, on lui trouvait une fonction : chez le boulanger, à l’usine ou autre.
À ce moment-là, on devenait apprenti ou bien l’entreprise nous formait à un poste et selon nos capacités,
et ainsi on assurait une fonction dans la société. Il y avait une perspective à moyen et à long terme.
« L’immédiateté » des besoins de la communauté ou de l’entreprise, en plus d’un nombre considérable de
personnes disponibles en même temps, a fait en sorte que l’entreprise veut maintenant du « prêt-à-porter ».
Donc des gens déjà prêts à remplir immédiatement leur fonction. Il n’y a plus d’apprentissage ou d’insertion.
72
Au Québec, hormis les différentes initiatives socio-économiques qui ont précédé les années 80, il existe des
entreprises d’insertion depuis 1982. Jusqu’en 1995, des entreprises d’insertion sont nées ou se sont développées
bien souvent selon les propres tendances ou approches de leurs concepteurs ou selon tel ou tel programme
financier. Ainsi, on peut facilement reconnaître 4 types de tendances. Chaque tendance a une dominante
mais non exclusive des autres.
18
Je crois que c’était en 1998.
19
Malheureusement, je ne me souviens plus du nom de l’intervenant.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
1. La tendance psychologique
A priori, c’est l’individu qui est dysfonctionnel. La personne est au centre de l’intervention et l’entreprise est
l’outil servant au développement de cette personne. Les entreprises d’insertion de cette première tendance
mettent l’accent sur la mission, sur l’accompagnement individualisé, sur la formation globale, sur le statut
des salariés, sur les participants les plus démunis (vous reconnaîtrez, plus tard, certains critères de
reconnaissance). La tendance psychologique cherche à développer une meilleure estime de soi, une
meilleure confiance en soi, des attitudes et habitudes de travail saines. Cette tendance est donc très axée
sur l’individu.
2. La tendance sociale
A priori, ce sont les structures qui dysfonctionnent. On met donc le groupe au centre de l’intervention.
L’entreprise d’insertion de cette deuxième tendance aborde sa mission avec une lunette plus sociale. Il est
donc important que l’entreprise d’insertion provienne de sa communauté, qu’elle agisse en partenariat,
qu’elle s’inscrive dans la dynamique du milieu. Les interventions de groupe sont plus nombreuses. Le groupe
est important comme élément intégrateur. On y parle d’identité mais aussi de citoyenneté.
3. La tendance éducationnelle
A priori, c’est le système éducatif qui est défaillant. On met l’accent sur la formation. Les entreprises
d’insertion de cette troisième tendance recouvrent, bien entendu, les éléments des deux autres tendances,
mais ici, on met davantage l’accent sur l’insertion « professionnelle » que sociale. On y introduit des éléments
« qualitatifs », des formations plus techniques, de l’alphabétisation. On parle quelque fois de « diplômation ».
On cherche parfois des reconnaissances formelles de l’institutionnel.
4. La tendance économique
A priori, c’est le système économique, lui-même, qui n’est plus apte à intégrer les personnes telles qu’elles
sont. Dans les années 1991-93, l’État québécois met donc sur pied des corporations intermédiaires de travail20.
Ces nouvelles structures mettent beaucoup l’accent sur l’entreprise elle-même. C’est de « l’économie sociale »,
mais le psychosocial est peu présent. On rêve de l’insertion par l’économique seul.
Si on revient à notre mur, où il y a d’une part l’économie marchande, productive et immédiate, et de l’autre
les types d’interventions, la place des entreprises d’insertion, avec ses 4 tendances d’origine, se situe donc
comme passerelle entre ces deux mondes. En quelque sorte, ce sont ces quatre tendances qui donnèrent
naissance aux 7 critères de reconnaissance des entreprises d’insertion.
LES 7 CRITÈRES DE RECONNAISSANCE DES ENTREPRISES D’INSERTION
1)
La mission. Principalement tournée vers l’insertion, la finalité même de l’entreprise n’est pas
l’économique mais d’abord la fonction de passerelle.
2)
Les participants (ou travailleurs en insertion) sont fortement défavorisés sur le plan de l’emploi et bien
souvent en situation d’exclusion.
3)
Une entreprise authentique, qui commercialise des biens et services et qui vit avec les contraintes du
marché.
Conférence
Les 7 critères, sous-jacents aux 4 tendances, sont, en quelque sorte, les éléments rassembleurs qui ont
permis à chacun de se reconnaître dans le Collectif des entreprises d'insertion. À partir de 1996, une grande
mise à niveau des entreprises d’insertion s’est opérée sur la base de ces critères. Certaines étaient conformes
à l’ensemble des 7 critères, mais la majorité, compte tenu de leur origine, avaient à s’approprier l’un, l’autre
ou plusieurs d’entre eux.
73
20
Les quelques entreprises d’insertion existantes d’alors étaient largement financées par les fonds fédéraux
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
4)
Un statut de salarié, comme tout autre employé régulier et, a minima, selon les normes du travail en
vigueur.
5)
Un accompagnement personnalisé à chaque participant, selon ses besoins propres, autour d’une
intervention concertée et planifiée.
6)
Une formation globale qui tient compte de plusieurs aspects de la personne, tant personnel, social,
professionnel qu’économique.
7)
Et enfin le partenariat, aujourd’hui on parlerait de réseautage, qui permet à l’entreprise de s’inscrire
dans la dynamique de son milieu.
La question essentielle autour de ces 7 critères est « comment maintenir l’équilibre au sein de l’entreprise
d’insertion » ? Pour la majorité des dirigeants et des salariés permanents, le travail se compare souvent à
celui d’un funambule : toujours sur la corde raide entre le social et l’économique, entre la rentabilité financière
et la rentabilité humaine, en regardant toujours au loin avec le cap sur la mission.
Ainsi, lorsqu’on reprend quelques-uns des critères et leur influence sur l’équilibre global de l’entreprise,
on s’aperçoit très vite que :
•
La mission ne doit pas être un enjeu. Elle est plutôt le point éloigné qui permet de garder cet équilibre,
un peu à l’exemple du funambule. C’est lorsqu’on perd de vue ce point d’horizon et que l’on regarde
d’un côté (le social) ou de l’autre (l’économique) que l’on risque de perdre l’équilibre.
•
Le choix des participants suppose d’abord de bien connaître son entreprise, de sorte qu’elle puisse
permettre à un participant donné de faire un saut qualitatif sur le plan de son insertion entre son
entrée et sa sortie. Productif certes, mais ni trop compétitif (alors que se poserait la question du
besoin réel d’une telle structure), ni trop peu compétitif (ne permettant pas d’envisager une insertion
réussie). Dans ce cas, l’échec pourrait même être néfaste sur le plan individuel et personnel.
•
Parallèlement l’entreprise d’insertion veillera à trouver une autre forme d’équilibre : au sein du groupe
de participants (qui est en constante évolution) en mêlant des personnes plus productives avec des
individus marqués par des problématiques personnelles et sociales plus importantes. L’hétérogénéité
devient donc une forme de garantie de l’équilibre au sein même des salariés participants.
•
Quant au choix du type d’entreprise, il doit être en lien direct avec les besoins d’insertion des participants
et s’inscrire dans la dynamique de son milieu. Par ailleurs, l’équilibre est encore ici recherché entre
une rentabilité suffisante couplée à des choix positifs pour les participants. Par exemple, se doter d’un
lave-auto manuel plutôt qu’un lave-auto mécanisé. La rentabilité économique n’est pas uniquement
souhaitée pour la santé financière de l’entreprise mais aussi pour exercer une pression positive,
attractive, chez le participant.
Conférence
Pour conclure, dans ma propre organisation, d’autres éléments se juxtaposent aux 7 critères de reconnaissance
de l’entreprise d’insertion qui participent à l’équilibre recherché. En voici quelques-uns :
•
Il y a dissociation physique entre la localisation de l’entreprise et le lieu de l’intervention psychosociale.
En effet, quoique l’intervention soit globale et reliée aux autres aspects de l’entreprise, les
intervenants psychosociaux sont situés à l’extérieur de l’entreprise marchande, afin de respecter
l’authenticité de cette dernière, tout en faisant partie de la même organisation.
•
Des employés authentiques qui ne sont, ni professeurs, ni travailleurs sociaux, mais simplement des
professionnels du métier qu’ils pratiquent et qui exercent une fonction « normalisante » pour
l’employé-participant. Ils favorisent un modèle d’identification accessible pour le participant.
•
La « non-identification » de l’entreprise comme entreprise d’insertion : cette dernière porte donc un
nom distinctif de celui de l’entreprise propriétaire tout en lui appartenant. Elle n’utilise jamais comme
élément de commercialisation le fait qu’elle soit une entreprise d’insertion.
•
L’employé-participant n’est pas identifié, dans l’entreprise, vis-à-vis du public comme étant un
« participant » et, même après son passage, sur son curriculum vitae, on pourra lire qu’il a travaillé
dans l’une ou l’autre des entreprises, mais il ne sera nullement fait mention de son passage à La
74
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Relance Outaouais (l’entreprise d’insertion). On cherche à tout prix à éviter la stigmatisation de la
clientèle en n’ajoutant pas une étiquette au jeune, qui en a, par ailleurs, déjà plusieurs.
•
L’entrée continue dans le programme permet d’éviter une déstabilisation de l’entreprise par l’arrivée
massive de nouveaux employés (ce qui se fait rarement dans l’entreprise régulière), et prévient également
la formation de sous-groupes à l’intérieur de l’entreprise.
