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C.N.E.
Les Avis de la C.N.E.
L’aide au suicide
et l’euthanasie
Avis 1/1998 de la Commission Consultative Nationale d’Ethique
pour les Sciences de la Vie et de la Santé
Fascicule II
Edité par Jean-Paul HARPES et Edmond WAGNER
Commission Consultative Nationale d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé
2
I
Préface
L’objet et les résultats d’un débat délicat
1. Les avis de la C.N.E. ont une quadruple fonction.
D’une part, ils doivent fournir de informations, tant aux instances responsables
qu’au grand public. Dans le cas du présent Avis concernant l’aide au suicide et
l’euthanasie, ces informations portaient, notamment, sur le très complexe champ
mantique des notions impliquées par notre débat sur le vaste domaine des
problèmes soulevés, sur l’arrière-fond sociétal de ces derniers, sur la nature des
différents types de discours (éthique, déontologique, juridique) initiés par ces
problèmes, sur les règles déontologiques en vigueur, sur les dispositions légales
en vigueur dans un certain nombre de pays européens et extra-européens et, bien
entendu, au Luxembourg.
D’autre part, notre tâche était, essentiellement, de mener un débat éthique et
déontologique et d’en tirer des conséquences juridiques. Le débat éthique étant
des plus délicats dans une société plurielle, nous nous devions, en tout premier
lieu, de préciser selon quelles méthodes nous allions l’aborder et d’indiquer
quelles en étaient les relations avec les discours déontologique et le discours
juridique. Nous jugions, d’autre part, qu’il était utile de non seulement
reconstruire les résultats de notre débat, mais de mettre en lumière les
divergences très considérables qui se manifestaient entre les membres de la
Commission, de préciser la nature des problèmes concrets soulevés par les uns
et les autres, de reconstruire les argumentaires établis, de mettre en lumière,
comment, au cours d’une très patiente discussion, nous sommes parvenus à un
consensus faible portant sur un point central et, d’autre part, à quelques accords
plus substantiels portant sur des questions concrètes.
Notre troisième fonction était, bien entendu, de formuler des recommandations à
lintention des instances publiques.
Notre quatrième but, tout aussi important à notre avis, était d’initier un débat
public portant sur les questions éthiques, déontologiques et juridiques d’une
importance considérable. Afin de lancer ce débat, la C.N.E. organisera, le 15
mai prochain, au Centre de Conférences de Kirchberg, une première Journée
Nationale d’Ethique (ouverte au public) consacrée aux problèmes liés à l’aide au
suicide et à l’euthanasie.
II
2. Nous voudrions insister un instant sur la nature des consensus auxquels
nous sommes parvenus malgré les divergences considérables qui se
manifestaient parmi les membres de la Commission.
D’une part, nous avons pu nous mettre sur un certain nombre de points très
substantiels, tels que limportance d’un développement rapide dans notre pays,
des soin palliatifs, l’inopportunité de tout acharnement thérapeutique,
limportance d’une prise en charge de la souffrance des malades, adaptée à leur
état, même au risque d’abréger leur vie, la portée des testaments de vie, la
priorité de la vie et du bien-être des personnes malades, handicapées et âgées sur
toute considération économiste, le fait que la perte momentanée ou durable de la
conscience, de la faculté d’éprouver des sentiments ou de celle de formuler un
raisonnement, ne saurait porter atteinte au respect que nous devons à la vie
humaine, le fait qu’il n’est pas indiqué, à lavis de la C.N.E. de parler d’un droit
à la mort, l’accord sur le fait qu’il n’est opportun ni de modifier ni la
déontologie médicale ni la législation existante.
D’autre part, malgré toutes les divergences d’option de ces membres, la C.N.E.
est parvenue à un consensus éthique faible dont l’importance ne doit toutefois
pas être négligée. Nous croyons quil sera utile de reproduire, dès la Préface, les
formulations les plus claires sur lesquelles nous nous soyons mis d’accord à cet
égard.
«Bien au contraire, en leur âme et conscience, certains membres de la
Commission sont convaincus que laide au suicide et l’euthanasie sont en
principe condamnables. Tout en les réprouvant, ils sont toutefois prêts à
reconnaître que, dans certains contextes limités et à certaines conditions très
restrictive, certaines décisions et certaines conditions très restrictives, certaines
décision et certains comportements qu’il condamnent procèdent d’une
évaluation moralement sérieuse et honorable de la situation. Il en résulte qu’ils
sont disposés à faire une distinction moralement pertinente entre certains actes
d’euthanasie et certains autres et à reconnaître qu’en leur âme et conscience les
auteurs des certaines comportements qu’ils réprouvent n’ont rien à se reprocher
moralement ».
« La C.N.E. constate que ses membres expriment des vues divergentes en
matière d’euthanasie. Elle souligne toutefois qu’ils se reconnaissent les uns aux
autres le droit de défendre, en toute honnêteté, leurs options pourvu qu’elles
soient éthiquement acceptables dans le cadre d’une société plurielle. Elle admet
par ailleurs que, dans certaines circonstances exceptionnelles – et pourvu que
des conditions très restrictives de sériosité morale soient remplies – les
médecins ou équipes de médecins qui, dans des situations extrêmes, après avoir
mûrement réfléchi à toutes les implications de leur engagement professionnel,
III
auront donné la mort à un patient en stade terminal n’ont rien à se reprocher
moralement. La C.N.E. estime qu’il est éthiquement légitime que les autorités
juridiques en tiennent compte de façon appropriée ».
Insistons sur le sens de ces passages quitte à risquer de nous répéter. Les extraits
que nous venons de citer ne signifient point que les membres de la C.N.E. se
soient mis d’accord sur ce qui est ou n’est pas moralement défendable dans le
domaine de l’euthanasie. Ils se sont mis d’accord, toutefois, sur le fait que dans
une société plurielle, dans certaines conditions restrictives de sériosité, ceux qui
condamnent une façon de faire peuvent reconnaître que ceux qui s’y sont résolus
dans des circonstances extrêmes ne doivent pas se le reprocher moralement. Ce
consensus peut paraître faible. Du point de vue éthique, il n’en est pas moins
important. Il n’est pas déraisonnable de juger, par ailleurs, qu’un chef des
parquets ou quun procureur en tienne compte.
Jean-Paul Harpes, Edmond Wagner
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