Argument : La Peine du Fou, la Prison, le Soin
« Les malades mentaux sont de plus en plus nombreux dans les prisons des Etats de droit »,
entend-t-on partout. Conséquence de la désinstitutionalisation, de la responsabilisation à
tout prix, de l’ouverture des hôpitaux, de l’exclusion croissante des malades mentaux des
circuits sociaux ou de la violence croissante de certaines pathologies ….. Les explications
sont nombreuses et sûrement plus complexes que ne veulent bien le dire ceux qui
stigmatisent certaines évolutions de la psychiatrie hors les murs, ou de l’expertise.
Ils n’en reste pas moins que les prisons sont inadaptées à la prise en charge des patients
souffrant de troubles psychiques et que ceux –ci y connaissent un sort peu enviable,
souvent mis à l’écart, stigmatisés en raison de leur pathologie et exclus pour les même
raisons des possibilités de libération conditionnelle ou d’assouplissement de régime.
Malgré ce constat maintenant partagé par bien des responsables politiques, la tendance
n’est pas près de s’inverser. Il faudra encore des rapports parlementaires ou des livres
pamphlets pour faire évoluer véritablement l’état des prisons et le sort de ceux qui s’y
trouvent. Le tout sécuritaire s’accommode assez bien de ces situations, sauf à posséder les
moyens de construire des établissements qui permettent une gestion spécifique de ces
patients inquiétants en prenant l’alibi psychiatrique pour priver ceux-ci de liberté de
manière indéterminée.
Nous sommes probablement à une croisée des chemins dans l’évolution de législations et
des structures. Le développement de la psychiatrie en prison a suscité certains espoirs qui
restent encore incertains faute, peut-être, d’avoir pu penser cette difficile articulation et de
donner les moyens d’y parvenir. A l’opposé de ce choix, certains pays ont considéré que
seuls un système spécifique, distinct pouvait prendre en charge ces patients Partout se
pose la question de l’exercice de la contrainte ou de l’obligation dès lors que la folie se
décompense ou que la pathologie inquiète. Nous sommes en crise de modèles.
Pour contribuer à cette réflexion le CEDEP propose d’organiser son séminaire annuel
autour de trois axes : éthique, en interrogeant le difficile rapport entre soignant et
instances de sécurité, juridique dans l’analyse des législations qui oscillent entre peines
incompressibles et mesures de sûreté indéterminées et enfin clinique en posant
l’interdisciplinarité et le partenariat comme possibilité d’une évolution des prises en
charge en milieu pénitentiaire.
Comme chaque année, le séminaire se construira à partir des contributions que les
membres du CEDEP enverront au secrétariat et qui nous permettront la constitution d’un
document préparatoire.
Cette année le séminaire se tiendra en Hollande, à l’invitation de Frans Koenraadt. Ceux
qui connaissent l’exemplarité du système de soin hollandais dans le champ de la
psychiatrie légale ne pourront que souscrire au thème que nous proposons cette année et à
la pertinence de le traiter à Utrecht.
Bruno Gravier, 20 février 2003
Comité d’organisation