•
Un ratio ne dépassant jamais le un pour un : il y a toujours plus d’employés « normalisant » que
d’employés « participants » dans l’entreprise.
•
Finalement, l’application d’horaires de travail similaires à ceux des entreprises classiques du même
secteur permet de tester l’adaptation de la personne à son environnement, à mesure des aléas de son
emploi du temps. Ainsi l’employé-participant peut travailler le jour, le soir ou les fins de semaine
(à l’image de son futur emploi) et faire face immédiatement aux problématiques rencontrées.
Conférence
En conclusion, à l’heure où le monde économique pèse d’un poids toujours plus lourd (mondialisation des
marchés, main-d’œuvre étrangère sans protection législative, expatriation d’emplois peu qualifiés) et qu’en
découle une exclusion de plus en plus massive d’un pan entier de la population, il est urgent de maintenir
l’équilibre. Et de renouveler la question, toujours collective, d’un développement qui pourrait être autre :
durable et toujours citoyen. À nous de veiller à ce que « insertion » ne rime jamais avec « illusion » et de sans
cesse adapter, réinventer et… oser toujours la « marginalité ».
75
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Les entreprises d'insertion en Suisse romande :
des expériences nombreuses, un dispositif complexe
dans un système politique fédéraliste décentralisé
Extraits de l’allocution de Christophe Dunand ;
Ingénieur ETS, diplômé de l’Institut Universitaire d’Études du Développement (Iuéd),
Directeur de l'association Réalise, chargé d’enseignement à l’Iuéd, Président de
l’Association pour le Développement de l’économie sociale et solidaire
(…) Depuis le début des années 80, de nombreuses initiatives d'insertion par l'économique ont vu le jour
dans cette région, sans coordination, avec peu de liens entre elles, ou des liens sectoriels (social, handicap,
formation notamment). Le nombre d'organisations varie selon la définition retenue, toutefois, selon notre
perception de la situation dans les autres pays, le nombre de places d'insertion par l'économique rapporté
à la population est élevé.
Les premières entreprises d'insertion ont précédé la croissance du chômage, qui a touché tardivement notre
pays, en comparaison avec l'Europe de l'ouest et l'Amérique du nord. Ce n'est que depuis les années 90 que
l'insertion, ou la réinsertion, est devenue un enjeu national et le dispositif, très complexe, que nous allons
tenter de décrire dans les lignes qui suivent doit être considéré comme « jeune » et confronté à un besoin
flagrant de réformes. L'insertion par l'économique est une pratique répandue, pourtant elle ne fait pas ou
peu partie, à ce jour, du discours des décideurs et n'apparaît qu’implicitement dans différentes bases légales.
(…)
INSERTION/RÉINSERTION PAR L’ÉCONOMIQUE, ENTREPRISE D’INSERTION :
DE QUOI PARLE-T-ON ?
(…) Les entreprises d’insertion, institutions qui pratiquent l’insertion par l’économique, sont reconnues pour
leurs prestations, mais généralement pas comme entreprises. Plusieurs ont adopté l’appellation : « entreprise
d’insertion », « entreprise sociale » ou « entreprise sociale d’insertion ». Certaines mettent en avant leur
fonction de réinsertion, sans mettre en avant leur démarche entrepreneuriale dans leur nom.
Conférence
Sur le terrain, on parle plus souvent de « réinsertion » que « d’insertion », terme plutôt réservé aux
programmes d'appui à l'insertion des (…) demandeurs d'emploi. Hormis les dispositions de l’assurance
invalidité (financement d’ateliers d’occupation et de mesures de réadaptation), l’insertion par l’économique,
n’est pas un dispositif structuré à partir de politiques publiques précises en Suisse. Il s’agit d’un ensemble
divers de pratiques de terrain, mises en place par des acteurs associatifs (ou des fondations) au niveau local,
de manière autonome, qui emploient des concepts divers pour qualifier leur action, mais recouvrant des
buts et des méthodes de travail qui ont en commun :
•
une finalité sociale de réinsertion de demandeurs d'emploi, généralement en priorité des personnes
en difficulté ;
•
des activités de production de biens ou de services générateurs de revenus ;
•
une autonomie vis-à-vis de l’État.
Par souci de cohérence avec les concepts utilisés dans le programme des rencontres, nous utiliserons dans
ce texte le concept d’entreprise d’insertion (EI) pour recouvrir l’ensemble des pratiques qui ont en commun,
au minimum, ces trois caractéristiques. Comme nous le verrons, le niveau d’activité économique est très
variable d’une institution à une autre, pour des raisons d’objectifs institutionnels (priorité à la formation par
exemple) comme pour des raisons de limites légales liées aux financements publics.
76
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
RÉINSERTION PAR L'ÉCONOMIQUE, DES PRATIQUES DANS UN SYSTÈME LÉGAL
TRÈS COMPLEXE
Le dispositif d'aide à l'emploi et d’aide sociale suisse est complexe, peu cohérent et inégalitaire selon la
commune de résidence et le statut administratif. Il ne peut être compris sans rappeler l’importance de
l’organisation fédérale du pays et le principe de subsidiarité. Ce principe mène à une gouvernance très
décentralisée, dans un pays dominé depuis sa constitution par des valeurs libérales. L'autonomie des
communes et des cantons en matière d'aide sociale est très large. Les bases légales qui concernent les
bénéficiaires d’une aide au retour à l’emploi ont été conçues séquentiellement dans le temps et sans
coordination formelle entre le niveau communal, cantonal et fédéral.
(…) Au niveau communal et cantonal, les soutiens financiers à l'insertion sont dispensés par des départements
(« ministères » cantonaux) différents selon le public cible. Les institutions cantonales sont organisées de
manière spécifique : (…)
•
le Département de l’Instruction publique soutient les mesures pour les jeunes ;
•
le Département de l’Action sociale et de la Santé soutient les mesures pour les adultes qui n'ont plus
droit au chômage et les personnes ayant eu des problèmes de toxicomanie, d'alcool ou de santé ;
•
le Département de Justice et Police soutient les mesures pour les ex-détenus ; (…)
•
le Département de l’Économie soutient les mesures pour les chômeurs.
Les collaborations entre ces départements d'un même canton sont souvent limitées et le système institutionnel
est très cloisonné.
On constate des différences importantes entre les politiques publiques cantonales et communales en
matière d’aide sociale et de lutte contre le chômage. Certaines communes et certains cantons ont mis en
place des dispositifs étendus pour compléter les prestations prévues par les lois fédérales. D'autres n'ont
rien fait. Les inégalités sont importantes, mais, d'une manière générale, en particulier en milieu urbain, les
ressources financières n'ont pas manqué pour soutenir les projets sociaux les plus divers, dont l'insertion
par l'économique.
La complexité du dispositif légal et institutionnel induit une vision fragmentée des individus en fonction de
leur statut administratif. Elle représente un frein considérable à l’organisation et au suivi des trajectoires
de réinsertion sur le terrain et à l’émergence d’une vision et de politiques structurées d’insertion. Les
demandeurs d'emploi, comme les professionnels attachés aux multiples institutions qui dépendent de ces
bases légales, peinent notablement à s'y retrouver. Une réforme d'ensemble est devenue nécessaire pour
favoriser la réinsertion des demandeurs d'emploi ainsi que pour augmenter l'efficience d'un système dont
les coûts de fonctionnement sont très élevés.
•
les ateliers pour personnes handicapées (nommés le plus souvent : ateliers protégés) ; ces ateliers,
soutenus financièrement dans le cadre de la loi fédérale sur l’assurance invalidité (AI), mènent des
activités marchandes dans des secteurs les plus divers ; ils représentent en Suisse des milliers de
places de travail ; (…)
•
les entreprises sociales d'insertion (ou de réinsertion), qui se sont créées avec des financements
cantonaux ou communaux et qui offrent des opportunités de remise au travail et de réinsertion à des
personnes bénéficiant de l‘aide sociale ou d’un revenu minimum cantonal ; (…)
•
les programmes d'emploi temporaire collectifs fédéraux pour chômeurs, mesures actives prévues par
la loi fédérale sur le chômage, qui permettent à une organisation à but non lucratif ou à une
commune d’organiser des activités de production, mais non concurrentielles avec l‘économie privée,
pour développer les compétences des chômeurs et favoriser leur réinsertion. (…)
Conférence
De manière schématique, il nous semble possible de définir trois catégories d’institutions ou de programmes
d’insertion par l’économique en Suisse romande :
77
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Une vision large de l’insertion par l’économique (économie marchande et non-marchande) mène à englober
en Suisse
1)
des institutions pour personnes handicapées ayant des perspectives de réinsertion ;
2)
des entreprises d’insertion à proprement parler ;
3)
différentes mesures actives pour les chômeurs.
Les entreprises d'insertion par l'économique s'adressent à des jeunes demandeurs d'emploi en rupture, à des
adultes en difficulté face au marché de l'emploi (réinsertion) et à des personnes sortant de prison (réinsertion).
D'une manière générale des institutions spécifiques s'adressent à ces trois catégories de public et collaborent
peu entre elles.
Pour tenter de limiter notre analyse à la définition générale des EI proposées par les organisateurs de ces
rencontres, nous allons considérer comme EI l'ensemble des organisations qui :
•
poursuivent un but d’insertion et de réinsertion (but d’intérêt collectif) ;
•
mènent des activités de production, même si le côté marchand des activités est parfois limité (ont
donc une démarche entrepreneuriale).
