revue de presse - Théâtre de la Tempête

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les
caprices
de
d’alfred de musset
mise en scène frédéric
bélier-garcia
marianne
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vem
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11dé
avec Marie-Armelle Deguy en alternance avec Laurence Roy,
Sébastien Eveno, Denis Fouquereau, Jan Hammenecker,
David Migeot, Yvette Poirier, Sarah-Jane Sauvegrain,
et la participation de Lucie Collardeau en alternance
avec Daphné Achermann, et de Jean-Christophe Bellier,
Olivier Blouineau, Jean-Pierre Prudhomme.
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cem
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2016
REVUE DE PRESSE
Contact presse : Agnès Lupovici / [email protected] // 06 84 64 69 80
hottello
Les Caprices de Marianne (Version 1833)
d’Alfred de Musset, mise en scène de Frédéric
Bélier-Garcia
En dépit de leur sous-titre ironique de « comédie »,
raconte Frank Lestringant, connaisseur de l’œuvre de
Musset, Les Caprices de Marianne sont bien une « tragédie », un genre théâtral majeur qui règle le sort des
hommes par le caprice, en se jouant de leurs désirs et
de leur vie.
L’histoire est simple et cruelle : dans une Naples imaginaire, Coelio, un jeune homme amoureux, rêve de
conquérir Marianne, épouse du juge Claudio. N’osant
l’aborder, il fait appel à son ami Octave, viveur et libertin, cousin du mari de Marianne, pour la rencontrer.
Octave plaide la cause du timide Coelio auprès de sa
cousine.
Or le messager n’obtient de faveur sous-entendue
que pour lui-même. Par caprice, la belle lui annonce
sa décision de prendre un amant, avouant son amour.
Octave, hésitant, ne cède pas et envoie loyalement
son ami rejoindre Marianne.
Coelio perd la vie dans un guet-apens organisé par le
barbon furieux.
Octave ne s’en remettra pas, et refusera à jamais les
avances de Marianne.
L’atmosphère dessinée sur le plateau relève d’un matérialisme épicurien, et le décor de Jacques Gabel est
éloquent.
La scène pourrait se tenir sur le Vésuve, pas si loin
de Naples, un mont de cendres grises et noirâtres sur
lesquelles les comédiens ne cessent de monter et de
descendre, escaladant le tertre avant de glisser et de
s’effondrer devant tant d’obstacles à franchir ou à éviter. Ils se hissent pour avancer avant de reculer puis
de tomber.
L’existence ne se montre guère aisée dans cette ambiance de fin d’un monde avec ses cadres de scène
effondrés ou à moitié enterrés, ses repères perdus et
ses portes enfoncées dans la terre. L’éruption menaçante volcanique a parlé, une métaphore de la vie des
hommes sur un sol apparemment plus solide, mais
friable encore et toujours.
Une vie politique, sociale et économique a eu lieu, et
c’en est fini, rien ne va plus, même si une table longue
à nappe blanche est préparée sur le devant de scène
couverte du rouge des fleurs, prête à soutenir les fêtes
qui font tout oublier, couleurs et éclats.
« Pourquoi, demande Octave, la fumée de cette pipe
va-t-elle à droite plutôt qu’à gauche? » On ne sait, et si
Marianne fait un caprice, l’entêté Coelio aussi (Sébastien Eveno en romantique sombre et malheureux) et
Claudio, le juge jaloux, également (Jan Hammenecker
convaincant et attachant), sans compter les frasques
d’Octave : les Caprices sont ceux de la vie-même.
Le théâtre de Musset s’amuse à merveille des allées
et venues du sentiment humain, détectable dans les
échanges de paroles, jouant des non-dits et des silences. Les jeunes gens, personnages d’écorchés vifs,
ont des passions ultimes et débattent de la vie et de la
mort, de l’amour et du mépris avec des accents romantiques ineffables.
Octave, pourrait être l’image de l’auteur lui-même et
de ses amours houleuses, un saltimbanque des émotions, un funambule des sensations, et David Migeot
séduit sa dame et son public à souhait – attrait et aisance naturelle, folie et mélancolie.
Quand on ne veut voir la réalité en face, on rêve et on
philosophe, on songe et on s’amuse, un verre de vin
de Lacrima Christi sur sa table et près de sa chandelle.
Sarah-Jeanne Sauvegrain est une Marianne qui porte
le rôle féminin dans toute sa splendeur, quoiqu’elle
fasse, qu’elle aille à l’église ou veuille s’abandonner à
son désir. Elle se moque et tourne en ridicule les poncifs masculins : « Qu’est-ce qu’après tout une femme ?
Ne pourrait-on pas dire, quand on en rencontre une :
Voilà une belle nuit qui passe ? »
Libre de sa parole existentielle – corps et désir -, elle
affirme une présence pleine et sûre de ses droits, loin
de toute pruderie, et Octave a maille à partir avec celle
qu’il pensait peu tournée vers une vie sensible et sentie.
