Cahier scientifique AFIDTN 5
MÉTHODOLOGIE ET OBJECTIFS
DE L’ÉTUDE
Il s’agit d’une étude qualitative explora-
toire réalisée par le CerPhi (Centre d’Etudes
et de Recherche sur la Philanthropie), à la
demande de notre groupe de travail. Cette
étude a été réalisée par téléphone début
2007, auprès de 30 coordinateurs sur 22
établissements en France métropolitaine.
L’objectif était d’explorer le vécu des équipes
hospitalières de prélèvements d’organes et
de tissus afin de :
• faire ressortir leurs difficultés éventuelles
de relation avec les familles de migrants en
vue d'un prélèvement d'organes ou de tissus,
• d’identifier les bonnes pratiques de
communication,
• et leurs attentes en matière d'information
et de formation.
Cette étude avait aussi pour objectif de
répertorier les causes des refus des familles
de migrants afin de faire émerger des pistes
pour améliorer la relation, la communication
des coordinateurs et l'accompagnement des
familles. En complément, un groupe de
discussion de 10 coordinateurs de la région
parisienne a été animé par l’institut KeruX
International.
RÉSULTATS DE L’ÉTUDE
Les résultats détaillés de cette recherche
ont été présentés à la Société Francophone
de Transplantation à Paris en décembre
2007 et aux coordinations réunies à
Strasbourg à l’AFCH en juin 2008 et publiés
dans différentes revues notamment dans
Uropractice, numéro de novembre 2008.
Les entretiens individuels et le groupe
ont confirmé que les coordinations hospita-
lières sont souvent démunies face aux refus
de dons d’organes par les familles de
migrants, refus que les coordinateurs et
coordinatrices doivent accepter sans
toujours les comprendre ou pouvoir les
discuter, d’où le double déficit d’une attente
prolongée pour les personnes en attente
d'une greffe et du sentiment des familles
d'avoir été incomprises bien qu'ayant pris
leur décision.
Retenons de cette recherche que :
• Les coordinateurs interrogés confirment
leurs difficultés de communiquer avec les
familles migrantes et le faible taux de don d’or-
ganes chez ces familles.
• Les coordinateurs (qui montrent tous une
forte implication dans une fonction difficile
mais voulue et choisie), insistent sur leurs diffi-
cultés en présence des familles en raison du
rapport permanent à la mort, de la douleur des
familles, de l’urgence, du stress du résultat et
de la frustration des refus que des considéra-
tions culturelles majorent.
• Le refus des familles du don d’organes,
migrantes ou non, semble s’opposer à la
conception positive du soignant concernant le
prélèvement, associé à des valeurs fortes de
vie, de progrès, de solidarité et de citoyenneté.
• Les coordinateurs sont, pour la plupart,
réticents à évoquer le cas des migrants comme
spécifique par crainte d’accentuer la différence
par rapport à l’universalité des soins et à la
laïcité de l’hôpital.
• Les motifs de refus des familles de migrants
semblent liés, pour les coordinateurs, à la
crainte du délabrement du corps, aux doutes
sur la réalité de la mort du proche et aussi à un
rapport problématique avec la société d’ac-
cueil.
• Les raisons de refus dites « culturelles »
apparaissent aux coordinateurs en lien avec la
religion, les croyances, les interdits ou les obli-
gations de chaque culture.
• Les refus appuyés sur des repères culturels
seraient particulièrement observés auprès de
populations migrantes restées fidèles à leur
culture d'origine et dans les communautés où
la norme religieuse règle la réflexion et l'action.
• Le choix de l'interlocuteur à privilégier pour
recueillir le consentement du don d’organe
semble lié au mode d’organisation familiale
(prééminences du père, du frère ou de l’oncle).
• Les coordinateurs constatent un déficit
important de sensibilisation en amont des
familles migrantes et des communautés à la
nécessité du don d’organe.
• Ces résultats ont donc confirmé la néces-
sité d’aider les coordinateurs à acquérir une «
posture transculturelle » pour mieux entrer en
relation, pour gérer leur éventuel malaise
devant les migrants et ce, pour éviter les
malentendus et les frustrations des familles et
celles des coordinateurs eux-mêmes.
Ce sont les objectifs qui ont été à la base
de la réalisation du kit de d’accompagnement
que nous allons vous présenter maintenant.
PROGRAMME
D’ACCOMPAGNEMENT
L’objectif du programme et de son
animation est de sensibiliser les soignants à la
démarche transculturelle, dans des réunions
ad hoc, en les faisant discuter de leur expé-
rience et de leur pratique chez les popula-
tions dites migrantes à partir de l’une et/ou
des deux séquences filmées du DVD « Le
frère venu d’ailleurs ».
Les bénéficiaires sont, en priorité, les
équipes de coordination hospitalière de
prélèvements d’organes et de tissus et par
extension tous les personnels soignants et/ou
sociaux concernés par le don d’organes.
Le module comprend notamment le film
« Le frère venu d’ailleurs, don d’organe et
communication », réalisé par Guy Lesoeurs
et le Docteur Taïeb Ferradji, un numéro
spécial de Métisse « Approche transculturelle
du don d’organe » AIEP, Juin 2008, l’ouvrage
« L’annonce transculturelle de la maladie »
de Guy Lesoeurs, Editions Téraèdre, 2007 et
le tout dernier ouvrage d’Isabelle Lévy «
Soins, Cultures et Croyances », Editions
ESTEM.
Avant de vous montrer un extrait du film,
il nous faut clarifier certains concepts notam-
ment ce que nous entendons par « démarche
transculturelle ».
LA POSTURE TRANSCULTURELLE
Selon le préfixe accolé à « culturel », intra
(à l’intérieur), inter (entre) et trans (au travers)
se définissent trois démarches qui correspon-
dent à une attitude et un comportement
conscient et actif du soignant et qui, étant de
difficulté croissante, demandent un appren-
tissage de plus en plus spécifique:
Démarche intra-culturelle : la famille du
donneur potentiel et le coordinateur appar-
tiennent à la même culture, mais le coordina-
teur tient compte des dimensions sociocultu-
relles dans l’échange.