(…) Il n'existe pas de recensement officiel des EI de Suisse romande. Au sein des ateliers protégés pour
personnes handicapées, seule une partie des places peut être considérée dans une perspective d'insertion
comme abordé plus haut, ce qui ne facilite pas leur décompte. Ce n’est que par les subventions qu’il est
possible de repérer les EI au niveau cantonal, mais toutes n'ont pas des subventions cantonales. Elles émargent
à différents budgets cantonaux (social, instructions publiques, justice, etc.) et, en général, ne sont pas
distinguées des autres associations et fondations à but social qui sont subventionnées.
DES RELATIONS DIVERSES AVEC L'ÉTAT
Le type de relation entre les bailleurs de fonds publics (commune, canton et confédération) et les IE est très
divers. Sur le terrain on observe des relations allant d'un partenariat bien négocié à des relations de soustraitance, dans une perspective étatiste ou libérale, pour reprendre la typologie élaborée par le Conseil
économique et social.
Conférence
À titre d'exemple, à Genève le Département de l'Action sociale et de la Santé a une longue tradition de
collaboration avec le secteur associatif, en particulier autour du domaine du handicap. À l'opposé, le
Département de l'Économie et des Affaires Extérieures, n'avait pas une telle tradition au moment de
l'explosion du chômage dans les années 90. Avec la croissance du nombre de demandeurs d'emploi et
compte tenu des dispositions légales qui prévoient la possibilité pour des organisations privées (avec ou
sans but lucratif) d'offrir des mesures de formation ou de réinsertion, ce Département a dû collaborer avec
des tiers. Mais ce manque de tradition et de vision dans la répartition des rôles entre l'État et le secteur
privé associatif a mené à des relations difficiles, en particulier les premières années.
78
La nouvelle gestion publique, dont la logique continue à s'étendre même si le concept a été retiré du discours,
influence de manière décisive la nature des relations entre les EI et l'État depuis le début des années 90.
Elle se traduit en particulier par la volonté de contractualiser ces relations (contrats de prestations), ce qui
pose de très nombreux problèmes de principes et de méthodes. Nous constatons, sur le terrain, la mise en
place progressive de contrats, dont les noms varient (contrat de prestation ou contrat de partenariat) autant
que l'esprit qui guide leur élaboration. A l'image du dispositif morcelé décrit plus haut, chaque bailleur met
en place un type de contrat pour son financement, avec des exigences diverses et parfois incohérentes avec
les exigences des autres bailleurs (les exigences comptables en sont un exemple).
Dans de nombreux cas, au niveau cantonal les subventions ont été accordées au départ sur la base du
projet présenté par une organisation, en laissant une grande latitude quant aux méthodes de travail et à
l'organisation des prestations. La mise en place de programmes d’insertion dans le cadre des mesures actives
de la loi fédérale sur le chômage s’est d’entrée faite de manière structurée avec la mise en place systématique
de contrats de prestations.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
L’observation du terrain montre des différences considérables tant dans la latitude laissée aux opérateurs
par les bailleurs dans l'affectation des ressources publiques qu’en ce qui concerne les revenus des activités
économiques.
La tendance générale est toutefois à une formalisation des relations et à une diminution de la marge de
manœuvre des EI. C’est un des enjeux centraux pour l'avenir. Une clarification des relations entre les services
publics et les EI est nécessaire. Cependant le maintien de l’autonomie, nécessaire aux activités économiques
(production, innovation), comme aux activités de réinsertion (proximité, souplesse, évolutivité), est primordiale.
La transformation des opérateurs associatifs en services publics serait, à cet égard, catastrophique.
DES BÉNÉFICIAIRES AUX PROFILS DIVERS
Les premières entreprises d'insertion, créées avant la crise économique des années 90, s'adressaient
principalement à des personnes exclues du marché de l'emploi depuis plusieurs années et aux bénéficiaires
de l'aide sociale. En général, leur éloignement du marché de l'emploi était lié à des problèmes sociosanitaires
(toxicomanies, problèmes familiaux, santé physique et mentale, problème de logement, endettement, etc.).
Elles étaient non qualifiées dans leur majorité, certaines avaient une formation devenue obsolète.
Une nouvelle catégorie de personnes est apparue nécessitant une aide pour leur réinsertion avec le
développement du chômage. Ces dernières, majoritairement peu ou pas qualifiées, souvent illettrées, sont
démunies face à un problème de chômage qu’elles n’ont que rarement eu à gérer préalablement.
Méconnaissance de leurs droits et devoirs, méconnaissance aussi de la jungle administrative qui en découle,
des compétences très lacunaires pour rechercher un emploi, se greffent parfois à des fragilités préalables.
Santé déficiente, consommation d’alcool déjà excessive, réseau social faible, diminution de revenu qui
devient critique, logement précaire, situation familiale difficile, sont quelques-uns des facteurs qui, parfois
en agissant de manière cumulative, rendent nécessaire une activité professionnelle encadrée pour soutenir
un processus de retour à l’emploi ou tout au moins la prévention de leur marginalisation. Toutefois, durant
les premières années de chômage, ces personnes avaient en général des compétences professionnelles
supérieures à celles exclues de longue date (première catégorie), du fait de leur éloignement récent du
marché de l’emploi.
Aujourd'hui ces deux catégories schématiques se confondent, en particulier du fait de la rotation des
personnes dans le dispositif. Retour à l’emploi, chômage, accès au revenu minimum, retour à l’emploi, font
qu’il devient difficile de savoir, dans certains cas, si les difficultés qui rendent nécessaires une aide au retour
à l’emploi sont la cause ou l’effet de l’exclusion du marché de l’emploi. Même si de nombreux chômeurs
retrouvent un emploi et même si les études manquent, sur le terrain on observe que la réinsertion est de
moins en moins durable et que de nombreuses personnes s’éloignent progressivement du marché de l’emploi.
(…) Ces dernières années, une tendance relevée par plusieurs professionnels est la croissance du nombre de
jeunes adultes et des personnes âgées de plus de 55 ans. Les premiers posent des problèmes de prise en
charge. Leur manque de motivation et de connaissance des exigences du marché de l’emploi débouche sur
des ruptures fréquentes. Des méthodes pédagogiques spécifiques semblent nécessaires. Pour les seconds, le
problème est que les perspectives de retour à l’emploi sont souvent limitées et les stages de réinsertion pas
prévus pour les mener jusqu’à la retraite (durée limitée).
Conférence
Bien que des études systématiques manquent aussi en Suisse sur l’évolution des profils et des besoins des
personnes qui s’adressent aux EI, les professionnels s’entendent pour dire que les problématiques se sont
complexifiées. Le marché de l’emploi, à l’opposé, est devenu de plus en plus exigeant et rien ne laisse à
penser que cette évolution pourrait changer. La croissance des problèmes de santé, en particulier mentale,
de violence, d’accès à un logement, et d’endettement est particulièrement marquée. Le nombre de personnes
qui font appel à l’assurance invalidité est en train d’exploser, faisant jouer à cette assurance le rôle d’allocation
minimale qui n’existe pas en Suisse pour les personnes durablement exclues du marché de l’emploi.
79
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
(…) LES AMBITIONS INITIALES : COMBLER UNE LACUNE DU DISPOSITIF SOCIAL
L'ambition initiale des IE n'était point de développer des entreprises alternatives aux entreprises capitalistes
ou aux services publics. Le débat sur ce thème n'avait d'ailleurs pas encore vraiment dépassé, dans les
années 80, la critique écologique du modèle industriel. La fin du modèle salarial des « trente glorieuses » (qui
ont duré quarante ans en Suisse), discuté dans les années 90, n’a eu que peu d’échos au sein des EI.
Il s'est agi, beaucoup plus modestement, de mettre en place des opportunités de travail adapté, en complément
aux services d'appui existants pour les exclus (services sociaux publics principalement). À cette époque, la
loi fédérale sur le chômage n'avait pas encore été révisée et les mesures actives étaient limitées. Les
personnes exclues de longue date n'y avaient d'ailleurs pas droit.
Les EI, comme la majorité des autres associations à but social, ont ainsi eu à l'origine une ambition
essentiellement « palliative ». Il s'agissait de combler les lacunes du dispositif d'aide sociale local qui
manquait (et qui manque toujours) de « ponts » vers le marché de l'emploi. Elles sont nées de constats faits
sur le terrain, par des professionnels de l’action sociale, montrant l’impossibilité de pouvoir passer de
l'assistance publique à un emploi, sans période de « réentraînement » au travail.
L'ambition sociétale des entreprises d'insertion, comme celle de nombreuses organisations de l’économie
sociale et solidaire, a été limitée. L'urgence gestionnaire à laquelle elles ont eu à faire face dès leur création,
a laissé peu de place à la réflexion critique, en général, et sur les limites de leur action palliative en particulier.
DES ENTREPRISES D'INSERTION PEU ORGANISÉES :
La multiplicité des bases légales, les spécificités politiques publiques de réinsertion des cantons et des
communes, parfois simplement inexistantes, et l'absence d’un réseau associatif à la fois intersectoriel et
inter-cantonal, ont été des freins à la structuration du champ de l'insertion par l'économique. D'une
manière générale, on constate que le mode de financement est l'élément structurant prépondérant en
Suisse dans le champ de l'insertion. Les EI se regroupent pour défendre leurs intérêts par rapport à un
bailleur sectoriel. Seules certaines organisations émargent à plusieurs financements, ce qui favorise une
vision plus large de la problématique et un regroupement thématique. Les organisations qui ne sont
soutenues qu'au niveau cantonal ou communal sont plus particulièrement absentes des réseaux et des
regroupements.