Caprices, soubresaut, ricochets, pointes, piqures, la
mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia engage sur
le plateau une partie de plaisir ludique et théâtral, une
danse enivrante et joyeuse dont les épices et les couleurs, les chatoiements et les ombres ne manquent
pas, reposant sur le langage comme sur la gestuelle
des corps.
Saluons les comédiens de grand talent, dont Marie-Armelle Deguy, Laurence Roy, Yvette Poirier et
Denis Fouquereau.
Véronique Hotte
FRÉDÉRIC BÉLIER-GARCIA EMBRASE LES «CAPRICES» DE MUSSET
Frédéric Bélier-Garcia situe les «Caprices de Marianne» dans
un espace chamboulé de fond en comble par une éruption volcanique désormais apaisée.
Cédera, cédera pas ? Marianne (Sarah-Jane Sauvegrain) s’offre on
ne peut plus ouvertement à Octave (David Migeot), mais celui-ci résiste. S’il la poursuit de ses assiduités, ce n’est pas pour lui-même,
mais pour son ami Coelio (Sébastien Eveno) qui, trop timide, n’ose
déclarer sa flamme. Très à son aise pour sa première incursion
dans le théâtre de Musset, Frédéric Bélier-Garcia situe les Caprices
de Marianne dans un espace chamboulé de fond en comble par
une éruption volcanique désormais apaisée. Dans la moiteur des
nuits napolitaines, ce sont d’autres secousses que suscite le désir
impérieux.
Malgré la surveillance très étroite d’un mari jaloux (Jan Hammenecker), Marianne s’abandonne à ses pulsions volages. Avec grâce et
humour, Sarah-Jane Sauvegrain traduit à la perfection l’élan irrépressible pimenté d’esprit de celle qui, après avoir d’abord résisté,
finit par n’écouter que son désir - même si celui-ci peut se révéler
changeant. Cette tension érotique se double d’une mélancolie qui
donne à ce conte cruel de la jeunesse une tonalité sombre, en écho
aux questions extraites du Journal de Max Frisch énoncées dans le
prologue de ce spectacle rondement mené.
Hugues LE TANNEUR
Théâtre de la Tempête / de Musset / mes Frédéric Bélier-Garcia
Les Caprices de Marianne
Publié le 18 novembre 2016 - N° 249
Frédéric Bélier-Garcia met en scène Les Caprices de Marianne avec un aréopage d’excellents comédiens qui
offrent une ardeur poignante à leurs personnages, au cœur d’un spectacle servant admirablement le texte de
Musset.
Le décor imaginé par Jacques Gabel met d’emblée les comédiens dans la situation d’incertitude qui caractérise les
petits enfants du siècle décadent et brutal que décrit Musset.
« Figure-toi un danseur de corde… », dit Octave au début
de la pièce. Au-dessus du précipice, tous tentent d’avancer
avec élégance, mais tous s’abîment dans les affres de leurs
passions : Coelio dans l’amour, Hermia dans le remords,
Marianne dans sa fierté, Claudio dans la jalousie et Octave
dans sa gloriole désenchantée. La scénographie installe l’intrigue sur un tertre qui semble une sépulture promise à tous
ces sacrifiés qui vivent d’excès, faute d’espoir : tout suggère
que quiconque s’élève ne fait que mieux préparer sa chute.
Et si fête il y a, elle n’est jamais joyeuse. Hermia disperse les fleurs qui auraient pu composer de beaux bouquets
; Claudio mouche les chandelles qui auraient offert de la chaleur à la lumière ; les cotillons se prennent dans les
cintres ; la musique assourdit les oreilles, et on danse en des transes inutiles, qui ne savent plus convoquer les
dieux…
Actualité du fracas
Au milieu de ce marasme, Coelio et Octave, l’amoureux et le fou ; entre eux, Marianne. Les trois comédiens
choisis par Frédéric Bélier-Garcia pour les incarner sont d’une justesse confondante, dans leur interprétation
et jusque dans leur physique. Sébastien Eveno ressemble au jeune Hugo, celui du romantisme en mal de la
splendeur de l’Empire, David Migeot a le regard fiévreux des autoportraits de Delacroix : ils sont Coelio et Octave
avec une vérité étonnante. Sarah-Jane Sauvegrain campe une Marianne intelligente et froide, que le désir humanise, à mesure que se déroule l’intrigue qui la cloîtrera dans le malheur, après l’avoir arrachée aux illusions de
l’autel. Ses revendications de femme libre, qui refuse d’être le jouet des hommes qui ont accepté d’être celui
de l’Histoire, sont sublimées par cette jeune comédienne inspirée. Jan Hammenecker est Claudio : belle idée
que d’avoir confié le rôle du barbon détestable et ombrageux à un séduisant quarantenaire, dont on admet que
Marianne a pu le trouver aimable avant de rencontrer le sulfureux Octave. Autour d’eux, le reste de la troupe
offre une magnifique symphonie. Le texte de Musset, exalté et exaltant, semble écrit pour aujourd’hui et pour une
jeunesse à laquelle plus rien ne reste, sinon le désespoir, la consolation des églises ou le cynisme certain des
défaites promises par les plus vieux, qui n’ont rien fait pour l’en protéger.
