Audiovisuel : les mesures du nouveau ministre de la

publicité
Audiovisuel : les mesures du nouveau ministre de la Communication créent la polémique.
L'interdiction de la publicité pour les jeux de hasard, l'obligation de diffuser les cinq appels à la
prière et une plus grande arabisation des programmes sur les chaînes publiques ont provoqué
un coup de tonnerre au Maroc, dirigé depuis janvier par un gouvernement islamiste.
Le ministre de la Communication Mustapha El Khalfi a annoncé l'interdiction de la publicité pour
les jeux de hasard et l'obligation pour les chaînes publiques de diffuser les cinq appels
quotidiens à la prière en présentant le 31 mars les cahiers de charges des deux chaînes
publiques.
Un ministre halal.
Ces nouvelles mesures, adoptées par la Haute autorité de la Communication et de l'audiovisuel
(HACA), et qui doivent entrer en vigueur à partir du 1er mai, suscitent de vives réactions, y
compris au sein du gouvernement de l'islamiste Abdelilah Benkirane qui dirige une coalition de
partis. Le ministre des sports --qui est en même temps le président du Conseil d'administration
de la Marocaine des jeux et des sports (MDJS) --Mohamed Ouzzine a ainsi critiqué "l'approche"
de M. Khalfi, "qui est un ministre de la communication et non un Mufti ou un Fqih (théologien)
qui interdit et autorise". « Ce n'est pas un problème de halal (autorisé par la religion) ou de
haram (interdit). Le vrai haram est qu'un grand nombre de jeunes sont au chômage et que des
jeunes ne trouvent pas de terrains pour pratiquer leurs sports favoris
», a déclaré il y a quelques jours M. Ouzzine au quotidien Al-Massae. « Cette année la MDJS a accordé 130 millions de dirhams (11,6 M d'euros) au Fonds pour la
Promotion du sport
», selon M. Ouzzine qui appartient à une autre formation que le Parti Justice et Développement
(PJD) de M. Benkirane. Les cahiers des charges des deux chaînes (Al-Oula et 2M) les obligent
également à diffuser l'appel aux cinq prières quotidiennes et à augmenter de 52 minutes les
programmes religieux hebdomadaires. « Un ministre halal
», ironise l'éditorialiste de l'hebdomadaire francophone TelQuel. « Dire non à El Khalfi revient à dire oui au haram. Et ça, même la monarchie n'osera pas le faire
», écrit-il tout en estimant que « la cause
» du ministre est « gagnante
» puisqu'il fait « plaisir à son parti et à son +peuple+
».
Pour la première fois au Maroc, des islamistes modérés sont aux affaires, après leur victoire
1/2
Audiovisuel : les mesures du nouveau ministre de la Communication créent la polémique.
aux législatives anticipées de novembre, voulues par roi Mohammed VI qui a organisé une
transition politique en douceur du royaume afin de lui éviter le tumulte du printemps arabe.
L’arabisation de l’audiovisuel en marche : plus que le JT en français !
Dans la foulée, M. El Khalfi --qui s'est dit proche des "valeurs" du parti Républicain américain,
lors d'un récent voyage aux Etats-Unis -- a annoncé que désormais 80% des émissions de la
1ère chaîne publique seront en langue arabe, tandis que sur la deuxième chaîne, la plus
francophone des deux, seul le Journal télévisé (JT) de la nuit sera en français.
Dans les milieux francophones, très influents au Maroc, cette décision est considérée comme
une victoire des défenseurs de l'arabisation. « C'est un coup d'Etat » dans le secteur de
l'audiovisuel, « l'arabisation
en marche
»,
écrit en Une le quotidien francophone Le Soir-Echos au lendemain de l'adoption des deux
cahiers des charges. Contacté par l'AFP, le politologue Mohammed Darif estime que « cette arabisation des médias publics traduit aussi une réalité concrète: la domination des
chaînes satellitaires arabes, comme Al-Jazeera
». « En arabisant les médias, le gouvernement islamiste tente aussi de récupérer les
téléspectateurs, pour la plupart arabophones, qui ont déserté les deux chaînes publiques
», précise-t-il. « Avant, les Marocains regardaient TV5 (la chaîne francophone, NDLR) pour s'informer.
Aujourd'hui, la plupart d'entre eux s'informent grâce à Al-Jazeera
», ajoute ce spécialiste des mouvements islamistes. « Ces mesures constituent des amuse-gueules en direction des militants islamiques; elles ne font
rien pour améliorer la qualité de l'audiovisuel public
», affirme pour sa part Naïm Kamal, ancien membre de la HACA qui estime à 27 millions de
dirham (2,4 M euros) le manque à gagner de l'interdiction des publicités sur la TV 2M.
Photo principale : Le Premier ministre marocain Abdelilah Benkirane parle à Rabat le 28
mars 2012 © AFP/Archives Abdelhak Senna
2/2
Téléchargement