En ce qui concerne la Suisse romande, les enjeux restent assez différents d'un canton à un autre et ces
particularités limitent une vision commune des enjeux à moyen terme. Enfin, la coopération active est
généralement plutôt le produit de la nécessité. Il faut peut-être interpréter le peu d’organisation des EI en
Suisse romande par le simple fait que jusqu'à présent chacune n'a pas vraiment eu besoin des autres.
Conférence
Cependant, pour le moment, ce mouvement d'expansion en direction d'une position d'organisation
professionnelle nationale pour la réinsertion par l'économique et la formation (de publics en réinsertion) est
resté limité. Les manières de voir entre les Suisses romands et les Suisses allemands sont notablement
distinctes, problème certainement proche des clivages entre wallons et flamands et entre québécois et
canadiens anglophones. Cette dynamique, qui part du terrain local (bottom's up), est aussi très ancrée dans
la tradition subsidiaire suisse.
80
UN BUT SOCIAL, UN FONCTIONNEMENT D'ENTREPRISE
ET UNE EXIGENCE D'AUTOFINANCEMENT
Dans les années 80 les premières EI étaient des projets pilotes très innovants par rapport aux méthodes de
travail social. En ce qui concerne l'État, il n'existait aucune disposition pour financer des projets répondant
à des besoins sociaux qui n'étaient pas encore reconnus.
En même temps, il était évident que pour proposer un travail adapté, le plus proche possible des exigences
du marché de l'emploi, il s'agissait de fonctionner sur la base de règles et d'une organisation proche de
celles qui sont rencontrées au sein d'une entreprise commerciale (ou d'un service public).
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
C'est ainsi que la double contrainte qu'a représentée l'importance d'un « vrai travail » et la nécessité
d'atteindre un taux d'autofinancement élevé, compte tenu d'appuis financiers publics limités, a mené au
développement de prestations pour le marché (clients privés, collectivités ou entreprises commerciales).
Dès leur création, les EI ont dû mettre en place une gestion de PME en parallèle aux outils et procédures
de travail nécessaires à l'encadrement et au suivi des travailleurs en réinsertion. Il fallait rétrospectivement
une bonne dose d'inconscience et un grand esprit d'entreprise pour relever le défi que représentait (et
représente toujours d'ailleurs) le fait de vouloir fournir des prestations de qualité, avec des employés peu
qualifiés confrontés à des problèmes sociosanitaires, pour un marché très concurrentiel.
Le management de ces organisations s'est révélé plus complexe que celui d'une PME à but commercial.
Il s'agit en effet de pouvoir rendre compte aux bailleurs publics du bénéfice retiré par les personnes en
réinsertion qui passent par une EI. Le taux de réinsertion sur le marché de l'emploi est un indicateur
synthétique relativement simple.
Toutefois, il ne reflète pas ou peu le développement des compétences des personnes en réinsertion. Le
marché de l'emploi et la situation économique en général a une influence nettement plus importante sur
le taux de réinsertion que la qualité de la prise en charge au sein d'une EI. La mesure des compétences
(sociales, techniques), est préférable mais nettement plus complexe. Elle intègre des paramètres très divers
constitutifs des compétences sociales comme des compétences techniques. Pour cela un système d'évaluation
élaboré doit être développé pour mieux cerner les acquis des bénéficiaires et la performance globale des EI.
Une question centrale au sein des EI est celle du taux d'autofinancement optimum. En Suisse tout au moins,
il semble très difficile de pouvoir imaginer générer des revenus suffisants pour autofinancer ces entreprises.
Il faudrait pour cela trouver une niche économique très rentable et accessible à des employés peu ou pas
qualifiés ou en difficulté, ce qui ressemble nettement à une gageure.
Ce taux d'autofinancement est non seulement lié à la capacité de production de biens et de services, il
dépend aussi de la demande et des compétences des chômeurs qui viennent en stage de réinsertion. Ces
deux paramètres évoluent, en toute logique, en fonction de la situation économique, mais de manière
opposée. Dans une période de haute conjoncture, seuls les chômeurs les moins employables restent sans
emploi, et inversement. Ainsi la capacité de production des EI baisse en période de haute conjoncture.
Le pilotage des résultats socioprofessionnels et financiers exige, comme cela a déjà été relevé, un système
de management plus complexe que pour une PME commerciale. Pourtant, en Suisse comme dans de
nombreux pays, ce sont des personnes d'abord motivées par la finalité sociale de l'action qui ont créé les
entreprises sociales. Les difficultés importantes et les échecs retentissants que nous avons pu observer dans
plusieurs pays, au nord comme au sud, au sein d'associations et d’ONG qui ont eu l'ambition de développer
des activités économiques, a certainement à voir avec cette réalité.
•
Leur rôle spécifique dans le développement des compétences et l’appui à la recherche d’emploi, en
particulier pour les publics en difficulté. Les EI sont un maillon clef du dispositif, mais trop peu
d'acteurs en ont conscience.
•
Leur rôle de passerelle avec le marché de l’emploi, (entreprises capitalistes et les services publics),
fonction qui doit cependant être renforcée.
•
La dimension économique des EI, autant par leur poids économique actuel que par l’innovation et la
créativité en leur sein, largement sous-estimée.
•
Des fonctions sociétales, elles aussi largement sous estimées, quand elles ne sont simplement pas
ignorées. Maintien du lien social, prévention de la marginalisation, production de biens et services
utiles à la collectivité en représentent quelques éléments saillants. Il convient de rappeler que travailler
reste à la fois la demande de la majorité des demandeurs d'emploi et le processus d'intégration dominant
en Suisse. De plus, rien ne laisse penser qu’une autre forme d’intégration que le travail puisse émerger
à moyen terme.
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Conférence
Quel avenir pour les entreprises d'insertion en Suisse romande ? L'avenir des EI en Suisse dépend, à notre
avis, de leur capacité à montrer et faire reconnaître :
81
•
Leur capacité d'autofinancement, comme contribution à la limitation des dépenses publiques, pour
autant que la question de la concurrence déloyale soit réglée.
•
Leur contribution à la mise en évidence d’autres modes de production de biens et de services dans
lesquels produire et inclure ne sont pas incompatibles.
•
Que les EI et le second marché de l'emploi en général ne sont pas une manière d'habituer les
chômeurs à des bas salaires dans des « productions et services bas de gamme, remplaçant des emplois
publics par des sous emplois ». Cela implique que les EI retrouvent l’ambition de répondre à des
besoins urgents à court terme et l'ambition à plus long terme, de construire une économie aux
services des femmes et des hommes.
Les difficultés et les oppositions ne manqueront toutefois pas. La diminution croissante de l’emploi manuel
peu qualifié et les délocalisations menacent les EI engagées dans la sous-traitance industrielle. La concurrence
sera aussi croissante avec de la main-d’œuvre européenne qui peut dorénavant venir en Suisse travailler.
(…) POUR CONCLURE :
Cette synthèse n'est qu’une étape dans un processus qui doit mener à une plus grande visibilité du rôle des
EI en Suisse et des liens plus étroits, pour défendre ensemble des pratiques et une éthique.
Les années à venir vont être de plus en plus difficiles avec la crise des finances publiques, dont rien ne permet
de penser qu’elle ne sera que passagère. La remise en question des prestations sociales, dispensées par les
services publics comme par les organisations subventionnées, bat déjà son plein.
Dans une perspective de développement durable, les EI et le tiers secteur sont souvent exemplaires, par leur
capacité à produire et inclure, en intégrant souvent une préoccupation environnementale. Au moment où
des choix devront être faits entre des prestations à maintenir et des prestations à supprimer, il s’agira que
les élus et les décideurs en général en prennent conscience, par une communication active et un lobbying
structuré.
Conférence
Le constat du faible niveau d’organisation des EI entre elles, le peu de liens avec les universités et partant
le peu de recherches qui portent sur leur action, augurent mal de l'avenir. Mais la participation de plusieurs
acteurs de l’insertion par l’économique à ces rencontres est, il faut l’espérer, le signe que les choses
changent. Nos collègues du Québec, de France et de Belgique sont riches d’expériences qui devraient
permettre aux EI de Suisse romande d’éviter quelques écueils et de combler rapidement ces déficits.
82
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Synthèse
Compte-rendu de la présentation de Frédéric Lesemann,
Professeur, Institut national de la recherche scientifique, Université du Québec
Puisque nous sommes dans le cadre d’un colloque international francophone, il est particulièrement important
de préciser à partir de quel « lieu » on parle : je suis d’origine suisse, j’ai été formé en France, j’y travaille
régulièrement, et je vis depuis 36 ans au Québec où je suis chercheur à l’INRS21. Je m’intéresse
particulièrement aux transformations du travail, à tout ce qui n’est pas le travail industriel classique, à
temps plein. Je dirige un centre de recherche sur ce thème (www.transpol.org). Je ferai brièvement trois
commentaires : - sur la transformation du travail et son rôle comme facteur d’insertion ; - sur l’intérêt et la
portée des échanges internationaux ; - sur le rôle du partenariat dans le développement des entreprises
d’insertion.
Au Québec, deux tiers des personnes, grosso modo, se retrouvent dans l’emploi dit « régulier », de production
ou de services, privés ou publics (à temps plein, à durée indéterminée, qui procure un certain nombre de
protections sociales) et un tiers exercent un emploi «atypique» (travail à temps partiel, à durée limitée,
travail indépendant…). On a l’habitude de définir l’emploi « régulier » comme étant la norme et on associe
bien souvent l’emploi « atypique » à la précarité et aux groupes « à risque ». En effet, quand on est dans la
«normalité», on a tendance à définir tout ce qui ne l’est pas par la négative, par le manque, par le « risque ».
