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TOPIC
Janvier 2010
L’ASIE EN 2010
La Chine superpuissance, mais…
+10/11%
+7,5%
+5,5%
+4,6% +1,3%
+3,6% +4,4%
+4,3%
+4,6%
HK+2,4%
S+4,5%
La croissance asiatique en 2010
L’Asie émergente sort la tête haute de la récession mondiale de 2009, avec au moins trois
champions de la croissance, respectivement la Chine (+8,7%), l’Inde (+6,6%) et l’Indonésie
(+4,3%) et un redressement significatif des autres économies à la fin de 2009. 2010 devrait être
l’année d’une sérieuse consolidation positive, dans un monde asiatique où les cartes auront été
rebattues.
2
La crise permet à
la Chine
d’émerger comme
une très grande
puissance.
Le plan de relance
a eu un impact
essentiel sur
l’activité
économique
chinoise.
La montée en
puissance
commerciale de la
Chine…
CHINE
La Chine continue à battre tous les records. Une croissance de +8,7%
en 2009, sans doute proche de 11% en 2010. La Chine émerge comme une très
grande puissance, dont le PIB aura définitivement dépassé celui du Japon en
2010. Les autres performances sont à l’avenant. La Chine vient de devenir le
premier exportateur mondial devant l’Allemagne, premier marché automobile
mondial (13,6 millions de véhicules).
Le plan de relance massif a eu un impact essentiel. Ses effets devraient
se prolonger en 2010, puisque les sommes gigantesques (586 milliards de
dollars) annoncées par le gouvernement s’étalent sur deux ans. Le modus
operandi de ce plan passe principalement par le crédit bancaire et s’oriente en
priorité vers les infrastructures. Les investissements profitent des crédits
accordés à tout-va par les banques publiques et progressent de +47% en 2009.
Les entreprises publiques ont été les premières bénéficiaires de cette
générosité, suivi dans la deuxième partie de l’année par le secteur privé - en
particulier l’immobilier et construction. Cette injection soudaine de liquidités
est à l’origine de surcapacités dans certains secteurs comme l’acier et le
ciment. Mais rappelons qu’il s’agit là d’un trait de caractère constant : si
l’offre est généreuse, la demande suivra…
La consommation progresse, mais de +16% « seulement », stimulée
par les subventions et les bons d’achat accordés par les gouvernements locaux.
Le secteur automobile est euphorique et les constructeurs présents en Chine
ont vu les ventes de véhicules décoller de +63% en 2009, contre +17% par an
en moyenne de 2005 à 2008. Dans la dernière partie de 2009, les ventes ont
continué leur folle progression (+100% en novembre 2009 par rapport à
novembre 2008). Cela peut-il durer ?
Le commerce extérieur reste encore affaibli par la chute sévère des
exportations mondiales pour cause de récession, mais les chiffres sont
remontés au dernier trimestre 2009. Le surplus commercial a chuté à 6% du
PIB en 2009, contre 11% en 2007, et ne représente qu’un tiers de celui de
2008. Mais la machine à engranger des excédents (et des réserves de change
monstrueuses (2,39 milliards de dollars à la fin 2009) fonctionne encore très
bien. Les exportations ont diminué de -17% en 2009, tandis que les
importations progressent légèrement grâce à la reprise de la demande en
matières premières et en biens d’équipement – portée par la production
industrielle et l’explosion des investissements. En fait, c’est l’activité chinoise,
presque à elle seule, qui a soutenu le marché mondial des matières premières
en 2009.
Par l’effet des différences de vitesses relatives, la crise a accéléré la
montée en puissance commerciale de la Chine. L’Empire du Milieu devient en
2009 le premier exportateur mondial, se plaçant ainsi juste devant
l’Allemagne. Les exportations chinoises représentent en 2009 près de 10% des
exportations mondiales, contre 3% dix ans plus tôt. Le FMI projette d’ores et
déjà qu’elles grimperont à 12% du commerce mondial d’ici 2014. A titre de
comparaison, les exportations américaines et japonaises représentent
aujourd’hui respectivement 8% et 5% des exportations mondiales.
3
… exacerbe les
tensions
commerciales et
protectionnistes.
L’accord de libre-
échange Chine-
ASEAN devrait
aussi bénéficier au
commerce chinois.
L’abondance des
crédits, accordés
par les banques
publiques,
augmente les
risques de
surcapacités.
Mais la crise exacerbe les frictions commerciales et le protectionnisme.
En décembre 2009, l’America’s International Trade Commission a fixé de
nouveaux tarifs sur les importations chinoises de tubes d’acier (jusqu’alors
subventionnés). De façon similaire, les gouvernements de l’Union européenne
ont voté l’extension - pour encore quinze mois - des droits de douane anti-
dumping, cette fois-ci pour les chaussures chinoises. Avec la baisse de leurs
revenus et de leur pouvoir d’achat, les consommateurs mondiaux s’orientent
plus spontanément vers les produits moins chers, chinois. L’élimination des
quotas de textile chinois le 1er janvier 2009 a aussi permis à la Chine de gagner
des nouvelles parts de marché.