Catherine Robert
Frédéric Bélier-Garcia habitué au théâtre contemporain n’a monté que trois classiques dans sa
carrière. Il remet au goût du jour la pièce de Musset qui est finalement assez peu jouée. Dans
un décor gigantesque de Jacques Gabel, le directeur du Nouveau Théâtre d’Angers présente
une version incandescente des Caprices de Marianne.
Le spectacle s’ouvre par un texte en forme de questionnement de Max Frisch. Le comédien Jan Hammenecker interroge les spectateurs. « Aimez-vous quelqu’un et qu’est ce qui vous amène à cette conclusion ? » « De quoi êtes-vous reconnaissant ? «. Un peu jeu bien agréable en préambule de cette pièce
qui interroge l’état de la jeunesse du 19ème siècle et aussi celle d’aujourd’hui dans une ville détruite par une
coulée de lave. Nous sommes à Naples, le Vésuve s’est réveillé et a tout emporté sur son passage. Malgré
cela on fête le carnaval et on s’agite au fond de la salle. Frédéric Bélier-Garcia utilise toute la largeur et la
profondeur de la grande salle du NTA. Le décor de Jacques Gabel est monumental.
On suit cette jeunesse errante, déchirée, rêveuse, insouciante dans une Naples à feu et à sang. Coelio
(discret Sébastien Eveno) est amoureux de Marianne (magnifique Sarah-Jane Sauvegrain) mariée au
juge Claudio (sombre Jan Hammenecker) et utilise son ami Octave (sanguin David Migeot) pour faire
appâter la jeune fille. Mais Marianne ne l’entend pas de cette oreille. La version de Frédéric Bélier-Garcia
révèle le côté féministe de Marianne. « Qu’est ce qu’à priori qu’une femme ? » dit-elle. « L’occupation d’un
moment ? Une femme c’est une partie de plaisir ? » Rétive dans un premier temps à l’idée d’être séduite
par Coelio, elle se laisse tenter car sa vie l’étouffe. « Je veux prendre un amant ! » finit-elle par clamer.
Même si la mise en scène est parfois un peu trop chargée avec des toiles peintes qui apparaissent et
disparaissent sans que l’on saisisse le sens, cette version volcanique de la pièce de Musset est un petit
enchantement.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Les Caprices de Marianne de Musset - Mise en scene Frederic Belier-Garcia - avec : - Laurence Roy (Hermia) - Sebastien Eveno (Coelio) - Denis Fouquereau (Tibia) - Jan Hammenecker (Claudio) - David Migeot
(Octave) - Yvette Poirier (Ciuta) - Sarah-Jane Sauvegrain (Marianne)
LES CAPRICES DE MARIANNE de Musset mise en scène Frédéric Bélier-Garcia
Il faut parler du décor en premier lieu. Un décor dévorant qui boursoufle la scène et avale les portiques et les
murs de ses bosses noires et infertiles : c’est le résultat d’une éruption volcanique. Nous sommes à Naples, le
Vésuve en face, mais il y a du Pompéi dans cette scénographie, la vie figée.
Sur la droite un candélabre où brûle des dizaines de cierges… Dieu, la religion.
Au fond de scène des échos d’une musique électro dans une lumière rouge où danse frénétique un corps de
femme : la fête, le carnaval, la débauche.
La lumière de service rend crûment compte de tous les
détails et ôte la magie.
Partout disséminés les symboles parlent. C’est un langage
visuel qu’utilise Frédéric Bélier-Garcia pour prélever dans
le texte de Musset les sens cachés, ceux qui sont capables
de parler notre époque.
Mais ce no man’s land vallonné, les personnages semblent
ne pas l’apercevoir. Ils peinent à s’accaparer l’espace. Ils
ne le prennent pas en compte, préfèrent jouer avec les
chaises et les tables plutôt que voir l’état de ruine du monde
qui les entoure.
La rumba des amours velléitaires, les trahisons fortuites et
tout le romantisme de la pièce prennent des allures de procession funéraire. Le rythme des scènes et des répliques,
lent, intercalé de silences mécaniques et de pauses a la
vertu de rendre gloire au texte de Musset. On l’écoute, on
le goûte, on le savoure. Mais on perd en vivacité, en vitalité,
en jubilation.
Dans la distribution, David Migeot en Octave est un moteur
brillant, il fait preuve d’une belle sensibilité, Sarah-Jane
Sauvegrain crée une Marianne politique qui montre plus
une volonté de liberté, un côté cartésien, qu’une sensualité
troublante, Sébastien Eveno donne à son rôle de Coelio
une pâleur, une fadeur, une atonie qui font plus ressentir
son ennui que sa passion.Restent l’élégance de la pièce, le doux-amer de l’histoire et le constat de la désillusion
d’une jeunesse sans but qui – peut-être – ressemble à celle d’aujourd‘hui ?
Bruno Fougniès
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