Les planificateurs sociaux, les concepteurs de politiques autant que les chercheurs, qui tous sont mobilisés
par le souci de la cohésion sociale, imaginent des programmes, des stratégies et des recherches visant
l’insertion sociale et économique des individus et des groupes «à risque».
Si on s’intéresse à ce tiers de la population qui échappe à l’emploi traditionnel, on doit constater la très
grande hétérogénéité des trajectoires des personnes qui exercent un emploi «atypique», à la fois en ce qui
a trait à la diversité des formes d’emplois atypiques, à la diversité des positions sociales et des revenus des
personnes de cette vaste «catégorie», à la diversité des appréciations subjectives de ces personnes quant à
leur statut : certaines le recherchent et l’apprécient, d’autres le subissent et le déplorent. On est loin de la
représentation (souvent dominante) de «victimes de la crise de l’emploi», ou d’individus qui, en fonction de
«déficits» divers (à combler) ne parviendraient pas à s’insérer dans l’emploi « régulier ». Certes, il y a
beaucoup de personnes qui sont des victimes des restructurations ou des délocalisations industrielles et/ou
qui doivent faire face à des déficits de qualifications professionnelles ou de compétences sociales, mais on
doit absolument considérer aussi qu’une majorité de ce tiers de la population est porteuse de nouvelles
formes de travail et de nouvelles formes d’activités économiques et sociales et y sont activement insérées.
Mais une telle rencontre est exigeante si l’on veut vraiment parvenir à comprendre les pratiques des autres
pays. Ainsi, par exemple, on va dire rapidement que la raison d’être des entreprises d’insertion est de
travailler avec des populations qui, pour des raisons diverses, n’ont pas accès à l’emploi, mais qui souhaitent
s’en donner les moyens, pour s’insérer, si possible, dans l’emploi «régulier». Très bien, tous les participants
semblent s’entendre, partager un « terrain en commun ». Ils ont l’impression de parler de la même chose.
Mais lorsqu’on y regarde de plus près, qu’on commence à échanger sérieusement, on découvre que sous les
mêmes termes, on évoque des réalités extrêmement différentes, et c’est là que la complexité surgit qui seule
Conférence
On sort ainsi d’une représentation en termes de problèmes et de déficits pour entrer dans une représentation
en termes d’innovations, tant sociales qu’économiques. On peut penser alors qu’on est en train de voir se
dessiner les phénomènes de demain et les caractéristiques d’une nouvelle société en émergence. C’est un
peu l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide : je regarde apparemment la même réalité, mais je
change mon regard, en fonction d’un autre cadre d’analyse, autant que d’un autre état d’esprit. C’est à ça
que sert une rencontre comme celle-ci : à aiguiser son regard pour réfléchir de manière différente, grâce à
la dynamique de la rencontre internationale, aux réalités qui sont les siennes.
83
21
Institut national de recherche scientifique
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
est garante d’un véritable apprentissage mutuel. Un seul exemple : cette notion prise pour acquise de
« travail ». Elle peut être très différente en fonction du lieu, du pays à partir duquel on parle, elle ne fait pas
vibrer les mêmes sensibilités quand on est en France, en Suisse ou au Québec, parce que ces lieux, ces pays
ont une histoire, des instituions, une « culture » nationale qui contribue à qualifier de manière spécifique
cette notion.
En Suisse, le travail est essentiellement une obligation morale. Récemment, les Suisses, par votation, ont
refusé de réduire leur nombre d’heures hebdomadaires de travail. Ça paraît inimaginable ailleurs, complètement
en dehors de nos représentations.
En France, pays structuré par le droit du travail et les grands accords négociés par les « partenaires sociaux »,
on est dans un système lourd et corporatisé, mais auquel la majorité des Français adhèrent. Il y a quelques
années, par exemple, il y a eu une grande grève des transports en commun et les Parisiens sont allés au travail,
à pied, pendant 4 semaines… sans chialer ! Là aussi c’est inimaginable et en dehors de nos représentations.
Au Québec, « la job » est très importante mais elle est généralement considérée essentiellement comme une
source de revenu ; les gens n’en font pas une institution centrale de la société, constitutive d’une identité
individuelle et collective, sinon que chacun-e a conscience qu’il-elle doit être autonome de revenu et qu’il
lui faut bien trouver une façon de fonctionner dans ce monde-là.
Il y a donc derrière la notion de travail, des structurations historiques différentes, et dans ces structurations
historiques, le rôle des États, du droit, des politiques publiques, le fonctionnement de la société, ses valeurs
sont radicalement différents. Si on veut échanger et se comprendre, on doit se donner un objet de travail
et des objets précis de comparaison. On peut, et c’est important, se solidariser, mais plus on va se comprendre
et se connaître, plus on va découvrir ses différences et plus on va aussi s’enrichir mutuellement et pouvoir
apprendre les uns des autres.
Conférence
Dans le même ordre d’idée, un des collègues suisses a manifesté, tout à l’heure, un certain pessimisme au
sujet des entreprises d’insertion, du travail en général, voire de la situation dans son pays. Au Québec, nous
ne sommes pas, me semble-t-il, dans une situation pessimiste, on ne pense pas que, structurellement, « ça
va mal ». Bien sûr, ici et là plusieurs pensent qu’on est dans une situation momentanée délicate et que ça
ira mieux après les prochaines élections, mais, fondamentalement, on partage plutôt un relatif optimisme,
une relative confiance. C’est peut-être un état d’esprit qui pèche par «inconscience» et cela doit surprendre
les Européens pour qui cela fait vingt ans qu’on baigne dans une culture de «la crise». Partout où vous allez
(Suisse, France, Italie…) le discours des intellectuels, donc des producteurs d’idées, des producteurs des
représentations sociales, est marqué par la notion emblématique de « crise ». Certains disent que cela a
commencé en 1970 avec la crise du pétrole, d’autres en 1981 ou bien encore avec la montée de l’extrêmedroite… On assiste à un pessimisme collectif qui cherche à se nommer. Au Canada, en revanche, il ne me
semble pas qu’on soit dans une culture de la crise, mais plutôt dans une culture du fonctionnement (ce qui
peut paraître extrêmement « plate » à nos collègues français, champions de l’analyse critique). On est dans
une culture du pragmatisme : si ça marche, c’est qu’il doit y avoir au moins un petit quelque chose de bon !
Alors que dans plusieurs pays européens, on a l’impression que les positions politiques et idéologiques
doivent précéder l’appréhension de la réalité. Le jugement critique semble précéder l’action.
84
Les entreprises d’insertion intervenant au Québec ont acquis, au cours des dix dernières années, la conviction
que leur raison d’être, leur survie, leur avenir, est dans leur façon de participer à un projet collectif de
partenariat entre leurs « clientèles », les responsables d’entreprises d’insertion, les milieux d’affaires de leur
secteur d’activité et les représentants gouvernementaux. En général, quand on est dans le social, on
est plutôt « à gauche » et on a tendance à s’inscrire dans une logique d’opposition. Depuis 1997, une
transformation s’est opérée progressivement de la représentation que cette gauche sociale avait de ses
relations avec les milieux d’affaires et avec les gouvernements qui la soutiennent financièrement. Il se trouve
qu’à l’époque, nous avions un gouvernement social-démocrate avec des fonctionnaires et des ministres très
qualifiés, partageant à tous les niveaux d’action une culture partenariale fondamentale de solidarité. Une
proximité s’est établie, concrètement, entre technocrates planificateurs et gestionnaires, intervenants et,
dans bien des cas, entrepreneurs. Ces derniers font souvent partie des conseils d’administration des entreprises
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
d’insertion, au même titre que les syndicats, qui sont eux aussi partie prenante des entreprises d’insertion
puisqu’ils offrent parfois des capitaux et de l’aide au développement, via les Fonds d’investissement qu’ils
gèrent. Tous participent d’une culture partenariale qui les amène à découvrir les besoins spécifiques des
personnes formées dans les entreprises d’insertion et, partant, leurs responsabilités sociales propres.
Conférence
Tous les Québécois côtoient, dans leur famille ou dans leur entourage immédiat, une personne au chômage
ou bénéficiaire de l’aide sociale. Les classes moyennes, au Québec, occupent une place considérable, on peut
dire qu’elles sont au pouvoir et il n’existe pas une distance culturelle, sociale ou financière considérable
entre la population, les intervenants sociaux et les élites au pouvoir qui gèrent les programmes. On
constate même plutôt une convergence de vues. Il y a en effet une conscience répandue, au Québec, de
faire partie d’une même société, ce qui renforce, de fait, les solidarités. La question de l’identité nationale
francophone explique sans doute une partie de ce phénomène, mais aussi la proximité repoussante du géant
américain qui contribue à faire apprécier par la population le régime de santé et le régime de retraites, la
sécurité et la qualité de vie dont elle bénéficie, et donc à conforter son adhésion à cet État social-démocrate.
85
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Synthèse des intervention des participants et discussions
Synthèse des interventions des participants et discussions
Après les interventions des panélistes et la synthèse de Monsieur Lesemann,
plusieurs questions ou interventions de la salle ont eu lieu et ont mis en avant :
•
l’importance des échanges informels lors de ce type de rencontre qui permettent de faire le constat
que, malgré des modèles théoriques très différents, nos pratiques sont centrées autour de la même
préoccupation : celle de mettre les individus (et leurs besoins) au centre des entreprises d’insertion.