La critique la plus récurrente et persistante porte sur l’accrochage étroit
du yuan au dollar par les autorités chinoises, manière de subventionner leurs
exportations quand on connaît le bas niveau de la devise américaine. Mais
cette gestion de la parité du yuan décroche de plus en plus de la situation
économique réelle. Si le yuan était convertible librement, cette devise
s’apprécierait « naturellement » de 40% au bas mot. Ce serpent de mer
empoisonne les relations avec les Etats-Unis, mais la Chine se sait forte. Elle a
brutalement repoussé les demandes exprimées par Barack Obama à son dernier
voyage à Pékin, ce qui, dans cette forme arrogante, est sans précédent.
L’Europe, qui avait toujours fait preuve d’une grande retenue dans l’affaire du
yuan, commence à son tour à mettre sérieusement le sujet sur la table.
Le commerce chinois va pleinement profiter de l’entrée en vigueur, le
1er janvier 2010, d’un accord de libre-échange avec l’ASEAN. Cet accord
permet l’émergence du plus important marché de libre-échange au monde en
termes de population (1,9 milliards d’habitants), et à la troisième zone de libre-
échange mondiale en termes de valeur - derrière l’Union européenne et
l’ALENA. La Chine se frotte les mains : elle espère ainsi profiter d’un accès
privilégié aux ressources naturelles et aux consommateurs émergents de
l’ASEAN. Pour l’instant, six des dix membres de l’ASEAN ont supprimé leurs
tarifs, mais peuvent les maintenir dans une douzaine de secteurs « sensibles ».
Quatre autres pays signataires (Vietnam, Cambodge, Laos, Birmanie) ne
démantèleront leurs barrières douanières qu’à partir de 2015.
Pendant l’année 2009, le fameux plan de relance national a été
complété par d’autres mesures de soutien à la consommation comme la
réforme du système de santé (850 milliards de yuans d’investissements sur
trois ans) ou encore le lancement d’un programme de retraites rurales et de
sécurité sociale. Le plan devait être initialement financé par le gouvernement
central, les gouvernements locaux et provinciaux, et les banques. Mais dans les
faits, les banques (sur ordre) ont plus souvent mis la main à la poche que les
autorités. Rien que sur les neuf premiers mois de l’année 2009, 8,7 trillions de
yuans de nouveaux prêts ont été accordés. Le niveau des crédits attribués par
les banques chinoises était de 74% du PIB en 2008 et a grimpé en 2009 à 87%
du PIB ! Sans surprise, la majorité de ces prêts sont accordés aux entreprises
publiques, sans autres garanties que celles (implicites) des gouvernements
locaux. Combien d’entre eux se convertiront d’ici peu en créances douteuses ?
Les signaux d’alerte sont allumés : cette abondance de crédits profite
surtout aux entreprises publiques et aux gouvernements locaux - qui s’en
servent pour lever des fonds pour leurs investissements en infrastructures – et
augmente les risques de monstrueuses surcapacités. Les régulateurs chinois ont
4
La liberté
d’expression reste
une question
taboue, comme en
témoigne l’affaire
Google.
A Copenhague, la
Chine a joué
cavalier seul et a
sa part de
responsabilité
dans l’échec du
sommet.
L’assurance
chinoise est
nouvelle et
bouscule les
équilibres
traditionnels.
demandé aux banques de restreindre temporairement leurs attributions de
crédits. Le contrôle des masses financières incontrôlées est donc le nouveau
défi de 2010.
Sur le plan de la liberté d’expression, le passage des Jeux Olympiques
de 2008 n’a pas distendu les mailles du filet répressif, bien au contraire. En
témoigne l’affaire Google, dont les causes et les objectifs restent encore
opaques. Officiellement, Google aurait été la cible d’attaques de hackers sur
son service d’email Gmail (notamment dirigées vers les boîtes de militants
chinois des droits de l’homme) ainsi que de restrictions supplémentaires de la
liberté d’expression. Le géant des moteurs de recherche, Google, a annoncé en
janvier 2010 qu’il envisageait même de fermer son serveur chinois. Ceci est le
premier pas vers une fermeture pure et simple du service Google en Chine.
Est-ce une vraie décision ou une posture ?
En acceptant les conditions des autorités chinoises, notamment la
censure des résultats de recherche sur Internet, Google écornerait son image et
les principes qu’il affiche depuis sa création (libre-circulation et libre-accès à
l’information et au savoir). Google aurait donc plus à perdre qu’à gagner en
piétinant par son site google.cn sa philosophie libérale présente sur tous ses
autres sites. Les autorités chinoises, en position défensive, insinuent de
mauvaises raisons : Google n’aurait pas réussi commercialement à percer en
Chine face à Baidu.com et quelques autres. Mais l’argument est un peu court.
Google, entré en 2006 seulement, détient 36% de parts de marché en Chine
(bien sûr, c’est moins que les 75% en Europe et aux Etats-Unis). Mais surtout,
l’intelligentsia utilise Google de manière écrasante. L’affaire est sérieuse et
aura de multiples conséquences, car elle touche au cœur de manœuvres
massives de désinformation, et finalement des règles du jeu du système
mondial.