•
La difficulté à parler véritablement du développement des entreprises d’insertion : les interventions
ont davantage mis l’accent sur les fondements des entreprises d’insertion et sur leur évolution.
•
Différents exemples ou questionnements en matière de développement :
-
La création (en Belgique) d’une cellule de fonctionnaires autour de l’économie sociale permettant
d’éviter le roulement de personnel à tout changement politique.
-
L’existence d’un fonds public d’investissement en économie sociale, sous forme de bons d’État garantis.
-
L’importance de conscientiser les gens autour de la création d’entreprise.
-
La place pour les travailleurs en insertion sur la question du développement ou comment la gestion
participative, l’éducation citoyenne, les syndicats participent à ce développement ?
-
Le besoin de mettre en œuvre des projets pilotes permettant, à terme, la création d’entreprises
d’insertion.
Le débat se poursuit sur :
•
Les liens que les entreprises d’insertion entretiennent avec le monde économique. L’idée est de trouver
un juste milieu entre « se prendre pour ce que nous ne sommes pas en croyant que nous dictons nos
règles au monde économique » et accepter l’idée que le monde économique est plus « plastique qu’on
le pense, quand ses besoins de production doivent être satisfaits ».
•
L’enjeu de ce positionnement dans le monde économique : on ne fait pas le poids pour s’affronter
face-à-face avec le monde économique, mais on doit développer une stratégie de vigilance permanente
qui nous permet d’être dans le marché, parmi les autres de ce monde économique tout en restant
parfaitement différents.
•
La satisfaction au regard de la qualité des apports : il existe des différences fondamentales dans nos
pratiques qui sont liées à notre Histoire et à nos cultures. Par exemple sur la question de la démocratie
interne : on remarque qu’en France la démocratie serait le respect des formes légales issues des
rapports de forces et des rapports sociaux alors que dans un modèle plus anglo-saxon le Québec
décline la démocratie interne dans les entreprises d’insertion plutôt sous forme jurisprudentielle : on
essaie, on crée… et on applique localement.
•
Une certaine frustration car la question du « pourquoi se développer ? » à été évitée. Est-ce parce que
« on est mieux que les autres » ? Parce que nous sommes des « entreprises propres » dans une
« économie sale » ? Il semble que la raison qui nous oblige à relever le défi du développement des
entreprises d’insertion : c’est que nous sommes inscrits dans un système qui produit de la marginalité.
Quelques remarques sous forme d’appel à la vigilance :
•
Éviter que les entreprises d’insertion deviennent un outil d’« insensibilisation » des politiques
néolibérales.
•
Veiller à ne pas simplifier le concept des entreprises d’insertion et faire des « effets de manches » qui
risqueraient de nous cantonner à une image réductrice voire caricaturale de l’insertion par
l’économique.
•
Permettre à nos différences d’être source d’un enrichissement permanent malgré un certain risque
d’incompréhension mutuelle.
86
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
•
Faute d’atteindre des performances satisfaisantes en matière de placement en emploi, les entreprises
d’insertion devraient être plus ambitieuses pour éviter la marginalisation, et peut-être plus encore
dans les pays où le fait de ne pas avoir d’emploi est vécu plus dramatiquement encore qu’ailleurs
(comme en Suisse par exemple).
Synthèse des interventions des participants et discussions
Ce qui semble déterminant, c’est le partage d’une même conviction (malgré toutes les différences
évoquées) : celle de l’indignation contre l’exclusion. Enfin, on rappelle qu’on peut rire en étant grave mais
qu’on ne doit jamais oublier, en riant… la gravité de la situation.
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Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Conclusions et perspectives
21 octobre 2004
Conclusions et perspectives
Extraits de la présentation de Chantal Aznavourian,
directrice générale du Collectif des entreprises d’insertion du Québec
à l’occasion de la plénière de clôture de la Rencontre internationale
(…) De façon générale, on ne s’étendra pas sur les besoins que nous avons eu d’arrimer nos langages afin
de bien distinguer ce qui étaient des différences d’ordre sémantique de ce qui étaient de réels écarts ou
différences d’approches ou de points de vue.
Par ailleurs, nous avons tous compris que les entreprises d’insertion se distinguent par :
•
leur mode d’organisation,
•
les rapports qu’elles entretiennent avec leur environnement,
•
leur développement,
selon les contextes social, culturel, économique et politique dans lesquels elles ont été créées et dans
lesquels elles ont évolué.
Les synthèses sont toujours un peu frustrantes car elles ne rendent pas compte de toute la richesse des
échanges. Après notre présentation, nous vous demanderons de bonifier les constats. C’est dans les actes
du colloque que vous retrouverez des contenus plus élaborés.
•
Nous sommes tous engagés, d’une façon ou d’une autre, dans la lutte contre la pauvreté et contre
l’exclusion dans des structures qui utilisent l’activité économique comme un outil au service du
développement personnel et social des individus.
•
Nous constatons qu’il y a une intensification du cumul des problématiques rencontrées par les
participants et que ce cumul entraîne une délimitation des champs de compétences du personnel
encadrant, à l’interne, et des réseaux, à l’externe.
•
Faire valoir le juste prix de l’intervention afin d’avoir des financements publics récurrents et adaptés
aux besoins des entreprises d’insertion.
•
On s’entend que le maintien de la vie démocratique dans les organisations est un enjeu majeur et qu’il
réside sur une clarification constante permettant l’équilibre des pouvoirs.
•
Nous sommes tous convaincus que les entreprises d’insertion doivent avoir un ancrage territorial et
s’inscrire comme des partenaires incontournables du développement des collectivités (puisqu’elles le
font déjà).
•
Nous convenons que les entreprises d’insertion ne sont pas des concurrentes déloyales de l’entreprise
privée et toute clause à cet effet doit être abolie.
•
Nous constatons que leur nécessaire légitimité, si elle est acquise, reste fragile. Pour d’autres, que
cette légitimité reste à construire. Dans tous les cas, elle ne pourra perdurer ou s’acquérir qu’en
regroupant nos forces, en partageant nos expériences, nos savoirs et nos projets.
•
Nous croyons qu’il est important de se donner des systèmes de représentation qui nous permettent
de ne pas être relégués à de simples opérateurs de la régulation sociale, mais d’être des acteurs
reconnus, porteur d’un projet social pouvant influer sur les politiques publiques.
Conclusions et perspectives
Nos convergences :
•
Nous dénonçons collectivement les politiques néo-libérales qui produisent de l’exclusion à l’échelle
mondiale et sommes prêts à construire des solidarités internationales pour y répondre.
89
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Il reste cependant beaucoup de choses à comprendre, clarifier ou tout simplement que nous avons à peine
effleurées. Sans en faire un inventaire exhaustif voici quelques points :
•
la place des entreprises d’insertion dans le champ de l’économique et la compréhension commune de
l’économie sociale que l’on appelle tantôt tiers secteur, secteur non marchand, économie solidaire…
•
la notion de réussite d’un parcours et son évaluation (qui rejoint bien sûr la question des objectifs
notamment la question de la place de l’éducation citoyenne) ;
•
la place des participants dans la vie démocratique de l’entreprise ;
•
la formation du personnel permanent ;
•
la reconnaissance des acquis (compétences professionnelles, compétences génériques, acquis
personnels… par qui, comment, pourquoi ?)
•
les différentes pratiques et mode d’intervention, par exemple :
-
la longueur des parcours,
-
les contrats à durée indéterminée versus l’entreprise passerelle,
-
le choix des activités économiques qui soulève toute la question de la formation professionnelle et
de la place qu’elle occupe dans l’entreprise d’insertion (formation au métier versus la formation au
travail).
•
le développement des entreprises : pour qui, pourquoi, comment et les risques de fuite en avant vers
l’économique pour palier au manque de financement ?
•
la place des travailleurs en formation dans le développement des entreprises d’insertion.
Conclusions et perspectives
Autant de questions, autant de thèmes pour, j’espère, les prochaines rencontres internationales.
90
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Annexe I :
La déclaration de Montréal
La déclaration de Montréal
Réunies à Montréal à l’occasion de la Première rencontre internationale francophone, les entreprises
d’insertion de Belgique, de France, de Suisse et du Québec, ainsi que leurs regroupements nationaux, sont
d’avis que
•
considérant l’exclusion comme l’une des principales causes de pauvreté, elle constitue un déni de
droit ;
•
considérant que la personne est la première richesse de toute société ;
•
considérant la mise en valeur des compétences de la personne par l’insertion comme un investissement
hautement rentable ;
•
considérant que le néo-libéralisme engendre de plus en plus d’exclusion, niant ainsi le droit au
travail d’un nombre grandissant de personnes ;
•
considérant que, dans de nombreux pays, notamment ceux dont sont issus les soussignés, la société
civile s’est donnée des outils de lutte contre l’exclusion.
elles déclarent que :
•
les hommes et les femmes qui vivent des situations d’exclusion, quelles qu’en soient les causes, ont
un droit inaliénable à un travail rémunérateur et intégrateur ;
•
les entreprises d’insertion participent de façon significative à la démocratisation du travail et, à ce
titre, elles contribuent à la lutte contre l’exclusion et à l’exercice d’une citoyenneté responsable ;
•
dans cette lutte contre l’exclusion, l’outil économique est au service de l’insertion sociale et
professionnell e;
•
l’activité d’insertion sociale par le travail se doit d’être reconnue et cette reconnaissance passe par la
mise en oeuvre des moyens adéquats ;
•
les entreprises d’insertion reconnaissent la nécessité de porter leur action en collaboration avec leurs
partenaires que sont les acteurs de leur environnement politique et administratif, leurs collaborateurs
économiques et sociaux ainsi que ceux de la société civile ;
•
face à la mondialisation néo-libérale des marchés, les entreprises d’insertion veulent promouvoir une
solidarité internationale ;
et de ce fait,
•
comme première manifestation tangible de cette solidarité, les signataires s’engagent à soumettre à
leurs instances respectives la création de nouvelles catégories de membres internationaux constitués
des regroupements et réseaux nationaux de pays partenaires ;
•
les signataires affirment enfin leur volonté de mettre en réseau leurs entreprises membres et de
poursuivre les échanges internationaux qui enrichissent leurs pratiques d’insertion.