Au sommet de Copenhague sur le climat en décembre 2009, la Chine a
préféré jouer cavalier seul. Pour Pékin, les pays émergents ne sont pas
responsables du réchauffement climatique actuel, aucun objectif chiffré ne doit
leur être imposé au risque de nuire à leur développement économique. Et nulle
autorité supranationale ne serait censée contrôler les émissions desdits pays
(sous-entendu : la Chine). En revanche, la Chine se dit prête à faire des efforts
et plaide en faveur de généreux transferts de technologies entre pays
développés et pays en développement pour améliorer leur efficacité
énergétique, bien entendu gratuits dans le sens des pays développés vers les
pays émergents. Les multiples délégués chinois au sommet ont
systématiquement fait le forcing dans tous les groupes de travail, petits ou
grands, en se proclamant même un temps leaders du tiers-monde en général et
de l’Afrique en particulier. Le sommet sur le climat a avorté, comme on le sait.
Les Etats-Unis y ont leur part de responsabilité, mais au moins aussi la Chine.
La nouvelle donne en 2010 n’est pas tant économique que politique.
L’assurance chinoise dans tous les domaines de la vie internationale est
nouvelle. La Chine n’hésite plus à affirmer brutalement sa manière particulière
de voir les choses et de poursuivre ses intérêts avec de moins en moins de
nuances. Nous devons nous préparer à une mer plus agitée, avec en tête la
remarque de Chris Patten, « The only thing that you would fear more than a
successful China is an unsuccessful China ».
5
L’économie
nippone a
beaucoup souffert
de la crise, mais la
fin 2009 est un peu
moins amère.
La situation
économique ne fait
qu’accentuer
davantage
l’endettement
public…
… et le nouveau
gouvernement est
confronté à une
sourde crise
sociétale.
JAPON
Les résultats de l’économie japonaise pour 2009 sont sévères. Le PIB
régresse à -5,2% (après -0,7% en 2008). La production industrielle régresse de
-23,6%. Les exportations chutent lourdement de -26,4%. Le surendettement du
pays continue à progresser, avec un déficit budgétaire de 9,4% du PIB et une
dette publique qui bat un record absolu : 212% du PIB (on a bien lu) ! Le
chômage reste élevé (aux standards locaux) : 5,3%.
Mais la fin 2009 est un peu moins amère, avec un léger redressement
des indicateurs. Les exportations nippones reprennent doucement sous l’effet
conjugué de la reprise de la demande extérieure, surtout vers l’Asie et en
particulier vers la Chine, et de la baisse du Yen. La balance courante reste
légèrement positive – mais d’un tiers seulement de l’excédent de 2007. La
production industrielle se ressaisit, portée par l’activité extérieure et par les
subventions à la consommation (produits électriques et voitures à basse
consommation énergétique et eco-friendly).
Voici la situation dont hérite Yukio Hatoyama, tout frais Premier
Ministre japonais depuis le 16 septembre 2009, et premier vainqueur
d’opposition depuis… que son grand père Ichirô (premier ministre de 1954 à
1956) a contribué à la création, en 1955 du Parti Jimintô, constamment au
pouvoir depuis.
M. Hatoyama n’a pas beaucoup de marge de manœuvre, à part peut-
être un éphémère état de grâce. Comme ses prédécesseurs, il reprend la vieille
antienne des plans de relance, avec l’équivalent de 30 milliards de dollars de
nouveau injectés en décembre. Mais ce n’est que 10% des sommes déjà
engagées par son prédécesseur dans l’année écoulée pour irriguer les secteurs
les plus touchés par la crise financière de 2008 (automobile, électronique,
environnement, construction etc.). Et on sait depuis les calamiteuses années 90
que l’on ne peut pas en attendre grand-chose, à part une progression de
l’endettement.
Par delà les mauvais chiffres économiques, c’est à une sourde crise
sociétale que le nouveau premier ministre doit s’atteler. Il a d’ailleurs été élu
pour cela, sur un programme social étoffé. Depuis plusieurs années les emplois
précaires et la pauvreté sont en forte hausse. Dans une étude publiée en
octobre 2009, le Ministry of Wealth, Labor and Welfare a reconnu que 15,7%
de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2006 (selon les critères
définis par l’OCDE pour chaque pays). La question des dépenses sociales est
d’autant plus aigüe que le vieillissement de la population s’accélère. Pire : la
population japonaise globale a atteint son pic et commence à décroître
inéluctablement. Peut-être baissera-t-elle de moitié d’ici à la fin du siècle.
Pour faire face à toutes ces questions de fond, il faudrait un
gouvernement fort et compétent. Or, c’est tout le contraire. L’équipe
Hatoyama est constituée d’amateurs – aucun n’a d’expérience ministérielle
antérieure, à commencer par le premier d’entre eux – et de surcroît se défie des
technocrates compétents qui savent faire fonctionner la machine. Il en résulte
un flottement permanent, très dommageable à la prise de décisions.
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