Gabriel Maissin
Jean-Claude Pittet
Jean-Paul Héliot
Administrateur délégué, Fédération bruxelloise
de l’insertion socioprofessionnelle, Belgique
Directeur, Association du Relais, Suisse
Président, Comité national
des entreprises d’insertion, France
Salvatore Vetro
Daniel Thérasse
André Trudel
Président et administrateur délégué,
Réseau des entreprises sociales,
Belgique
Administrateur, Interfédération
des organismes de formation et d’insertion
Wallonie-Bruxelles asbl, Belgique
Président, Collectif des entreprises
d’insertion du Québec, Canada
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Annexe I
Montréal, le 21 octobre 2004
93
Annexe II :
Liste des participants
Abdelaoui
Salem
Ménage Services
France
Aboumansour
Nahid
Petites-Mains
Canada
Agostini
Barbara
Service d’entretien Pro-Prêt Inc.
Canada
Antoine
Cécile
Le Forem
Belgique
Arbic
Jocelyne
Centre Régional de Récupération
et de Recyclage Laval
Canada
Archambault
Annette
Jute & Cie
Canada
Aspirot
Rachel
Recyclage Vanier
Canada
Aubin
Guylaine
CDC de Bellechasse
Canada
Aznavourian
Chantal
Collectif des entreprises d’insertion du Québec
Canada
Babin
André
Technobois
Canada
Baillargeon
Jacques
Les Distributions l’Escalier
Canada
Beaudoin
Jean
Cuisine-Atout
Canada
Beaudoin
Diane
Ministère Emploi Solidarité Sociale et Famille
Canada
Beaulieu
Agnès
Insertech Angus
Canada
Bélanger
Alain-Denis
Les Plateaux d’insertion de Bellechasse
Canada
Belhassen
Amel
Université du Québec à Montréal
Canada
Bellemare
Anne
Jute & Cie
Canada
Belley
Dany
Les Buffets Insères -Jeunes
Canada
Belzile
Alphonse
Entreprise d’insertion Godefroy-Laviolette
Canada
Benchekroun
Anissa
Office Régional bruxellois de l’emploi
Belgique
Berg
Claude
RES (La Lorraine)
Belgique
Berger
Jean-Claude
École d’Études Sociales et Pédagogiques
Suisse
Bernard
Michel
Commission Scolaire De Montréal
Canada
Bernard
Patrick
Ville de Tourcoing
France
Bernier
Jacques
Recyclage Vanier
Canada
Bernon
Françoise
Comité National des Entreprises d’Insertion
France
Berotonazzi
Henry
STEP
France
Bertrand
Jacques
La Relance Outaouais
Canada
Besancon
Pierre
GARE / BTT
France
Besancon
Marie Ange
GARE / BTT
France
Bigourdan
Bruno
SILOE Conseil
France
Annexe II
Liste des participants
97
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Annexe II
Bitbol
Élie
RES
Belgique
Borduas
Christine
Renaissance
Canada
Branchaud
Nicole
Ministère Emploi Solidarité Sociale et Famille/
Emploi-Québec
Canada
Brideau
Francine
Atelier du chômeur du Bas-Richelieu
Canada
Brunet
Lise
Centraide
Canada
Bureau
Marthe
Part du Chef
Canada
Bussi
Patrizia
ENSIE
Belgique
Bussières
Denis
ARUC-ÉS
Canada
Caron
Pascale
Caisse d’économie solidaire Desjardins
Canada
Challand
Alain
Service public de l’emploi
Suisse
Charpentier
Céline
Comité Sectoriel Main-d’Oeuvre - ESAC
Canada
Chicoine
Céline
Insertech Angus
Canada
Chouinard
Carole
Ville de Montréal
Canada
Chuard
Willy
Les Oliviers
Suisse
Claveau
Jean-Marie
Emploi-Québec
Canada
Coler
Thierry
Communauté d’Agglomération du Centre
de la Martinique
France
Comte
Laurent
Centrale Suisse des Entreprises d’Entraînement
Suisse
Côté
Johanne
D-Trois-Pierres
Canada
Coulon
Gérard
IDE Franche-Comté
France
Cousineau
Paul
Service d’entretien Pro-Prêt Inc.
Canada
Daoust
Marcel
École-Entreprise Surbois
Canada
Davy
Jean-Michel
INSERIM
France
de Philip
Alain
PLIE MPM Ouest
France
Delorme
Robert
Qualification des Jeunes
Canada
des Ligneris
Hélène
EIPF
France
Detroyat
Jean-Marc
ADIPH EV
France
Devleeshouwer
Pierre
FIJ asbl
Belgique
Didier
Stéphanie
Resto Plateau
Canada
Doré
Jeanne
Le Boulot vers...
Canada
Du Pasquier
Anne-Lise
Résol
Suisse
Dubé
Andrée
CREP (Commission Scolaire De Montréal)
Canada
Duclos
Serge
Recyclage Vanier
Canada
Dunand
Christophe
Association Réalise
Suisse
Duquenne
Laurent
Le Forem
Belgique
98
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Durupt
Bernard
LeTransit
France
Duthoit
Patrice
Association Tourquennoise pour une Économie
Solidaire
France
Ecoeur
Yves
OSEO Valais
Suisse
Emmenegger
Steeves
PRO, Entreprise Sociale Privée
Suisse
Faivre
Charles
Unité de formation du Centre IMC
Suisse
Fillion
Charles
Foguenne
François
RES (Aurélie)
Belgique
Forget-Bashonga Nicole
Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve
Canada
Fortin
Lise
Le tournant 3F inc.
Canada
Fougeres
Olivier
Clic’n Puces
France
Fournier
Mélanie
Les Distributions l’Escalier
Canada
Gareau
Pierre-Paul
MCE Conseils
Canada
Garnier
Dominique
ESI Midi-Pyrénées
France
Gauvin
Mario
Entreprise d’insertion Godefroy-Laviolette
Canada
Glauser
Alain
CIP / Centre d’intégration professionnelle
Suisse
Gosselin
Geneviève
Insertech Angus
Canada
Goussault
Alain
Abbei
France
Gravel
Richard
Resto Plateau
Canada
Groguhé
Sadia
Mission locale du Havre
France
Grosset
Pierre
Juratri
France
Guilloux-Menard Valérie
INSERIM
France
Hamel
Serge
Ministère Emploi Solidarité Sociale et Famille
Canada
Heliot
Jean-Paul
Comité National des Entreprises d’Insertion
France
Hoelscher
Danny
Les Centres de la Jeunesse et de la Famille Batshaw
Canada
Huybrecht
Delphine
FeBISP asbl
Belgique
Jacques
Sylvie
Insertech Angus
Canada
Jacquot
Christian
CNEI
France
Jean-Baptiste
Marie
Buffets Insères-Jeunes
Canada
Jetté
Rachel
D-Trois-Pierres
Canada
Joncas
Patsy
Les Bureaux d’Antoine
Canada
Kaci
Paulette
Imprime-Emploi
Canada
Küntz
Raphaël
Ferme Jeunes au Travail
Canada
Labrecque
Martin
Formétal
Canada
Lador
Jean-Pierre
Association Le Relais
Suisse
Laffely
Willy
Emploi & Solidarité
Suisse
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Annexe II
Canada
99
Annexe II
Lagarde
Madeleine
Les Buffets Insère-Jeunes
Canada
Lamarche
Sophie
D-Trois-Pierres
Canada
Landry
Sébastien
D-Trois-Pierres
Canada
Lapierre
Ghislaine
Ministère Emploi Solidarité Sociale et Famille-DGARES Canada
Lapointe
Isabelle
Plate-Forme CPT
Canada
Larochelle
Jacques
Atelier du chômeur
Canada
Larocque
Guy
SOS Vélo
Canada
Larose
Natalie
Restaurant Le Piolet
Canada
Laurin
Danielle
PATDEC
Canada
Laveault
Alain
Prise Inc.
Canada
Lavigne
Richard
La Relance Outaouais
Canada
Lebailly
Dominique
ALTER
France
Lebon
André
Fondation Lucie et André Chagnon
Canada
Lechat
Jacques
APAJ asbl
Belgique
Leclair
Gaston
Coup de pouce Travail
Canada
Leclerc
Chantal
Atelier de Meubles et de Recyclage
Ahunstic-Cartierville
Canada
Leduc
Maude
D-Trois-Pierres
Canada
Leduc
Marcel
Service d’entretien Pro-Prêt Inc.
Canada
Legault
Pierre
Renaissance
Canada
Leloup
Anne-Marie
Bruxelles Formation
Belgique
Léonard
Mario
Ministère du Développement Économique Régional
et de la Recherche
Canada
Lepage
Lucie
Les Distributions l’Escalier
Canada
Lesemann
Frédéric
Institut National de Recherche Scientifique
Canada
Letendre
Nathalie
Part du Chef
Canada
Levasseur
Maude
D-Trois-Pierres
Canada
Lévesque
Michelle-A.
Ministère Développement Économique et Régional
et de la Recherche
Canada
Lévesque
Raymonde
Y des femmes, Fringues & Cie
Canada
Lopez Quirland
Christian
OSEO Genève
Suisse
Louis-Therese
Lucien
Communauté d’Agglomération du Centre
de la Martinique
France
Magniny
Véronique
Université Ouvrière de Genève
Suisse
Maissin
Gabriel
FeBISP asbl
Belgique
Malplat
Michel
EVI
France
100
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Marcotte
Pierre
Emploi-Québec
Canada
Marois
Pierre
Commission des droits de la personne
Canada
Martel
Donald
Entreprises Godefroy-Laviolette
Canada
Martignano
Philippe
Association Copyrart
Suisse
Martin
Jean-Philippe
Mission locale de Saint-Gilles
Belgique
Matza
Monique
Ministère des Relations avec les Citoyens
et de l’Immigration
Canada
McCabe
Jacinthe
École Entreprise Formétal
Canada
Melanson
Joanne
Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve
Canada
Moras
Hervé
RESEAU PLUS
France
Morin
Daniel
Atelier du Seigneur Masson
Canada
Mukarunamdwa Hamida
Petites-Mains
Canada
Muller
Chantal
ASFED
France
Néron
Rémi
L’Escale du Lac
Canada
Ogée
Brigitte
Comité National des Entreprises d’Insertion
France
Ouellet
Michel
Centre de ressources éducatives et pédagogiques
Canada
Paquin
Serge
Ministère Emploi Solidarité Sociale et Famille/
Emploi-Québec
Canada
Pérusse
Nathalie
Paradoxe
Canada
Petitmengin
Étienne
ENVIE Franche-Comté
France
Petre
Anne-Laure
Interfédération EFT/OISP
Belgique
Pichard
Roland
Joker Service
France
Picotin
Pauline
Les Distributions l’Escalier
Canada
Pierre-Louis
Darllie
Buffet Accès Emploi
Canada
Piquard
Jean-Claude
IDE-INEO
France
Pittet
Jean-Claude
Association Le Relais
Suisse
Poirier
Marquis
Le Pignon Bleu
Canada
Ponce Morales
Nadia Karina
Ressources Humaines et Développement
des Compétences
Canada
Potevin
André
L’Escale du Lac
Canada
Praster
Jeanne-Marie
UREI Rhône-Alpes
France
Pratte
Paul
Technobois
Canada
Reuter
André
Polygone s.à.r.l
Luxembourg
Rey
Jean-Charles
Haute École Santé - Social Valais 2
Suisse
Rey-Baeriswyl
Marie-Claire
Haute École Frifourgeoise de travail social
Suisse
Ringuette
Louise
Jute & Cie
Canada
Annexe II
Rongé
Danièle
CF 2000
Belgique
101
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Annexe II
Ross
Sébastien
Insertech Angus
Canada
Roy
Mélissa
Y des femmes, Fringues & Cie
Canada
Ruelland
Isabelle
Imprime-Emploi
Canada
Ruz
Juan Manuel
Les Distributions l’Escalier
Canada
Sainte-Marie
Roxanne
Paradoxe
Canada
Saint-Georges
Gérald
Paradoxe
Canada
Saint-Venant
Philippe
Association Tourquennoise pour une Économie
Solidaire
France
Samyn
Hervé
RES (BIP EXPRESS)
Belgique
Savard
Reine
Coderr-02
Canada
Séguin
Julie
La Relance Outaouais
Canada
Sexauer
Michel
Batiscot
France
Simard
Pierrette
Fondation Lucie et André Chagnon
Canada
Simard
Guylaine
La Corbeille
Canada
Sirois
Jacinthe
Atelier du chômeur
Canada
Soula
Françoise
ESi Midi-Pyrénées
France
Springael
Corinne
Bruxelles Formation
Belgique
Tanguay
Marlène
Technobois
Canada
Tardy
Philippe
AVP Diffusion
France
Théberge
Marlène
Ministère Emploi Solidarité Sociale et Famille
Canada
Themens
Michèle
D-Trois-Pierres
Canada
Thérasse
Daniel
Interfédération EFT/OISP
Belgique
Théroux
Dominique
Renaissance
Canada
Thibeault
Guy
Cuisine-Atout
Canada
Tilly
Jean
Resto Plateau
Canada
Tremblay
Gérald
Coderr-02
Canada
Trudeau
Diane
Centre Régional de Récupération et de Recyclage
Laval
Canada
Trudel
André
D-Trois-Pierres
Canada
Valadou
Christian
Équilibres
France
Vallée
Isabelle
Petites-Mains
Canada
Vetro
Salvatore
RES
Belgique
Vidricaire
André
D-Trois-Pierres
Canada
Voyer
Ginette
Prise Inc.
Canada
Widmer
Esther
Secrétariat d’État à l’Économie
Suisse
102
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
Annexe III :
Liste et coordonnées
des associations nationales
Liste et coordonnées des associations nationales
ASSOCIATION DU RELAIS
Case postale 1110
Morges 1
Suisse
Téléphone : (41) 21-801-88-11
http://www.relais.ch/
Monsieur Jean-Claude Pittet, Président
COLLECTIF DES ENTREPRISES D’INSERTION DU QUÉBEC
7105, rue St-Hubert, bureau 206
Montréal (Québec) H2S 2N1
Canada
Téléphone : (1-514) 270-4905
http://www.collectif.qc.ca
Madame Chantal Aznavourian, Directrice générale
COMITÉ NATIONAL DES ENTREPRISES D’INSERTION
18-20, Claude Tillier
75012 Paris
France
Téléphone : (33) 01-53-27-34-80
http://www.cnei.org
Madame Brigitte Ogée, Secrétaire générale
FÉDÉRATION BRUXELLOISE DE L’INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE
307, rue des Alliés
1190 Bruxelles
Belgique
Téléphone : (32) 25-37-72-04
http://www.febisp.be/
Monsieur Gabriel Maissain, Administrateur délégué
DE
RÉSEAU DES ENTREPRISES SOCIALES
52, rue de Keuture
5020 Vedrin
Belgique
Téléphone : (32) 42-40-58-47
http://www.resasbl.be
Monsieur Salvatore Vetro, Président
FORMATION
ET
D’INSERTION
Annexe III
INTERFÉDÉRATION
DES
ORGANISMES
WALLONIE/BRUXELLES, ASBL
19/21, rue Marie-Henriette
5000 Namur
Belgique
Téléphone : (32) 81-74-32-00
Monsieur Daniel Thérasse, Administrateur délégué
105
Rencontre internationale des entreprises d’insertion / 18-22 octobre 2004
DES REMERCIEMENTS PARTICULIERS
À CEUX ET CELLES QUI ONT, DE PAR LEUR IMPLICATION, FAIT DE CET ÉVÉNEMENT UN SUCCÈS :
Les chercheurs
• Jean-Marc Fontan
• Gérald Larose
• Yanick Noiseux
• Marco Sylvestro
Les animateurs de plénière
• Agnès Beaulieu
• Madeleine Poulin
La responsables de la logistique
• Annabel Wyckhuys, Coopérative de travail Interface
À
•
•
•
l’accueil et au soutien technique
Danièle Archambault, Collectif des entreprises d’insertion du Québec
Manon Cossette, Collectif des entreprises d’insertion du Québec
Lisabelle Sabourin-Mallette, Coopérative de travail Interface
Les maîtres d’ateliers
• Lucie Chagnon, Coopérative de travail Interface
• Patrice Rodriguez
• Barbara Rufo, Coopérative de travail Interface
• Annick Van Campenhout
À la direction technique
• Claudine Lefebvre, Collectif des entreprises d’insertion du Québec
• Pierre Montreuil, Coopérative de travail Interface
À la coordination de l’événement
• Chantal Aznavourian, Collectif des entreprises d’insertion du Québec
• Lucie Chagnon, Coopérative de travail Interface
Nos salutations et remerciements à Maître Pierre Marois, Président de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse, pour nous avoir honoré de sa présence, et pour ce discours dont le
moins que l’on puisse dire est qu’il aura donné « le ton » à cette rencontre.
Nos remerciements à Jacques Bernier, Paulette Kaci et Natalie Larose pour l’animation de l’activité sur le
réseautage.
Nos remerciements à tous les animateurs d’ateliers en provenance, entre autres, de Corporations de
développement économique communautaire (CDEC), de Centres locaux de développement (CLD) de Montréal,
de Centres locaux de services communautaires de Montréal, Laval et Longueuil, d’entreprises d’insertion du
Québec, ainsi que plusieurs autres personnes qui ont gracieusement accepté d’animer l’un des quarante (40)
ateliers de travail.
Nos remerciements à toutes les entreprises d’insertion qui ont fourni les souvenirs remis aux conférenciers
et aux participants. Merci et bravo à l’équipe de C.A.F.É. Paradoxe, pour une technique sans faille, et à RestoPlateau pour la qualité du service lors du cocktail dînatoire. Merci enfin à Petites Mains pour les sacs de
colloque et à Imprime-Emploi pour l'impression de certains documents.
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